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22/09/2022 | CJUE | N°C-375/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Sdruzhenie „Za Zemyata – dostap do pravosadie“ e.a. contre Izpalnitelen director na Izpalnitelna agentsia po okolna sreda et „TETS Maritsa iztok 2“ EAD., 22/09/2022, C-375/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 22 septembre 2022 ( 1 )

Affaire C‑375/21

Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie » e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2010/75/UE – Émissions industrielles – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Fixation de valeurs limites d’émission moins strictes – Respect de normes de qualit

environnementale – Obligations de l’autorité compétente – Directive 2008/50/CE – Qualité de l’air ambiant – Valeurs limites de quali...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 22 septembre 2022 ( 1 )

Affaire C‑375/21

Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie » e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2010/75/UE – Émissions industrielles – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Fixation de valeurs limites d’émission moins strictes – Respect de normes de qualité environnementale – Obligations de l’autorité compétente – Directive 2008/50/CE – Qualité de l’air ambiant – Valeurs limites de qualité de l’air pour la protection de la santé humaine – Dépassement – Plan relatif à la qualité de l’air »

I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle concerne la relation entre deux types différents de valeurs limites et entre les directives dont découlent ces valeurs limites. En vertu de la directive 2010/75/UE ( 2 ), des valeurs limites d’émission sont fixées pour les installations industrielles. Parallèlement, la directive 2008/50/CE ( 3 ) prévoit des valeurs limites relatives à la qualité de l’air. Ces deux réglementations visent à assurer un niveau élevé de protection de l’environnement en
matière de qualité de l’air, mais produisent leurs effets à des niveaux différents. Les valeurs limites d’émission fixées par la directive relative aux émissions industrielles s’appliquent directement à une source de polluants atmosphériques, pour ainsi dire à la cheminée. En revanche, les valeurs limites relatives à la qualité de l’air fixées par la directive sur la qualité de l’air ambiant ont pour objet le bilan global de toutes les sources de polluants atmosphériques dans l’air ambiant,
c’est-à-dire l’air que nous respirons. Il est néanmoins évident que ces deux réglementations doivent être appliquées de façon harmonieuse.

2. Le litige au principal a pour origine la mise à jour de l’autorisation existante d’une centrale thermique fonctionnant au lignite, en application de la directive relative aux émissions industrielles. Au motif que le respect des valeurs limites pour les rejets de dioxyde de soufre (ou anhydride sulfureux), qui sont en tant que telles applicables en vertu de cette directive, entraînerait une hausse des coûts disproportionnée, des valeurs limites d’émission moins strictes ont été fixées, comme
l’autorise, en principe, une disposition dérogatoire de ladite directive.

3. Cependant, dans la zone d’influence de cette centrale, les valeurs limites de qualité de l’air fixées pour l’anhydride sulfureux par la directive sur la qualité de l’air ambiant sont dépassées et un plan relatif à la qualité de l’air adopté pour cette raison et visant à atteindre ces valeurs limites prévoit des exigences plus strictes pour les émissions de ladite centrale, lesquelles n’ont pas été respectées lors de la mise à jour de l’autorisation.

4. Il y a donc lieu de déterminer si une dérogation aux valeurs limites d’émission normalement applicables en vertu de la directive relative aux émissions industrielles peut être accordée bien que les valeurs limites relatives à la qualité de l’air prévues par la directive sur la qualité de l’air ambiant pour le polluant concerné ne soient pas respectées et que les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des exigences plus strictes. Les questions préjudicielles cherchent en outre à savoir
s’il ne faudrait pas éventuellement, dans une telle situation, fixer des exigences encore plus sévères que les valeurs limites d’émission normalement applicables en vertu de la directive relative aux émissions industrielles. Sur ces deux points, nous verrons que le plan relatif à la qualité de l’air prévu par la directive sur la qualité de l’air ambiant constitue l’instrument déterminant permettant d’harmoniser l’application de ces deux directives.

II. Le cadre juridique

A.   La directive relative aux émissions industrielles

5. Le considérant 16 de la directive relative aux émissions industrielles contient des explications sur la possibilité de fixer des valeurs limites d’émission moins strictes :

« Afin de tenir compte de certaines circonstances particulières, lorsque les coûts de l’application de niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles seraient disproportionnés par rapport aux avantages pour l’environnement, il convient que les autorités compétentes puissent fixer des valeurs limites d’émission s’écartant de ces niveaux. Il convient que ces écarts s’appuient sur une évaluation qui tienne compte de critères bien définis. Les valeurs limites d’émission fixées par
la présente directive ne devraient pas être dépassées. En tout état de cause, il y a lieu de ne provoquer aucune pollution importante et de parvenir à un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble. »

6. L’article 3 de la directive relative aux émissions industrielles définit différentes notions :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2. “pollution” : l’introduction directe ou indirecte, par l’activité humaine, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l’environnement, d’entraîner des détériorations des biens matériels, une détérioration ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de ce dernier ;

[...]

6. “norme de qualité environnementale” : la série d’exigences devant être satisfaites à un moment donné par un environnement donné ou une partie spécifique de celui-ci, telles que spécifiées dans le droit de l’Union ;

[...] »

7. L’article 13 de la directive relative aux émissions industrielles prévoit que la Commission européenne, conjointement avec des représentants des États membres, des secteurs industriels concernés et des organisations non gouvernementales œuvrant pour la protection de l’environnement, présente les meilleures techniques disponibles (MTD) dans les documents de référence MTD et les conclusions sur les MTD et met régulièrement à jour ces documents. L’installation industrielle litigieuse, une centrale
alimentée au lignite, relève de la décision d’exécution (UE) 2017/1442 ( 4 ).

8. Les exigences de base applicables aux autorisations découlent de l’article 14, paragraphe 1, de la directive relative aux émissions industrielles :

« Les États membres s’assurent que l’autorisation prévoit toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect des articles 11 et 18.

[...] »

9. En vertu de l’article 14 et de l’annexe II de la directive relative aux émissions industrielles, l’autorisation d’une installation doit fixer des valeurs limites d’émission, notamment pour l’anhydride sulfureux.

10. L’article 15, paragraphes 3 et 4, de la directive relative aux émissions industrielles contient les règles pertinentes en l’espèce en ce qui concerne la fixation de valeurs limites d’émission :

« (3)   L’autorité compétente fixe des valeurs limites d’émission garantissant que les émissions, dans des conditions d’exploitation normales, n’excèdent pas les niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles telles que décrites dans les décisions concernant les conclusions sur les MTD visées à l’article 13, paragraphe 5 :

a) soit en fixant des valeurs limites d’émission qui n’excèdent pas les niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles. Ces valeurs limites d’émission sont exprimées pour les mêmes périodes, ou pour des périodes plus courtes, et pour les mêmes conditions de référence que lesdits niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles ;

b) soit en fixant des valeurs limites d’émission différentes de celles visées au point a) en termes de valeurs, de périodes et de conditions de référence.

En cas d’application du point b), l’autorité compétente évalue, au moins une fois par an, les résultats de la surveillance des émissions afin de garantir que les émissions, dans des conditions d’exploitation normales, n’ont pas excédé les niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles.

4.   Par dérogation au paragraphe 3 et sans préjudice de l’article 18, l’autorité compétente peut, dans des cas particuliers, fixer des valeurs limites d’émission moins strictes. Une telle dérogation ne s’applique que si une évaluation montre que l’obtention des niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles, conformément aux indications figurant dans les conclusions sur les MTD, entraînerait une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l’environnement,
en raison :

a) de l’implantation géographique de l’installation concernée ou des conditions locales de l’environnement ; ou

b) des caractéristiques techniques de l’installation concernée.

