CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA
présentées le 21 janvier 2021 ( 1 )
Affaires jointes C‑721/19 et C‑722/19
Sisal SpA (C‑721/19),
Stanleybet Malta Ltd,
Magellan Robotech Limited (C‑722/19)
contre
Agenzia delle Dogane e dei Monopoli,
Ministero dell’Economia e delle Finanze,
en présence de
Lotterie Nazionali Srl,
Lottomatica Holding Srl
[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]
« Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement – Libre prestation des services – Restrictions – Directive 2014/23/UE – Articles 3 et 43 – Passation de marchés publics – Procédures de sélection de concessionnaires – Loteries à tirage instantané – Législation nationale ordonnant le renouvellement de la concession sans ouverture d’une procédure d’appel d’offres – Modification des conditions de la concession – Modifications substantielles – Droit d’accès au système des voies de recours »
1. Parmi les formes de jeux autorisées en Italie figure la dénommée « loterie nationale à tirage instantané » ( 2 ), dont l’exploitation a été attribuée en 2009 au moyen du système de la concession administrative. Le pouvoir adjudicateur sélectionnait le concessionnaire dans le cadre d’une procédure publique d’appel d’offres régie par le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse.
2. Le decreto-legge n. 78 ( 3 ) a conçu un système d’attribution de la concession de la loterie nationale à tirage instantané dans lequel jusqu’à quatre concessionnaires pouvaient être choisis. La durée de la concession était de neuf ans, renouvelable une seule fois pour la même période.
3. Un seul soumissionnaire, Lotterie Nazionali Srl, a présenté une offre, et il a été désigné comme concessionnaire unique.
4. Deux ans avant l’expiration de la période initiale (2010-2019), une nouvelle disposition législative, le decreto-legge n. 148 ( 4 ), a ordonné au pouvoir adjudicateur d’autoriser la « poursuite de la relation de concession existante [...] jusqu’au terme ultime prévu [dans le décret-loi no 78/2009] » ( 5 ), c’est-à-dire jusqu’en 2028.
5. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) doute que la poursuite de la relation de concession pendant cette période, sans ouverture d’une nouvelle procédure d’appel d’offres, soit compatible avec le droit à la libre prestation des services et avec la liberté d’établissement (articles 49 et 56 TFUE), ainsi qu’avec la directive 2014/23/UE ( 6 ).
6. Il se demande également si les opérateurs du secteur qui n’ont pas participé à la procédure d’appel d’offres initiale peuvent s’opposer au renouvellement en demandant l’ouverture d’une nouvelle procédure d’appel d’offres.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union : la directive 2014/23
7. En vertu de l’article 3 de la directive 2014/23 (« Principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence ») :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent de manière transparente et proportionnée.
[...] »
8. L’article 43 de cette directive (« Modification de contrats en cours ») dispose :
« 1. Les concessions peuvent être modifiées sans nouvelle procédure d’attribution de concession conformément à la présente directive dans l’un des cas suivants :
a) lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ont été prévues dans les documents de concession initiaux sous la forme de clauses de réexamen, dont des clauses de révision du montant, ou d’options claires, précises et sans équivoque. Ces clauses indiquent le champ d’application et la nature des modifications ou options envisageables ainsi que les conditions dans lesquelles il peut en être fait usage. Elles ne permettent pas de modifications ou d’options qui changeraient la nature
globale de la concession ;
[...]
e) lorsque les modifications, quel qu’en soit le montant, ne sont pas substantielles au sens du paragraphe 4.
[...]
4. La modification d’une concession en cours est considérée comme substantielle au sens du paragraphe 1, point e), lorsqu’elle rend les caractéristiques de la concession substantiellement différentes de celles prévues initialement. Dans tous les cas, sans préjudice des paragraphes 1 et 2, une modification est considérée comme substantielle lorsqu’au moins une des conditions suivantes est remplie :
a) elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure initiale d’attribution de concession, auraient permis l’admission de candidats autres que ceux initialement admis ou l’acceptation d’une offre autre que celle initialement retenue ou auraient attiré davantage de participants à la procédure d’attribution de concession ;
b) elle modifie l’équilibre économique de la concession en faveur du concessionnaire d’une manière qui n’était pas prévue dans la concession initiale ;
[...]
5. Une nouvelle procédure d’attribution de concession conforme à la présente directive est requise pour des modifications des dispositions d’une concession en cours autres que celles prévues aux paragraphes 1 et 2 ».
B. Le droit italien
1. Le décret-loi no 78/2009
9. L’article 21 du décret-loi no 78/2009 (« Octroi de concessions en matière de jeux ») est libellé comme suit :
« 1. Afin de garantir la protection d’intérêts publics supérieurs dans le cadre des activités de collecte [des mises] du jeu, lorsqu’elles sont attribuées à des personnes étrangères à l’administration publique, la gestion de ces activités est toujours attribuée en concession, dans le respect des principes et des règles communautaires et nationales, normalement à une pluralité de personnes sélectionnées à l’issue de procédures ouvertes, concurrentielles et non discriminatoires. Par conséquent,
pour assurer également la compétitivité accrue, la rentabilité et la capillarité de la redistribution de la collecte [des mises] des loteries nationales à tirage instantané et différé, en prévision de l’expiration prochaine des concessions existantes pour l’exploitation de cette forme de jeu, dans un délai de 30 jours à compter de l’entrée en vigueur du présent décret, le ministère de l’Économie et des Finances – Administration autonome des monopoles d’État organise les procédures nécessaires
afin de procéder en temps utile à l’attribution de la concession, y compris en ce qui concerne la collecte à distance [des mises] de ces loteries, aux exploitants de jeux, nationaux et communautaires, les plus qualifiés, dont le nombre ne doit toutefois pas dépasser quatre, qui satisfont aux critères de fiabilité requis en [matière] de moralité, de technique et sur le plan économique ;
[...]
3. La sélection au moyen d’une procédure d’appel d’offres pour l’octroi de la concession se fondera sur le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse, dans le cadre de laquelle la priorité sera donnée aux critères suivants : a) augmentation du montant des offres proposées par rapport à une base prédéfinie qui garantit en tout état de cause des revenus globalement non inférieurs à 500 millions d’euros pour l’année 2009 et à 300 millions d’euros pour l’année 2010, quel que soit le
nombre final de concessionnaires ;
[...]
