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24/02/2022 | CJUE | N°C-110/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Universität Bremen contre Agence exécutive européenne pour la recherche., 24/02/2022, C-110/21


Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 24 février 2022 (1)

Affaire C‑110/21 P

Universität Bremen

contre

Agence exécutive européenne pour la recherche (REA)

[« Pourvoi – Article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Représentation des parties requérantes non privilégiées dans les recours directs – Liens entre le représentant en justice et la partie représentée qui portent manifestement atteinte à la capacité d

e ce représentant de représenter cette partie devant les juridictions de l’Union – Représentation par un professeur – Professeur au sein...

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 24 février 2022 (1)

Affaire C‑110/21 P

Universität Bremen

contre

Agence exécutive européenne pour la recherche (REA)

[« Pourvoi – Article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Représentation des parties requérantes non privilégiées dans les recours directs – Liens entre le représentant en justice et la partie représentée qui portent manifestement atteinte à la capacité de ce représentant de représenter cette partie devant les juridictions de l’Union – Représentation par un professeur – Professeur au sein de l’université requérante qui a été impliqué dans l’affaire faisant l’objet du litige –
Possibilité de régulariser un vice affectant la représentation en justice – Droit d’accès à un tribunal – Limitations »]

I.      Introduction

1.        L’Universität Bremen (ci-après l’« université de Brême », Brême, Allemagne) a demandé, devant le Tribunal, l’annulation d’une décision par laquelle l’Agence exécutive européenne pour la recherche (ci-après la « REA ») a rejeté sa demande de financement d’un projet. Le Tribunal a rejeté son recours comme irrecevable, après avoir constaté que le représentant de cette université, professeur à l’université de Brême chargé de responsabilités spécifiques en ce qui concerne la réalisation du
projet en cause, ne satisfaisait pas au devoir d’indépendance exigé des représentants en justice des parties requérantes non privilégiées (2).

2.        Dans le cadre du présent pourvoi, l’université de Brême demande l’annulation de la décision du Tribunal, en faisant valoir que celui-ci a commis une erreur de droit en appliquant le devoir d’indépendance à son représentant et, en tout état de cause, en ne lui permettant pas de désigner un autre représentant.

3.        La question de l’indépendance des représentants en justice dans les procédures devant la Cour ou le Tribunal n’est pas nouvelle. Le devoir d’indépendance a été développé dans la jurisprudence des juridictions de l’Union comme applicable aux avocats comparaissant devant celles-ci. Dans ce contexte, la Cour a récemment précisé, en substance, que le devoir d’indépendance incombant à l’avocat s’entend comme l’absence de liens avec la partie représentée qui portent manifestement atteinte à sa
capacité à servir au mieux les intérêts de la partie requérante (3).

4.        Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal a appliqué le devoir d’indépendance à un professeur. Selon une lecture étroite, la présente affaire porte sur la question de savoir si un professeur peut représenter son université devant les juridictions de l’Union, notamment lorsqu’il a été impliqué en tant que coordinateur et chef du projet scientifique qui a été refusé par la REA. Dans une perspective plus large, la présente affaire invite la Cour à préciser, une nouvelle fois, les contraintes
liées à la représentation obligatoire des parties requérantes non privilégiées devant les juridictions de l’Union.

II.    Le cadre juridique

5.        L’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« Les États membres ainsi que les institutions de l’Union sont représentés devant la Cour de justice par un agent nommé pour chaque affaire ; l’agent peut être assisté d’un conseil ou d’un avocat.

[...]

Les autres parties doivent être représentées par un avocat.

Seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut représenter ou assister une partie devant la Cour.

[....]

La Cour jouit à l’égard des conseils et avocats qui se présentent devant elle des pouvoirs normalement reconnus en la matière aux cours et tribunaux, dans les conditions qui seront déterminées par le même règlement.

Les professeurs ressortissants des États membres dont la législation leur reconnaît un droit de plaider jouissent devant la Cour des droits reconnus aux avocats par le présent article. »

6.        Aux termes de l’article 21, deuxième alinéa, du statut, « [la requête] doit être accompagnée, s’il y a lieu, de l’acte dont l’annulation est demandée ou, dans l’hypothèse visée à l’article 265 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’une pièce justifiant de la date de l’invitation prévue audit article. Si ces pièces n’ont pas été jointes à la requête, le greffier invite l’intéressé à en effectuer la production dans un délai raisonnable, sans qu’aucune forclusion puisse être
opposée au cas où la régularisation interviendrait après l’expiration du délai de recours ».

7.        Aux termes de l’article 53 du statut, « [l]a procédure devant le Tribunal est régie par le titre III […] ». Ce titre inclut l’article 19 du statut.

8.        L’article 51 du règlement de procédure du Tribunal concerne l’« Obligation de représentation » et dispose :

« 1.       Les parties doivent être représentées par un agent ou un avocat dans les conditions prévues à l’article 19 du statut.

2.       L’avocat représentant ou assistant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE.

3.       Les avocats sont tenus, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe un mandat délivré par cette dernière.

4.       Si les documents visés aux paragraphes 2 et 3 ne sont pas déposés, le greffier fixe à la partie concernée un délai raisonnable pour les produire. À défaut de cette production dans le délai imparti, le Tribunal décide si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête ou du mémoire. »

9.        La section 2 du chapitre premier du titre III du règlement de procédure du Tribunal traite « Des droits et obligations des représentants des parties ». Cette section contient les articles 52 à 56.

10.      L’article 55 de ce règlement de procédure concerne l’« Exclusion de la procédure ». Il se lit comme suit :

« 1.       Si le Tribunal estime que le comportement d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat devant le Tribunal, le président, un juge ou le greffier est incompatible avec la dignité du Tribunal ou avec les exigences d’une bonne administration de la justice, ou que cet agent, ce conseil ou cet avocat use des droits qu’il tient de ses fonctions à des fins autres que celles pour lesquelles ces droits lui sont reconnus, il en informe l’intéressé. Le Tribunal peut en informer les autorités compétentes
dont relève l’intéressé. Une copie de la lettre adressée à ces autorités est transmise à ce dernier.

2.       Pour les mêmes motifs, le Tribunal peut à tout moment, après avoir entendu l’intéressé, décider d’exclure de la procédure un agent, un conseil ou un avocat par voie d’ordonnance motivée. Cet arrêté produit ses effets immédiats.

3.       Lorsqu’un agent, un conseil ou un avocat se trouve exclu de la procédure, celle-ci est suspendue jusqu’à l’expiration du délai fixé par le président pour permettre à la partie intéressée de désigner un autre agent, conseil ou avocat.

4.       Les décisions prises en exécution des dispositions du présent article peuvent être rapportées. »

11.      L’article 56 du règlement de procédure du Tribunal rend les dispositions de la section 2 du chapitre premier du titre III applicables « aux professeurs visés à l’article 19, septième alinéa, du statut ».

III. L’ordonnance attaquée

12.      Le 25 septembre 2019, l’université de Brême a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision Ares(2019) 4590599 de la REA, du 16 juillet 2019, rejetant sa proposition de projet présentée dans le cadre de l’appel à propositions « H2020 SC6‑Governance‑2019 » (ci-après la « décision litigieuse »).

13.      La REA a soulevé une exception d’irrecevabilité en faisant valoir, en substance, que le représentant de la requérante n’était pas un tiers indépendant, étant donné qu’il était employé à l’université de Brême en qualité de professeur. Selon la REA, il était évident que le représentant n’était pas suffisamment détaché du litige étant donné qu’il avait préparé et présenté la demande de financement en cause, qu’il allait être le coordinateur et le chef du projet en cause et que, dans ce
contexte, il allait également se voir confier des tâches essentielles.

14.      L’université de Brême a fait valoir que son représentant n’avait aucun intérêt économique personnel dans l’affaire et qu’il n’existait aucun lien de subordination entre celui-ci et l’université. La requérante a également expliqué que la représentation assurée par son représentant était exercée par ce dernier en tant qu’activité accessoire. En outre, selon l’université de Brême, rien ne permettait de considérer que le lien entre l’université et son représentant avait porté manifestement
atteinte à sa capacité de la représenter. Le fait que le représentant en justice était le coordinateur du projet en cause indiquait simplement qu’il avait le même intérêt scientifique dans le projet que la requérante. L’université de Brême soutient que, même si son représentant n’était pas autorisé à la représenter, une constatation de l’irrecevabilité de son recours en tant que conséquence directe était incompatible avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
(ci-après la « Charte »).

