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14/07/2022 | CJUE | N°C-201/19

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Servier SAS e.a. contre Commission européenne., 14/07/2022, C-201/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 14 juillet 2022 ( 1 )

Affaire C‑201/19 P

Servier SAS,

Servier Laboratories Ltd,

Les Laboratoires Servier SAS

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché du périndopril, médicament pour le traitement des maladies cardiovasculaires – Accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets conclus entre un laboratoire de princeps titulaire de brevets et des sociétés de gé

nériques – Concurrence potentielle – Restriction de la concurrence par objet – Durée de l’infraction – Notion d’infraction unique – Amend...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 14 juillet 2022 ( 1 )

Affaire C‑201/19 P

Servier SAS,

Servier Laboratories Ltd,

Les Laboratoires Servier SAS

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché du périndopril, médicament pour le traitement des maladies cardiovasculaires – Accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets conclus entre un laboratoire de princeps titulaire de brevets et des sociétés de génériques – Concurrence potentielle – Restriction de la concurrence par objet – Durée de l’infraction – Notion d’infraction unique – Amendes »

Table des matières

  I. Introduction
  II. Les antécédents du litige
  A. Les faits
  1. Opérateurs concernés par la présente affaire
  2. Produit et brevets en cause
  3. Litiges brevetaires relatifs au périndopril et lancement de versions génériques du périndopril
  a) Litiges devant l’OEB
  b) Litiges devant les juridictions nationales
  4. Accords de règlement amiable de litiges de brevet concernés par la présente affaire, conclus par Servier avec des sociétés de génériques
  a) Accords conclus avec Niche/Unichem et Matrix
  b) Accord conclu avec Teva
  c) Accord conclu avec Lupin
  B. La décision litigieuse
  C. L’arrêt attaqué
  III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
  IV. Appréciation
  A. Sur le constat de l’infraction
  1. Structure et recevabilité de l’argumentation de Servier
  2. Sur la concurrence potentielle (deuxième moyen et premières branches des troisième, quatrième et cinquième moyens)
  a) Sur la portée des brevets lors de l’analyse de la concurrence potentielle
  b) Sur l’analyse des possibilités réelles et concrètes des sociétés de génériques d’entrer sur le marché malgré la présence d’obstacles
  1) Sur la présence d’un accord excluant les entrants potentiels du marché
  2) Sur les démarches préparatoires effectuées par les sociétés de génériques et leur intention de surmonter les obstacles
  3) Sur la présence d’obstacles multiples
  c) Sur la répartition de la charge de la preuve
  d) Sur les arguments supplémentaires concernant chacune des sociétés de génériques impliquées
  1) Niche/Unichem et Matrix
  2) Teva
  3) Lupin
  e) Conclusion
  3. Sur la qualification des accords de restrictions de la concurrence par objet (premier moyen et deuxièmes branches des troisième, quatrième et cinquième moyens)
  a) Sur l’expérience et le caractère « facilement décelable » d’une restriction de la concurrence
  b) Sur les paiements et les prétendus effets « positifs » ou « ambivalents » des accords
  1) Sur les paiements
  2) Sur les prétendues effets « positifs » ou « ambivalents » des accords
  c) Sur l’examen de l’objet restrictif de concurrence des accords en cause
  1) Sur les accords Niche et Matrix
  2) Sur l’accord Teva
  i) Sur les objectifs et les prétendus effets « ambivalents » de l’accord Teva
  – Sur les prétendus effets « ambivalents » ou « proconcurrentiels »
  – Sur la prétendue absence de nocivité des clauses de l’accord Teva
  ii) Sur les paiements
  3) Sur l’accord Lupin
  i) Sur le paiement
  ii) Sur les clauses de l’accord Lupin
  d) Conclusion
  4. Sur la date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin (troisième branche du cinquième moyen)
  5. Sur la qualification de l’accord Niche, d’une part, et de l’accord Matrix, d’autre part, d’infractions distinctes (sixième moyen)
  B. Sur les amendes
  1. Sur les erreurs de droit relatives aux amendes invoquées par Servier (septième moyen)
  a) Sur le principe de légalité des délits et des peines
  b) Sur le principe de proportionnalité et l’appréciation de la gravité des infractions
  2. Sur l’amende infligée à Servier au titre de l’accord Lupin (troisième branche du cinquième moyen)
  3. Conclusion concernant les amendes
  C. Conclusion intermédiaire
  V. Les dépens
  VI. Conclusion

I. Introduction

1. Après les affaires Generics (UK) e.a. ( 2 ) et Lundbeck/Commission ( 3 ), la présente affaire, qui fait partie d’un groupe de neufs pourvois introduits contre huit arrêts du Tribunal ( 4 ), concerne à nouveau l’appréciation, sous l’angle du droit de la concurrence de l’Union, de plusieurs accords de règlement amiable de litiges de brevets conclus par un fabricant de médicaments princeps, en l’occurrence Servier, avec des sociétés de génériques.

2. Comme dans les affaires Generics (UK) e.a. et Lundbeck/Commission, ces accords sont intervenus dans une situation dans laquelle le brevet sur la substance active du médicament en cause, en l’occurrence le périndopril, était déjà tombé dans le domaine public, alors que Servier détenait encore des brevets dits « secondaires » sur certains procédés de fabrication de ce médicament.

3. Les accords litigieux ont, en substance, fait en sorte que les sociétés de génériques, qui souhaitaient entrer sur le marché avec des versions génériques dudit médicament, s’engageaient à reporter leur entrée contre des transferts de valeur de la part de Servier.

4. Dans la décision litigieuse ( 5 ), la Commission a considéré, d’une part, que les accords en cause, conclus par Servier avec Niche/Unichem, Matrix, Teva, Krka et Lupin, constituaient des restrictions de la concurrence par objet et par effet et par conséquent des infractions à l’article 101 TFUE.

5. D’autre part, elle a considéré que leur conclusion, ensemble avec d’autres agissements comme l’acquisition de technologies pour la fabrication de l’ingrédient pharmaceutique actif (IPA) du périndopril, constituait, de la part de Servier, une stratégie visant à retarder l’entrée des sociétés de génériques du périndopril sur le marché de ce médicament, sur lequel Servier détenait une position dominante. Partant, la Commission a sanctionné ce comportement en tant qu’abus de position dominante au
titre de l’article 102 TFUE.

6. Dans l’arrêt attaqué ainsi que dans ses autres arrêts dans le groupe d’affaires concerné, le Tribunal a confirmé l’analyse de la Commission en ce qui concerne le caractère de restrictions de la concurrence par objet des accords conclus par Servier avec Niche/Unichem, Matrix, Teva et Lupin. Ces constatations du Tribunal sont attaquées par Servier dans le présent pourvoi, qui fait office d’affaire « pilote », ainsi que par ces sociétés de génériques dans leurs pourvois respectifs introduits contre
les arrêts du Tribunal les concernant.

7. En revanche, le Tribunal a annulé la décision litigieuse en ce qui concerne la qualification de restriction de la concurrence par objet et par effet des accords conclus par Servier avec Krka, ainsi qu’en ce qui concerne le constat d’abus de position dominante de la part de Servier, puisque la Commission aurait commis des erreurs lors de la définition du marché pertinent.

8. Ces annulations de la part du Tribunal sont mises en cause par la Commission dans l’affaire Commission/Servier e.a. (C‑176/19 P), dans laquelle nous présentons également des conclusions aujourd’hui, ainsi que dans l’affaire Commission/Krka (C‑151/19 P). Ces affaires posent des questions inédites concernant la qualification de restriction de la concurrence par objet d’un accord de licence conclu concomitamment avec un accord de règlement amiable d’un litige de brevet, la qualification d’un tel
accord de restriction de la concurrence par effet ainsi que la définition du marché pertinent dans le domaine pharmaceutique.

9. Par opposition, la présente affaire ne soulève, pour l’essentiel, que des questions déjà abordées par les affaires Generics (UK) e.a. et Lundbeck/Commission, dont il s’agit par conséquent d’appliquer les principes dans le contexte de l’espèce.

II. Les antécédents du litige

A. Les faits

10. Le Tribunal a fait état des antécédents du litige aux points 1 à 73 de l’arrêt attaqué qui peuvent, pour les besoins de la présente procédure de pourvoi, être résumés de la manière suivante.

1.   Opérateurs concernés par la présente affaire

11. Le groupe Servier, formé notamment de Servier SAS, sa société mère établie en France, des Laboratoires Servier SAS et de Servier Laboratories Ltd (ci‑après, prises ensemble, « Servier » ou « les requérantes »), rassemble des sociétés pharmaceutiques au niveau mondial. Les Laboratoires Servier est une société pharmaceutique française spécialisée dans le développement de médicaments princeps, notamment pour le traitement des maladies cardiovasculaires ( 6 ). Biogaran est une filiale à 100 % des
Laboratoires Servier en charge des génériques ( 7 ).

12. Niche Generics Ltd (ci-après « Niche ») est une entreprise active dans la mise sur le marché et la fourniture de produits pharmaceutiques génériques, détenue d’abord à 60 %, puis, depuis 2006, à 100 % par la société pharmaceutique indienne Unichem Laboratories Ltd, qui est active dans la recherche et la fabrication d’IPA et de produits finis (ci-après « Unichem ») (ci-après, prises ensemble, « Niche/Unichem ») ( 8 ).

13. Matrix Laboratories Ltd (ci-après « Matrix ») est une société indienne développant, produisant et commercialisant principalement des IPA à destination des sociétés de génériques. À la suite de plusieurs prises de participations, Mylan Inc. détient depuis 2011 entre 97 et 98 % du capital de Matrix, laquelle est dénommée Mylan Laboratories Ltd depuis le 5 octobre 2011 ( 9 ).

14. Teva Pharmaceutical Industries Ltd est une multinationale pharmaceutique développant, produisant et commercialisant des médicaments génériques et des IPA destinés à sa propre production pharmaceutique ainsi qu’à d’autres sociétés. Teva UK Ltd est une filiale à 100 % de Teva Pharmaceuticals Europe BV, qui est elle-même une filiale à 100 % de Teva Pharmaceutical Industries (ci-après, prises ensemble, « Teva »). Teva compte parmi les plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux opérant dans le
secteur des médicaments génériques. Le 26 janvier 2006, Teva a fusionné avec Ivax Europe (ci-après « Ivax »), une multinationale pharmaceutique fabriquant des médicaments génériques, qui est ainsi devenue une filiale à 100 % de Teva ( 10 ).

15. Lupin Ltd est la société mère, enregistrée en Inde, des sociétés faisant partie du groupe Lupin, dont Lupin (Europe) Limited, qui est principalement active dans la vente d’IPA et de produits finis de Lupin, mais également dans l’octroi de licences pour les dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits de Lupin et la vente directe de petite ampleur au Royaume-Uni de produits finis de Lupin (ci-après, prises ensemble, « Lupin ») ( 11 ).

2.   Produit et brevets en cause

16. Servier a mis au point le périndopril, médicament indiqué en médecine cardiovasculaire, principalement destiné à lutter contre l’hypertension et l’insuffisance cardiaque. L’IPA du périndopril se présente sous la forme d’un sel. Le sel utilisé initialement était l’erbumine (ou tert-butylamine), qui présente une forme cristalline en raison du procédé employé par Servier pour sa synthèse ( 12 ).

17. Le brevet EP0049658 relatif à la molécule du périndopril a été déposé devant l’Office européen des brevets (OEB) le 29 septembre 1981. Ce brevet devait arriver à expiration le 29 septembre 2001, mais sa protection a été étendue dans plusieurs États membres de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni, jusqu’au 22 juin 2003 ( 13 ). En France, la protection dudit brevet a été étendue jusqu’au 22 mars 2005 et, en Italie, jusqu’au 13 février 2009 ( 14 ). L’octroi d’une AMM pour des comprimés de
périndopril erbumine (2 et 4 mg) pour le traitement de l’hypertension artérielle est intervenu entre 1988 et 1989 en Europe ( 15 ).

18. Après le dépôt du brevet de molécule, Servier a déposé plusieurs brevets de procédé relatifs à la fabrication du périndopril devant l’OEB. Les brevets concernés par la présente procédure sont, notamment, les brevets EP0308339, EP0308340 et EP0308341 (ci-après, respectivement, le« brevet 339 », le « brevet 340 » et le « brevet 341 »), déposés en 1988 et devant expirer en 2008, ainsi que, et surtout, le brevet EP1296947 (dit « brevet alpha », ci-après le « brevet 947 »), déposé en 2001. Le brevet
947 couvrait la forme cristalline alpha du périndopril erbumine et les méthodes pour le fabriquer et a été accordé le 4 février 2004 ( 16 ).

19. Servier a également déposé des demandes de brevets nationaux dans plusieurs États membres de l’Union, par exemple en Bulgarie, en République tchèque, en Estonie, en Hongrie, en Pologne et en Slovaquie. C’est ainsi que des brevets ont été délivrés le 16 mai 2006 en Bulgarie, le 17 août 2006 en Hongrie, le 23 janvier 2007 en République tchèque, le 23 avril 2007 en Slovaquie et le 24 mars 2010 en Pologne. Ces brevets correspondaient, en substance, aux brevets déposés devant l’OEB ( 17 ).

20. À partir de 2002, Servier a mis au point un périndopril de deuxième génération, fabriqué à partir d’un nouveau sel, l’arginine, pour lequel elle a introduit une demande de brevet (EP1354873B) le 17 février 2003. Ce brevet a été délivré le 17 juillet 2004, avec une date d’expiration fixée au 17 février 2023. L’introduction du périndopril arginine sur les marchés de l’Union a débuté en 2006. Ce produit est une version générique bioéquivalente du produit de première génération, mais se vend sous
des dosages différents en raison du poids moléculaire différent du nouveau sel ( 18 ). Le périndopril arginine a reçu une AMM en France en 2004 et a ensuite été autorisé par la procédure de reconnaissance mutuelle dans d’autres États membres ( 19 ).

3.   Litiges brevetaires relatifs au périndopril et lancement de versions génériques du périndopril

21. Entre 2003 et 2009, Servier a été partie à un ensemble de litiges concernant le périndopril, devant l’OEB comme devant des juridictions nationales. Il s’agissait essentiellement de demandes d’injonctions et de procédures relatives au brevet 947, engagées dans différents États membres et opposant Servier à une série de sociétés de génériques préparant le lancement d’une version générique du périndopril ( 20 ).

a)   Litiges devant l’OEB

22. D’abord, dix sociétés de génériques, dont Niche, Teva et Lupin, ont formé opposition contre le brevet 947 devant l’OEB en 2004, en vue d’obtenir sa révocation dans sa totalité, en invoquant des motifs tirés du manque de nouveauté et d’activité inventive et du caractère insuffisant de l’exposé de l’invention ( 21 ).

23. Le 27 juillet 2006, la division d’opposition de l’OEB a confirmé la validité du brevet 947, à la suite de légères modifications des revendications initiales de Servier (ci-après la « décision de l’OEB du 27 juillet 2006 »). Neuf sociétés ont formé un recours contre cette décision, mais Krka et Lupin ont notifié le retrait de leurs recours les 11 janvier et 5 février 2007, respectivement, à la suite de leurs accords avec Servier. Par décision du 6 mai 2009, la chambre de recours technique de
l’OEB a annulé la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et révoqué le brevet 947 (ci-après la « décision de l’OEB du 6 mai 2009 »). La requête en révision déposée par Servier à l’encontre de cette décision a été rejetée le 19 mars 2010 ( 22 ).

b)   Litiges devant les juridictions nationales

24. La validité du brevet 947 a également été contestée par des sociétés de génériques devant les juridictions de certains États membres, et Servier a introduit des demandes d’injonctions provisoires, qui ont parfois été couronnées de succès ( 23 ). Toutefois, la plupart de ces litiges ont pris fin avant l’intervention d’une décision définitive sur la validité du brevet 947 en raison des accords de règlement amiable conclus entre Servier et des sociétés de génériques.

25. Dans ce contexte, il convient néanmoins de relever deux litiges entre Servier et Apotex, la seule société de génériques partie à un litige avec Servier au Royaume-Uni avec laquelle Servier n’a pas conclu d’accord de règlement amiable. Ces litiges, l’un pendant au Royaume-Uni et l’autre pendant aux Pays-Bas, n’ont donc pas été interrompues par la conclusion d’accords de règlement amiable et ont par la suite mené à l’invalidation du brevet 947.

26. Ainsi, d’une part, le 1er août 2006, Servier a introduit une action en contrefaçon du brevet 947 contre Apotex, qui avait lancé une version générique du périndopril « à risque » sur le marché du Royaume-Uni, devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et Pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume-Uni], et obtenu le prononcé d’une injonction provisoire le 8 août 2006. Toutefois, à la suite
d’une demande reconventionnelle en annulation dudit brevet introduite par Apotex, le brevet 947 a été invalidé le 6 juillet 2007, l’injonction a été levée et Apotex est entrée sur le marché avec du périndopril générique, ce qui a ouvert le marché aux génériques au Royaume-Uni. Le 9 mai 2008, la décision d’invalidation du brevet 947 a été confirmée en appel ( 24 ).

27. D’autre part, le 13 novembre 2007, Katwijk Farma, une filiale d’Apotex, a saisi la justice néerlandaise d’une demande d’annulation du volet néerlandais du brevet 947 et a lancé, le 13 décembre 2007, son périndopril générique, alors qu’une demande d’injonction provisoire de la part de Servier a été rejetée. Le 11 juin 2008, la justice néerlandaise a annulé le brevet 947 pour les Pays-Bas au terme d’une action en justice concomitante engagée par Pharmachemie, une filiale de Teva ( 25 ).

28. À partir de mai 2008, Sandoz, une autre société de génériques, a lancé son périndopril générique dans plusieurs États membres ( 26 ).

4.   Accords de règlement amiable de litiges de brevet concernés par la présente affaire, conclus par Servier avec des sociétés de génériques

29. Entre 2005 et 2007, Servier a conclu des accords de règlement amiable avec les sociétés de génériques Niche/Unichem, Matrix, Teva, Krka et Lupin. Les accords concernés par le présent pourvoi sont les accords conclus par Servier avec Niche/Unichem, Matrix, Teva et Lupin.

a)   Accords conclus avec Niche/Unichem et Matrix

30. Niche/Unichem et Matrix coopéraient pour le lancement d’une version générique du périndopril. Matrix avait le rôle de fournisseur d’IPA et Niche/Unichem étaient responsables de l’obtention des AMM et de la distribution du produit fini ( 27 ).

31. En plus de l’opposition de Niche devant l’OEB ( 28 ), Servier et Niche étaient en litige depuis le 25 juin 2004 devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)] au sujet des brevets 339, 340, 341 et 947. L’audience dans cette procédure avait été fixée aux 7 et 8 février 2005. Matrix a été associée à cette procédure en effectuant des dépositions, mais n’avait
pas de procédure contentieuse propre en cours avec Servier ( 29 ).

32. Le 8 février 2005, Servier a conclu deux accords de règlement amiable, un avec Niche/Unichem (ci-après « l’accord Niche ») et un avec Matrix (ci-après « l’accord Matrix »). Le même jour, Niche a conclu un contrat de licence et de fourniture avec Biogaran, filiale à 100 % des Laboratoires Servier.

33. Les accords conclus par Servier avec Niche/Unichem et Matrix couvraient tous les pays dans lesquels les brevets 339, 340, 341 et 947 existaient, à l’exception d’un État non membre de l’Espace économique européen (EEE) pour l’accord Matrix. Ils prévoyaient, en résumé ( 30 ), que Niche/Unichem et Matrix s’abstiendraient de fabriquer ou de fournir du périndopril considéré par Servier comme violant ses brevets ainsi que de contester les brevets de Servier.

34. En contrepartie, Servier s’engageait à ne pas introduire d’actions en contrefaçon contre Niche/Unichem et Matrix et à verser 11,8 millions de livres sterling (GBP) à Niche/Unichem d’une part, et 11,8 millions de GBP à Matrix, d’autre part. De plus, dans le cadre de l’accord avec Biogaran, Niche s’est engagée à transférer à Biogaran des dossiers concernant trois médicaments et nécessaires à l’obtention des AMM et d’une AMM française pour l’un d’eux. En contrepartie, Biogaran devait verser à Niche
une somme de 2,5 millions de GBP, non remboursable, même en cas de non‑obtention des AMM par Biogaran.

b)   Accord conclu avec Teva

35. En plus de l’opposition de Teva devant l’OEB ( 31 ), Servier et Ivax étaient en litige au Royaume-Uni depuis le 9 août 2005 au sujet du brevet 947, mais avaient cependant décidé de suspendre la procédure jusqu’à l’intervention de la décision finale dans la procédure d’opposition devant l’OEB. Le 15 août 2007, Pharmachemie, une filiale de Teva, a introduit une demande de révocation du brevet 947, tel que validé aux Pays-Bas, qui a été accueillie le 11 juin 2008 ( 32 ).

36. Le 13 juin 2006, Servier et Teva ont conclu un accord de règlement amiable qui couvrait uniquement le Royaume-Uni (ci-après « l’accord Teva »). Cet accord était conclu pour une durée de trois ans et était renouvelable pour une durée supplémentaire de deux ans.