4. Les concessions visées au paragraphe 1, éventuellement renouvelables une seule fois, ont une durée maximale de neuf ans, subdivisée en deux périodes de cinq et quatre ans respectivement. La poursuite de la concession pendant la seconde période est subordonnée à l’évaluation positive de la gestion par l’administration, laquelle doit être formulée au cours du premier semestre de la cinquième année de la concession. »
2. Le décret-loi no 148/2017
10. À l’article 20, paragraphe 1, du décret-loi no 148/17, on peut lire :
« En application de l’article 21, paragraphes 3 et 4, du [décret-loi no 78/2009], l’Agenzia delle Dogane e dei Monopoli [Agence des douanes et des monopoles, Italie ; ci-après, l’« ADM »] autorise la poursuite de la relation de concession existante, relative à la collecte, y compris à distance, des [mises des] loteries nationales à tirage instantané, jusqu’au terme ultime prévu à l’article 4, paragraphe 1, du [décret-loi no 78/2009], de manière à garantir à l’État des recettes budgétaires
nouvelles et plus importantes, à concurrence de 50 millions d’euros pour l’année 2017 et de 750 millions d’euros pour l’année 2018. »
II. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles
11. Par des avis publiés dans le Journal officiel de l’Union européenne du 15 août 2009 et du 2 avril 2010, l’Amministratione Autonoma Monopoli di Stato (Administration autonome des monopoles d’État, Italie) a lancé le « processus de sélection pour l’attribution de la concession d’exploitation des jeux publics appelés “loteries nationales à tirage instantané” » ( 7 ).
12. Dans les règles de l’appel d’offres, il est disposé comme suit ( 8 ) :
– La gestion indirecte des activités de collecte des mises de jeux serait toujours attribuée dans le cadre d’une concession.
– Les concessions seraient normalement attribuées à un nombre de concessionnaires ne dépassant pas quatre, qui seraient sélectionnés au terme de procédures ouvertes, concurrentielles et non discriminatoires.
– Chaque concessionnaire serait soumis au paiement d’une contrepartie, fondée sur un pourcentage des recettes.
– La sélection des concessionnaires serait fondée sur le principe de l’offre économique la plus avantageuse et, parmi ses critères, serait prise en compte l’augmentation des offres par rapport à une base prédéfinie, afin de garantir, dans tous les cas, un revenu global qui ne soit pas inférieur à 500 millions d’euros pour l’année 2009 et à 300 millions d’euros pour l’année 2010, quel que soit le nombre final de concessionnaires.
– Les concessions, éventuellement renouvelables une seule fois, auraient une durée de neuf ans, subdivisée en deux périodes de cinq et quatre ans. La poursuite de la concession au cours de la seconde période serait soumise à une évaluation positive de la gestion du concessionnaire, que l’administration devait effectuer au cours du premier semestre de la cinquième année.
13. Seule Lotterie Nazionali a soumissionné pour cet appel d’offres, qui lui a été attribué sur une base exclusive.
14. Au terme de la première sous-période de cinq ans, l’ADM ( 9 ) a autorisé sa poursuite pour la seconde sous-période de quatre ans jusqu’au 30 septembre 2019.
15. Le 26 juillet 2017, Lotterie Nazionali a demandé à l’ADM d’activer la clause concernant la poursuite de la concession pour une nouvelle période de neuf ans.
16. Par note du 19 septembre 2017, l’ADM a conclu que la poursuite demandée était conforme à l’intérêt public.
17. Le 16 octobre 2017, l’article 20, paragraphe 1, du décret-loi no 148/2017 est entré en vigueur.
18. Conformément à cette disposition, l’ADM, par note du 1er décembre 2017, a fixé au 30 septembre 2028 la date finale de la concession, sous réserve de l’acceptation formelle par le concessionnaire des conditions spécifiées à l’article 20, paragraphe 1, du décret-loi no 148/2017. Lotterie Nazionali a accepté ces conditions le même jour.
19. Les sociétés Sisal SpA, Stanleybet Malta Ltd et Magellan Robotech Limited (ci-après les « sociétés requérantes ») ont contesté cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie), qui a rejeté leurs conclusions par les jugements no 9730/2018 et no 9734/2018, tous deux du 4 octobre 2018.
20. Les sociétés requérantes ont fait appel devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État) contre les jugements rendus en première instance. L’ADM et Lotterie Nazionali ont également fait appel de ces jugements, à titre incident, en ce qui concerne le rejet des exceptions d’irrecevabilité.
21. Par les arrêts partiels et avant dire droit no 6079 et no 6080, du 3 novembre 2019, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a rejeté les appels incidents de l’ADM et de Lotterie Nazionali, et il s’est interrogé sur le fond quant à la conformité de l’article 20, paragraphe 1, du décret-loi no 148/2017 avec le droit de l’Union.
22. Dans ce contexte, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le droit de l’Union et, en particulier, le droit d’établissement et de libre prestation des services (articles 49 et suivants et articles 56 et suivants TFUE) ainsi que les principes [du droit de l’Union] de sécurité juridique, de non-discrimination, de transparence et d’impartialité, de libre concurrence, de proportionnalité, de confiance légitime et de cohérence et aussi – s’ils sont jugés applicables – les articles 3 et 43 de la [directive 2014/23] doivent-ils être interprétés en ce sens
qu’ils s’opposent à une réglementation, du type de celle figurant à l’article 20, paragraphe 1, du [décret-loi no 148/2017] et dans les actes ultérieurs pris pour son application, qui dispose [qu’“en] application de l’article 21, paragraphes 3 et 4, du [décret-loi no 78/2009], l’[ADM] autorise la poursuite de la relation de concession existante, relative à la collecte, y compris à distance, des [mises des] loteries nationales à tirage instantané, jusqu’au terme ultime prévu à l’article 4,
paragraphe 1, de l’acte de concession, de manière à garantir à l’État des recettes budgétaires nouvelles et plus importantes, à concurrence de 50 millions d’euros pour l’année 2017 et de 750 millions d’euros pour l’année 2018”, dans le cas où :
– l’article 21, paragraphe 1, du [décret-loi no 78/2009] a prévu que les concessions en cause seraient normalement octroyées à une pluralité de personnes choisies à l’issue de procédures ouvertes, concurrentielles et non discriminatoires ;
– l’article 21, paragraphe 4, du décret susmentionné a prévu que les concessions visées au paragraphe 1 pouvaient éventuellement être renouvelées, une seule fois ;
– les sociétés requérantes n’ont pas participé à la procédure d’appel d’offres lancée en 2010 ;
– la relation de concession spécifique existante a été établie, dès l’origine, avec un concessionnaire unique, à l’issue d’une procédure d’appel d’offres public dans le cadre de laquelle une seule offre a été présentée ;
– la poursuite de la relation de concession existante impliquerait – concrètement – que cette relation serait poursuivie exclusivement avec ce concessionnaire unique, au lieu d’être renouvelée avec plusieurs opérateurs, sans nouvel appel d’offres ?
