CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. NICHOLAS EMILIOU
présentées le 2 juin 2022 ( 1 )
Affaire C‑147/21
Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF),
Florame,
Hyteck Aroma-Zone,
Laboratoires Gilbert,
Laboratoire Léa Nature,
Laboratoires Oméga Pharma France,
Pierre Fabre Médicament,
Pranarom France,
Puressentiel France
contre
Ministre de la Transition écologique,
Premier ministre
[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]
« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Produits biocides – Objectif de protéger la santé et l’environnement – Possibilité pour les États membres d’adopter des mesures restrictives visant les pratiques et la publicité commerciales »
I. Introduction
1. Pour améliorer la protection de la santé publique et de l’environnement, le régulateur français a décidé que les rodenticides et les insecticides, deux catégories de produits biocides, ne peuvent pas faire l’objet de certaines pratiques commerciales, telles que les rabais, les réductions de prix et les remises. Celui-ci a également limité la publicité commerciale pour les mêmes catégories de produits ainsi que pour certains désinfectants.
2. Dans la procédure au principal, plusieurs sociétés visent à obtenir l’annulation de ces règles et contestent leur compatibilité avec, notamment, le règlement (UE) no 528/2012 ( 2 ).
3. Le Conseil d’État (France) émet des doutes quant au point de savoir si cet acte tend à harmoniser de manière exhaustive les différentes règles nationales en la matière et, dans la négative, sur les conditions dans lesquelles de telles règles peuvent être adoptées.
4. La présente affaire concerne donc la portée de l’autonomie qui a été laissée aux États membres à la suite de l’adoption du RPB. À titre subsidiaire, cette affaire vise essentiellement à déterminer les conditions dans lesquelles les dispositions du traité permettent l’adoption de règles nationales telles que celles en cause.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
5. Sur le fondement de son article 1er, paragraphe 1, la finalité du RPB est d’« améliorer le fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement. Ses dispositions se fondent sur le principe de précaution dont le but est la préservation de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement. Il
convient d’accorder une attention particulière à la protection des groupes vulnérables ».
6. Selon son article 1er, paragraphe 2, le RPB établit les règles régissant :
« a) l’établissement, au niveau de l’Union, d’une liste de substances actives pouvant être utilisées dans les produits biocides ;
b) l’autorisation des produits biocides ;
c) la reconnaissance mutuelle des autorisations à l’intérieur de l’Union ;
d) la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides dans un ou plusieurs États membres ou dans l’Union ;
e) la mise sur le marché des articles traités. »
7. L’article 72 du RPB concerne la publicité. Celui-ci dispose :
« 1. Toute publicité pour des produits biocides, outre le respect des dispositions du règlement (CE) no 1272/2008 [ ( 3 )], comporte les phrases “Utilisez les produits biocides avec précaution. Avant toute utilisation, lisez l’étiquette et les informations concernant le produit”. Ces phrases ressortent clairement dans la publicité et sont facilement lisibles.
2. Les annonceurs peuvent remplacer le mot “biocides” dans les phrases obligatoires par une référence claire au type de produit visé par la publicité.
3. Les publicités pour des produits biocides ne font pas référence au produit d’une manière susceptible de tromper l’utilisateur quant aux risques qu’il peut présenter pour la santé humaine, pour la santé animale ou pour l’environnement ou quant à son efficacité. En tout état de cause, la publicité pour un produit biocide ne comporte pas les mentions “produit biocide à faible risque”, “non toxique”, “ne nuit pas à la santé”, “naturel”, “respectueux de l’environnement”, “respectueux des animaux”
ou toute autre indication similaire. »
B. Le droit français
8. Conformément au nouvel l’article L. 522‑18 du code de l’environnement ( 4 ):
« À l’occasion de la vente de produits biocides définis à l’article L. 522‑1, les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens de l’article L. 441‑1 du code de commerce ou la remise d’unités gratuites et toutes pratiques équivalentes sont interdits. Toute pratique commerciale visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l’attribution de remises, de rabais ou de ristournes sur une autre gamme de
produits qui serait liée à l’achat de ces produits est prohibée. Un décret en Conseil d’État précise les catégories de produits concernés en fonction des risques pour la santé humaine et pour l’environnement. »
9. Conformément au nouvel l’article L. 522‑5‑3 du code de l’environnement ( 5 ):
« Toute publicité commerciale est interdite pour certaines catégories de produits biocides définies par le [RPB]. Par dérogation au premier alinéa du présent article, la publicité destinée aux utilisateurs professionnels est autorisée dans les points de distribution de produits à ces utilisateurs et dans les publications qui leur sont destinées. Un décret en Conseil d’État définit les catégories de produits concernés en fonction des risques pour la santé humaine et pour l’environnement ainsi que
les conditions dans lesquelles les insertions publicitaires sont présentées. Ces insertions publicitaires mettent en avant les bonnes pratiques dans l’usage et l’application des produits pour la protection de la santé humaine et animale et pour l’environnement ainsi que les dangers potentiels pour la santé humaine et animale et pour l’environnement. »
10. Le décret no 2019‑642 du 26 juin 2019, adopté en vertu du nouvel article L. 522‑18 du code de l’environnement, insère dans ce code un article R. 522‑16‑1, qui dispose :
« Les catégories de produits mentionnées à l’article L. 518‑18, pour lesquels certaines pratiques commerciales sont prohibées, sont les produits relevant des types 14 et 18 définis par le [RPB]. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux produits biocides admissibles à la procédure d’autorisation simplifiée conformément à l’article 25 du [présent règlement]. »
11. Le décret no 2019‑643 du 26 juin 2019, adopté en vertu de l’article L. 522‑5‑3 du code de l’environnement, insère dans ce code un nouvel article R. 522‑16‑2, qui est libellé comme suit :
« I. – Les catégories de produits biocides mentionnées à l’article L. 522‑5‑3, pour lesquels il est interdit de faire de la publicité commerciale à destination du grand public, sont les suivantes :
1° Les produits relevant des types 14 et 18 définis par [le RPB] ;
2° Les produits appartenant aux types 2 et 4 définis par ce même règlement et classés, selon les dispositions du [règlement no 1272/2008], comme dangereux pour le milieu aquatique de catégorie 1 : toxicité aiguë de catégorie 1 (H 400) et toxicité chronique de catégorie 1 (H 410).
II. – Pour les produits mentionnés au I, toute publicité à destination des professionnels est rédigée dans le respect des dispositions de l’article 72 du [RPB], mentionné au 1o du I. Elle fait, en outre, apparaître, de manière claire et lisible, les éléments suivants :
1° Deux phrases ainsi rédigées : “Avant toute utilisation, assurez‑vous que celle-ci est indispensable, notamment dans les lieux fréquentés par le grand public. Privilégiez chaque fois que possible les méthodes alternatives et les produits présentant le risque le plus faible pour la santé humaine et animale et pour l’environnement.”
2° La mention du type de produits biocides associé au produit, tel que défini par l’annexe V du [RPB, susmentionnée].
III. – Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux produits biocides admissibles à la procédure d’autorisation simplifiée conformément à l’article 25 du [RPB]. »
III. Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle
12. Par deux recours, le Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF) et les sociétés Florame, Hyteck Aroma‑Zone, Laboratoires Gilbert, Laboratoire Léa Nature, Laboratoires Oméga Pharma France, Pierre Fabre Médicament, Pranarom France et Puressentiel France (ci‑après, conjointement désignés, les « requérants ») ont demandé au Conseil d’État d’annuler les décrets no 2019‑642, du 26 juin 2019, relatif aux pratiques commerciales interdites pour certaines catégories de produits
biocides (ci-après le « décret no 2019‑642 contesté ») et no 2019‑643, du 26 juin 2019, relatif à la publicité commerciale pour certaines catégories de produits biocides (ci-après le « décret no 2019‑643 contesté ») (ci‑après, conjointement désignés, les « décrets contestés »).
