ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
9 septembre 2021 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Directive 2003/96/CE – Article 17, paragraphe 1, sous a) – Réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques et d’électricité en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie – Réduction facultative – Modalités de restitution de taxes perçues en violation de dispositions du droit national adoptées sur le fondement d’une faculté accordée aux États membres dans cette directive –
Versement d’intérêts – Principe de l’égalité de traitement »
Dans l’affaire C‑100/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 19 novembre 2019, parvenue à la Cour le 26 février 2020, dans la procédure
XY
contre
Hauptzollamt B,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Juhász (rapporteur), C. Lycourgos et I. Jarukaitis, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour XY, par Me J. Lenhard, Rechtsanwalt,
– pour le Hauptzollamt B, par M. G. Rittenauer, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme S. Heimerl, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. R. Pethke, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 mai 2021,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant XY au Hauptzollamt B (bureau principal des douanes B, Allemagne), au sujet d’un redressement fiscal portant sur la taxation de la consommation d’électricité de XY, en particulier, sur l’existence d’un droit de cette dernière au versement d’intérêts de retard sur le montant de taxe sur l’électricité qu’elle avait indûment payé et qui lui a été ainsi remboursé.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 3 à 5 de la directive 2003/96 énoncent :
« (3) Le bon fonctionnement du marché intérieur et la réalisation des objectifs des autres politiques communautaires nécessitent que des niveaux minima de taxation soient fixés au niveau communautaire pour la plupart des produits énergétiques, y compris l’électricité, le gaz naturel et le charbon.
(4) D’importants écarts entre les niveaux nationaux de taxation de l’énergie appliqués par les États membres pourraient s’avérer préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur.
(5) La fixation à des niveaux appropriés des minima communautaires de taxation peut permettre de diminuer les écarts actuels entre les niveaux nationaux de taxation. »
4 L’article 1er de cette directive est libellé comme suit :
« Les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à la présente directive. »
5 L’article 5 de ladite directive prévoit :
« À condition qu’ils respectent les niveaux minima de taxation prévus par la présente directive et soient conformes au droit [de l’Union], des taux de taxation différenciés peuvent être appliqués sous contrôle fiscal par les États membres dans les cas suivants :
– lorsque les taux différenciés sont directement liés à la qualité du produit,
– lorsque les taux différenciés dépendent des niveaux quantitatifs de consommation de l’électricité et des produits énergétiques pour le chauffage,
– pour les utilisations suivantes : les transports publics locaux de passagers (y compris les taxis), la collecte des déchets, les forces armées et l’administration publique, les personnes handicapées, les ambulances,
– entre la consommation professionnelle et non professionnelle des produits énergétiques et de l’électricité visés aux articles 9 et 10. »
6 L’article 17 de la même directive dispose :
« 1. Pour autant que les niveaux minima communautaires de taxation prévus par la présente directive soient respectés en moyenne pour chaque entreprise, les États membres pourront appliquer des réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques utilisés pour le chauffage ou pour les besoins prévus à l’article 8, paragraphe 2, [sous] b) et c), et d’électricité dans les cas suivants :
a) en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie.
On entend par “entreprise grande consommatrice d’énergie”, une entreprise, telle que définie à l’article 11, dont les achats de produits énergétiques et d’électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production ou pour laquelle le montant total des taxes énergétiques nationales dues est d’au moins 0,5 % de la valeur ajoutée. Dans le cadre de cette définition, les États membres peuvent appliquer des critères plus restrictifs, tels que des définitions du chiffre d’affaires, du procédé
et du secteur industriel.
On entend par “achats de produits énergétiques et d’électricité”, le coût réel de l’énergie achetée ou produite dans l’entreprise. Il ne comprend que l’électricité, la chaleur et les produits énergétiques qui sont utilisés pour le chauffage ou aux fins prévues à l’article 8, paragraphe 2, [sous] b) et c). Toutes les taxes sont comprises, à l’exception de la [taxe sur la valeur ajoutée (TVA)] déductible.
On entend par “valeur de la production”, le chiffre d’affaires, y compris les subventions directement liées au prix du produit, corrigé de la variation des stocks de produits finis, les travaux en cours et les biens ou les services achetés à des fins de revente, diminué des acquisitions de biens et services destinés à la revente.
On entend par “valeur ajoutée”, le chiffre d’affaires total soumis à la TVA, y compris les exportations, diminué de la totalité des achats soumis à la TVA, y compris les importations.