2) Le droit de l’Union et, en particulier, le droit d’établissement et de libre prestation des services (articles 49 et suivants et articles 56 et suivants TFUE) ainsi que les principes [du droit de l’Union] de sécurité juridique, de non-discrimination, de transparence et d’impartialité, de libre concurrence, de proportionnalité, de confiance légitime et de cohérence et aussi – s’ils sont jugés applicables – les articles 3 et 43 de la [directive 2014/23] doivent-ils être interprétés en ce sens
qu’ils s’opposent à une réglementation, telle que celle figurant à l’article 20, paragraphe 1, du [décret-loi no 148/2017], qui dispose, en ayant pour objectif déclaré d’appliquer l’article 21, paragraphes 3 et 4, du [décret-loi no 78/2009], que “l’[ADM] autorise la poursuite de la relation de concession existante, relative à la collecte, y compris à distance, des [mises des] loteries nationales à tirage instantané, jusqu’au terme ultime prévu à l’article 4, paragraphe 1, de l’acte de
concession, de manière à garantir à l’État des recettes budgétaires nouvelles et plus importantes, à concurrence de 50 millions d’euros pour l’année 2017 et de 750 millions d’euros pour l’année 2018”, sachant qu’elle prévoit cela :
– par la poursuite dans le temps de l’unique relation de concession existante, en lieu et place des éventuels renouvellements des concessions multiples visées à l’article 21, paragraphe 4, du [décret-loi no 78/2009], et sans lancer un nouvel appel d’offres ;
– à une date antérieure au terme de la concession (le décret-loi no 148/2017 est entré en vigueur le 16 octobre 2017, à savoir le jour de sa publication [à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana (Journal officiel de la République italienne)], alors que la concession devait expirer le 30 septembre 2019) ;
– de manière à garantir à l’État des recettes budgétaires nouvelles et plus importantes, à concurrence de 50 millions d’euros pour l’année 2017 et de 750 millions d’euros pour l’année 2018, en modifiant ainsi certains aspects des modalités et du délai de paiement de la contrepartie de la concession ainsi que, potentiellement, le montant total à payer du point de vue de son coût, en particulier du fait de la modification des délais de paiement qui étaient avancés par rapport à ceux qui étaient
prévus dans le cadre de la concession initiale, eu égard – selon les [sociétés] requérantes – au fait objectif et notoire que le temps a une valeur financière ?
3) Le droit de l’Union et, en particulier, le droit d’établissement et de libre prestation des services (articles 49 et suivants et articles 56 et suivants TFUE) ainsi que les principes [du droit de l’Union] de sécurité juridique, de non-discrimination, de transparence et d’impartialité, de libre concurrence, de proportionnalité, de confiance légitime et de cohérence et aussi – s’ils sont jugés applicables – les articles 3 et 43 de la [directive 2014/23] doivent‑ils être interprétés en ce sens
qu’ils s’opposent à une réglementation, telle que celle figurant dans les actes pris pour l’application du décret précité et, en particulier, dans la communication [portant le numéro de protocole] 0133677 de l’[ADM], du 1er décembre 2017, qui, en ayant pour objectif déclaré d’exécuter les dispositions de l’article 20, paragraphe 1, du [décret‑loi no 148/2017] et en se fondant sur les dispositions de l’article 4, premier alinéa, de la convention de concession pour la gestion des loteries à
tirage instantané, laquelle prévoit que celle-ci peut être renouvelée une seule fois, modifie le terme ultime de la relation de concession en le fixant au 30 septembre 2028, sans porter atteinte, en tout état de cause, aux dispositions de ce même article 4 qui sont relatives à la subdivision de la durée de la concession en deux périodes de cinq et quatre années respectivement (par conséquent, à l’expiration de la première période de cinq ans commençant à courir le 1er octobre 2019, la
poursuite pendant les quatre années suivantes, jusqu’au terme du 30 septembre 2028, est subordonnée à l’évaluation positive de la gestion par l’[ADM], laquelle doit être formulée au plus tard le 30 mars 2024) et dispose que la société devra verser un montant de 50 millions d’euros d’ici au 15 décembre 2017, un montant de 300 millions d’euros d’ici au 30 avril 2018 et un montant de 450 millions d’euros d’ici au 31 octobre 2018 ;
– sachant qu’elle prévoit cela avant la survenance du terme initialement prévu pour la concession elle-même (la communication 0133677 de l’[ADM] a été adoptée le 1er décembre 2017, tandis que le contrat de concession devait expirer le 30 septembre 2019) ;
– ce qui garantit le paiement anticipé de 800 millions d’euros à des dates antérieures (50 millions d’euros d’ici au 15 décembre 2017, 300 millions d’euros d’ici au 30 avril 2018 et 450 millions d’euros d’ici au 31 octobre 2018) à ce terme (le 30 septembre 2019) ;
– ce qui entraîne la modification potentielle du montant total à payer du point de vue de son coût, eu égard – selon les [sociétés] requérantes – au fait objectif et notoire que le temps a une valeur financière ?
4) Le droit de l’Union et, en particulier, le droit d’établissement et de libre prestation des services (articles 49 et suivants et articles 56 et suivants TFUE) ainsi que les principes [du droit de l’Union] de sécurité juridique, de non-discrimination, de transparence et d’impartialité, de libre concurrence, de proportionnalité, de confiance légitime et de cohérence et aussi – s’ils sont jugés applicables – les articles 3 et 43 de la [directive 2014/23] doivent‑ils être interprétés en ce sens
qu’ils s’opposent également à une telle réglementation dans l’hypothèse où les opérateurs du secteur qui ont actuellement un intérêt à pénétrer sur le marché n’ont pas participé à la procédure d’appel d’offres initialement lancée pour attribuer la concession arrivée à terme et prorogée dans le chef du concessionnaire sortant aux nouvelles conditions contractuelles décrites, ou bien l’éventuelle restriction à l’accès au marché suppose-t-elle qu’ils aient effectivement participé à la procédure
d’appel d’offres initiale ? »
III. La procédure devant la Cour
23. Les demandes de décision préjudicielle ont été enregistrées à la Cour le lundi 23 septembre 2019. Compte tenu du lien qui existe entre elles, la Cour a décidé de les joindre.
24. Des observations écrites ont été présentées par Lotterie Nazionali, Lottomatica Holding, Sisal, Stanleybet Malta, Magellan Robotech, le gouvernement italien et la Commission européenne, lesquels (à l’exception de Sisal) ont répondu par écrit aux questions qui leur ont été posées par la Cour.
IV. Appréciation
A. Remarques liminaires
25. Les doutes exprimés par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) dans les ordonnances de renvoi concernent, avant tout, les aspects matériels du litige, qui sont traités dans les trois premières questions préjudicielles.
26. La quatrième question, en revanche, est de nature plus procédurale, en ce sens qu’elle interroge sur le point de savoir si le fait que les sociétés requérantes, « opérateurs du secteur qui sont actuellement intéressés à entrer sur le marché », n’aient pas participé à l’appel d’offres initial aurait une influence sur le litige.
