ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
17 mars 2021 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2009/147/CE – Conservation des oiseaux sauvages – Articles 5 et 8 – Interdiction de recourir à toute méthode de capture des oiseaux – Article 9, paragraphe 1 – Autorisation de recourir par dérogation à une telle méthode consacrée par un usage traditionnel – Conditions – Absence d’autre solution satisfaisante – Justification de l’absence d’“autre solution satisfaisante” par la seule préservation de cette méthode traditionnelle – Sélectivité des
captures – Réglementation nationale autorisant la capture d’oiseaux par l’emploi de gluaux »
Dans l’affaire C‑900/19,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 29 novembre 2019, parvenue à la Cour le 6 décembre 2019, dans la procédure
One Voice,
Ligue pour la protection des oiseaux
contre
Ministre de la Transition écologique et solidaire,
en présence de :
Fédération nationale des Chasseurs,
LA COUR (première chambre),
composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteure), MM. M. Safjan et N. Jääskinen, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour One Voice, par Me A. Moreau, avocate,
– pour la Fédération nationale des Chasseurs, par Mes H. Farge et C. Waquet, avocates,
– pour le gouvernement français, par Mme A.-L. Desjonquères et M. E. Leclerc, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. C. Hermes et F. Thiran, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 19 novembre 2020,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7, ci-après la « directive “oiseaux” »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant One Voice et la Ligue pour la protection des oiseaux au ministre de la Transition écologique et solidaire (France) au sujet de la validité de cinq arrêtés du 24 septembre 2018 relatifs à l’emploi des gluaux pour la capture des grives et des merles noirs destinés à servir d’appelants pour la campagne de chasse 2018-2019 dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et du Var
(France) (JORF du 27 septembre 2018, textes nos 10 à 13 et 15, ci-après les « arrêtés du 24 septembre 2018 »).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Selon l’article 9, paragraphe 1, de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1) :
« Les États membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après :
[...]
c) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités. »
4 La directive « oiseaux » a procédé à la codification de la directive 79/409 et a abrogé celle-ci.
5 Aux termes des considérants 3 et 5 de la directive « oiseaux » :
« (3) Sur le territoire européen des États membres, un grand nombre d’espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage subissent une régression de leur population, très rapide dans certains cas, et cette régression constitue un danger sérieux pour la conservation du milieu naturel, notamment à cause des menaces qu’elle fait peser sur les équilibres biologiques.
[...]
(5) La conservation des espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres est nécessaire à la réalisation des objectifs de [l’Union européenne] dans les domaines de l’amélioration des conditions de vie et du développement durable. »
6 L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive est rédigé en ces termes :
« La présente directive concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation. »
7 L’article 2 de ladite directive dispose :
« Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles. »
8 L’article 5 de la même directive est libellé comme suit :
« Sans préjudice des articles 7 et 9, les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er et comportant notamment l’interdiction :
a) de les tuer ou de les capturer intentionnellement, quelle que soit la méthode employée ;
[...] »
9 L’article 7, paragraphes 1 et 3, de la directive « oiseaux » prévoit :
« 1. En raison de leur niveau de population, de leur distribution géographique et de leur taux de reproductivité dans l’ensemble de [l’Union], les espèces énumérées à l’annexe II peuvent faire l’objet d’actes de chasse dans le cadre de la législation nationale. Les États membres veillent à ce que la chasse de ces espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire de distribution.
[...]
3. Les espèces énumérées à l’annexe II, partie B, peuvent être chassées seulement dans les États membres pour lesquels elles sont mentionnées. »
10 L’annexe II, partie B, de cette directive mentionne, notamment, le turdus merula (merle noir), le turdus pilaris (grive litorne), le turdus philomelos (grive musicienne), le turdus iliacus (grive mauvis) et le turdus viscivorus (grive draine).
11 L’article 8, paragraphe 1, de ladite directive dispose :
« En ce qui concerne la chasse, la capture ou la mise à mort d’oiseaux dans le cadre de la présente directive, les États membres interdisent le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l’annexe IV, point a). »
12 Les gluaux figurent parmi les moyens de capture visés à l’annexe IV, point a), de la même directive.
13 L’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive « oiseaux » énonce :
« 1. Les États membres peuvent déroger aux articles 5 à 8 s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après :
[...]
c) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités.
