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17/08/2022 | CJUE | N°C-4/22

CJUE | CJUE, Ordonnance du vice-président de la Cour du 17 août 2022., St. Jude Medical Coordination Center (SJM Coordination Center) contre Magnetrol International NV et Commission européenne., 17/08/2022, C-4/22


ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

17 août 2022 (*)

« Pourvoi – Intervention – Aides d’État – Régime d’aides mis à exécution par le Royaume de Belgique – Demande d’intervention introduite après l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal – Recevabilité – Articles 40 et 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑4/22 P(I),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, int...

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

17 août 2022 (*)

« Pourvoi – Intervention – Aides d’État – Régime d’aides mis à exécution par le Royaume de Belgique – Demande d’intervention introduite après l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal – Recevabilité – Articles 40 et 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑4/22 P(I),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 janvier 2022,

St. Jude Medical Coordination Center BV, établie à Zaventem (Belgique), représentée par M^es É. Bruc et F. Louis, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Magnetrol International NV, établie à Zele (Belgique),

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par M. P.‑J. Loewenthal et M^me F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, St. Jude Medical Coordination Center BV demande l’annulation de l’ordonnance de la présidente de la deuxième chambre du Tribunal de l’Union européenne du 21 décembre 2021, Magnetrol International/Commission (T‑263/16 RENV, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:947), par laquelle celle-ci a rejeté sa demande d’intervention au soutien des conclusions de Magnetrol International NV, partie demanderesse en première instance dans l’affaire T-263/16 RENV.

 Les antécédents du litige

2        Par la décision (UE) 2016/1699, du 11 janvier 2016, relative au régime d’aides d’État concernant l’exonération des bénéfices excédentaires SA.37667 (2015/C) (ex 2015/NN) mis en œuvre par la Belgique (JO 2016, L 260, p. 61, ci-après la « décision litigieuse »), la Commission européenne a considéré que certaines exonérations accordées par le Royaume de Belgique constituaient un régime d’aides, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui était incompatible avec le marché intérieur et qui
avait été mis à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. La Commission a ordonné la récupération des aides ainsi octroyées auprès des bénéficiaires, dont la liste définitive devait être ultérieurement établie par le Royaume de Belgique.

 La procédure devant le Tribunal et devant la Cour ainsi que l’ordonnance attaquée

3        Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 22 mars et 25 mai 2016, le Royaume de Belgique et Magnetrol International ont introduit des recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, enregistrés respectivement sous les numéros T-131/16 et T‑263/16.

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2016, St. Jude Medical Coordination Center a introduit un recours tendant à l’annulation de cette décision, enregistré sous le numéro T-420/16.

5        Par lettre du 20 février 2018, le greffier du Tribunal l’a informée que le président de la chambre saisie du Tribunal avait décidé de suspendre la procédure dans l’affaire T-420/16 jusqu’à la résolution du litige dans les affaires T‑131/16 et T‑263/16.

6        Par ordonnance du 17 mai 2018, le président de la septième chambre élargie du Tribunal a décidé de joindre les affaires T‑131/16 et T‑263/16 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.

7        Par l’arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T‑131/16 et T‑263/16, EU:T:2019:91), le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

8        La Commission a, le 24 avril 2019, introduit un pourvoi contre cet arrêt. Ce pourvoi a été enregistré sous le numéro C-337/19 P.

9        Par l’arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International (C‑337/19 P, EU:C:2021:741), la Cour a :

–        annulé l’arrêt du Tribunal du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T‑131/16 et T‑263/16, EU:T:2019:91) ;

–        écarté les premier et deuxième moyens du recours dans l’affaire T‑131/16 ainsi que le premier moyen et la première branche du troisième moyen du recours dans l’affaire T-263/16 ;

–        renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les troisième à cinquième moyens du recours dans l’affaire T-131/16 ainsi que sur le deuxième moyen, les deuxième et troisième branches du troisième moyen ainsi que le quatrième moyen dans l’affaire T-263/16, et

–        réservé les dépens.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2021, St. Jude Medical Coordination Center a demandé à intervenir dans l’affaire T‑263/16 RENV au soutien des conclusions de Magnetrol International.