13. Selon les requérants, les décrets contestés ont été adoptés ultra vires. Ils ont ainsi demandé au Conseil d’État de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle concernant l’harmonisation exhaustive instaurée par le RPB. Les requérants indiquent que les interdictions prévues par les décrets contestés violent les articles L. 522‑18 et L. 522‑5‑3 du code de l’environnement, car celles-ci sont trop générales. Les requérants font valoir également que les décrets contestés introduisent une
discrimination injustifiée favorisant des produits non concernés par les interdictions en cause, violent le droit de propriété protégé par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et ont été adoptés sans tenir compte des dispositions de l’article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la« CEDH »). Ils soutiennent par ailleurs que le décret
no 2019‑642 contesté est contraire à la directive 2000/31/CE ( 6 ), en ce sens que celui-ci constitue une ingérence injustifiée et disproportionnée dans la liberté de prestation de services et que le décret no 2019‑643 contesté est illégal, car il constitue une ingérence excessive dans le droit à la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la CEDH.
14. Dans son mémoire en défense, le ministre de la Transition écologique (France) a soutenu que les deux recours devaient être rejetés.
15. Dans sa décision de renvoi, le Conseil d’État explique les motifs du rejet de tous les moyens mentionnés ci-dessus à l’exception de celui fondé sur le RPB qui, selon cette juridiction, ne contient aucune disposition autorisant les États membres à adopter des mesures restrictives telles que celles figurant aux articles L. 522‑18 et L. 522‑5‑3 du code de l’environnement ou leur interdisant d’adopter de telles mesures. La juridiction de renvoi n’est donc pas certaine que ces mesures puissent être
adoptées sans enfreindre ce règlement.
16. Dans ces circonstances, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser la question suivante à la Cour :
« Le [RPB] s’oppose-t-il à ce qu’un État membre adopte, dans l’intérêt de la santé publique et de l’environnement, des règles restrictives en matière de pratiques commerciales et de publicité telles que celles que prévoient les articles L. 522‑18 et L. 522‑5‑3 du code de l’environnement ? Le cas échéant, sous quelles conditions un État membre peut-il adopter de telles mesures ? »
17. Des observations écrites ont été présentées par les requérants et les gouvernements français, italien et néerlandais, ainsi que la Commission européenne. Les requérants, le gouvernement français et la Commission ont présenté une plaidoirie à l’audience qui a eu lieu le 9 mars 2022.
IV. Appréciation
18. La présente affaire concerne la compatibilité avec le droit de l’Union de règles nationales françaises ( 7 ) qui, d’une part, interdisent certaines pratiques commerciales à l’égard de deux catégories de produits biocides et qui, d’autre part, limitent la publicité concernant les mêmes catégories de produits biocides ainsi que deux catégories supplémentaires.
19. Je commencerai l’analyse en examinant le degré d’harmonisation atteint par le RPB, étant donné qu’il s’agit de l’instrument de droit de l’Union sur lequel la juridiction de renvoi s’interroge spécifiquement. À titre subsidiaire, cette juridiction s’interroge également plus généralement sur les conditions dans lesquelles le droit de l’Union permet l’adoption de règles nationales telles que celles en cause. Dans la mesure où il est nécessaire de procéder ainsi, j’apprécierai donc les règles en
cause à la lumière du droit de l’Union concerné qui, dans la présente affaire, est constitué par les dispositions sur la libre circulation des marchandises au titre des articles 34 et 36 TFUE ( 8 ). Ces dispositions, cependant, ne deviennent applicables que si l’affaire faisant l’objet de la procédure au principal comporte un élément transfrontalier ( 9 ), ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ( 10 ).
20. J’effectuerai cette analyse en deux parties, en examinant, tout d’abord, l’interdiction nationale de certaines pratiques commerciales (A) avant de passer, ensuite, à la question de la publicité (B).
A. L’interdiction des pratiques commerciales en cause
21. Les articles L. 522‑18 et R. 522‑16‑1 du code de l’environnement interdisent les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente, la remise d’unités gratuites et toutes pratiques équivalentes dans le cadre de la vente de certains produits biocides qui sont définis, à l’annexe V du RPB (ci‑après l’« annexe V »), comme les types de produits 14 et 18, sauf pour ceux éligibles à la procédure simplifiée en vertu de l’article 25 de ce
règlement.
22. Le type de produits 14 concerne les « rodenticides » qui sont décrits dans l’annexe V comme les « [p]roduits utilisés pour lutter contre les souris, les rats ou autres rongeurs, par d’autres moyens qu’en les repoussant ou en les attirant ». Le type de produits 18 concerne les « insecticides, acaricides et produits utilisés pour lutter contre les autres arthropodes », décrits comme les « produits utilisés pour lutter contre les arthropodes (tels que les insectes, les arachnides et les crustacés),
par d’autres moyens qu’en les repoussant ou en les attirant ». Les types de produits 14 et 18 relèvent tous deux de la catégorie plus large intitulée « Groupe 3 : Produits de lutte contre les nuisibles ».
23. Dans l’analyse qui suit, je conclurai que l’interdiction nationale en cause n’est pas contraire au RPB (1). Je conclurai également que cette même interdiction n’est pas contraire aux dispositions du traité sur la libre circulation des marchandises (2).
1. Champ d’application des règles harmonisées
24. Le RPB a été adopté au titre de l’article 114 TFUE, qui est la principale disposition utilisée par le législateur de l’Union pour adopter les mesures nécessaires à la réalisation et au fonctionnement du marché intérieur ( 11 ). En conséquence, ce règlement harmonise « [l]es règles concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement », comme indiqué en son
article 1er, paragraphe 1 ( 12 ). À cette fin, l’article 1er, paragraphe 2, dudit règlement dresse la liste des catégories de règles prévues par cet instrument. Cette liste inclut, au point d), les règles régissant « la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides dans un ou plusieurs États membres ou dans l’Union ».
25. L’affaire faisant l’objet de la procédure au principal concerne les produits biocides et il est a priori concevable que la catégorie des règles relatives à « la mise à disposition sur le marché et l’utilisation » soit assez large pour inclure les règles interdisant certaines pratiques tarifaires. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous i), du RPB définit « la mise à disposition sur le marché » comme « toute fourniture d’un produit biocide [...] destiné à être distribué ou utilisé dans le cadre
d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit ».
26. Cela étant dit, l’appréciation du point de savoir si un instrument du droit de l’Union entraîne l’harmonisation exhaustive d’un domaine spécifique ne doit pas être effectuée en examinant des catégories juridiques définies généralement, mais en examinant le domaine spécifique concerné ( 13 ).
27. Ce domaine précis correspond dans la présente affaire à l’interdiction des « remises, des rabais, des ristournes, de la différenciation des conditions générales et particulières de vente [...], la remise d’unités gratuites ou toutes pratiques équivalentes » dans le cadre de la vente de certains produits biocides.
28. Les pratiques commerciales concernées étant donc bien délimitées, j’observe, comme les gouvernements français et néerlandais, ainsi que la Commission, que le RPB ne contient pas la moindre disposition qui les concernerait expressément.
29. Ainsi que l’observe la Commission, le RPB concerne principalement l’autorisation des produits biocides en vue de les mettre à disposition sur le marché et de leur utilisation. Les dispositions liées à l’utilisation de produits biocides sont assez limitées et prévoient principalement que cette utilisation est conditionnée par l’autorisation respective et les exigences d’étiquetage et d’emballage, et qu’elle doit se conformer à ces exigences ( 14 ).
30. Dans ce contexte, les dispositions se rapprochant matériellement le plus de la situation en cause figurent aux articles 69 et 72 du RPB qui contiennent, respectivement, des exigences en matière d’emballage et d’étiquetage, d’une part, et en matière de publicité, d’autre part. Je relève qu’aucune de ces dispositions n’est pertinente pour l’interdiction des pratiques en cause ( 15 ).
31. Les requérants ont eux-mêmes admis lors de l’audience que le RPB ne contient pas la moindre disposition sur les pratiques relatives aux prix. Ils ont maintenu, toutefois, que les règles nationales en cause perturbaient le cadre harmonisé composé à la fois de ce règlement et du règlement no 1272/2008. Ils ont expliqué que les règles nationales relatives aux pratiques commerciales introduisaient une couche réglementaire supplémentaire comportant une nouvelle catégorisation de produits, laquelle
est imprévisible pour les producteurs car elle ne présente aucun lien direct avec le risque associé au produit concerné. En ce sens, les règles nationales en cause gênent, selon les requérants, la libre circulation des produits biocides, contrariant ainsi l’objectif poursuivi par ces règlements. En outre, les requérants font valoir que le RPB limite l’action des États membres à la politique d’information sur les effets des produits biocides, une telle action étant exigée par l’article 17,
paragraphe 5, troisième alinéa, de ce règlement. Selon eux, cette politique, cependant, n’inclut pas l’interdiction en cause.