2. Les dérogations visées au paragraphe 1 doivent mentionner :
a) les espèces qui font l’objet des dérogations ;
b) les moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort autorisés ;
c) les conditions de risque et les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles ces dérogations peuvent être prises ;
d) l’autorité habilitée à déclarer que les conditions exigées sont réunies, à décider quels moyens, installations ou méthodes peuvent être mis en œuvre, dans quelles limites et par quelles personnes ;
e) les contrôles qui seront opérés. »
Le droit français
14 Le titre II du livre IV du code de l’environnement, relatif à la chasse, comprend, notamment, un chapitre IV, intitulé « Exercice de la chasse », lui-même subdivisé en six sections, la section 3 étant consacrée aux « [m]odes et moyens de chasse ». L’article L. 424-4 de ce code, qui figure sous ladite section, dispose :
« Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l’a obtenu le droit de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, soit au vol, suivant les distinctions établies par des arrêtés du ministre chargé de la chasse. Le jour s’entend du temps qui commence une heure avant le lever du soleil au chef-lieu du département et finit une heure après son coucher.
[...]
Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la chasse de certains oiseaux de passage en petites quantités, le ministre chargé de la chasse autorise, dans les conditions qu’il détermine, l’utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels, dérogatoires à ceux autorisés par le premier alinéa.
[...]
Les gluaux sont posés une heure avant le lever du soleil et enlevés avant onze heures.
Tous les autres moyens de chasse, y compris l’avion et l’automobile, même comme moyens de rabat, sont prohibés.
[...] »
15 L’article 1er de l’arrêté du secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de l’environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs, du 17 août 1989, relatif à l’emploi des gluaux pour la capture des grives et des merles destinés à servir d’appelants dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, du Var et de Vaucluse (JORF du 13 septembre 1989, p. 11560, ci-après l’« arrêté du 17 août 1989 »), prévoit :
« L’emploi des gluaux pour la capture des grives draines, litornes, mauvis et musiciennes et des merles noirs destinés à servir d’appelants à des fins personnelles, est autorisé dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, du Var et de Vaucluse et dans les conditions strictement contrôlées définies ci-après afin de permettre la capture sélective et en petites quantités de ces oiseaux, puisqu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante. »
16 Aux termes de l’article 4, premier alinéa, de cet arrêté :
« Les gluaux ne peuvent demeurer posés qu’en présence du chasseur. Tout oiseau pris est nettoyé immédiatement. »
17 L’article 6 dudit arrêté énonce :
« Le nombre maximum d’oiseaux pouvant être capturés pendant la campagne, ainsi, le cas échéant, que les spécifications techniques propres à un département sont fixés chaque année par le ministre chargé de la chasse. »
18 L’article 11 du même arrêté précise :
« Tout gibier autre que les grives draines, litornes, mauvis et musiciennes et les merles noirs capturé accidentellement est nettoyé et relâché immédiatement. »
19 En application de l’arrêté du 17 août 1989, le ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, a, par les arrêtés du 24 septembre 2018, fixé respectivement à 2900 dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, à 400 dans le département des Alpes-Maritimes, à 11400 dans le département des Bouches-du-Rhône, à 15600 dans le département du Vaucluse et à 12200 dans le département du Var, le nombre maximum de grives et de merles noirs destinés à servir d’appelants pouvant être
capturés par l’emploi de gluaux pour la campagne de chasse 2018-2019.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
20 One Voice a saisi le Conseil d’État (France) de cinq recours tendant à l’annulation des arrêtés du 24 septembre 2018 ainsi qu’à ce qu’il soit fait injonction au ministre de la Transition écologique et solidaire de procéder à l’abrogation de l’arrêté du 17 août 1989. La Ligue pour la protection des oiseaux a saisi cette même juridiction de cinq recours tendant à l’annulation des arrêtés du 24 septembre 2018. Ces différents recours ont été joints par la juridiction de renvoi.