L’autorité compétente fournit, en annexe aux conditions d’autorisation, les raisons de l’application du premier alinéa, y compris le résultat de l’évaluation et la justification des conditions imposées.

Les valeurs limites d’émission établies en vertu du premier alinéa n’excèdent toutefois pas les valeurs limites d’émission fixées dans les annexes de la présente directive, suivant le cas.

En tout état de cause, l’autorité compétente veille à ce qu’aucune pollution importante ne soit provoquée et que soit atteint un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.

[...] »

11. L’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles prévoit des obligations supplémentaires de respect des normes de qualité environnementale :

« Si une norme de qualité environnementale requiert des conditions plus sévères que celles pouvant être atteintes par l’utilisation des meilleures techniques disponibles, des mesures supplémentaires sont ajoutées dans l’autorisation, sans préjudice d’autres mesures pouvant être prises pour respecter les normes de qualité environnementale. »

B.   La directive sur la qualité de l’air ambiant

12. Les deux premiers considérants de la directive sur la qualité de l’air ambiant décrivent ses objectifs transversaux :

« (1) Le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement [...] établit la nécessité de réduire la pollution à des niveaux qui en minimisent les effets nocifs sur la santé humaine – en accordant une attention particulière aux populations sensibles – et sur l’environnement dans son ensemble, d’améliorer la surveillance et l’évaluation de la qualité de l’air, y compris en ce qui concerne les retombées de polluants, et de fournir des informations au public.

(2) Afin de protéger la santé humaine et l’environnement dans son ensemble, il est particulièrement important de lutter contre les émissions de polluants à la source, ainsi que de définir et de mettre en œuvre les mesures de réduction les plus efficaces aux niveaux local, national et communautaire. Il convient dès lors d’éviter, de prévenir ou de réduire les émissions de polluants atmosphériques nocifs, et de définir des objectifs appropriés en matière de qualité de l’air ambiant en tenant
compte des normes, des orientations et des programmes de l’Organisation mondiale de la santé. »

13. Le considérant 18 de la directive sur la qualité de l’air ambiant évoque l’articulation de ce texte avec d’autres directives :

« [...] Il convient également de prendre dûment en considération les objectifs de qualité de l’air ambiant prévus par la présente directive, lorsque des autorisations sont accordées à des activités industrielles conformément à la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution [ ( 5 )]. »

14. En vertu de l’article 81, paragraphe 3, de la directive relative aux émissions industrielles, les références à la directive 2008/1 s’entendent comme faites à la directive relative aux émissions industrielles, celle-ci ayant notamment procédé, conformément à son considérant 1, à la refonte de la directive 2008/1.

15. L’article 1er, point 1, de la directive sur la qualité de l’air ambiant énonce la finalité essentielle de celle-ci :

« La présente directive établit des mesures visant :

1. à définir et à fixer des objectifs concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble ;

2. [...] »

16. L’article 2, point 5, de la directive sur la qualité de l’air ambiant définit la notion de « valeur limite » comme un « niveau fixé sur la base des connaissances scientifiques, dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l’environnement dans son ensemble, à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser une fois atteint ».

17. L’article 13, paragraphe 1, de la directive sur la qualité de l’air ambiant impose le respect de différentes valeurs limites relatives à la qualité de l’air :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI.

En ce qui concerne le dioxyde d’azote et le benzène, les valeurs limites indiquées à l’annexe XI ne peuvent pas être dépassées à partir des dates indiquées à ladite annexe.

Le respect de ces exigences est évalué conformément à l’annexe III.

[...] »

18. En vertu de l’annexe XI, section B, pour l’anhydride sulfureux, la valeur limite horaire de 350 μg/m3 ne doit pas être dépassée plus de 24 fois par année civile et la valeur limite journalière de 125 μg/m3 ne doit pas être dépassée plus de trois fois par année civile. Ces valeurs limites de qualité de l’air sont applicables en République de Bulgarie, en vertu de la directive 1999/30 ( 6 ), depuis l’adhésion de cet État membre à l’Union européenne le 1er janvier 2007 ( 7 ).

19. L’article 23, paragraphe 1, de la directive sur la qualité de l’air ambiant prévoit que, en cas de dépassement des valeurs limites de qualité de l’air dans certaines zones ou agglomérations, des plans relatifs à la qualité de l’air doivent être établis afin d’atteindre la valeur limite.

« Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l’air ambiant dépassent toute valeur limite ou toute valeur cible, majorée dans chaque cas de toute marge de dépassement, les États membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l’air soient établis pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante indiquée aux annexes XI et XIV.

En cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu pour leur application, les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. [...]

Ces plans relatifs à la qualité de l’air contiennent au moins les informations énumérées à l’annexe XV, section A [...] Ils sont transmis à la Commission sans délai, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.

[...] »

20. En outre, l’article 19 de la directive sur la qualité de l’air ambiant prévoit que le public est informé du dépassement d’un seuil d’alerte. Le seuil d’alerte de l’anhydride sulfureux est, conformément à l’annexe XII, section A, de 500 μg/m3, mesuré sur trois heures consécutives. L’article 24 prévoit que, en cas de dépassement du seuil d’alerte de l’anhydride sulfureux, les États membres prennent, outre les mesures d’avertissement, des mesures de protection à court terme.

III. Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles

21. La centrale thermique Maritsa-iztok 2 EAD est la plus grande des quatre centrales thermiques du complexe de Maritsa-iztok, situé en Bulgarie, avec une puissance installée totale de 1602 MW. Elle a été construite sur le territoire de la commune de Radnevo, à environ 24,5 km à vol d’oiseau de la ville de Galabovo et elle est constituée de huit générateurs équipés d’installations d’épuration du soufre.

22. L’installation de combustion de la centrale Maritsa-iztok 2 utilise des lignites locaux, qui se distinguent par un taux élevé de soufre et de résidus, ainsi qu’un faible pouvoir calorifique. Les chaudières de la centrale ont été conçues uniquement pour brûler des lignites locaux, et ne peuvent par conséquent brûler aucun autre type de combustible. Les limitations techniques des équipements empêchent notamment la structure métallique des chaudières de supporter des extensions de chaleur
linéaires, qui se formeraient en cas d’utilisation d’un combustible ayant un pouvoir calorifique plus élevé, avec des taux de soufre et de résidus inférieurs, c’est-à-dire d’utiliser un autre type de combustible.

23. La centrale est considérée comme l’une des principales sources de pollution industrielle sur le territoire de la commune de Galabovo. On y enregistre régulièrement des dépassements des valeurs horaires et journalières moyennes de dioxyde de soufre au-dessus du seuil d’alerte de 500 μg/m3.

24. Tout récemment, la Cour a donc également constaté que, depuis 2007, dans la zone BG0006 (sud-est de la Bulgarie), où se trouvent la commune de Galabovo et la centrale Maritsa-iztok 2 ( 8 ), la République de Bulgarie avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13 et 23 de la directive sur la qualité de l’air ambiant en raison du dépassement des valeurs limites de qualité de l’air pour l’anhydride sulfureux et de l’insuffisance des plans relatifs à la qualité de l’air ( 9
).

