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14/07/2022 | CJUE | N°C-401/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Roumanie contre Commission européenne., 14/07/2022, C-401/21


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

14 juillet 2022 ( *1 )

« Pourvoi – Fonds de cohésion et Fonds européen de développement régional (FEDER) – Règlement (UE) no 1303/2013 – Taux de cofinancement applicable – Modification du taux intervenue entre la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire et l’approbation des comptes – Principes d’annualité comptable et de non-rétroactivité »

Dans l’affaire C‑401/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice

de l’Union européenne, introduit le 29 juin 2021,

Roumanie, représentée par Mmes L.-E. Baţagoi et E. Gane, en qual...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

14 juillet 2022 ( *1 )

« Pourvoi – Fonds de cohésion et Fonds européen de développement régional (FEDER) – Règlement (UE) no 1303/2013 – Taux de cofinancement applicable – Modification du taux intervenue entre la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire et l’approbation des comptes – Principes d’annualité comptable et de non-rétroactivité »

Dans l’affaire C‑401/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 juin 2021,

Roumanie, représentée par Mmes L.-E. Baţagoi et E. Gane, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mmes A. Armenia et S. Pardo Quintillán, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen, faisant fonction de président de chambre, M. N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la Roumanie demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 avril 2021, Roumanie/Commission (T‑543/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:193), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision C(2019) 4027 final de la Commission, du 23 mai 2019 (ci-après la « décision litigieuse »), concernant l’approbation des comptes et le calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du Fonds européen de développement
régional (FEDER) pour l’exercice comptable 2017/2018 et pour le programme opérationnel CCI 2014RO16M1OP001 « Grande infrastructure », par application d’un taux de cofinancement pour les premier et deuxième axes prioritaires de ce programme opérationnel de 75 %, et non de 85 %.

Le cadre juridique

2 Aux termes de l’article 1er du règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion
et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 320, et rectificatif JO 2016, L 200, p. 140), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018 (JO 2018, L 193, p. 1) (ci-après le « règlement no 1303/2013 ») :

« Le présent règlement arrête les règles communes applicables au [FEDER], au Fonds social européen (FSE), au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), relevant d’un cadre commun (ci-après dénommés “fonds structurels et d’investissement européens” - “Fonds ESI”) ». [...]

La troisième partie arrête les règles générales régissant le FEDER, le FSE (ci-après dénommés “Fonds structurels”) et le Fonds de cohésion en ce qui concerne les tâches, les objectifs prioritaires et l’organisation des Fonds structurels et du Fonds de cohésion (ci-après dénommés “Fonds”), les critères que les États membres et les régions doivent remplir pour pouvoir bénéficier du soutien des Fonds ESI, les ressources financières disponibles et les critères présidant à leur répartition.

La quatrième partie arrête les règles générales applicables aux Fonds et au FEAMP en ce qui concerne la gestion et le contrôle, la gestion financière, les comptes et les corrections financières.

[...] »

3 L’article 2, point 4, de ce règlement prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

4) “règles spécifiques des Fonds”, les dispositions établies dans la troisième ou la quatrième partie du présent règlement, ou fondées sur ces parties, ou un règlement régissant un ou plusieurs Fonds ESI visé à l’article 1er, quatrième alinéa ».

4 Sous l’intitulé « Détermination des taux de cofinancement », l’article 120 dudit règlement dispose :

« 1.   La décision de la Commission [européenne] adoptant un programme opérationnel fixe le taux maximum de cofinancement et le montant maximum du soutien apporté par des Fonds à chaque axe prioritaire. Lorsqu’un axe prioritaire concerne plus d’une catégorie de régions ou plus d’un fonds, la décision de la Commission fixe, si nécessaire, le taux de cofinancement par catégorie de régions et par Fonds.

2.   Pour chaque axe prioritaire, la décision de la Commission détermine si le taux de cofinancement de l’axe prioritaire s’applique :

a) au total des dépenses éligibles, y compris les dépenses publiques et privées, ou

b) aux dépenses publiques éligibles.

3.   Le taux de cofinancement pour chaque axe prioritaire, lorsqu’il y a lieu et, le cas échéant, par catégorie de régions et par Fonds, des programmes opérationnels relevant de l’objectif “Investissement pour la croissance et l’emploi” n’excède pas :

a) 85 % pour le Fonds de cohésion ;

[...]

La Commission procède à un examen destiné à évaluer si le maintien du taux de cofinancement, visé au deuxième alinéa, est justifié après le 30 juin 2017 et présente, le cas échéant, une proposition législative avant le 30 juin 2016.

[...] »

5 L’article 130 du même règlement, intitulé « Règles communes en matière de calcul des paiements intermédiaires et de paiement du solde final », énonce, à son paragraphe 1 :

« La Commission rembourse sous la forme de paiements intermédiaires 90 % du montant résultant de l’application du taux de cofinancement, fixé pour chaque axe prioritaire dans la décision portant adoption du programme opérationnel, aux dépenses éligibles pour l’axe prioritaire qui figurent dans la demande de paiement. La Commission détermine les montants restant à rembourser sous la forme de paiements intermédiaires ou à recouvrer conformément à l’article 139. »

6 Aux termes de l’article 131, paragraphe 1, du règlement no 1303/2013 :

« Les demandes de paiement mentionnent, pour chaque priorité :

a) le montant total des dépenses éligibles engagées par les bénéficiaires et versées au cours de l’exécution des opérations, telles qu’elles ont été enregistrées dans le système comptable de l’autorité de certification ;

b) le montant total des dépenses publiques engagées au cours de l’exécution des opérations, telles qu’elles ont été enregistrées dans le système comptable de l’autorité de certification.