21 Au soutien de leurs recours, les requérantes au principal ont, en substance, fait valoir notamment que l’arrêté du 17 août 1989, en application duquel les arrêtés du 24 septembre 2018 ont été adoptés, méconnaît les dispositions de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux », notamment en ce qu’il autorise le recours à un mode de chasse traditionnel non sélectif, à savoir l’emploi de gluaux, sans que soit en outre justifiée l’absence d’une autre solution satisfaisante. De plus, la Ligue
pour la protection des oiseaux soutient que les arrêtés du 24 septembre 2018 méconnaissent également cette directive en ce qu’ils autorisent le prélèvement d’oiseaux dans des conditions non strictement contrôlées et sans qu’il soit démontré que les prélèvements autorisés se limitent à de petites quantités.
22 La juridiction de renvoi relève, en premier lieu, que, dans l’arrêt du 27 avril 1988, Commission/France (252/85, EU:C:1988:202), la Cour a jugé que les dispositions issues de l’arrêté du 27 juillet 1982, dont celles de l’arrêté du 17 août 1989 ne sont pas substantiellement différentes, étaient compatibles avec les exigences de la directive 79/409 et, notamment, qu’elles ne méconnaissaient pas l’exigence d’une « exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités » eu égard au
« caractère très précis » du dispositif qu’elles prévoyaient.
23 Toutefois, cette juridiction fait observer que, dans son arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte (C‑557/15, EU:C:2018:477), intervenu postérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 3 TUE et de l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), la Cour a jugé qu’une législation nationale autorisant un autre procédé de chasse traditionnel ne remplissait pas une des conditions requises à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive
« oiseaux » pour pouvoir déroger à l’article 8 de cette directive, à savoir le caractère sélectif de la méthode de capture concernée, en se fondant sur l’existence de « prises accessoires » sans préciser l’ampleur de ces prises accessoires.
24 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce que les États membres autorisent le recours à des moyens, des installations, des méthodes de capture ou des mises à mort susceptibles de conduire, même de façon minime et strictement temporaire, à des prises accessoires. En cas de réponse négative, il conviendrait de déterminer quels critères, tenant notamment à la
proportion ou à l’ampleur limitées de ces prises accessoires, ou au caractère en principe non létal du procédé de chasse autorisé et à l’obligation de libérer sans dommages sérieux les spécimens capturés accidentellement, peuvent être retenus pour regarder le critère de sélectivité posé par ces dispositions comme étant rempli.
25 En second lieu, la juridiction de renvoi souligne que, si, dans l’arrêt du 27 avril 1988, Commission/France (252/85, EU:C:1988:202), la Cour a également jugé que l’emploi de gluaux pour la capture de grives, mode de chasse consacré par un usage traditionnel dans certains départements français, ne méconnaissait pas les exigences de la directive 79/409, reprises par la directive « oiseaux », elle a néanmoins considéré, dans son arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte (C‑557/15, EU:C:2018:477), que
les dispositions de l’article 9 de cette dernière directive imposent une motivation précise et adéquate de l’inexistence d’une autre solution satisfaisante à la dérogation accordée par un État membre.
26 L’arrêté du 17 août 1989 affirmant que, eu égard au fait que la méthode de chasse aux gluaux est consacrée, dans les départements concernés, par les usages traditionnels, « il n’existe pas d’autre solution satisfaisante », la juridiction de renvoi cherche donc à savoir si la directive « oiseaux » doit être interprétée en ce sens que l’objectif de préserver le recours à des modes et des moyens de chasse d’oiseaux consacrés par les usages traditionnels, à des fins récréationnelles, et dans la
mesure où l’ensemble des autres conditions posées à une telle dérogation par son article 9, paragraphe 1, sous c), seraient remplies, est susceptible de justifier par lui-même de l’inexistence d’une autre solution satisfaisante, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de ladite directive, permettant ainsi de déroger au principe de l’interdiction de ces modes et moyens de chasse, posé à l’article 8 de celle-ci.