15.      Par application de l’article 126 de son règlement de procédure, le Tribunal a accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée par la REA et a rejeté le recours comme manifestement irrecevable en raison du non‑respect de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut, ainsi que de l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure. Il a également condamné l’université de Brême à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la REA.

16.      Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rappelé la jurisprudence relative aux conditions dans lesquelles les avocats peuvent représenter des parties non privilégiées devant les juridictions de l’Union. Par renvoi à cette jurisprudence, il s’est référé au devoir d’indépendance, implicite dans la notion autonome d’« avocat » au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut, ce devoir étant déterminé non seulement de manière positive (par une référence à la discipline professionnelle),
mais également de manière négative (par l’absence d’un rapport d’emploi). Elle a également réitéré les différents cas de figure dans lesquels la représentation d’une personne morale devant ces juridictions avait été jugée irrecevable en raison des compétences administratives et financières importantes exercées par le représentant au sein de la partie représentée (4).

17.      En l’occurrence, le Tribunal a relevé que, outre le fait d’être employé par la requérante, dans le cadre d’un lien statutaire de droit public, le représentant de l’université de Brême a préparé et présenté la demande de financement en cause, était le coordinateur et le chef du projet connexe, et avait pour mission d’assumer les tâches essentielles dans le cadre dudit projet. Le Tribunal en a conclu qu’il avait un lien personnel étroit avec l’affaire et un intérêt direct à la solution qui y
serait apportée, compromettant ainsi sa capacité à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de la justice, l’assistance légale dont le client a besoin (5). Le Tribunal a ajouté que les fonctions importantes exercées par le représentant au sein de l’université de Brême étaient de nature à compromettre sa qualité de tiers indépendant et constituaient des liens portant manifestement atteinte à la capacité de ce représentant de représenter la requérante (6).

18.      Quant à l’argument selon lequel l’université de Brême aurait dû avoir la possibilité de régulariser le vice affectant sa représentation, le Tribunal a précisé qu’un tel vice ne figure pas parmi ceux susceptibles d’être régularisés (7).

IV.    La procédure devant la Cour

19.      Par le présent pourvoi, l’université de Brême demande à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur le fond, de constater que la représentation par le professeur en cause est valable et, à titre subsidiaire, de conclure que l’université de Brême est en droit de poursuivre la procédure avec un avocat satisfaisant aux conditions de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut. Par ailleurs, la requérante demande à la Cour
de réserver la décision sur les dépens et fait valoir, en substance, qu’elle ne devrait pas supporter les dépens ou, à tout le moins, ceux exposés par la REA jusqu’au présent stade de la procédure. De plus, la requérante soutient que la somme qu’elle a versée à la REA en ce qui concerne la procédure devant le Tribunal devrait lui être restituée. L’université de Brême demande également à la Cour d’œuvrer à une transaction entre les parties.

20.      Dans son mémoire en défense, la REA demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner l’université de Brême aux dépens exposés tant dans la présente procédure de pourvoi que dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

21.      Dans son pourvoi, l’université de Brême invoque deux moyens, tirés respectivement, d’une part, de la violation de l’article 19 du statut de la Cour et, d’autre part, de la violation de l’article 47 de la Charte ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci‑après la « CEDH »).

22.      Par son premier moyen, l’université de Brême fait valoir que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 19 du statut. Ce moyen soulève trois griefs principaux qui peuvent être résumés comme suit.

23.      En premier lieu, la requérante soutient, en substance, que, étant une université publique, elle constitue une émanation d’un État membre qui est une partie requérante privilégiée au sens de l’article 19, premier alinéa, du statut. La requérante ajoute que, en tant qu’université publique, la représentation par l’un de ses professeurs qui connait bien l’objet du litige constitue un avantage.

24.      En second lieu, la requérante soutient, en substance, que les professeurs ne sont pas soumis au devoir d’indépendance implicite dans la notion autonome d’« avocat » au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut. En effet, les professeurs possèdent ex lege les garanties par ailleurs requises de la part des avocats. La représentation en justice ne figure pas parmi les missions qu’ils sont tenus d’effectuer et ils ne dépendent pas financièrement de cette activité. Ainsi, une telle
représentation constitue une activité accessoire et, de ce fait, il est beaucoup moins probable qu’un conflit d’intérêts se produise. Dans le même temps, la requérante fait valoir que, en vertu de l’article 19, septième alinéa, du statut, leur capacité de représentation doit être appréciée uniquement au regard du droit national, y compris la question des conflits d’intérêt. En se référant à l’article 67 de la Verwaltungsgerichtsordnung (code de procédure administrative allemand), la requérante
allègue que son représentant était habilité à la représenter dès lors qu’aucun conflit d’intérêt important ne l’en empêchait, ce qui, en tout état de cause, ne pourrait affecter que sa responsabilité professionnelle, mais pas sa capacité à la représenter ou la recevabilité du recours.

25.      Enfin, et dans l’hypothèse où la Cour conclurait que le devoir d’indépendance s’applique au professeur en cause, la requérante demande à la Cour de lui permettre de représenter l’université de Brême à titre exceptionnel. Selon elle, elle est en droit de se prévaloir de sa confiance légitime compte tenu du libellé clair de l’article 19, septième alinéa, du statut qui rend très inattendue l’application du devoir d’indépendance aux professeurs.

26.      La REA répond que le fait que l’université de Brême fasse partie du Land de Brême ne signifie pas qu’elle doive être assimilée à la République fédérale d’Allemagne, la jurisprudence de la Cour excluant de considérer les régions comme des requérants privilégiés.

27.      La REA allègue, en outre, que les professeurs ne bénéficient pas d’une position privilégiée par rapport aux avocats. L’argumentation de l’université de Brême ne tiendrait pas compte du fait que, en vertu de l’article 19, premier et deuxième alinéas, du statut, seuls les requérants privilégiés peuvent être représentés par leurs propres employés ou fonctionnaires.

28.      La REA fait valoir dans ce contexte que la jurisprudence développée au titre de l’article 19, troisième alinéa, du statut s’applique aux professeurs qui, lorsqu’ils agissent devant les juridictions de l’Union, se trouvent dans la même situation que les avocats. Le respect du droit national ne constitue donc pas une condition suffisante pour conclure qu’un professeur peut représenter une partie devant les juridictions de l’Union, car un professeur doit également être indépendant, tout comme
un avocat. En outre, le fait que le professeur ne dépende pas financièrement de la représentation est sans pertinence puisque le Tribunal a constaté qu’il était personnellement lié au projet.

29.      Par ailleurs, les arguments soulevés pour démontrer que le représentant en cause a la capacité d’agir en vertu du droit allemand sont, selon la REA, des éléments de fait non pertinents présentés pour la première fois au stade du pourvoi.

30.      Enfin, la REA estime que l’université de Brême ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime parce qu’elle n’a pas démontré l’existence de circonstances exceptionnelles dans lesquelles une telle protection s’applique.

31.      Par son second moyen, soulevé à titre subsidiaire, l’université de Brême fait valoir que le Tribunal a méconnu son droit d’être entendue, consacré à l’article 47 de la Charte et à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, lorsqu’il ne l’a pas informée du fait que le vice allégué affectant sa représentation aurait pour conséquence que le recours serait déclaré irrecevable et qu’il ne lui a pas non plus donné la possibilité de désigner un autre représentant. La requérante souligne que le
Tribunal aurait dû examiner la question non seulement à la lumière de son règlement de procédure, mais également en tenant dûment compte du droit fondamental d’être entendu. Dans ce contexte, la requérante se réfère aux conclusions de l’avocat général Bobek dans les affaires jointes Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (8).

32.      L’université de Brême ajoute que déclarer le recours irrecevable pour défaut de représentation régulière en justice viole le principe de proportionnalité dès lors que l’objectif d’une bonne administration de la justice pourrait être atteint par des moyens moins contraignants. L’université de Brême invoque les effets préjudiciables de cette décision tant pour la requérante que pour son représentant. Elle précise qu’elle a été condamnée à payer les dépens de la REA à hauteur de 12 000 euros,
alors que son représentant encourt une action récursoire de la part de l’université.

