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02/06/2022 | CJUE | N°C-541/21

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Joëlle Mélin contre Parlement européen., 02/06/2022, C-541/21


ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

2 juin 2022 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Droit institutionnel – Mesures d’application du statut des députés au Parlement européen – Article 33, paragraphes 1 et 2 – Indemnité d’assistance parlementaire – Répétition de l’indu – Exception d’illégalité – Principe de sécurité juridique – Principe de protection de la confiance légitime – Appréciation des preuves – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fo

ndé »

Dans l’affaire C‑541/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de just...

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

2 juin 2022 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Droit institutionnel – Mesures d’application du statut des députés au Parlement européen – Article 33, paragraphes 1 et 2 – Indemnité d’assistance parlementaire – Répétition de l’indu – Exception d’illégalité – Principe de sécurité juridique – Principe de protection de la confiance légitime – Appréciation des preuves – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑541/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 30 août 2021,

Joëlle Mélin, demeurant à Aubagne (France), représentée par M^e F. Wagner, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par M^me M. Ecker et M. T. Lazian, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. M. Ilešič et D. Gratsias (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M^me Joëlle Mélin demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 juin 2021, Mélin/Parlement (T‑51/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:398), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du secrétaire général du Parlement européen du 17 décembre 2019 relative au recouvrement d’une somme de 130 339,35 euros (ci–après la « décision litigieuse »), et, d’autre part, de la note de débit
n^o 2019-2081, du 18 décembre 2019, y afférente (ci-après la « note de débit litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        Les articles 33 et 34 de la décision du bureau du Parlement européen des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1), telle que modifiée par la décision du bureau du Parlement européen du 16 juin 2014 (JO 2014, C 200, p. 56) (ci-après les « mesures d’application »), figurent dans le chapitre 5 du titre I des mesures d’application, intitulé « Assistance de collaborateurs personnels ». L’article 33 des mesures
d’application, intitulé « Prise en charge des frais d’assistance parlementaire », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Les députés ont droit à l’assistance de collaborateurs personnels, qu’ils choisissent librement. Le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants ou de l’utilisation de prestation de services conformément aux présentes mesures d’application et dans les conditions fixées par le Bureau.

2.      Seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés. Ces dépenses ne peuvent en aucun cas couvrir des frais liés à la sphère privée des députés. »

3        L’article 34 des mesures d’application, intitulé « Principes généraux », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les députés recourent :

[...]

b)      à des personnes physiques qui les assistent dans leur État membre d’élection et qui ont conclu avec eux un contrat de travail ou de prestation de services conformément au droit national applicable, dans les conditions prévues au présent chapitre [...] »

4        L’article 43 des mesures d’application, intitulé « Frais non remboursables », énonce :

« Les sommes versées en application du présent chapitre ne peuvent servir directement ou indirectement :

a)      à financer des contrats établis avec des groupes politiques du Parlement ou des partis politiques ;

[...] »

5        L’article 62 des mesures d’application, intitulé « Principe de l’utilisation des fonds », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les montants versés en vertu des présentes mesures d’application sur la base des dispositions du titre I, chapitres 4, 5 et 6, sont exclusivement réservés au financement d’activités liées à l’exercice du mandat des députés et ne peuvent couvrir des frais personnels ou financer des subventions ou dons à caractère politique. »

6        L’article 68 des mesures d’application, intitulé « Répétition de l’indu », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Toute somme indûment versée en application des présentes mesures d’application donne lieu à répétition. Le secrétaire général donne des instructions en vue du recouvrement de ces sommes auprès du député concerné.

2.      Toute décision en matière de recouvrement est prise en veillant à l’exercice effectif du mandat du député et au bon fonctionnement du Parlement, le député concerné ayant été entendu préalablement par le secrétaire général. »

 Les antécédents du litige

7        Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 18 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

8        M^me Mélin est députée au Parlement depuis l’année 2014.

9        Le 25 août 2014, la requérante a conclu avec A un contrat de travail ayant pour objet un emploi à temps plein d’assistante locale, pour une durée indéterminée et prenant effet au 1^er septembre 2014. Les parties au contrat de travail l’ont résilié d’un commun accord le 5 mars 2017, avec effet au 3 mars 2017.

10      Le 21 décembre 2017, le secrétaire général du Parlement a informé la requérante de l’ouverture d’une procédure de répétition de l’indu sur le fondement de l’article 68 des mesures d’application et l’a invitée à présenter ses observations dans un délai d’un mois.