27 Dans ces circonstances, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions de [l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive “oiseaux”] doivent-elles être interprétées comme faisant obstacle à ce que les États membres autorisent le recours à des moyens, installations, méthodes de capture ou mise à mort susceptibles de conduire, même de façon minime et strictement temporaire, à des prises accessoires ? Le cas échéant, quels critères, tenant notamment à la proportion ou l’ampleur limitées de ces prises accessoires, au caractère en principe non
létal du procédé de chasse autorisé et à l’obligation de libérer sans dommages sérieux les spécimens capturés accidentellement, peuvent être retenus pour regarder le critère de sélectivité posé par ces dispositions comme rempli ?
2) La directive [“oiseaux”] doit-elle être interprétée en ce sens que l’objectif de préserver le recours à des modes et moyens de chasse d’oiseaux consacrés par les usages traditionnels, à des fins récréationnelles, et dans la mesure où l’ensemble des autres conditions posées à une telle dérogation par [son article 9, paragraphe 1, sous c),] seraient remplies, est susceptible de justifier de l’inexistence d’une autre solution satisfaisante au sens de [son article 9, paragraphe 1], permettant
ainsi de déroger au principe d’interdiction de ces modes et moyens de chasse posé à son article 8 ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la seconde question
28 Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » doit être interprété en ce sens que le caractère traditionnel d’une méthode de capture d’oiseaux suffit, en soi, à établir qu’une autre solution satisfaisante, au sens de cette disposition, ne peut être substituée à cette méthode.
29 Il importe tout d’abord de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, afin de permettre aux autorités compétentes de ne recourir aux dérogations prévues à l’article 9 de la directive « oiseaux » que d’une manière qui soit conforme au droit de l’Union, le cadre législatif et réglementaire national doit être conçu de sorte que la mise en œuvre des dispositions dérogatoires qui y sont énoncées réponde au principe de sécurité juridique. Partant, la réglementation nationale applicable en cette
matière doit énoncer les critères de dérogation de manière claire et précise et obliger les autorités chargées de leur application à en tenir compte. S’agissant d’un régime d’exception, qui doit être d’interprétation stricte et faire peser la charge de la preuve de l’existence des conditions requises, pour chaque dérogation, sur l’autorité qui en prend la décision, les États membres sont tenus de garantir que toute intervention touchant aux espèces protégées ne soit autorisée que sur la base de
décisions comportant une motivation précise et adéquate se référant aux motifs, aux conditions et aux exigences prévus à l’article 9, paragraphes 1 et 2, de cette directive (arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte, C‑557/15, EU:C:2018:477, point 47).
30 Plus particulièrement, les éléments démontrant que les conditions requises pour déroger au régime de protection de la directive « oiseaux » sont satisfaites doivent reposer sur des connaissances scientifiques bien établies. Ainsi, les meilleures connaissances pertinentes doivent être à la disposition des autorités au moment où elles octroient les autorisations [arrêt du 23 avril 2020, Commission/Finlande (Chasse printanière à l’eider à duvet mâle), C‑217/19, EU:C:2020:291, point 70 et
jurisprudence citée].
31 En outre, si la réglementation nationale applicable en matière de conservation des oiseaux sauvages doit, lorsqu’elle entend faire application du régime dérogatoire prévu à l’article 9 de la directive « oiseaux », énoncer les critères de dérogation de manière claire et précise et imposer à l’autorité compétente de vérifier qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante au sens de cet article, la motivation retenue lors de l’exercice de ce régime dérogatoire doit faire apparaître que la
condition relative à l’inexistence d’une autre solution satisfaisante est remplie (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte, C‑557/15, EU:C:2018:477, points 48 et 50).
32 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré qu’une réglementation nationale faisant usage du régime dérogatoire prévu à l’article 9 de la directive « oiseaux » remplit les conditions relatives à l’obligation de motivation, qui découlent de l’article 9, paragraphe 2, de cette directive, lorsqu’elle contient la seule indication selon laquelle il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, sans que cette indication soit étayée par une motivation circonstanciée, fondée sur les meilleures
connaissances scientifiques pertinentes et exposant les motifs ayant conduit l’autorité compétente à la conclusion que l’ensemble des conditions susceptibles de permettre une dérogation, au sens de l’article 9 de ladite directive, dont la condition relative à l’inexistence d’une autre solution satisfaisante, sont réunies.