25. Le conseil municipal de Galabovo a adopté, le 30 novembre 2018, en application de l’article 23 de la directive sur la qualité de l’air ambiant, un plan visant à réduire les niveaux de polluants et à atteindre les valeurs limites fixées pour le dioxyde de soufre sur la période 2019 à 2023 ( 10 ). Ce plan mentionnait, en tant que principales sources de pollution au dioxyde de soufre, les quatre centrales thermiques de la zone concernée, dont la centrale Maritsa-iztok 2, ainsi que le chauffage
domestique.

26. Ledit plan prévoit notamment la mesure suivante de réduction de la pollution au dioxyde de soufre : « Mise en œuvre de projets de reconstruction des installations de désulfurisation pour atteindre un niveau minimal de désulfurisation de 98 % et interdiction du fonctionnement de chaudières sans installations de désulfurisation performantes ou en état de non‑fonctionnement » ( 11 ).

27. Par décision du 21 décembre 2018, le directeur exécutif de l’Izpalnitelna agentsia po okolna sreda (agence exécutive chargée de l’environnement, ci-après l’« IAOS ») a actualisé l’autorisation intégrée de la centrale thermique Maritsa‑iztok 2. Cette décision a été adoptée sur le fondement de la législation bulgare de transposition de la directive relative aux émissions industrielles en combinaison avec la décision d’exécution 2017/1442.

28. Par cette décision du 21 décembre 2018, ce directeur exécutif a notamment fixé un taux minimal d’épuration de soufre de 97 % pour les installations d’épuration de soufre 1/2 ; 3/4 ; 7 et 8, ce qui correspond à des émissions de SOX (oxyde de soufre) de 570 mg/Nm3, ainsi qu’un taux minimal d’épuration de soufre de 97,5 % pour les installations d’épuration de soufre 5/6. Cependant, pour atteindre la valeur limite d’émission de 320 mg/Nm3 normalement prévue pour les SOx, il faudrait appliquer un
taux d’épuration de soufre de 98,32 %.

29. Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie » (Association « Pour la Terre – Accès à la justice », Sofia, Bulgarie) a introduit un recours contre cette décision devant l’Administrativen sad Stara Zagora (tribunal administratif de Stara Zagora, Bulgarie), qui l’a rejeté par un jugement du 28 août 2020. Le tribunal administratif a en particulier refusé d’examiner et d’apprécier l’importance du plan relatif à la qualité de l’air de la commune de Galabovo.

30. La juridiction de première instance a notamment constaté qu’un taux d’épuration du soufre de 98,32 % engendrerait des coûts d’un montant de 312200000 leva (BGN) (environ 156000000 euros). En revanche, un taux d’épuration du soufre de 97 % entraîne des coûts de 40000000 BGN (environ 20000000 euros) sur une période d’exploitation de douze ans.

31. Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie », The Green Tank – grazhdansko sdruzhenie s nestopanska tsel (The Green Tank – association sans but lucratif, Grèce), et NS (Grèce) ont interjeté appel de ce jugement.

32. Le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie) a donc saisi la Cour des questions suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu conjointement avec l’article 18 de la directive [2010/75] et les articles 13 et 23 de la directive [2008/50], en ce sens que, lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75, l’autorité compétente doit évaluer si l’octroi d’une dérogation est susceptible de compromettre le respect des normes de qualité environnementale en prenant en considération toutes les données
scientifiques pertinentes relatives à la pollution, y compris les mesures prévues dans le plan d’amélioration de la qualité de l’air ambiant d’une zone ou agglomération donnée élaboré conformément à l’article 23 de la directive 2008/50 ?

2) Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu conjointement avec l’article 18 de la directive 2010/75 et les articles 13 et 23 de la directive 2008/50, en ce sens que, lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75, l’autorité compétente doit s’abstenir de fixer des valeurs limites moins strictes d’émissions de polluants dans l’air émanant d’une installation, si cette dérogation serait contraire aux mesures prévues
dans le plan d’amélioration de la qualité de l’air ambiant d’une zone ou agglomération donnée élaboré conformément à l’article 23 de la directive 2008/50, et pourrait compromettre l’objectif de réduire autant que possible la durée des dépassements des normes de qualité de l’air ?

3) Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu conjointement avec l’article 18 de la directive 2010/75 et l’article 13 de la directive 2008/50, en ce sens que, lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75, l’autorité compétente doit apprécier, en prenant en considération toutes les données scientifiques pertinentes relatives à la pollution, y compris l’effet cumulé avec celui d’autres sources du polluant en cause,
si le fait de fixer des valeurs limites d’émissions de polluants de l’air émanant d’une installation moins strictes contribuerait à dépasser les normes de qualité de l’air applicables, définies conformément à l’article 13 de la directive 2008/50 dans une zone ou une agglomération donnée, et, à supposer qu’il en soit ainsi, si elle doit s’abstenir d’accorder une dérogation qui compromettrait le respect des normes de qualité environnementale ? »

33. L’association requérante, Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie », l’exploitant de la centrale, TETS Maritsa-iztok 2 EAD, les gouvernements bulgare et italien ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites. Il n’y a pas eu d’audience, la Cour ayant estimé qu’elle était suffisamment informée.

IV. Analyse juridique

34. La demande de décision préjudicielle vise à déterminer l’articulation des dispositions régissant l’autorisation des installations industrielles prévues par la directive relative aux émissions industrielles et des exigences en matière de qualité de l’air prévues par la directive sur la qualité de l’air ambiant.

35. L’article 13 et l’annexe XI de la directive sur la qualité de l’air ambiant fixent des valeurs limites pour certains polluants dans l’air ambiant (valeurs limites relatives à la qualité de l’air). Elles s’appliquent à la quantité de polluants présents dans l’air ambiant et la concentration de ces polluants fait donc l’objet de mesures effectuées par l’intermédiaire de points de prélèvement situés dans certains endroits représentatifs sur le plan de la pollution ( 12 ).

36. La demande de décision préjudicielle mentionne certes également le mercure, un polluant relevant de la directive 2004/107/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, concernant l’arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et les hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l’air ambiant ( 13 ), mais l’Union n’a jusqu’à présent fixé aucune limite de qualité de l’air spécifique pour la concentration de cette substance dans l’air ambiant. Les émissions de mercure de la centrale
litigieuse sont donc sans pertinence pour la demande de décision préjudicielle.

37. En revanche, à l’article 13 et à l’annexe XI de la directive sur la qualité de l’air ambiant, le législateur de l’Union a fixé des valeurs limites de qualité de l’air pour l’anhydride sulfureux, lesquelles, selon la demande de décision préjudicielle, sont dépassées dans la zone d’influence de la centrale Maritsa-iztok 2, c’est-à-dire dans la zone où ses émissions sont perceptibles, notamment dans la commune de Galabovo. La Cour l’a également récemment constaté ( 14 ). Il s’agit, semble-t-il, de
la seule zone de l’Union dans laquelle les valeurs limites de qualité de l’air pour l’anhydride sulfureux sont dépassées ( 15 ).

38. La commune de Galabovo a donc adopté un plan relatif à la qualité de l’air qui prévoit notamment que la centrale Maritsa-iztok 2 doit atteindre un taux de désulfurisation de 98 %.

39. La fixation concrète de valeurs limites d’émission applicables à une installation telle que la centrale en question est fondée sur la directive relative aux émissions industrielles, en particulier l’article 15 de celle-ci. Les valeurs limites d’émission diffèrent par leur nature des valeurs limites relatives à la qualité de l’air. Elles concernent la quantité de polluants rejetés par une installation pendant un certain laps de temps et sont mesurées au point de rejet ou d’émission. Les polluants
rejetés se dispersent ensuite dans l’air ambiant et apparaissent ainsi dans les valeurs mesurées dans les points de prélèvement en application de la directive sur la qualité de l’air ambiant.