[...] »

7 L’article 135 de ce règlement, intitulé « Délais de présentation et de paiement des demandes de paiement intermédiaire », est libellé comme suit :

« 1.   L’autorité de certification présente régulièrement une demande de paiement intermédiaire, conformément à l’article 131, paragraphe 1, portant sur les montants enregistrés dans son système comptable durant l’exercice comptable. Cependant, l’autorité de certification, si elle l’estime nécessaire, peut inscrire ces montants dans des demandes de paiement présentées durant des exercices comptables ultérieurs.

2.   L’autorité de certification présente la dernière demande de paiement intermédiaire au plus tard le 31 juillet suivant la fin de l’exercice comptable précédent et, en tout cas, avant la première demande de paiement intermédiaire se rapportant à l’exercice comptable suivant.

3.   La première demande de paiement intermédiaire n’est pas présentée tant que la désignation des autorités de gestion et des autorités de certification n’a pas été notifiée à la Commission conformément à l’article 124.

4.   Les paiements intermédiaires pour un programme opérationnel ne sont pas effectués à moins que le rapport annuel de mise en œuvre n’ait été envoyé à la Commission conformément aux règles spécifiques des Fonds.

5.   Sous réserve des disponibilités budgétaires, la Commission effectue le paiement intermédiaire dans les 60 jours à compter de l’enregistrement auprès de la Commission d’une demande de paiement. »

8 L’article 137 dudit règlement, qui régit l’établissement des comptes, énonce :

« 1.   Les comptes visés à l’article 63, paragraphe 5, point a), et à l’article 63, paragraphe 6, du règlement [(UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1)] sont présentés à la Commission pour chaque programme opérationnel. Ces comptes portent sur l’exercice comptable et incluent, pour chaque priorité
et, le cas échéant, pour chaque fonds et catégorie de régions :

a) le montant total des dépenses éligibles enregistrées dans les systèmes de comptabilité de l’autorité de certification qui a été inclus dans les demandes de paiement présentées à la Commission conformément à l’article 131 et à l’article 135, paragraphe 2, pour le 31 juillet suivant la fin de l’exercice comptable, le montant total des dépenses publiques correspondantes engagées au cours de l’exécution des opérations et le montant total des paiements correspondants versés aux bénéficiaires au
titre de l’article 132, paragraphe 1 ;

[...]

d) pour chaque priorité, un rapprochement entre les dépenses indiquées conformément au point a) et les dépenses déclarées pour le même exercice comptable dans les demandes de paiement, accompagné d’une explication pour toute différence éventuelle.

2.   Lorsqu’une dépense figurant précédemment dans une demande de paiement intermédiaire présentée pour l’exercice comptable est exclue de ses comptes par un État membre en raison d’une évaluation en cours de sa légalité et de sa régularité, tout ou partie de la dépense établie par la suite comme étant légale et régulière peut figurer dans une demande de paiement intermédiaire se rapportant aux exercices comptables ultérieurs.

[...] »

9 Sous l’intitulé « Examen et approbation des comptes », l’article 139 du même règlement dispose :

« 1.   La Commission procède à un examen des documents communiqués par l’État membre en vertu de l’article 138. Sur demande de la Commission, l’État membre lui communique toutes les informations supplémentaires nécessaires pour qu’elle puisse se prononcer sur l’exhaustivité, l’exactitude et la véracité des comptes dans le délai fixé à l’article 84.

2.   La Commission approuve les comptes lorsqu’elle est en mesure de conclure à leur exhaustivité, à leur exactitude et à leur véracité. Elle parvient à cette conclusion lorsque l’autorité d’audit a émis un avis d’audit sans réserve sur l’exhaustivité, l’exactitude et la véracité des comptes, sauf si elle dispose d’éléments spécifiques prouvant que l’avis d’audit sur les comptes n’est pas fiable.

[...]

6.   Sur la base des comptes approuvés, la Commission calcule le montant à charge des Fonds et du FEAMP pour l’exercice comptable et les ajustements en résultant en ce qui concerne les montants versés à l’État membre. La Commission prend en considération :

a) les montants inscrits dans les comptes visés à l’article 137, paragraphe 1, point a), et auxquels est appliqué le taux de cofinancement pour chaque priorité ;

b) le montant total des paiements effectués par la Commission au cours de cet exercice comptable, comprenant :

i) le montant des paiements intermédiaires effectués par la Commission conformément à l’article 130, paragraphe 1, et à l’article 24 ; et

ii) le montant du préfinancement annuel versé au titre de l’article 134, paragraphe 2.

7.   À l’issue du calcul effectué conformément au paragraphe 6, la Commission apure le préfinancement annuel concerné et verse les éventuels montants supplémentaires dus dans les trente jours suivant l’approbation des comptes. Lorsqu’un montant est récupérable auprès de l’État membre, il fait l’objet d’un ordre de recouvrement émis par la Commission qui est exécuté, si possible, par compensation en déduisant le montant considéré des montants dus à l’État membre au titre des versements ultérieurs
au profit du même programme opérationnel. Ce recouvrement ne constitue pas une correction financière et ne réduit pas le soutien accordé par les Fonds et le FEAMP au programme opérationnel. Le montant récupéré constitue une recette affectée conformément à l’article 177, paragraphe 3, du règlement [no 966/2012].

[...] »

Les antécédents du litige

10 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 10 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

11 Par la décision d’exécution C(2015) 4823 final, du 9 juillet 2015 (ci-après la « décision d’exécution de 2015 »), adoptée sur le fondement de l’article 29, paragraphe 4, et de l’article 96, paragraphe 10, du règlement no 1303/2013, la Commission a approuvé certains éléments du programme opérationnel CCI 2014RO16M1OP001 « Grande infrastructure » en vue d’un soutien de la part du FEDER et du Fonds de cohésion sur la base de l’objectif concernant les investissements pour la croissance et l’emploi en
Roumanie pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020 (ci-après le « programme opérationnel »). Ce programme comprenait huit axes prioritaires.