33 Ensuite, il importe de rappeler que la Cour a déjà dit pour droit que la chasse aux oiseaux sauvages pratiquée à des fins de loisir dans les conditions fixées par la directive « oiseaux » est susceptible de constituer une « exploitation judicieuse » autorisée par cette directive [arrêt du 23 avril 2020, Commission/Finlande (Chasse printanière à l’eider à duvet mâle), C‑217/19, EU:C:2020:291, point 65 et jurisprudence citée]. Sont également susceptibles de relever de la notion d’« exploitation
judicieuse » les méthodes traditionnelles de chasse, puisque, comme le mentionne l’article 2 de ladite directive, les États membres doivent tenir compte, lorsqu’ils prennent les mesures visées à cet article, des exigences récréationnelles.
34 Toutefois, si l’article 2 de la directive « oiseaux » invite les États membres à mettre en œuvre cette dernière en tenant compte des exigences écologiques, scientifiques et culturelles ainsi que des exigences économiques et récréationnelles, force est de constater que la conservation des oiseaux constitue l’objectif principal de cette directive.
35 À ce propos, la Cour a itérativement jugé que le maintien d’activités traditionnelles ne constitue pas une dérogation autonome au régime de protection établi par la directive « oiseaux » [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1987, Commission/Belgique, 247/85, EU:C:1987:339, point 8 ; du 28 février 1991, Commission/Allemagne, C‑57/89, EU:C:1991:89, point 22, et du 23 avril 2020, Commission/Finlande (Chasse printanière à l’eider à duvet mâle), C‑217/19, EU:C:2020:291, point 85].
36 En effet, les méthodes de chasse relèvent souvent de traditions ou d’usages locaux, si bien que, si le but de les conserver tels quels constituait un motif autonome de dérogation, cela conduirait à autoriser un grand nombre de pratiques contraires aux exigences de l’article 9 de la directive « oiseaux ». Une telle approche irait à l’encontre de l’interprétation stricte qui doit prévaloir de cette disposition.
37 Il y a encore lieu de rappeler que, lorsque l’autorité compétente est appelée à vérifier l’absence d’autres solutions satisfaisantes, elle doit procéder à une comparaison des différentes solutions répondant aux conditions du régime dérogatoire institué à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » pour déterminer celle qui apparaissait la plus satisfaisante [voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2020, Commission/Autriche (Chasse printanière à la bécasse des bois), C‑161/19, non
publié, EU:C:2020:290, points 51 à 57 ainsi que jurisprudence citée].
38 À ce propos, la Fédération nationale des Chasseurs et le gouvernement français font valoir que l’élevage des espèces en cause au principal ne saurait constituer une solution satisfaisante, compte tenu de son coût et de la réglementation en vigueur, qui interdit le commerce de ces espèces.
39 Ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 36 de ses conclusions, il convient de prendre en considération l’article 13 TFUE, en vertu duquel l’Union et les États membres doivent tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique de celle-ci. Il s’ensuit que c’est à l’aune des options raisonnables et des meilleurs techniques disponibles qu’il convient d’apprécier le caractère satisfaisant des solutions alternatives (voir,
par analogie, arrêt du 9 mars 2010, ERG e.a., C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 62).
40 À cet égard, la Cour a déjà jugé que l’élevage et la reproduction en captivité des espèces protégées sont susceptibles de constituer une autre solution satisfaisante lorsqu’ils s’avèrent possibles (arrêt du 12 décembre 1996, LRBPO et AVES, C‑10/96, EU:C:1996:504, point 18 ainsi que jurisprudence citée) et que le transport d’oiseaux licitement capturés ou détenus constitue également une exploitation judicieuse, au sens de la directive 79/409 (arrêt du 8 juillet 1987, Commission/Belgique, 247/85,
EU:C:1987:339, point 48). De même, la circonstance que l’élevage et la reproduction en captivité des espèces concernées ne sont pas encore faisables à grande échelle en raison de la réglementation nationale n’est pas en elle-même de nature à remettre en cause la pertinence de ces autres solutions (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 1996, LRBPO et AVES, C‑10/96, EU:C:1996:504, point 21).