37. Aux termes dudit accord, Teva s’engageait à s’approvisionner exclusivement auprès de Servier pour le périndopril erbumine destiné à la distribution au Royaume-Uni, et ce pendant trois ans. En contrepartie du paiement par Servier d’un montant de 5 millions de GBP, Teva s’est engagée à ne pas vendre de périndopril générique (autre que celui fourni par Servier) et à ne pas contester les brevets de Servier au Royaume-Uni, étant précisé qu’elle n’avait pas l’interdiction de poursuivre une procédure
d’opposition contre les brevets litigieux devant l’OEB. En outre, Servier et Teva ont convenu du versement d’une indemnité forfaitaire à Teva en cas de non‑fourniture en périndopril dès le 1er août 2006 et Teva n’avait, dans un tel cas, aucun droit à mettre fin à l’accord de règlement amiable. À la suite de la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 confirmant le brevet 947 et de l’injonction accordée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de
justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)] contre Apotex le 8 août 2006 ( 33 ), Servier a usé de la clause d’indemnité forfaitaire et Teva a ainsi reçu, sur une période de 11 mois, la somme de 5,5 millions de GBP de la part de Servier en contrepartie de la non‑fourniture de périndopril. Au total, ce sont donc 10,5 millions de GBP qui ont été versés par Servier à Teva dans le cadre de ce règlement amiable ( 34 ).

38. Le 23 février 2007, Servier et Teva ont conclu un avenant à l’accord Teva, confirmant la mise en œuvre effective de l’obligation d’achat exclusif, en arrêtant une date à laquelle Teva pourrait commencer à distribuer le périndopril générique fourni par Servier. Cette date devait soit être fixée unilatéralement par Servier, soit correspondre à la date de révocation ou d’expiration du brevet 947, soit être celle à laquelle Apotex commencerait à distribuer du périndopril générique au Royaume-Uni à
la suite de la résolution du litige l’opposant à Servier ( 35 ). Finalement, Teva est entrée sur le marché du Royaume-Uni avec du périndopril générique fourni par Servier à la suite de l’invalidation du brevet 947 pour le Royaume-Uni le 6 juillet 2007 dans le contentieux avec Apotex ( 36 ).

c)   Accord conclu avec Lupin

39. En plus de son opposition devant l’OEB ( 37 ), Lupin a saisi la justice britannique le 18 octobre 2006 d’une action en invalidité du brevet 947, tel que validé au Royaume-Uni, et en déclaration de non‑contrefaçon dudit brevet par la version générique du périndopril qu’elle entendait commercialiser dans ce pays ( 38 ).

40. Le 30 janvier 2007, Servier et Lupin ont conclu un règlement amiable en matière de brevet couvrant tous les pays, à l’exclusion d’un pays n’appartenant pas à l’EEE (ci-après « l’accord Lupin »).

41. Aux termes de cet accord, Lupin a accepté de ne pas vendre de périndopril générique (jusqu’à la mise sur le marché de périndopril générique par Servier ou des tiers ou jusqu’à l’expiration/invalidation des brevets de Servier) et de ne pas contester une série de brevets détenus par Servier. L’accord prévoyait en outre que les parties useraient de « tous les moyens raisonnables » pour conclure un accord de distribution aux termes duquel Servier commencerait à fournir du périndopril à Lupin une
fois que la mise sur le marché de périndopril générique par Servier ou par des tiers aurait eu lieu. Un tel accord n’a finalement pas été signé et Lupin n’est jamais entrée sur le marché du périndopril.

42. Par ailleurs, Servier et Lupin ont également conclu, dans le cadre de l’accord Lupin, un accord de cession de droits de propriété intellectuelle et un accord de licence. Aux termes de ces accords, Servier a versé à Lupin une somme de 40 millions d’euros pour l’achat des demandes de brevets de cette dernière portant sur le périndopril et Lupin a obtenu une rétrocession de licence sur les demandes rachetées ( 39 ).

B. La décision litigieuse

43. Le 9 juillet 2014, la Commission a adopté la décision litigieuse ( 40 ).

44. En ce qui intéresse la présente procédure de pourvoi, la Commission a considéré que les accords conclus par Servier avec Niche/Unichem, Matrix, Teva et Lupin constituaient des restrictions de la concurrence par objet et par effet.

45. Par ailleurs, la Commission a également considéré que les accords conclus par Servier avec Krka constituaient une restriction de la concurrence par objet et par effet, et que Servier avait enfreint l’article 102 TFUE en élaborant et en mettant en œuvre, au moyen, notamment, de l’acquisition de technologie et des accords de règlement amiable, une stratégie d’exclusion couvrant le marché des formulations du périndopril en France, aux Pays-Bas, en Pologne et au Royaume‑Uni et le marché de la
technologie de l’IPA du périndopril.

46. Par conséquent, la Commission a constaté que Servier avait enfreint les articles 101 et 102 TFUE et lui a imposé des amendes pour ces infractions.

C. L’arrêt attaqué

47. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 septembre 2014, Servier a introduit un recours contre la décision litigieuse. Devant le Tribunal, Servier a été soutenue en ses conclusions par la European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA).

48. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, statuant en chambre élargie, a, premièrement, annulé 1) l’article 4 de la décision litigieuse (qui constatait une infraction de Servier à l’article 101 TFUE au titre des accords avec Krka) ; 2) l’article 6 de la décision litigieuse (qui constatait l’infraction de Servier à l’article 102 TFUE), et 3) l’article 7, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 6, de la décision litigieuse (qui infligeait les amendes à Servier pour ces deux infractions).

49. Deuxièmement, le Tribunal a 4) réduit le montant de l’amende infligée à Servier au titre de l’accord avec Matrix, visé à l’article 2 de la décision litigieuse, par l’article 7, paragraphe 2, sous b), de ladite décision. Troisièmement, il a 5) rejeté le recours pour le surplus, et, quatrièmement, 6) et 7) condamné Servier, la Commission et l’EFPIA à supporter chacun leurs propres dépens.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

50. Par acte du 28 février 2019, Servier a formé un pourvoi contre l’arrêt attaqué, toujours soutenue en ses conclusions par l’EFPIA.

51. Parallèlement, les autres destinataires de la décision litigieuse ayant succombé devant le Tribunal ont également introduit des pourvois contre les arrêts du Tribunal rejetant leurs recours contre ladite décision, alors que la Commission a introduit des pourvois contre l’annulation par le Tribunal des parties de la décision litigieuse concernant les accords avec Krka et l’article 102 TFUE ( 41 ).

52. Par acte du 22 mai 2019, le Royaume-Uni a demandé à intervenir, dans la présente affaire, au soutien des conclusions de la Commission. L’intervention a été admise par décision du président de la Cour du 16 juin 2019.

53. Servier demande à ce qu’il plaise à la Cour :

– À titre principal, au vu des premier à cinquième moyens contestant l’existence d’une violation de l’article 101 TFUE :

– annuler les points 4, 5 et 6 du dispositif de l’arrêt attaqué ;

– annuler l’article 1, sous b), l’article 2, sous b), l’article 3, sous b) et l’article 5, sous b) et, en conséquence, l’article 7, paragraphe 1, sous b), paragraphe 2, sous b), paragraphe 3, sous b) et paragraphe 5, sous b), de la décision litigieuse, ou, à défaut, renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il statue sur les effets des accords concernés ;

– À titre subsidiaire, au vu du sixième moyen :

– annuler les points 4 et 5 du dispositif de l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé les conclusions de la Commission concernant l’existence d’infractions distinctes et d’amendes cumulatives pour les accords Niche et Matrix, et, en conséquence, annuler l’article 1, sous b), l’article 2, sous b), l’article 7, paragraphe 1, sous b) et paragraphe 2, sous b), de la décision litigieuse ;

– À titre encore plus subsidiaire :

– annuler les points 4 et 5 du dispositif de l’arrêt attaqué ainsi que l’article 7, paragraphe 1, sous b), paragraphe 2, sous b), paragraphe 3, sous b), et paragraphe 5, sous b), de la décision litigieuse au vu du septième moyen, première et deuxième branches, contestant le principe et le montant de toutes les amendes ;

– annuler le point 5 du dispositif de l’arrêt attaqué et l’article 5, sous b) et l’article 7, paragraphe 5, sous b), de la décision litigieuse au vu de la quatrième branche du cinquième moyen concernant la durée de l’infraction alléguée et le calcul de l’amende relative à l’accord conclu entre Servier et Lupin, et fixer en conséquence l’amende dans l’exercice de sa pleine juridiction.

– Et en tout état de cause :

– condamner la Commission aux dépens.

54. L’EFPIA demande à ce qu’il plaise à la Cour :

– annuler les points 4, 5 et 6 du dispositif de l’arrêt attaqué,

– annuler l’article 1, sous b), l’article 2, sous b), l’article 3, sous b), et l’article 5, sous b), et, en conséquence, l’article 7, paragraphe 1), sous b), paragraphe 2), sous b), paragraphe 3), sous b), et paragraphe 5), sous b), de la décision litigieuse, ou, à défaut, renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il statue sur les effets des accords concernés ; et

– condamner la Commission aux dépens dans la présente procédure et la première instance.

55. La Commission demande à ce qu’il plaise à la Cour :

– rejeter le recours, et,

– condamner les requérantes aux dépens de la Commission tant devant le Tribunal que devant la Cour.

56. Le Royaume-Uni soutient ces conclusions de la Commission.

57. Le 13 septembre 2021, la Cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l’arrêt Generics (UK) e.a. ainsi que sur les arrêts du groupe Lundbeck/Commission ( 42 ).

58. Les 20 et 21 octobre 2021, les parties des neufs pourvois introduits contre les huit arrêts du Tribunal concernant la décision litigieuse ont été entendues en leurs observations et en leurs réponses aux questions de la Cour lors d’une audience commune.

IV. Appréciation

59. Servier soutient que c’est à tort que le Tribunal a confirmé le constat de la Commission selon lequel les accords conclus avec Niche/Unichem, Matrix, Teva et Lupin constituaient des infractions à l’article 101 TFUE et qu’elle pouvait infliger des amendes à Servier pour ces infractions.

60. Servier structure son argumentation autour de sept moyens, dont les six premiers concernent le constat des infractions (A), alors que le septième concerne les amendes (B).

A. Sur le constat de l’infraction

1.   Structure et recevabilité de l’argumentation de Servier

61. Dans le cadre de ses deux premiers moyens, Servier reproche au Tribunal, de manière générale, des erreurs de droit commises lors de analyse de l’objet anticoncurrentiel des accords (premier moyen) ainsi que de la concurrence potentielle entre les parties (deuxième moyen).

62. Ensuite, avec ses troisième à cinquième moyens, Servier fait valoir de tels erreurs au regard de chacun des accords en cause, à savoir concernant les accords Niche et Matrix (troisième moyen), l’accord Teva (quatrième moyen) et l’accord Lupin (cinquième moyen). Dans la troisième branche de son cinquième moyen, Servier soutient de surcroît que le Tribunal a commis des erreurs lors de la détermination de la date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin.

63. Avec son sixième moyen, Servier invoque, à titre subsidiaire, des erreurs de droit commises par le Tribunal relatives à la qualification d’infractions distinctes des accords Niche et Matrix.

64. À titre liminaire, la Commission soutient que les premier et deuxième moyens sont partiellement irrecevables dans la mesure où Servier y critiquerait de manière théorique et abstraite des erreurs prétendument commises par le Tribunal sans se rapporter à des points précis de l’arrêt attaqué. De plus, Servier répéterait des arguments déjà soumis au Tribunal et rejetés par celui-ci sans expliquer quelle erreur le Tribunal aurait commis en les rejetant.

65. Ces critiques sont justifiées en ce qui concerne une partie des arguments avancés par Servier, et ce non seulement dans le cadre de ses premier et deuxième moyens, mais également dans le cadre de ses troisième, quatrième et cinquième moyens. En effet, par une partie de son argumentation, Servier procède à des considérations générales et énumère un grand nombre de points de l’arrêt attaqué prétendument erronés sans étayer en quoi consisteraient concrètement les erreurs commises par le Tribunal
dans ces points. De la même manière, dans plusieurs points de sa requête, Servier se contente de répéter des arguments déjà avancés devant le Tribunal et de renvoyer à ses écritures et leurs nombreuses annexes présentés devant celui-ci.

66. Toutefois, ainsi que la Commission l’admet elle-même, mise à part ces développements, qui sont effectivement irrecevables, une lecture combinée des arguments avancés par Servier dans le cadre de ses différents moyens révèle que Servier lie ses griefs généraux concernant l’examen de la concurrence potentielle et de l’objet anticoncurrentiel des accords par le Tribunal à l’examen par celui-ci d’un certain nombre d’aspects de ses rapports et accords spécifiques avec les sociétés de génériques en
cause. Dans ce contexte, Servier identifie les motifs de l’arrêt visés et les erreurs prétendument commises dans ces motifs.

67. Certes, l’examen de cette argumentation est compliqué par la présentation de ces arguments à différents endroits du pourvoi. Ainsi, pour ce qui est de la concurrence potentielle, il faut lire de manière conjointe le deuxième moyen et les premières branches des troisième, quatrième et cinquième moyens. De la même manière, pour ce qui est de l’objet anticoncurrentiel des accords, il faut se reporter au premier moyen et aux deuxièmes branches des troisième, quatrième et cinquième moyens. Toutefois,
en procédant à une telle lecture, il est possible d’identifier les critiques concrètes de Servier à l’égard de l’arrêt attaqué et il faut reconnaître que, dans cette mesure, l’argumentation de Servier est bien recevable. Partant, par la suite, lors de l’examen des différents moyens de Servier, la partie recevable de son argumentation sera examinée, étant précisé que cette argumentation se situe souvent dans une zone grise entre qualification juridique et appréciation des faits.

68. Ces précisions faites, il convient d’examiner d’abord les arguments de Servier relatifs à la concurrence potentielle (2), avant de passer à ses arguments relatifs à l’objet anticoncurrentiel des accords (3), à la date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin (4) et, enfin, à la qualification de l’accord Niche d’une part et de l’accord Matrix d’autre part d’infractions distinctes (5).

2.   Sur la concurrence potentielle (deuxième moyen et premières branches des troisième, quatrième et cinquième moyens)

69. Servier soutient d’abord que, lorsque le Tribunal a examiné si Servier et les sociétés de génériques étaient des concurrents potentiels au moment de la conclusion des accords, le Tribunal a commis trois erreurs. Le Tribunal n’aurait pas tenu dûment compte de la portée des brevets (a), aurait conclu à tort que des démarches préparatoires de la part des sociétés de génériques attestaient d’une capacité réelle d’entrer sur le marché (b), et aurait renversé la charge de la preuve (c). Ensuite,
Servier s’efforce de décliner ces erreurs en ce qui concerne l’appréciation de sa relation de concurrence avec chacune des sociétés de génériques impliquées (d).

a)   Sur la portée des brevets lors de l’analyse de la concurrence potentielle

70. Servier fait valoir d’emblée que le Tribunal a méconnu la portée des brevets en faisant abstraction des obstacles brevetaires lors de son analyse de la capacité des sociétés de génériques d’entrer rapidement sur le marché. Même avant une décision quant à sa validité et le caractère contrefaisant d’un médicament générique, un brevet perçu comme fort, tout comme des injonctions provisoires interdisant aux sociétés de génériques d’entrer sur le marché, pourraient affecter la capacité de telles
sociétés d’entrer sur le marché.

71. À cet égard, il doit être rappelé que, pour vérifier si une entreprise partie à un accord constitue un concurrent potentiel sur un certain marché, il importe de vérifier si ce marché n’est pas muni de barrières d’entrée insurmontables ( 43 ) et si, en l’absence de l’accord en cause, des possibilités réelles et concrètes que l’entreprise en question intègre ce marché et concurrence les entreprises qui y sont établies auraient existé. Cette vérification doit s’opérer au regard du contexte
économique et juridique concret dans lequel est intervenu l’accord en cause ( 44 ).

72. Partant, lors de l’examen de la concurrence potentielle entre un titulaire de brevets protégeant le procédé de fabrication d’un principe actif tombé dans le domaine public, d’une part, et des sociétés souhaitant entrer sur le marché avec des médicaments génériques contenant ce principe actif, d’autre part, qui ont conclu des accords tels que ceux concernés en l’espèce, il n’est certes pas possible de faire abstraction desdits brevets, qui font incontestablement partie du contexte économique et
juridique en cause ( 45 ).

73. Toutefois, au titre de ce contexte, il faut également tenir compte du fait que la présomption de validité d’un brevet sur un procédé de fabrication d’un médicament n’équivaut pas à une présomption d’illégalité de génériques de ce médicament dont le détenteur du brevet estime qu’ils violent celui-ci. Des litiges sur ce point, aussi bien en ce qui concerne la validité des brevets de procédé qu’en ce qui concerne le caractère contrefaisant des médicaments génériques, c’est-à-dire la question de
savoir s’ils ont été fabriqués selon les procédés encore protégés par des brevets, sont, au contraire, courants, voire constituent un indice de l’existence d’un rapport de concurrence potentielle entre les parties ( 46 ).

74. Il s’ensuit que, dans de telles circonstances, l’existence d’un brevet qui protège le procédé de fabrication d’un principe actif tombé dans le domaine public ne saurait, en tant que telle, être regardée comme une barrière insurmontable pour l’entrée sur le marché de médicaments génériques contenant ce principe actif ( 47 ).

75. L’examen de l’existence d’une concurrence potentielle entre le titulaire d’un tel brevet et des sociétés souhaitant entrer sur le marché avec des génériques, qui ont conclu des accords tels que ceux en cause en l’espèce, doit précisément porter sur la question de savoir si, malgré l’existence des droits de brevet en cause, ces sociétés disposaient de possibilités réelles et concrètes d’intégrer le marché au moment de la conclusion des accords. L’existence de telles possibilités peut être
démontrée par un faisceau d’indices concordants qui comprend, notamment, les démarches préparatoires effectuées par les sociétés de génériques ainsi que la perception de la situation par elles comme par le titulaire du brevet ( 48 ).

76. Or, contrairement à ce que prétend Servier, en l’espèce, le Tribunal a dûment procédé à un tel examen aux points 432 et suivants (concernant Niche/Unichem), 579 et suivants (concernant Teva) et 718 et suivants (concernant Lupin) de l’arrêt attaqué. Le Tribunal a examiné de manière minutieuse si ces sociétés disposaient de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché malgré les obstacles constitués non seulement par les brevets de Servier, mais également par des obstacles d’ordre
technique, liés au développement de leurs produits, et d’ordre réglementaire, liés à l’obtention d’AMM pour ces produits.

b)   Sur l’analyse des possibilités réelles et concrètes des sociétés de génériques d’entrer sur le marché malgré la présence d’obstacles

77. Il résulte de ce qui précède que le Tribunal ne s’est pas limité, comme le prétend Servier, à appliquer le test d’une simple intention d’entrer sur le marché purement théorique à un horizon indéfini. Loin de s’en tenir à des possibilités d’entrée sur le marché purement hypothétiques, détachées du contexte, le Tribunal a, au contraire, précisément examiné si les démarches concrètes entreprises par les sociétés de génériques attestaient de leurs possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le
marché malgré l’existence des brevets de Servier. Lors de cet examen, le Tribunal s’est fondé sur des éléments objectifs dont la matérialité n’est pas remise en cause par Servier, tels que, notamment, les investissements déjà réalisés, les démarches effectuées afin d’obtenir une AMM et les contrats conclus avec des partenaires commerciaux.

78. Les différentes critiques avancées par Servier à cet égard ne sont pas révélatrices d’erreurs de droit commises par le Tribunal lors de cet examen.

1) Sur la présence d’un accord excluant les entrants potentiels du marché

79. Pour commencer, contrairement ce que soutient Servier, la Cour a explicitement reconnu que, dans une situation telle que celle en cause, la conclusion par des opérateurs d’un accord ayant pour objet de maintenir l’un d’eux en dehors du marché constitue non seulement un indice fort mais également l’« élément le plus probant » de l’existence d’une relation de concurrence entre eux. Constitue également un tel indice le fait qu’un fabricant de médicaments princeps procède à des transferts de valeurs
au profit d’une société de génériques en contrepartie du report de l’entrée de cette dernière sur le marché. Cette volonté révèle en effet la perception que le fabricant de médicaments princeps se fait du risque que présente pour ses intérêts commerciaux la société de génériques concernée, laquelle perception est pertinente pour apprécier l’existence d’une concurrence potentielle ( 49 ).

80. Ceci n’est que cohérent puisque ces éléments corroborent justement le fait que la société de génériques en cause dispose de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché et ne se heurte pas à des barrières insurmontables. Il n’est effectivement pas plausible que, si la société de génériques n’était pas susceptible d’entrer sur le marché et ne constituait donc pas de menace pour le fabricant de médicaments princeps, celui-ci conclurait avec elle un accord visant à la maintenir hors du
marché moyennant paiement. Partant, lors de l’appréciation de l’existence d’un rapport de concurrence potentielle entre des opérateurs économiques, ces indices doivent être pris en compte au même stade de l’examen et au même titre que les possibilités réelles et concrètes des sociétés de génériques d’entrer sur le marché et l’absence de barrières insurmontables. Tous ces éléments constituent effectivement, pris ensemble, le faisceau d’indices sur lequel peut s’appuyer la Commission pour
démontrer l’existence d’une concurrence potentielle entre des opérateurs dont l’un est déjà présent sur un marché sur lequel les autres s’apprêtent à entrer.