27. Après avoir analysé la première question, je regrouperai mes réflexions sur les deuxième et troisième questions, dont le traitement conjoint me semble préférable, compte tenu de leur lien étroit.
28. Il faut d’abord préciser quelle est la règle de droit de l’Union applicable à ces affaires et quel est le régime général que la jurisprudence de la Cour et la directive 2014/23 établissent, en ce qui concerne la modification des conditions des concessions.
29. Il convient également de noter que, en l’espèce, aucune objection n’a été soulevée contre la législation italienne au motif qu’elle soumet ce type de loterie à un régime de concession, dont la compatibilité avec le droit de l’Union a déjà été examinée par la Cour ( 10 ).
30. En l’espèce, il n’est pas non plus contesté que la durée totale de la concession (neuf ans initialement, plus, éventuellement, neuf années supplémentaires) ( 11 ) ainsi que d’autres aspects du régime de celle-ci ( 12 ) sont justifiés.
B. Droit applicable
31. En vertu de l’article 54 de la directive 2014/23, celle-ci « ne s’applique pas à l’attribution de concessions ayant fait l’objet d’une offre ou attribuées avant le 17 avril 2014 ». La première attribution de la loterie instantanée nationale ayant eu lieu en 2010, il semblerait, en principe ( 13 ), que cette disposition s’oppose à l’application de la directive 2014/23 à l’espèce ( 14 ).
32. J’anticipe d’ores et déjà, quelle que soit la réponse sur ce point, qu’il conviendrait, en tout état de cause, de prendre en considération la jurisprudence de la Cour concernant l’impact des articles 49 et 56 TFUE, relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, sur les règles des marchés publics.
33. Cette jurisprudence tire notamment de ces deux dispositions du traité FUE des conséquences quant au moment où des modifications substantielles d’un marché public peuvent, en principe, exiger l’organisation d’un nouvel appel d’offres. Ce critère s’applique également aux contrats de concession de services ( 15 ).
34. Si des modifications substantielles des conditions d’une concession entraînent l’organisation d’un nouvel appel d’offres, celui-ci devra être régi par les règles en vigueur au moment de l’annonce et non par celles en vigueur lors de l’attribution de la concession initiale ( 16 ).
35. Sur cette prémisse, si les modifications des conditions d’attribution de la loterie à tirage instantané introduites par le décret-loi no 148/2017 étaient substantielles au point d’exiger l’organisation d’un nouvel appel d’offres, la directive 2014/23 s’appliquerait ratione temporis à ce dernier ( 17 ).
36. Le même critère peut être appliqué aux cas de prorogations telles que celle qui est en cause, même si elles étaient prévues dans l’acte initial. Si la délivrance de la prorogation pour une nouvelle période, prolongée de neuf ans, dépend d’une évaluation ad casum par le pouvoir adjudicateur, sans caractère automatique ( 18 ), il me semble plus logique qu’elle doive être conforme au cadre réglementaire en vigueur à la date à laquelle elle a lieu.
37. En tout état de cause, les articles 3 et 43 de la directive 2014/23 se limitent à intégrer dans un texte législatif la jurisprudence de la Cour dans le domaine des marchés publics :
– L’article 3 reflète les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence, qui servent « l’objectif principal des règles communautaires en matière de marchés publics [qui] est d’assurer la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les États membres » ( 19 ).
– L’article 43, en réglementant la modification de la concession pendant sa durée de validité, s’inspire également de critères jurisprudentiels consolidés ( 20 ), selon lesquels, « en principe, une modification substantielle d’un contrat de concession [...] doit donner lieu à une nouvelle procédure de passation portant sur le contrat ainsi modifié » ( 21 ).
38. Par conséquent, tant en vertu de la jurisprudence relative au respect de la liberté d’établissement ou de la libre prestation des services qu’en vertu des articles 3 et 43 de la directive 2014/23, le résultat sera le même en termes matériels.
39. En ce qui concerne la non-application ratione materiae du considérant 35 de la directive 2014/23 ( 22 ), auquel Lotterie Nazionali se réfère ( 23 ), il suffit de dire que, en l’espèce, une procédure d’appel d’offres a eu lieu et qu’elle a été rendue publique.
C. Règlement général des modifications de la concession
40. Conformément à la jurisprudence décrite ci-dessus, l’article 43 de la directive 2014/23 établit une distinction entre les modifications de la concession qui peuvent être apportées « sans qu’une nouvelle procédure [...] soit nécessaire » (paragraphes 1 et 2) et les autres modifications. Ces dernières sont décrites comme étant substantielles.
41. Le paragraphe 5 de cet article est impératif en ce qu’il dispose qu’« [u]ne nouvelle procédure d’attribution de concession conforme à la présente directive est requise pour des modifications des dispositions d’une concession en cours autres que celles prévues aux paragraphes 1 et 2 ».
42. L’élément clé pour pouvoir déterminer qu’une modification est substantielle et exige l’ouverture d’une nouvelle procédure est énoncé à l’article 43, paragraphe 4, de la directive 2014/23 : « [l]a modification d’une concession en cours est considérée comme substantielle [...] lorsqu’elle rend les caractéristiques de la concession substantiellement différentes de celles prévues initialement ».
43. Pour concrétiser cette règle générale, l’article 43, paragraphe 4, de cette directive prévoit quatre hypothèses de modifications substantielles, dont deux peuvent être pertinentes en l’espèce :
– « [la modification] introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure initiale d’attribution de concession, [...] auraient attiré davantage de participants à la procédure d’attribution de concession » ( 24 ) ;
– « [la modification] modifie l’équilibre économique de la concession en faveur du concessionnaire d’une manière qui n’était pas prévue dans la concession initiale » ( 25 ).
D. Sur la première question préjudicielle
44. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État), ayant souligné que les sociétés requérantes n’avaient pas participé à l’appel d’offres organisé en vertu du décret-loi no 78/2009, indique que la raison de leur abstention pourrait être que le renouvellement de la concession était simplement possible, puisqu’il dépendait de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire conféré à l’administration.
45. Ce pouvoir discrétionnaire, ajoute-t-il, aurait été supprimé par le décret-loi no 148/2017, qui est d’ailleurs entré en vigueur deux ans avant la fin de la (première) période de neuf ans prévue par l’acte de concession.
46. Une éventuelle incompatibilité avec le droit de l’Union résiderait donc dans le fait que le législateur de 2017, au moyen d’un acte législatif, aurait supprimé toute possibilité pour l’administration d’exercer son pouvoir discrétionnaire quant au maintien de la relation de concession ou à l’organisation d’un nouvel appel d’offres.
47. À mon avis, la première chose à noter est que la poursuite de la relation de concession pour une période supplémentaire de neuf ans était déjà contenue dans l’acte initial, qui pour sa part était conforme au décret-loi no 78/2009.