11      Le 4 octobre 2018, le secrétaire général du Parlement a adopté une décision (ci-après la « décision du 4 octobre 2018 »), dans les motifs de laquelle il a considéré, en particulier, que les éléments fournis par la requérante ne permettaient pas d’attester de l’exercice effectif et nécessaire, par A, d’une activité d’assistance, directement liée à l’exercice de son mandat, au sens de l’article 33, paragraphes 1 et 2, et de l’article 62, paragraphe 1, des mesures d’application, pendant la
période du 1^er octobre 2014 au 3 mars 2017, à l’exception des périodes comprises entre le 29 février et le 2 mars 2016 et entre les 16 et 18 mars 2016. En conséquence, d’une part, il a décidé qu’un montant de 130 339,35 euros avait été indûment versé en faveur de la requérante, dans le cadre de l’emploi de A en tant qu’assistante locale pour la période susvisée, et devait être recouvré en application de l’article 68, paragraphe 1, des mesures d’application. D’autre part, il a chargé l’ordonnateur
du Parlement de procéder au recouvrement du montant en cause.

12      Le 10 octobre 2018, le directeur général de la direction générale « Finances » du Parlement, en qualité d’ordonnateur du Parlement, a émis la note de débit 2018-1597, ordonnant le recouvrement de la somme de 130 339,35 euros avant le 15 novembre 2018.

13      Le 7 décembre 2018, la requérante a introduit un recours contre la décision du 4 octobre 2018 et la note de débit 2018-1597. Par arrêt du 28 novembre 2019, Mélin/Parlement (T‑726/18, non publié, EU:T:2019:816), le Tribunal a annulé cette décision et cette note de débit pour défaut de motivation, au motif que, lors de la notification de celles-ci, l’annexe de ladite décision n’avait pas été communiquée à la requérante.

14      Le 17 décembre 2019, à la suite de l’annulation de la décision du 4 octobre 2018 et de la note de débit 2018-1597, le secrétaire général du Parlement a adopté la décision litigieuse, fondée sur des motifs analogues à ceux de la décision du 4 octobre 2018 et dont le dispositif est identique à celui de cette décision. La décision litigieuse comporte une annexe intitulée « Analyse du caractère probant des documents communiqués en tant qu’éléments de preuve du travail de l’assistante ». En
conséquence, le 18 décembre 2019, le directeur général de la direction générale « Finances » du Parlement a émis la note de débit litigieuse.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2020, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision et de la note de débit litigieuses.

16      À l’appui de son recours, la requérante a invoqué trois moyens tirés, le premier, d’une exception d’illégalité de l’article 33, paragraphes 1 et 2, et de l’article 68, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application, fondée sur la violation des principes de sécurité juridique et de la protection de la confiance légitime, le deuxième, d’une violation des formes substantielles et des droits de la défense et, le troisième, en substance, d’erreurs de fait.

17      En premier lieu, au point 54 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le premier grief invoqué par la requérante au soutien du premier moyen, tiré de l’absence alléguée de précision et de clarté de l’article 33, paragraphes 1 et 2, et de l’article 68, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application, en se fondant sur le raisonnement exposé aux points 40 à 53 de cet arrêt. À cet égard, le Tribunal, pour l’essentiel, a considéré, d’une part, que ces dispositions ne manquaient ni de précision ni
de clarté et, d’autre part, que l’obligation, pour les députés, de prouver le respect des conditions énoncées à l’article 33 des mesures d’application découlait de la logique de cet article et de l’économie générale desdites mesures.

18      En deuxième lieu, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le deuxième grief invoqué au soutien du premier moyen, relatif à l’absence d’intangibilité de l’article 33, paragraphes 1 et 2, et de l’article 68, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application et de l’absence de garanties de la prévisibilité des situations et des relations juridiques. À cet égard, aux points 56 et 57 de cet arrêt, il a relevé, d’une part, que les dispositions en cause n’avaient pas fait l’objet d’une
modification pendant la période concernée par la décision litigieuse et, d’autre part, que, conformément à la jurisprudence, la Cour et le Tribunal n’avaient pas, en interprétant lesdites dispositions, fait œuvre de législateur.

19      En troisième lieu, au point 62 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le troisième grief invoqué au soutien du premier moyen, relatif à un prétendu défaut de diligence du Parlement pour clarifier les dispositions en cause ainsi que, par voie de conséquence, le premier moyen. En effet, en se référant à ses considérations relatives au premier grief invoqué à l’appui du premier moyen, le Tribunal a relevé, pour l’essentiel, au point 60 de l’arrêt attaqué, que le Parlement n’était pas tenu
d’adopter une réglementation concernant la procédure de contrôle de l’assistance parlementaire, l’obligation de constitution et de conservation de preuves ou le régime de telles preuves.

20      En quatrième lieu, aux points 63 à 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et rejeté le deuxième moyen.

21      En cinquième lieu, aux points 91 à 150 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et rejeté le troisième moyen. D’une part, aux points 91 à 97 de cet arrêt, il a rejeté comme étant irrecevables certains éléments de preuve annexés à la requête au motif que ceux-ci avaient été produits pour la première fois devant lui. D’autre part, aux points 111 à 149 dudit arrêt, il a rejeté les différents arguments de la requérante visant à contester l’appréciation, par le Parlement, des éléments de preuve
qu’elle lui avait soumis en considérant, en particulier, que c’était à tort que la requérante soutenait que certains de ces éléments de preuve n’avaient pas été pris en compte et que cette institution n’avait pas commis d’erreur en estimant que lesdits éléments ne permettaient pas d’établir l’effectivité du travail de A.