12 L’article 4, paragraphe 3, de la décision d’exécution de 2015, lu conjointement avec l’annexe II de celle-ci, a fixé le taux de cofinancement pour les premier et deuxième axes prioritaires de ce programme à 75 % et a précisé que ce taux s’appliquerait aux dépenses publiques éligibles.

13 Le 6 juillet 2018, les autorités roumaines ont transmis à la Commission la dernière demande de paiement intermédiaire relative au programme opérationnel pour l’exercice comptable 2017/2018, conformément à l’article 135, paragraphe 2, du règlement no 1303/2013.

14 Par la décision d’exécution C(2018) 8890 final, du 12 décembre 2018 (ci-après la « décision d’exécution de 2018 »), adoptée sur le fondement de l’article 96, paragraphe 10, du règlement no 1303/2013, la Commission a notamment modifié l’annexe II de la décision d’exécution de 2015, en augmentant le taux de cofinancement pour les premier et deuxième axes prioritaires du programme opérationnel à 85 %.

15 Au cours d’une réunion qui s’est tenue le 15 janvier 2019 entre les autorités roumaines et la Commission, ces autorités ont sollicité l’application, pour l’exercice comptable 2017/2018, du taux de cofinancement de 85 % pour les premier et deuxième axes prioritaires du programme opérationnel, tel que fixé dans la décision d’exécution de 2018, au lieu du taux de cofinancement de 75 % fixé dans la décision d’exécution de 2015. En réponse à cette demande, la Commission a indiqué que les orientations
figurant dans le document intitulé « Guide d’orientation à l’intention des États membres relatif à la préparation, à l’examen et à l’approbation des comptes », dans la version établie par la Commission le 3 décembre 2018, s’opposaient à l’application du taux de cofinancement de 85 % fixé dans la décision d’exécution de 2018 pour ledit exercice.

16 Le 15 février 2019, les autorités roumaines ont transmis à la Commission les comptes du programme opérationnel pour l’exercice comptable 2017/2018, conformément à l’article 138, sous a), du règlement no 1303/2013.

17 Par lettres du 8 mars et du 13 mai 2019, les autorités roumaines ont réitéré auprès de la Commission leur demande concernant l’application du taux de cofinancement de 85 % pour les premier et deuxième axes prioritaires du programme opérationnel pour l’exercice comptable 2017/2018.

18 Par lettre du 17 mai 2019, la Commission a confirmé aux autorités roumaines que le taux de cofinancement de 85 % pour les premier et deuxième axes prioritaires du programme opérationnel n’était pas applicable pour l’exercice comptable 2017/2018. En particulier, elle a expliqué que, dans le cadre de la période de programmation 2014-2020 et conformément aux orientations du guide mentionné au point 15 du présent arrêt, toute modification d’un taux de cofinancement ne s’applique qu’aux exercices
comptables en cours et futurs, en vertu du principe d’annualité comptable.

19 Le 23 mai 2019, la Commission a adopté la décision litigieuse par laquelle cette institution a, d’une part, approuvé les comptes du programme opérationnel pour l’exercice comptable 2017/2018, conformément à l’article 139, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1303/2013, et, d’autre part, sur la base des comptes approuvés, calculé le montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour ledit exercice, conformément à l’article 139, paragraphe 6, de ce règlement. Il ressort de l’annexe de cette
décision que, en calculant ledit montant, la Commission a appliqué le taux de cofinancement de 75 % pour les premier et deuxième axes prioritaires du programme opérationnel, tel que fixé dans la décision d’exécution de 2015.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juillet 2019, la Roumanie a demandé l’annulation partielle de la décision litigieuse, en ce que la Commission a appliqué un taux de cofinancement de 75 %, et non de 85 %, pour les premier et deuxième axes prioritaires du programme opérationnel.

21 À l’appui de son recours, la Roumanie a invoqué deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 120, paragraphe 3, et de l’article 139, paragraphe 6, du règlement no 1303/2013 ainsi que du principe de protection de la confiance légitime et, le second, d’une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et du principe de bonne administration.

22 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, ayant considéré ces moyens comme étant non fondés, a rejeté le recours dans son intégralité.

23 S’agissant, notamment, de la première branche du premier moyen, tirée de la méconnaissance de l’article 120, paragraphe 3, et de l’article 139, paragraphe 6, du règlement no 1303/2013, le Tribunal a écarté cette branche, en effectuant, dans un premier temps, aux points 29 à 51 de l’arrêt attaqué, une interprétation littérale, contextuelle et téléologique de cette dernière disposition, et en examinant, dans un second temps, aux points 53 à 71 de l’arrêt attaqué, les arguments présentés par la
Roumanie à l’appui de la thèse selon laquelle le taux de cofinancement applicable en vertu de l’article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013, serait celui en vigueur au moment de l’approbation des comptes.

Les conclusions des parties

24 Par son pourvoi, la Roumanie demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de statuer définitivement sur le recours introduit devant le Tribunal, en annulant partiellement la décision litigieuse en ce que la Commission a appliqué un taux de cofinancement de 75 %, et non de 85 %, pour les premier et deuxième axes prioritaires du programme opérationnel, et, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur ce recours, ainsi que

– de condamner la Commission aux dépens.

25 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la Roumanie aux dépens.