Les États membres qui appliquent actuellement des régimes nationaux de taxation de l’énergie définissant les entreprises grandes consommatrices d’énergie en fonction d’autres critères que le rapport coûts de l’énergie/valeur de la production et le rapport taxes énergétiques nationales dues/valeur ajoutée pourront bénéficier d’une période de transition ne dépassant pas le 1er janvier 2007 pour s’adapter à la définition figurant au point a), premier alinéa ;
b) lorsque des accords sont passés avec des entreprises ou des associations d’entreprises, ou lorsque des régimes de permis négociables ou des mesures équivalentes sont mises en œuvre, pour autant qu’ils visent à atteindre des objectifs de protection environnementale ou à améliorer l’efficacité énergétique.
2. Nonobstant l’article 4, paragraphe 1, les États membres peuvent appliquer un niveau de taxation allant jusqu’à zéro aux produits énergétiques et à l’électricité tels que définis à l’article 2, lorsqu’ils sont utilisés par des entreprises grandes consommatrices d’énergie telles que définies au paragraphe 1.
3. Nonobstant l’article 4, paragraphe 1, les États membres peuvent appliquer un niveau de taxation représentant 50 % des niveaux minima fixés dans la présente directive aux produits énergétiques et à l’électricité tels que définis à l’article 2, lorsqu’ils sont utilisés par des entreprises, telles que définies à l’article 11, qui ne sont pas des entreprises grandes consommatrices d’énergie telles que définies au paragraphe 1.
4. Les entreprises qui bénéficient des possibilités prévues aux paragraphes 2 et 3 acceptent les accords ou les régimes de permis négociables ou les mesures équivalentes, visés au paragraphe 1, [sous] b). Ces accords, régimes de permis négociables ou mesures équivalentes doivent permettre la réalisation des objectifs environnementaux ou un rendement énergétique accru à peu près équivalents à ce qui aurait été obtenu si les taux minima communautaires normaux avaient été respectés. »
7 En vertu des articles 7, 15, 16 et 19 de la directive 2003/96, les États membres peuvent également appliquer des exonérations ou des réductions du niveau de taxation dans les cas qui y sont mentionnés.
8 L’article 21, paragraphe 5, première phrase, de cette directive prévoit :
« Pour l’application des articles 5 et 6 de la directive 92/12/CEE [du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO 1992, L 76, p. 1), telle que modifiée par la directive 2000/47/CE du Conseil, du 20 juillet 2000 (JO 2000, L 193, p. 73)], l’électricité et le gaz naturel sont soumis à taxation et la taxe devient exigible au moment de leur fourniture par le distributeur ou le redistributeur. »
Le droit allemand
9 Le Stromsteuergesetz (loi relative à la taxe sur l’électricité), du 24 mars 1999 (BGBl. 1999 I, p. 378, et BGBl. 2000 I, p. 147), tel que modifié par la loi du 19 décembre 2008 (BGBl. 2008 I, p. 2794) (ci-après le « StromStG »), dispose, à son article 3, intitulé « Taux d’imposition » :
« La taxe s’élève à 20,50 euros par mégawattheure. »
10 L’article 9 du StromStG, intitulé « Exonérations et réductions de taxe », prévoit, à son paragraphe 3 :
« L’électricité est soumise, à l’exception des cas visés au paragraphe 2, point 2, à une taxe à taux réduit de 12,30 euros par mégawattheure si elle est consommée, aux fins de leur exploitation, par des entreprises manufacturières ou des entreprises agricoles et sylvicoles et si elle n’est pas exonérée de taxe en vertu du paragraphe 1. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
11 XY est une entreprise manufacturière qui, en 2010, dans le cadre de ses activités, a prélevé de l’électricité en provenance du réseau d’approvisionnement afin de procéder au chargement d’accumulateurs.
12 Dans sa déclaration relative à la taxe sur l’électricité pour l’année 2010, XY a déclaré le volume d’électricité prélevé au titre de sa consommation propre et a opté pour l’application de la taxe à taux réduit prévue à l’article 9, paragraphe 3, du StromStG. Dans l’avis d’imposition correspondant, le bureau principal des douanes B a cependant fait application de la taxe sur l’électricité au taux normal, ce que XY a contesté.
13 Après qu’il a été constaté, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle relative à l’année 2006, que la taxe à taux réduit prévue à l’article 9, paragraphe 3, du StromStG était applicable, le bureau principal des douanes B est revenu sur sa décision en ce qui concerne l’année 2010, estimant en définitive que XY était en droit de demander l’application de ce taux, et a procédé, le 27 août 2013, à la rectification de l’avis d’imposition de XY ainsi qu’au remboursement du montant indûment payé
par cette dernière au titre de l’année 2010.