41 Il s’ensuit que, ainsi que l’a relevé en substance Mme l’avocate générale aux points 30 et 38 de ses conclusions, il semble exister d’autres options susceptibles de respecter l’exigence prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ».
42 Par ailleurs, si la capture d’oiseaux au moyen de gluaux relève par elle-même de l’activité cynégétique, elle ne constitue que l’étape préliminaire à d’autres méthodes de prélèvement, puisque les oiseaux ainsi capturés ont vocation à servir d’appelants aux fins d’attirer d’autres oiseaux de la même espèce, ces derniers étant alors tirés au fusil.
43 Or, le simple fait qu’une autre méthode de capture requerrait une adaptation et, par conséquent, exigerait de s’écarter de certaines caractéristiques d’une tradition ne saurait suffire pour considérer qu’il n’existe pas une « autre solution satisfaisante », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 1996, LRBPO et AVES, C‑10/96, EU:C:1996:504, point 21).
44 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive « oiseaux » doit être interprété en ce sens que le caractère traditionnel d’une méthode de capture d’oiseaux ne suffit pas, en soi, à établir qu’une autre solution satisfaisante, au sens de cette disposition, ne peut être substituée à cette méthode.
Sur la première question
45 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui autorise, par dérogation à l’article 8 de cette directive, le recours à une méthode de capture d’oiseaux entraînant des prises accessoires de faible volume et pour une durée limitée.
46 Il convient de relever que cette question implique d’interpréter la condition, visée à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux », selon laquelle la capture, la détention ou l’exploitation judicieuse de certains oiseaux doivent s’effectuer de manière sélective.
47 À ce propos, les parties ayant présenté des observations écrites se sont référées aux arrêts du 27 avril 1988, Commission/France (252/85, EU:C:1988:202), du 9 décembre 2004, Commission/Espagne (C‑79/03, EU:C:2004:782), ou du 21 juin 2018, Commission/Malte (C‑557/15, EU:C:2018:477).
48 À cet égard, il importe, tout d’abord, de souligner que, dans le premier arrêt, si la Cour a constaté le « caractère très précis » du dispositif réglementaire national en vigueur et, en particulier, l’existence d’un « nombre important de conditions restrictives » portant sur l’octroi des autorisations de capture, elle s’est contentée de considérer que les éléments fournis par la Commission européenne ne permettaient pas d’étayer les allégations de cette institution selon lesquelles la
réglementation de l’État membre concerné contrevenait aux exigences de la directive 79/409 (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 1988, Commission/France, 252/85, EU:C:1988:202, points 29 et 30), sans pour autant examiner spécialement et explicitement le contenu du dispositif de capture au regard du critère de sélectivité. Dès lors, cet arrêt ne saurait être compris comme ayant validé expressément ledit dispositif au regard de ce critère.
49 Ensuite, en ce qui concerne le deuxième arrêt, la réglementation nationale en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, qui permettait une forme particulière de chasse aux gluaux, était moins rigoureuse que celle en cause au principal, de sorte que la solution retenue dans ledit arrêt ne saurait être transposée en l’occurrence.
50 Enfin, dans le troisième arrêt, l’État membre en cause avait lui-même reconnu le caractère non sélectif de la méthode de capture autorisée par sa réglementation.
51 Cela étant rappelé, il ressort du libellé de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » que les États membres peuvent déroger à l’interdiction, posée à l’article 8 de cette directive, de recourir aux méthodes de capture énumérées à l’annexe IV, point a), de ladite directive, à la condition, notamment, que ces méthodes permettent la capture de certains oiseaux « de manière sélective ».
52 Il convient de relever que l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » ne précise pas la manière dont cette condition doit être entendue. En outre, l’analyse des différentes versions linguistiques de cette disposition ne fournit pas, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale aux points 53 et 54 de ses conclusions, d’indications sur le sens dans lequel la notion de « sélectivité » doit être entendue.