11      Par l’ordonnance attaquée, la présidente de la deuxième chambre du Tribunal a rejeté cette demande d’intervention.

12      À cet égard, elle a rappelé, au point 2 de cette ordonnance, que, en application de l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la demande d’intervention doit être présentée dans un délai de six semaines qui prend cours à la publication visée à l’article 79 de ce règlement.

13      Elle a relevé, au point 3 de ladite ordonnance que l’avis indiquant la date de dépôt de la requête introductive d’instance ayant été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 1^er août 2016, la demande d’intervention avait été présentée après l’expiration de ce délai, augmenté du délai de distance. Partant, elle a, au point 4 de cette même ordonnance, rejeté cette demande.

 Les conclusions des parties

14      Par son pourvoi, St. Jude Medical Coordination Center demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’accueillir sa demande d’intervention dans l’affaire T‑263/16 RENV au soutien des conclusions de Magnetrol International et

–        d’ordonner au Tribunal de lui communiquer une copie de tous les actes de procédure signifiés aux parties ainsi que de rouvrir la procédure écrite ou de l’inviter à présenter des observations écrites par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure.

15      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour annulerait l’ordonnance attaquée, de rejeter la demande d’intervention de St. Jude Medical Coordination Center dans l’affaire T-263/16 RENV, et

–        de condamner St. Jude Medical Coordination Center aux dépens.

 Sur le pourvoi

 Argumentation

16      À l’appui de son pourvoi, la requérante présente deux moyens, tirés, le premier, d’une omission à statuer du Tribunal et d’un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée et, le second, de la violation de son droit à intervenir dans la procédure de première instance.

17      Par la seconde branche de son premier moyen, qu’il convient d’examiner d’emblée, elle fait valoir que l’ordonnance attaquée ne contient aucune motivation en réponse aux moyens et aux arguments avancés dans sa demande d’intervention. En particulier, la présidente de la deuxième chambre du Tribunal n’aurait pas statué sur les arguments de la requérante fondés sur les articles 40 et 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, sur l’article 47 de la charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que sur le principe de bonne administration de la justice.

18      La Commission soutient que l’ordonnance attaquée est suffisamment motivée, dès lors que la présidente de la deuxième chambre du Tribunal a clairement exposé que la demande d’intervention de la requérante dans l’affaire T-263/16 RENV avait été présentée hors délai.

 Appréciation

19      Il convient de rappeler, d’une part, que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant et, d’autre part, que le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union
européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, et de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal [ordonnance du vice-président de la Cour du 17 mai 2022, Shanghai Panati/EUIPO, C‑103/22 P(I), non publiée, EU:C:2022:399, point 27 et jurisprudence citée].

20      Cette obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, la motivation du Tribunal pouvant dès lors être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [ordonnance du vice-président de la Cour
du 17 mai 2022, Shanghai Panati/EUIPO, C‑103/22 P(I), non publiée, EU:C:2022:399, point 28 et jurisprudence citée].

21      En l’espèce, la présidente de la deuxième chambre du Tribunal s’est bornée, dans l’ordonnance attaquée, à constater que la demande d’intervention avait été introduite après l’expiration du délai prévu à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

22      Ainsi, cette ordonnance ne comprend aucune motivation destinée à justifier le rejet des arguments avancés par la requérante en première instance selon lesquels, d’une part, l’application de ce délai devait être écartée dans la présente affaire en vertu de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 47 de la Charte et, d’autre part, l’introduction de la demande d’intervention après l’expiration dudit délai était due à un cas fortuit ou de force
majeure ou à une erreur excusable.

23      Partant, l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de motivation et doit, par voie de conséquence, être annulée.