Sur le pourvoi

26 À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013, lu en combinaison avec l’article 137, paragraphe 1, sous a) et d), et paragraphe 2, l’article 131, l’article 135, paragraphe 2, ainsi que l’article 139, paragraphes 1, 2 et 7, de ce règlement, le deuxième, d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application du principe d’annualité
comptable et, le troisième, d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application du principe de non-rétroactivité.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

27 Par son premier moyen, la Roumanie reproche, en substance, au Tribunal d’avoir interprété et appliqué erronément l’article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013, lu en combinaison avec l’article 137, paragraphe 1, sous a) et d), et paragraphe 2, l’article 131, l’article 135, paragraphe 2, ainsi que l’article 139, paragraphes 1, 2 et 7, de ce règlement, lorsqu’il a jugé que le taux de cofinancement applicable pour le calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour
un exercice comptable déterminé est celui en vigueur à la date de la présentation, par l’État membre concerné, de la dernière demande de paiement intermédiaire correspondant à cet exercice comptable étant donné que, d’une part, toutes les dépenses éligibles prises en considération par la Commission dans le cadre du calcul du montant à charge de ces fonds sont celles présentées dans la dernière demande de paiement intermédiaire et que, d’autre part, les dépenses éligibles et le taux de
cofinancement applicable auxdites dépenses sont deux éléments intrinsèquement liés, sur la base desquels est calculé le montant à charge desdits fonds.

28 En particulier, la requérante fait, en premier lieu, grief au Tribunal d’avoir estimé, aux points 38, 39, 60 et 68 de l’arrêt attaqué, que le montant des dépenses inscrit dans la dernière demande de paiement intermédiaire constitue la base du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER, alors que, de l’avis de la requérante, seul le montant des dépenses figurant dans les comptes approuvés permet de déterminer ledit montant, dès lors que ces comptes sont les seuls à refléter, de
manière exhaustive et définitive, les dépenses éligibles.

29 Le Tribunal aurait ainsi assimilé à tort le montant total des dépenses éligibles figurant dans la dernière demande de paiement intermédiaire correspondant à un exercice comptable et le montant total des dépenses éligibles figurant dans les comptes approuvés concernant cet exercice, alors que ces deux montants sont différents, et que, conformément à l’article 139, paragraphe 6, du règlement no 1303/2013, la Commission calcule le montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER sur la base des
comptes approuvés.

30 Le fait que, conformément à l’article 137, paragraphe 2, du règlement no 1303/2013, une dépense figurant précédemment dans une demande de paiement intermédiaire présentée pour un exercice comptable donné peut être exclue de ses comptes par un État membre en raison d’une évaluation en cours de sa légalité et de sa régularité démontrerait que la dernière demande de paiement intermédiaire et les comptes approuvés par la Commission peuvent refléter des dépenses distinctes.

31 En deuxième lieu, la requérante soutient que l’assimilation effectuée par le Tribunal est contraire au principe de bonne gestion financière, aux dispositions du règlement no 1303/2013 relatives à la transmission et à l’approbation des comptes, ainsi qu’aux garanties de procédure associées à l’étape relative à l’approbation des comptes visant à assurer l’intégrité du Fonds de cohésion et du FEDER.

32 Dans ce contexte, la requérante conteste l’appréciation du Tribunal figurant au point 59 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la procédure relative à l’établissement, à l’examen et à l’approbation des comptes pour un exercice comptable déterminé revêt un caractère « formel ».

33 En troisième lieu, la requérante fait valoir que, en affirmant, au point 40 de l’arrêt attaqué, que, afin de calculer le montant exigible, la Commission prend également en considération le montant total des paiements effectués par elle au cours de l’exercice comptable, montant qui comprend notamment celui des paiements intermédiaires effectués par cette institution au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement no 1303/2013, le Tribunal a commis une erreur de droit.

34 En effet, d’une part, le montant exigible serait un montant cumulatif, constituant le total du soutien du Fonds de cohésion et du FEDER pour un exercice comptable, qui est calculé en appliquant le taux de cofinancement en vigueur au total des dépenses certifiées dans les comptes et approuvées par la Commission, de telle sorte que la détermination du montant exigible supposerait un nouveau calcul, entièrement indépendant par rapport aux paiements effectués antérieurement au cours de l’exercice
comptable. D’autre part, les paiements intermédiaires constitueraient exclusivement un des éléments pris en considération dans la détermination du montant restant dû. Ainsi, les paiements effectués au cours de l’exercice comptable, y compris les paiements intermédiaires, seraient déduits du montant exigible total, ce qui permettrait d’établir le solde dû par le Fonds de cohésion et le FEDER aux États membres, ou bien par les États membres à ces fonds.

35 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

Appréciation de la Cour

36 En premier lieu, il convient de préciser que, au point 37 de l’arrêt attaqué, qui n’est pas contesté par la requérante, le Tribunal, après avoir constaté que la dernière demande de paiement intermédiaire doit intervenir à la suite de la fin d’un exercice comptable déterminé, a déclaré que ladite demande « constitue la base pour l’établissement des comptes et pour le calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER ».

37 Il ressort du libellé de ce point, et, notamment, des termes « [e]n effet » qui suivent cette déclaration, que celle-ci est fondée sur l’appréciation du Tribunal figurant dans la deuxième phrase dudit point, à savoir que la dernière demande de paiement intermédiaire constitue la base pour la détermination tant des dépenses prises en considération par la Commission en vertu de l’article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013 que du montant total des paiements intermédiaires pris en
considération par la Commission en vertu dudit paragraphe 6, sous b).

38 Ainsi qu’il découle de la lecture des points 38 à 41 de l’arrêt attaqué, les points 38 et 39 de cet arrêt, que la requérante conteste, comprennent les motifs sous-tendant l’appréciation selon laquelle la dernière demande de paiement intermédiaire constitue la base pour la détermination des dépenses prises en considération par la Commission en vertu de l’article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013. En particulier, à ces derniers points, le Tribunal a interprété cette disposition
au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.