48. Cela est important car, en activant cette disposition, cet acte a été mis en œuvre, simplement par application de l’une des dispositions du contrat de concession initial.
49. Ainsi que je le développerai plus tard, l’exercice du pouvoir de poursuivre la concession, pour une seule fois, pendant la nouvelle période de neuf ans, n’a pas modifié le modèle initial, qui était conforme au système à concessionnaires multiples (il prévoyait jusqu’à quatre concessionnaires possibles).
50. Ce modèle, en tant que tel, est resté inchangé. Toutefois, étant donné que, lors de sa mise en œuvre en 2010, un seul opérateur économique avait de facto soumis une offre et était donc devenu l’unique concessionnaire, la poursuite de la relation de concession pour les neuf années supplémentaires, telle que prévue dans l’acte initial, devait être attribuée à cet opérateur.
51. Cependant, même sur la base de l’acte initial, il est vrai qu’il revenait à l’autorité concédante d’évaluer positivement la gestion effectuée par le concessionnaire, afin de faciliter la transition vers la période de neuf ans suivante.
52. Sans préjudice de ce que j’expliquerai au sujet des conditions spécifiques imposées au soumissionnaire pour obtenir la poursuite de la relation de concession pendant neuf années supplémentaires, je considère qu’il est sans importance que cette poursuite ait été décidée au moyen d’un décret-loi, après que le pouvoir adjudicateur a confirmé qu’elle était conforme à l’intérêt public.
53. En effet, dans une note datée du 19 septembre 2017 ( 26 ), l’ADM a procédé à une évaluation positive de la gestion mise en œuvre jusqu’alors par Lotterie Nazionali et a exposé les raisons pour lesquelles il convenait de poursuivre, conformément à l’acte initial, la relation de concession avec cette société pendant neuf années supplémentaires. En procédant à cette évaluation, l’ADM a utilisé son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, visé par le Consiglio di Stato (Conseil d’État).
54. Cette note indique que la poursuite de la relation de concession avec Lotterie Nazionali, outre qu’elle était d’intérêt public d’un point de vue économique, était justifiée par le fait que l’évaluation du comportement de cette société était positive ( 27 ).
55. Le décret-loi no 148/2017 a donc confirmé l’opportunité de poursuivre la relation de concession qui avait déjà été appréciée à la discrétion de l’ADM.
56. Quelles que soient les raisons pour lesquelles cette poursuite a été accordée par un acte législatif, et non par un acte pris par l’administration publique concédante, le fait est que cette dernière, je le répète, avait déjà évalué favorablement, avant l’adoption du décret-loi no 148/2017, la gestion du concessionnaire et qu’elle avait signifié que la poursuite de la relation de concession était d’intérêt public.
1. Concessionnaires multiples et concessionnaire unique
57. Dans plusieurs passages des ordonnances de renvoi, ainsi que dans certaines observations de ceux qui s’opposent à la poursuite de la relation de concession en faveur de Lotterie Nazionali ( 28 ), il est avancé que cette poursuite impliquerait la transformation d’un système à concessionnaires multiples en un système à concessionnaire unique.
58. J’ai déjà indiqué que le choix de concessionnaires multiples, qui figurait dans le décret-loi no 78/2009, était toujours en vigueur lorsque la poursuite de la relation de concession a été autorisée, sans être remplacé en tant que tel par un modèle à concessionnaire unique en vertu du décret-loi no 148/2017.
59. J’ai également expliqué que, s’il était possible de parler d’un concessionnaire unique dans le cadre de ce litige, ce n’était pas en raison de l’application d’une règle, mais en raison d’une circonstance purement factuelle : un seul candidat avait participé à la procédure d’appel d’offres.
60. Du point de vue du droit de l’Union, les deux choix pourraient être valables, ainsi que l’a confirmé la Cour ( 29 ). Pour faire le choix du modèle à concessionnaire unique sur le plan normatif, il serait toutefois nécessaire qu’il soit guidé, de manière cohérente, par un objectif légitime.
61. Je ne pense pas qu’il soit indispensable d’aller dans cette direction pour apprécier qu’un modèle à concessionnaire unique est justifié, car, je le répète, ce modèle n’est pas celui de l’espèce.
62. Il est vrai que, dans sa note du 19 septembre 2017, l’ADM fait référence au système à concessionnaire unique, que cette agence publique considérait comme préférable à l’époque ( 30 ). Il s’agit toutefois de considérations que l’ADM effectuait à titre subsidiaire, dans l’éventualité où il n’aurait pas été procédé, ainsi qu’elle-même le préconisait, à la poursuite de la relation de concession avec Lotterie Nazionali ( 31 ).
63. La discussion sur un changement (inexistant) de modèle me semble donc déplacée. La volonté du législateur italien, également par l’adoption du décret-loi no 148/2017, n’était pas de modifier le régime des concessions pour l’exploitation de la loterie nationale à tirage instantané en les soumettant au modèle à concessionnaire unique. Dans ce décret-loi, il a simplement été choisi de poursuivre la relation de concession, selon les termes de l’acte initial, avec la société qui avait obtenu la
concession après avoir participé, seule, à une procédure d’appel d’offres ouverte selon un modèle à concessionnaires multiples.
E. Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles
64. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État) reconnaît que le décret-loi no 148/2017 a conservé « le même titre juridique (causa petendi) et le même objet commercial (petitum) » que ceux de la concession initiale. En particulier, le montant total à payer par Lotterie Nazionali pour la deuxième période de neuf ans est le même que dans l’acte initial (800 millions d’euros).
65. Une modification apparaît toutefois dans les ordonnances de renvoi, modification qui concerne les « modalités et le délai de paiement de la contrepartie due au titre de la concession » : l’anticipation du versement de ladite contrepartie en 2017 (50 millions d’euros) et en 2018 (750 millions d’euros) ( 32 ).
66. Cette circonstance, ajoute le juge de renvoi, pourrait impliquer « la modification éventuelle du montant total de la rémunération due, compte tenu de son caractère onéreux, en prenant en considération – comme le prétendent les [sociétés requérantes] – le fait objectif et bien connu de la valeur économique du temps ».
67. Ceux qui soutiennent que cette nouvelle modalité de paiement ne constitue pas une modification substantielle font valoir que, tant dans l’appel d’offres de 2010 que dans le renouvellement de 2017, le montant à payer par le concessionnaire était identique (800 millions d’euros). En outre, le paiement anticipé serait plus lourd pour le concessionnaire, puisque son paiement est effectué avant même le début de la deuxième période de neuf ans.
68. Pour répondre aux doutes du Consiglio di Stato (Conseil d’État), il convient : a) de comparer le mode de paiement en vigueur pendant la première période de la concession avec celui de la deuxième période ; et b) si cette comparaison montre qu’il y a eu une modification, de la qualifier de « substantielle » ou non.