22      En conséquence, le Tribunal a rejeté le recours.

 Les conclusions des parties devant la Cour

23      La requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision et la note de débit litigieuses, et

–        de condamner le Parlement aux entiers dépens.

24      Le Parlement demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la requérante aux dépens afférents au pourvoi.

 Sur le pourvoi

25      En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

26      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

27      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque, en substance, deux moyens tirés, le premier, d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, en ce que, dans le cadre de l’examen du premier moyen du recours, le Tribunal a considéré, à tort, que l’article 33 des mesures d’application était suffisamment clair et précis et, le second, d’une prétendue appréciation erronée, dans le cadre de l’examen du troisième moyen du recours, des éléments de
preuve qu’elle avait soumis au Parlement en vue d’établir l’effectivité du travail de A.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

28      Le premier moyen comporte, en substance, trois branches. Par la première branche de ce moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, par son interprétation de l’article 33, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application, imposé rétroactivement une obligation, à l’égard des députés, de constituer et de conserver des preuves du travail des assistants parlementaires. Par la deuxième branche dudit moyen, elle lui reproche d’avoir, par son interprétation de l’expression « assistance
nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire », figurant au paragraphe 2 de cet article, exclu rétroactivement des activités et des prestations de travail accomplies par l’assistant parlementaire comme étant non liées à l’exercice du mandat parlementaire. Par la troisième branche du même moyen, elle soutient que le Tribunal a, de manière erronée, interprété l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584), comme se rapportant à la
question de la preuve du travail d’un assistant parlementaire.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’imposition rétroactive, à l’égard des députés, d’une obligation de constituer et de conserver des preuves du travail des assistants parlementaires

–       Argumentation des parties

29      Au soutien de la première branche du premier moyen, la requérante invoque, en substance, trois arguments.

30      En premier lieu, aux points 40 à 43 de l’arrêt attaqué, bien que le Tribunal eût reconnu que l’article 33 des mesures d’application n’énonçait pas, de manière explicite, une obligation de constitution et de conservation des preuves du travail des assistants parlementaires, il aurait, à tort, déduit cette obligation de la logique de cet article et de son économie générale. Le Tribunal aurait, de la sorte, imposé à la requérante de « se faire législateur » et d’interpréter le texte des mesures
d’application en violation des exigences relatives au principe de protection de la confiance légitime énoncées au point 70 de l’arrêt du 6 juillet 1999, Forvass/Commission (T‑203/97, EU:T:1999:135).

31      En deuxième lieu, les considérations énoncées par le Tribunal aux points 56 et 57 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de l’examen du deuxième grief invoqué au soutien du premier moyen du recours et tiré de l’absence d’intangibilité de l’article 33, paragraphes 1 et 2, et de l’article 68, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application, seraient erronées, dès lors que, au point 42 de cet arrêt, le Tribunal, en se référant à des arrêts postérieurs à la signature et à la résiliation du contrat de
A, a reconnu s’être substitué au Parlement et avoir modifié rétroactivement les dispositions de l’article 33 des mesures d’application. Cette référence confirmerait le non-respect du principe d’intangibilité des actes en l’espèce.

32      En troisième lieu, compte tenu des erreurs commises par le Tribunal dans le cadre de son interprétation de l’article 33 des mesures d’application et de l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584), son appréciation, au point 60 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le Parlement n’a pas manqué à son devoir de diligence en ne clarifiant pas la situation applicable, serait entachée d’une erreur de droit.

33      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

–       Appréciation de la Cour

34      À titre liminaire, il peut être rappelé que, selon une jurisprudence constante, le principe général de sécurité juridique, qui a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime, exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables. En particulier, le principe de sécurité
juridique exige qu’une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêts du 9 mars 2017, Pologne/Commission, C‑105/16 P, non publié, EU:C:2017:191, point 54 et jurisprudence citée, ainsi que du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a., C‑504/19, EU:C:2021:335, point 51 et jurisprudence citée).

35      En ce qui concerne le principe de protection de la confiance légitime, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir de ce principe suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union (arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 77 et jurisprudence citée). De manière symétrique, nul ne
peut se prévaloir d’une violation dudit principe en l’absence d’assurances précises que lui auraient fournies ces autorités (arrêt du 7 avril 2011, Grèce/Commission, C‑321/09 P, non publié, EU:C:2011:218, point 45 et jurisprudence citée).

36      À cet égard, il convient de vérifier si les actes d’une autorité administrative ont créé, dans l’esprit d’un intéressé prudent et avisé, une confiance raisonnable et, si tel est le cas, d’établir le caractère légitime de cette confiance (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Cabinet Medical Veterinar D^r. Tomoiagă Andrei, C‑144/14, EU:C:2015:452, point 44 et jurisprudence citée).