 Sur la demande d’intervention présentée devant le Tribunal

24      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

25      En l’espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur la demande d’intervention de la requérante.

26      Il est constant que cette demande a été introduite après l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

27      La requérante fait néanmoins valoir que ladite demande devait être considérée comme étant recevable en se fondant sur trois motifs tirés, le premier, de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 47 de la Charte, le deuxième, de l’article 45 de ce statut et, le troisième, du droit à un recours effectif, des droits de la défense ainsi que des principes d’égalité des armes et de bonne administration de la justice.

 Sur le premier motif, tiré de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 47 de la Charte

 Argumentation

28      St. Jude Medical Coordination Center estime que le règlement de procédure du Tribunal ne prévoit aucune règle régissant une éventuelle intervention, dans une affaire « pilote », de la partie requérante dans une affaire suspendue dans l’attente de l’issue de cette affaire « pilote », lorsque ladite affaire « pilote » est renvoyée au Tribunal par la Cour.

29      Dans ce contexte, il y aurait lieu d’admettre la présentation, par une telle partie, d’une demande en intervention dans la même affaire « pilote » lorsque celle-ci a été renvoyée par la Cour au Tribunal. À défaut, cette partie serait confrontée à un déni de justice, en méconnaissance de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui ne prévoit aucune condition de délai, et de l’article 47 de la Charte.

30      La solution proposée serait d’ailleurs également conforme à l’article 71, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, qui disposerait que, à compter de la date de reprise d’une procédure après une suspension, les délais de procédure interrompus sont remplacés par de nouveaux délais qui commencent à courir à la date de reprise.

31      En outre, une analogie devrait être établie avec l’article 129, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, qui permettrait d’admettre une demande d’intervention présentée après le délai prévu à cette fin par l’article 130 de ce règlement de procédure, mais avant la décision d’ouvrir la phase orale de la procédure.

32      En conséquence, le Tribunal aurait dû rouvrir la procédure écrite ou, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, inviter la requérante à se prononcer par écrit par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure.

 Appréciation

33      Il importe d’emblée de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, le règlement de procédure du Tribunal comporte des règles applicables à l’intervention dans une affaire « pilote » de la partie requérante dans une affaire suspendue dans l’attente de l’issue de cette affaire « pilote », lorsque ladite affaire « pilote » est renvoyée au Tribunal par la Cour.

34      D’une part, si les articles 142 à 145 du règlement de procédure du Tribunal ne traitent pas de la qualité devant être reconnue aux personnes qui ont été admises par la Cour à intervenir dans une affaire au stade du pourvoi, lorsque la Cour a estimé le pourvoi fondé, a annulé la décision du Tribunal et a renvoyé l’affaire à ce dernier pour qu’il statue, ils fixent en revanche les règles relatives à la présentation des demandes d’intervention devant le Tribunal et à l’examen de celles-ci
[voir, en ce sens, ordonnance du 1^er août 2022, Atlas Copco Airpower et Atlas Copco/Commission, C-31/22 P(I), EU:C:2022:620, point 69].

35      Dans ce contexte, il importe de relever que la règle énoncée à l’article 143, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, selon laquelle la demande d’intervention est présentée dans un délai de six semaines qui court à compter de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis ayant initialement fait état du dépôt de la requête introductive d’instance dans l’affaire concernée, s’applique lors du renvoi d’une affaire au Tribunal par la Cour [voir, en ce sens, ordonnance du
1^er août 2022, Atlas Copco Airpower et Atlas Copco/Commission, C-31/22 P(I), EU:C:2022:620, point 40].

36      D’autre part, l’article 71 dudit règlement de procédure définit la durée et les effets d’une suspension de la procédure, sans conférer à la partie requérante dans une affaire suspendue des droits procéduraux spécifiques dans d’autres affaires.

37      Il s’ensuit qu’une telle partie est soumise, lorsqu’elle introduit une demande d’intervention dans une autre affaire, aux règles prévues aux articles 142 à 145 du même règlement de procédure, y compris celle énoncée à l’article 143, paragraphe 1, de celui-ci.