32. Je relève à cet égard, et en ce qui concerne le règlement no 1272/2008, que cet instrument harmonise, en substance, les critères de classement des substances et mélanges, et prévoit les règles relatives à l’étiquetage et l’emballage des substances et mélanges dangereux ( 16 ). En d’autres termes, celui-ci vise à déterminer « les propriétés des substances et des mélanges qui devraient conduire à leur classification comme produits dangereux, afin que les dangers de ces substances et mélanges
puissent être correctement identifiés et communiqués » ( 17 ) et établit des normes générales en matière d’emballage afin d’assurer leur fourniture sûre ( 18 ).
33. Le RPB renvoie au règlement no 1272/2008 pour l’utiliser comme point de référence dans le cadre de l’approbation des substances actives et l’autorisation des produits biocides ( 19 ). Il le mentionne également pour définir les exigences liées à l’étiquetage et l’emballage des produits biocides (article 69) et leur publicité (article 72), car le règlement no 1272/2008 contient des règles spécifiques dans ces deux domaines dont le RPB maintient l’application ( 20 ). Alors que le règlement
no 1272/2008 complète ainsi le RPB sur ces points et que ce dernier énonce plus généralement qu’il est sans préjudice du premier ( 21 ), je relève que le règlement no 1272/2008 n’introduit aucune règle supplémentaire pertinente s’agissant des pratiques commerciales en cause.
34. Concernant l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, du RPB, également invoqué par les requérants, cette disposition impose aux États membres de prendre « les mesures nécessaires afin de fournir au grand public des informations adéquates sur les avantages et les risques associés aux produits biocides ainsi que sur les possibilités de réduire leur utilisation ». La confirmation de la compétence des États membres qui en découle n’implique pas en soi, cependant, que la portée de l’action des
États membres serait limitée à cette politique d’information.
35. Pourrait-il être soutenu néanmoins que, bien que l’interdiction en cause concerne une question, en principe, différente de la politique d’information, celle‑ci perturbe l’équilibre réglementaire trouvé par le législateur de l’Union entre, d’une part, la poursuite de l’amélioration du marché intérieur des produits biocides et, d’autre part, la protection de la santé publique et de l’environnement ? En d’autres termes, pourrait-il être soutenu que le législateur de l’Union a souhaité que la seule
manière d’examiner l’utilisation des produits biocides, à la suite de leur mise sur le marché, consisterait à se référer à la politique d’information menée par les États membres fondée sur l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, du RPB ?
36. Je ne le pense pas. La disposition relative à la compétence de l’État membre à l’égard des questions relatives à la politique d’information complète, au sein de la structure de l’article 17 du RPB, les règles générales sur la possibilité de mettre un produit sur le marché et de l’utiliser. Celle-ci est intégrée dans l’article 17, paragraphe 5, de ce règlement, qui prévoit, en son premier alinéa, l’obligation d’utiliser les produits biocides dans le respect des conditions de l’autorisation et des
exigences en matière d’étiquetage et d’emballage. Le deuxième alinéa de ce paragraphe 5 explique que l’« utilisation appropriée » des produits biocides « implique la mise en œuvre rationnelle d’une combinaison de mesures physiques, biologiques, chimiques ou autres selon le cas, permettant de limiter l’utilisation des produits biocides au minimum nécessaire et de prendre les mesures de précaution appropriées ». Vient ensuite, au troisième alinéa dudit paragraphe 5, l’obligation des États membres
de prendre des mesures pour informer le public sur les avantages et les risques associés aux produits biocides ainsi que sur les possibilités de réduire leur utilisation.
37. L’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, du RPB aborde ainsi la question de l’utilisation des produits biocides non pas du point de vue de leur conformité aux diverses exigences réglementaires (traitées à l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement), mais plutôt du point de vue, plus large, de leur utilisation durable, comme semble le confirmer le document de travail des services de la Commission accompagnant son rapport sur la mise en œuvre du RPB ( 22 ). Ce document de 2021 présente, sous
le chapitre « Utilisation durable », des mesures entreprises par les États membres tout en reconnaissant que la directive 2009/128/CE ( 23 ) ne s’applique pas aux produits biocides et que « l’utilité d’une telle extension sera examinée dans le cadre d’une future évaluation du RPB » ( 24 ).
38. Je relève que le troisième alinéa de l’article 17, paragraphe 5, du RPB correspond, de façon très générale, à l’article 7, sur « les informations et la sensibilisation », de la directive relative à l’utilisation durable des pesticides. Cependant, cette directive contient également des dispositions sur les plans d’action nationaux, la formation des utilisateurs professionnels, des distributeurs et des conseillers (y compris un système de certification), des exigences pour les ventes et des
dispositions sur des pratiques spécifiques.
39. Dans ces circonstances, et eu égard au nombre et à la portée très limitée des dispositions du RPB sur les moyens d’assurer l’utilisation durable des produits biocides une fois que ces produits ont été mis à disposition sur le marché, il me paraît difficile de conclure que la compétence des États membres dans ce domaine a été écartée.
40. Je conclus donc que le RPB n’exclut pas l’interdiction en cause. Cette dernière fait néanmoins toujours l’objet, en ce qui concerne des situations comportant un élément transfrontalier et en considérant les spécificités de la présente affaire ( 25 ), des dispositions du traité sur la libre circulation des marchandises, que j’aborde à présent.
2. Limites découlant des articles 34 et 36 TFUE
41. Dans la présente section, j’exposerai les raisons m’ayant amené à conclure que l’article 34 TFUE ne s’oppose pas à l’interdiction des pratiques commerciales en cause (a). Si la Cour devait conclure en sens contraire, j’exposerai les raisons pour lesquelles cette interdiction est, selon moi, en tout état de cause justifiée (b).
a) L’article 34 TFUE ne s’oppose pas à l’interdiction en cause
42. En interdisant les restrictions quantitatives aux importations entre États membres et toutes les mesures ayant un effet équivalent à de telles restrictions, l’article 34 TFUE exprime un principe fondamental garantissant la libre circulation des marchandises dans l’Union ( 26 ).
43. Selon la formule consacrée, toute mesure susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce dans l’Union est à considérer comme une mesure d’effet équivalant à des restrictions quantitatives au sens de cette disposition ( 27 ). Cette formule a été ajustée par la ligne jurisprudentielle introduite par l’arrêt Keck et Mithouard. Il ressort de cette jurisprudence qu’une mesure nationale ne relève pas de l’article 34 TFUE lorsqu’elle établit des
modalités de vente qui s’appliquent « à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national » et qu’« [elle affecte] de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres États membres » ( 28 ).
44. Dans sa jurisprudence ultérieure, la Cour a précisé que la notion de « modalités de vente » s’applique aux restrictions ou interdictions qui ne portent pas sur les caractéristiques de ces produits, mais concerne uniquement les modalités selon lesquelles ils peuvent être vendus ( 29 ).
45. Je relève que l’interdiction en cause ne porte pas sur les exigences applicables aux produits biocides, mais empêche certaines méthodes de promotion de leur vente. Pour ces motifs, celle-ci devrait être considérée, selon moi, comme se rapportant à des « modalités de vente », au sens de cette jurisprudence.
46. En ce qui concerne la question de savoir si l’interdiction respecte les conditions exposées au point 43 ci-dessus, je relève, en premier lieu, que l’interdiction formulée aux articles L. 522‑18 et R. 522‑16‑1 du code de l’environnement s’applique à tous les acteurs concernés opérant sur le territoire national, indépendamment de leur nationalité. Celle-ci n’est donc pas formellement discriminatoire.
47. En second lieu, quant au point de savoir si une telle interdiction affecte davantage la commercialisation des insecticides et des rodenticides des autres États membres que de ceux des entreprises nationales, le gouvernement français fait valoir que tel n’est pas le cas. Celui-ci a expliqué à l’audience que l’interdiction n’engendre pas le moindre coût supplémentaire pour les opérateurs établis dans d’autres États membres souhaitant proposer leurs produits biocides en France. Ce gouvernement a
également ajouté que l’interdiction en cause ne concerne pas toutes les méthodes de commercialisation.
48. La Commission est d’un avis opposé et considère que l’interdiction en cause limite un des outils à la disposition des opérateurs pour se faire connaître sur le marché français. Celle-ci peut ainsi affecter dans une plus large mesure les produits des autres États membres que les produits nationaux.