37      S’agissant du premier argument invoqué au soutien de la première branche du premier moyen, il y a lieu de relever que, dans le cadre du premier moyen du recours, la requérante a saisi le Tribunal d’une exception d’illégalité de l’article 33, paragraphes 1 et 2, et de l’article 68, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application, au motif que ces dispositions violaient les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

38      Ainsi, dans le cadre de l’examen du premier moyen du recours, c’est à bon droit que, pour apprécier la clarté et la précision suffisantes de l’article 33, paragraphes 1 et 2, et de l’article 68, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application, le Tribunal s’est appuyé non seulement sur le libellé de chacun de ces articles, mais également sur une interprétation contextuelle de ceux-ci, à la lumière de la logique du premier d’entre eux et de l’économie générale de la réglementation dans laquelle
ils s’insèrent. Aux fins de cette interprétation contextuelle, il était loisible au Tribunal, contrairement à ce que la requérante soutient, de se fonder sur le point 67 de l’ordonnance du 28 novembre 2018, Le Pen/Parlement (C‑303/18 P, non publiée, EU:C:2018:962), lequel porte précisément sur la logique dudit article 33 et sur l’économie générale des mesures d’application. Le fait, invoqué par la requérante, que ce point n’est pas relatif à une exception d’illégalité du même article 33 est, à cet
égard, dénué de pertinence.

39      Contrairement à ce que la requérante soutient, l’interprétation contextuelle de l’article 33 des mesures d’application, retenue par le Tribunal aux points 41 et 42 de l’arrêt attaqué, ne méconnaît pas la protection de la confiance légitime des députés, qui sont les destinataires, à titre principal, des mesures d’application.

40      Premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, maintes fois réitérée, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 3 septembre 2015, Sodiaal International, C‑383/14, EU:C:2015:541, point 20 et jurisprudence citée).

41      Deuxièmement, la requérante ne conteste pas que, comme le Tribunal l’a constaté au point 40 de l’arrêt attaqué, il ressort, de manière claire et précise, des termes de l’article 33, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application que la prise en charge, par le Parlement, des frais relatifs à l’engagement des assistants d’un député est soumise aux conditions d’éligibilité énoncées à cet article. Elle ne conteste pas davantage que, comme le Tribunal l’a également indiqué au même point 40,
l’obligation du Parlement de récupérer les sommes indûment versées ressort clairement et précisément de l’article 68, paragraphes 1 et 2, de ces mesures.

42      Par conséquent, c’est manifestement à tort que la requérante affirme qu’une « simple lecture attentive » des mesures d’application, en particulier des articles 33 et 68 de celles-ci, ne permet pas légitimement à un nouveau député d’anticiper des vérifications du Parlement visant à s’assurer que les frais liés à l’engagement de ses assistants sont éligibles au regard des conditions énoncées au premier de ces articles. Dès lors, la requérante n’est manifestement pas fondée à soutenir qu’un tel
député ne peut légitimement anticiper les mesures qu’il lui appartient de prendre pour prouver, dans le cadre de ces vérifications, l’éligibilité de ces frais, à savoir, notamment, la constitution et la conservation de preuves du travail de ses assistants.

43      La requérante ne pouvait donc, à l’évidence, retirer légitimement du libellé de l’article 33 des mesures d’application des assurances précises, inconditionnelles et concordantes qu’elle ne serait pas soumise à une obligation de constitution et de conservation des preuves de travail de A.

44      Troisièmement, la requérante ne présentant aucun argument, sur le fond, pour remettre en cause la cohérence de l’interprétation retenue par le Tribunal de l’article 33 des mesures d’application avec les termes explicites de cet article, c’est manifestement à tort qu’elle soutient que les obligations qu’il a ainsi déduites de la logique dudit article et de l’économie générale desdites mesures présentent un caractère rétroactif.

45      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’interprétation que la Cour donne d’une disposition du droit de l’Union se limite à éclairer et à préciser la signification et la portée de celle–ci, telle qu’elle aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter
la possibilité d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi, une telle limitation ne pouvant être admise que dans l’arrêt même qui statue sur l’interprétation sollicitée (arrêts du 24 septembre 1998, Commission/France, C‑35/97, EU:C:1998:431, points 46 et 49 ainsi que jurisprudence citée, et du 6 mars 2007, Meilicke e.a., C‑292/04, EU:C:2007:132, points 34 à 36 ainsi que jurisprudence citée).

46      Plus particulièrement, il a été jugé que, dans le cas où une obligation résulte d’une interprétation d’une disposition du droit de l’Union donnée par la Cour, le droit de l’Union tel qu’il résulte de l’arrêt dans lequel cette interprétation a été effectuée était censé être interprété et appliqué par les États membres depuis le moment de l’entrée en vigueur de cette disposition, même si cet arrêt était postérieur (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Commission/Suède, C‑114/14,
EU:C:2015:249, point 35 et jurisprudence citée).