33.      Enfin, la requérante fait valoir que, si elle n’est pas autorisée à invoquer sa confiance légitime en se fondant sur le libellé de l’article 19, septième alinéa, du statut, le principe de l’État de droit exigerait qu’on l’avertisse que cette disposition sera interprétée d’une manière contraire à son libellé et qu’on lui donne la possibilité de reprendre la procédure avec un avocat qui satisfait au devoir d’indépendance.

34.      En réponse, la REA conteste la prétendue violation de l’article 47 de la Charte et de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Elle souligne que le Tribunal a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’avertir la requérante au motif qu’il n’était pas possible de régulariser le vice affectant la représentation en question. Cela exclut donc, selon la REA, la constatation d’une violation du droit à un recours effectif.

35.      La REA fait également valoir que l’université de Brême n’a pas établi que la restriction en cause ne poursuit pas un objectif légitime, est disproportionnée ou affecte la substance même du droit à un recours effectif.

V.      Analyse

36.      En ce qui concerne les chefs de conclusions formulés par l’université de Brême, tels que résumés au point 19 des présentes conclusions, je relève que, en vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut, la Cour peut, lorsqu’elle statue sur le pourvoi, exercer sa compétence en annulant la décision concernée du Tribunal, lorsque le pourvoi est fondé, et en renvoyant l’affaire devant le Tribunal ou, lorsque l’affaire est en état d’être jugée, en statuant elle-même définitivement sur le
litige. Ainsi que l’a relevé à juste titre la REA, la Cour ne saurait prononcer un arrêt déclaratoire concernant la représentation en justice de la requérante. En ce qui concerne la demande de la requérante d’œuvrer à une transaction, et sans préjudice de la question de savoir si la Cour peut se prononcer sur une telle demande (9), je relève que la REA rejette, en tout état de cause, la possibilité qu’une telle transaction puisse être conclue. Dès lors, l’examen doit se concentrer sur le chef de
conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée.

37.      Je rappelle que, par son premier moyen, l’université de Brême fait valoir, en substance, que le Tribunal a fait une interprétation erronée de l’article 19 du statut. Par son second moyen, elle invoque une violation du droit d’accès à un tribunal, consacré à l’article 47 de la Charte.

38.      Pour les raisons exposées dans les présentes conclusions, j’estime que le premier moyen du pourvoi est, en partie, fondé. En effet, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal a commis une erreur de droit en n’interprétant pas correctement le devoir d’indépendance que les représentants agissant devant les juridictions de l’Union doivent respecter (A). Si la Cour devait être, sur ce point, d’un autre avis et procéder à l’examen du second moyen du pourvoi, je suis d’avis que ce moyen est
également fondé. Déclarer le recours irrecevable comme conséquence automatique de la constatation selon laquelle la représentation en justice ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 19 du statut constitue une restriction au droit d’accès aux juridictions de l’Union qui ne satisfait pas au critère de proportionnalité (B).

A.      Premier moyen du pourvoi : l’interprétation prétendument erronée de l’article 19 du Statut

39.      Pour répondre au premier moyen du pourvoi, je commencerai par examiner l’argument de la requérante selon lequel, en substance, elle doit être considérée comme une requérante privilégiée au sens de l’article 19, premier alinéa, du statut (1). J’examinerai ensuite la question centrale de ce moyen relatif à l’applicabilité du devoir d’indépendance au représentant de la requérante pour conclure que, si ce devoir lui est effectivement applicable, le Tribunal l’a interprété de manière
erronée (2). Par souci d’exhaustivité, j’examinerai la troisième branche du premier moyen par laquelle la requérante demande à la Cour, dans l’hypothèse où le devoir d’indépendance s’appliquerait au professeur en cause (et dans le cas où celui-ci n’y satisferait pas) de lui permettre de la représenter à titre exceptionnel dans la présente affaire (3).

1.      L’université de Brême peut-elle être considérée comme une partie requérante privilégiée ?

40.      L’université de Brême fait valoir qu’une université publique est une émanation d’un État membre, lequel est une partie requérante privilégiée. Je comprends cet argument comme alléguant, en substance, que la requérante devrait elle-même être considérée comme une partie requérante privilégiée au sens de l’article 19, premier alinéa, du statut.

41.      Il résulte de cette disposition que les parties requérantes privilégiées peuvent être représentées par leurs agents. Ainsi, si la requérante était considérée comme une partie privilégiée, l’obligation de représentation par « un avocat indépendant » découlant de l’article 19, troisième alinéa, du statut (ou par un professeur au sens du septième alinéa du même article) ne lui serait pas applicable.

42.      Toutefois, ainsi que le relève la REA, à supposer même qu’il soit établi que l’université de Brême fait partie du Land de Brême, cela ne permettrait pas de la considérer comme une partie requérante privilégiée, car, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, les entités infra-étatiques ne sont pas considérées comme des parties requérantes privilégiées (10) et, partant, l’obligation de représentation leur est applicable (11).

43.      En conséquence, j’estime que la première branche du premier moyen du pourvoi est manifestement non fondée.

2.      Sur l’applicabilité et la portée du devoir d’indépendance

44.      Lors de l’examen de la substance du premier moyen du pourvoi, je rappellerai les précisions apportées par la Cour dans l’arrêt Uniwersytet Wrocławski en ce qui concerne les situations dans lesquelles la représentation des parties non privilégiées par un avocat peut être considérée comme ne respectant pas le devoir d’indépendance découlant de l’article 19, troisième alinéa, du statut (a). Dans la mesure où un tel devoir vise à préserver une bonne administration de la justice et, surtout, à
garantir le respect des intérêts des parties représentées, j’en conclurai qu’il devrait également s’appliquer, comme l’a jugé le Tribunal dans l’ordonnance attaquée, à la représentation des parties requérantes non privilégiées par un professeur en application de l’article 19, septième alinéa, du statut (b). Je relèverai ensuite qu’il convient de restreindre, comme la Cour l’a jugé, les situations dans lesquelles le choix du représentant en justice par la requérante doit être limité aux cas dans
lesquels la représentation porte manifestement atteinte aux intérêts de la partie représentée (c). À ce stade, je conclurai que le Tribunal a commis une erreur en appliquant ce critère dans l’ordonnance attaquée (d).

a)      L’arrêt Uniwersytet Wrocławski

45.      L’arrêt Uniwersytet Wrocławski s’inscrit dans une longue lignée jurisprudentielle relative à l’interprétation de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut, énonçant l’obligation pour les parties requérantes non privilégiées d’être représentées par un « avocat » dans les procédures devant les juridictions de l’Union (12).

46.      Il ressort de cette jurisprudence qu’un tel « avocat » doit remplir deux conditions. D’une part, en vertu de l’article 19, quatrième alinéa, du statut, celui-ci doit être « habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre […] ». Le respect de cette condition doit être vérifié au regard du droit national. D’autre part, la notion d’« avocat » figurant à l’article 19, troisième alinéa, du statut doit s’entendre comme une notion autonome du droit de l’Union impliquant un devoir
d’indépendance, ainsi que le Tribunal l’a rappelé à juste titre dans l’ordonnance attaquée (13).

47.      Le devoir d’indépendance a été développé dans la jurisprudence des juridictions de l’Union en premier lieu afin de définir le champ d’application du secret professionnel et, de ce fait, d’identifier les documents saisis par la Commission qui doivent en bénéficier (14). Il a ensuite été transposé dans le cadre de l’article 19 du statut pour apprécier la recevabilité de la représentation en justice des parties non privilégiées et la recevabilité de leur recours (15).

48.      Dans son arrêt Uniwersytet Wrocławski, la Cour a précisé l’étendue du contrôle que le juge de l’Union doit effectuer pour apprécier si un représentant en justice donné remplit le devoir d’indépendance.

49.      Si la Cour a rappelé, dans ce contexte, sa jurisprudence antérieure selon laquelle, en substance, le devoir d’indépendance de l’avocat exclut la possibilité pour les parties requérantes non privilégiées d’être représentées par des avocats qui leur sont liés d’une certaine manière, elle a ajouté que l’indépendance de l’avocat n’est pas entravée par l’existence de « tout lien quelconque » entre l’avocat et son client, mais seulement par les liens « qui portent manifestement atteinte à sa
capacité à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client » (16).