1. Comparaison des modalités de paiement
69. Dans la concession initiale, les recettes en faveur de l’administration concédante étaient d’au moins 500 millions d’euros la première année (2009) et de 300 millions d’euros la deuxième (2010).
70. Selon la répartition des paiements introduite par le décret-loi no 148/2017, comme expliqué ci-dessus, ces mêmes revenus en faveur du budget de l’État ont été de 50 millions d’euros pour la première année (2017) et de 750 millions d’euros pour la deuxième année (2018), anticipant ainsi de fait le paiement de la contrepartie pour la période de renouvellement de la concession.
71. Ainsi, comme conséquence des nouvelles conditions de paiement :
– Le premier montant (50 millions d’euros) de la nouvelle période représentait un dixième du montant prévu (500 millions d’euros) pour la première tranche du paiement dans les dispositions appliquées à la concession de 2010.
– Le second montant (750 millions d’euros) de la nouvelle période représentait en revanche plus du double de son analogue (300 millions d’euros) de la concession initiale.
72. Il y a donc eu une modification du rythme auquel le concessionnaire devait verser sa contribution, et non du montant de celle-ci ou de sa répartition en deux tranches successives.
73. Il est plausible de supposer que, comme le souligne la Commission ( 33 ), la réduction du montant du premier paiement (50 millions d’euros) permettrait au concessionnaire de mieux se préparer au paiement de la deuxième tranche (750 millions d’euros) l’année suivante. Même si ce dernier devait s’élever à plus du double de la contrepartie prévue par le décret-loi no 78/2009, le concessionnaire pourrait compter dès le départ sur les revenus de sa concession, de sorte que l’on ne saurait exclure que
le système lui profite dans son ensemble.
74. Il est vrai, cependant, que le fait d’anticiper de deux ans la contrepartie due pour la nouvelle période pourrait en soi entraîner des inconvénients financiers pour le concessionnaire, semblables à ceux auxquels tout opérateur économique doit faire face pour anticiper ses paiements en contrepartie de revenus encore à venir ( 34 ).
2. Cette modification est-elle de nature substantielle ?
75. Abstraction faite, pour l’instant, des autres circonstances relatives au paiement de la contrepartie, l’accord de poursuite de la concession avec Lotterie Nazionali pour une nouvelle période de neuf ans ne représentait pas une modification (ni substantielle ni mineure) de la concession elle-même, puisque, je le répète, elle était conforme à l’acte initial.
76. Il en serait autrement si le renouvellement de la concession n’avait pas déjà été prévu, initialement, par ledit acte. Dans ce scénario, la prolongation pour neuf ans d’une concession arrivée à son terme, en dehors des procédures d’appel d’offres, soit ex lege, soit par décision indépendante du pouvoir adjudicateur, aurait certainement entraîné une modification substantielle du contrat de concession ( 35 ).
77. Le débat se limite donc à évaluer si le mode de paiement applicable à la seconde période de concession différait substantiellement de celui applicable à la première.
78. Je rappellerai que, pour les deux périodes, le « titre juridique (causa petendi) et l’objet commercial (petitum) » étaient conservés. La contrepartie à payer par le concessionnaire et l’exigence d’un paiement en deux tranches, correspondant à la première et à la deuxième année de chacune de ces périodes, étaient également restées intactes.
79. La modification qui a été effectivement imposée est celle qui concernait le montant partiel de ces deux tranches, qui différait dans les termes déjà exposés, et l’avance de ces paiements, à 2017 et à 2018, par rapport au début de la nouvelle période de concession qui commençait en 2019 ( 36 ).
80. Sous réserve de l’appréciation de la juridiction de renvoi, qui est mieux à même de statuer sur ce point, compte tenu de sa connaissance du litige, je ne crois pas que la modification des montants de chaque tranche puisse être qualifiée de « substantielle », car, compte tenu de ses avantages et inconvénients pour le concessionnaire et pour l’administration concédante, il n’apparaît pas qu’elle modifierait l’équilibre financier de la concession, en faveur du concessionnaire, au point de
nécessiter un nouvel appel d’offres.
81. Seule une analyse économique plus détaillée permettrait de déterminer si ce qui apparaît comme un désavantage pour le concessionnaire (le paiement anticipé, alors que Lotterie Nazionali n’était pas encore en mesure de percevoir les revenus de la seconde période de concession) le désavantageait réellement ou était, paradoxalement, susceptible de l’avantager, ou si cela consistait simplement à préserver, dans son ensemble, l’équilibre financier initial.
82. Dans sa note du 19 septembre 2017, dans le cadre de l’appréciation des avantages qui découleraient de la poursuite de la relation de concession avec son titulaire durant une seconde période de neuf ans, l’ADM n’omet pas que d’autres opérateurs étaient disposés à prendre sa place ( 37 ). Les ordonnances de renvoi évoquent de même des « opérateurs du secteur qui ont actuellement un intérêt à pénétrer sur le marché ».
83. Les attentes des sociétés requérantes ne sauraient toutefois prévaloir sur le fait indéniable que la concession initiale prévoyait, ab initio, son éventuel renouvellement, sans mise en concurrence avec des tiers, pour une seconde période de neuf ans. Ces attentes pourront être pleinement réalisées à la fin de cette période (non renouvelable) de neuf ans.
84. Lottomatica Holding et Lotterie Nazionali, pour leur part, soutiennent ( 38 ) que l’avancement à 2017 de la décision de poursuivre la relation de concession était justifié au motif que, s’il en avait été autrement, un délai suffisant aurait été nécessaire pour lancer une nouvelle procédure d’appel d’offres et disposer d’un concessionnaire en place au 30 septembre 2019.
85. Il appartient à la juridiction de renvoi d’établir l’existence ou non de ce motif ou de tout autre motif justifiant d’engager le contact avec le concessionnaire avant la fin de la première période de neuf ans, et de décider ensuite de poursuivre la relation de concession pour la seconde période, de même durée.
86. En tout état de cause, je considère que ce facteur n’est pas pertinent aux fins d’établir si les modifications imposées au paiement de la contrepartie peuvent être qualifiées de « modifications substantielles » de la concession. Ce qui importe, à cet égard, est le contenu de ces modifications, et non le moment où l’autorité concédante a décidé de les imposer.
87. Les circonstances temporelles dans lesquelles l’ADM a pris cette décision pourraient affecter d’autres éléments de son contrôle juridictionnel (par exemple, en révélant un éventuel abus de pouvoir), mais je ne les trouve pas pertinentes aux fins d’apprécier s’il y a eu une modification substantielle des conditions de la concession.
88. En résumé, quant à la controverse limitée à la question de savoir si la modification de la séquence des paiements peut être considérée comme substantielle, car elle rend « les caractéristiques de la concession substantiellement différentes de celles prévues initialement » (article 43, paragraphe 4, de la directive 2014/23), ma réponse est négative, même si, j’insiste, le dernier mot sur ce point revient à la juridiction de renvoi.