39 À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013, aux fins du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour l’exercice comptable, la Commission prend en considération les montants inscrits dans les comptes visés à l’article 137, paragraphe 1, sous a), de ce règlement et auxquels est appliqué le taux de cofinancement pour chaque priorité.

40 L’article 137, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1303/2013 prévoit que les comptes, qui portent sur l’exercice comptable, comprennent, notamment, le montant total des dépenses éligibles enregistrées dans le système de comptabilité de l’autorité de certification qui a été inclus dans les demandes de paiement présentées à la Commission conformément à l’article 131 et à l’article 135, paragraphe 2, de ce règlement pour le 31 juillet suivant la fin de l’exercice comptable.

41 L’article 131, paragraphe 1, dudit règlement dispose que les demandes de paiement mentionnent, pour chaque priorité, d’une part, le montant total des dépenses éligibles engagées par les bénéficiaires et versées au cours de l’exécution des opérations, telles qu’elles ont été enregistrées dans le système comptable de l’autorité de certification, et, d’autre part, le montant total des dépenses publiques engagées au cours de l’exécution des opérations, telles qu’elles ont été enregistrées dans le
système comptable de ladite autorité.

42 Pour sa part, l’article 135 du règlement no 1303/2013 prévoit, à ses paragraphes 1 et 2, respectivement, d’une part, que l’autorité de certification présente régulièrement une demande de paiement intermédiaire, conformément à l’article 131, paragraphe 1, de ce règlement portant sur les montants enregistrés dans son système comptable durant l’exercice comptable, et, d’autre part, que cette autorité présente la dernière demande de paiement intermédiaire au plus tard le 31 juillet suivant la fin de
l’exercice comptable précédent et, en tout cas, avant la première demande de paiement intermédiaire se rapportant à l’exercice comptable suivant.

43 Il découle des dispositions énoncées aux points 39 à 42 du présent arrêt, premièrement, que les comptes concernant un exercice comptable déterminé ne peuvent comprendre que les dépenses éligibles ayant été versées et enregistrées dans le système de comptabilité de l’autorité de certification au cours de l’exercice comptable et ayant été déclarées par celle-ci au moyen de demandes de paiement intermédiaire présentées à la Commission.

44 Deuxièmement, chaque demande de paiement intermédiaire reprend depuis le début le calcul des dépenses éligibles versées et enregistrées dans le système comptable de l’autorité de certification au cours de l’exercice comptable, de telle sorte que la dernière demande de paiement intermédiaire, qui peut être présentée au plus tard le 31 juillet suivant la fin de cet exercice, consolide le montant total cumulé des dépenses éligibles déclarées au cours dudit exercice, ainsi que le Tribunal l’a
constaté aux points 38 et 68 de l’arrêt attaqué et que la requérante le reconnaît elle-même dans son pourvoi.

45 Troisièmement, la dernière demande de paiement intermédiaire clôture ainsi la déclaration des dépenses éligibles correspondant à l’exercice comptable concerné, en ce sens que, après la présentation de celle-ci, l’État membre concerné ne peut plus déclarer des dépenses éligibles pour paiement au titre de cet exercice comptable, ainsi que le Tribunal l’a également constaté au point 38 de l’arrêt attaqué. Il s’ensuit que la totalité des dépenses exigibles correspondant à un exercice comptable
susceptibles d’être incluses dans les comptes approuvés relatifs à cet exercice, sur la base desquels est calculé le montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour ledit exercice, sont celles figurant dans la dernière demande de paiement intermédiaire.

46 Par conséquent, il résulte de l’article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013, lu en combinaison avec l’article 131, paragraphe 1, l’article 135, paragraphes 1 et 2, et l’article 137, paragraphe 1, sous a), de ce règlement que la dernière demande de paiement intermédiaire constitue la base pour la détermination des dépenses prises en considération par la Commission en vertu de l’article 139, paragraphe 6, sous a), dudit règlement et, dès lors, pour le calcul du montant à charge du
Fonds de cohésion et du FEDER, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 37 de l’arrêt attaqué, en ce sens que le montant total des dépenses éligibles figurant dans la dernière demande de paiement intermédiaire correspondant à un exercice comptable donné constitue le « point de départ » pour calculer le montant à charge de ces fonds pour cet exercice.

47 Or, la lecture d’ensemble des points 37 à 41 de l’arrêt attaqué permet de constater que telle est précisément la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu au point 39 de cet arrêt lorsqu’il a jugé que la lecture combinée de l’article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013 avec l’article 137, paragraphe 1, sous a), et l’article 135, paragraphe 2, de ce règlement, lesquels renvoient successivement les uns aux autres, indique que les dépenses éligibles prises en considération par
la Commission dans le cadre du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER sont celles qui ont été enregistrées dans le système comptable de l’autorité de certification durant l’exercice comptable concerné et présentées dans la dernière demande de paiement intermédiaire.

48 Ce constat a, d’ailleurs, également été exposé par la requérante, au point 46 de son pourvoi, dans lequel elle a indiqué que, « [a]fin de déterminer le montant à charge [du Fonds de cohésion et du FEDER], il convient tout d’abord de calculer le montant total des dépenses enregistrées dans le système de comptabilité de l’autorité de certification qui a été inclus dans les demandes de paiement intermédiaire présentées à la Commission » et que, « [é]tant donné que chaque demande de paiement
intermédiaire reprend depuis le début le calcul des dépenses enregistrées dans les systèmes de comptabilité, la dernière demande de paiement intermédiaire devrait refléter toutes les dépenses déclarées au cours de l’exercice comptable ». Ainsi, la requérante elle-même considère, pour les mêmes raisons que le Tribunal, que la dernière demande de paiement intermédiaire constitue le point de départ pour le calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER, sans que cela implique pour
autant d’assimiler les dépenses figurant dans cette demande et celles figurant dans les comptes approuvés.