50.      Dans ces conditions, la Cour a conclu, dans l’arrêt Uniwersytet Wrocławski, que, contrairement à ce que le Tribunal avait jugé dans cette affaire (17), une telle atteinte n’était pas manifeste lorsque l’université requérante était représentée par un avocat qui donnait également cours dans cette université sur la base d’un contrat portant sur des charges d’enseignement. À cet égard, la Cour a souligné que ce représentant ne représentait pas l’université de Wrocław dans le cadre d’un lien de
subordination (18).

b)      Le devoir d’indépendance s’applique-t-il aux professeurs ?

51.      L’appréciation des arguments soulevés dans le cadre du premier moyen implique de vérifier si le devoir d’indépendance, tel qu’il ressort de la jurisprudence relative à la notion d’« avocat », au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut, s’applique également aux professeurs dont le droit de plaider est régi par le septième alinéa de cette même disposition.

52.      Tandis que la REA fait valoir que le devoir d’indépendance est également applicable aux professeurs agissant en qualité de représentants en justice, l’université de Brême le conteste et soutient que la capacité d’agir en tant que représentant dans une procédure devant les juridictions de l’Union devrait être appréciée, en ce qui concerne les professeurs, uniquement au regard du droit national. Elle explique, en substance, que le statut particulier dont bénéficient les professeurs en droit
allemand rend inopérant le critère de l’indépendance.

53.      Afin d’apprécier cet argument, il importe de préciser ce qu’il convient d’entendre par le devoir d’indépendance de l’avocat en général et, surtout, dans le contexte particulier de la représentation en justice devant les juridictions de l’Union.

54.      La notion d’« indépendance » est souvent désignée comme une caractéristique essentielle de la profession d’avocat en tant que telle (19). Si son contenu précis peut être compris différemment dans différents ordres juridiques, en fonction notamment de la perception du rôle de l’avocat dans le contexte plus large de l’administration de la justice, elle semble être considérée comme une caractéristique fondamentale qui sous-tend l’exercice de cette profession autoréglementée qui exige que la
fourniture de conseils juridiques respecte certaines normes professionnelles et soit exempte de toute pression ou de tout parti pris découlant des intérêts personnels de l’avocat ou de tiers (20). Il est communément admis que tout conseil juridique doit être fourni dans le meilleur intérêt de la partie représentée (21). Néanmoins, le devoir d’indépendance de l’avocat implique, également, l’obligation pour l’avocat de refuser de suivre certaines instructions, lorsque cela serait contraire aux règles
légales ou déontologiques.

55.      Il ne s’agit pas de considérations qui seraient pertinentes pour les professeurs lorsqu’ils agissent en tant que tels, pour la raison très simple que leur profession est, pour des raisons assez évidentes, tout à fait différente de celle des avocats.

56.      C’est pourquoi, s’agissant des professeurs, il peut sembler tentant d’écarter la pertinence de la jurisprudence de la Cour relative au devoir d’indépendance incombant aux avocats, au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut.

57.      Toutefois, il ne s’agit pas, selon moi, de la manière correcte de traiter le problème, car, lorsqu’un professeur se présente devant les juridictions de l’Union, il n’y est pas pour enseigner, mais plutôt pour représenter un client de la même manière qu’un avocat.

58.      Ainsi, dès qu’ils sont appelés à agir en qualité de représentants devant les juridictions de l’Union, la situation des professeurs coïncide avec celle des avocats dans la mesure où ils remplissent tous deux la même fonction, à savoir la fonction de représentation des parties non privilégiées. Cela se reflète, ainsi que le fait valoir la REA, dans le libellé de l’article 19, septième alinéa, du statut, selon lequel les professeurs disposent des mêmes droits (et il convient d’ajouter,
implicitement, les mêmes devoirs) que ceux accordés dans ce contexte aux « avocats » au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut.

59.      Je reconnais pleinement que la possibilité pour un professeur d’endosser effectivement le rôle de représentant en justice peut constituer l’expression d’un statut particulier dont il peut bénéficier en vertu du droit national. C’est peut-être peu fréquent, mais le droit national peut effectivement accorder aux professeurs un accès simplifié à une inscription au barreau (22), voire même leur conférer la possibilité pure et simple de représenter des parties, comme cela semble être le cas en
Allemagne. Cependant, une telle spécificité du droit national quant à la possibilité d’agir en tant que représentant en justice est sans incidence sur l’appréciation du devoir d’indépendance que les représentants, y compris les professeurs habilités à agir en tant que tels en vertu du droit national, doivent respecter lorsqu’ils agissent devant les juridictions de l’Union. Comme cela a déjà été indiqué ci-dessus, il en va ainsi parce que ce devoir s’attache spécifiquement à la fonction qu’ils
assurent devant ces juridictions.

60.      Comme je l’exposerai plus en détail ci-dessous, lorsqu’elles vérifient si un représentant en justice satisfait à son devoir d’indépendance, les juridictions de l’Union exercent un contrôle résiduel et exceptionnel visant à sauvegarder une bonne administration de la justice et, en particulier, le respect des droits des parties tels qu’ils découlent de l’article 47 de la Charte. Ce contrôle étant précisément centré sur les droits des parties représentées dans le cadre des procédures devant
les juridictions de l’Union, je ne vois aucune raison, en principe, qui s’opposerait à ce que ce contrôle ne s’effectue pas vis‑à‑vis des professeurs agissant en tant que représentants en justice.

61.      La question centrale qui demeure, toutefois, est celle de savoir quelle devrait être la portée exacte d’un tel contrôle. C’est sur cette problématique que je vais maintenant me pencher.

c)      Le critère d’une atteinte manifeste

62.      Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 48 des présentes conclusions, dans l’arrêt Uniwersytet Wrocławski, la Cour a précisé que le devoir d’indépendance devait s’entendre comme l’absence de liens « qui portent manifestement atteinte à [la] capacité [du représentant] à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client » (23).

63.      Il y a différents préjudices que l’on peut subir du fait du choix d’un représentant déterminé. Il ressort de l’arrêt Uniwersytet Wrocławski que le préjudice dont il convient de tenir compte dans le cadre de l’appréciation du devoir d’indépendance, développé au titre de l’article 19, troisième alinéa, du statut, n’est pas juste n’importe quel préjudice que l’on peut subir en conséquence du choix (éventuellement mauvais) d’ un avocat, mais d’un préjudice évident causé ou susceptible d’être
causé par certains liens entre le représentant et la partie représentée.

64.      Plus précisément, la Cour a confirmé que les avocats salariés ne sauraient satisfaire au devoir d’indépendance (24), car, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence pertinente, leur opinion professionnelle peut être « à tout le moins en partie, influencée par [leur] environnement professionnel » (25). Ce cas de figure répond ainsi à l’un des aspects de l’indépendance du représentant en justice, rappelé au point 54 des présentes conclusions, relatif au devoir éventuel de refuser de suivre
certaines instructions lorsqu’elles sont contraires aux règles légales ou déontologiques applicables. L’existence d’obligations parallèles de la part du représentant en justice, telles que celles découlant d’un rapport d’emploi, peut en effet empêcher celui-ci de s’acquitter effectivement d’un tel devoir, portant ainsi atteinte à la qualité de l’avis juridique qu’il fournit.

65.      Cela étant dit, le non‑respect du devoir d’indépendance peut également avoir lieu dans d’autres situations. Tel serait typiquement le cas lorsque, compte tenu de l’objet du litige, il existe, entre le représentant en justice et la partie représentée, un lien tel qu’il rendrait effectivement illusoire la défense des droits de la partie représentée, car le représentant en justice poursuit d’autres intérêts que ceux du client.

66.      À mon avis, de telles considérations ont conduit la Cour à désapprouver, dans l’arrêt Trasta Komecbanka (26), l’approche trop clémente adoptée par le Tribunal (27), lorsque ce dernier a accepté les effets de droit national liés à la révocation d’un mandat alors même que cette révocation avait été provoquée par le liquidateur de la banque requérante, agissant dans une situation de conflit d’intérêts. La Cour a relevé que le liquidateur avait été désigné par un organe national ayant participé
à la procédure ayant conduit au retrait de l’agrément d’exploitation de la banque et donc à sa liquidation. Après avoir examiné le lien existant entre l’organe national en cause ayant désigné le liquidateur et ce dernier, la Cour a conclu qu’il existait un risque que le liquidateur puisse éviter de remettre en cause, devant les juridictions de l’Union, l’acte à l’origine de la liquidation de la partie représentée, étant donné que l’éventuelle annulation de cet acte pourrait conduire à ce que le
liquidateur soit relevé de ses fonctions (28).