53 Dans la mesure où l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » ne comporte aucun renvoi aux droits nationaux, il y a lieu de constater que la notion de « sélectivité » constitue une notion autonome du droit de l’Union devant être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière [voir, par analogie, arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C‑24/19, EU:C:2020:503, point 75]. En outre, il est de jurisprudence constante que l’interprétation
d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs que poursuit l’acte dont elle fait partie (arrêt du 9 octobre 2019, BGL BNP Paribas, C‑548/18, EU:C:2019:848, point 25).
54 S’agissant, tout d’abord, du terme « sélectivité », il y a lieu de relever que celui-ci recouvre, dans son sens courant, tout ce qui opère une sélection, c’est-à-dire un processus par lequel, au sein d’un ensemble donné, certains éléments sont choisis ou retenus à l’exclusion des autres, en fonction de caractéristiques déterminées.
55 En ce qui concerne, ensuite, le contexte dans lequel s’inscrit l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux », il convient de rappeler que l’article 5, sous a), de cette directive énonce, sans préjudice des articles 7 et 9 de celle-ci, une interdiction générale, quelle que soit la méthode employée, de tuer ou de capturer intentionnellement les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er de ladite directive. Dans ce cadre, l’article 8, paragraphe 1, de la même directive prévoit que
les États membres interdisent « le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l’annexe IV, point a) », au nombre desquels figure l’emploi de gluaux.
56 Il résulte de ces dispositions, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 21 de ses conclusions, que la directive « oiseaux » interdit en principe le recours à la méthode de capture consistant en l’emploi de gluaux.
57 Ainsi, la possibilité de déroger offerte à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » constitue le pendant de l’interdiction des méthodes de prélèvement non sélectives prévue à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, et en particulier de celles énumérées à l’annexe IV, point a), de ladite directive.
58 Enfin, s’agissant des objectifs que poursuit la directive « oiseaux », il importe de souligner, ainsi qu’il ressort des considérants 3 et 5 de cette directive, que « [l]a conservation des espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres est nécessaire à la réalisation des objectifs de [l’Union] dans les domaines de l’amélioration des conditions de vie et du développement durable » et que la régression d’un grand nombre de ces espèces constitue
« un danger sérieux pour la conservation du milieu naturel, notamment à cause des menaces qu’elle fait peser sur les équilibres biologiques ».
59 Pour remédier à un tel danger, l’article 1er, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » précise que cette directive, qui « concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable », a pour objet « la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation ».
60 En outre, ladite directive s’insère dans le cadre prévu tant à l’article 3 TUE qu’à l’article 37 de la Charte, selon lesquels, en substance, l’Union œuvre pour le développement durable et assure un niveau élevé de protection de l’environnement.
61 Par ailleurs, il ressort des dispositions de l’article 9 de la directive « oiseaux », qui font référence au contrôle strict de la dérogation prévue à cet article et au caractère sélectif des captures, comme d’ailleurs du principe général de proportionnalité, que ladite dérogation dont un État membre entend faire usage doit être proportionnée aux besoins qui la justifient [arrêt du 23 avril 2020, Commission/Finlande (Chasse printanière à l’eider à duvet mâle), C‑217/19, EU:C:2020:291, point 67 et
jurisprudence citée].
62 Par conséquent, dans l’appréciation de la sélectivité d’une méthode de capture, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux », il convient de tenir compte non seulement des modalités de cette méthode et de l’ampleur des prises qu’elle implique pour les oiseaux non ciblés, mais également de ses éventuelles conséquences sur les espèces capturées en terme de dommages causés, compte tenu des objectifs de protection poursuivis par cette directive.
63 À cet égard, il importe de distinguer selon que la méthode de capture est ou non létale. Si, dans la première hypothèse, une conception plutôt stricte de la condition de sélectivité doit être retenue, en revanche, dans la seconde hypothèse, cette condition peut être considérée comme satisfaite en présence de prises accessoires, pourvu néanmoins que les espèces non ciblées par cette méthode soient capturées dans de faibles quantités, pour une durée déterminée et qu’elles puissent être relâchées
sans dommage autre que négligeable.