47      En l’occurrence, conformément au principe rappelé aux points 45 et 46 de la présente ordonnance, le Tribunal a pu, à bon droit, fonder son interprétation sur la jurisprudence postérieure à la signature et à l’exécution du contrat avec A, aucun motif de sécurité juridique ne justifiant, en l’espèce, la limitation dans le temps de l’application de cette jurisprudence.

48      S’agissant du deuxième argument invoqué au soutien de la première branche du premier moyen, il y a lieu de relever que, dans le cadre de l’examen du deuxième grief invoqué au soutien du premier moyen du recours et tiré de la prétendue absence d’intangibilité des dispositions en cause, le Tribunal a constaté, d’une part, au point 56 de l’arrêt attaqué, que ces dispositions n’avaient pas été modifiées au cours de la période concernée par la décision litigieuse et, d’autre part, au point 57 de
cet arrêt, que, en interprétant lesdites dispositions, le juge de l’Union n’avait pas légiféré, eu égard à la jurisprudence constante selon laquelle il éclaire et précise la portée d’une règle du droit de l’Union telle qu’elle doit ou aurait dû être appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur.

49      Ainsi, par le raisonnement énoncé au point 57 de l’arrêt attaqué, fondé sur la jurisprudence constante rappelée au point 45 de la présente ordonnance, le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’argument de la requérante tiré de ce que le juge de l’Union aurait légiféré en interprétant les dispositions en cause.

50      Dans le cadre du pourvoi, la requérante ne présente aucun argument de nature à remettre en cause le raisonnement exposé au point 57 de l’arrêt attaqué, et, notamment, la pertinence de la jurisprudence invoquée à ce point. En particulier, à l’instar de ce qui a été relevé au point 44 de la présente ordonnance, la requérante ne conteste pas la cohérence de l’interprétation retenue par le Tribunal de l’article 33 des mesures d’application avec les termes explicites de cet article, mais se borne
à soutenir que, en se référant à des arrêts postérieurs à la signature et à la résiliation du contrat de A, le Tribunal a reconnu s’être substitué au Parlement et avoir modifié rétroactivement les dispositions de cet article, ce qui confirmerait le non-respect du principe d’intangibilité des actes en l’espèce. Or, pour les motifs énoncés aux points 45 à 49 de la présente ordonnance, cette argumentation est manifestement dénuée de fondement.

51      S’agissant du troisième argument invoqué au soutien de la première branche du premier moyen, il convient de relever que, au point 60 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de l’examen du troisième grief invoqué au soutien du premier moyen du recours et tiré de ce que le Parlement aurait manqué à son devoir de diligence en ne clarifiant pas la situation applicable, le Tribunal a rappelé qu’il avait déjà constaté, au point 54 de cet arrêt, que les dispositions en cause ne manquaient ni de précision
ni de clarté. Notamment, il s’est référé au point 41 du même arrêt pour rappeler que l’obligation, pour un député, de prouver qu’il satisfait aux conditions posées à l’article 33 des mesures d’application s’agissant de la prise en charge de ses frais d’assistance parlementaire découlait de la logique de cet article ainsi que de l’économie générale desdites mesures. Par ailleurs, il a souligné que l’obligation de pouvoir produire des pièces justifiant d’une utilisation conforme aux contrats conclus
avec des assistants parlementaires avait été constatée par le juge de l’Union dès l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584). Il en a conclu, en particulier, que le Parlement n’était pas tenu d’adopter une réglementation relative à la procédure de contrôle de l’assistance parlementaire, à l’obligation de constitution et de conservation de preuves par le député ou au régime de telles preuves.

52      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte des points 37 à 47 de la présente ordonnance, les constatations du Tribunal relatives à la précision et à la clarté suffisante des dispositions en cause, exposées en particulier au point 41 de l’arrêt attaqué, sont exemptes d’erreur de droit et ne méconnaissent pas les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

53      D’autre part, indépendamment des arguments de la requérante invoqués dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, concernant l’application, par le Tribunal, des principes découlant de l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584), auxquels elle renvoie en l’espèce, il convient de relever que, au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé, à titre principal, sur le raisonnement exposé au point 41 de cet arrêt. Dans ces
conditions, il apparaît que la référence faite par le Tribunal à l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584), présente un caractère surabondant. Par conséquent, en vertu d’une jurisprudence constante (arrêt du 19 décembre 2012, Commission/Planet, C‑314/11 P, EU:C:2012:823, point 90 et jurisprudence citée), l’argumentation de la requérante, qui vise seulement cette référence, doit être rejetée comme étant inopérante.

54      Au vu de ce qui précède, la première branche du premier moyen ne peut qu’être rejetée comme étant manifestement non fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’exclusion rétroactive des activités et des prestations de travail accomplies par l’assistant parlementaire comme étant non liées à l’exercice du mandat parlementaire

–       Argumentation des parties

55      Au soutien de la deuxième branche du premier moyen, la requérante invoque, en substance, deux arguments.

56      D’une part, aux points 44 à 46 et 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait imposé à la requérante de rechercher la logique de l’expression « assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire », figurant à l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application, en méconnaissance de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 6 juillet 1999, Forvass/Commission (T‑203/97, EU:T:1999:135). En effet, cet article 33 ne définirait pas cette expression et ne préciserait pas
la nature des activités pouvant être accomplies par un assistant parlementaire. Or, ladite expression ne serait pas suffisamment claire pour constituer l’énoncé d’un principe général et la notion visée par l’adjectif « nécessaire » serait une notion subjective, susceptible de varier selon les députés.