81. Partant, l’affirmation du Tribunal faite au point 450 de l’arrêt attaqué selon laquelle la conclusion par Servier des accords litigieux avec les sociétés de génériques était un élément pertinent pour apprécier la concurrence potentielle entre ces opérateurs n’est entachée d’aucune erreur.

2) Sur les démarches préparatoires effectuées par les sociétés de génériques et leur intention de surmonter les obstacles

82. Ensuite, contrairement aux allégations de Servier, l’existence de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché est attestée par le fait que, au moment de la conclusion des accords, les sociétés de génériques avaient effectué des démarches préparatoires suffisantes leur permettant d’accéder au marché dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur le fabricant de médicaments princeps. De telles démarches permettent d’établir la détermination ferme ainsi que la
capacité propre de telles sociétés d’accéder au marché d’un médicament contenant un principe actif tombé dans le domaine public, même en présence de brevets de procédé détenus par le fabricant de médicaments princeps ( 50 ).

83. Comme le Tribunal l’a correctement rappelé aux points 384, 444, 458 et 728 de l’arrêt attaqué, dans ce contexte, l’intention d’un opérateur d’entrer sur le marché est un facteur susceptible de corroborer le constat de sa capacité de le faire ( 51 ). Partant, Servier ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir commis des erreurs lors de son appréciation de la perception des risques brevetaires par les sociétés de génériques. De plus, il ressort de ces points ainsi que des points 445 et suivants
et 729 et suivants de l’arrêt attaqué que le Tribunal a constaté que, même si les éléments avancés par la Commission afin de démontrer que les sociétés de génériques avaient confiance en l’issue favorable des litiges de brevets devaient être écartés, les démarches techniques et contentieuses effectuées par ces sociétés témoignaient néanmoins de leur intention d’entrer sur le marché.

84. Contrairement aux dires de Servier, le Tribunal a reconnu à juste titre que ces démarches montrent que ces sociétés n’étaient aucunement découragées par les différents obstacles brevetaires, réglementaires et techniques à l’entrée sur le marché et avaient au contraire la détermination ferme de les surmonter.

3) Sur la présence d’obstacles multiples

85. Servier soutient toutefois que le Tribunal a commis une erreur de droit en examinant les difficultés brevetaires, techniques, réglementaires et financières auxquels faisaient face les sociétés de génériques, et plus précisément Niche et Matrix, de manière séparée et non prises dans leur ensemble. Même si chaque difficulté n’était pas individuellement insurmontable, cela n’aurait pas signifié que ces sociétés avaient la capacité à surmonter l’ensemble de ces difficultés.

86. Selon la Commission, cet argument n’a pas été avancé en première instance et est donc irrecevable. Toutefois, dans la mesure où ledit argument constitue l’ampliation d’un moyen présenté devant le Tribunal et critique l’application de l’article 101 TFUE par celui-ci, Servier peut le faire valoir en pourvoi ( 52 ).

87. Cependant, sur le fond, cet argument ne saurait prospérer.

88. Ainsi, le Tribunal a procédé, aux points 442 et suivants (concernant Niche/Unichem), 589 et suivants (concernant Teva) et 726 et suivants (concernant Lupin) de l’arrêt attaqué à un examen minutieux et détaillé des différents obstacles brevetaires, techniques, réglementaires et financiers auxquels ces sociétés étaient, selon Servier, confrontées lors de la préparation de leur entrée sur le marché avec leurs produits. Lors de cet examen, le Tribunal a constaté que les démarches ininterrompues
entreprises par lesdites sociétés pour faire face à ces difficultés montraient que ces dernières n’étaient pas des obstacles insurmontables rendant impossible une telle entrée sur le marché.

89. Or, ce faisant, le Tribunal s’est fondé sur un grand nombre d’éléments factuels non remis en question par Servier.

90. Dans ces circonstances, Servier ne saurait reprocher au Tribunal de n’avoir pas davantage examiné les différents obstacles dans leur ensemble.

91. Comme le soutient à juste titre la Commission, Servier n’explique pas pourquoi ni comment ces obstacles, pris dans leur ensemble, auraient pu se révéler insurmontables, alors que le Tribunal a analysé, sans commettre d’erreur de droit, que les sociétés de génériques étaient prêtes à les surmonter pris individuellement. Servier n’explique d’ailleurs pas non plus en quoi aurait dû concrètement consister un tel examen et en quoi il aurait été différent de l’examen mis en œuvre par le Tribunal.

92. Au demeurant, la Commission a raison quand elle fait valoir qu’elle a précisément adopté une approche « holistique » en montrant comment les sociétés de génériques, et notamment Niche, avaient entrepris des démarches tant sur le plan brevetaire (actions contentieuses) que technique (résolution des obstacles techniques), réglementaire (échanges avec les autorités nationales afin d’obtenir des AMM) ou financier (contacts avec la société mère afin d’être soutenue). Le Tribunal n’a d’ailleurs pas
seulement vérifié le bien-fondé des éléments ainsi avancés par la Commission, mais a, de surcroît, analysé les interdépendances entre les différents plans, par exemple en rejetant, au point 494 de l’arrêt attaqué, les allégations de Servier selon lesquelles les difficultés financières de Niche auraient empêché celle-ci de faire face aux risques de frais de justice et de dommages et intérêts inhérents au contentieux des brevets.

93. Le grief de l’absence d’analyse d’ensemble des obstacles à l’entrée sur le marché des sociétés de génériques doit donc également être rejeté.

c)   Sur la répartition de la charge de la preuve

94. Servier fait valoir que le Tribunal, après s’être contenté de l’existence de démarches pour établir les possibilités réelles et concrètes des sociétés de génériques d’entrer sur le marché, aurait exigé que Servier, pour infirmer ce constat, apporte la preuve que l’entrée sur le marché de ces sociétés se heurtait à des obstacles insurmontables. Or, cela s’apparenterait à exiger une preuve négative (probatio diabolica). De cette manière, le Tribunal aurait opéré un renversement de la charge de la
preuve et violé le principe selon lequel la charge de la preuve de l’existence de possibilités réelles et concrètes des sociétés de génériques d’entrer sur le marché incombe à la Commission.

95. Cette argumentation est dénuée de tout fondement.

96. Comme l’a reconnu à bon droit le Tribunal au point 386 de l’arrêt attaqué, il est certes vrai que la charge de la preuve de l’existence de possibilités réelles et concrètes d’entrée d’un concurrent sur le marché incombe à la Commission. Toutefois, comme le Tribunal l’a également reconnu à juste titre audit point, si la Commission a réuni un faisceau d’indices concordants attestant de démarches visant à la production et à la commercialisation du produit en cause dans un délai suffisamment court
pour peser sur l’opérateur présent sur le marché, elle a, en l’absence de preuves contraires relatives à des difficultés techniques, réglementaires, commerciales ou financières, suffisamment établi l’existence de telles possibilités dans les circonstances de l’espèce.

97. Contrairement à l’avis de Servier, cette répartition de la charge de la preuve est parfaitement conforme aux principes solidement établis par la jurisprudence de la Cour en matière d’infractions au droit de la concurrence de l’Union. Certes, il en découle qu’il incombe à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction ( 53 ). À cet effet, elle
doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a eu lieu ( 54 ). Toutefois, lorsque la Commission réunit de tels éléments, il appartient aux opérateurs concernés de soulever l’insuffisance des preuves retenues par la Commission pour établir les éléments constitutifs de l’infraction ( 55 ).

98. Ainsi, même si la charge légale de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite ( 56 ).

99. Or, en l’espèce, il résulte précisément de l’examen des arguments de Servier, effectué aux points 70 à 93 et 108 à 117 des présentes conclusions, que le Tribunal n’a pas commis d’erreurs lorsqu’il a confirmé que la Commission avait établi à suffisance de droit que les sociétés de génériques disposaient, au moment de la conclusion des accords, de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché. Partant, c’est également à juste titre que le Tribunal a confirmé que, dans ces circonstances,
il appartenait à Servier d’avancer des éléments susceptibles d’invalider ce constat ( 57 ).

100. À y regarder de plus près, l’argumentation présentée par Servier en l’occurrence procède surtout d’une confusion entre les notions de concurrence actuelle et potentielle. Ainsi, Servier se méprend sur le fait que, pour établir l’existence d’une concurrence potentielle, la Commission doit seulement démontrer que les sociétés de génériques disposaient de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur le fabricant de
médicaments princeps. En revanche, il n’est nullement requis qu’elle démontre également avec certitude que les démarches entreprises par les sociétés de génériques seront effectivement couronnées de succès et que ces sociétés rentreront effectivement sur le marché concerné ( 58 ).

101. Dans le même ordre d’idées, contrairement à ce que fait valoir Servier, la Commission ne doit pas démontrer que les démarches entreprises par une société de génériques pour entrer sur le marché aboutiront nécessairement « à brève échéance ». Ce qui importe est que ces démarches témoignent de la possibilité de rentrer sur le marché dans un délai à même d’exercer une pression concurrentielle. Or, tant que de telles démarches continuent, par exemple lors d’échanges avec l’autorité de régulation
pour l’obtention d’une AMM ou d’efforts entrepris pour surmonter des difficultés techniques concernant les aspects du produit générique, elles attestent de la possibilité d’entrer dans un délai à même d’exercer une pression concurrentielle. Cela est d’autant plus vrai si l’existence desdites démarches est confrontée, lors de l’examen du faisceau d’indices témoignant de l’existence d’une concurrence potentielle, à des preuves qui font état de la perception, par le fabricant du médicament
princeps, d’une menace constituée par les sociétés de génériques, comme le fait que celui-ci cherche à conclure avec elles des accords afin de retarder leur entrée sur le marché ( 59 ).

102. Partant, Servier ne saurait soutenir que le Tribunal aurait commis une erreur lorsqu’il a entériné, au point 481 de l’arrêt attaqué, le refus de la Commission de faire droit à la demande, formulée par Servier, de production de la correspondance entre Niche ou ses partenaires et les autorités de régulation nationales concernées. En effet, il est erroné d’affirmer que la Commission aurait dû évaluer les chances de succès de Niche de surmonter les obstacles réglementaires concernant l’obtention
d’une AMM en interrogeant ces autorités.

103. La Commission ne doit en effet pas évaluer les chances de succès ou l’issue probable d’une procédure d’AMM introduite devant les autorités nationales par une société de génériques. Il suffit qu’elle fasse état de démarches concrètes entreprises par une telle société (introduction d’une demande d’AMM, correspondance avec l’autorité de régulation concernée) afin de disposer d’une AMM dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur le fabricant de médicaments princeps ( 60 ).
À cet égard, un retard dans l’obtention de l’AMM ne démontre nullement que la société de génériques ne constitue plus une source de concurrence potentielle, notamment si ladite société entreprend, comme les sociétés concernées en l’espèce, des démarches pour résoudre les difficultés ayant causé le retard (voir point 109 des présentes conclusions).

104. Dans ce contexte, l’argument tiré du fait que ce sont les sociétés de génériques et non Servier qui sont le mieux à même de faire état d’éventuels difficultés auxquelles elles étaient confrontées, notamment lors de leurs demandes d’AMM, n’est pas non plus de nature à établir un renversement de la charge de la preuve au détriment de Servier. En effet, l’argumentation en ce sens part également de la prémisse erronée selon laquelle, pour démontrer l’existence d’une concurrence potentielle, il
faudrait démontrer avec certitude que les démarches effectuées par les sociétés de génériques auraient été couronnées de succès, et qu’il suffirait de faire état de difficultés ou de retards dans ce contexte pour invalider le constat de l’existence d’une concurrence potentielle.

105. Or, ainsi qu’il vient d’être démontré, et contrairement à ce que soutient Servier, tant que les sociétés de génériques continuent leurs démarches auprès des autorités de régulation et ne les abandonnent pas en raison d’éventuelles difficultés, elles continuent à prouver leur détermination ferme et leur capacité propre d’entrer sur le marché. Partant, la correspondance entre les sociétés de génériques et les autorités de régulation, à supposer même qu’elle fasse état de difficultés, n’aurait pas
été de nature à infirmer le constat de l’existence d’une concurrence potentielle.

106. Au demeurant, et en tout état de cause, il découle du point 481 de l’arrêt attaqué que Servier a eu accès, au cours de la procédure administrative devant la Commission, au tableau résumant le contenu de ces échanges produit par Niche, duquel il ressortait que les problèmes identifiés par les autorités de régulation nationales n’ont pas empêché Niche d’y apporter des réponses, ni la procédure d’AMM de se poursuivre.

107. Partant, l’argumentation tirée d’un renversement de la charge de la preuve ainsi que de la violation du droit à une bonne administration doit aussi être rejetée.

d)   Sur les arguments supplémentaires concernant chacune des sociétés de génériques impliquées

108. À la lumière des considérations qui précèdent, les arguments supplémentaires avancées par Servier concernant la qualité de concurrent potentiel de chacune des sociétés de génériques impliquées ne révèlent pas non plus que le Tribunal aurait conclu à tort que, au moment de la conclusion des accords, ces sociétés avaient effectué des démarches préparatoires suffisantes leur permettant d’accéder au marché dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur Servier.

1) Niche/Unichem et Matrix

109. D’une part, à l’opposé de ce que soutient Servier, le Tribunal a considéré à juste titre que les démarches entreprises par Niche et Matrix afin de surmonter des difficultés techniques en modifiant le procédé et la forme du produit de Matrix, dont font état les points 446 et 447 de l’arrêt attaqué, loin de démontrer que les brevets de Servier étaient des obstacles insurmontables, attestaient au contraire de la détermination ferme et de la capacité propre de Niche et de Matrix d’entrer sur le
marché malgré l’existence de ces brevets. Il en va de même de l’accomplissement d’efforts à un stade avancé du développement du médicament générique et de la participation active à la procédure d’octroi d’AMM (points 459 à 480 de l’arrêt attaqué). Dans ce contexte, des retards lors de la procédure d’AMM n’infirment aucunement la qualité de concurrent potentiel de Niche et Matrix, puisque, comme il vient d’être noté aux points 100 à 103 des présentes conclusions, il n’est pas requis de démontrer
que les démarches afin d’obtenir une AMM seront finalisées en temps voulu ou couronnées de succès pour qualifier des sociétés accomplissant de tels démarches de concurrents potentiels.

110. D’autre part, contrairement à ce que prétend Servier, les considérations du Tribunal au point 446 de l’arrêt attaqué ne révèlent aucune dénaturation. Ainsi, les démarches effectuées par Niche évoqués dans ce point, dont la matérialité n’est pas remise en cause par Servier, attestent de la détermination de Niche à surmonter les obstacles liés aux brevets de Servier et à « ouvrir la voie » pour entrer sur le marché en obtenant une déclaration de non‑contrefaçon, une annulation ou une invalidation
du brevet 947. Contrairement à ce qu’allègue Servier, le Tribunal n’a pas abordé, dans ce point, la question de savoir si Niche était « de bonne foi ». Le Tribunal n’a pas non plus traité les éléments avancés par Servier à cet égard (refus par Niche de fournir une description détaillée de son procédé de fabrication, de permettre une inspection de ses usines ou de fournir un échantillon de son produit). Indépendamment du fait que de tels éléments ne sauraient être examinés pour la première fois
au stade du pourvoi, force est en tout état de cause de constater qu’ils ne remettent pas en cause les constatations effectuées par le Tribunal audit point et ne révèlent aucune dénaturation.

2) Teva

111. Tout d’abord, la critique de Servier consistant à soutenir que le Tribunal lui aurait à tort imposé la charge de démontrer que l’entrée sur le marché de Teva se heurtait à des obstacles insurmontables, aux points 589 et suivants de l’arrêt attaqué, ne peut être retenue. Comme pour les autres sociétés de génériques, le Tribunal a en effet constaté après un examen détaillé des éléments avancés par Servier que ces derniers n’étaient pas de nature à remettre en cause le constat de la Commission
selon lequel les démarches entreprises par Teva attestaient de la détermination et de la capacité de celle-ci d’accéder au marché.

112. De plus, le Tribunal n’a pas non plus, comme l’allègue Servier, commis d’erreur lorsqu’il a constaté, aux points 590 et suivants de l’arrêt attaqué, que le risque d’injonction provisoire n’avait pas affecté les possibilités réelles et concrètes de Teva d’entrer sur le marché, puisqu’il a fait état d’éléments attestant de la volonté de Teva d’assumer ce risque. Servier se contente d’ailleurs de renvoyer de manière générale à son argumentation devant le Tribunal sur ce point sans démontrer
d’erreur commise par le Tribunal. En tout état de cause, comme l’a Cour l’a reconnu, l’existence d’injonctions n’exclut aucunement l’existence d’une concurrence potentielle puisqu’il s’agit de mesures provisoires qui ne préjugent en rien le caractère fondé d’une action en contrefaçon ( 61 ).

113. De la même manière, contrairement à ce qu’affirme Servier, le raisonnement du Tribunal exposé aux points 601 à 603 de l’arrêt attaqué, selon lequel des retards dans les procédures d’AMM ne pouvaient suffire à exclure la qualité de concurrent potentiel de Teva alors que celle-ci accomplissait des efforts pour surmonter les difficultés rencontrées, ne fait apparaître aucune erreur pour les raisons déjà indiquées aux points 100 à 103 et 109 des présentes conclusions. Servier se contente d’ailleurs
de renvoyer à sa requête et ses annexes en première instance pour affirmer que les preuves apportées par elle devant le Tribunal auraient établi que ces difficultés affectaient les possibilités réelles et concrètes de Teva d’entrer sur le marché, sans fournir d’explication quant à ces preuves ou démontrer d’erreur du Tribunal lors de leur appréciation.

114. Ensuite, quant aux dénaturations prétendument commises par le Tribunal lors de l’examen des problèmes techniques rencontrés par le produit de Teva, elles n’apparaissent ni au vu des allégations de Servier, ni au vu des points de l’arrêt qui y sont visés. Ainsi, d’une part, Servier soutient que le Tribunal a dénaturé, aux points 586 et 609 à 612 de l’arrêt attaqué, les preuves montrant que Teva n’avait pas de stock de périndopril viable, sans se référer à une quelconque preuve qui aurait été
dénaturée. D’autre part, Servier allègue que le Tribunal a dénaturé le courriel envoyé par Teva à Hetero le 15 octobre 2007, soit postérieurement à la conclusion de l’accord Teva, courriel dans lequel Teva a indiqué qu’elle renonçait au lancement de son produit. Or, c’est précisément ce renoncement qui était prévu par cet accord ( 62 ). Partant, l’analyse du Tribunal selon laquelle le courriel en question visait à mettre en œuvre ledit accord n’apparaît entachée d’aucune dénaturation.

115. Enfin, contrairement aux reproches de Servier, au point 610 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas refusé de prendre en compte des preuves postérieures à l’accord, mais s’est borné à considérer, à juste titre, qu’un échange reflétant la perception par Teva de la situation concurrentielle ultérieure à la conclusion de l’accord ne saurait établir que Teva avait renoncé à commercialiser son produit au moment de ladite conclusion ( 63 ).

3) Lupin

116. En ce qui concerne l’appréciation de la qualité de concurrent potentiel de Lupin, Servier se contente pour l’essentiel de renvoyer à ses griefs généraux concernant la concurrence potentielle, qui ont déjà été examinés aux points 70 à 84 des présentes conclusions.

117. Pour le surplus, Servier fait valoir que le Tribunal a considéré à tort que Lupin avait des possibilités réelles et concrètes de commercialiser son produit dans l’ensemble de l’UE, alors qu’elle n’était présente qu’au Royaume-Uni et que la mise en place de partenariats restait théorique et spéculative. Or, le Tribunal a fait état de négociations entre Lupin et de potentiels partenaires commerciaux à cet égard, ce qui constituait des démarches concrètes attestant de la détermination et de la
capacité de Lupin d’entrer sur le marché ( 64 ). Dans ce contexte, le point 745 de l’arrêt attaqué ne révèle aucune dénaturation de l’argumentation de Servier alléguant que Lupin se serait heurtée à des obstacles commerciaux insurmontables, puisque c’est précisément ce que Servier continue à alléguer dans le cadre du présent pourvoi et ce que le Tribunal a examiné et réfuté aux points 745 et suivants de l’arrêt attaqué.

e)   Conclusion

118. Il découle des considérations qui précèdent que l’argumentation de Servier relative à la concurrence potentielle, avancée dans le cadre de son deuxième moyen et des premières branches de ses troisième, quatrième et cinquième moyens, doit être rejetée dans son ensemble.

3.   Sur la qualification des accords de restrictions de la concurrence par objet (premier moyen et deuxièmes branches des troisième, quatrième et cinquième moyens)

119. Dans le cadre de son premier moyen ainsi que des deuxièmes branches de ses troisième, quatrième et cinquième moyens, Servier soutient que le Tribunal a commis des erreurs lorsqu’il a entériné le constat de la Commission selon lequel les accords litigieux constituaient des restrictions de la concurrence par objet.