49 Enfin, il importe de relever que, en se fondant sur le fait que la totalité des dépenses éligibles afférentes à un exercice comptable donné sont arrêtées au moment de la dernière demande de paiement intermédiaire relative à cet exercice, le Tribunal a conclu, au point 39 de l’arrêt attaqué, qu’il apparaît cohérent avec l’économie du règlement no 1303/2013 que la détermination du taux de cofinancement applicable auxdites dépenses suive la même logique, de sorte que ce taux soit celui qui était en
vigueur au plus tard au moment de la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire.

50 Ainsi, la prise en considération par le Tribunal de la date de la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire aux fins de la détermination du taux de cofinancement applicable résulte exclusivement des constats, effectués à bon droit par le Tribunal, selon lesquels, d’une part, la dernière demande de paiement intermédiaire cristallise le montant total des dépenses éligibles ayant été enregistrées dans le système comptable de l’autorité de certification durant l’exercice comptable
concerné et présentées pour paiement dans le cadre de cet exercice et, d’autre part, ladite demande clôture la déclaration des dépenses éligibles correspondant à cet exercice, de telle sorte que, après la présentation de celle-ci, l’État membre concerné ne peut plus déclarer des dépenses éligibles pour paiement au titre de cet exercice.

51 Dans ce contexte, il convient de souligner que le fait que certaines dépenses éligibles figurant dans la dernière demande de paiement intermédiaire peuvent éventuellement être exclues des comptes, en raison notamment de son irrégularité, ne modifie en rien, ainsi que le Tribunal l’a déclaré à juste titre au point 68 de l’arrêt attaqué, les constats figurant au point précédent du présent arrêt sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour parvenir à la conclusion énoncée au point 39 de l’arrêt
attaqué.

52 Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, les motifs figurant aux points 38, 39 et 68 de l’arrêt attaqué ne permettent pas de considérer que le Tribunal a assimilé le montant total des dépenses éligibles figurant dans la dernière demande de paiement intermédiaire correspondant à un exercice comptable déterminé et le montant total des dépenses éligibles figurant dans les comptes approuvés concernant cet exercice, et qu’il a ainsi attribué implicitement au montant total des dépenses
éligibles figurant dans ladite demande un caractère définitif. Il ne saurait pas davantage être déduit de ces motifs que, pour parvenir à la conclusion selon laquelle la date de référence prise en considération pour la détermination du taux de cofinancement applicable pour un exercice comptable déterminé est celle de la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire correspondant à cet exercice, le Tribunal s’est fondé sur une telle assimilation. Il en va de même en ce qui concerne
le point 60 de l’arrêt attaqué, qui reproduit la conclusion figurant au point 39 de cet arrêt.

53 Par conséquent, l’argumentation de la requérante, telle que résumée aux points 28 à 30 du présent arrêt, n’est pas fondée.

54 En deuxième lieu, n’est pas non plus fondé l’argument de la requérante selon lequel la prise en considération de la date de la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire aux fins de la détermination du taux de cofinancement applicable compromet les procédures relatives à l’établissement, à la transmission, à l’examen et à l’approbation des comptes et les garanties de procédure associées à l’approbation de comptes visant à assurer l’intégrité du Fonds de cohésion et du FEDER.

55 En effet, il suffit de relever que ces procédures doivent en tout état de cause se dérouler conformément aux dispositions du règlement no 1303/2013 et au principe de bonne gestion financière et qu’il est donc sans incidence que la date prise en considération aux fins indiquées soit la date de la dernière demande de paiement intermédiaire ou celle de l’approbation des comptes.

56 Par ailleurs, contrairement à ce que la requérante laisse entendre, le Tribunal n’a aucunement sous-estimé l’importance de la procédure relative à l’établissement, à l’examen et à l’approbation des comptes pour un exercice comptable déterminé aux fins du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER, en attribuant à cette procédure un caractère formel.

57 En effet, outre le fait que, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a explicitement reconnu que cette procédure revêt une importance « capitale » à ces fins, en ce que, comme la requérante le soutient, elle permet à la Commission de vérifier l’exhaustivité, l’exactitude et la véracité des comptes présentés par l’État membre concerné, ainsi qu’il ressort du point 59 de l’arrêt attaqué, le caractère « formel » que le Tribunal a attribué à cette procédure est exclusivement lié au fait, constaté
à bon droit par le Tribunal, que cette procédure consiste dans une vérification ex post des dépenses éligibles figurant dans les comptes que les États membres ont établis à partir des demandes de paiement intermédiaire présentées à la Commission, si bien que ladite procédure ne peut pas aboutir à la comptabilisation de dépenses n’ayant pas fait l’objet de telles demandes.

58 En troisième et dernier lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante visant à contester le point 40 de l’arrêt attaqué, force est de constater que, dès lors que ce point ne fait que rappeler le contenu de l’article 139, paragraphe 6, sous b), du règlement no 1303/2013, ainsi que de l’article 130, paragraphe 1, de ce règlement, il ne saurait être entaché d’une erreur de droit.

59 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

60 Par son deuxième moyen, la requérante soutient, en substance, que, en estimant, au point 50 de l’arrêt attaqué, que faire appliquer aux dépenses encourues au cours d’un exercice comptable et enregistrées dans le système comptable un taux de cofinancement adopté à la suite de la dernière demande de paiement intermédiaire reviendrait, en substance, à méconnaître le principe d’annualité comptable, le Tribunal a interprété et appliqué erronément ce principe.

61 La requérante fait valoir que l’application, pour un exercice comptable déterminé, d’un taux de cofinancement établi après la date de la dernière demande de paiement intermédiaire correspondant à cet exercice mais avant la clôture des comptes concernant ledit exercice, tel que le taux de cofinancement fixé par la décision d’exécution de 2018, respecte le principe d’annualité comptable.