40. Conformément à l’article 15, paragraphe 3, de la directive relative aux émissions industrielles, les valeurs limites d’émission d’une installation doivent, en principe, être conformes aux meilleures techniques disponibles, mais si ces limites devaient entraîner une hausse des coûts disproportionnée, l’article 15, paragraphe 4, de cette directive permet de fixer des valeurs limites moins strictes.

41. Selon la demande de décision préjudicielle, pour fixer les valeurs limites d’émission d’anhydride sulfureux dans l’autorisation litigieuse concernant la centrale Maritsa-iztok 2, l’autorité compétente s’est fondée sur cette dérogation. Elle a donc fixé un taux minimal d’épuration de soufre de 97 % pour certaines installations d’épuration de soufre de cette centrale et un taux minimal d’épuration de 97,5 % pour d’autres installations. Une augmentation du taux d’épuration de soufre à 98 %, comme
prévu par le plan relatif à la qualité de l’air, réduirait les émissions de dioxyde de soufre d’un tiers ou d’un cinquième. Selon la demande de décision préjudicielle, pour atteindre la valeur limite d’émission des meilleures techniques disponibles, une désulfurisation plus importante, d’un taux de 98,32 %, serait même nécessaire.

42. Cependant, indépendamment de la question de l’octroi d’une dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles, l’article 18 de cette directive prescrit des mesures supplémentaires par rapport à celles requises par l’utilisation des meilleures techniques disponibles lorsque des conditions plus sévères sont nécessaires pour respecter une norme de qualité environnementale.

43. C’est dans ce contexte que le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) souhaite savoir, par ses trois questions, si l’application de la dérogation prévue à l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles dans l’autorisation litigieuse est d’emblée exclue en raison du dépassement des valeurs limites de qualité de l’air applicables à l’anhydride sulfureux en vertu de la directive sur la qualité de l’air ambiant (première et troisième questions
préjudicielles) ou, à tout le moins, en raison du plan relatif à la qualité de l’air (deuxième question préjudicielle).

44. Il ne nous semble toutefois pas pertinent de traiter les questions préjudicielles telles qu’elles ont été posées. Nous préférons examiner, dans la suite des présentes conclusions, à la lumière des valeurs limites de qualité de l’air et du plan relatif à la qualité de l’air, dans un premier temps, les conditions d’une dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles (section A) puis, dans un second temps, pour compléter, les exigences
découlant de l’article 18 de cette directive (section B).

A.   L’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles

1. Le contexte normatif de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles

45. En vertu de l’article 15, paragraphe 3, de la directive relative aux émissions industrielles, des valeurs limites d’émission doivent être fixées pour les installations industrielles, garantissant que les émissions ne dépassent pas les niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles, telles que décrites dans les décisions concernant les conclusions sur les MTD.

46. Par dérogation à l’article 15, paragraphe 3, de la directive relative aux émissions industrielles, l’article 15, paragraphe 4, premier alinéa, première phrase, de celle-ci autorise l’autorité compétente à fixer, dans des cas particuliers, des valeurs limites d’émission moins strictes. Cette faculté est sans préjudice de l’article 18, qui sera examiné ultérieurement ( 16 ).

47. L’article 15, paragraphe 4, premier alinéa, seconde phrase, de la directive relative aux émissions industrielles précise que la dérogation au sens de la première phrase ne s’applique que si une évaluation montre que l’obtention des niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles entraînerait, pour certaines raisons, une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l’environnement. Ces raisons tiennent nécessairement à l’implantation géographique de
l’installation concernée ou aux conditions locales de l’environnement ou bien aux caractéristiques techniques de cette installation.

48. Cette dérogation ne peut donc être octroyée qu’après une mise en balance des éléments pertinents.

49. L’article 15, paragraphe 4, troisième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles limite la possibilité de fixer des valeurs limites d’émission plus élevées en prévoyant qu’elles n’excèdent toutefois pas les valeurs limites d’émission fixées dans les annexes de cette directive, suivant le cas.

50. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’application de ces conditions ne soulève aucune question dans l’affaire au principal.

2. L’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles – absence de pollution importante

51. L’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles prévoit cependant une condition supplémentaire qui pourrait faire obstacle, dans l’affaire au principal, à l’octroi d’une dérogation. Selon cette disposition, en tout état de cause, l’autorité compétente veille à ce qu’aucune pollution importante ne soit provoquée et que soit atteint un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble. De même, la dernière phrase du considérant 16 de
cette directive indique qu’il y a lieu en tout état de cause de ne provoquer aucune pollution importante ( 17 ) et de parvenir à un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.

52. La dérogation prévue à l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles n’a donc pas vocation à s’appliquer dans tous les cas où le respect des valeurs limites générales d’émission entraîne des coûts particulièrement élevés. Au contraire, cette dérogation ne doit s’appliquer que si des valeurs limites d’émission moins strictes n’entraînent pas de pollution importante et que, malgré la dérogation, un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble
est atteint.

53. L’article 3, point 2, de la directive relative aux émissions industrielles définit la « pollution » comme l’introduction directe ou indirecte de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l’environnement, d’entraîner des détériorations des biens matériels, une détérioration ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de ce dernier.

54. Selon cette disposition, toute introduction d’anhydride sulfureux dans l’air constitue une pollution. En effet, le législateur de l’Union a fixé les valeurs limites de qualité de l’air pour l’anhydride sulfureux, conformément à l’intitulé de l’annexe XI de la directive sur la qualité de l’air ambiant, pour la protection de la santé humaine. Elles montrent donc que le rejet d’anhydride sulfureux est susceptible de nuire à la santé de l’homme ou à la qualité de l’environnement ( 18 ).

55. Cependant, la directive relative aux émissions industrielles ne définit pas le stade auquel une pollution doit être considérée comme importante. Elle ne précise pas davantage ce qu’il convient d’entendre par un « niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble ». Il n’est cependant pas nécessaire, dans la présente affaire, de clarifier parfaitement le sens de ces notions.

56. En effet, il ressort de la demande de décision préjudicielle et d’un arrêt récent de la Cour ( 19 ) que les valeurs limites de qualité de l’air prévues par la directive sur la qualité de l’air ambiant pour l’anhydride sulfureux doivent être considérées comme dépassées dans la zone d’influence de la centrale concernée. Selon le considérant 18 de cette directive, les objectifs de qualité de l’air ambiant qu’elle prévoit sont dûment pris en considération lors de l’autorisation d’activités
industrielles au titre de la directive relative aux émissions industrielles.

57. Comme nous l’avons rappelé, le législateur de l’Union a adopté les valeurs limites relatives à la qualité de l’air dans le but de protéger la santé humaine, et l’obligation de les respecter s’applique sur l’ensemble du territoire des États membres ( 20 ) de manière permanente et sans exception ( 21 ). À la différence des autres polluants, s’agissant de l’anhydride sulfureux, cette directive ne prévoit même pas la possibilité d’une prorogation en ce qui concerne la date à laquelle les valeurs
limites relatives à la qualité de l’air doivent être respectées. Dès lors, le dépassement des valeurs limites de qualité de l’air pour l’anhydride sulfureux ne saurait être considéré comme une pollution négligeable, il s’agit au contraire nécessairement d’une pollution importante.