120. À cet égard, premièrement, le Tribunal n’aurait pas dûment tenu compte de l’absence d’expérience avec des accords tels que ceux en cause et du fait que, pour cette raison, la restriction de concurrence n’était pas facilement décelable (a). Deuxièmement, il aurait été impossible de conclure que les accords avaient un objet anticoncurrentiel au regard de leurs effets positifs ou à tout le moins ambivalents (b). Enfin, troisièmement, le Tribunal aurait commis une erreur en se focalisant trop sur
les paiements ou autres avantages incitatifs accordés par Servier aux sociétés de génériques (c).

a)   Sur l’expérience et le caractère « facilement décelable » d’une restriction de la concurrence

121. Pour commencer, Servier fait valoir, en se référant, notamment, aux conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire CB/Commission ( 65 ), que l’arrêt attaqué est entaché d’une première série d’erreurs en ce qu’il retient la qualification de restriction par objet des accords litigieux nonobstant l’absence d’expérience acquise et de science économique, et bien que la restriction de concurrence alléguée n’était pas aisément décelable.

122. Ainsi, le caractère inédit des questions soulevées par les accords de règlement amiable serait démontré par de multiples éléments, comme le renvoi préjudiciel dans l’affaire Generics (UK) e.a. De même, attesterait du caractère difficilement décelable de la restriction de concurrence par les accords de règlement amiable, notamment, le fait qu’il aurait fallu à la Commission plusieurs centaines de pages pour articuler son raisonnement. Le Tribunal lui-même aurait reconnu au point 1666 de l’arrêt
attaqué que le caractère infractionnel des accords en cause pouvait ne pas apparaître, de manière claire, à un observateur extérieur tel que la Commission ou des juristes spécialisés.

123. Cette argumentation ne saurait toutefois prospérer puisque, comme la Cour l’a déjà explicitement affirmé, il n’est nullement requis que le même type d’accords ait déjà été condamné par la Commission pour que ceux-ci puissent être considérés comme restrictions de la concurrence par objet, et ce quand bien même ceux-ci interviendraient dans un contexte spécifique tel que celui des droits de propriété intellectuelle ( 66 ). La jurisprudence n’exige pas qu’un accord doive être suffisamment nocif
pour la concurrence à première vue ou sans aucun doute, sans qu’il soit procédé à un examen approfondi de son contenu, de sa finalité et du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère, pour pouvoir être qualifié de restriction de la concurrence par objet au sens de l’article 101 TFUE ( 67 ).

b)   Sur les paiements et les prétendus effets « positifs » ou « ambivalents » des accords

124. Par une prochaine série d’arguments, Servier fait valoir, d’une part, que le Tribunal a commis une erreur en qualifiant les accords litigieux de restrictions de la concurrence par objet alors que ces accords auraient eu des effets positifs ou à tout le moins ambivalents sur la concurrence.

125. D’autre part, Servier soutient que le Tribunal a conclu erronément que lesdits accords étaient de telles restrictions par objet parce qu’ils prévoyaient des paiements ou d’autres avantages incitatifs au profit des sociétés de génériques en échange de clauses de non‑contestation des brevets de Servier et de non‑commercialisation des produis de ces sociétés. Ce faisant, le Tribunal aurait ignoré le contexte brevetaire des accords et confondu les concepts de limitation commerciale et de
restriction de concurrence.

126. Il convient de rappeler qu’il ressort des arrêts Generics (UK) e.a. ( 68 ) et Lundbeck/Commission ( 69 ) que des accords de règlement amiable tels que ceux concernés en l’espèce constituent des restrictions de la concurrence par objet

– s’il ressort de l’ensemble des éléments disponibles que le solde positif des transferts de valeurs du fabricant de médicaments princeps au profit de la société de médicaments génériques s’explique uniquement par l’intérêt commercial des parties à l’accord à ne pas se livrer une concurrence par les mérites,

– à moins que l’accord de règlement amiable concerné ne soit assorti d’effets proconcurrentiels avérés de nature à faire raisonnablement douter de son caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence.

127. À la lumière de ces principes, l’argumentation de Servier relative aux paiements (1) ainsi qu’aux prétendus effets « positifs » ou « ambivalents » des accords litigieux (2) ne saurait prospérer.

1) Sur les paiements

128. Il s’ensuit que doit être rejetée l’argumentation de Servier selon laquelle un transfert de valeur de la part du fabricant de princeps au profit de la société de génériques dans le cadre d’un accord de règlement amiable d’un litige de brevet ne saurait être décisif pour la qualification d’un tel accord de restriction de la concurrence par objet.

129. L’arrière-plan brevetaire de tels accords et l’intérêt public au règlement extrajudiciaire de litiges de brevet ne changent rien au fait que ces accords sont anticoncurrentiels si les transferts de valeurs du fabricant du médicament princeps vers la société de génériques s’expliquent uniquement par l’intérêt commercial de ces opérateurs à ne pas se faire concurrence. Dans ce contexte, il n’est pas requis, comme le prétend Servier, que le montant de ces transferts de valeurs correspond aux
bénéfices escomptés des sociétés de génériques ( 70 ).

130. Contrairement à ce que soutient Servier, en l’espèce, le Tribunal a donc appliqué le test correct pour déterminer si les accords litigieux avaient un objet anticoncurrentiel. Le Tribunal a ainsi expliqué, en substance, aux points 263 à 273, et notamment aux points 265 et 272 de l’arrêt attaqué, qu’une société de génériques devait être regardée comme ayant été incitée par un paiement à se soumettre aux clauses de non‑commercialisation et de non‑contestation si le paiement qu’elle reçoit n’est
pas justifié par une autre contrepartie que celle qui consiste en l’abstention de faire concurrence au titulaire du brevet.

131. À ce dernier égard, le Tribunal a indiqué, aux points 277 à 280 de l’arrêt attaqué, qu’un paiement dit « inversé », transitant du fabricant de princeps vers la société de génériques, pourrait être considéré comme étant justifié s’il couvre des coûts inhérents au règlement amiable du litige, par exemple les frais contentieux supportés par la société de génériques dans le cadre du litige de brevet, à condition que les montants de ces frais soient établis par les parties et non excessifs.

132. Le Tribunal a également considéré, aux points 798 à 810, et notamment aux points 804 et 806 de l’arrêt attaqué, le cas de l’association d’un accord de règlement amiable d’un litige de brevet, comportant des clauses de non‑commercialisation et de non‑contestation, à un accord commercial impliquant le transfert d’un bien représentant une valeur économique de la société de génériques au fabricant de princeps. En l’espèce, l’accord Lupin a pris la forme d’une telle association ( 71 ).

133. Le Tribunal a expliqué que, en présence d’un tel montage contractuel, il faut examiner si le paiement effectué par le fabricant de princeps au profit de la société de génériques excède la valeur économique normale du bien échangé, c’est-à-dire la valeur que ce bien aurait représenté dans le cadre d’une transaction effectuée aux conditions normales du marché. Selon le Tribunal, il peut être conclu à la présence d’un paiement non justifié au profit de la société de génériques si le montant du
paiement effectué par le fabricant de princeps en sa faveur excède la valeur économique normale du bien échangé. Un tel paiement peut être qualifié d’incitation à accepter l’obligation de non‑concurrence résultant de l’accord de règlement amiable associé à l’accord commercial si la partie non justifiée du paiement est assez significative pour constituer une incitation.

134. La grille d’analyse ainsi établie par le Tribunal est parfaitement adaptée à l’analyse d’accords tels que ceux concernés en l’espèce. Cette grille correspond, en substance, à celle confirmée par la Cour dans les arrêts Generics (UK) e.a. et Lundbeck/Commission. La Cour y a également indiqué que, afin d’apprécier si les transferts de valeurs contenus dans un accord de règlement amiable, tels que ceux en cause en l’espèce, peuvent s’expliquer uniquement par l’intérêt commercial des parties à cet
accord à ne pas se livrer concurrence, il importe de prendre en considération l’ensemble des transferts de valeurs opérés entre les parties, qu’ils aient été monétaires ou non. Selon la Cour, ce faisant, il faut déterminer si le solde positif des transferts de valeurs du fabricant de médicaments princeps au profit de la société de génériques peut se justifier par l’existence d’éventuelles contreparties de la part de cette société ( 72 ).

135. Il s’ensuit que le grief tiré de l’analyse erronée des paiements par le Tribunal doit être rejeté.

2) Sur les prétendues effets « positifs » ou « ambivalents » des accords

136. En ce qui concerne les prétendues effets « positifs » ou « ambivalents » des accords litigieux, Servier fait valoir, en premier lieu, que la nocivité des accords dits « pay for delay » tiendrait au retard d’entrée sur le marché. Or, en l’espèce, il n’y aurait eu aucun retard d’entrée sur le marché après l’invalidation du brevet 947 par l’OEB.

137. Comme la procédure de contestation du brevet 947 devant l’OEB aurait été poursuivie, malgré les accords, par des opposants n’ayant pas conclu d’accord avec Servier interdisant cette poursuite, le retrait des sociétés de génériques ayant conclu de tels accords n’aurait pas pu avoir pour objet d’empêcher ou de retarder la contestation du brevet.

138. Or, comme le Tribunal l’a justement noté, notamment au point 644 de l’arrêt attaqué, cette argumentation est fondée sur des circonstances hypothétiques et non prévisibles à la date de conclusion des accords, qui ne sauraient être prises en compte dans le cadre de l’analyse de l’objet restrictif de concurrence.

139. En outre, ainsi que le note à juste titre la Commission, ladite argumentation ne saurait prospérer puisqu’elle revient à confondre la nocivité intrinsèque d’un accord d’exclusion du marché contre paiement avec la possibilité qu’un tel accord ne produise pas d’effets significatifs réels sur la concurrence à un moment ultérieur, en raison de circonstances indépendantes de la volonté des parties, par exemple lorsque le brevet est annulé à la suite de l’action d’un tiers.

140. Comme nous l’avons expliqué dans nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. ( 73 ), pour analyser l’objet anticoncurrentiel d’un accord de règlement amiable d’un litige de brevet, il importe de vérifier si, par la conclusion de cet accord, les parties ont substitué une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Si c’est le cas, la situation créée par les accords n’est pas le résultat du jeu normal de la concurrence, mais le résultat d’une concertation par laquelle
les parties ont éliminé les risques de ce jeu. Le point de savoir si la situation en termes de brevets aurait nécessairement été différente en l’absence de l’accord en raison d’une évolution ultérieure de la situation brevetaire n’est alors pas décisif pour apprécier la capacité de l’accord à restreindre la concurrence.

141. Pour apprécier cette capacité à restreindre la concurrence, il n’est en effet pas décisif de savoir si les fabricants de génériques auraient pu entrer ou n’auraient pas pu entrer sur le marché en l’absence de l’accord en raison de l’évolution de la situation brevetaire (par définition inconnue au moment de la conclusion de l’accord). En revanche, il est décisif de savoir si l’abstention d’entrée des génériques sur le marché résulte du jeu normal de la concurrence ou d’une concertation
anticoncurrentielle ( 74 ).

142. En second lieu, Servier soutient que, notamment, les accords Teva et Lupin auraient eu des effets proconcurrentiels en raison de certaines de leurs clauses. À l’instar de ce qu’a fait le Tribunal, ces allégations doivent être analysées au regard des clauses spécifiques des accords concernés.

c)   Sur l’examen de l’objet restrictif de concurrence des accords en cause

143. À la lumière des considérations qui précédent, il convient à présent d’examiner les arguments par lesquels Servier vise à démontrer que le Tribunal a commis des erreurs en qualifiant les accords conclus avec Niche/Unichem et Matrix (1), Teva (2) et Lupin (3) d’infractions de la concurrence par objet.

1) Sur les accords Niche et Matrix

144. Servier fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs en jugeant que le paiement fait par Servier à Niche et Matrix s’expliquait uniquement par leur intérêt à ne pas se faire concurrence et qu’il était la véritable cause de leurs accords de règlement amiable. Plus particulièrement, Servier soutient que le Tribunal a commis une erreur en ne retenant pas que son paiement était la contrepartie de frais de Niche et Matrix, tels que, notamment, des indemnités que celles-ci risquaient de devoir
payer aux tiers distributeurs.

145. Ainsi qu’il a été indiqué au point 34 ci-dessus, dans le cadre de l’accord Niche, Servier a versé 11,8 millions de GBP à Niche/Unichem. Dans le cadre de l’accord Matrix, elle a versé 11,8 millions de GBP à Matrix. De plus, dans le cadre de l’accord conclu le même jour entre Niche et Biogaran, cette dernière a versé 2,5 millions de GBP à Niche.

146. Concernant, d’abord, l’accord conclu par Servier avec Niche, le Tribunal a examiné, aux points 527 et suivants de l’arrêt attaqué, le point de savoir si le paiement effectué par Servier à Niche était justifié par autre chose que l’incitation de Niche à se soumettre aux clauses de non‑commercialisation et de non‑contestation contenues dans l’accord. Ce faisant, le Tribunal a analysé le point de savoir si le montant versé par Servier à Niche pouvait s’expliquer par des frais inhérents au
règlement amiable.

147. À cet égard, le Tribunal a considéré, d’une part, aux points 536 et 537 de l’arrêt attaqué, que les frais invoqués à ce titre par Niche et Servier étaient d’abord les coûts de développement du périndopril de Niche et d’indemnisation due à ses clients. Le Tribunal a considéré que ces frais n’étaient pas inhérents au règlement amiable du litige de brevet. D’autre part, le Tribunal a constaté, au point 538 de l’arrêt attaqué, que les frais de conseils juridiques invoqués par Niche et Servier ne
pouvaient être inhérents à l’accord de règlement amiable, puisqu’ils se rapportaient à une période antérieure aux contentieux opposant Niche et Servier.

148. Au point 539 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué, à titre surabondant, que même si les montants allégués de 1,1 millions de GBP au titre des frais de conseils juridiques et les coûts de développement du produit et de dédommagement des clients, évalués respectivement à 1,2 et 1,3 millions de GBP par la Commission au considérant 1336 de la décision attaquée, devaient être considérés comme étant justifiés, leur montant total de 3,6 millions de GBP serait toujours nettement inférieur au
montant de 11,8 millions de GBP payé par Servier à Niche.

149. Concernant, ensuite, l’accord conclu entre Niche et Biogaran, le Tribunal a constaté, aux points 542 à 544 de l’arrêt attaqué, que le paiement effectué par Biogaran en faveur de Niche avait constitué une incitation supplémentaire pour celle-ci à accepter les clauses restrictives de l’accord Niche.

150. Concernant, enfin, l’accord Matrix, le Tribunal a constaté, au point 546 de l’arrêt attaqué, que les parties n’avaient avancé aucun élément susceptible de justifier le montant de 11,8 millions de GBP payé par Servier à Matrix.

151. Tout d’abord, il y a lieu de constater que dans le cadre du présent pourvoi, Servier ne fait valoir aucun élément susceptible de démontrer que la conclusion du Tribunal visée au point précédent relative à l’accord Matrix serait erronée. Servier se contente d’invoquer de manière générale et vague un risque indemnitaire de Matrix. Dans ces conditions, son grief relatif à la qualification prétendument erronée du paiement effectué par Servier au profit de Matrix d’incitation de cette dernière à
accepter l’engagement de non‑concurrence doit être rejeté.

152. Ensuite, de la même manière, Servier n’invoque aucun élément susceptible de remettre en cause la conclusion du Tribunal, visée au point 149 ci-dessus, selon laquelle le paiement de Biogaran à Niche constituait une incitation supplémentaire pour celle-ci à accepter son engagement de non‑concurrence.

153. Concernant, enfin, le paiement de 11,8 millions de GBP opéré par Servier au profit de Niche, aucun des éléments mis en avant par Servier dans le cadre du présent pourvoi est de nature à démontrer que la conclusion du Tribunal selon laquelle ce paiement n’était justifié que par l’engagement de non‑concurrence de la part de Niche serait entachée d’erreurs.

154. Ainsi, l’argumentation selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur en considérant que les frais de développement du périndopril de Niche et les indemnisations dues aux tiers ne pouvaient justifier le paiement de Servier est inopérante. Comme il a été indiqué au point 148 ci-dessus, le Tribunal a constaté que même si ces frais (ainsi que les frais de conseils juridiques allégués) devaient être déduits du montant de 11,8 millions de GBP payé par Servier, il subsisterait toujours un
montant de 8,2 millions de GBP qui ne trouve d’autre explication que l’engagement de non‑concurrence pris par Niche.

155. Dans ce contexte, l’argument de Servier selon lequel le point 537 de l’arrêt attaqué serait entaché d’un défaut de motivation et d’une dénaturation des faits en ce qu’il rejette les montants supérieurs d’estimations d’indemnités potentielles alléguées par Servier doit être rejeté. Le Tribunal a expliqué à suffisance qu’il ne retenait pas ces montants, car il s’agissait de simples réclamations. De même, il n’apparaît pas en quoi le Tribunal aurait dénaturé la lettre à laquelle se réfère Servier,
aux termes de laquelle une entreprise exigeait une indemnisation bien supérieure au montant retenu par la Commission, alors que Servier elle-même reconnaît qu’il ne s’agissait que d’une réclamation.

156. Dans un souci d’exhaustivité, nous notons que la constatation du Tribunal, exposée aux points 280, 531 et 537 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les frais de développement du produit de Niche et d’éventuelles indemnités dues à des tiers ne peuvent être considérés comme inhérents au règlement amiable, en sorte que leur remboursement par Servier à Niche ne peut pas être justifié, n’apparaît entachée d’aucune erreur.

157. En effet, comme l’admet Servier elle-même, le paiement d’indemnités à des tiers en raison de la non‑fourniture du produit de Niche aurait pu être dû même en l’absence de règlement amiable avec Servier. Or, il n’apparaît pas plausible que Servier aurait consenti à payer ces frais à Niche si celle-ci avait décidé, de manière autonome et sans y être incitée par Servier, de ne pas commercialiser ce produit parce qu’elle était convaincue de la force des brevets de Servier.

158. Certes, comme l’indique Servier, une société de génériques qui décide, au terme d’une évaluation autonome du risque brevetaire auquel elle est confrontée, de mettre un terme amiable à un litige brevetaire en cours, peut souhaiter se prémunir contre les conséquences financières d’un tel règlement amiable. Toutefois, dans une telle situation, il n’existe aucune raison économique raisonnable amenant le fabricant de princeps à consentir à indemniser ladite société pour ces conséquences résultant de
son propre choix, si ce n’est pour lui fournir une incitation à conclure le règlement amiable qui n’a d’autre contrepartie que l’engagement à ne pas livrer concurrence.

159. Il importe en effet de distinguer la cause de la naissance de l’obligation de Niche d’indemniser des tiers de la cause du remboursement de ces frais de Niche par Servier. Il est certes vrai que l’obligation de Niche d’indemniser des tiers pour non‑fourniture pourrait naître si Niche décidait de manière autonome de ne pas les livrer, et avoir donc une autre justification que la volonté de Niche et Servier à ne pas se faire concurrence. Toutefois, le fait que ce soit Servier qui rembourse ces
frais à Niche ne peut avoir d’autre « justification » que l’engagement de non‑concurrence, dès lors que ces frais ne sont pas inhérents au règlement amiable et ne correspondent à aucune autre contrepartie offerte par Niche à Servier. Le même raisonnement vaut pour les frais de développement du produit de Niche.

160. Partant, ces frais de développement du produit et d’indemnisation de tiers en cas de non‑fourniture ne font a priori pas partie des frais dont le remboursement par le fabricant de princeps peut être considéré comme étant justifié dans le cadre d’un règlement amiable tel que celui en cause ( 75 ).

161. Pour finir, l’argument de Servier selon lequel le Tribunal aurait dû évaluer si le montant payé correspondait à plus de 10 ans de ventes et plus de 20 ans de marge bénéficiaire brute doit être rejeté pour la raison déjà indiquée au point 129 ci-dessus. De même, l’argument selon lequel Niche aurait accepté le paiement en raison des difficultés auxquelles elle était confrontée ne saurait prospérer. Ce n’est pas parce que la conclusion d’un accord est une solution rationnelle et rentable en termes
économiques et commerciaux pour les parties qu’un tel accord échappe à l’application de l’article 101 TFUE ( 76 ).

162. Il s’ensuit que l’argumentation de Servier relative aux accords Niche et Matrix doit être rejetée.

2) Sur l’accord Teva

163. Comme indiqué aux points 36 à 38 ci-dessus, aux termes de l’accord Teva, Teva ne devait pas contester les brevets de Servier devant les juridictions du Royaume-Uni et ne pas vendre son propre périndopril dans ce pays, en échange d’un paiement de 5 millions de GBP de la part de Servier. À une date ultérieure, Servier pouvait choisir soit de fournir du périndopril générique à Teva pour qu’elle le distribue, soit de lui payer, en cas de non‑fourniture, une indemnité forfaitaire. Teva n’avait pas
la faculté de résilier l’accord en cas de non‑fourniture. Par la suite, Servier a fait usage de cette possibilité de non‑fourniture et a versé à Teva pendant une certaine période une indemnité forfaitaire mensuelle de 500000 GBP dont le montant final s’élevait à 5,5 millions de GBP. Au total, Servier a donc versé 10,5 millions de GBP à Teva dans le cadre de l’accord Teva.