64 Ainsi, si la circonstance qu’une méthode de capture en principe non létale entraîne des prises accessoires ne permet pas, par elle-même, d’établir le caractère non sélectif de cette méthode, le volume de ces prises accessoires ainsi que l’étendue des éventuelles incidences sur les espèces ciblées et non ciblées sont révélateurs du niveau de sélectivité d’une telle méthode.
65 Il résulte tant du libellé de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux », lu à la lumière de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, des objectifs de ladite directive, que du cadre dans lequel celle-ci s’insère, tel qu’il procède des dispositions de l’article 3 TUE, de l’article 37 de la Charte, de l’article 191, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE et de l’article 13 TFUE, relatif au bien-être animal, que la condition de sélectivité énoncée à l’article 9, paragraphe 1,
sous c), de la même directive doit être entendue en ce sens qu’elle ne peut être satisfaite, dans le cas d’une méthode de capture non létale entraînant des prises accessoires, que si celles-ci sont d’une ampleur limitée, c’est-à-dire ne concernent qu’un nombre très réduit de spécimens capturés accidentellement, pour une durée limitée, et qu’elles puissent être relâchées sans dommage autre que négligeable.
66 En l’occurrence, la juridiction de renvoi souligne que la méthode de capture en cause au principal est « en principe » non létale et n’induit des prises accessoires que dans des quantités faibles et pour un temps très limité. En outre, l’article 11 de l’arrêté du 17 août 1989 prévoit que tout oiseau faisant l’objet d’une capture accessoire « est nettoyé et relâché immédiatement ».
67 Toutefois, ainsi que l’ont fait remarquer tant les requérantes au principal que la Commission, et comme Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 51 et 64 de ses conclusions, il est très vraisemblable, sous réserve des constatations faites, en dernier lieu, par la juridiction de renvoi, que, en dépit du nettoyage, les oiseaux capturés subissent un dommage irrémédiable, les gluaux étant, par nature, susceptibles d’endommager le plumage de tous les oiseaux capturés.
68 À ce propos, il y a lieu de rappeler, d’une part, qu’il résulte de la jurisprudence exposée au point 30 du présent arrêt que les autorités compétentes doivent, au moment où elles octroient les autorisations, disposer des meilleures connaissances scientifiques permettant de démontrer que les conditions requises pour déroger au régime de protection institué par la directive « oiseaux » sont satisfaites.
69 D’autre part, une fois les dérogations accordées, les autorités compétentes doivent, conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous e), de cette directive, procéder aux contrôles nécessaires aux fins de s’assurer que les prises accessoires correspondent le plus possible aux niveaux anticipés et sont sans dommage autre que négligeable.
70 Il s’ensuit que ne répond pas à l’exigence de sélectivité prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » une méthode de capture non létale, qui entraîne des prises accessoires, lorsque celles-ci, même de faible volume et pour une durée limitée, sont susceptibles de causer aux espèces capturées non ciblées des dommages autres que négligeables.
71 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui autorise, par dérogation à l’article 8 de cette directive, une méthode de capture entraînant des prises accessoires, dès lors que celles-ci, même de faible volume et pour une durée limitée, sont susceptibles de causer aux espèces capturées non ciblées des
dommages autres que négligeables.
Sur les dépens
72 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
1) L’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages, doit être interprété en ce sens que le caractère traditionnel d’une méthode de capture d’oiseaux ne suffit pas, en soi, à établir qu’une autre solution satisfaisante, au sens de cette disposition, ne peut être substituée à cette méthode.
2) L’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive 2009/147 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui autorise, par dérogation à l’article 8 de cette directive, une méthode de capture entraînant des prises accessoires, dès lors que celles-ci, même de faible volume et pour une durée limitée, sont susceptibles de causer aux espèces capturées non ciblées des dommages autres que négligeables.
Bonichot
Bay Larsen
Toader
Safjan
Jääskinen
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mars 2021.
Le greffier
A. Calot Escobar
Le président de la Ière chambre
J.-C. Bonichot
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( *1 ) Langue de procédure : le français.