57      D’autre part, au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, à tort, exigé de la requérante de faire appel à un raisonnement téléologique pour déterminer les frais susceptibles d’être couverts par la même expression. En outre, la conclusion figurant à ce point contredirait ce raisonnement et démontrerait l’absence de clarté et de précision dudit article 33.

58      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

–       Appréciation de la Cour

59      S’agissant du premier argument invoqué au soutien de la deuxième branche du premier moyen, il convient de relever que, au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que l’article 33, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application ne définissait pas la nature du travail d’assistance parlementaire en distinguant entre, notamment, des tâches de nature administrative, de soutien à l’activité législative du député ou encore de soutien à son activité politique, ou en le limitant à
certaines de ces tâches, de sorte que le député pouvait décider de la répartition des tâches entre ses assistants. Cependant, au point 45 de cet arrêt, le Tribunal a considéré que, en définissant les frais d’assistance parlementaire pouvant être pris en charge comme étant ceux « résultant entièrement et exclusivement de l’engagement » d’assistants et correspondant « à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat », ces dispositions définissaient ce travail de manière
suffisamment précise, en ce qu’elles comportaient les principes généraux devant guider le député dans le choix du travail à confier à son assistant parlementaire.

60      Force est de constater, d’emblée, que c’est sans commettre d’erreur de droit que, aux points 44 et 45 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, si l’article 33, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application laissait au député une marge d’appréciation pour décider de la nature des tâches de ses assistants et de leur répartition, ces dispositions comportaient des principes généraux de nature à guider le député dans le choix de ces tâches, notamment, en ce que celles-ci devaient être
nécessaires et directement liées à l’exercice du mandat parlementaire des députés.

61      Le fait, invoqué par la requérante, que l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application ne précise pas si les activités pouvant être exercées par l’assistant d’un député doivent être plutôt de nature législative, de nature administrative ou de nature politique ne saurait priver ces dispositions de la précision et de la clarté requises par les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

62      En effet, les exigences découlant du respect du principe de sécurité juridique ne sauraient être comprises comme imposant qu’une norme utilisant une notion juridique abstraite mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par le législateur (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 42).

63      Par ailleurs, contrairement à ce que la requérante affirme, la notion de nécessité visée dans l’expression « assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat », figurant à l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application, ne revêt pas un contenu subjectif.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et
de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar, C‑482/09, EU:C:2011:605, point 29 et jurisprudence citée).

65      En l’occurrence, l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application ne comportant aucun renvoi au droit des États membres en vue de la définition du caractère nécessaire de l’assistance parlementaire à l’exercice du mandat, la notion de nécessité, au sens de cette disposition, doit recevoir une interprétation autonome et uniforme. Cette notion ne saurait donc revêtir un contenu variable en fonction du député concerné (voir, par analogie, arrêt du 16 décembre 2008, Huber, C‑524/06,
EU:C:2008:724, point 52).

66      Ainsi, premièrement, il y a lieu de constater que, au regard du sens habituel en langage courant de l’adjectif « nécessaire », l’assistance nécessaire à l’exercice du mandat, au sens de l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application, comprend les activités d’assistance qui ont pour finalité exclusive de permettre au député d’exercer son mandat et sans lesquelles l’exercice de celui-ci ne serait pas possible.

67      Deuxièmement, il doit être relevé que l’adjectif « nécessaire » est précisé et complété par l’expression « directement liée » qui exclut ainsi des activités ou des prestations ne présentant qu’un rapport indirect avec ledit mandat.

68      Troisièmement, la notion de nécessité doit être interprétée au regard du principe de bonne gestion financière, applicable à la prise en charge des frais d’assistance parlementaire des députés (voir, par analogie, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 101), en ce sens que le caractère nécessaire et directement lié à l’exercice du mandat des activités ou des prestations d’assistance prises en charge par le budget de l’Union doit présenter un caractère
objectif, de telle sorte que l’autorité chargée d’examiner l’éligibilité des dépenses afférentes à ces activités et prestations puisse l’apprécier à la seule lumière des preuves fournies par le député concerné.

69      La circonstance, invoquée par la requérante, que le nombre d’assistants peut varier selon l’estimation, par le député concerné, de ses besoins, ne saurait, à l’évidence, remettre en cause ces considérations. En effet, si, conformément à l’article 33, paragraphe 1, des mesures d’application, les députés sont libres du choix de leurs collaborateurs, il leur appartient néanmoins de démontrer le caractère nécessaire et directement lié à leur mandat des activités de ceux-ci prises en charge par
le Parlement, quel que soit le nombre de collaborateurs qu’ils ont choisis.