164. Aux points 646 à 698 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les arguments de Servier contestant le caractère restrictif de concurrence de l’accord Teva ne sauraient être retenus.

165. À présent, Servier fait valoir que le Tribunal a méconnu les objectifs et les effets ambivalents de cet accord (i) et constaté à tort que les paiements effectués par Servier au profit de Teva constituaient des paiements inversés (ii).

i) Sur les objectifs et les prétendus effets « ambivalents » de l’accord Teva

166. Servier fait valoir que le Tribunal a méconnu l’objectif essentiel de l’accord Teva, qui était la conclusion d’un accord de fourniture permettant à Teva d’entrer sur le marché avec la première vague de génériques et un produit commercialement plus attractif, et à Servier de bénéficier d’un distributeur de premier plan au Royaume-Uni. Dans ces conditions, les clauses du règlement amiable n’auraient pas pu être considérées comme nocives à la concurrence.

167. Ainsi que le critique à juste titre la Commission, Servier tente avec son argumentation de « saucissonner » les différentes clauses de l’accord Teva pour les faire apparaître, de manière séparée, comme neutres du point de vue de la concurrence. Pourtant, Servier n’avance aucun élément de nature à remettre en cause les constatations par lesquelles le Tribunal a établi que, vu dans son ensemble, cet accord avait bel et bien pour objet d’obtenir un engagement de non‑concurrence de Teva au profit
de Servier contre paiement, alors que la possible fourniture de périndopril par Servier à Teva n’était pas seulement hypothétique mais n’était également pas de nature à faire naître des effets proconcurrentiels.

168. Force est de constater que les éléments avancés par Servier dans le cadre de la présente procédure de pourvoi, pour autant qu’ils puissent être compris comme visant à critiquer la qualification juridique des faits par le Tribunal et non pas seulement à obtenir une nouvelle appréciation de ces faits, ne permettent pas de démontrer que ces constatations du Tribunal seraient erronées.

– Sur les prétendus effets « ambivalents » ou « proconcurrentiels »

169. Aux points 667 à 671 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les effets potentiels allégués de l’accord Teva ne sauraient être qualifiés de non restrictifs de concurrence, voire proconcurrentiels. Servier avait fait valoir à cet égard que la future décision de l’OEB quant à la validité du brevet 947 aurait par nature été inconnue des parties. L’accord Teva aurait eu des effets proconcurrentiels en permettant une entrée sur le marché de Teva quelque ait été le sens de cette décision. Or,
le Tribunal a considéré que, peu importe le sens de la décision ultérieure de l’OEB, imprévisible à la date de l’accord, aucune des options prévues par l’accord Teva n’était susceptible de mener à une situation pouvant être qualifiée de « proconcurrentielle ». En effet, cet accord aurait toujours empêché Teva d’entrer sur le marché avec son produit ou le produit d’un tiers, et une entrée de Teva avec le produit fourni par Servier n’aurait pas créé de situation de concurrence entre Teva et
Servier.

170. Contrairement à ce que soutient Servier, cette appréciation du Tribunal n’est pas entachée d’erreurs. La Cour a déjà eu l’occasion de constater qu’une entrée contrôlée d’une société de génériques sur le marché avec une quantité limitée de produits, résultant d’une concertation avec le fabricant du princeps organisée dans le cadre d’un accord empêchant l’entrée indépendante de cette société sur le marché, ne saurait être considérée comme proconcurrentielle ( 77 ). Contrairement à ce qu’allègue
Servier, si, dans une telle situation, les quantités de produits à fournir par le fabricant de princeps à la société de génériques sont limitées (comme c’était le cas en l’occurrence ( 78 )), cette société n’a aucun intérêt à pratiquer une concurrence par les prix ( 79 ).

171. De plus, la Cour a déjà constaté que les parties à un accord, tel que celui en l’espèce, ne sauraient tirer argument d’éventuelles évolutions futures en termes de droit des brevets, inconnues au moment de la conclusion de l’accord, dont dépendrait la nocivité de celui-ci en termes de droit de la concurrence ( 80 ). Comme indiqué aux points 139 à 141 ci-dessus, il importe de vérifier si, par la conclusion de cet accord, les parties ont substitué une coopération pratique entre elles aux risques
de la concurrence, alors que le point de savoir si la situation en termes de brevets aurait nécessairement été différente en l’absence de l’accord n’est pas décisif ( 81 ).

– Sur la prétendue absence de nocivité des clauses de l’accord Teva

172. Concernant la clause de non‑contestation, dont la nocivité est contestée par Servier, le Tribunal a noté, aux points 646 à 653 de l’arrêt attaqué, que le fait que cette clause n’empêchait pas la poursuite par Teva de la procédure devant l’OEB ne lui enlevait pas son caractère restrictif. Or, cette constatation est correcte puisque ladite clause empêchait Teva de faire valoir devant les juridictions du Royaume-Uni que son produit était non contrefaisant et l’empêchait d’invoquer devant ces
juridictions, de manière incidente, la non‑validité des brevets de Servier. En outre, pour la raison indiquée au point précédent, d’éventuelles évolutions futures en termes de brevets, telles que, en l’occurrence, celles pouvant résulter de la poursuite de la procédure devant l’OEB, ne sont pas déterminantes pour l’analyse d’un accord qui a pour objet de restreindre la concurrence.

173. Concernant les clauses d’achat exclusif et de non‑commercialisation, dont la nocivité est également remise en cause par Servier, le Tribunal a pu constater sans commettre d’erreurs, aux points 654 à 666 de l’arrêt attaqué, que ces clauses avaient été correctement analysées par la Commission comme une seule et même obligation de non‑concurrence. Conformément auxdites clauses, Servier pouvait choisir en toute discrétion soit de fournir du périndopril à Teva, soit de lui payer une indemnité
forfaitaire en cas de défaut de fourniture. En raison de l’obligation d’achat exclusif, Teva ne pouvait s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs même en cas de non‑approvisionnement par Servier.

174. Comme l’indique justement la Commission, la conséquence de ces dispositions était que Servier détenait « la clé pour ouvrir la porte d’entrée sur le marché à Teva ». Or, il était évident que Servier n’avait aucune intention de le faire et qu’elle ne fournirait son produit pour distribution à Teva uniquement si un tiers réussissait à ouvrir cette porte en entrant sur le marché. Dans ce cas, Servier voulait sécuriser ses parts de marché par la distribution de son propre produit générique par la
société de génériques « amie » Teva ( 82 ).

175. Contrairement aux allégations de Servier, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en jugeant, au point 666 de l’arrêt attaqué, que le fait que l’accord Teva se limitait au périndopril erbumine n’enlevait pas à cet accord son caractère anticoncurrentiel. Le Tribunal a considéré à juste titre que, quand bien même Teva aurait pu entrer sur le marché avec du périndopril composé d’un autre sel que l’erbumine pendant la période couverte par l’accord, il n’en reste pas moins que cet accord l’empêchait de
concurrencer Servier avec du périndopril erbumine et restreignait la concurrence à cet égard. Or, le produit que Teva envisageait de commercialiser au moment de la conclusion dudit accord était précisément du périndopril erbumine, alors qu’elle n’a développé un autre sel que plus tard.

ii) Sur les paiements

176. En ce qui concerne les paiements effectués dans le cadre de l’accord Teva, Servier fait valoir, d’une part, que le Tribunal a commis une erreur lors de la qualification de l’indemnité forfaitaire qu’elle a payée à Teva.

177. Aux points 684 à 686 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que l’indemnité forfaitaire payée par Servier à Teva pour non‑approvisionnement, dont le montant final s’élève à 5,5 millions de GBP, représentait un paiement consenti à Teva en échange de son engagement à ne pas faire concurrence à Servier. Ce paiement était la contrepartie de l’absence d’entrée sur le marché de Teva telle que prévue par les clauses d’achat exclusif et de non‑résiliation.

178. Or, Servier n’avance aucun élément de nature à invalider ces considérations, puisqu’elle ne fait valoir aucune autre contrepartie qu’elle aurait reçue de la part de Teva en échange de ce paiement. Dans ces conditions, le Tribunal était fondé à considérer que celui-ci s’expliquait uniquement par l’intérêt commercial des parties à l’accord à ne pas se livrer une concurrence par les mérites. Le fait que ce paiement ait pris la forme d’une indemnité pour non‑fourniture payable uniquement en cas de
non‑fourniture est à cet égard indifférent.

179. D’autre part, Servier soutient que le Tribunal a qualifié à tort de paiement inversé le paiement initial de 5 millions de GBP payé par Servier à Teva. Le but de ce paiement aurait été de contribuer aux coûts liés à la résiliation par Teva de ses accords avec un fournisseur d’IPA et un fournisseur de formulations finies, aux coûts de destruction des stocks existants du produit de Teva et des frais de justice. De plus, pour Servier, le montant aurait été justifié par le fait d’éviter un litige et
de sécuriser l’accord de fourniture avec Teva.

180. Cette argumentation est inopérante.

181. En effet, il n’est pas nécessaire de déterminer si un paiement de la part du fabricant de princeps en faveur de la société de génériques, qui correspond aux frais de la destruction de son produit et l’indemnisation de tiers par celle-ci, peut être considéré comme étant justifié dans le cadre d’un accord tel que celui en cause. Pour les raisons déjà exposées aux points 156 à 160 ci-dessus, cela est déjà douteux en soi. Comme la Commission a indiqué à juste titre au considérant 1599 de la
décision litigieuse, visé aux points 680 et 689 de l’arrêt attaqué, ces frais ne correspondent à aucune valeur marchande que Servier aurait reçue de la part de Teva.

182. Toutefois, en l’espèce, le Tribunal a noté, aux points 687 à 698 de l’arrêt attaqué, que Teva n’avait en tout état de cause communiqué aucun chiffre relatif aux coûts qui auraient prétendument été compensés par le montant initial de 5 millions de GBP payé par Servier à Teva. Ainsi, le Tribunal a considéré que même s’il fallait tenir compte d’une évaluation par la Commission des frais susceptibles, selon Teva, de relever des coûts devant être compensés par Servier au titre du règlement amiable,
y compris la valeur du stock à détruire, ceux-ci représentaient au total moins de 40 % du montant initial.

183. Or, Servier n’a produit, ni devant le Tribunal ni devant la Cour, aucun élément susceptible de remettre en cause ces constatations ou de justifier davantage le montant initial payé à Teva.

184. Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs par lesquels Servier critique la qualification de l’accord Teva comme restriction de concurrence par objet doivent être rejetés.

3) Sur l’accord Lupin

185. Selon Servier, le Tribunal a également commis des erreurs en qualifiant l’accord Lupin de restriction de la concurrence par objet. D’une part, le Tribunal aurait conclu de manière erronée que le paiement effectué par Servier au profit de Lupin ne saurait s’expliquer autrement que par la volonté des parties à ne pas se livrer concurrence (i). D’autre part, le Tribunal aurait jugé à tort que les clauses de l’accord Lupin étaient nocives et aurait mal interprété le champ d’application dudit accord
(ii).

i) Sur le paiement

186. Il ressort des constatations non remises en cause de l’arrêt attaqué et de la décision litigieuse que Servier et Lupin ont conclu le même jour, sous la forme d’un accord unique, deux accords. Le premier était un accord de règlement amiable comportant des clauses de non‑commercialisation de périndopril générique et de non‑contestation de brevets de Servier par Lupin ; le second était un accord de cession de technologie par lequel Servier a acheté à Lupin trois demandes de brevets déposées par
cette dernière. Dans le cadre de ce dernier accord, Servier a versé à Lupin 40 millions d’euros ( 83 ).

187. Aux points 805 à 828 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a mené une analyse détaillée et minutieuse de la possible valeur économique de ces demandes de brevets à la lumière de l’ensemble des arguments des parties à cet égard. Au terme de cette analyse, il est arrivé à la conclusion qu’il n’était pas possible d’identifier une quelconque valeur économique desdites demandes.

188. Ainsi, le Tribunal a notamment constaté que Lupin avait non pas cédé des brevets mais de simples demandes de brevets et n’avait donné aucune garantie qu’un brevet serait accordé, qu’il serait valide ou que les produits ou les procédés revendiqués ne seraient pas contrefaisants (points 805 et 818) ; que le montant versé était supérieur aux investissements réalisés par une autre société de génériques comparable aux fins de développer son propre périndopril (point 817) ; que Servier n’avait
produit aucun élément précis permettant d’établir que l’acquisition des demandes de brevets de Lupin pour un montant de 40 millions d’euros pouvait raisonnablement être considérée comme constituant un investissement rentable ou, pour le moins, de nature à lui procurer des revenus susceptibles de compenser leur coût élevé (point 820) ; que la référence par Servier à d’autres transactions qui seraient comparables à l’accord de cession passé avec Lupin n’était pas pertinente, notamment, puisque
Servier elle-même avait été partie à ces transactions dont certaines avaient de surcroît été qualifiées d’infractions au droit de la concurrence par la Commission (point 821), et que l’avis d’un consultant en propriété intellectuelle produit par Servier était formulé en des termes trop généraux et n’avait qu’une valeur probante limitée (point 822).

189. Le Tribunal a donc conclu, en substance, au point 827 de l’arrêt attaqué, que la seule contrepartie qui pouvait expliquer le transfert de valeur de 40 millions d’euros effectué par Servier au profit de Lupin aux termes de l’accord de cession était l’engagement de non‑concurrence pris par Lupin aux termes de l’accord de règlement amiable conclu le même jour.

190. Dans le cadre du présent pourvoi, Servier n’avance aucun élément susceptible de démontrer que cette conclusion serait entachée d’erreurs.

191. D’une part, Servier fait valoir que le Tribunal ne pouvait qualifier le paiement de 40 millions d’euros de paiement inversé, parce que Servier aurait démontré son intérêt pour les demandes de brevets et soumis des exemples de transactions conclues dans des termes similaires et l’avis d’un expert.

192. Or, par ces arguments, Servier se contente de répéter son argumentation déjà avancée en première instance sans étayer en quoi consisteraient les erreurs prétendument commises par le Tribunal, ce qui est irrecevable en pourvoi. En tout état de cause, le Tribunal a pu considérer, sans commettre d’erreur, aux points 821 à 823 de l’arrêt attaqué, que ces éléments avancés par Servier ne permettaient pas d’établir de manière objective une quelconque valeur économique des demandes de brevets rachetées
par Servier à Lupin pour un montant de 40 millions d’euros.

193. D’autre part, la critique par Servier de l’affirmation du Tribunal exposée au point 816 de l’arrêt attaqué, selon laquelle ce montant excédait les profits que Lupin pouvait escompter de son entrée indépendante sur le marché pendant les deux à trois premières années de commercialisation, est inopérante. En effet, le Tribunal s’est non pas fondé sur ce constat pour démontrer l’absence de preuve de la valeur économique des demandes de brevets transférées, mais sur l’ensemble des éléments indiqués
au point 188 ci-dessus. La comparaison avec les profits escomptés de Lupin n’a été qu’un élément supplémentaire étayant le caractère élevé du paiement effectué par Servier en sa faveur.

194. Il s’ensuit que le Tribunal a conclu à juste titre, notamment au point 827 de l’arrêt attaqué, que le paiement effectué par Servier au profit de Lupin constituait une incitation à ne pas livrer concurrence puisqu’il résultait des éléments examinés que ce paiement ne pouvait s’expliquer par la valeur économique des demandes de brevets transférées par Lupin à Servier.

195. Le fait que le Tribunal a, dans ce contexte, utilisé les concepts de transaction conclue (ou pas) aux conditions normales du marché et de paiement incitatif, au lieu de la terminologie employée par la Cour dans l’arrêt Generics (UK) e.a. (« solde net » des transferts de valeurs respectifs), ne change rien au fait que, en substance, le Tribunal a bien effectué le même test que celui préconisé par la Cour dans ledit arrêt. Ce test consiste à déterminer si le transfert de valeur de Servier au
profit de Lupin s’expliquait par autre chose que l’intérêt de ces parties à ne pas se livrer concurrence ( 84 ). Partant, vouloir chercher des différences, concernant le fond dudit test, entre l’arrêt Generics (UK) e.a. et l’arrêt attaqué, sur la base de ces légères différences de terminologie, s’apparenterait à faire preuve de formalisme excessif et à jouer sur les mots.

196. En l’espèce, il ressort du point 806 de l’arrêt attaqué que la notion de « transaction conclue aux conditions normales du marché » a permis au Tribunal de déterminer, au moyen de l’examen des éléments résumés au point 188 ci-dessus, si le transfert de valeur opéré par Servier au profit de Lupin correspondait à une quelconque valeur économique des demandes de brevet transférées. Cela ne signifie pas que la Commission serait toujours obligée de requérir à cette notion lorsqu’elle détermine si un
transfert de valeur a une autre contrepartie qu’un engagement de non‑concurrence.

197. Certes, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 134 ci-dessus, dans ses arrêts Generics (UK) e.a. et Lundbeck/Commission, la Cour a indiqué que, afin d’apprécier les transferts de valeurs effectués aux termes d’un accord de règlement amiable, il importe de prendre en considération l’ensemble des transferts de valeurs opérés entre les parties, qu’ils aient été monétaires ou non. Selon la Cour, ce faisant, il faut déterminer si le solde des transferts de valeurs du fabricant de médicaments
princeps au profit de la société de génériques peut se justifier par l’existence d’éventuelles contreparties de la part de cette société ( 85 ).

198. Toutefois, il ne saurait être reproché au Tribunal, en l’occurrence, de ne pas avoir numériquement chiffré le solde positif net du transfert de valeur effectué par Servier au profit de Lupin, après déduction de la valeur supposée des demandes de brevets qui ont été transférées par Lupin à Servier en contrepartie de ce transfert.

199. En effet, il découle des éléments pris en compte par le Tribunal résumés au point 188 ci-dessus, qui n’ont pas été mis en cause par Servier, que le Tribunal a constaté que Servier n’avait pas démontré une valeur économique quelconque des demandes de brevets achetées à Lupin, qui aurait pu être déduite des 40 millions d’euros transférées par Servier à Lupin à ce titre.

200. Toutefois, à supposer même qu’il faille partir du principe que de telles demandes de brevets ont nécessairement une valeur économique qui doit être déduite de la somme versée par Servier à Lupin, ne serait-ce que la valeur correspondant aux investissements réalisées par Lupin pour développer la technologie couverte par elles, il doit être rappelé que le Tribunal a considéré, au point 817 de l’arrêt attaqué, que le montant de 40 millions d’euros transféré à Lupin était supérieur aux
investissements réalisées par une autre société de génériques comparable aux fins de développer son propre périndopril.

201. À cet égard, le Tribunal cite le considérant 1962 de la décision litigieuse, qui se réfère au coût du développement du périndopril de Krka, s’élevant à quelque 1 à 4 millions d’euros. Partant, à supposer même qu’il faille déduire ce montant du montant transféré par Servier à Lupin, ce à quoi revient, en substance, le raisonnement du Tribunal au point 817 de l’arrêt attaqué, le solde net de ce transfert s’élèverait toujours à au moins 36 millions d’euros qui ne trouvent d’autre explication que
le rachat de la menace concurrentielle que représentait Lupin par Servier.

202. Cette constatation ne saurait être infirmée par le fait que les points 59 à 61 de l’arrêt attaqué font état d’accords d’acquisition de technologies portant, notamment, sur l’achat d’une demande de brevet et du savoir-faire correspondant par Servier pour un montant de 13 millions d’euros environ. En effet, en l’absence d’indications quelconques sur la valeur des demandes de brevets concernées par l’accord Lupin, il ne saurait être considéré qu’elles avaient nécessairement également une valeur de
cet ordre de grandeur. De même, le montant de 50 millions de dollars des États-Unis (USD) évoqué au point 61 de l’arrêt attaqué ne concerne qu’un protocole d’accord d’acquisition de technologie qui n’a finalement jamais été conclu, de sorte qu’il ne saurait servir de manière générale d’indication pour évaluer la valeur de demandes de brevets. Eu égard aux éléments résumés au point 188 ci-dessus et aux principes régissant la charge de la preuve ( 86 ), le Tribunal a donc pu considérer, sans
commettre d’erreur à cet égard, qu’il n’était pas établi que le solde net du montant transféré par Servier à Lupin, même en soustrayant la supposée valeur du coût du développement de la technologie couverte par les brevets de Lupin, était justifié par d’autres contreparties de la part de Lupin que celle qui consistait en son engagement à ne pas livrer concurrence.

203. Il s’ensuit que le grief tiré du caractère erroné de l’appréciation du paiement dans le cadre de l’accord Lupin doit être rejeté.

ii) Sur les clauses de l’accord Lupin

204. En premier lieu, Servier fait valoir que le Tribunal ne pouvait pas qualifier d’anticoncurrentielle la clause de l’accord Lupin prévoyant la non‑contestation des brevets de Servier par Lupin, puisque cette clause n’empêchait pas la poursuite de la contestation du brevet 947 devant l’OEB par d’autres opposants. Or, cette argumentation doit être rejetée, mutatis mutandis, pour les mêmes raisons que celles déjà exposées aux points 171 et 172 ci-dessus.