62 Selon la requérante, même si les dépenses sont déclarées de manière échelonnée à travers les demandes de paiement intermédiaire, elles sont cumulées au moment de la transmission des comptes, aux fins de l’approbation de ces dernières et du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER se rapportant au total des dépenses éligibles enregistrées durant un exercice comptable, ce qui rend possible l’actualisation du taux de cofinancement à tout moment, jusqu’à la date de l’approbation
des comptes et du calcul du montant exigible, sans que l’application du taux de cofinancement actualisé entraîne de nouveaux calculs des paiements intermédiaires déjà effectués par la Commission.

63 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

Appréciation de la Cour

64 Ainsi qu’il a été constaté par le Tribunal, aux points 34 et 35 de l’arrêt attaqué, qui ne sont pas contestés par la requérante, le système de gestion partagée des fonds structurels et d’investissement européens introduit par le règlement no 1303/2013 est fondé sur le principe d’annualité comptable, ce principe impliquant, notamment, que les procédures prévues par ce règlement concernant tant la gestion financière des dépenses prises en charge par le Fonds de cohésion et le FEDER que
l’établissement, l’examen et l’approbation des comptes sont articulées sur la base de ce principe, de telle sorte qu’elles ont comme unique période de référence l’exercice comptable.

65 Dès lors, l’application du principe d’annualité comptable impose que les éléments devant être pris en considération aux fins du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour un exercice comptable déterminé, à savoir, conformément à l’article 139, paragraphe 6, sous a) et b), du règlement no 1303/2013, les dépenses éligibles, le taux de cofinancement applicable et les paiements effectués par la Commission, doivent se rapporter à cet exercice, sauf exception prévue par le
législateur de l’Union.

66 C’est ainsi que, en conformité avec le principe d’annualité comptable, d’une part, seules les dépenses éligibles ayant été enregistrées dans le système de comptabilité de l’autorité de certification « durant l’exercice comptable » et ayant été présentées pour paiement à la Commission au moyen de demandes de paiement intermédiaire peuvent être prises en considération aux fins du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour cet exercice, ainsi qu’il ressort de l’article 139,
paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013, lu en combinaison avec l’article 137, paragraphe 1, sous a), l’article 131, paragraphe 1, et l’article 135 de ce règlement. D’autre part, seuls les paiements effectués « au cours dudit exercice comptable » doivent être pris en considération auxdites fins, ainsi qu’il ressort de l’article 139, paragraphe 6, sous b), dudit règlement.

67 En ce qui concerne le taux de cofinancement applicable, il convient de relever que ce taux se réfère, en définitive, au pourcentage du montant total des dépenses éligibles encourues par l’État membre concerné durant un exercice comptable devant être pris en charge par l’Union.

68 Or, si le règlement no 1303/2013 ne précise certes pas quel est le taux de cofinancement applicable pour calculer le montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour un exercice comptable déterminé, en cas de modification du taux de cofinancement fixé, intervenue après la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire correspondant à cet exercice mais avant l’approbation des comptes relatifs au même exercice, il n’en demeure pas moins que, en conformité avec le principe
d’annualité comptable qui sous-tend le règlement no 1303/2013, le taux de cofinancement applicable ne saurait être que celui qui était en vigueur au cours dudit exercice, à savoir, en l’occurrence, le taux de cofinancement fixé par la décision d’exécution de 2015.

69 Le fait que le montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour un exercice comptable déterminé est calculé après l’approbation des comptes relatifs à cet exercice, et, partant, après la clôture de celui-ci, n’a, dès lors, aucune incidence sur la détermination du taux de cofinancement applicable pour ledit exercice, tout comme ce fait n’a aucune incidence sur la détermination des dépenses éligibles et des paiements effectués par la Commission devant être pris en considération aux fins de ce
calcul.

70 En effet, une telle circonstance résulte du fait que la Commission, conformément aux obligations qui lui incombent, en tant que responsable de l’exécution du budget de l’Union, doit s’assurer que les fonds structurels et d’investissement européens sont utilisés par les États membres de manière légale et régulière, et ne peut engager ces fonds sans vérifier préalablement que les conditions auxquelles est soumis le soutien accordé par lesdits fonds, telles que prévues par le règlement no 1303/2013,
sont respectées. Or, ces opérations de vérification ne peuvent, par leur nature même, avoir lieu qu’après la clôture de l’exercice comptable concerné, dans le cadre de la procédure relative à l’examen et à l’approbation des comptes afférents audit exercice.

71 La conclusion figurant au point 68 du présent arrêt s’impose d’autant plus que, ainsi qu’il ressort de l’article 130, paragraphe 1, du règlement no 1303/2013, les remboursements effectués par la Commission en faveur de l’État membre sous la forme de paiements intermédiaires effectués au cours de l’exercice comptable à la suite des demandes de paiement intermédiaire sont calculés en appliquant aux dépenses éligibles figurant dans ces demandes le taux de cofinancement en vigueur à la date de ces
dernières, ce que la requérante ne conteste pas.

72 Or, il serait incohérent de calculer le montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour un exercice comptable en appliquant aux dépenses éligibles ayant été engagées par l’État membre concerné au cours de cet exercice un taux de cofinancement différent de celui qui a été appliqué, tout au long de cet exercice, pour calculer les paiements intermédiaires afférents à ces dépenses qui ont déjà été versés par la Commission.

73 C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, au point 50 de l’arrêt attaqué, constaté qu’appliquer aux dépenses encourues au cours d’un exercice comptable et enregistrées dans le système comptable un taux de cofinancement adopté à la suite de la dernière demande de paiement intermédiaire reviendrait, en substance, à méconnaître le principe d’annualité comptable.