70      Enfin, pour les raisons déjà exposées aux points 39 à 43 de la présente ordonnance, l’allégation de la requérante, selon laquelle le Tribunal aurait exigé d’elle de rechercher la logique des dispositions en cause en méconnaissance de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 6 juillet 1999, Forvass/Commission (T‑203/97, EU:T:1999:135), est manifestement dénuée de fondement.

71      S’agissant du second argument invoqué à l’appui de la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que, au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, à tort, exigé d’elle de faire appel à un raisonnement téléologique pour déterminer les frais susceptibles d’être couverts par l’expression « assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire », figurant à l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application. En outre, la conclusion figurant à ce point
contredirait ce raisonnement et démontrerait l’absence de clarté et de précision de cet article 33.

72      À cet égard, au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé :

« Ainsi, une interprétation téléologique de l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application conduit à considérer que cette disposition doit être interprétée en ce sens que, si, conformément à sa seconde phrase, les frais d’assistance parlementaire ne peuvent en aucun cas couvrir des frais liés à la sphère privée des députés, il ne saurait en être déduit que, comme l’a soutenu la requérante lors de l’audience, ces derniers frais seraient les seuls à ne pas se rattacher nécessairement et
directement à l’exercice du mandat, de sorte que les dépenses résultant de la participation de l’assistante parlementaire à toutes les activités publiques du député seraient éligibles. Il est, en effet, indispensable que l’activité de l’assistant parlementaire ait un lien direct et nécessaire avec l’exercice du mandat (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, Le Pen/Parlement, T‑86/17, non publié, EU:T:2018:357, point 110), ce qui ne paraît pas pouvoir être le cas s’agissant des frais liés à des
activités de nature politique, telles que le contact avec les électeurs, les élus et les responsables de la région d’élection du député. »

73      D’une part, au regard de la jurisprudence rappelée au point 40 de la présente ordonnance, c’est à bon droit que le Tribunal a interprété l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application en tenant compte, notamment, de la finalité de cette disposition.

74      D’autre part, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que l’interprétation téléologique de l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application, retenue par le Tribunal au point 46 de l’arrêt attaqué, est cohérente avec le libellé de cette disposition.

75      Au demeurant, l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application, retenue par le Tribunal au point 46 de l’arrêt attaqué, ressort de manière évidente de l’articulation entre la première et la seconde phrase de ce paragraphe 2. Ainsi, si cette seconde phrase exclut de la prise en charge des frais d’assistance parlementaire, dans tous les cas, les frais liés à la sphère privée des députés, il ne peut manifestement pas en être déduit que tous les frais d’assistance liés
aux activités publiques du député concerné sont éligibles, dès lors que, aux termes de la première phrase dudit paragraphe 2, lesdits frais doivent, en tout état de cause, être nécessaires et liés directement à l’exercice du mandat de ce député.

76      Par ailleurs, s’agissant de la considération figurant à la fin de la seconde phrase du point 46 de l’arrêt attaqué, qui, selon la requérante, démontre l’absence de clarté et de précision de l’article 33 des mesures d’application, il suffit de constater que cette considération présente un caractère surabondant au regard de la première partie de cette phrase, de sorte que l’allégation de la requérante à cet égard ne peut qu’être rejetée comme étant inopérante.

77      Au vu de ce qui précède, la deuxième branche du premier moyen ne peut qu’être rejetée comme étant manifestement non fondée.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une interprétation prétendument erronée de l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584)

–       Argumentation des parties

78      Au soutien de la troisième branche du premier moyen, la requérante fait valoir qu’il ressort à l’évidence des points 157 et 159 de l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584), que cet arrêt ne se rapporte pas à la question de la preuve du travail d’un assistant parlementaire, contrairement à ce que le Tribunal a affirmé au point 52 de l’arrêt attaqué. En outre, ledit arrêt ainsi que les arrêts du 24 mars 2011, Dover/Parlement (T‑149/09, non
publié, EU:T:2011:119), et du 10 octobre 2014, Marchiani/Parlement (T‑479/13, non publié, EU:T:2014:866), ne seraient pas fondés sur les mesures d’application et ne seraient donc pas pertinents en l’espèce.

79      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

–       Appréciation de la Cour

80      Aux points 52 et 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argument de la requérante tiré de la prétendue inapplicabilité des principes découlant de l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584), en relevant que cet arrêt portait non pas seulement sur la question de la preuve d’un paiement par le tiers payant, mais également sur celle de la preuve d’un travail de l’assistant parlementaire, et que les principes qui y étaient énoncés et qui
étaient relatifs à la réglementation concernant les frais et les indemnités des députés au Parlement étaient transposables aux mesures d’application.