205. En deuxième lieu, Servier soutient que le Tribunal ne pouvait pas non plus considérer que la clause de non‑commercialisation des produits de Lupin était anticoncurrentielle, puisqu’elle autorisait, ainsi que le Tribunal l’aurait lui-même reconnu, sous certaines conditions une entrée anticipée de Lupin sur le marché.

206. Par cette argumentation, Servier tente de remettre en cause l’appréciation des faits par le Tribunal, notamment en ce qui concerne l’interprétation par celui-ci des clauses de l’accord Lupin ( 87 ). Toutefois, à supposer même que l’argumentation en cause puisse être comprise comme visant la qualification juridique des faits par le Tribunal, elle serait vouée à l’échec.

207. Par ses allégations, Servier semble vouloir démontrer que le Tribunal aurait fait une erreur en ne reconnaissant pas que les effets proconcurrentiels avérés des clauses de l’accord Lupin, qu’il aurait lui-même constatés, remettaient en cause la qualification dudit accord comme restrictif de la concurrence par son objet.

208. Or, aux points 830 à 857 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, au terme d’une analyse minutieuse des clauses de l’accord Lupin, que, à supposer même que ledit accord puisse être interprété comme permettant une entrée sur le marché de Lupin, avec ses propres produits, anticipée par rapport à la durée prévisible de validité du brevet 947, la nature hypothétique des événements pouvant permettre une telle entrée anticipée empêchait de conclure à la neutralisation de l’effet restrictif de la
clause de non‑commercialisation (points 849 à 851 et 856). L’entrée anticipée de Lupin (à la supposer permise par l’accord dans certaines circonstances) dépendait, en tout état de cause, de la mise sur le marché par un tiers d’un produit générique, c’est-à-dire d’une circonstance à la fois extérieure aux parties au contrat et aléatoire (point 857). Servier ne remet pas en cause les éléments factuels sur lesquels le Tribunal a fondé ces constatations, qui ne font apparaître aucune dénaturation.

209. Le grief de Servier tiré d’une prétendue dénaturation des échanges entre Servier et Lupin au sujet de l’entrée de Sandoz sur le marché (points 852 à 854 de l’arrêt attaqué) doit être rejeté. Il ressort de la lecture de l’extrait de cet échange figurant au point 853 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a nullement dénaturé ce document en constatant qu’il révélait les incertitudes de Lupin quant à sa possibilité d’entrer de manière anticipée sur le marché français sans méconnaître l’accord. De
plus, il ressort du résumé figurant au point précédent que ce grief est inopérant. Le Tribunal a constaté que, à supposer même que les clauses de l’accord permissent une entrée anticipée, les circonstances rendant possible une telle entrée étaient hypothétiques et indépendantes de la volonté des parties.

210. Dans ces circonstances, c’est sans commettre d’erreur que le Tribunal a constaté que la clause de non‑commercialisation n’était pas de nature à remettre en cause la qualification de l’accord Lupin comme restrictif de concurrence par objet. Comme indiqué au point 126 ci-dessus, seul la présence d’effets proconcurrentiels avérés de nature à faire raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence d’un accord est susceptible de remettre en cause une telle
qualification. Or, le Tribunal a constaté au point 857 de l’arrêt attaqué, au vu des éléments résumés au point 208 ci-dessus, qu’une entrée anticipée de Lupin sur le marché (à la supposer permise par les clauses de l’accord) résultait non pas d’un choix clair des parties mais de circonstances hypothétiques et aléatoires. Partant, le Tribunal a constaté à bon droit que les parties ne pouvaient s’en prévaloir pour établir l’absence de caractère restrictif de la concurrence de l’accord.

211. L’argument de Servier selon lequel le Tribunal aurait dû analyser la probabilité avec laquelle les différents scénarios étaient susceptibles de se produire n’est pas de nature à invalider ce constat. Comme il a déjà été indiqué aux points 139 à 141 et 171 ci-dessus, dans le cadre de l’appréciation de la nature restrictive de concurrence d’un accord tel que l’accord Lupin, la Commission ne doit pas analyser les scénarios futurs probables en termes de droit des brevets.

212. En troisième lieu, Servier ne saurait pas non plus se prévaloir ni du prétendu caractère proconcurrentiel de son engagement à fournir des produits à Lupin, ni de la prétendue nature proconcurrentielle des licences prétendument accordées gratuitement à Lupin sur ses autres brevets, pour faire valoir de prétendues erreurs du Tribunal lors de la qualification des clauses de l’accord Lupin. Dans le cadre de la présente procédure de pourvoi, Servier se contente de contester les conclusions du
Tribunal à cet égard, exposées aux points 858 à 863 de l’arrêt attaqué, sans avancer d’élément susceptible d’infirmer leur bien-fondé. Dans ces conditions, Servier ne met pas valablement en cause la conclusion du Tribunal selon laquelle, aussi bien la possibilité de fourniture que la possibilité de disposer de licences sur d’autres brevets (à la supposer prévue par les clauses de l’accord), dépendaient tout autant de la présence de conditions futures hypothétiques que l’entrée anticipée sur le
marché visée au point 208 ci-dessus.

213. Enfin, en quatrième et dernier lieu, l’argument de Servier selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur dans l’appréciation du champ d’application de l’accord Lupin ne saurait davantage prospérer. En effet, il n’est pas déterminant de savoir si le Tribunal a constaté à bon droit, aux points 870 à 877 de l’arrêt attaqué, que le champ d’application de l’accord Lupin excédait le champ du brevet 947, ce que Servier conteste. Comme le Tribunal l’a constaté, en substance, au point 878 de l’arrêt
attaqué, à supposer même que le champ d’application dudit accord n’excédât pas celui dudit brevet, cela n’aurait pas enlevé à l’accord son caractère anticoncurrentiel. En effet, si la conclusion par le titulaire d’un brevet d’un accord de règlement amiable avec un contrefacteur allégué n’excédant pas la portée et la durée de validité restante d’un brevet constitue certes l’expression du droit de propriété intellectuelle de ce titulaire et l’autorise, notamment, à s’opposer à toute contrefaçon,
il n’en demeure pas moins que ledit brevet n’autorise pas son titulaire à conclure des contrats qui violeraient l’article 101 TFUE ( 88 ).

214. Il s’ensuit qu’aucun des arguments de Servier contestant la qualification de l’accord Lupin de restriction de concurrence par objet ne saurait être retenu.

d)   Conclusion

215. Il résulte des considérations qui précèdent que l’argumentation de Servier contestant la qualification des accords litigieux de restrictions de la concurrence par objet doit être rejetée dans son ensemble.

4.   Sur la date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin (troisième branche du cinquième moyen)

216. Servier fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs lorsqu’il a déterminé la date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin dans certains États membres.

217. Au considérant 3136 de la décision litigieuse, la Commission a expliqué que, en l’espèce, la fin des infractions était déterminée par la date à partir de laquelle les sociétés de génériques parties aux accords litigieux ont été à même d’adopter un comportement concurrentiel sur les différents marchés concernés.

218. Il ressort du considérant 2127 et du tableau reproduit au considérant 3134 de la décision litigieuse que la Commission a constaté que l’infraction constituée par l’accord Lupin pour les marchés de l’Union était établie pour la période allant de la conclusion dudit accord le 30 janvier 2007 ( 89 ) jusqu’au 6 mai 2009, date de l’annulation du brevet 947 par l’OEB. La Commission a toutefois considéré que l’infraction avait cessé plus tôt dans certains pays, notamment, pour ce qui intéresse
l’argumentation de Servier dans le cadre du présent moyen ( 90 ), en France, le 16 septembre 2008, date de l’entrée sur le marché de Sandoz ( 91 ).

219. Or, ainsi qu’il ressort du considérant 410 de la décision litigieuse, Sandoz est également entrée sur le marché d’autres États membres avant le 6 mai 2009, à savoir, pour ce qui intéresse l’argumentation de Servier dans le cadre du présent moyen ( 92 ), en Irlande en juin 2008, en Belgique en juillet 2008, en Hongrie en décembre 2008 et en République tchèque en janvier 2009.

220. Partant, ainsi qu’il ressort du point 891 de l’arrêt attaqué, devant le Tribunal, Servier a soutenu que la Commission aurait dû conclure que l’infraction constituée par l’accord Lupin avait également cessé en Irlande, en Belgique, en Hongrie et en République tchèque au moment où Sandoz est entrée sur les marchés de ces États membres. Cette argumentation a toutefois été rejetée par le Tribunal.

221. En l’occurrence, Servier soutient que, ce faisant, le Tribunal a commis des erreurs. Celui-ci aurait substitué sa propre motivation, contradictoire de surcroît, au raisonnement de la Commission, tout en omettant d’expliquer les raisons pour lesquelles cette institution aurait été fondée à retenir la date d’entrée de Sandoz sur le marché comme fin de l’infraction en France, mais pas en Irlande, en Belgique, en Hongrie ni en République tchèque.

222. Le Tribunal a considéré, aux points 892 et suivants de l’arrêt attaqué, qu’il convenait de déterminer si la Commission avait conclu à tort que l’infraction s’était poursuivie au-delà des dates d’entrée de Sandoz dans les États membres concernés. À cet égard, il a constaté que le générique de Sandoz ne comprenait aucun des cristaux alphas protégés par le brevet 947. Il a poursuivi qu’il pourrait ressortir d’une lecture combinée des articles 1.6 et 4.1, sous c), de l’accord Lupin ( 93 ) que
celui-ci permettait une entrée sur le marché de Lupin avec ses propres produits lorsqu’un produit générique était entré sur le marché sans être confronté à une demande d’injonction de la part de Servier.

223. Le Tribunal a toutefois considéré qu’il existait une incertitude quant à la question de savoir si cette interprétation de l’accord était correcte et si la clause de non‑commercialisation y figurant permettait à Lupin d’entrer sur le marché en cas d’entrée sur le marché d’un produit comme celui de Sandoz. Le Tribunal a donc conclu que, du fait de cette incertitude, Lupin pouvait craindre que cette clause lui interdisait toujours d’entrer sur le marché dans un tel cas, d’autant plus que Servier
pouvait toujours introduire une demande d’injonction, même contre un produit non‑contrefaisant.

224. Selon le Tribunal, ces incertitudes de Lupin quant à sa possibilité d’entrer sur le marché à la suite de l’entrée de Sandoz étaient attestées, pour ce qui concerne le marché français, par un échange de courriers entre Lupin et Servier mentionné au point 853 de l’arrêt attaqué ( 94 ). Il ressortirait dudit échange que l’application que Lupin continuait à faire de la clause de non‑commercialisation sur le marché français semblerait avoir pris fin, au plus tôt, début avril 2009.

225. Le Tribunal en a conclu que, a fortiori, Servier n’avait produit aucun élément permettant d’établir que, avant le 6 mai 2009, Servier et Lupin considéraient que la clause de non‑commercialisation n’était plus en vigueur sur les quatre autres marchés sur lesquels Sandoz était entrée. Selon le Tribunal, la circonstance que cette clause soit ainsi demeurée en vigueur du fait des incertitudes liées à l’ambiguïté de l’accord suffisait pour permettre à la Commission de constater que l’accord de
volontés entre Servier et Lupin et donc l’infraction se poursuivaient malgré les entrées sur le marché de Sandoz sur ces quatre marchés.

226. Or, ainsi que le soutient à juste titre Servier, le motif selon lequel c’étaient l’ambigüité et les incertitudes quant à l’application de l’accord à la suite de l’entrée de Sandoz sur les marchés concernés qui permettaient de considérer que l’infraction s’y était poursuivie au-delà de cette entrée ne figure pas dans la décision. Le Tribunal a donc effectivement substitué sa propre motivation à celle de la Commission, ce qui constitue une erreur de droit ( 95 ).

227. De surcroît, ainsi que l’indique également à juste titre Servier, ce motif, fondé par le Tribunal notamment sur un échange entre Servier et Lupin relatif au marché français (voir point 224 ci-dessus), contredit l’affirmation exposée au considérant 2127 de la décision litigieuse selon laquelle l’infraction constituée par l’accord Lupin a pris fin sur le marché français à la suite de l’entrée de Sandoz sur ce marché ( 96 ).

228. Il s’ensuit que non seulement le Tribunal a substitué sa propre motivation à celle de la décision litigieuse mais en plus, cette motivation est contradictoire et ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a retenu, dans cette décision, la date de l’entrée sur le marché de Sandoz comme fin de l’infraction en France mais pas en Irlande, en Belgique, en Hongrie ni en République tchèque. Il est donc impossible de vérifier le bien-fondé des considérations sur ce point, ce
qui entache l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation supplémentaire ( 97 ).

229. Partant, la troisième branche du cinquième moyen est fondée et entraîne, conformément à l’article 61, paragraphe 1, première phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’annulation partielle de l’arrêt attaqué pour défaut de motivation pour autant qu’il a rejeté la demande de Servier de voir annuler la décision litigieuse en ce qu’elle retient comme date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin pour l’Irlande, la Belgique, la Hongrie et la République tchèque le
6 mai 2009.

230. Conformément à l’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, de ce statut, la Cour peut, dans ces circonstances, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Or, cela est le cas en l’occurrence puisqu’il ressort de l’examen de la décision litigieuse que celle-ci est également entachée d’un défaut de motivation quant à la question de savoir pour quelle raison la Commission a retenu la date d’entrée sur le marché de Sandoz en tant que fin de
l’infraction constituée par l’accord Lupin en France, mais pas dans les quatre autres pays dans lesquels Sandoz est entrée sur le marché avant le 6 mai 2009.

231. Par ailleurs, ni la décision litigieuse ni les explications fournies par la Commission dans ses écritures et lors de l’audience dans la présente procédure de pourvoi ne permettent d’éclairer ce point.

232. La Commission se réfère au considérant 1039 de la décision litigieuse, selon lequel l’article 4.1, sous c), de l’accord Lupin devait être interprété en ce sens que Lupin était autorisée à commercialiser son propre périndopril dans un ressort donné, notamment, si et quand un tiers indépendant vendait du périndopril et Servier n’introduisait pas de demande d’injonction pour l’en empêcher.

233. La Commission indique, sans en expliquer les raisons, que, compte tenu de cette interprétation, la clause de non‑commercialisation aurait continué à s’appliquer même après l’entrée de Sandoz sur le marché en Irlande, en Belgique, en Hongrie et en République tchèque, mais pas en France. À ce dernier égard, la Commission se réfère au considérant 2327 de la décision attaquée, qui note que, en France, Servier ne pouvait pas bloquer l’arrivée de Sandoz sur la base du brevet 947 puisque le produit de
Sandoz n’était pas susceptible de violer ce brevet.

234. Toutefois, sur la base de cette indication, il est toujours impossible de comprendre les raisons pour lesquelles Servier aurait pu bloquer, en se fondant sur ce brevet, l’entrée de Sandoz dans les quatre autres États membres concernés, alors que le produit avec lequel Sandoz entrait sur ces marchés était visiblement le même que celui commercialisé en France. À l’audience, la Commission a réitéré l’explication selon laquelle la différence aurait résidé dans le fait que, en France, l’entrée de
Sandoz aurait ouvert le marché à la concurrence, alors que cela n’aurait pas été le cas dans les autres pays. Or, cette explication n’a été étayée ni dans la décision litigieuse, ni dans les écritures de la Commission, ni à l’audience.

235. Il s’ensuit que la décision litigieuse doit être partiellement annulée en ce qu’elle comporte un défaut de motivation quant aux dates de fin retenues pour l’infraction constituée par l’accord Lupin en ce qui concerne l’Irlande, la Belgique, la Hongrie et la République tchèque.

236. Les conséquences de cette annulation partielle sur le montant de l’amende infligée à Servier au titre de l’accord Lupin sont déterminées aux points 282 et suivants ci-après, dans la partie des présentes conclusions consacrée aux amendes.

5.   Sur la qualification de l’accord Niche, d’une part, et de l’accord Matrix, d’autre part, d’infractions distinctes (sixième moyen)

237. Dans le cadre de son sixième moyen, Servier fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a confirmé, aux points 1293 et suivants de l’arrêt attaqué, la qualification des accords conclus par Servier avec Niche/Unichem, d’une part, et Matrix, d’autre part, en tant qu’infractions distinctes. Selon Servier, le Tribunal aurait dû reconnaître que ces accords constituaient une infraction unique à l’article 101 TFUE.

238. Il résulte de la jurisprudence qu’une violation de l’article 101 TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes si ces derniers s’inscrivent dans un plan d’ensemble en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence et poursuivent un seul but économique ( 98 ). La condition tenant à la notion d’objectif unique implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de
l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements mis en œuvre par d’autres entreprises ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur ( 99 ).

239. Il importe de préciser que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point précédent, la question de savoir s’il convient de qualifier différents comportements anticoncurrentiels d’infractions distinctes ou d’infraction unique relève d’une question de droit liée à la qualification juridique des éléments constitutifs de l’infraction, dont les juridictions de l’Union assurent le respect ( 100 ). Comme le Tribunal l’a reconnu aux points 1256 et suivants de l’arrêt attaqué, les parties
concernées doivent donc pouvoir contester cette qualification. Cela est d’autant plus important qu’une telle contestation est susceptible d’avoir une incidence sur l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation lors de la détermination des amendes.

240. De même, comme l’a expliqué, en substance, l’avocat général Pitruzzella, il n’est pas possible de déterminer de façon abstraite si le fait de qualifier plusieurs comportements d’infractions séparées serait plus favorable pour les entreprises concernées que de retenir la qualification d’infraction unique, puisque cela dépend des circonstances de chaque cas concret. Partant, la Commission ne peut pas, de manière discrétionnaire et pour des raisons d’opportunité, choisir librement de qualifier des
comportements d’infractions distinctes plutôt que d’infraction unique ou vice-versa. La Commission doit au contraire démontrer, sous le contrôle du juge de l’Union, que les critères établis pour qualifier un comportement de l’une ou l’autre manière sont remplis ( 101 ).

241. Cela étant précisé, force est néanmoins de constater que, en l’espèce, les éléments avancés par Servier ne démontrent pas que le Tribunal a commis une erreur lorsqu’il a entériné le constat de la Commission selon lequel les accords Niche et Matrix ne constituaient pas une infraction unique, mais bien deux infractions distinctes à l’article 101 TFUE.

242. Selon Servier, ces accords, qui ont été signés le même jour par le même représentant pour Niche et Matrix et qui visaient à empêcher l’entrée sur le marché du produit développé conjointement par ces dernières poursuivaient un objectif identique, étaient complémentaires et généraient une coordination entre le comportement de Niche et Matrix face à Servier.

243. Aux points 1296 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’il était certes indéniable que Servier poursuivait un objectif identique avec les accords Niche et Matrix, à savoir régler de manière définitive le litige en cours et éviter tout contentieux futur portant sur le produit de Niche/Matrix ainsi qu’éliminer ce produit en tant que source de concurrence potentielle moyennant paiement. Toutefois, le Tribunal a constaté que cette circonstance ne permettait pas à elle seule
d’établir qu’il y avait également eu un plan commun entre Niche et Matrix lorsqu’elles ont signé leurs accords respectifs avec Servier. Or, pour pouvoir qualifier plusieurs infractions d’infraction unique, toutes ces infractions doivent poursuivre le même objectif global ( 102 ).

244. Après avoir examiné le contenu des accords Niche et Matrix ainsi que les circonstances ayant entouré leur signature, le Tribunal est arrivé au constat que ces éléments ne démontraient pas non plus que Niche et Matrix poursuivaient un plan commun avec ces accords.

245. Les éléments avancés par Servier dans la présente procédure de pourvoi ne sont pas susceptibles de démontrer que ce constat serait entaché d’erreurs.

246. Servier fait valoir que, lors de son analyse du point de savoir s’il existait un plan commun entre Niche et Matrix, le Tribunal aurait accordé trop de poids à l’intention subjective de ces sociétés, alors que la qualification d’infraction unique ne pourrait reposer que sur des critères objectifs.

247. Servier se réfère à cet égard au point 246 de l’arrêt dans l’affaire Siemens/Commission ( 103 ), dans lequel le Tribunal a constaté que la qualification d’un ensemble d’accords d’infraction unique ne pouvait dépendre de l’existence d’une intention subjective des parties de participer à une telle infraction unique, mais devait se fonder sur des facteurs objectifs, parmi lesquels l’objectif commun desdits accords. Or, contrairement à ce que soutient Servier, l’examen de l’existence d’un tel
objectif commun comporte bien une dimension subjective relative à l’intention et à la motivation des parties, qui concerne la question de savoir si ces parties entendaient contribuer par la conclusion des accords en cause à la réalisation d’un objectif économique commun.

248. En d’autres termes, pour constater une infraction unique, il ne doit certes pas être établi que les différentes parties participant à cette infraction avaient l’intention de participer à un comportement anticoncurrentiel commun. Toutefois, il découle de la jurisprudence citée au point 238 ci-dessus qu’il doit être établi que ces parties avaient l’intention de contribuer, par cette participation, à un objectif commun et la réalisation d’un but économique unique. La preuve d’une telle intention
peut se fonder, à son tour, sur tout élément susceptible de démontrer que les comportements concernés, en l’occurrence les accords Niche et Matrix, avaient pour raison d’être la volonté de mettre en œuvre un tel objectif commun et un tel but économique unique.