49. Les requérants ont adhéré, à l’audience et en substance, à cette position ( 30 ).
50. Je partage l’avis du gouvernement français.
51. Bien que la Commission soutienne à juste titre que la possibilité de se faire concurrence par le prix des produits est un outil important à la disposition des opérateurs, il n’en découle pas que toute restriction à cet égard serait automatiquement considérée comme relevant du champ d’application de l’article 34 TFUE. La jurisprudence de la Cour est, à cet égard, nuancée.
52. La Cour a considéré que les règles ayant exclu la liberté des opérateurs d’influencer le prix minimal ( 31 ) ou les prix en général ( 32 ) relevaient de l’interdiction prévue à l’article 34 TFUE. En revanche, dans l’arrêt Etablissements Fr. Colruyt, rendu dans une affaire concernant une disposition interdisant aux détaillants de vendre des produits du tabac à un prix au détail plus bas que le prix indiqué par le fabricant ou l’importateur, la Cour s’est appuyée sur le fait que les importateurs
restaient libres de fixer ce prix pour conclure que la législation en cause échappait à l’article 34 TFUE ( 33 ).
53. Je considère, de la même manière que ce qui a été jugé dans cette affaire, qu’il est également important dans la présente affaire que les opérateurs restent libres de fixer les prix. Ils peuvent ainsi se faire concurrence à ce niveau, en ce sens qu’ils peuvent décider que le prix de leurs produits (sans la moindre promotion) est plus ou moins élevé.
54. En outre, en allant au-delà de la jurisprudence relative aux méthodes de fixation des prix, dans la ligne jurisprudentielle qui inclut les arrêts Ker-Optika, Deutsche Parkinson Vereinigung ou A, la Cour a souligné le problème de l’accès au marché que la mesure nationale en cause (interdisant en principe certains aspects de la commercialisation sur Internet) a rendu particulièrement difficile, voire impossible ( 34 ).
55. Cela ne semble cependant pas être le cas ici.
56. Les requérants ont indiqué à l’audience qu’ils commercialisent des produits biocides dont les substances actives sont des huiles essentielles. Ils ont expliqué que ces produits offrent une alternative aux produits biocides de synthèse chimique traditionnels parce qu’ils ont un impact environnemental moindre. Les requérants ont aussi expliqué qu’ils sont des acteurs minoritaires du marché qui dépendent donc des pratiques commerciales (et de la publicité) qui leur permettent de gagner en
visibilité.
57. Même si j’admets qu’il puisse être plus difficile d’introduire un produit constituant une alternative à un produit traditionnel, il semble qu’il s’agisse d’un problème intrinsèque auquel sont confrontés de la même manière les produits « de substitution » étrangers et les produits nationaux. Je considère que ce qui importe dans la présente affaire est de savoir si l’interdiction en cause entrave de manière significative l’accès de ces produits étrangers, éventuellement de substitution, au marché
français.
58. Je ne pense pas que tel soit le cas.
59. Naturellement, et comme le gouvernement français l’a observé, il ne saurait être exclu que l’interdiction nationale en cause limite le volume des ventes, en France, de produits provenant d’autres États membres, car elle « prive des opérateurs d’une méthode de promotion des ventes » ( 35 ).
60. Néanmoins, ce que je considère pertinent à ce stade est que, si l’interdiction en cause limite certaines méthodes de promotion des ventes, il n’en demeure pas moins que les opérateurs sont toujours libres de fixer le prix « plein » des insecticides et rodenticides, comme je l’ai déjà relevé, et de les commercialiser là où ils le jugent adapté, que ce soit en ligne ou dans des magasins.
61. En d’autres termes, je ne relève rien dans la législation en cause qui permettrait de conclure que l’interdiction des remises, rabais, ristournes, de la différenciation des conditions générales et particulières de vente ou de la remise d’unités gratuites ou toutes pratiques équivalentes prive les opérateurs d’un moyen de commercialisation, ce qui les empêcherait en substance de faire concurrence effectivement aux produits locaux, ou rendrait cette concurrence particulièrement difficile pour eux,
d’une manière qui pourrait être comparée à l’interdiction des ventes par Internet ou à l’imposition de prix fixes ou minimaux.
62. Toutefois, si la Cour ne partage pas cette analyse et conclut que l’interdiction nationale en cause relève de l’article 34 TFUE, je présente ci-après les motifs qui, d’après moi, justifient cette interdiction.
b) L’interdiction en cause est en tout état de cause justifiée
63. Selon une jurisprudence constante, une entrave à la libre circulation des marchandises peut être justifiée par des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE ou par des exigences impératives ( 36 ).
64. La décision de renvoi explique que l’interdiction en cause vise à protéger la santé publique et l’environnement ( 37 ).
65. La première justification correspond aux préoccupations de santé reconnues à l’article 36 TFUE. Comme la Cour l’a jugé à maintes reprises, « la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le traité et qu’il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique ainsi que de la manière dont ce niveau doit être atteint. Celui-ci pouvant varier d’un État membre à l’autre, il convient
de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation » ( 38 ).
66. En ce qui concerne, ensuite, l’environnement, sa protection a été reconnue par la jurisprudence comme une raison impérieuse d’intérêt général ( 39 ).
67. Je relève que, dans la mesure où l’interdiction en cause vise à limiter l’utilisation de produits qui « peuvent [...] faire peser des risques [...] sur les êtres humains, les animaux et l’environnement, en raison de leurs propriétés intrinsèques et des usages qui y sont associés » ( 40 ), ces objectifs peuvent justifier la restriction du commerce que cette interdiction entraîne.
68. Pour que la restriction soit justifiée, elle doit, cependant, respecter le critère de proportionnalité. Cela signifie qu’elle doit être appropriée pour atteindre les objectifs poursuivis et ne doit pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs, c’est-à-dire qu’il n’existe pas des mesures moins attentatoires à la libre circulation des marchandises pour y parvenir ( 41 ).
69. En ce qui concerne son caractère approprié, l’interdiction en cause n’élimine sans doute pas tous les cas d’utilisation inutile des insecticides et des rodenticides (simplement du fait que l’on ne peut pas exclure une utilisation inutile de ces produits achetés à plein tarif). Toutefois, il est possible, à mon avis, d’escompter raisonnablement que l’indisponibilité d’un avantage financier lors de leur achat diminuera ce risque dans une certaine mesure, car elle décourage les achats inutiles (qui
peuvent ensuite engendrer une utilisation inutile).
70. Quant à la nécessité, la Commission a laissé entendre à l’audience, en réponse à la question qui lui a été posée par la Cour, que des moyens moins restrictifs pourraient être employés au moyen de la publicité, ou que les vendeurs pourraient être tenus de fournir des informations sur les risques associés.
71. Je ne suis pas convaincu par ces suggestions.
72. Concernant la première suggestion, la Commission s’oppose dans la partie pertinente de son mémoire à la compatibilité avec le RPB de la mention supplémentaire que le régulateur français a imposée en tant qu’élément obligatoire de toute publicité pour les produits biocides. Cette mention supplémentaire invite, en substance, à examiner les risques et est abordée de manière approfondie dans la partie B de la section IV des présentes conclusions. Je suis d’accord avec la Commission sur le fait que
cette mention supplémentaire est incompatible avec l’harmonisation exhaustive que le RPB a réalisée sur cette question spécifique. Cela étant, fournir des informations supplémentaires sur les risques des produits objet de publicité, dans le cadre de la publicité, ne saurait être considéré comme une alternative moins restrictive à l’interdiction en cause.
73. Concernant la seconde suggestion, je considère que, pour qu’une telle communication d’informations par le vendeur soit utile et aussi efficace que l’absence d’un avantage financier, celle-ci devrait s’appuyer sur un certain niveau d’expertise, à acquérir vraisemblablement au moyen d’une formation. Selon moi, cet élément ne permet pas de considérer que cette option est moins exigeante si les modalités du scénario envisagé apparaissent imprécises ( 42 ).
74. La Commission a elle-même admis que ces alternatives peuvent ne pas être suffisantes pour atteindre les objectifs indiqués et aboutir à des messages contradictoires. En effet, je conviens que la situation dans laquelle un vendeur informe les clients des risques intrinsèques aux produits qu’il offre, tout en proposant un rabais important et en fournissant plusieurs échantillons gratuits d’un insecticide, ne se prête pas à une approche cohérente.