14 Au mois de décembre 2014, XY a demandé que le montant remboursé au titre de l’année 2010 soit majoré d’intérêts de retard, ce que le bureau principal des douanes B a refusé.
15 Le recours de XY visant à obtenir le versement de ces intérêts de retard a été rejeté par le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne), au motif que XY n’y avait droit ni en vertu du droit de l’Union ni en vertu du droit allemand. Plus particulièrement, selon cette juridiction, le droit de l’Union n’imposerait pas de majorer le montant remboursé d’intérêts de retard. En effet, d’une part, le prélèvement d’électricité aux fins de procéder au chargement d’accumulateurs n’entrerait pas dans
le champ d’application de la directive 2003/96. D’autre part, et en tout état de cause, l’application de la réduction de taxe en cause au principal serait de nature facultative, de telle sorte que le droit de l’Union n’exigerait pas le versement d’intérêts de retard en cas de remboursement.
16 XY a formé un pourvoi en Revision contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), la juridiction de renvoi. Selon XY, il convient, conformément à la jurisprudence de la Cour, de verser des intérêts de retard en cas de remboursement de taxes perçues en violation du droit de l’Union, et ce y compris en cas d’application de réductions de taxe facultatives. Du reste, le chargement d’une batterie constituerait une opération réversible qui relèverait du champ
d’application de la directive 2003/96.
17 Contrairement au Finanzgericht (tribunal des finances), le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) considère que l’activité de XY relève du champ d’application de la directive 2003/96 et s’interroge uniquement sur la question de savoir si le montant de la taxe sur l’électricité indûment payé et remboursé à celle-ci doit être majoré d’intérêts de retard.
18 Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Un droit au remboursement de la taxe sur l’électricité fixée à tort doit-il, en vertu du droit de l’Union, être majoré d’intérêts de retard, lorsque la fixation d’une taxe sur l’électricité inférieure était fondée sur la réduction de taxe facultative prévue à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 et que la fixation d’une taxe trop élevée était due exclusivement à une erreur commise lors de l’application au cas d’espèce de la disposition nationale adoptée pour transposer
l’article 17, paragraphe 1, sous a), de cette directive ? »
Sur la question préjudicielle
19 À titre liminaire, il convient de relever que, d’une part, dans le cadre de ses observations, le gouvernement allemand, sans soulever une exception d’irrecevabilité, considère, en substance, que, en vertu de l’article 21, paragraphe 5, de la directive 2003/96, l’électricité fournie pour être stockée dans des accumulateurs doit être taxée ou également être taxée au moment de sa distribution ultérieure à des tiers. Cet avis diverge de la prémisse de la juridiction de renvoi, laquelle considère que
la fourniture de l’électricité pour être stockée dans des accumulateurs est le seul fait générateur de la taxe concernée.
20 Ces observations n’affectent pas la recevabilité de la question posée.
21 En effet, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation
sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique ou que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ainsi que pour comprendre les raisons pour lesquelles la juridiction nationale considère qu’elle a besoin des réponses à ces questions aux fins de trancher le litige pendant devant elle (arrêts du
10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 27, ainsi que du 12 décembre 2019, Slovenské elektrárne, C‑376/18, EU:C:2019:1068, point 24 et jurisprudence citée).
22 Il ressort de la question posée qu’elle a un rapport avec la réalité et l’objet du litige au principal, celui-ci n’ayant pas pour objet l’interprétation des dispositions de la directive 2003/96, mais les conditions de remboursement d’une taxe perçue sur le fondement de l’application erronée d’une réglementation nationale mettant en œuvre une faculté prévue par cette directive.
23 D’autre part, le gouvernement allemand expose que la question posée n’aurait pas dû faire référence à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, mais sur l’article 5, quatrième tiret, de celle-ci.
24 À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a fait observer au point 56 de ses conclusions, il y a lieu de relever que tant les avantages fiscaux pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie, prévus à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, que l’application de taux de taxation différenciés en fonction de l’utilisation professionnelle ou non professionnelle de l’électricité, visée à l’article 5, quatrième tiret, de cette directive, sont facultatifs pour les États
membres. La résolution de la problématique juridique soulevée dans la question posée peut, par conséquent, revêtir une importance pour l’issue du litige au principal, indépendamment du fondement juridique de l’introduction par le législateur allemand de l’application différenciée des taux de taxation concernés.
25 Dans ces conditions, il convient de considérer que la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union exige que, en cas de remboursement du montant de la taxe sur l’électricité indûment perçu, en raison de l’application erronée d’une disposition nationale, adoptée sur le fondement d’une faculté accordée aux États membres par la directive 2003/96, ce montant soit majoré d’intérêts.