F. Sur la quatrième question préjudicielle
89. Par sa dernière question préjudicielle, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) souhaite savoir, en résumé, si les sociétés requérantes, bien que n’ayant pas participé à l’appel d’offres initial « dont la durée a été prolongée en faveur du concessionnaire sortant, dans les nouvelles conditions contractuelles décrites [dans l’ordonnance de renvoi] », peuvent contester le renouvellement de la concession.
90. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État) estime que ces entreprises pourraient se prévaloir non d’un intérêt légitime au renouvellement de l’appel d’offres, mais d’un intérêt légitime à voir l’administration concédante exercer son pouvoir discrétionnaire à la date du terme normal de la concession ( 39 ). À cette fin, il serait donc indifférent qu’ils aient participé ou non à l’appel d’offres de 2010.
91. En règle générale, selon la Cour, « [l]a participation à une procédure de passation d’un marché peut, en principe, valablement constituer, au regard de l’article 1er, paragraphe 3, de la [directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33)], une condition dont la
satisfaction est requise pour établir que la personne concernée justifie d’un intérêt à obtenir le marché en cause ou risque de subir un préjudice du fait du caractère prétendument illégal de la décision d’attribution dudit marché » ( 40 ).
92. Toutefois, selon moi, cette règle générale n’est pas applicable à ce litige dans lequel la question n’est pas de savoir si ceux qui n’ont pas participé à la procédure de sélection de concessionnaires sont en droit de contester la décision (initiale) d’attribution. Il s’agit en l’occurrence de savoir si, dans le cadre du renouvellement de la concession, les sociétés requérantes pourraient faire valoir leur intérêt à ce que ce renouvellement fasse l’objet d’un appel d’offres et, ainsi, choisir de
participer à son attribution.
93. La réponse est liée aux questions de fond déjà abordées, c’est-à-dire à celles de savoir si les modifications du système de paiement de la contrepartie pour la seconde période de la concession étaient suffisantes pour modifier substantiellement les conditions initiales de cette concession.
94. Or, afin de vérifier si ces modifications sont ou non substantielles, ce qui entraînerait l’obligation de lancer une nouvelle procédure d’appel d’offres à laquelle ils pourraient participer, les opérateurs concernés doivent être en droit d’engager des poursuites judiciaires visant à le vérifier.
V. Conclusion
95. À la lumière de ce qui précède, je suggère de répondre au Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) en ces termes :
Les articles 49 et 56 TFUE, ainsi que les articles 3 et 43 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession, doivent être interprétés en ce sens que :
1) Lorsque l’acte initial d’une concession d’exploitation des loteries nationales à tirage instantané prévoit la poursuite de la relation de concession pour une seconde période de neuf ans en faveur du même concessionnaire, ces articles ne s’opposent pas à ce qu’une telle mesure soit décidée par une règle ayant force de loi, après que l’autorité concédante a confirmé que la poursuite de la relation relevait de l’intérêt public et qu’elle était conforme à l’acte initial.
2) Sous réserve de la vérification qui incombe à la juridiction de renvoi, on ne saurait considérer les modifications des conditions de concession comme étant substantielles au sens de l’article 43 de la directive 2014/23 si, tout en conservant le même titre, le même objet juridique, le même montant de la contrepartie et les mêmes modalités de paiement en deux tranches, elles se limitent à faire varier les montants partiels que le concessionnaire doit payer pour chacune de ces tranches.
3) Les opérateurs intéressés à obtenir l’exploitation de la concession sont en droit de contester la poursuite de la relation de concession en faveur du concessionnaire, au motif que les conditions auxquelles cette continuité est soumise représentent une modification substantielle de la concession initiale. À cette fin, il est indifférent que ces opérateurs n’aient pas participé à l’appel d’offres initial.
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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.
( 2 ) Il s’agit de loteries de type « jeux de grattage » dans lesquelles les participants peuvent connaître immédiatement le résultat de leur mise. Après avoir acheté un ticket, la combinaison aléatoire gagnante, imprimée et cachée, apparaît par grattage d’une zone déterminée dudit ticket.
( 3 ) Decreto-legge n. 78 – Provvedimenti anticrisi, nonche' proroga di termini (décret-loi no 78/2009, portant mesures de lutte contre la crise et prolongation des délais), du 1er juillet 2009 (GURI no 150, du 1er juillet 2009), converti en loi, avec les modifications, par la legge n. 102, du 3 août 2009 (GURI no 179, du 4 août 2009) (ci-après le « décret-loi no 78/2009 »).
( 4 ) Decreto-legge n. 148 – Disposizioni urgenti in materia finanziaria e per esigenze indifferibili (décret-loi no 148/2017, portant dispositions urgentes en matière financière et de besoins impérieux), du 16 octobre 2017 (GURI no 242, du 16 octobre 2017), converti en loi, avec des modifications, par la legge n. 172, du 4 décembre 2017 (GURI no 284, du 5 décembre 2017) (ci-après le « décret-loi no 148/2017 »).
( 5 ) Dans certains passages de la décision de renvoi [par exemple au paragraphe 12, point c.8)], la juridiction de renvoi affirme que la poursuite de la relation de concession doit en substance être assimilée à son renouvellement (rinnovo) ou à sa prolongation.
( 6 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1).
( 7 ) Selon les décisions de renvoi (point 3.1), en vertu d’une convention conclue le 14 octobre 2003, ce type de loterie a été exploité, jusqu’au 31 mai 2010, par le groupement temporaire d’entreprises Lottomatica Holding Srl (devenu le consortium Lotterie Nazionali). Lottomatica Holding contrôle Lotterie Nazionali, dont elle possède 64 % du capital social.
( 8 ) Ce document reproduisait en substance le contenu de l’article 21 du décret-loi no 78/2009.
( 9 ) L’ADM avait succédé à l’Administration autonome des monopoles d’État.
( 10 ) Arrêt du 19 décembre 2018, Stanley International Betting et Stanleybet Malta (C‑375/17, ci‑après l’« arrêt Stanley International Betting et Stanleybet Malta », EU:C:2018:1026), lequel dispose au point 66 : « [...] la Cour a validé dans le secteur des jeux de hasard le recours au système de concessions, estimant que celui‑ci peut constituer un mécanisme efficace permettant de contrôler les opérateurs actifs dans ce secteur dans le but de prévenir l’exploitation de ces activités à des fins
criminelles ou frauduleuses (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2013, Biasci e.a., C‑660/11 et C‑8/12, EU:C:2013:550, point 24 ainsi que jurisprudence citée) ».