75. Enfin, il pourrait être soutenu qu’un moyen moins onéreux d’éviter une utilisation inutile des produits biocides pourrait consister en une campagne d’information, effectuée conformément à la compétence réservée des États membres prévue à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, du RPB ( 43 ). À cet égard, j’admets qu’il soit assez difficile pour la Cour d’évaluer de manière abstraite la substituabilité éventuelle de deux politiques différentes s’agissant de leurs effets. Selon moi,
l’ambition éducative poursuivie par une campagne d’information publique nécessite, en raison de sa nature, un certain temps pour changer les mentalités et les comportements. À cet égard, je peux comprendre qu’elle puisse ne pas être jugée adaptée pour traiter un problème perçu comme grave. En outre, la perspective d’un avantage financier immédiatement disponible peut simplement surpasser les efforts éducatifs et il n’est donc pas déraisonnable de considérer que la suppression de cet avantage
financier est nécessaire pour que l’objectif indiqué puisse être poursuivi de manière significative.
76. D’ailleurs, il ressort de l’article R. 522‑16‑1 du code de l’environnement que l’interdiction ne s’applique pas lorsque l’insecticide ou le rodenticide concerné est éligible à la procédure d’autorisation simplifiée en vertu de l’article 25 du RPB. Cette procédure concerne, généralement, des produits biocides présentant un risque faible pour la santé publique et l’environnement ( 44 ). Cela prouve, à mon sens, que le régulateur français a cherché à éviter un excès réglementaire qui affecterait
des produits qui ne sont pas considérés comme particulièrement dangereux et serait donc inutile.
77. Dans ces circonstances, et si la Cour conclut, contrairement à ma proposition ci-dessus, que l’interdiction en cause relève de l’article 34 TFUE, je considère que celle-ci est justifiée par l’objectif de protéger la santé et l’environnement, qu’elle est appropriée pour atteindre ces objectifs et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire à cet effet.
B. Les règles nationales sur la publicité
78. Les articles L. 522‑5‑3 et R. 522‑16‑2 du code de l’environnement interdisent la publicité pour quatre catégories de produits biocides lorsque cette publicité vise le grand public. La publicité pour ces produits reste possible lorsqu’elle est destinée aux professionnels, sur le lieu où les produits leur sont distribués et dans des publications qui leur sont destinées. Cependant, la publicité doit ensuite contenir une mention spécifique qui, en substance, invite à examiner si l’utilisation de ces
produits biocides est absolument nécessaire.
79. Ces règles concernent les types de produits 14 et 18 (qui sont également visés par l’interdiction de certaines pratiques commerciales examinée dans la partie A de la section IV des présentes conclusions) et les types de produits 2 ( 45 ) et 4 ( 46 ), deux sous-catégories de désinfectants, qui sont classés, conformément au règlement no 1272/2008 , comme dangereux pour le milieu aquatique, dans la catégorie 1 : « toxicité aiguë de catégorie 1 » (H400) et « toxicité chronique de catégorie 1 »
(H410). Il convient d’ajouter que les règles nationales sur la publicité ne s’appliquent pas si le produit concerné est éligible à la procédure simplifiée en vertu de l’article 25 du RPB qui, comme déjà indiqué, s’applique aux produits présentant un risque faible pour la santé publique et pour l’environnement ( 47 ).
80. De manière similaire à ce qui a été observé ci-dessus ( 48 ), l’appréciation des règles en cause doit commencer par l’examen du degré d’harmonisation atteint par le RPB et il convient de procéder seulement ensuite, si nécessaire, à l’examen des articles 34 et 36 TFUE. À cette fin, j’aborderai tout d’abord l’obligation d’utiliser, dans la publicité destinée aux professionnels, une mention spécifique (1). J’examinerai ensuite l’interdiction de la publicité destinée au grand public (2).
1. L’utilisation obligatoire d’une mention supplémentaire
81. Il découle du paragraphe II de l’article R. 522‑16‑2 du code de l’environnement que les publicités destinées aux professionnels qui concernent les rodenticides, les insecticides et certains désinfectants doivent comporter la mention suivante : « Avant toute utilisation, assurez-vous que celle-ci est indispensable, notamment dans les lieux fréquentés par le grand public. Privilégiez chaque fois que possible les méthodes alternatives et les produits présentant le risque le plus faible pour la
santé humaine et animale et pour l’environnement. »
82. Il ressort également de cette disposition que cette mention est utilisée en plus de celle dont l’utilisation est exigée par l’article 72, paragraphe 1, du RPB selon lequel toute publicité pour des produits biocides comporte les phrases : « Utilisez les produits biocides avec précaution. Avant toute utilisation, lisez l’étiquette et les informations concernant le produit. »
83. Les requérants font valoir, en substance, que l’utilisation d’une mention supplémentaire est contraire à l’article 72 du RPB, car ce dernier réalise une harmonisation exhaustive de la publicité des produits biocides.
84. La Commission adopte une position similaire tandis que les gouvernements français, italien et néerlandais défendent le contraire.
85. Pour déterminer si l’harmonisation réalisée par les dispositions relatives à la publicité du RPB est exhaustive, il convient de les interpréter en tenant compte non seulement des termes de celles-ci, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie ( 49 ).
86. Je relève, pour commencer, que l’article 72 du RPB est la seule disposition de ce règlement liée à la publicité et concerne un aspect assez étroit du contenu de la publicité. Cependant, le fait que le champ d’application matériel des dispositions sur la publicité du RPB est assez limité par rapport à la directive 2001/83/CE (à son régime de publicité exhaustif) ( 50 ), mentionnée par le gouvernement français pour opposer cette dernière au premier, n’exclut pas en soi leur nature exhaustive. Ce
qui compte, selon moi, n’est pas le point de savoir si le champ d’application des dispositions examinées est (comparativement) étroit ou large, mais le niveau de détail que ces dispositions atteignent au sujet de la question spécifique (et potentiellement étroite) qu’elles régissent ( 51 ).
87. L’article 72 du RPB concerne les mentions qui doivent être utilisées ou qui sont, au contraire, interdites dans la publicité des produits biocides.
88. Son premier paragraphe, qui exige l’utilisation des deux phrases susmentionnées, impose que ces phrases « ressortent clairement dans la publicité et [soient] facilement lisibles ». Son deuxième paragraphe permet de remplacer le mot « biocides » dans ces phrases obligatoires « par une référence claire au type de produit visé par la publicité ».
89. Son troisième paragraphe interdit les publicités qui sont « susceptible[s] de tromper l’utilisateur quant aux risques qu’il peut présenter pour la santé humaine, pour la santé animale ou pour l’environnement ou quant à son efficacité » et dresse également la liste des expressions dont l’utilisation est « [e]n tout état de cause » interdite ( 52 ).
90. Dans ce contexte, les règles de l’article 72 du RPB semblent être relativement détaillées concernant les mentions relatives aux risques associés à l’utilisation des produits biocides. Dans cette mesure spécifique, celles‑ci semblent comparables aux règles exhaustives sur la publicité de la directive 2001/83 ( 53 ) mentionnées par le gouvernement français, si ce n’est qu’elles sont plus détaillées que ces dernières. En effet, l’article 87, paragraphe 3, de cette directive prévoit que la publicité
d’un médicament doit favoriser l’usage rationnel du médicament, en le présentant de façon objective et sans en exagérer les propriétés. La règle prévue à l’article 72 du RPB est similaire mais est, en fait, plus détaillée en ce sens que celle-ci prévoit une mention spécifique qui doit être intégrée dans la publicité sur l’utilisation sûre du produit et renvoie l’utilisateur à l’étiquette et à la notice d’information du produit. Cette règle est également plus détaillée s’agissant de l’indication
des déclarations qui sont interdites du fait qu’elles peuvent être trompeuses.
91. Il est vrai que la mention supplémentaire exigée par les règles nationales en cause semble poursuivre le même objectif que l’article 72 du RPB en ce sens que celle-ci protège la santé publique et l’environnement. Ainsi, il ne semble pas qu’il y ait le moindre conflit. Cela, cependant, n’affecte pas mon analyse antérieure car, pour ce qui est de la question du contenu de la publicité relatif à la sécurité, l’article 72 de ce règlement montre que le législateur de l’Union a recherché un équilibre
spécifique entre les différents éléments en jeu qui, dans la présente affaire, sont l’« amélioration du fonctionnement du marché intérieur », en assurant parallèlement « un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement » ( 54 ). Je considère que les dispositions nationales en cause rompent cet équilibre en imposant une exigence réglementaire additionnelle.