67.      De même, lorsque la Cour s’est référée, dans l’arrêt Uniwersytet Wrocławski, à la notion d’atteinte manifeste causée par la représentation en justice, elle visait des situations évidentes dans lesquelles il ne faisait aucun doute que le mandataire pouvait ne pas agir dans l’intérêt du client, mais contre cet intérêt ou, en tout état de cause, lorsqu’il peut, en réalité, défendre d’autres intérêts. Tel serait généralement le cas lorsque l’avocat, compte tenu de sa relation avec le client,
est en mesure de s’enrichir au détriment de ce dernier, d’agir d’une autre manière au détriment du client, ou lorsqu’il peut utiliser des informations sur le client au profit de tiers. Cela étant dit, en l’absence de tels cas de figure évidents, le postulat implicite est, et devrait être, que le choix d’un avocat relève avant tout de la liberté contractuelle et de la confiance.

68.      Pour illustrer la distinction à opérer dans ce contexte, la représentation en justice par un parent proche, qui se trouve être avocat, est susceptible d’être empêchée en raison d’un conflit d’intérêts dans une procédure de succession dans laquelle tant l’avocat que la partie représentée sont des héritiers potentiels. En revanche, elle peut ne poser aucun problème dans le cadre d’un différend avec un voisin concernant la délimitation de la frontière entre son terrain et celui de la famille.
Pour prendre un autre exemple, un avocat qui est également un ami proche peut être un choix raisonnable en ce qui concerne une procédure de succession, mais une telle représentation dans un litige au sujet d’un terrain sera problématique si cet ami proche s’avère également être le propriétaire du terrain concerné. Enfin, il est peu probable qu’un avocat qui détient une participation minoritaire dans une société qui nécessite une représentation puisse constituer un choix possible dans le cadre d’un
litige opposant cette société à ses actionnaires minoritaires, alors qu’il est peu probable que la représentation en justice de cette société par cet avocat soit problématique dans le cadre d’une procédure en responsabilité des produits défectueux engagée par un tiers.

69.      Si l’appréciation de ces situations peut différer selon l’ordre juridique national concerné, ce qui importe dans tous ces cas, c’est non seulement l’identification d’un certain lien entre le représentant en justice et la partie représentée, mais également d’apprécier si, compte tenu de l’objet du litige, ce lien conduit à la conclusion que le représentant n’agira pas, ou pas nécessairement, dans le meilleur intérêt de la partie représentée.

d)      Application du critère au cas d’espèce

70.      S’agissant de la présente affaire, le Tribunal s’est fondé sur deux éléments pour conclure que le représentant de la requérante n’avait pas satisfait au devoir d’indépendance. Ces deux éléments se rapportent respectivement à deux aspects différents du devoir d’indépendance mentionnés aux points 64 et 65 des présentes conclusions. D’une part, le Tribunal a relevé, au point 25 de l’ordonnance attaquée, que le représentant est employé par l’université de Brême dans le cadre d’une relation
statutaire de droit public (1). D’autre part, au même point, le Tribunal a relevé, en substance, qu’il a été personnellement impliqué dans l’affaire litigeuse (2).

1)      Sur le fait que le représentant est professeur à l’université de Brême

71.      Ainsi qu’il a déjà été indiqué, le Tribunal a relevé que le représentant de la requérante était employé par la requérante dans le cadre d’un lien statutaire de droit public (29). Dans la mesure où cette observation figure directement après la référence à l’arrêt de la Cour dans l’affaire Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, figurant au point précédent de l’ordonnance attaquée, et en l’absence de raisons supplémentaires, il semble que le Tribunal a intégré la situation du professeur en
cause à la catégorie des avocats salariés (juristes internes) dont la Cour avait d’ailleurs exclu l’indépendance en raison du risque que leur avis professionnel soit « à tout le moins en partie, influencée par leur environnement professionnel » (30), comme il a déjà été indiqué.

72.      Indépendamment des différences susceptibles d’exister entre le statut de droit public de la position du représentant de la requérante en tant que professeur d’université et l’emploi d’un juriste interne, je suis d’avis que, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal a omis de prendre en compte le fait que, comme l’a fait valoir l’université de Brême devant lui (et comme argumenté dans la présente affaire), la représentation en justice ne fait pas partie des missions que le représentant de la
requérante accomplit en sa qualité de professeur d’université. L’université de Brême a, en outre, fait valoir que la représentation en justice n’était ainsi pas liée à la qualité de professeur du représentant (celle-ci étant limitée à la recherche et à l’enseignement) et qu’elle était exercée en dehors de tout lien de subordination.

73.      Je comprends donc que, lorsqu’il a accepté d’agir en tant que représentant de la requérante, le professeur concerné ne l’a pas fait en raison d’une obligation qu’il avait vis-à-vis de l’université de Brême en tant que l’un de ses professeurs, mais s’est fondé sur sa décision de procéder à cette représentation en dehors de sa fonction de professeur. À cet égard, sa situation se distingue donc fondamentalement de la situation des juristes internes lorsque ces derniers représentent leurs
employeurs, dans la mesure où, dans ce dernier cas, la représentation en justice fait partie de la description de leur poste et peut être décidée par l’employeur.

74.      Pour cette raison, la présente affaire peut, à mon sens, être rapprochée de la situation ayant donné lieu à l’arrêt Uniwersytet Wrocławski. Dans cette affaire, il s’agissait également d’un représentant qui enseignait à l’université qu’il représentait devant les juridictions de l’Union. Certes, il n’enseignait pas à temps plein, mais plutôt dans le cadre d’un contrat portant sur des charges d’enseignement. Toutefois, la raison invoquée par la Cour pour exclure le non‑respect du devoir
d’indépendance était le fait qu’il « n’assurait pas la défense des intérêts de l’université de Wrocław dans le cadre d’un lien de subordination avec celle-ci » (31).

75.      En effet, et conformément à ce qui a été relevé au point 64 des présentes conclusions, la question essentielle qui se pose dans le présent contexte est de savoir si la représentation en justice pouvait être entravée par les obligations qui lient le représentant en raison de liens particuliers avec la partie représentée, telles que celles fondées sur un contrat de travail. Dans la mesure où le devoir d’indépendance implique le devoir de refuser des instructions lorsque de telles instructions
sont incompatibles avec des obligations déontologiques, l’exercice effectif de ce devoir peut être entravé par l’obligation d’effectuer la représentation en justice d’une certaine manière ou selon un contenu déterminé, tel qu’exigé, par exemple, par l’employeur.

76.      Il résulte de l’argumentation développée par l’université de Brême, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal et à nouveau dans le cadre du présent pourvoi, que le professeur en cause agissait non pas en tant que juriste interne, à savoir un membre de son service juridique, mais comme une personne dont le statut lui confère le droit de représenter des parties devant les juridictions et qui a décidé d’assumer ce rôle, indépendamment de sa fonction de professeur à cette université. Il
résulte également de ces arguments que la représentation en justice en question n’a pas été effectuée dans le cadre d’un lien de subordination et qu’elle n’a pas non plus été affectée par d’autres obligations du représentant envers la requérante, autres que celles découlant de la représentation elle-même.

2)      L e fait que le représentant est personnellement impliqué dans l’affaire litigieuse

77.      La seconde raison pour laquelle le Tribunal a conclu, dans l’ordonnance attaquée, que le représentant de l’université de Brême n’avait pas satisfait au devoir d’indépendance était liée à sa qualité de coordonnateur et de chef du projet en question, au sein duquel il avait « pour mission d’assumer les tâches et fonctions essentielles » (32). Le Tribunal a également ajouté que le professeur en question avait préparé et présenté la demande de financement en cause. Selon le Tribunal, cela
signifiait que ce représentant avait un intérêt direct à la solution qui serait apportée au litige, ce qui compromettait sa capacité à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de la justice, l’assistance légale dont le client a besoin (33).

78.      Par ces déclarations, le Tribunal a examiné l’aspect concernant le devoir d’indépendance évoqué au point 65 des présentes conclusions, relatif à la situation dans laquelle le représentant ne poursuit pas véritablement les intérêts de la partie représentée et, au contraire, poursuit en réalité d’autres intérêts tels que les siens.