81      À cet égard, d’une part, les points 52 et 53 de l’arrêt attaqué présentent un caractère surabondant dans le cadre de l’examen, par le Tribunal, du premier grief invoqué au soutien du premier moyen du recours et tiré du manque de précision et de clarté de l’article 33, paragraphes 1 et 2, et de l’article 68, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application. En effet, il ressort des points 38 à 51 de cet arrêt que, à ce stade, le Tribunal avait déjà répondu, pour l’essentiel, aux différents
arguments invoqués par la requérante au soutien de ce grief et qu’il s’était fondé, à cet égard, sur une analyse spécifique de ces dispositions et sur la jurisprudence postérieure à l’arrêt du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (T‑146/04, EU:T:2005:584).

82      D’autre part, la troisième branche du premier moyen est fondée, implicitement mais nécessairement, sur la prémisse erronée que le Tribunal ne pouvait pas se fonder sur la jurisprudence postérieure à la conclusion et à la résiliation du contrat de A. Or, cette prémisse a été écartée au point 47 de la présente ordonnance.

83      Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du premier moyen est, dans son ensemble, inopérante. Il y a donc lieu de rejeter cette branche et, partant, ledit moyen comme étant manifestement non fondés.

 Sur le second moyen, tiré d’une appréciation erronée, par le Tribunal, des preuves soumises par la requérante au Parlement

 Argumentation des parties

84      Le second moyen comporte, en substance, trois branches.

85      Par la première branche du second moyen, la requérante invoque une erreur de qualification juridique des faits, en ce que l’appréciation du Tribunal, selon laquelle les preuves qu’elle a fournies ne permettent pas de justifier une utilisation conforme aux mesures d’application, repose sur une interprétation erronée de l’article 33 de celles-ci.

86      Par la deuxième branche du second moyen, la requérante soutient que, aux points 113 et 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de fait et une « erreur manifeste d’appréciation » en considérant que les courriels de A relatifs à une demande de remboursement des frais de mission pour la période du 16 au 18 mars 2016 ne démontraient pas un travail effectif de celle-ci.

87      Par la troisième branche du second moyen, la requérante fait valoir que, aux points 125 et 126 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une « erreur manifeste d’appréciation » en rejetant ses arguments tirés de ce que les courriels qu’elle avait fournis démontraient une intégration de A à l’équipe de ses assistants et l’existence d’une relation de travail fondée sur le contrat de travail et entretenue à sa demande. En particulier, le Tribunal n’aurait pas tenu compte des circonstances de
l’espèce, relatives, notamment, à la rupture des relations contractuelles, en raison de l’insuffisance professionnelle de cette assistante.

88      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

 Appréciation de la Cour

89      S’agissant de la première branche du second moyen, d’une part, il convient, d’emblée, de relever que, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier moyen, la requérante n’a pas démontré que le Tribunal aurait considéré, à tort, que l’article 33 des mesures d’application était suffisamment clair et précis. Or, cette branche du second moyen repose précisément sur la prémisse que cette disposition ne satisfait pas aux exigences de clarté et de précision découlant des principes de sécurité
juridique et de protection de la confiance légitime.

90      D’autre part, quant à l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait considéré que la preuve du travail de A impliquait systématiquement un écrit, il suffit de relever que, en considérant que les pièces fournies par la requérante devaient être en mesure de justifier une utilisation conforme aux mesures d’application, le Tribunal s’est seulement prononcé au regard desdites pièces, lesquelles constituaient précisément des documents écrits, mais n’a nullement énoncé d’exigences de
principe relatives à la nature écrite de ces preuves. Cet argument repose donc sur une interprétation manifestement erronée de l’arrêt attaqué.

91      Il s’ensuit que la première branche du second moyen ne peut qu’être rejetée comme étant manifestement non fondée.

92      S’agissant des deuxième et troisième branches du second moyen, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Dès lors, selon une jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent pour constater les faits et pour les apprécier, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont
été soumises. L’appréciation des faits ne constitue dès lors pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Parlement/Ripa di Meana e.a., C‑470/00 P, EU:C:2004:241, point 40 ainsi que jurisprudence citée ; ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, point 109 et jurisprudence citée, ainsi que arrêt
du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, points 92 et 93 ainsi que jurisprudence citée).

93      En l’occurrence, dans le cadre des deuxième et troisième branches du second moyen, la requérante n’invoque aucune dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal et se borne, en réalité, à demander à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de ces preuves, plus précisément des courriels fournis au Parlement en vue de démontrer l’effectivité de l’assistance apportée par A en lien avec son mandat. Par conséquent, ces branches ne peuvent qu’être rejetées, dans leur
intégralité, comme étant manifestement irrecevables.

94      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

95      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      M^me Joëlle Mélin est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 juin 2022.

Le greffier Le président de la X^ème chambre

A. Calot Escobar   I. Jarukaitis

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*      Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-541/21
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Droit institutionnel – Mesures d’application du statut des députés au Parlement européen – Article 33, paragraphes 1 et 2 – Indemnité d’assistance parlementaire – Répétition de l’indu – Exception d’illégalité – Principe de sécurité juridique – Principe de protection de la confiance légitime – Appréciation des preuves – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Joëlle Mélin
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pikamäe
Rapporteur ?: Gratsias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:447

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