58. Parallèlement, les valeurs limites de qualité de l’air fixées par le législateur de l’Union lui ont permis de définir ce que recouvre la notion de niveau élevé de protection de l’environnement par rapport à la proportion des polluants concernés dans l’air ambiant.

59. La disposition dérogatoire de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles ne saurait justifier le dépassement de valeurs limites relatives à la qualité de l’air et exclure ainsi la reconnaissance de l’importance de la pollution. En effet, la simple lecture de son libellé confirme que cette disposition permet uniquement de déroger aux valeurs limites d’émission normalement applicables aux installations industrielles en vertu de cette directive. La mise en
balance entre les coûts liés au respect de ces valeurs limites et les avantages pour l’environnement prévue par ladite disposition vise simplement les coûts devant être supportés par l’installation concernée. Nous verrons plus loin qu’une dérogation aux valeurs limites relatives à la qualité de l’air motivée par des intérêts supérieurs ne peut en revanche être justifiée – dans des limites très strictes et de façon provisoire – que dans le cadre de la directive sur la qualité de l’air ambiant, et
ce sur la base de plans relatifs à la qualité de l’air ( 22 ).

3. L’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles – le fait de provoquer une pollution importante

60. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’application de la dérogation litigieuse ne serait pas la seule cause du dépassement des valeurs limites de qualité de l’air pour l’anhydride sulfureux. Au contraire, ce dépassement a pour origine les émissions de quatre centrales différentes ajoutées à celles issues du chauffage domestique. Ce dernier représente même, selon le plan relatif à la qualité de l’air de la commune de Galabovo, entre 10,1 % et 79 % des concentrations horaires
moyennes de dioxyde de soufre dans les différentes localités de la commune ( 23 ).

61. On pourrait donc douter que le fait d’octroyer une dérogation pour une seule de ces sources de polluant provoque une pollution importante, au sens de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles.

62. Cependant, en vertu de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles, l’autorité compétente doit, en tout état de cause, veiller à ce qu’aucune pollution importante ne soit provoquée, c’est‑à-dire à ce que les valeurs limites relatives à la qualité de l’air ne soient pas dépassées du fait de la dérogation. Cependant, l’absence de prise en compte de la part des émissions d’autres sources, lors de l’octroi de cette dérogation, pourrait avoir
pour conséquence, dans certains cas, que ladite dérogation contribue à tout le moins à provoquer une pollution importante. De même, il serait pratiquement exclu que les valeurs limites relatives à la qualité de l’air puissent être respectées si chaque source de polluant devait être examinée indépendamment des autres.

63. C’est pourquoi l’octroi d’une dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles requiert que les émissions autorisées soient définies de manière globale pour toutes les sources de polluants, de façon à garantir que, même si une dérogation est octroyée pour l’une de ces sources, la somme de leurs émissions n’entraînera aucun dépassement des valeurs limites relatives à la qualité de l’air.

64. L’instrument prévu à cet effet est le plan relatif à la qualité de l’air, que les autorités nationales compétentes sont tenues d’établir en vertu de l’article 23 de la directive sur la qualité de l’air ambiant, c’est‑à‑dire sur le fondement d’une autre directive. En effet, en cas de dépassement des valeurs limites relatives à la qualité de l’air, les États membres doivent veiller à ce qu’un tel plan soit établi, prévoyant des mesures appropriées pour que la période de dépassement des valeurs
limites relatives à la qualité de l’air soit la plus courte possible. En d’autres termes : le plan relatif à la qualité de l’air doit définir les mesures nécessaires pour que les valeurs limites relatives à la qualité de l’air soient respectées dès que possible. Il s’agira en substance de mesures destinées à réduire les rejets des polluants concernés, par exemple en fixant des valeurs limites d’émission plus strictes pour certaines sources.

65. Par opposition à l’autorisation d’installations et d’activités spécifiques, il est possible, dans le cadre d’un tel plan, d’assurer un équilibre entre l’objectif de respect des valeurs limites de qualité de l’air et les différents intérêts publics et privés en présence ( 24 ). À cet égard, il est nécessaire de procéder à une évaluation globale de tous les intérêts liés aux différentes sources concernées et à une mise en balance, d’une part, de ces intérêts entre eux et, d’autre part, desdits
intérêts par rapport à l’objectif du respect des valeurs limites relatives à la qualité de l’air. Cela permet de déterminer quelles seront les sources d’émission devant être plus strictement limitées ou d’évaluer la nécessité de retarder la cessation du dépassement, au motif qu’une limitation plus rapide des émissions entraînerait des atteintes disproportionnées à des intérêts supérieurs. Cependant, la directive sur la qualité de l’air ambiant ne prévoit aucune concession à l’objectif du respect
des valeurs limites de qualité de l’air. Une certaine flexibilité est admise uniquement en ce qui concerne la période de dépassement, mais celle-ci doit également rester aussi courte que possible ( 25 ) et ne saurait en aucun cas être prolongée sine die ( 26 ).

66. Le gouvernement bulgare, de même que l’exploitant de la centrale litigieuse, conteste certes que la commune de Galabovo ait pu, dans son plan relatif à la qualité de l’air, fixer des exigences pour les émissions de cette centrale, celle-ci étant située sur le territoire d’une autre commune. Cependant, un plan relatif à la qualité de l’air ne peut garantir le respect des valeurs limites relatives à la qualité de l’air que s’il peut fixer des exigences applicables à toutes les sources d’émission
pertinentes – c’est-à-dire également à des sources situées en dehors d’une zone concernée par un dépassement.

67. Cela ne signifie pas que le plan relatif à la qualité de l’air doit être établi dans un seul acte juridique ou par une seule autorité. Les États membres sont libres d’organiser les compétences des autorités compétentes en prévoyant que le plan relatif à la qualité de l’air résulte de différents actes adoptés par différentes autorités. Les États membres doivent cependant s’assurer que ces actes respectent, dans leur ensemble, les prescriptions de l’article 23 de la directive sur la qualité de
l’air ambiant. Ils doivent donc, en particulier, veiller à ce que les différentes autorités coordonnent leurs mesures afin d’atteindre cet objectif en commun.

68. Ce n’est que s’il ressort des exigences ainsi définies que les valeurs limites relatives à la qualité de l’air sont respectées y compris lorsque des valeurs limites d’émission plus élevées sont fixées qu’il est exclu, en tout état de cause, que la dérogation octroyée au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles puisse provoquer une pollution importante. Ainsi, lorsque les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées dans la zone d’influence
d’une installation, l’octroi d’une dérogation d’émission supplémentaire présuppose qu’un ou plusieurs plans relatifs à la qualité de l’air au sens de l’article 23 de la directive sur la qualité de l’air ambiant garantissent que la période de dépassement, dans l’ensemble de cette zone d’influence, puisse être la plus courte possible et que cette dérogation respecte les prescriptions de ces plans. En revanche, si une dérogation était accordée sans que lesdits plans soient établis, il y aurait lieu
de craindre qu’elle crée un fait accompli qui rendrait ensuite difficile, voire impossible, le respect des valeurs limites relatives à la qualité de l’air dans les meilleurs délais.

69. En vertu du principe de précaution qui sous-tend la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement, conformément à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, ce n’est que si tout doute scientifique raisonnable à cet égard est écarté qu’il peut être garanti dans tous les cas qu’aucune pollution importante n’est provoquée ( 27 ). Dès lors, les exigences fixées par les plans relatifs à la qualité de l’air doivent respecter ce critère pour que la possibilité d’une dérogation au titre de
l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles reste ouverte.