79.      Je comprends que, si le pourvoi tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée est accueilli, l’université de Brême pourrait être en mesure de réaliser le projet scientifique en cause et, de ce fait, son représentant pourrait être en mesure d’agir dans ce contexte, notamment, en tant que chef de l’équipe de recherche. En d’autres termes, le succès éventuel du pourvoi en annulation aura une incidence sur la possibilité pour la requérante d’obtenir le financement sollicité, lequel présente,
à son tour, un intérêt pour son représentant en sa qualité de professeur, puisqu’il a une incidence sur sa capacité à poursuivre et à diriger le projet de recherche en question.

80.      Cela montre, ainsi que la requérante l’a elle-même souligné, que le représentant a un intérêt qui converge avec celui poursuivi par la requérante. Cela étant dit, et contrairement à ce que le Tribunal a conclu dans l’ordonnance attaquée, je ne vois pas en quoi une telle communauté d’intérêts qui découle de l’implication du représentant en justice dans le projet en question pourrait, en l’absence d’autres éléments, conduire à considérer que la représentation en justice porterait
manifestement atteinte aux intérêts de l’université de Brême. En effet, je ne perçois aucun élément dans la description de la participation du représentant en justice dans le projet en question qui démontrerait que, en représentant l’université de Brême, il poursuivait en réalité ses propres intérêts ou d’autres intérêts au détriment de la requérante.

81.      Je n’exclus par principe pas qu’une communauté apparente d’intérêts puisse, en réalité, dissimuler un vice fondamental. Cela étant, si le Tribunal indique, au point 26 de l’ordonnance attaquée, que le lien entre le représentant et la requérante porte manifestement atteinte à la capacité dudit représentant à défendre au mieux les intérêts de la requérante, il ne fournit tout simplement aucun élément confirmant un tel cas de figure.

3.      La confiance légitime de la requérante a-t-elle été méconnue ?

82.      Par la troisième branche du premier moyen du pourvoi, l’université de Brême fait valoir que son représentant devrait être autorisé à la représenter, à titre exceptionnel si, en substance, la Cour devait conclure que le devoir d’indépendance s’applique à ce représentant (avec, tel que je le comprends, pour conséquence que ce dernier n’est pas en mesure de représenter la requérante dans la présente affaire). La requérante explique qu’elle devrait pouvoir se prévaloir de sa confiance légitime
fondée sur le libellé clair de l’article 19, septième alinéa, du statut dont il résulte, selon elle, que le devoir d’indépendance, tel que développé dans la jurisprudence de la Cour, ne s’applique pas aux professeurs.

83.      J’estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner cet argument en détail compte tenu de ce que je suggère ci-dessus, à savoir que, même si le devoir d’indépendance s’applique aux professeurs exerçant dans les conditions prévues à l’article 19, septième alinéa, du statut, son interprétation correcte implique que, en l’espèce, le représentant en justice doit être autorisé à représenter la requérante.

84.      Toutefois, si la Cour devait en juger autrement, j’expliquerai brièvement, et à titre subsidiaire, les raisons pour lesquelles la troisième branche du premier moyen du pourvoi doit, à mon sens, être considérée comme non fondée.

85.      Je comprends que, par cette branche, la requérante demande une dérogation à la « rétrospectivité incidente » (34) de la décision à rendre en l’espèce, ou, en d’autres termes, de la règle selon laquelle l’interprétation que la Cour donne d’une règle du droit de l’Union [en l’occurrence l’article 19, septième alinéa, du statut de la Cour] « éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de ce droit, tel qu’il doit ou aurait dû être compris et appliqué depuis la date
de son entrée en vigueur » (35). En effet, par la troisième branche de son premier moyen, l’université de Brême fait valoir, en se référant à l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Defrenne (36), que, si l’interprétation de l’article 19, septième alinéa, du statut empêche son représentant de la représenter, une telle interprétation est inattendue et ne devrait donc pas s’appliquer au cas d’espèce (mais plutôt aux affaires futures).

86.      Dans ce contexte, je constate que, lorsqu’elles interprètent le droit de l’Union dans le cadre d’une procédure préjudicielle, les juridictions de l’Union ont exceptionnellement accepté de limiter les effets de leur décision dans le temps (37), lorsque cela était requis dans l’intérêt de la sécurité juridique et sous réserve de deux conditions : premièrement, que la personne concernée a agi de bonne foi et, secondement, que, en l’absence des limitations temporelles, la décision de la Cour
entraînerait des « troubles graves » (38).

87.      Dans ces conditions, je suis d’accord avec la REA que la requérante n’a pas démontré qu’une interprétation de l’article 19, septième alinéa, du statut de la Cour qui empêcherait effectivement le représentant en cause de représenter la requérante peut entraîner un risque de troubles particuliers (39). L’université de Brême invoque simplement les problématiques suivantes : le fait que son recours n’a pas été examiné au fond, l’obligation de supporter les dépens de la procédure et l’action
récursoire que la requérante pourrait introduire contre son représentant.

88.      Dans ces conditions, je suis d’avis que la troisième branche du premier moyen du pourvoi doit être considérée comme non fondée.

4.      Conclusion sur le premier moyen du pourvoi

89.      Au vu de ce qui précède, je conclus que, en jugeant que la position du représentant en cause au sein de l’université de Brême ainsi que son implication personnelle dans l’affaire en litige ont porté manifestement atteinte à la capacité de ce représentant de représenter la requérante en servant au mieux ses intérêts, le Tribunal n’a pas correctement interprété le devoir d’indépendance que les représentants en justice agissant devant les juridictions de l’Union doivent respecter et, partant,
a commis une erreur de droit. Dans cette mesure, le premier moyen du pourvoi est donc fondé.

B.      Second moyen du pourvoi : les conséquences procédurales découlant du non‑respect du devoir d’indépendance

90.      Par le second moyen de son pourvoi, que l’université de Brême a soulevé à titre subsidiaire, la requérante fait valoir, en substance, que les conséquences procédurales que le Tribunal a tirées de la conclusion selon laquelle son représentant ne répondait pas aux exigences d’indépendance requises enfreignent l’article 47 de la Charte (40).

91.      Je suis d’avis que la Cour n’aura pas à examiner cette question, car, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, le premier moyen du pourvoi est partiellement fondé.

92.      Toutefois, dans un souci d’exhaustivité, j’exposerai les raisons pour lesquelles, à mon avis, l’université de Brême est fondée lorsqu’elle fait valoir que le fait de ne pas avoir eu la possibilité de désigner un nouveau représentant pour remplacer celui qui a été considéré par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée comme ne respectant pas le devoir d’indépendance méconnaît le droit d’accès de cette université à un tribunal, consacré par l’article 47, premier alinéa, de la Charte.

93.      À cette fin, j’examinerai d’abord quelle est, à mon avis, la principale problématique dans ce contexte, à savoir l’irrecevabilité automatique du recours (1). Je me tournerai ensuite vers la question subsidiaire du fondement juridique de la désignation d’un nouvel avocat (2).

1.      Irrecevabilité automatique du recours

94.      Je suis d’accord avec la REA que les règles de procédure ne prévoient rien en ce qui concerne la désignation d’un nouvel avocat lorsque l’avocat initialement désigné ne satisfait pas au devoir d’indépendance.

95.      Toutefois, le silence des règles de procédure ne signifie pas que le fait de donner à la requérante la possibilité de remplacer un représentant en justice qui ne satisfait pas au devoir d’indépendance irait automatiquement à l’encontre de ces règles. En tout état de cause, ce qu’il convient d’apprécier en l’espèce ce sont les arguments soulevés par l’université de Brême selon lesquels l’interprétation du règlement de procédure du Tribunal retenue dans l’ordonnance attaquée aurait porté
atteinte au droit d’accès de la requérante à un tribunal.

96.      Je commencerai dans ce contexte par rappeler que l’obligation de représentation par un mandataire indépendant constitue une condition de recevabilité du recours et, partant, par là même, une limitation au droit d’accès à un tribunal.

97.      Je suis certainement d’accord avec le Tribunal que, par principe, « le droit d’accès à un tribunal [n’est] pas un droit absolu » (41). Toutefois, toute limitation à ce droit ne peut être admise que si elle remplit les conditions prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

98.      Selon la première phrase de cette disposition, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Sa seconde phrase prévoit que, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations à ces droits et libertés ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de
protection des droits et libertés d’autrui.

99.      Étant donné que ces quatre conditions s’appliquent cumulativement, je considère qu’il suffit de concentrer l’analyse dans la présente affaire sur l’existence d’objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne, et sur le respect du principe de proportionnalité.