92. Dans ces circonstances, je considère que le secteur de la publicité a été « préempté » par le législateur de l’Union en ce qui concerne les mentions liées aux risques des produits biocides faisant l’objet de publicités.
2. Interdiction de la publicité visant le grand public
a) Champ d’application des règles harmonisées
93. Ma conclusion quant à l’harmonisation exhaustive des règles prévues à l’article 72 du RPB ne signifie pas, cependant, que tous les aspects de la publicité des produits biocides ont été harmonisés par ce dernier instrument, y compris la question de savoir si les États membres demeurent compétents pour interdire certains types de publicités.
94. Sur ce dernier aspect, le libellé de cette disposition – fixant les mentions obligatoires et les mentions interdites concernant l’utilisation sûre des produits biocides et les risques que ceux-ci présentent – ne permet pas de conclure, selon moi, que la compétence des États membres de décider d’interdire la publicité a été écartée.
95. Il est vrai qu’il est possible de soutenir que l’existence de cette disposition spécifique sur les mentions obligatoires et les mentions interdites dans la publicité des produits biocides implique que le législateur de l’Union a souhaité que la publicité de ces produits soit possible et qu’une législation nationale interdisant certains aspects de la publicité entrave l’effet utile de l’article 72 du RPB car, en l’absence de toute publicité, cette disposition devient sans objet.
96. En ce qui concerne le cadre normatif, je rappelle encore que l’article 72 du RPB est la seule disposition de ce règlement qui traite de ce sujet ( 55 ).
97. L’inclusion du seul article 72 dans le RPB contraste avec le choix opéré dans la directive 2001/83, dont le titre VIII est expressément consacré à la publicité et contient plusieurs dispositions (les articles 86 à 100) décrivant en détail les situations dans lesquelles les États membres doivent ou peuvent interdire la publicité des médicaments à usage humain ou quand la publicité peut être autorisée ( 56 ).
98. Dans une moindre mesure, la brièveté du RPB sur ce sujet diffère également de l’article 66 du règlement (CE) no 1107/2009 ( 57 ), qui prévoit la faculté pour les États membres de limiter la publicité dans certains médias et contient des dispositions sur des éléments obligatoires ou interdits d’une publicité, comme l’interdiction de la « représentation visuelle de pratiques potentiellement dangereuses telles que le mélange ou l’application sans vêtements de protection suffisants, l’utilisation à
proximité des denrées alimentaires, ou l’utilisation par des enfants ou à proximité de ceux-ci ».
99. Dans ces circonstances, je considère que, si le législateur de l’Union avait souhaité exclure la compétence des États membres d’interdire certains types de publicités, celui-ci aurait conçu des règles plus équilibrées. Mon avis sur cette question est encore renforcé par l’existence, dans le RPB, de dispositions dérogatoires concernant les produits qui ne remplissent pas les conditions d’autorisation ou qui portent sur l’utilisation de nouvelles substances actives ( 58 ) ou par l’attention
demandée par le législateur de l’Union à l’égard de la protection de groupes vulnérables, tels que les femmes enceintes et les enfants ( 59 ).
100. Par conséquent, à la lumière de ce qui précède, je conclus que le RPB n’exclut pas l’interdiction en cause. De manière similaire à ce qui a été observé ci‑dessus ( 60 ), cette interdiction doit néanmoins respecter les limites qui découlent des articles 34 et 36 TFUE.
b) Limites découlant des articles 34 et 36 TFUE
101. L’interdiction de la publicité en cause doit être, selon moi, considérée comme une « modalité de vente ». Effectivement, cette interdiction ne concerne pas les exigences applicables aux produits en cause et je relève que la Cour a déclaré à maintes reprises que des restrictions affectant les possibilités des opérateurs de faire de la publicité relevaient de cette catégorie ( 61 ).
102. En référence aux conditions soulignées dans la section précédente, qui doivent être satisfaites afin que l’interdiction en cause échappe au champ d’application de l’article 34 TFUE ( 62 ), je relève que celles-ci s’appliquent à tous les opérateurs actifs sur le marché concerné sans discrimination fondée sur la nationalité.
103. L’appréciation de la question de savoir si ces conditions affectent les produits originaires d’autres États membres dans une mesure plus large que les produits nationaux semble plus complexe.
104. La Cour a considéré que des règles nationales obligeant des opérateurs à modifier la forme ou le contenu d’une campagne de publicité relevaient de l’article 34 TFUE ( 63 ).
105. Cependant, la présente affaire concerne non pas la nécessité de modifier le contenu d’une campagne promotionnelle, mais l’impossibilité totale d’effectuer toute campagne à l’attention du grand public en ce qui concerne les quatre catégories de produits biocides.
106. Bien que la Cour ait reconnu à maintes reprises que certaines interdictions de publicités peuvent limiter le nombre des ventes, elle a également considéré que plusieurs d’entre elles échappaient au champ d’application de l’article 34 TFUE.
107. Tel était le cas des règles nationales qui, respectivement, excluaient le secteur de la distribution de la publicité télévisée ( 64 ), interdisaient aux pharmaciens de faire la publicité, en dehors de leur pharmacie, de produits parapharmaceutiques ( 65 ), ou encore interdisaient à une pharmacie vendant par correspondance d’organiser une campagne publicitaire sous la forme d’un jeu‑concours ( 66 ).
108. Il est vrai, cependant, que la Cour a déclaré dans ses arrêts De Agostini et Gourmet International Products qu’il ne saurait être exclu qu’une interdiction totale ait un impact plus important sur les produits en provenance d’autres États membres ( 67 ). Le raisonnement de la Cour a semblé néanmoins suggérer que l’existence (éventuelle) d’une restriction relevant de l’article 34 TFUE découlait d’une difficulté spécifique à laquelle un opérateur a été confronté pour entrer sur le marché national.
Dans l’arrêt De Agostini, dans une affaire portant sur une interdiction de la publicité télévisée destinée aux enfants de moins de douze ans et sur une publicité trompeuse, la qualification de cette mesure a été laissée ouverte, la Cour ayant indiqué que la déclaration de De Agostini sur la publicité télévisée était « la seule forme de promotion efficace qui lui permettait de pénétrer le marché suédois » ( 68 ).
109. De la même manière, dans l’arrêt Gourmet International Products, la conclusion de la Cour aux termes de laquelle l’interdiction suédoise de la publicité des boissons alcooliques constitue un obstacle au commerce était liée à la constatation que la consommation de ces boissons était « liée à des pratiques sociales traditionnelles ainsi qu’à des habitudes et des usages locaux » ( 69 ). Le fait que des publications contenant des annonces publicitaires pouvaient être distribuées sur les lieux de
vente n’a pas affecté cette conclusion car, dans la présente affaire, « la société par actions entièrement détenue par l’État suédois, qui dét[enait] le monopole de la vente au détail en Suède, ne diffus[ait] en réalité dans ses points de vente que son propre magazine » ( 70 ).
110. Enfin, dans l’arrêt Deutsche Parkinson Vereinigung, la conclusion de la Cour quant aux effets restrictifs d’une interdiction de vente par correspondance était fondée sur la constatation que cette méthode de vente constituait, pour les pharmacies vendant par correspondance, un moyen plus important, si ce n’est potentiellement le seul moyen, d’accéder au marché national concerné ( 71 ).
111. Les faits de la présente affaire, tels que présentés dans l’ordonnance de renvoi, n’attestent pas d’une difficulté initiale de cette sorte, à laquelle les requérants auraient été confrontés lors de l’introduction sur le marché français de produits provenant d’autres États membres.
112. Bien que l’interdiction en cause soit susceptible d’affecter le nombre de ventes, je relève que celle-ci n’interdit pas toute publicité.
113. La publicité destinée aux utilisateurs professionnels restant possible, les opérateurs disposent d’un canal de commercialisation.
114. Il ne semble pas non plus, contrairement aux faits de l’arrêt rendu dans l’affaire Gourmet International Products, que tout modèle de marché préexistant, tel qu’un contrôle des lieux de distribution par une entité monopolistique, rendrait illusoire la possibilité d’atteindre les utilisateurs professionnels.