38      Le fait, dont se prévaut la requérante, que l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne n’énonce pas de délai dans lequel une demande d’intervention doit être présentée ne saurait conduire à écarter l’application de l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, dans la mesure où il ressort de l’article 53, deuxième alinéa, de ce statut que la procédure devant le Tribunal est complétée, en tant que de besoin, par son règlement de procédure.

39      L’application stricte du délai prévu à cet article 143, paragraphe 1, répond, en outre, à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice [voir, en ce sens, ordonnance du vice‑président de la Cour du 5 juillet 2018, Müller e.a./QH, C‑187/18 P(I), non publiée, EU:C:2018:543, point 20 ainsi que jurisprudence citée].

40      Partant, dès lors que la requérante soutient, en substance, que le rejet de sa demande d’intervention méconnaît l’article 47 de la Charte, il convient de relever que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le droit d’être entendu et le droit à une protection juridictionnelle effective ne sont nullement affectés par l’application stricte de la réglementation de l’Union concernant les délais de procédure [ordonnance du vice-président de la Cour du 17 mai 2022, Shanghai
Panati/EUIPO, C‑103/22 P(I), non publiée, EU:C:2022:399, point 56 et jurisprudence citée]

41      Par ailleurs, la règle établie à l’article 71, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, selon laquelle, à compter de la date de reprise d’une procédure après une suspension, les délais de procédure interrompus sont remplacés par de nouveaux délais qui commencent à courir à la date de cette reprise, est dépourvue de pertinence en l’espèce, dans la mesure où cette règle s’applique aux délais de procédure relatifs aux affaires suspendues et non aux délais de procédure relatifs aux
affaires « pilotes » .

42      Il convient encore de rejeter l’argument de la requérante tiré de la nécessité de procéder à une application par analogie de l’article 129, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, qui prévoit la possibilité d’admettre une demande d’intervention présentée après l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 130, paragraphe 1, de ce règlement, mais avant la décision d’ouvrir la procédure orale prévue à l’article 60, paragraphe 4, dudit règlement.

43      En effet, une telle possibilité était prévue à l’article 115, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, tel que modifié le 19 juin 2013. Toutefois, l’article 143 du nouveau règlement de procédure du Tribunal, qui est libellé en des termes clairs et inconditionnels, n’a précisément pas repris cette possibilité, de sorte que celle-ci ne saurait être appliquée par analogie [voir, en ce sens, ordonnance du
vice-président de la Cour du 5 juillet 2018, Müller e.a./QH, C‑187/18 P(I), non publiée, EU:C:2018:543, point 27].

44      Au vu de ces éléments, il n’y a pas lieu de rouvrir la procédure écrite ou d’ordonner une mesure d’organisation de la procédure au titre de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, cette disposition permettant en tout état de cause d’inviter à se prononcer non pas des tiers, mais des parties à la procédure.

45      En conséquence, le premier motif dont se prévaut la requérante n’est pas de nature à établir que sa demande d’intervention doit être accueillie.

 Sur le deuxième motif, tiré de l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

 Argumentation

46      St. Jude Medical Coordination Center fait valoir que, dans l’hypothèse où la Cour estimerait que l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal est applicable en l’espèce, sa demande d’intervention doit néanmoins être considérée comme étant recevable en vertu de l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

47      D’une part, il lui aurait été pratiquement impossible de présenter cette demande dans le délai imparti par le règlement de procédure du Tribunal, dès lors qu’elle ne pouvait s’attendre à ce que l’affaire T‑420/16 soit suspendue et que la décision de suspension de cette affaire lui aurait été notifiée après l’expiration de ce délai.

48      D’autre part, si St. Jude Medical Coordination Center devait être regardée comme ayant commis une erreur en n’ayant pas présenté de demande d’intervention avant l’expiration dudit délai, il s’agirait d’une erreur excusable compte tenu des circonstances entourant la suspension de l’affaire T-420/16 et de l’absence de règles de procédure régissant la situation spécifique dans laquelle elle se serait trouvée.