100. Il découle de l’arrêt Uniwersytet Wrocławski que l’obligation de représentation des requérants non privilégiés poursuit deux objectifs, à savoir la bonne administration de la justice et « surtout » à protéger et à défendre au mieux les intérêts du mandant (42). Si la Cour a fait cette affirmation en ce qui concerne la représentation en justice par un avocat dans les conditions énoncées à l’article 19, troisième alinéa, du statut, je ne vois aucune raison, en principe, qui s’opposerait à ce que
les mêmes objectifs s’appliquent également dans le cadre d’une représentation en justice assurée par un professeur en vertu du septième alinéa de cette disposition. En effet, ces deux types de représentation garantissent, et rendent effectivement possible, l’accès des parties non privilégiées aux juridictions de l’Union ; Par ailleurs, le statut des professeurs a été assimilé au statut d’avocat, ainsi que je l’ai déjà relevé ci-dessus (43).

101. Les objectifs d’une bonne administration de la justice, ainsi que de la protection des intérêts du demandeur, peuvent, dans certaines situations, requérir qu’un représentant n’agisse pas (ou cesse d’agir) en tant que représentant lorsqu’il n’est, pour quelque raison que ce soit, pas en mesure de traiter une affaire de manière appropriée ou lorsqu’il est incapable de défendre au mieux les intérêts de la partie représentée.

102. Ainsi, j’admets que la poursuite de ces objectifs puisse exiger que le recours soit effectivement déclaré irrecevable, même si une telle conséquence ferait obstacle à un nouvel examen de la même affaire, puisque, en raison du délai dans lequel un recours en annulation doit être introduit, l’introduction d’un nouveau recours deviendrait effectivement impossible. Tel peut être le cas notamment si la partie représentée s’oppose ou ignore l’instruction des juridictions de l’Union de désigner un
autre représentant, retardant ainsi ou empêchant effectivement de manière significative le déroulement de la procédure, dans des circonstances où le représentant en justice initial s’abstiendrait manifestement d’agir en vue de défendre réellement les intérêts de la partie représentée. Dans la mesure où l’obligation de représentation constitue une condition de recevabilité des recours introduits par des parties requérantes non privilégiées, une déclaration d’irrecevabilité constitue bien une
conséquence logique du non‑respect de cette obligation.

103. Cela étant dit, si le fait de déclarer le recours irrecevable peut être approprié pour remédier à des situations mettant en péril une bonne administration de la justice ou une protection des intérêts du requérant, je suis d’avis que la solution, sous la forme d’une déclaration automatique d’irrecevabilité du recours, va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces deux objectifs.

104. L’existence de moyens moins contraignants dans ce contexte est corroborée par la possibilité de désigner, au titre de l’article 55, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un nouveau représentant lorsque le Tribunal décide d’exclure celui qui a été désigné initialement parce qu’il considère que son comportement est, comme le prévoit l’article 55, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, « incompatible avec la dignité du Tribunal ou avec les exigences d’une bonne administration
de la justice ». Dans une telle situation, l’article 55, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal prévoit une suspension de la procédure afin de permettre à l’intéressé de désigner un autre représentant. La règle en cause permet ainsi de protéger les conditions requises dans lesquelles la justice peut être rendue, en excluant un représentant en justice qui, par son comportement, porte atteinte à ces conditions, tout en maintenant la possibilité d’un examen de l’affaire sauf si la
requérante ne désigne pas un autre représentant.

105. Sur la base de l’analyse qui précède, j’estime que l’université de Brême est fondée à soutenir que l’irrecevabilité automatique de son recours, résultant du non‑respect par son représentant de son devoir d’indépendance, constitue une restriction disproportionnée à son droit d’accès à un tribunal. Cette restriction va au-delà de ce qui est nécessaire, dès lors que les objectifs d’une bonne administration de la justice et de protection des intérêts de la requérante peuvent être atteints par des
moyens moins contraignants si cette dernière a la possibilité de désigner un autre avocat.

2.      Sur le(faux) problème de l’absence de disposition expresse dans le règlement de procédure permettant de désigner un nouveau représentant

106. Au point 40 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal s’est fondé sur l’article 21, deuxième alinéa, du statut et sur l’article 51, paragraphe 4, de son règlement de procédure pour conclure que ses règles de procédure ne confèrent pas la possibilité à la requérante de désigner un nouveau représentant, contrairement à la possibilité ouverte prévue par les dispositions susmentionnées de régulariser le défaut de présentation de certains documents.

107. La requérante conteste cette conclusion et renvoie à cet effet aux conclusions dans l’affaire Uniwersytet Wrocławski dans lesquelles l’avocat général Bobek s’est appuyé, par analogie, sur l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal ainsi que sur l’article 47 de la Charte pour étayer sa thèse selon laquelle la partie requérante dans cette affaire devrait avoir la possibilité de remplacer un avocat qui ne respecte pas le devoir d’indépendance (44).

108. En réponse, la REA fait valoir que l’article 51 du règlement de procédure du Tribunal concerne uniquement l’absence d’un document de légitimation certifiant l’inscription de l’avocat au barreau concerné ou l’absence de mandat. Selon elle, l’interprétation proposée par l’avocat général Bobek est incompatible avec le libellé de cette disposition et nécessiterait une modification législative qui ne relève pas des compétences du Tribunal.

109. Je note que l’absence d’une règle expresse prévoyant la désignation d’un nouvel avocat dans une situation où l’avocat initial ne respecte pas le devoir d’indépendance doit être replacée dans le bon contexte normatif. Le devoir d’indépendance résulte de la jurisprudence. Il n’est donc pas vraiment surprenant que les auteurs du statut et du règlement de procédure du Tribunal n’aient pas prévu de disposition régissant spécifiquement la possibilité, ou l’impossibilité, de remédier au non‑respect de
ce devoir. Dans ces conditions, l’argument mettant en avant le silence du règlement de procédure du Tribunal sur ce point pour expliquer qu’il n’existe tout simplement pas d’autre option que de déclarer le recours irrecevable n’est guère convaincant.

110. Dès lors que l’exigence du devoir d’indépendance de l’« avocat » a été dégagée dans la jurisprudence, la réponse idéale aux conséquences du non‑respect de cette exigence devrait se faire dans les conditions prévues à l’article 254, cinquième alinéa, TFUE. À cet égard, je partage l’avis de la REA.

111. Je relève que, par le passé, la Cour a validé la décision du Tribunal de ne pas accorder à un requérant non privilégié la possibilité de désigner un nouvel avocat lorsque l’avocat initialement désigné avait été considéré comme violant le devoir d’indépendance  (45). Cela étant dit, l’analyse a été effectuée à la lumière de l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal, tel qu’en vigueur à l’époque, qui correspond en principe à l’article 51 dudit règlement, dans sa version actuellement en
vigueur. En revanche, dans le cadre du présent pourvoi, la Cour est invitée à examiner la question précisément à la lumière des implications de l’article 47 de la Charte.

112. Ayant examiné ces implications, j’ai conclu aux points 94 à 105 des présentes conclusions que la déclaration automatique d’irrecevabilité au motif que le représentant en justice ne respecte pas le devoir d’indépendance limite de manière disproportionnée le droit d’accès à un tribunal. Par conséquent, et parce que les règles de procédure doivent être interprétées dans le respect de l’article 47 de la Charte, je suis d’avis que les requérants non privilégiés dont le représentant est considéré
comme ne respectant pas le devoir d’indépendance doivent se voir reconnaître la possibilité de désigner un autre représentant.

113. À cet égard, la voie appropriée pourrait être trouvé e à l’article 55, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. En effet, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, cette disposition, lue en combinaison avec l’article 55, paragraphe 1, dudit règlement, régit les situations dans lesquelles un mandataire ne respecte pas, notamment, les « exigences d’une bonne administration de la justice ». La décision d’un mandataire ad litem d’assurer une représentation en justice dans une situation où
cette représentation peut porter manifestement atteinte à la partie représentée peut être considérée comme un exemple d’un tel défaut dans la mesure où ces deux cas de figure ont trait au non‑respect, par le mandataire ad litem, de certaines normes professionnelles.