115. Enfin, contrairement aux faits de l’affaire cités ci-dessus, les produits biocides ne semblent pas comparables aux boissons alcoolisées avec lesquelles les utilisateurs locaux peuvent avoir un lien social traditionnel spécifique.
116. Dans ces circonstances, je conclus que l’interdiction de la publicité des produits biocides sélectionnés, destinés au grand public, ne constitue pas une restriction au commerce relevant du champ d’application de l’article 34 TFUE.
117. Cependant, si la Cour ne devait pas partager cette analyse et conclure que l’interdiction en cause représente une restriction au commerce, je présente ci-après les raisons qui, selon moi, la justifient.
118. En référence à mon analyse menée dans la partie précédente des présentes conclusions ( 72 ), je relève que l’interdiction en cause peut être justifiée par l’objectif de protéger la santé publique et l’environnement dans la mesure où celle-ci vise à limiter l’utilisation de produits qui « peuvent [...] faire peser des risques divers sur les êtres humains, les animaux et l’environnement, en raison de leurs propriétés intrinsèques et des usages qui y sont associés » ( 73 ).En outre, le
gouvernement français a mentionné la mauvaise utilisation des insecticides, notamment dans les résidences privées, le danger que représente l’intoxication des autres espèces causée par une utilisation impropre des rodenticides et les risques que pose la pollution des eaux, résultant de l’utilisation des insecticides en cause, pour certaines espèces.
119. L’interdiction de la publicité destinée au grand public semble également appropriée pour atteindre les objectifs susmentionnés, car elle peut empêcher des messages promotionnels qui peuvent susciter une utilisation accrue de produits biocides particulièrement préoccupants identifiés par le régulateur national.
120. En ce qui concerne son caractère nécessaire, j’observe que l’interdiction en cause concerne seulement la publicité destinée aux utilisateurs privés par opposition aux professionnels, ce qui semble cohérent avec l’objectif de limiter l’utilisation impropre des produits en cause.
121. S’agissant des alternatives possibles abordées aux points 70 à 75 des présentes conclusions, celles-ci présentent également, mutatis mutandis, selon moi, les mêmes points faibles dans la présente section. Enfin, et comme je l’ai observé en ce qui concerne l’interdiction des rabais et des procédés similaires, la publicité destinée au grand public demeure autorisée pour tous les produits autrement concernés par l’interdiction lorsqu’ils présentent un risque faible, c’est‑à-dire lorsqu’ils sont
éligibles à la procédure d’autorisation simplifiée au titre de l’article 25 du RPB ( 74 ). Cela prouve, ainsi que je l’ai déjà observé, que le régulateur national a cherché à limiter la portée excessive de l’interdiction en cause.
122. Dans ces circonstances, et si la Cour conclut, contrairement à ma proposition ci-dessus, que l’interdiction en cause constitue une restriction commerciale relevant de l’article 34 TFUE, je considère que cette interdiction est justifiée par l’objectif de protéger la santé publique et l’environnement, qu’elle est appropriée pour atteindre ces objectifs, et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.
V. Conclusion
123. Compte tenu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre au Conseil d’État (France) comme suit :
Ni le règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, ni l’article 34 TFUE ne s’opposent à des dispositions nationales, telles que celles que prévoient les articles L. 522‑18 et R. 522‑16‑1 du code de l’environnement, qui interdisent, en lien avec la vente des produits biocides des types 14 et 18 tels que définis dans l’annexe V de ce règlement, les remises, les rabais, les
ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente, la remise d’unités gratuites ou toutes pratiques équivalentes.
L’article 72 du règlement no 528/2012 s’oppose à des règles nationales telles que celles prévues par les articles L. 522‑5‑3 et R. 522‑16‑2 du code de l’environnement, exigeant l’utilisation d’une mention supplémentaire dans une publicité destinée aux utilisateurs professionnels des produits biocides des types 14 et 18, tels que définis à l’annexe V de ce règlement, ainsi que des types 2 et 4 définis dans cette annexe et classés, conformément au règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen
et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006, comme dangereux pour le milieu aquatique, dans la catégorie 1 : « toxicité aiguë de catégorie 1 » (H400) et « toxicité chronique de catégorie 1 » (H410).
Ni le règlement no 528/2012 ni l’article 34 TFUE ne s’opposent aux articles L. 522‑5‑3 et R. 522‑16‑2 du code de l’environnement, qui interdisent la publicité des produits biocides, appartenant aux mêmes catégories, destinés au grand public.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1, ci-après le « RPB »).
( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1).
( 4 ) Inséré par l’article 76 de la loi no 2018/938 du 30 octobre 2018, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ci-après la « loi du 30 octobre 2018 »).
( 5 ) Inséré par la loi du 30 octobre 2018.
( 6 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1).
( 7 ) Bien que les questions posées portent sur les articles L. 522‑18 et L. 522‑5‑3 du code de l’environnement seulement, la procédure au principal concerne la légalité des décrets contestés qui ont introduit dans le code de l’environnement les articles R. 522‑16‑1 et R. 522‑16‑2. Il ressort de la décision de renvoi que l’article R. 522‑16‑1 précise l’article L. 522‑18, tandis que l’article R. 522‑16‑2 précise l’article L. 522‑5‑3. Ces deux ensembles de dispositions forment donc deux ensembles
réglementaires qui ont été examinés comme tels par les parties. Par conséquent, j’examinerai la question posée comme concernant non seulement les dispositions législatives expressément mentionnées, mais également les articles R. 522.16‑1 et R. 522.16‑2 du code de l’environnement.
( 8 ) Selon une jurisprudence constante, « lorsqu’un domaine a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive au sein de l’Union, toute mesure nationale y relative doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation et non pas de celles du droit primaire ». Arrêt du 24 février 2022, Viva Telecom Bulgaria (C‑257/20, EU:C:2022:125, point 45 et jurisprudence citée).
( 9 ) Arrêt du 19 janvier 2017, Queisser Pharma (C‑282/15, EU:C:2017:26, point 39 et jurisprudence citée).
( 10 ) La décision de renvoi révèle que des arguments ont été soulevés par les requérants dans la procédure au principal concernant la directive sur le commerce électronique. Je me limiterai à noter que, du fait que cette directive repose sur le principe du « pays d’origine », celle-ci n’est pas pertinente dans la présente affaire étant donné que toutes les parties requérantes semblent être des sociétés françaises. Voir, à cet effet, arrêt du 11 septembre 2014, Papasavvas (C‑291/13, EU:C:2014:2209,
points 34 et 35).
( 11 ) Voir, par exemple, conclusions de l’avocat général Wahl sur l’avis 3/15, Traité de Marrakech sur l’accès aux œuvres publiées (EU:C:2016:657, point 71).
( 12 ) Voir également considérant 3 du RPB et arrêt du 14 octobre 2021, Biofa (C‑29/20, EU:C:2021:843, point 35 et jurisprudence citée).
( 13 ) Voir, à cet effet, conclusions des avocats généraux Bobek, dans l’affaire Lietuvos Respublikos Seimas (C‑2/18, EU:C:2019:180, points 27 à 29), et Mengozzi, dans l’affaire Monsanto Technology (C‑428/08, EU:C:2010:128, point 47).
( 14 ) Voir article 17, paragraphe 1 et paragraphe 5, premier alinéa, ou article 22, paragraphe 1, du RPB.
( 15 ) L’article 72 du RPB sera examiné dans la partie B des présentes conclusions, car celui-ci est directement pertinent pour la règle nationale en cause concernant la publicité.
( 16 ) Voir article 1er du règlement no 1272/2008.
( 17 ) Considérant 10 du règlement no 1272/2008.
( 18 ) Considérant 51 du règlement no 1272/2008.
( 19 ) Voir article 3, paragraphe 1, sous f), article 5, paragraphes 1 et 3, article 10, paragraphe 1, sous b), et article 28, paragraphe 2, sous a), du RPB concernant la question des substances actives et son article 19, paragraphe 4, sous b), concernant l’autorisation des produits biocides.
( 20 ) Voir article 48 du règlement no 1272/2008 sur la publicité et ses titres III à V concernant l’étiquetage et l’emballage.
( 21 ) Voir article 2, paragraphe 3, sous m), du RPB.
( 22 ) Document de travail des services de la Commission accompagnant le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre du règlement no 528/2012, SWD(2021) 128 final, points 59 à 61.