 Appréciation

49      En premier lieu, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il ne peut être dérogé à l’application des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2016, SV Capital/ABE, C‑577/15 P, EU:C:2016:947, point 56, ainsi que ordonnance du
vice-président de la Cour du 5 juillet 2018, Müller e.a./QH, C‑187/18 P(I), non publiée, EU:C:2018:543, point 21].

50      La notion de force majeure ou de cas fortuit, qui correspond à des circonstances exceptionnelles, comporte un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à la personne concernée, et un élément subjectif, tenant à l’obligation, pour celle-ci, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs [ordonnance du vice-président de la Cour du 5 juillet 2018, Müller e.a./QH, C‑187/18 P(I),
non publiée, EU:C:2018:543, point 39 ainsi que jurisprudence citée].

51      En l’espèce, il importe de rappeler que l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal prévoit qu’une procédure pendante peut être suspendue dans des cas particuliers, lorsque la bonne administration de la justice l’exige.

52      La désignation d’une affaire « pilote » procédant précisément de la volonté d’assurer la bonne administration de la justice, il y a lieu de considérer que la décision de suspendre la procédure dans l’affaire T‑420/16 constitue une application de cet article 69, sous d).

53      En conséquence, cette décision, bien qu’étrangère à la volonté de la requérante, ne saurait être regardée comme une circonstance anormale [voir, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 5 juillet 2018, Müller e.a./QH, C‑187/18 P(I), non publiée, EU:C:2018:543, point 41].

54      Dès lors, il apparaît, sans qu’il soit besoin de déterminer si la requérante était en mesure de se prémunir contre les conséquences de ladite décision, que celle-ci n’a pas établi l’existence d’un cas de force majeure ou d’un cas fortuit.

55      En second lieu, s’il peut également être dérogé à l’application des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure en cas d’erreur excusable commise par une partie, cette notion, qui doit être interprétée de façon stricte, ne vise que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée avait adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit du justiciable de bonne
foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2016, SV Capital/ABE, C‑577/15 P, EU:C:2016:947, point 59, ainsi que ordonnance du vice-président de la Cour du 5 juillet 2018, Müller e.a./QH, C‑187/18 P(I), non publiée, EU:C:2018:543, point 42].

56      En l’espèce, alors que la requérante soutient que le règlement de procédure du Tribunal ne comporte pas de règles directement applicables à sa situation, il ressort de l’examen du premier moyen que cette situation est régie par l’article 143, paragraphe 1, de ce règlement de procédure.

57      Or, cette disposition est libellée en des termes clairs et inconditionnels, qui ne laissent place à aucune difficulté d’interprétation.

58      En outre, la requérante n’a aucunement établi l’existence d’un comportement du Tribunal de nature à provoquer une confusion concernant l’appréciation du délai prévu à cette disposition.

59      Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré avoir commis une erreur excusable.

60      En conséquence, le deuxième motif dont se prévaut la requérante n’est pas de nature à établir que sa demande d’intervention doit être accueillie.

 Sur le troisième motif, tiré du droit à un recours effectif, des droits de la défense ainsi que des principes d’égalité des armes et de bonne administration de la justice

 Argumentation

61      St. Jude Medical Coordination Center soutient qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un arrêt rendu dans une affaire « pilote » est susceptible d’avoir des conséquences démesurées sur des affaires parallèles visant à obtenir l’annulation d’un même acte. Les parties dans de telles affaires parallèles auraient donc un intérêt à intervenir dans l’affaire « pilote », conformément à l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

62      Une telle solution s’imposerait, en outre, en vertu du principe d’égalité des armes, qui ferait partie intégrante du principe de la protection juridictionnelle effective.