74 Par conséquent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

75 Par son troisième moyen, la requérante reproche, en substance, au Tribunal d’avoir interprété et appliqué erronément le principe de non-rétroactivité lorsque, au point 65 de l’arrêt attaqué, il a jugé que l’application du taux de cofinancement fixé dans la décision d’exécution de 2018 pour ce qui est de l’exercice comptable 2017/2018 entraînerait la rétroactivité de cette décision.

76 À cet égard, en premier lieu, tout en reconnaissant que l’exercice comptable 2017/2018 a pris fin le 30 juin 2018 et que la dernière demande de paiement intermédiaire a été transmise au début du mois de juillet de l’année 2018, la requérante allègue que, contrairement à ce qui a été constaté par le Tribunal, la situation juridique de la Roumanie ne saurait être considérée comme étant définitivement acquise au 12 décembre 2018, date de la décision d’exécution de 2018, cette situation pouvant, bien
au contraire, encore subir des modifications jusqu’à la date d’approbation des comptes.

77 En témoignerait le fait que les procédures administratives concernant un exercice comptable se poursuivent après la période comprenant un tel exercice, et peuvent potentiellement changer la relation juridique établie entre l’État membre et la Commission sur la base de la dernière demande de paiement intermédiaire, et ce jusqu’au moment de l’approbation des comptes.

78 En deuxième lieu, estimant que la présentation des comptes et leur approbation constituent des effets ultérieurs des demandes de paiement intermédiaire pour un exercice comptable, la requérante fait valoir que, même s’il devait être considéré que la situation juridique d’un État membre est acquise au moment de la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire, la mise en œuvre du principe de non-rétroactivité exigerait l’application du nouveau taux de cofinancement, dès lors que,
conformément à ce principe, une règle de droit nouvelle s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation juridique née sous l’empire de la loi ancienne.

79 En troisième lieu, la requérante soutient que l’application rétroactive du taux de cofinancement implique, en réalité, le calcul des montants exigibles pour des exercices comptables dont les comptes ont déjà été clôturés et qui ne sont plus concernés par des opérations administratives pouvant modifier les relations juridiques entre l’État membre et la Commission, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

80 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

Appréciation de la Cour

81 Il convient de relever que, après avoir jugé qu’il ressort de l’interprétation littérale, contextuelle et téléologique du règlement no 1303/2013 que le taux de cofinancement applicable pour le calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER pour un exercice comptable déterminé, conformément à l’article 139, paragraphe 6, sous a), de ce règlement, est celui en vigueur à la date de la présentation, par l’État membre concerné, de la dernière demande de paiement intermédiaire
correspondant à l’exercice comptable concerné, le Tribunal a, aux points 52 à 71 de l’arrêt attaqué, examiné et rejeté les arguments présentés par la Roumanie à l’appui de la thèse selon laquelle le taux de cofinancement applicable, au sens dudit article 139, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1303/2013, est celui en vigueur au moment de l’approbation des comptes.

82 En particulier, aux points 57 à 65 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l’argument selon lequel les procédures relatives à un exercice comptable donné resteraient ouvertes jusqu’au moment de l’approbation des comptes et du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER.

83 À cet égard, aux points 58 à 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté cet argument en constatant, au point 59 de cet arrêt, que, pour importante qu’elle soit, l’étape de la procédure relative à l’approbation des comptes ne vise qu’à la réalisation d’une vérification ex post des dépenses ayant été incluses par l’État membre concerné dans ses demandes de paiement intermédiaire afférentes à un exercice comptable et reprises dans la dernière demande de paiement intermédiaire, de telle sorte que
cette étape ne peut pas aboutir à la comptabilisation de dépenses ne figurant pas dans cette dernière demande.

84 Au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que c’est pour cette raison que, ainsi qu’il l’a relevé au point 39 de cet arrêt, les dépenses éligibles prises en considération par la Commission dans le cadre du calcul du montant à charge du Fonds de cohésion et du FEDER sont celles qui ont été enregistrées dans le système comptable de l’autorité de certification durant l’exercice comptable concerné et présentées dans la dernière demande de paiement intermédiaire. Le Tribunal a ainsi conclu
que le taux de cofinancement s’appliquant auxdites dépenses devrait suivre la même logique, en l’absence de toute autre précision à cet égard du législateur de l’Union. Autrement dit, le taux de cofinancement applicable devrait être celui qui était en vigueur à la date de la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire, ainsi qu’il l’a jugé au point 39 de l’arrêt attaqué.

85 Or, il découle de la lecture des points 61 à 65 de l’arrêt attaqué, et, notamment, des termes « par ailleurs » visés au point 61 de cet arrêt, que la motivation figurant à ces points, tendant à étayer la conclusion qui ressort du point 60 du même arrêt, est surabondante par rapport à celle figurant aux points 58 à 60 du même arrêt.

86 Partant, dès lors que les premier et deuxième moyens ont été rejetés et que, par voie de conséquence, les points 39, 59 et 60 de l’arrêt attaqué ont été confirmés, le troisième moyen doit être écarté comme étant inopérant.

87 Aucun des moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.

Sur les dépens

88 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

89 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

90 La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) La Roumanie supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-401/21
Date de la décision : 14/07/2022
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Fonds de cohésion et Fonds européen de développement régional (FEDER) – Règlement (UE) no 1303/2013 – Taux de cofinancement applicable – Modification du taux intervenue entre la présentation de la dernière demande de paiement intermédiaire et l’approbation des comptes – Principes d’annualité comptable et de non-rétroactivité.

Fonds européen de développement régional (FEDER)

Cohésion économique, sociale et territoriale


Parties
Demandeurs : Roumanie
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina
Rapporteur ?: Arastey Sahún

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:564

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