( 23 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (JO 2009, L 309, p. 71, ci-après la « directive sur l’utilisation durable des pesticides »).
( 24 ) Document de travail des services de la Commission cité à la note en bas de page 22 des présentes conclusions, p. 59. L’article 18 du RPB envisage « si nécessaire » la présentation par la Commission d’une proposition concernant les mesures orientées vers l’utilisation durable des produits biocides.
( 25 ) Voir mes observations dans la note en bas de page 10 des présentes conclusions.
( 26 ) Voir, par exemple, arrêt du 15 juillet 2021, DocMorris (C‑190/20, ci-après l’« arrêt DocMorris », EU:C:2021:609, point 33 et jurisprudence citée).
( 27 ) Arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville (8/74, EU:C:1974:82, point 5). Pour une déclaration plus récente, voir, par exemple, arrêt DocMorris, point 34.
( 28 ) Arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C‑267/91 et C‑268/91, ci-après l’« arrêt Keck et Mithouard », EU:C:1993:905, point 16). Bien que le statut de ce critère ait été discuté, son importance a été confirmée, par exemple, dans l’arrêt DocMorris, point 35. Pour la discussion, voir, par exemple, Schütze, R., « Of Types et Tests : Towards a Unitary Doctrinal Framework for Article 34 TFEU ? », European Law Review, vol. 41(6), 2016, p. 826 ; Lianos, I., « In Memoriam Keck : The Reformation
of the Union Law on the Free Movement of Goods », European Law Review, vol. 40(2), 2015, p. 225, et Purnhagen, K. P., « Keck Is Dead, Long Live Keck ? How the Court of Justice Tries to Avoid a Sunday Trading Saga 2.0 », Liber Amicorum L. W. Gormley, 2019, p. 176.
( 29 ) Voir, par exemple, arrêts du 21 septembre 2016, Etablissements Fr. Colruyt (C‑221/15, ci-après l’« arrêt Etablissements Fr. Colruyt », EU:C:2016:704, point 37 et jurisprudence citée) ; du 25 mars 2004, Karner (C‑71/02, ci-après l’« arrêt Karner », EU:C:2004:181, point 38 et jurisprudence citée), et du 2 décembre 2010, Ker-Optika (C‑108/09, ci-après l’« arrêt Ker‑Optika », EU:C:2010:725, point 45).
( 30 ) Ceux-ci y ont adhéré à titre subsidiaire et en réponse à la question posée par la Cour, leur principal argument étant que l’interdiction viole le RPB.
( 31 ) Arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, point 32).
( 32 ) Arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung (C‑148/15, ci-après l’« arrêt Deutsche Parkinson Vereinigung », EU:C:2016:776, point 26).
( 33 ) Arrêt Etablissements Fr. Colruyt, points 38 à 40.
( 34 ) Respectivement, arrêts Ker-Optika, point 54 ; Deutsche Parkinson Vereinigung, point 25 ; et arrêt du 1er octobre 2020, A (publicité et vente de produits médicaux en ligne) (C‑649/18, EU:C:2020:764, point 76). Dans ce dernier arrêt, la Cour a analysé la mesure en cause à la lumière de la directive sur le commerce électronique. En revanche, l’avocat général Saugmandsgaard Øe l’a examinée à la lumière des articles 34 et 36 TFUE ; voir ses conclusions dans l’affaire A (publicité et vente de
produits médicaux en ligne) (C‑649/18, ci-après les « conclusions dans l’affaire A », EU:C:2020:134, points 44 à 49 et 69 et suiv.). Voir également arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband (C‑322/01, EU:C:2003:664, points 74 à 76).
( 35 ) Ainsi que la Cour l’a déclaré à l’égard de l’interdiction de la revente à perte dans l’arrêt Keck et Mithouard, point 13.
( 36 ) Arrêt Ker-Optika, point 57 et jurisprudence citée.
( 37 ) Je rappelle que l’article L. 522‑18 du code de l’environnement dispose qu’« [u]n décret en Conseil d’État précise les catégories de produits concernés en fonction des risques pour la santé humaine et pour l’environnement ».
( 38 ) Deutsche Parkinson Vereinigung, point 30 et jurisprudence citée.
( 39 ) Voir, par exemple, arrêt du 6 octobre 2015, Capoda Import-Export (C‑354/14, EU:C:2015:658, point 43 et jurisprudence citée).
( 40 ) Considérant 1 du RPB.
( 41 ) Voir, par exemple, arrêt Ker-Optika, point 65.
( 42 ) Voir, à titre de comparaison, règles sur la formation de « tous les utilisateurs professionnels, les distributeurs et les conseillers » à l’article 5 de la directive sur l’utilisation durable des pesticides.
( 43 ) Voir point 34 des présentes conclusions.
( 44 ) Voir considérants 29 et 30 du RPB.
( 45 ) Comme le prévoit l’annexe V, ce type de produits concerne les « [d]ésinfectants et produits algicides non destinés à l’application directe sur des êtres humains ou des animaux ».
( 46 ) Comme le prévoit l’annexe V, ce type de produit concerne les « [s]urfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux ».
( 47 ) Voir point 76 des présentes conclusions et article R. 522‑16‑2 (III) du code de l’environnement.
( 48 ) Voir point 19 des présentes conclusions.
( 49 ) Voir, à cet effet, par exemple, arrêt du 16 juillet 2015, UNIC et Uni.co.pel (C‑95/14, EU:C:2015:492, point 35 et jurisprudence citée).
( 50 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67). Pour la confirmation de la nature exhaustive des règles sur la publicité figurant dans cette directive, voir arrêt du 8 novembre 2007, Gintec (C‑374/05, EU:C:2007:654, points 33 et 34).
( 51 ) Voir également point 26 des présentes conclusions.
( 52 ) Ces expressions sont : « produit biocide à faible risque », « non toxique », « ne nuit pas à la santé », « naturel », « respectueux de l’environnement », « respectueux des animaux ».
( 53 ) Voir note en bas de page 50 des présentes conclusions.
( 54 ) Voir article 1er, paragraphe 1, du RPB.
( 55 ) L’article 48 du règlement no 1272/2008, inclus dans le titre VII (« Dispositions communes et finales »), prévoit, avec le considérant 67 de ce règlement, des règles similairement concises sur la publicité.
( 56 ) Voir article 87, paragraphe 1, et article 88, paragraphes 1, 2 et 3 de la directive 2001/83.
( 57 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1).
( 58 ) Voir article 55 du RPB.
( 59 ) Considérant 3 du RPB.
( 60 ) Voir point 19 des présentes conclusions.
( 61 ) Voir, par exemple, arrêt DocMorris, point 37 ; et arrêt du 9 février 1995, Leclerc-Siplec (C‑412/93, ci-après l’« arrêt Leclerc‑Siplec », EU:C:1995:26, point 22). Voir également conclusions dans l’affaire A, point 71.
( 62 ) Voir points 42 et suiv. des présentes conclusions.
( 63 ) Arrêt du 12 décembre 1990, SARPP (C‑241/89, EU:C:1990:459, points 29 et 30) (antérieur à l’arrêt Keck et Mithouard). Voir également arrêt du 15 juillet 2004, Douwe Egberts (C‑239/02, EU:C:2004:445, point 52 et jurisprudence citée).
( 64 ) Arrêt Leclerc-Siplec, points 20 à 24.
( 65 ) Arrêt du 15 décembre 1993, Hünermund e.a. (C‑292/92, EU:C:1993:932, points 22 à 24).
( 66 ) Arrêt DocMorris, points 39 à 45. Voir également, dans un cadre factuel différent, arrêt Karner, points 42 et 43.
( 67 ) Arrêts du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop (C‑34/95 à C‑36/95, EU:C:1997:344, point 42), et du 8 mars 2001, Gourmet International Products (C‑405/98, ci-après l’« arrêt Gourmet International Products », EU:C:2001:135, point 19).
( 68 ) Arrêt du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop (C‑34/95 à C‑36/95, EU:C:1997:344, points 43 et 44).
( 69 ) Arrêt Gourmet International Products, point 21.
( 70 ) Arrêt Gourmet International Products, point 23.
( 71 ) Arrêt Deutsche Parkinson Vereinigung, point 25.
( 72 ) Voir points 63 et suiv. des présentes conclusions.
( 73 ) Considérant 1 du RPB et point 67 des présentes conclusions.
( 74 ) Voir point 76 des présentes conclusions.