249. Ainsi, par exemple, dans l’affaire relative aux salles de bains invoqué par Servier, le Tribunal a en effet constaté l’existence d’une infraction unique malgré l’implication de différents sous-groupes de produits complémentaires pour la fabrication d’une salle de bains. Le Tribunal a précisément pu arriver à ce constat dans ladite affaire puisque les pratiques en cause poursuivaient le plan d’ensemble et l’objectif unique de coordonner, dans le cadre du même système de distribution, les hausses
de prix que les parties à l’entente facturaient aux grossistes qui étaient leurs clients communs ( 104 ).

250. Or, en l’espèce, le Tribunal a précisément constaté, en se fondant sur des éléments non remis en cause par Servier, que le contenu des accords Niche et Matrix ainsi que les circonstances ayant entouré leur conclusion ne démontraient pas que, par ces accords, Niche et Matrix entendaient mettre en œuvre un tel objectif commun et un tel but économique unique. Servier n’indique d’ailleurs pas non plus quels auraient pu être un tel objectif et un tel but. Comme le Tribunal l’a constaté, il ne fait
certes pas de doute que, avant la conclusion de leurs accords respectifs avec Servier, Niche et Matrix poursuivaient l’objectif commun de mettre sur le marché le périndopril générique fabriqué par Matrix et commercialisé par Niche.

251. Toutefois, il n’apparaît pas possible de déterminer un éventuel objectif commun que ces sociétés auraient, ensuite, pu poursuivre par la signature de leurs accords respectifs avec Servier. Ainsi que le Tribunal l’a indiqué, différents éléments non contestés du dossier démontrent que Matrix, qui n’a été informée des négociations en cours entre Servier et Niche que deux jours avant la signature de son propre accord avec Servier, plutôt que de poursuivre un quelconque plan commun avec Niche, a
saisi l’opportunité offerte par Servier. Cela est confirmé par le fait que la participation de Matrix aux négociations avec Servier a principalement porté sur le montant du transfert de valeur.

252. D’ailleurs, il n’est pas non plus possible de comprendre les raisons pour lesquelles l’abandon de leur projet commun de développement et de commercialisation d’un périndopril générique aurait pu à son tour constituer un nouveau « projet commun » pour Niche et Matrix, puisqu’un tel abandon ne peut pas être un projet ou un objectif en soi. Il apparaît ainsi plutôt que Niche et Matrix ont chacune à leur tour saisi l’opportunité offerte par Servier d’obtenir un transfert de valeur assez
significatif pour être commercialement plus avantageux que la poursuite de leur propre projet d’entrer sur le marché ( 105 ).

253. Partant, l’argument de Servier selon lequel les accords Niche et Matrix auraient partagé le but commun de régler le litige avec Servier et d’éviter un contentieux futur avec cette dernière concernant leur produit ne permet pas davantage de conclure que ces accords constituaient une infraction unique à l’article 101 TFUE. Ainsi, même si chacun de ces accords poursuivait effectivement ce but de manière séparée, on ne voit pas quel aurait été leur objectif commun à cet égard. Comme il vient d’être
démontré, le seul fait que le litige avec Servier portait sur le produit développé de manière conjointe par Niche et Matrix ne permet pas d’établir un tel objectif commun.

254. Il résulte de ce qui précède que le sixième moyen doit être rejeté.

B. Sur les amendes

255. En ce qui concerne les amendes infligées à Servier pour la conclusion des accords litigieux, il convient d’examiner, d’une part, les erreurs de droit invoquées par Servier dans le cadre de son septième moyen (1). D’autre part, il importe de déterminer les conséquences de l’accueil de la troisième branche du cinquième moyen relative aux dates de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin pour le recalcul de l’amende infligée à Servier à ce titre (2).

1.   Sur les erreurs de droit relatives aux amendes invoquées par Servier (septième moyen)

256. Dans le cadre de son septième moyen, Servier fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs, d’une part, parce qu’il n’a pas annulé l’amende fixée par la Commission au regard du principe de la légalité des délits et des peines. D’autre part, le Tribunal aurait insuffisamment pris en compte le principe de proportionnalité et omis de censurer l’appréciation par la Commission de la gravité des infractions.

257. Avant de traiter cette argumentation, il importe de rappeler que l’exercice par le Tribunal de la compétence de pleine juridiction que lui confère l’article 261 TFUE n’est contrôlé par la Cour qu’en matière d’erreurs manifestes ( 106 ). Ces erreurs peuvent être retenues, en premier lieu, dans la mesure où le Tribunal a méconnu la portée de ses pouvoirs dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction ( 107 ), en deuxième lieu, lorsqu’il n’a pas pris suffisamment en considération l’ensemble
des éléments pertinents ( 108 ) et, en troisième lieu, lorsqu’il a appliqué des critères juridiques erronés ( 109 ), en particulier au regard des principes d’égalité de traitement ( 110 ) et de proportionnalité ( 111 ).

258. Il s’ensuit qu’il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises. Ainsi, ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné,
qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal ( 112 ).

a)   Sur le principe de légalité des délits et des peines

259. Selon Servier, le Tribunal a commis une erreur en n’accueillant pas son argumentation selon laquelle le fait d’imposer des sanctions pour les accords litigieux violait le principe de légalité des délits et des peines. Les questions posées par ces accords auraient été tellement nouvelles et complexes que le caractère infractionnel desdits accords aurait été imprévisible. Le Tribunal aurait reconnu cette imprévisibilité au point 1666 de l’arrêt attaqué tout en en tirant aucune conséquence, ce qui
entacherait l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation.

260. Cette argumentation ne saurait prospérer.

261. Certes, il ressort de la jurisprudence que, si le principe de légalité des délits et des peines, désormais consacré à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale, ce principe s’oppose néanmoins à l’application rétroactive d’une interprétation jurisprudentielle d’une norme établissant une infraction dont le résultat n’était pas raisonnablement prévisible au
moment où l’infraction a été commise, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause ( 113 ).

262. Toutefois, force est de constater que le Tribunal n’a commis aucune erreur en appliquant le critère de prévisibilité ainsi établi aux circonstances de la présente espèce et en constatant que, en l’occurrence, le principe de légalité des délits et des peines ne s’opposait pas à la sanction des accords litigieux sur la base de l’article 101 TFUE.

263. Ainsi, il ressort des considérations du Tribunal déjà examinées plus haut que celui-ci a constaté à juste titre que les accords litigieux avaient pour objet d’inciter les sociétés de génériques à s’abstenir d’entrer de manière indépendante sur le marché pendant les périodes convenues, au moyen de transferts de valeur de la part de Servier qui n’avaient d’autre contrepartie que ladite abstention.

264. Afin de parvenir à ce constat, le Tribunal a appliqué une méthodologie simple et évidente, consistant à examiner si les transferts de valeur effectués par Servier au profit des sociétés de génériques conformément aux accords de règlement amiable ou aux accords qui leur étaient associés étaient inhérents au règlement des litiges, c’est-à-dire s’ils s’expliquaient par autre chose et avaient une autre contrepartie pour Servier que l’engagement des sociétés de génériques à ne pas livrer
concurrence. Cette méthodologie s’impose de manière logique lors de l’appréciation de transferts de valeur entre entreprises qui concluent un accord aux termes duquel l’une d’elles doit s’abstenir d’entrer sur le marché ( 114 ).

265. En appliquant cette méthodologie, le Tribunal est parvenu, sans commettre d’erreur, au constat que les transferts de valeur effectués par Servier au profit des sociétés de génériques n’avaient pas d’autre contrepartie que l’abstention de ces dernières d’entrer sur le marché. Le Tribunal a donc pu conclure à juste titre qu’il avait été convenu dans les accords litigieux que Servier payerait les sociétés de génériques pour qu’elles n’entrent pas sur le marché, de sorte qu’il s’agit d’accords
d’exclusion du marché.

266. Dans ces circonstances, c’est sans commettre d’erreur que le Tribunal a constaté, aux points 1661 à 1666 de l’arrêt attaqué, que, en tant que partie à ces accords, Servier ne pouvait ignorer qu’ils pouvaient tomber sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101 TFUE. En effet, une lecture littérale de cette disposition permet de comprendre parfaitement que des accords entre concurrents visant à exclure certains d’entre eux du marché sont illégaux.

267. La complexité des accords litigieux et de leur contexte, mise en avant par Servier, n’est pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

268. Comme le Tribunal l’a, en substance, reconnu aux points 1661, 1666 et 1667 de l’arrêt attaqué, cette complexité pouvait certes expliquer la longueur de la décision litigieuse, puisque le caractère infractionnel des accords litigieux pouvait ne pas apparaître de manière claire à un observateur extérieur. Cela n’affecte pourtant pas le fait que la Commission a appliqué, lors de l’analyse de ces accords aux fins de la mise en œuvre du droit de la concurrence, des principes simples et bien établis.
D’après ces principes, des accords doivent être qualifiés de restrictions de la concurrence par objet lorsqu’il ressort de leur examen – aussi complexe soit-il – que les transferts de valeur opérés par un opérateur économique au profit d’un autre opérateur économique s’expliquent uniquement par l’intérêt commercial de ces opérateurs à ne pas se livrer une concurrence par les mérites ( 115 ).

269. Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a constaté que Servier ne pouvait ignorer que, si la seule contrepartie des transferts de valeur effectuées par elle en faveur des sociétés de génériques consistait en l’abstention de ces dernières d’entrer sur le marché, des accords prévoyant de tels transferts étaient restrictifs de la concurrence, qu’ils aient eu un arrière-plan complexe en termes de droit des brevets ou non.

270. Par conséquent, le grief tiré de la violation du principe de légalité des délits et des peines doit être rejeté.

b)   Sur le principe de proportionnalité et l’appréciation de la gravité des infractions

271. Servier fait encore valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs en ce que le Tribunal a écarté ses moyens concernant la proportionnalité des amendes et l’appréciation de la gravité des infractions en cause.

272. Selon Servier, le Tribunal aurait dû tenir compte, pour apprécier la proportionnalité des amendes infligées à Servier, de la complexité et de la nouveauté des questions posées par les accords litigieux, de l’absence de caractère secret de ceux-ci ainsi que des droits brevetaires et de la faiblesse des parts de marché de Servier.

273. Ces éléments ne sont pourtant pas de nature à faire apparaître des erreurs qu’aurait commis le Tribunal lors de l’appréciation de la proportionnalité des amendes au vu de la gravité des infractions concernées.

274. Premièrement, le Tribunal a constaté, en substance, aux points 1786 et suivants de l’arrêt attaqué, que, dans la mesure où l’objectif anticoncurrentiel des accords en cause ainsi que le caractère prévisible de celui-ci pour Servier étaient établis, l’arrière-plan de ces accords en termes de brevets tout comme leur caractère secret ou non étaient indifférents aux fins de l’appréciation de leur gravité et n’étaient pas de nature à remettre en cause la proportionnalité des amendes infligées par la
Commission.

275. Ce faisant, le Tribunal a correctement pris en compte tous les éléments pertinents et n’a pas commis d’erreur lors de l’appréciation de ceux-ci. Comme il a déjà été constaté aux points 267 et 268 ci-dessus, Servier ne saurait exciper du contexte brevetaire ou de la prétendue complexité de celui-ci pour contester la nature intrinsèquement anticoncurrentielle des accords litigieux.

276. Dans ce contexte, il est, contrairement à ce que prétend Servier, parfaitement indifférent que le brevet en cause soit fictif ou pas. Il est constant qu’un brevet même non fictif ne confère pas à son titulaire le droit de se prémunir contre des actions visant à contester sa validité au moyen de paiements au profit de concurrents ( 116 ).

277. Deuxièmement, Servier fait valoir que le Tribunal a commis une erreur en refusant de tenir compte de la faiblesse des parts de marché de Servier aux fins du calcul des amendes. Ainsi, le Tribunal aurait constaté, aux points 1602 et 1603 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de son examen du marché de produits pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE, que la Commission aurait commis une erreur lors de la définition de ce marché et que son calcul des parts de marché de Servier était
donc nécessairement erroné. Néanmoins, au point 1954 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait refusé de tenir compte de ce constat aux fins du calcul des amendes, alors qu’il aurait constaté que les parts de marché de Servier étaient bien plus faibles que ce que la Commission avait constaté.

278. Or, indépendamment de la question de savoir si le Tribunal a constaté à bon droit le caractère erroné de la définition du marché de produits retenu par la Commission aux fins de l’application de l’article 102 TFUE, qui n’est pas abordée par le présent pourvoi ( 117 ), force est, en tout état de cause, de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a considéré, au point 1954 de l’arrêt attaqué, que les amendes infligées à Servier n’étaient pas disproportionnées indépendamment de
la taille retenue des parts de marché de Servier.

279. Ce faisant, le Tribunal s’est, notamment, référé à la prise en compte par la Commission du fait que Servier avait commis plusieurs infractions, certes distinctes, mais ayant trait au même produit et, dans une large mesure, aux mêmes zones géographiques et aux mêmes périodes. Comme le Tribunal l’a rappelé au point 1951 de l’arrêt attaqué, dans ce contexte, la Commission a, aux fins d’éviter un résultat potentiellement disproportionné, décidé de limiter, pour chaque infraction, la proportion de
la valeur des ventes de Servier prise en compte pour déterminer le montant de base de l’amende. La Commission a ainsi opéré une correction qui a conduit à une réduction moyenne de 54,5 % de l’ensemble des valeurs des ventes relatives aux différentes infractions à l’article 101 TFUE (considérant 3128 de la décision attaquée).

280. Enfin, troisièmement, l’allégation de Servier selon laquelle les amendes auraient dû être réduites parce que les accords sanctionnés n’auraient prétendument généré aucun retard d’entrée sur le marché doit également être rejetée. En effet, ainsi qu’il a été indiqué aux points 139 à 141, 171 et 211 ci-dessus, du point de vue du droit de la concurrence, ce qui importe n’est pas de savoir si, en l’absence des accords, les sociétés de génériques seraient entrées sur le marché plus tôt en raison
d’évolutions futures en termes brevetaires, inconnues au moment de la conclusion des accords et indépendantes de la volonté des parties. La question décisive est celle de savoir si la possibilité d’une telle entrée a été éliminée à la suite d’une substitution par les parties d’une coopération pratique entre elles aux risques du jeu normal de la concurrence. Invoquer des évolutions en termes de brevets qui ont eu lieu après la conclusion d’un accord de manière indépendante de celui-ci revient à
confondre la nocivité intrinsèque d’un accord d’exclusion du marché contre paiement et sa capacité à produire des effets restrictifs au moment de sa conclusion avec la possibilité qu’un tel accord ne produise pas d’effets significatifs réels sur la concurrence à un moment ultérieur, en raison de circonstances indépendantes de la volonté des parties, par exemple lorsque le brevet est annulé grâce à l’action d’un tiers.

281. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré d’erreurs du Tribunal lors de l’appréciation de la gravité des infractions et de la proportionnalité des amendes doit également être rejeté, tout comme le moyen relatif aux prétendues erreurs du Tribunal lors de l’appréciation des amendes dans son ensemble.

2.   Sur l’amende infligée à Servier au titre de l’accord Lupin (troisième branche du cinquième moyen)

282. Il résulte des observations aux points 229 et 235 des présentes conclusions que la troisième branche du cinquième moyen doit être accueillie et que l’arrêt attaqué et la décision litigieuse doivent être annulés pour autant qu’ils ont retenu que la date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin devait être fixée au 6 mai 2009 pour l’Irlande, la Belgique, la Hongrie et la République tchèque.

283. Dans ses écritures et ses conclusions ( 118 ), Servier demande à la Cour de refixer la date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin dans lesdits pays aux dates d’entrée de Sandoz sur le marché, à savoir, conformément au considérant 410 de la décision litigieuse, juin 2008 pour l’Irlande, juillet 2008 pour la Belgique, décembre 2008 pour la Hongrie et janvier 2009 pour la République tchèque.

284. Toutefois, en raison d’insuffisance de motivation de la décision litigieuse concernant la fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin dans ces pays, il n’est pas possible pour le juge de l’Union de vérifier si c’est à bon droit que la Commission y a déterminé les dates de fin de l’infraction comme elle l’a fait. De même, il n’est pas possible de déterminer le bien-fondé d’éventuelles autres dates de fin de ladite infraction.

285. Partant, la Cour ne saurait déterminer les dates de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin pour les quatre pays concernés et refixer l’amende en conséquence, comme demandé par Servier. Dans ces conditions, l’amende infligée à Servier par la décision litigieuse doit être partiellement annulée en ce qu’elle a été infligée pour la commission de ladite infraction dans lesdits pays.

286. À cette fin, il importe de rappeler que, en l’espèce, il ressort du considérant 3063 de la décision litigieuse que la Commission a appliqué la méthodologie établie par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 ( 119 ) ( 120 ).

287. De plus, il ressort des considérants 3119 et suivants de la décision litigieuse que la Commission a infligé à Servier une amende au titre de chacun des cinq accords litigieux, qui ont été appréhendées comme cinq infractions distinctes à l’article 101 TFUE, et une amende au titre de l’infraction à l’article 102 TFUE. Pour ce qui est des cinq amendes infligées au titre des accords litigieux, la Commission a d’abord, conformément à la méthodologie des lignes directrices pour le calcul des amendes,
déterminé un montant de base, correspondant à la somme d’un montant variable et (le cas échéant) d’un montant additionnel. Le montant variable correspond à une part ajustée de la valeur des ventes des biens concernés par les infractions respectives, multipliée par la durée de celles-ci. Dans la mesure où, en l’espèce, la Commission n’a pas retenu de circonstances aggravantes ni atténuantes, ni d’autres facteurs modificateurs, les montants finaux des amendes correspondent aux montants de base.

288. Enfin, il ressort des considérants 3124 et suivants et de l’article 7 de la décision litigieuse, ainsi que d’un tableau produit par la Commission devant le Tribunal, que la Commission a effectué ce calcul pour chaque État membre concerné par chacun des accords respectifs et a ensuite additionné les montants ainsi obtenus pour fixer les montants des amendes infligées au titre de chacun des accords ( 121 ). Le montant de l’amende infligée à Servier au titre de l’infraction constituée par l’accord
Lupin pour l’ensemble des pays concernés par ladite infraction s’élève à 37102100 euros [article 7, paragraphe 5, sous b), de la décision litigieuse].

289. Afin de tenir compte de l’annulation partielle de la décision litigieuse conformément aux considérations qui précèdent, il convient donc d’annuler l’amende imposée à Servier pour autant qu’elle a été infligée pour l’infraction constituée par l’accord Lupin en Irlande, en Belgique, en Hongrie et en République tchèque, ce qui correspond à un montant de [confidentiel] euros.

290. Le tableau ci-après montre comment ce montant est obtenu.

  Valeur des ventes ajustée Montant variable Durée Montant final
IE [confidentiel] 11 % 2,25 [confidentiel]
BE [confidentiel] 11 % 2,25 [confidentiel]
HU [confidentiel] 11 % 2,25 [confidentiel]
CS [confidentiel] 11 % 2,25 [confidentiel]
Somme IE + BE + HU + CS       [confidentiel]
Somme tous les pays concernés par l’accord Lupin       37 102 100

291. Par la suite, il appartiendra à la Commission, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation. Lorsque, comme en l’espèce, l’annulation de la décision litigieuse repose sur un vice procédural, tel que l’insuffisance de motivation, et que le juge de l’Union ne statue pas lui-même sur la matérialité de l’infraction et sur la sanction, l’institution dont émane l’acte annulé peut reprendre la procédure au stade de l’illégalité constatée et
exercer à nouveau son pouvoir de sanction ( 122 ).

3.   Conclusion concernant les amendes

292. Il découle de ces considérations que l’amende imposée à Servier au titre de l’accord Lupin doit être annulée et que l’argumentation de Servier relative aux amendes doit être rejetée pour le surplus, en sorte que le restant des amendes tels que déterminé par la Commission et le Tribunal demeure inchangé.

C. Conclusion intermédiaire

293. Conformément aux constats effectués aux points 229, 235 et 289 des présentes conclusions, à la suite de l’accueil de la troisième branche du cinquième moyen, il convient, d’abord, d’annuler le point 5 du dispositif de l’arrêt attaqué pour autant qu’il rejette la demande de Servier d’annuler la décision litigieuse en ce qu’elle retient comme date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin pour l’Irlande, la Belgique, la Hongrie et la République tchèque le 6 mai 2009 et fixe l’amende
infligée à Servier pour ladite infraction en conséquence.

294. Ensuite, l’article 5, sous b), et l’article 7, paragraphe 5, sous b), de la décision litigieuse doivent être annulés pour autant qu’ils fixent la date de fin de l’infraction commise par Servier avec l’accord Lupin pour l’Irlande, la Belgique, la Hongrie et la République tchèque au 6 mai 2009 et prennent en compte cette date pour le calcul de l’amende infligée à Servier au titre de cette infraction ( 123 ).

295. Enfin, puisque aucun parmi les autres moyens invoqués par Servier ne saurait prospérer, le pourvoi doit être rejeté pour le surplus.