70. Ledit critère – certes rigoureux – correspond du reste au principe de l’interprétation stricte des exceptions à des règles générales ( 28 ). Il ne porte pas non plus atteinte à l’effet de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles ( 29 ), car cette dérogation demeure applicable lorsque les valeurs limites de qualité de l’air pertinentes ne sont pas dépassées dans la zone exposée aux émissions en cause. Cependant, dans l’Union, en 2019 – à notre
connaissance – seul l’environnement de la centrale litigieuse était concerné par un dépassement des valeurs limites de qualité de l’air pour l’anhydride sulfureux.

71. Selon cette interprétation de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles, peu importe, en définitive, que les exigences fixées par le plan relatif à la qualité de l’air de la commune de Galabovo soient ou non contraignantes pour l’autorisation litigieuse. En effet, en raison du dépassement des valeurs limites de qualité de l’air pour l’anhydride sulfureux constaté dans la zone d’influence de la centrale concernée, ladite dérogation est
autorisée, au regard des considérations qui précèdent, uniquement s’il existe un plan relatif à la qualité de l’air fixant des exigences applicables aux sources d’émission pertinentes.

72. Dès lors, les carences d’un plan relatif à la qualité de l’air n’ont pas pour effet d’autoriser l’octroi d’une dérogation qui irait à l’encontre des prescriptions de ce plan, mais ont au contraire pour conséquence qu’une condition nécessaire à l’octroi de cette dérogation fait défaut.

73. En outre, pour qu’une dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles soit octroyée, il ne suffit pas qu’elle soit conforme à un plan relatif à la qualité de l’air qui fixe, pour une partie de la zone d’influence de l’installation, les mesures nécessaires pour que les valeurs limites relatives à la qualité de l’air soient respectées. Au contraire, les autorités compétentes doivent s’assurer que les valeurs limites relatives à la qualité de
l’air sont respectées dans l’intégralité de cette zone d’influence.

74. Cependant, selon les éléments qui ressortent du plan relatif à la qualité de l’air de la commune de Galabovo, la centrale litigieuse, associée aux autres sources industrielles, contribuerait à un dépassement considérable des valeurs limites de qualité de l’air et du seuil d’alerte en dehors du territoire communal, même après la mise en œuvre du taux de désulfurisation de 98 % prescrit par ce plan ( 30 ). D’autres sources, telles que le chauffage domestique, n’ont, semble-t-il, pas encore été
prises en compte dans ce cadre.

75. Si tel était le cas, ce qu’il appartiendrait aux juridictions nationales compétentes de vérifier, une dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles ne serait pas autorisée, même si elle était compatible avec le plan relatif à la qualité de l’air de la commune de Galabovo. En effet, lors de l’octroi de cette dérogation, l’autorité compétente ne pourrait veiller à ce qu’aucune pollution importante ne se produise dans les lieux qui sont
concernés, selon le plan relatif à la qualité de l’air, par un dépassement des valeurs limites relatives à la qualité de l’air.

4. Conclusion intermédiaire

76. En vertu de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles, l’octroi d’une dérogation, au titre de l’article 15, paragraphe 4, de cette directive, pour le rejet d’un polluant atmosphérique, dont la valeur limite de qualité de l’air, en application de l’article 13 et de l’annexe XI de la directive sur la qualité de l’air ambiant, est dépassée dans la zone exposée au rejet de ce polluant, est donc subordonné à deux conditions. Premièrement, un ou
plusieurs plans relatifs à la qualité de l’air au sens de l’article 23 de la directive sur la qualité de l’air ambiant doivent garantir, en l’absence de tout doute scientifique raisonnable, que la période de dépassement dans l’ensemble de la zone exposée puisse être la plus courte possible. Deuxièmement, cette dérogation doit être conforme aux prescriptions de ces plans relatifs à la qualité de l’air.

B.   L’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles

77. Il semble certes probable que l’on puisse, eu égard aux considérations qui précèdent, juger l’affaire au principal sur le seul fondement de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles, sans recourir à l’article 18 de celle-ci. Cependant, la demande de décision préjudicielle se réfère également de façon expresse à cette dernière disposition, dont les parties ont abondamment discuté. Cette approche est logique, comme la Commission l’expose à juste titre, dans
la mesure où l’application de l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux émissions industrielles est a fortiori exclue si l’article 18 de cette directive est applicable, comme en atteste en particulier le fait que l’article 15, paragraphe 4, de ladite directive s’applique sans préjudice de son article 18. Nous allons donc examiner les exigences de l’article 18 de la même directive.

78. L’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles doit s’appliquer lorsqu’une norme de qualité environnementale requiert des conditions plus sévères que celles pouvant être atteintes par l’utilisation des meilleures techniques disponibles. Dans ce cas, des mesures supplémentaires doivent être ajoutées dans l’autorisation, sans préjudice d’autres mesures pouvant être prises pour respecter les normes de qualité environnementale. Dans le même sens, l’article 14, paragraphe 1,
premier alinéa, de cette directive énonce que l’autorisation prévoit toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect de l’article 18 de celle-ci.

79. Il convient donc de déterminer, dans un premier temps, si les valeurs limites de qualité de l’air pour certains polluants doivent être considérées comme étant des normes de qualité environnementale (sous-section 1) et, dans un second temps, si elles nécessitent des conditions plus sévères que celles fixées par la réglementation litigieuse (sous-section 2).

1. Notion de « norme de qualité environnementale »

80. L’article 3, point 6, de la directive relative aux émissions industrielles définit la « norme de qualité environnementale » comme la série d’exigences devant être satisfaites à un moment donné par un environnement donné ou une partie spécifique de celui-ci, telles que spécifiées dans le droit de l’Union. Selon la Cour, il s’agit d’exigences concrètes de caractère qualitatif, relatives aux concentrations en substances polluantes, devant être satisfaites à un moment donné par ce milieu
particulier ( 31 ).

81. S’il est vrai que la directive relative aux émissions industrielles ne mentionne pas expressément la directive sur la qualité de l’air ambiant, il n’en demeure pas moins que, contrairement à ce que soutient le gouvernement bulgare, l’article 3, point 6, et l’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles visent clairement, à tout le moins de façon implicite, des dispositions concernant les valeurs limites de qualité de l’air applicables à certains polluants.

82. En effet, les valeurs limites relatives à la qualité de l’air doivent, en principe, être respectées à tout moment en tout lieu de l’Union ( 32 ). Il s’agit donc d’exigences qui, à un moment donné, dans un environnement donné ou une partie spécifique de celui-ci, doivent être respectées en application de la législation de l’Union ou, selon les termes de la Cour, d’exigences concrètes de caractère qualitatif, relatives aux concentrations en substances polluantes, devant être satisfaites à un
moment donné par ce milieu particulier ( 33 ). Comme nous l’avons déjà exposé il y a quelque temps ( 34 ), il s’agit donc de normes de qualité environnementale au sens de l’article 3, point 6, et de l’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles.