63      Cette solution devrait être appliquée à St. Jude Medical Coordination Center, d’autant plus que celle-ci serait en mesure de présenter des faits et des arguments juridiques cruciaux venant au soutien des conclusions de Magnetrol International. En effet, l’un des principaux moyens présentés dans l’affaire T-420/16 n’aurait pas été invoqué dans les affaires T-131/16 et T-263/16. La requérante serait donc privée de toute possibilité effective de défendre ces moyens s’il ne lui était pas permis
de devenir partie à la procédure dans l’affaire T-263/16 RENV.

 Appréciation

64      L’ensemble des arguments liés au troisième motif dont se prévaut St. Jude Medical Coordination Center vise, en substance, à démontrer que celle-ci avait un intérêt certain à intervenir dans l’affaire T‑263/16 RENV et qu’il n’aurait pas été possible de lui dénier cet intérêt sans méconnaître son droit à un recours effectif, ses droits de la défense ainsi que les principes d’égalité des armes et de bonne administration de la justice.

65      Cependant, il ressort des points 44, 49 et 55 de la présente ordonnance qu’une demande d’intervention devant le Tribunal doit être présentée dans le délai prévu à l’article 143, paragraphe 1, de son règlement de procédure, sauf lorsque l’application de la règle énoncée à cette disposition doit être écartée en raison d’un cas fortuit ou de force majeure ou de la commission d’une erreur excusable.

66      Dès lors qu’il est constant que la demande d’intervention n’a pas été présentée dans ce délai et qu’il résulte de l’examen des arguments de St. Jude Medical Coordination Center relatifs au deuxième motif dont elle se prévaut que celle-ci n’a pas établi l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une erreur excusable, la circonstance qu’une demande d’intervention présentée en temps utile par la requérante aurait dû, au regard de l’intérêt de cette dernière à intervenir, être
accueillie, à la supposer établie, ne serait pas de nature à établir la recevabilité de la demande d’intervention introduite par la requérante devant le Tribunal.

67      En conséquence, le troisième motif dont se prévaut la requérante n’est pas de nature à établir que sa demande d’intervention doit être accueillie.

68      Aucun des arguments invoqués par St. Jude Medical Coordination Center ne justifiant d’admettre la demande d’intervention introduite par celle-ci après l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, il y a lieu de rejeter cette demande comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

69      Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement, elle statue sur les dépens.

70      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      En ce qui concerne les dépens afférents à la procédure de pourvoi, si la Commission a succombé en ses conclusions, St. Jude Medical Coordination Center n’a pas conclu à sa condamnation aux dépens. Partant, chacune des parties supportera ses propres dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.

72      S’agissant des dépens afférents à la procédure de première instance, il y a lieu de relever que l’ordonnance attaquée a été adoptée sans que la demande d’intervention ait été notifiée aux parties dans l’affaire T‑263/16 RENV, lesquelles n’ont donc pas supporté de coûts liés à cette procédure. Partant, la requérante, dont la demande d’intervention a été rejetée, supportera ses propres dépens afférents à ladite procédure.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      L’ordonnance de la présidente de la deuxième chambre du Tribunal de l’Union européenne du 21 décembre 2021, Magnetrol International/Commission (T‑263/16 RENV, non publiée, EU:T:2021:947), est annulée.

2)      La demande d’intervention dans l’affaire T-263/16 RENV introduite par St. Jude Medical Coordination Center BV est rejetée.

3)      St. Jude Medical Coordination Center BV et la Commission européenne supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

4)      St. Jude Medical Coordination Center BV supporte ses propres dépens afférents à la procédure de première instance.

Signatures

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*      Langue de propcédure : l’anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-4/22
Date de la décision : 17/08/2022
Type d'affaire : Demande d'intervention - fondée, Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Intervention – Aides d’État – Régime d’aides mis à exécution par le Royaume de Belgique – Demande d’intervention introduite après l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal – Recevabilité – Articles 40 et 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Concurrence

Dispositions procédurales

Aides accordées par les États


Parties
Demandeurs : St. Jude Medical Coordination Center (SJM Coordination Center)
Défendeurs : Magnetrol International NV et Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Bay Larsen

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:626

Source

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