114. Ainsi, afin de garantir la jouissance effective du droit d’accès à un tribunal par les requérants non privilégiés, et avant qu’une base juridique expresse ne soit introduite à cet effet, je suggère au Tribunal de s’appuyer sur l’article 55, paragraphe 3, de son règlement de procédure afin de donner aux requérants non privilégiés la possibilité de nommer un nouveau représentant, dans l’hypothèse où il serait établi que le représentant initialement désigné ne satisfait pas au devoir
d’indépendance.

115. Enfin, et ain si qu’il a déjà été indiqué ailleurs (46), le changement de représentant ne signifie pas que la partie concernée puisse avoir la possibilité de présenter de nouveaux mémoires. Le changement de représentant signifie que le nouveau représentant reprend l’affaire dans l’état où le représentant précédent l’a laissée, chacun assumant la responsabilité de ses prestations respectives.

3.      Conclusion sur le second moyen du pourvoi

116. Au vu de ce qui précède, je conclus que, en jugeant que son règlement de procédure ne prévoit pas la possibilité pour la requérante de désigner un nouveau représentant, après avoir conclu que son représentant initial ne satisfait pas au devoir d’indépendance, le Tribunal a violé le droit d’accès de la requérante à un tribunal consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte. Le second moyen du pourvoi est donc fondé.

VI.    Conséquence de la conclusion sur le pourvoi

117. Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour peut, lorsqu’elle annule la décision du Tribunal, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

118. En l’espèce, le Tribunal ne s’est pas prononcé sur le fond. Il convient par conséquent de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

VII. Sur les dépens

119. Étant donné que je propose de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, il y a lieu, conformément à l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, de réserver la décision sur les dépens des parties relatifs à la procédure de pourvoi.

VIII. Conclusion

120. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

–        annuler l’ordonnance du Tribunal du 16 décembre 2020, Universität Bremen/REA (T‑660/19, non publiée, EU:T:2020:633),

–        renvoyer l’affaire T‑660/19 devant le Tribunal,

–        réserver les dépens.

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1      Langue originale : l'anglais.

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2      Ordonnance du 16 décembre 2020, Universität Bremen/REA (T‑660/19, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2020:633).

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3      Arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, ci-après l’« arrêt Uniwersytet Wrocławski », EU:C:2020:73, point 64).

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4      Ordonnance attaquée, points 18 à 24.

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5      Ordonnance attaquée, point 25.

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6      Ordonnance attaquée, point 26.

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7      Ordonnance attaquée, point 40.

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8      Conclusions de l’avocat général Bobek dans les affaires jointes Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, ci-après les « conclusions dans l’affaire Uniwersytet Wrocławski », EU:C:2019:774).

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9      Voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2019, Commission/Italie (Ressources propres – Recouvrement d’une dette douanière) (C‑304/18, non publié, EU:C:2019:601, point 75).

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10      Voir arrêt du 3 décembre 2020, Région de Bruxelles-Capitale/Commission (C‑352/19 P, EU:C:2020:978, point 18 et jurisprudence citée).

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11      Voir ordonnances du 20 février 2008, Comunidad Autónoma de Valencia/Commission (C‑363/06 P, non publiée, EU:C:2008:99), et du 14 novembre 2016, Dimos Athinaion/Commission (T‑360/16, non publiée, EU:T:2016:694).

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12      Cette obligation ne trouve pas à s’appliquer dans le cadre du renvoi préjudiciel en application de l’article 97, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour.

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13      Ordonnance attaquée, points 18 et 19. Voir également arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73, points 55 à 57, et jurisprudence citée).

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14      Arrêts du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission (155/79, EU:C:1982:157), et du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a. (C‑550/07 P, EU:C:2010:512).

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15      Les différentes lignes jurisprudentielles pertinentes ont été analysées dans les conclusions dans l’affaire Uniwersytet Wrocławski (points 37 et suiv.).

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16      Arrêt Uniwersytet Wrocławski, point 64.

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17      Ordonnance du 13 juin 2017, Uniwersytet Wrocławski/REA (T‑137/16, non publiée, EU:T:2017:407).

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18      Arrêt Uniwersytet Wrocławski, point 66.

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19      Conclusions dans l’affaire Uniwersytet Wrocławski, point 35.

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20      Voir « Charte des principes essentiels de l’avocat européen & Code de déontologie des avocats européens », Conseil des barreaux européens (CCBE), 2019, p. 12, point 2.1.

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21      Ibidem, p. 13, point 2.7. Voir, néanmoins, arrêt du 10 mars 2021, An Bord Pleanála (C‑739/19, EU:C:2021:185, point 29 lu en combinaison avec le point 16), mettant en exergue le rôle particulier des avocats exerçant devant les juridictions irlandaises « de faire l’essentiel des recherches juridiques nécessaires au bon déroulement de la procédure », ce qui peut également impliquer l’identification des « éléments [qui sont] défavorables à la cause défendue par l’avocat en question ».

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22      Tel semble être le cas de la législation française, examinée toutefois sous un autre angle dans l’arrêt du 17 décembre 2020, Onofrei (C‑218/19, EU:C:2020:1034). Voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Onofrei (C‑218/19, EU:C:2020:716, point 4).

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23      Arrêt Uniwersytet Wrocławski, point 64.

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24      Arrêt Uniwersytet Wrocławski, point 63.

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25      Arrêt du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej/Commission (C‑422/11 P et C‑423/11 P, ci-après l’« Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej », EU:C:2012:553, point 25).

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26      Arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923).

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27      Ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623).

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28      Arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, points 60 à 62).

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29      Ordonnance attaquée, point 25.

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30      Arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, point 25.

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31      Arrêt Uniwersytet Wrocławski, point 66.

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32      Ordonnance attaquée, point 25.

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33      Ordonnance attaquée, points 25 et 26.

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34      Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:648, point 35).

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35      Voir, par exemple, arrêt du 22 novembre 2017, Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:881, point 41 et jurisprudence citée).

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36      Arrêt du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, EU:C:1976:56).

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37      Voir, par exemple, arrêts du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, EU:C:1976:56, points 72 à 75) ; du 17 mai 1990, Barber (C‑262/88, EU:C:1990:209, points 44 et 45), ou du 16 juillet 1992, Legros e.a. (C‑163/90, EU:C:1992:326, points 34 à 36).

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38      Voir, par exemple, arrêt du 29 septembre 2015, Gmina Wrocław (C‑276/14, EU:C:2015:635, point 45).

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39      Dans ces conditions, j’estime qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’analyse de la question de savoir si le critère appliqué par la Cour dans le cadre des procédures préjudicielles en réponse aux demandes de limitation des effets de ses arrêts dans le temps s’applique, en tant que tel, dans le présent contexte.

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40      L’université de Brême invoque également une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, ce dernier instrument ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré au droit de l’Union. Partant, le contrôle juridictionnel de l’ordonnance attaquée doit être effectué au regard de l’article 47 de la Charte. Cela étant dit, par application de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, selon lequel le sens
et la portée des droits énoncés dans la Charte correspondant à des droits garantis par la CEDH sont les mêmes, sinon plus étendus, que ceux énoncés par la CEDH, il y a lieu de tenir dûment compte de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (ainsi que de l’article 13 de la CEDH) ainsi que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») relative à ces dispositions.

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41      Ordonnance attaquée, point 35. La Cour EDH a fait une déclaration similaire. Voir, par exemple, Cour EDH, 11 février 2014, Maširević c. Serbie (ECLI:CE:ECHR:2014:0211JUD003067108, point 46 et jurisprudence citée).

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42      Arrêt Uniwersytet Wrocławski, point 62.

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43      Voir points 58 à 60 des présentes conclusions.

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44      Conclusions dans l’affaire Uniwersytet Wrocławski, points 151 à 157.

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45      Ordonnance du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil (C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564, point 23).

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46      Conclusions dans l’affaire Uniwersytet Wrocławski, point 158.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-110/21
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Recours en annulation – Article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Représentation des parties non privilégiées dans le cadre d’un recours direct devant les juridictions de l’Union européenne – Professeur d’université – Professeur enseignant auprès de l’université représentée dans le cadre de ce recours ainsi qu’exerçant des fonctions de coordinateur et de chef d’équipe du projet faisant l’objet du litige – Condition d’indépendance – Existence d’un intérêt direct et personnel à la solution du litige.

Recherche et développement technologique

Principes, objectifs et mission des traités


Parties
Demandeurs : Universität Bremen
Défendeurs : Agence exécutive européenne pour la recherche.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:133

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