83. Contrairement à ce que soutient le gouvernement bulgare, peu importe également, à cet égard, que les valeurs limites relatives à la qualité de l’air doivent être respectées en permanence, alors que la définition de « normes de qualité environnementale » ne se réfère qu’à un moment donné. Cette définition montre simplement que les normes de qualité environnementale incluent également des exigences qui n’ont pas à être respectées de façon permanente, mais à un (ou plusieurs) moment(s) précis. Il
pourrait s’agir, par exemple, d’exigences liées aux migrations d’oiseaux ou en rapport avec certaines conditions environnementales susceptibles d’évoluer dans le temps. Cependant, des exigences de nature permanente sont a fortiori des normes de qualité environnementale, car elles sont valables à tout moment.

84. En outre, le gouvernement bulgare estime que seules les valeurs limites d’émission spécifiques fixées par la législation bulgare pour certaines installations constituent des normes de qualité environnementale. Cette thèse ne saurait toutefois convaincre, ne serait‑ce que parce que l’article 3, point 6, de la directive relative aux émissions industrielles renvoie expressément aux exigences qui résultent du droit de l’Union.

85. Le fait que des valeurs limites relatives à la qualité de l’air soient des normes de qualité environnementale est confirmé par la conclusion a contrario tirée de la notion de « valeurs cibles » pour certains autres polluants dans l’air ambiant. Cette notion a été introduite par la directive 2004/107 ( 35 ) et la directive sur la qualité de l’air ambiant fixe également des valeurs limites de qualité de l’air pour l’ozone ( 36 ) ainsi que, à titre transitoire, pour les particules fines PM2,5 ( 37
). Tandis que, selon l’article 2, point 5, de la directive sur la qualité de l’air ambiant, les valeurs limites relatives à la qualité de l’air doivent être atteintes sans restriction dès lors qu’elles prennent effet, les valeurs cibles ne doivent être atteintes que dans la mesure du possible, conformément à l’article 2, point 9, de cette directive. En outre, le considérant 6 de la directive 2004/107 indique expressément que les valeurs cibles ne sont pas des normes de qualité environnementale
et, selon le considérant 5 de celle-ci, en ce qui concerne les installations industrielles, elles ne devraient pas entraîner de mesures qui aillent au-delà de l’application des meilleures technologies disponibles.

86. Les valeurs limites de qualité de l’air prévues pour certains polluants à l’article 13 et à l’annexe XI de la directive sur la qualité de l’air ambiant constituent donc des normes de qualité environnementale au sens de l’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles.

87. Selon cette interprétation, l’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles concrétise l’obligation fondamentale, énoncée à l’article 11, sous c), de cette directive, selon laquelle l’exploitation d’une installation ne doit causer aucune pollution importante. Dans la mesure où, comme nous l’avons déjà indiqué ( 38 ), un dépassement des valeurs limites relatives à la qualité de l’air constituerait une telle pollution, il doit exister des instruments permettant d’assurer que ces
valeurs limites puissent être en principe respectées dans la zone d’influence des installations. S’il en était autrement, en effet, il y aurait lieu de craindre que, tout en respectant le critère de la meilleure technique disponible, ces installations contribuent néanmoins à la violation de ces valeurs limites.

2. Nécessité de conditions plus sévères

88. S’agissant de la question du caractère nécessaire de conditions plus sévères – comme pour la question, déjà traitée, concernant le fait de provoquer une pollution importante –, les différentes causes du dépassement des valeurs limites relatives à la qualité de l’air revêtent une importance décisive. Puisqu’il existe plusieurs pollueurs, à savoir les quatre centrales et le chauffage domestique, l’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles, même lu conjointement avec la
directive sur la qualité de l’air ambiant, ne permet pas de déterminer directement dans quelle mesure les différentes sources devraient réduire leurs émissions d’anhydride sulfureux. Il s’agit au contraire d’une décision qui incombe aux autorités bulgares compétentes.

89. De même que dans le contexte de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive relative aux émissions industrielles, cela n’est possible que sur la base d’un plan relatif à la qualité de l’air (ou de plusieurs plans coordonnés), fixant les émissions autorisées pour toutes les sources. Ce plan doit permettre de déterminer si les valeurs limites d’émission fixées pour chaque installation sont suffisantes ou si des conditions supplémentaires sont nécessaires.

90. Dès lors, ledit plan relatif à la qualité de l’air, dans le cadre de l’application de l’article 18 de la directive relative aux émissions industrielles au regard des valeurs limites de qualité de l’air, constitue une condition de l’octroi d’une autorisation. En effet, conformément à l’article 14, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, cette autorisation doit prévoir toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect de l’article 18 de ladite directive. Or, si les valeurs limites
relatives à la qualité de l’air sont dépassées, il est en règle générale impossible, en l’absence de plan relatif à la qualité de l’air, de déterminer quelles sont les conditions supplémentaires requises pour une source d’émissions spécifique afin d’améliorer de manière satisfaisante la qualité de l’air.

91. Cependant, contrairement à ce qui est le cas dans le cadre de l’octroi d’une dérogation, la directive sur la qualité de l’air ambiant n’exige pas, lors de l’imposition de conditions supplémentaires, que l’autorité compétente garantisse, dans tous les cas, le respect de la norme de qualité environnementale. Il n’est donc pas nécessaire que tout doute scientifique raisonnable soit exclu quant au caractère suffisant de ces conditions supplémentaires. Il suffit au contraire que les prescriptions du
plan relatif à la qualité de l’air soient fondées sur la conviction légitime des autorités compétentes que les mesures prévues permettent d’assurer que la période de dépassement soit la plus courte possible.

3. Conclusion intermédiaire

92. L’autorisation d’une installation industrielle pour laquelle il y a lieu de fixer, conformément aux articles 11, 14, 15 et 18 de la directive relative aux émissions industrielles, des valeurs limites pour le rejet d’un polluant atmosphérique, dont la valeur limite de qualité de l’air, en application de l’article 13 et de l’annexe XI de la directive sur la qualité de l’air ambiant, est dépassée dans la zone exposée au rejet de ce polluant, est également subordonnée à deux conditions.
Premièrement, un ou plusieurs plans relatifs à la qualité de l’air doivent garantir, conformément à l’article 23 de cette directive, que la période de dépassement puisse être la plus courte possible. Deuxièmement, cette autorisation doit être conforme aux prescriptions de ces plans relatifs à la qualité de l’air.

V. Conclusion

93. Nous proposons donc à la Cour de statuer de la manière suivante :

1) En vertu de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), l’octroi d’une dérogation, au titre de l’article 15, paragraphe 4, de cette directive, concernant le rejet d’un polluant atmosphérique, dont la valeur limite de qualité de l’air, en application de l’article 13 et de l’annexe XI de la directive 2008/50/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, telle que modifiée par la directive (UE) 2015/1480 de la Commission, du 28 août 2015, est dépassée dans la zone exposée au rejet de ce polluant, est subordonné à deux conditions. Premièrement, un ou plusieurs plans relatifs à la qualité de l’air au sens de l’article 23 de la directive 2008/50, telle que modifiée, doivent garantir, en l’absence de tout doute scientifique
raisonnable, que la période de dépassement dans l’ensemble de la zone exposée puisse être la plus courte possible. Deuxièmement, cette dérogation doit être conforme aux prescriptions de ces plans relatifs à la qualité de l’air.

2) L’autorisation d’une installation industrielle pour laquelle il convient, conformément aux articles 11, 14, 15 et 18 de la directive 2010/75, de fixer des valeurs limites pour le rejet d’un polluant atmosphérique, dont la valeur limite de qualité de l’air, en application de l’article 13 et de l’annexe XI de la directive 2008/50, telle que modifiée, est dépassée dans la zone exposée au rejet de ce polluant, est également subordonnée à deux conditions. Premièrement, un ou plusieurs plans
relatifs à la qualité de l’air doivent garantir, conformément à l’article 23 de cette directive, que la période de dépassement puisse être la plus courte possible. Deuxièmement, cette autorisation doit être conforme aux prescriptions de ces plans relatifs à la qualité de l’air.