V. Les dépens

296. Conformément à l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

297. Tout d’abord, en vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

298. En l’espèce, Servier a obtenu gain de cause en ce qui concerne la troisième branche de son cinquième moyen, relative à la date de fin de l’infraction constituée par l’accord Lupin en Irlande, en Belgique, en Hongrie et en République tchèque, et la Cour peut statuer définitivement et annuler la décision litigieuse sur ce point. Toutefois, Servier a succombé en ce qui concerne le restant de son argumentation avancée dans ses sept moyens au total.

299. En ce qui concerne les dépens afférents à la procédure de première instance, il importe de préciser que ceux-ci ne sont concernés par la présente procédure de pourvoi que pour autant qu’ils sont relatifs aux moyens de première instance en cause dans ladite procédure de pourvoi.

300. Au vu de ces circonstances, il apparaît justifié que Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS supportent, solidairement, leurs propres dépens et quatre cinquièmes des dépens de la Commission afférents à la procédure de pourvoi ainsi qu’à la procédure de première instance, pour autant que ces dépens sont relatifs aux moyens concernés par la présente procédure de pourvoi. En revanche, la Commission supportera un cinquième de ses propres dépens afférents à la procédure
de pourvoi ainsi qu’à la procédure de première instance, pour autant que ces dépens sont relatifs aux moyens concernés par la présente procédure de pourvoi.

301. Ensuite, conformément à l’article 184, paragraphe 4, de son règlement de procédure, la Cour peut décider qu’une partie intervenante en première instance qui a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour supportera ses propres dépens. L’EFPIA ayant participé à la phase écrite de la présente procédure de pourvoi, il y a donc lieu de condamner celle-ci à supporter ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

302. Enfin, il résulte des dispositions combinées de l’article 140, paragraphe 1, et de l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure, que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Partant, il convient de décider que le Royaume-Uni supportera ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

VI. Conclusion

303. Sur la base des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit :

1) Le point 5 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922) est annulé pour autant qu’il rejette la demande d’annulation de la décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)], en ce que cette décision retient comme date de fin de l’infraction visée à son article 5, sous b), pour
l’Irlande, la Belgique, la Hongrie et la République tchèque le 6 mai 2009, et fixe l’amende infligée par son article 7, paragraphe 5, sous b), à Servier SAS et aux Laboratoires Servier SAS en conséquence.

2) Le point 6 du dispositif de l’arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922) est annulé pour autant qu’il concerne les dépens exposés par Servier SAS, Servier Laboratories Ltd, Les Laboratoires Servier SAS et la Commission européenne en première instance relatifs aux moyens de première instance concernés par la présente procédure de pourvoi.

3) L’article 5, sous b), et l’article 7, paragraphe 5, sous b), de la décision C(2014) 4955 final sont annulés pour autant qu’ils retiennent comme date de fin de l’infraction visée audit article 5, sous b), pour l’Irlande, la Belgique, la Hongrie et la République tchèque le 6 mai 2009, et fixent l’amende infligée par ledit article 7, paragraphe 5, sous b), à Servier SAS et aux Laboratoires Servier SAS en conséquence.

4) L’amende infligée par la Commission au titre de l’article 7, paragraphe 5, sous b), de la décision C(2014) 4955 final à Servier SAS et aux Laboratoires Servier SAS est annulée pour autant qu’elle a été infligée pour la commission de l’infraction visée à l’article 5, sous b), de ladite décision en Irlande, en Belgique, en Hongrie et en République tchèque.

5) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

6) Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS supportent, solidairement, leurs propres dépens et quatre cinquièmes des dépens de la Commission afférents à la procédure de première instance, pour autant que ces dépens sont relatifs aux moyens de première instance concernés par la présente procédure de pourvoi.

7) Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS supportent, solidairement, leurs propres dépens et quatre cinquièmes des dépens de la Commission afférents à la procédure de pourvoi.

8) La Commission supporte un cinquième de ses propres dépens afférents à la procédure de première instance, pour autant que ces dépens sont relatifs aux moyens de première instance concernés par la présente procédure de pourvoi.

9) La Commission supporte un cinquième de ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

10) La European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent chacun leurs propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Arrêt du 30 janvier 2020 (C‑307/18, ci-après l’« arrêt Generics (UK) e.a. , EU:C:2020:52).

( 3 ) Arrêts du 25 mars 2021 (C‑591/16 P, ci-après l’« arrêt Lundbeck/Commission , EU:C:2021:243) ; Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission (C‑586/16 P, non publié, EU:C:2021:241) ; Generics (UK)/Commission (C‑588/16 P, non publié, EU:C:2021:242) ; Arrow Group et Arrow Generics/Commission (C‑601/16 P, non publié, EU:C:2021:244) ; Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (C‑611/16 P, EU:C:2021:245), et Merck/Commission (C‑614/16 P, non publié, EU:C:2021:246).

( 4 ) Arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, ci-après  l’arrêt attaqué , EU:T:2018:922) (mis en cause par le présent pourvoi ainsi que par le pourvoi dans l’affaire C‑176/19 P, Commission/Servier e.a.) ; Biogaran/Commission (T‑677/14, EU:T:2018:910) (pourvoi C‑207/19 P, Biogaran/Commission) ; Teva UK e.a./Commission (T‑679/14, non publié, EU:T:2018:919) (pourvoi C‑198/19 P, Teva UK e.a./Commission) ; Lupin/Commission (T‑680/14, non publié,
EU:T:2018:908) (pourvoi C‑144/19 P, Lupin/Commission) ; Mylan Laboratories et Mylan/Commission (T‑682/14, non publié, EU:T:2018:907) (pourvoi C‑197/19 P, Mylan Laboratories et Mylan/Commission) ; Krka/Commission (T‑684/14, non publié, EU:T:2018:918) (pourvoi C‑151/19 P, Commission/Krka) ; Niche Generics/Commission (T‑701/14, non publié, EU:T:2018:921) (pourvoi C‑164/19 P, Niche Generics/Commission), et Unichem Laboratories/Commission (T‑705/14, non publié, EU:T:2018:915) (pourvoi C‑166/19 P, Unichem
Laboratories/Commission).

( 5 ) Décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)] (ci-après la « décision litigieuse »).

( 6 ) Point 1 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 11 et suiv. de la décision litigieuse.

( 7 ) Considérant 14 de la décision litigieuse.

( 8 ) Point 8 de l’arrêt du 12 décembre 2018, Niche Generics/Commission (T‑701/14, non publié, EU:T:2018:921), et point 8 de l’arrêt du 12 décembre 2018, Unichem Laboratories/Commission (T‑705/14, non publié, EU:T:2018:915), ainsi que considérants 31 et suiv. de la décision litigieuse.

( 9 ) Points 8 et 9 de l’arrêt du 12 décembre 2018, Mylan Laboratories et Mylan/Commission (T‑682/14, non publié, EU:T:2018:907), ainsi que considérants 27 et suiv. de la décision litigieuse.

( 10 ) Points 8 et 9 de l’arrêt du 12 décembre 2018, Teva UK e.a./Commission (T‑679/14, non publié, EU:T:2018:919), ainsi que considérants 37 et suiv. de la décision litigieuse.

( 11 ) Point 8 de l’arrêt du 12 décembre 2018, Lupin/Commission (T‑680/14, non publié, EU:T:2018:908), et considérants 23 et suiv. de la décision litigieuse.

( 12 ) Points 2 et 3 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 1 et suiv., 86 et suiv. et 2143 et suiv. de la décision litigieuse.

( 13 ) Ainsi que le permettait le règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1).

( 14 ) Point 4 de l’arrêt attaqué et considérants 92 et suiv. de la décision litigieuse.

( 15 ) Considérant 98 de la décision litigieuse.

( 16 ) Points 5 à 8 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 94, 118 et suiv. et 124 et suiv. de la décision litigieuse.

( 17 ) Point 8 de l’arrêt attaqué et considérant 120 de la décision litigieuse.

( 18 ) Points 9 et 10 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 8, 88 et 218 et suiv. de la décision litigieuse.

( 19 ) Considérant 100 de la décision litigieuse.

( 20 ) Points 11 à 27 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 129, 151 et suiv., 157 et suiv., et tableaux aux considérants 156 et 201 de la décision litigieuse.

( 21 ) Points 11 et 12 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 158 et suiv. de la décision litigieuse.

( 22 ) Point 12 de l’arrêt attaqué et considérants 162 à 170 et 962 de la décision litigieuse.

( 23 ) Points 16 à 21 et 24 à 27 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 171 à 202 de la décision litigieuse.

( 24 ) Points 25 et 26 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 175 et suiv. de la décision litigieuse.

( 25 ) Point 27 de l’arrêt attaqué et considérants 193 et suiv. de la décision litigieuse.

( 26 ) Considérant 410 de la décision litigieuse.

( 27 ) Considérants 423 et suiv. de la décision litigieuse.

( 28 ) Voir point 22 des présentes conclusions.

( 29 ) Points 16 et suiv. de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 483 et suiv. de la décision litigieuse.

( 30 ) Pour une description détaillée, il est renvoyé aux points 29 et suiv. de l’arrêt attaquée, ainsi qu’aux considérants 422 et 546 et suiv. de la décision litigieuse.

( 31 ) Voir point 22 des présentes conclusions.

( 32 ) Points 20 et 21 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérant 677 de la décision litigieuse. Voir, sur le litige avec Pharmachemie, déjà point 27 des présentes conclusions.

( 33 ) Voir points 23 et 26 des présentes conclusions.

( 34 ) Points 37 et suiv. de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 652 et 741 et suiv. de la décision litigieuse.

( 35 ) Point 42 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 749 et 770 et suiv. de la décision litigieuse.

( 36 ) Voir point 26 des présentes conclusions, ainsi que considérants 776 et suiv. de la décision litigieuse.

( 37 ) Voir point 22 des présentes conclusions.

( 38 ) Point 24 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 1013 et suiv. de la décision attaquée.

( 39 ) Points 52 et suiv. de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 975 et 1037 et suiv. de la décision litigieuse.

( 40 ) Voir note en bas de page 5 des présentes conclusions.

( 41 ) Voir note en bas de page 4 des présentes conclusions.

( 42 ) Arrêts du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission ; Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission (C‑586/16 P, non publié, EU:C:2021:241) ; Generics (UK)/Commission (C‑588/16 P, non publié, EU:C:2021:242) ; Arrow Group et Arrow Generics/Commission (C‑601/16 P, non publié, EU:C:2021:244) ; Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (C‑611/16 P, EU:C:2021:245), et Merck/Commission (C‑614/16 P, non publié, EU:C:2021:246).

( 43 ) Arrêts du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, points 31, 32 et 34) ; Generics (UK) e.a. (point 45), et Lundbeck/Commission (point 57) ; voir, également, arrêts du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368, point 181), et Telefónica/Commission (T‑216/13, EU:T:2016:369, point 221).

( 44 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (points 36, 37 et 39) et Lundbeck/Commission (point 55).

( 45 ) Voir arrêt Generics (UK) e.a. (point 50) et nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 83).

( 46 ) Voir arrêt Generics (UK) e.a. (points 48, 49, 51 et 52) et nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 67 à 85).

( 47 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (point 46) et Lundbeck/Commission (point 58).

( 48 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (points 42 à 44, 46, 50 et 55 à 57) et Lundbeck/Commission (points 57, 74 à 76 et 88) ; voir, également, nos conclusions dans les affaires Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 83 et 86 à 88), et Lundbeck/Commission (C‑591/16 P, EU:C:2020:428, points 59, 78 et 79).

( 49 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (points 55 à 57) ; Lundbeck/Commission (points 57 et 78), et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, points 33 et 34).

( 50 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (points 43 et 44) et Lundbeck/Commission (point 57).

( 51 ) Arrêt Lundbeck/Commission (points 74 et 75).

( 52 ) Arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 25), et du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 114).

( 53 ) Arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 58), et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission (C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 71).

( 54 ) Voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission (29/83 et 30/83, EU:C:1984:130, point 20), et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 127).

( 55 ) Voir, en ce sens, arrêts du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer (C‑2/01 P et C‑3/01 P, EU:C:2004:2, point 63) ; du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce (C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, points 135 à 140), et du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group/Commission (C‑595/18 P, EU:C:2021:73, point 92). Voir, également, arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission (T‑655/11, EU:T:2015:383, point 181 et jurisprudence citée).

( 56 ) Arrêts du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a. (C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 83) ; du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission (C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 80), et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission (C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 52).

( 57 ) Arrêt Lundbeck/Commission (points 78 et 79).

( 58 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (point 38) et Lundbeck/Commission (points 63, 83 et 84).

( 59 ) Voir points 75 et 79 à 81 des présentes conclusions.

( 60 ) Arrêt Generics (UK) e.a. (point 44).

( 61 ) Arrêt Generics (UK) e.a. (point 53).

( 62 ) Voir point 37 des présentes conclusions.

( 63 ) Voir, en ce sens, arrêt Lundbeck/Commission (points 67 et suiv.).

( 64 ) Voir point 82 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

( 65 ) C‑67/13 P, EU:C:2014:1958, point 56.

( 66 ) Arrêt Lundbeck/Commission (points 129 et suiv.).

( 67 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Lundbeck/Commission (C‑591/16 P, EU:C:2020:428, points 156 et 157, et jurisprudence citée).

( 68 ) Arrêt Generics (UK) e.a. (point 111).

( 69 ) Arrêt Lundbeck/Commission (points 114, 115 et 137).

( 70 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (point 94) et Lundbeck/Commission (point 115).

( 71 ) Voir points 41 et 42 des présentes conclusions.

( 72 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (points 90 à 92) et Lundbeck/Commission (points 115 et 134).

( 73 ) C‑307/18, EU:C:2020:28, points 126 et suiv.

( 74 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 124 à 128 et 176).

( 75 ) Voir, sur les frais dont le remboursement peut être justifié, arrêt Generics (UK) e.a. (points 84 à 92).

( 76 ) Voir arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 380 et jurisprudence citée).

( 77 ) Arrêt Generics (UK) e.a. (points 107 à 110) ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 168 à 172).

( 78 ) Voir point 655 de l’arrêt attaqué et considérant 1614 de la décision litigieuse.

( 79 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 169).

( 80 ) Voir, en ce sens, arrêt Generics (UK) e.a. (points 119 et 120).

( 81 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 124 à 128 et 176).

( 82 ) Considérant 1561 de la décision litigieuse.

( 83 ) Voir points 40 à 42 des présentes conclusions.

( 84 ) Voir sur ce point, déjà, points 133 et 134 des présentes conclusions.

( 85 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (points 90 à 92) et Lundbeck/Commission (points 115 et 134).

( 86 ) Voir points 97 et 98 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

( 87 ) L’interprétation de ces clauses relève de l’appréciation des faits qui incombe au Tribunal : voir arrêt du 29 octobre 2015, Commission/ANKO (C‑78/14 P, EU:C:2015:732, point 23).

( 88 ) Arrêts Generics (UK) e.a. (point 97) et Lundbeck/Commission (point 121).

( 89 ) Voir point 40 des présentes conclusions. Au considérant 2127 de la décision litigieuse, la Commission a toutefois considéré que l’infraction avait commencé plus tardivement à Malte et en Italie.

( 90 ) La Commission a également considéré que l’infraction avait cessé plus tôt au Royaume-Uni, le 6 juillet 2007, date de l’annulation du brevet 947 au Royaume-Uni (point 26 des présentes conclusions), ainsi qu’aux Pays-Bas, le 12 décembre 2007, date de l’entrée à risque sur le marché par Apotex (point 27 des présentes conclusions, qui se réfère aux considérants 193 et suiv. de la décision litigieuse, indiquant que cette entrée aurait eu lieu le 13 décembre 2007).

( 91 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 92 ) Sandoz est également entrée sur le marché aux Pays-Bas et au Royaume Uni en mai 2008 ; toutefois, ici, l’infraction a, en tout état de cause, été considérée comme étant terminée à cette date (voir note en bas de page 90 des présentes conclusions).

( 93 ) Résumés au point 54 de l’arrêt attaqué et reproduits au considérant 1038 de la décision litigieuse.

( 94 ) Cet échange a déjà été mentionné au point 209 des présentes conclusions.

( 95 ) Arrêt du 6 octobre 2021, Sigma Alimentos Exterior/Commission (C‑50/19 P, EU:C:2021:792, point 63).

( 96 ) Cela est vrai sans préjudice du bien-fondé de l’interprétation du contenu de l’échange lui-même par le Tribunal (voir point 209 des présentes conclusions).

( 97 ) Voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63), et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 130).

( 98 ) Voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 81 à 83) ; du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 258), du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission (C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 248).

( 99 ) Arrêt du 16 juin 2022, Toshiba Samsung Storage Technology et Toshiba Samsung Storage Technology Korea/Commission (C‑700/19 P, EU:C:2022:484, point 107 et jurisprudence citée).

( 100 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2022, Sony Corporation et Sony Electronics/Commission (C‑697/19 P, EU:C:2022:478, point 67).

( 101 ) Conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans les affaires Sony Corporation et Sony Electronics/Commission, Sony Optiarc et Sony Optiarc America/Commission, Quanta Storage/Commission et Toshiba Samsung Storage Technology et Toshiba Samsung Storage Technology Korea/Commission (C‑697/19 P à C‑700/19 P, EU:C:2021:452, points 100 et suiv.) ; voir, aussi, arrêt du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission (T‑378/10, EU:T:2013:469, point 57) ; voir, également, en ce sens, arrêts du 27 février
2014, InnoLux/Commission (T‑91/11, EU:T:2014:92, point 138), et LG Display et LG Display Taiwan/Commission (T‑128/11, EU:T:2014:88, point 224).

( 102 ) Voir jurisprudence citée au point 238 des présentes conclusions.

( 103 ) Arrêt du 3 mars 2011 (T‑110/07, EU:T:2011:68).

( 104 ) Arrêt du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission (T‑378/10, EU:T:2013:469, points 59 et suiv.).

( 105 ) Voir points 144 à 162 des présentes conclusions.

( 106 ) Arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 365).

( 107 ) Voir, à cet égard, nos conclusions dans les affaires Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission (C‑105/04 P, EU:C:2005:751, point 137), ainsi que Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:248, point 190) ; voir, dans le même sens, arrêts du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, points 155 et 156), ainsi que du 24 octobre 2013, Kone e.a./Commission (C‑510/11 P, non publié, EU:C:2013:696,
points 40 et 42).

( 108 ) Arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 128) ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 244 et 303), ainsi que du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission (C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 125).

( 109 ) Arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 128) ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 244 et 303), ainsi que du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission (C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 125).

( 110 ) Arrêts du 16 novembre 2000, Weig/Commission (C‑280/98 P, EU:C:2000:627, points 63 et 68), ainsi que Sarrió/Commission (C‑291/98 P, EU:C:2000:631, points 97 et 99).

( 111 ) Arrêts du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission (C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 126), ainsi que du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 165).

( 112 ) Arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 129) ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 245) ; du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission (C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 57), ainsi que du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission (C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 86).

( 113 ) Arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 217 et 218), et du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 41).

( 114 ) Voir, à cet égard, points 129 à 134 et 195 des présentes conclusions.

( 115 ) Voir, à cet égard, arrêts Generics (UK) e.a. (points 87 et 88) et Lundbeck/Commission (points 114 et 167).

( 116 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 113 et 114, et jurisprudence citée).

( 117 ) Voir, sur ce point, nos conclusions prononcées ce jour dans l’affaire parallèle C‑176/19 P, Commission/Servier e.a.

( 118 ) Voir point 53 des présentes conclusions.

( 119 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

( 120 ) JO 2006, C 210, p. 2.

( 121 ) Voir annexe G.1, produite par la Commission en réponse à la question du Tribunal du 28 juin 2016. Voir, aussi, tableau produit par Servier en annexe P.03 à sa requête en pourvoi, basé sur le mode de calcul employé par la Commission dans ladite annexe G.1. Avec ce mode de calcul, le montant final de l’amende imposée au titre de l’accord Lupin pour chaque État membre est obtenu de la manière suivante : [(Valeur des ventes ajustée x Montant variable) x Durée] + [Valeur des ventes x Montant
additionnel] (le montant additionnel étant fixé à 0 dans le cadre de l’accord Lupin ; voir considérant 3139 de la décision litigieuse). Les montants ainsi obtenus pour chaque État membre sont ensuite additionnés pour chacun des accords.

( 122 ) Arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 60 à 62 et 693 à 695), et du 24 septembre 2019, Printeos e.a./Commission (T‑466/17, EU:T:2019:671, points 56 à 58).

( 123 ) Cela est sans préjudice des conséquences de la présente annulation sur le constat de l’infraction constituée par l’accord Lupin à l’égard de Lupin (arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, points 49 et suiv.).


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-201/19
Date de la décision : 14/07/2022
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Concurrence – Produits pharmaceutiques – Marché du périndopril – Article 101 TFUE – Ententes – Concurrence potentielle – Restriction de la concurrence par objet – Stratégie visant à retarder l’entrée sur le marché de versions génériques du périndopril – Accord de règlement amiable de litige en matière de brevets – Durée de l’infraction – Notion d’infraction unique – Annulation ou réduction de l’amende.

Concurrence

Position dominante

Ententes


Parties
Demandeurs : Servier SAS e.a.
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:577

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