26 Il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union telles qu’elles ont été interprétées par la Cour. Les États membres sont donc tenus, en principe, de rembourser les taxes perçues en violation du droit de l’Union (arrêts du 19 juillet 2012,
Littlewoods Retail e.a., C‑591/10, EU:C:2012:478, point 24 ainsi que jurisprudence citée, et du 23 avril 2020, Sole-Mizo et Dalmandi Mezőgazdasági, C‑13/18 et C‑126/18, EU:C:2020:292, point 34 ainsi que jurisprudence citée).
27 En outre, la Cour a jugé que, lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit de l’Union, les justiciables ont droit au remboursement non seulement de l’impôt indûment perçu, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. Cela comprend également les pertes constituées par l’indisponibilité de sommes d’argent à la suite de l’exigibilité prématurée de l’impôt. Il ressort de cette jurisprudence que le principe de
l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découle de ce dernier droit (arrêts du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a., C‑591/10, EU:C:2012:478, points 25 et 26 ainsi que jurisprudence citée, et du 23 avril 2020, Sole-Mizo et Dalmandi Mezőgazdasági, C‑13/18 et C‑126/18, EU:C:2020:292, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).
28 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions, il convient de préciser que l’obligation de majoration d’intérêts du montant des taxes perçues en violation du droit de l’Union s’applique également lorsque cette violation résulte d’une méconnaissance des principes généraux de ce droit.
29 Il y a lieu de rappeler que la directive 2003/96 a pour objet, ainsi qu’il ressort de ses considérants 3 à 5 et de son article 1er, la fixation d’un régime de taxation harmonisé des produits énergétiques et de l’électricité (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Repsol Petróleo, C‑44/19, EU:C:2020:982, point 21).
30 Dans le cadre de ce régime, le législateur de l’Union a, notamment en vertu des articles 5, 7, 15 à 17 et 19 de cette directive, conféré aux États membres un ensemble de facultés afin d’introduire des taux de taxation différenciés, des exonérations de taxation ou des réductions fiscales des droits d’accises, lesquelles facultés font partie intégrante du régime de taxation harmonisé établi par ladite directive.
31 À ce titre, selon la jurisprudence de la Cour, les États membres sont tenus d’exercer le pouvoir discrétionnaire dont ils disposent en vertu de ces articles dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux et, notamment, dans le respect du principe de l’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Autoservizi Giordano, C‑513/18, EU:C:2020:59, point 35 et jurisprudence citée). Par ailleurs, cette exigence vise tant les mesures par lesquelles il est fait usage
de ce pouvoir discrétionnaire que l’application de celles-ci.
32 Le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 30 janvier 2020, Autoservizi Giordano, C‑513/18, EU:C:2020:59, point 37 et jurisprudence citée).
33 À cet égard, il y a lieu de constater que, du point de vue du montant de la taxe indûment perçu et de l’obligation de remboursement correspondante, un opérateur économique soumis à un taux réduit de la taxe sur l’électricité en application d’une disposition du droit national mettant en œuvre la faculté prévue par la directive 2003/96, et dont le montant a été indûment perçu, se trouve dans une situation comparable à celle d’un opérateur économique soumis au taux normal de cette taxe en
application d’une disposition de cette directive, dont le montant a été indûment perçu.
34 Ces deux situations ne devraient pas être traitées de manière différente, ce qui implique, en cas de remboursement, l’obligation de majoration d’intérêts du montant de la taxe indûment perçu.
35 En effet, la comparaison entre les opérateurs économiques doit être faite selon qu’ils ont dû ou non subir les pertes constituées par l’indisponibilité de sommes d’argent à la suite de l’exigibilité erronée de l’impôt, au sens de la jurisprudence citée au point 27 du présent arrêt, qu’ils relèvent de l’application du taux normal ou du taux réduit de celui-ci, les deux taux relevant d’un même régime harmonisé institué par la directive 2003/96.
36 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que le droit de l’Union exige que, en cas de remboursement du montant de la taxe sur l’électricité indûment perçu, en raison de l’application erronée d’une disposition nationale, adoptée sur le fondement d’une faculté accordée aux États membres par la directive 2003/96, ce montant soit majoré d’intérêts.
Sur les dépens
37 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il exige que, en cas de remboursement du montant de la taxe sur l’électricité indûment perçu, en raison de l’application erronée d’une disposition nationale, adoptée sur le fondement d’une faculté accordée aux États membres par la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, ce montant soit majoré d’intérêts.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.