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( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17) (ci-après la « directive relative aux émissions industrielles »).

( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO 2008, L 152, p. 1), telle que modifiée par la directive (UE) 2015/1480 de la Commission, du 28 août 2015 (JO 2015, L 226, p. 4) (ci-après la « directive sur la qualité de l’air ambiant »).

( 4 ) Décision d’exécution de la Commission du 31 juillet 2017 établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles (MTD), au titre de la directive [relative aux émissions industrielles], pour les grandes installations de combustion (JO 2017, L 212, p. 1).

( 5 ) JO 2008, L 24, p. 8.

( 6 ) Directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant (JO 1999, L 163, p. 41).

( 7 ) Arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2) (C‑730/19, EU:C:2022:382, point 17).

( 8 ) Arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2) (C‑730/19, EU:C:2022:382, points 21, 23 et 29).

( 9 ) Arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2) (C‑730/19, EU:C:2022:382).

( 10 ) Актуализация на програмата за управление на качеството на атмосферния въздух в Община Гълъбово, разработена за замърсителите: финни прахови частици (ФПЧ10) и серен диоксид (SO2), 2019 – 2023 г. [Mise à jour du plan de gestion de la qualité de l’air ambiant dans la commune de Galabovo, développé pour les particules fines (PM10) et dioxyde de soufre (SO2), 2019‑2023, https://galabovo.org/sites/default/files/Programa_Galabovo.pdf].

( 11 ) Mesure Gl_Lt _Pr_t_4, p. 287 du même plan.

( 12 ) Voir également, sur ce point, arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a. (C‑723/17, EU:C:2019:533, points 37 et suiv.).

( 13 ) JO 2005, L 23, p. 3.

( 14 ) Arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2) (C‑730/19, EU:C:2022:382).

( 15 ) Agence européenne pour l’environnement, Air quality in Europe – 2020 report, EEA Report no 09/2020, p. 86 (https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-europe-2020-report/at_download/file).

( 16 ) Voir points 77 et suiv. des présentes conclusions.

( 17 ) Note sans objet pour la version en langue française des présentes conclusions.

( 18 ) Voir également les premier et quatrième considérants de la directive 80/779/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, concernant des valeurs limites et des valeurs guides de qualité atmosphérique pour l’anhydride sulfureux et les particules en suspension (JO 1980, L 229, p. 30).

( 19 ) Arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2) (C‑730/19, EU:C:2022:382, notamment points 23 et 29).

( 20 ) Voir en ce sens arrêts du 30 avril 2020, Commission/Roumanie (Dépassement des valeurs limites pour les PM10) (C‑638/18, non publié, EU:C:2020:334, points 73 et 74), ainsi que du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10) (C‑644/18, EU:C:2020:895, points 96 et 97).

( 21 ) Voir en ce sens arrêts du 19 décembre 2012, Commission/Italie (C‑68/11, EU:C:2012:815, points 64 et 65) ; du 19 novembre 2014, ClientEarth (C‑404/13, EU:C:2014:2382, point 42) ; du 5 avril 2017, Commission/Bulgarie (C‑488/15, EU:C:2017:267, point 70) ; du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10) (C‑644/18, EU:C:2020:895, points 78 à 81), et du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2) (C‑730/19, EU:C:2022:382, points 76 et 78).

( 22 ) Points 64 et suiv. des présentes conclusions.

( 23 ) Il est possible que la demande de décision préjudicielle se réfère à cet égard à la figure VI.2.7, p. 256 du plan relatif à la qualité de l’air (voir note en bas de page 10 des présentes conclusions).

( 24 ) Arrêts du 25 juillet 2008, Janecek (C‑237/07, EU:C:2008:447, points 45 et 46) ; du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10) (C‑644/18, EU:C:2020:895, point 134), et du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2) (C‑730/19, EU:C:2022:382, point 130).

( 25 ) Arrêts du 5 avril 2017, Commission/Bulgarie (C‑488/15, EU:C:2017:267, point 109) ; du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10) (C‑644/18, EU:C:2020:895, point 136), et du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2) (C‑730/19, EU:C:2022:382, point 132).

( 26 ) Arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10) (C‑644/18, EU:C:2020:895, point 154).

( 27 ) Voir, au sujet de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 58), et du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola (C‑674/17, EU:C:2019:851, point 66), ainsi que, en matière de législation sur les déchets, arrêt du 24 octobre 2019, Prato Nevoso Termo Energy
(C‑212/18, EU:C:2019:898, point 58). Voir également Sobotta, C., « Recent applications of the precautionary principle in the jurisprudence of the CJEU – a new yardstick in EU environmental decision making ? », ERA Forum, vol. 21, 2020, p. 723.

( 28 ) Voir arrêts du 12 septembre 2000, Commission/Irlande (C‑358/97, EU:C:2000:425, point 55) ; du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 162), et du 14 juillet 2022, Porsche Inter Auto et Volkswagen (C‑145/20, EU:C:2022:572, point 61).

( 29 ) Voir arrêts du 18 novembre 2004, Temco Europe (C‑284/03, EU:C:2004:730, point 17) ; du 14 juin 2007, Horizon College (C‑434/05, EU:C:2007:343, point 16), et du 13 janvier 2022, Termas Sulfurosas de Alcafache (C‑513/20, EU:C:2022:18, point 25).

( 30 ) P. 304 et suiv. du plan relatif à la qualité de l’air, en particulier figures VIII.4.3.1 à VIII.4.3.3 (voir note en bas de page 10 des présentes conclusions).

( 31 ) Arrêt du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, point 62).

( 32 ) En ce sens, arrêts du 30 avril 2020, Commission/Roumanie (Dépassement des valeurs limites pour les PM10) (C‑638/18, non publié, EU:C:2020:334, points 73 et 74), ainsi que du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10) (C‑644/18, EU:C:2020:895, points 96 et 97).

( 33 ) Arrêt du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, point 62).

( 34 ) Voir nos conclusions dans les affaires jointes Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2010:775, point 62).

( 35 ) Citée au point 36 des présentes conclusions.

( 36 ) Article 17 et annexe VII, section B, de cette directive.

( 37 ) Article 16, paragraphe 1, et annexe XIV, section D, de ladite directive.

( 38 ) Voir point 56 des présentes conclusions.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-375/21
Date de la décision : 22/09/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Environnement – Qualité de l’air ambiant – Directive 2008/50/CE – Articles 13 et 23 – Valeurs limites pour la protection de la santé humaine – Dépassement – Plan relatif à la qualité de l’air – Directive 2010/75/UE – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Actualisation d’une autorisation d’exploiter une centrale thermique – Valeurs limites d’émission – Article 15, paragraphe 4 – Demande de dérogation fixant des valeurs limites d’émission moins strictes – Pollution importante – Article 18 – Respect des normes de qualité environnementale – Obligations de l’autorité compétente.

Principes, objectifs et mission des traités

Environnement


Parties
Demandeurs : Sdruzhenie „Za Zemyata – dostap do pravosadie“ e.a.
Défendeurs : Izpalnitelen director na Izpalnitelna agentsia po okolna sreda et „TETS Maritsa iztok 2“ EAD.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:713

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