( 11 ) La durée totale d’une concession pourrait constituer un facteur pertinent. Conformément à la jurisprudence, « l’octroi de concessions d’une durée pouvant aller jusqu’à quinze ans est de nature à gêner, voire prohiber, l’exercice, par des opérateurs situés dans d’autres États membres, des libertés garanties par les articles 43 CE et 49 CE » (arrêt du 9 septembre 2010, Engelmann, C‑64/08, EU:C:2010:506, point 46).
( 12 ) Il découle de la lecture des jugements rendus en première instance par le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium) qu’un recours, dans le cadre duquel Sisal est intervenue, avait été introduit en son temps contre le premier appel d’offres, recours sur lequel le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a statué définitivement dans son arrêt no 1705/2010.
( 13 ) Arrêt Stanley International Betting et Stanleybet Malta, point 34 : « [...] conformément à une jurisprudence constante, établie en matière de marchés publics et applicable par analogie en matière de concession de services, la directive applicable est, en principe, celle en vigueur au moment où le pouvoir adjudicateur choisit le type de procédure qu’il va suivre et tranche définitivement la question de savoir s’il y a ou non obligation de procéder à une mise en concurrence préalable pour
l’adjudication d’un marché public ».
( 14 ) Dans cette affaire, on ne saurait parler d’une situation purement interne : la concession, de par ses caractéristiques, montre une dimension transfrontière certaine, supérieure à la dimension nationale, et deux des sociétés requérantes ont leur siège en dehors de l’Italie.
( 15 ) Arrêt du 13 avril 2010, Wall (C‑91/08, EU:C:2010:182, point 37) : « [e]n vue d’assurer la transparence des procédures et l’égalité de traitement des soumissionnaires, des modifications substantielles, apportées aux dispositions essentielles d’un contrat de concession de services, pourraient appeler, dans certaines hypothèses, l’attribution d’un nouveau contrat de concession lorsqu’elles présentent des caractéristiques substantiellement différentes de celles du contrat de concession initial
[...] ».
( 16 ) Arrêt du 18 septembre 2019, Commission/Italie (C‑526/17, EU:C:2019:756, point 60) : « [...] la législation de l’Union applicable est celle en vigueur à la date de cette modification [substantielle] ». Dans sa réponse aux questions de la Cour, le gouvernement italien considère que cette jurisprudence, qui fait référence à la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de
fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114), n’est pas applicable, car la directive 2014/23 contient une règle spéciale (l’article 54) qui ne se trouvait pas dans la première directive. Je ne partage pas cet argument, qui a un caractère circulaire, étant donné que le mandat de l’article 54 cité présuppose qu’il n’y ait pas eu de modifications substantielles.
( 17 ) Le décret-loi no 148/2017 et la note ultérieure de l’ADM sont postérieurs à la date limite de transposition de la directive 2014/23 (le 18 avril 2016, en vertu de son article 51, paragraphe 1).
( 18 ) Dans leurs réponses aux questions de la Cour, Stanleybet Malta, Magellan Robotech et la Commission ont souligné qu’il n’existait aucune obligation de poursuivre la relation de concession.
( 19 ) Arrêt du 19 juin 2008, pressetext Nachrichtenagentur (C‑454/06, EU:C:2008:351, points 31 et 32).
( 20 ) Le considérant 75 de la directive 2014/23 le reflète ainsi : « [i]l est donc nécessaire de clarifier les conditions dans lesquelles des modifications apportées à une concession en cours d’exploitation imposent une nouvelle procédure d’attribution de concession, en tenant compte de la jurisprudence de la [Cour] en la matière ».
( 21 ) Arrêt du 18 septembre 2019, Commission/Italie (C‑526/17, EU:C:2019:756, point 59). Tant dans cet arrêt que dans l’arrêt du 11 juillet 2013, Commission/Pays-Bas (C‑576/10, EU:C:2013:510, point 54), il est fait référence à la modification des aspects essentiels du contrat. Il est logique que des modifications mineures ou incidentes soient acceptables et qu’elles ne rendent pas indispensable une nouvelle procédure d’appel d’offres. Le considérant 75 de la directive 2014/23 le confirme ainsi :
« [i]l devrait toujours être possible d’apporter à la concession des modifications entraînant une variation mineure de sa valeur jusqu’à un certain niveau, sans devoir recourir à une nouvelle procédure d’attribution ».
( 22 )
( 23 ) Voir point 9 de ses observations écrites.
( 24 ) Cette situation a été considérée par la Cour dans son arrêt du 7 septembre 2016, Finn Frogne (C‑549/14, EU:C:2016:634, point 29) : « une réduction en importance de l’objet de celui-ci peut avoir pour conséquence de le mettre à la portée d’un plus grand nombre d’opérateurs économiques ».
( 25 ) L’origine jurisprudentielle de cette règle peut être trouvée dans l’arrêt du 19 juin 2008, pressetext Nachrichtenagentur (C‑454/06, EU:C:2008:351, point 37).
( 26 ) La note répondait à la demande présentée le 26 juillet 2017 par la société concessionnaire en vue de l’obtention du renouvellement de la concession.
( 27 ) Selon l’ADM, le concessionnaire avait maintenu les niveaux de perception requis ; il avait géré de manière efficace, en respectant les indications de l’ADM elle-même, le réseau de distribution physique de la loterie nationale à tirage instantané ; en outre, il avait procédé avec une attention particulière au paiement, de manière correcte et en temps utile, de la contrepartie due à l’État, ainsi que des prix qui revenaient aux consommateurs.
( 28 ) Selon les opposants à la poursuite de la relation de concession en faveur de Lotterie Nazionali, le décret-loi no 148/2017, en ordonnant que la concession soit renouvelée, a ouvert la voie à un modèle de concessionnaire unique.
( 29 ) Arrêt Stanley International Betting et Stanleybet Malta, point 53 et dispositif : « [l]es articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale [...] qui prévoit, pour la concession de la gestion du service du jeu de loto automatisé et des autres jeux numériques à cote fixe, un modèle à concessionnaire unique, à la différence des autres jeux, concours de pronostics et paris, auxquels s’applique un modèle à concessionnaires
multiples, pour autant que la juridiction nationale établit que la réglementation nationale poursuit effectivement de manière cohérente et systématique les objectifs légitimes invoqués par l’État membre concerné ».
( 30 ) Point 64 des observations écrites du gouvernement italien.
( 31 ) Elle affirmait notamment que si la solution consistant à opter pour la poursuite de la relation de concession n’était pas acceptée, une règle spécifique devrait régir les éléments essentiels de la nouvelle procédure d’appel d’offres.
( 32 ) Trois montants ont été fixés : 50 millions d’euros d’ici au 15 décembre 2017, 300 millions d’euros d’ici au 30 avril 2018 et 450 millions d’euros d’ici au 31 octobre 2018.
( 33 ) Points 47 à 49 de ses observations.
( 34 ) Cela a ainsi été sous-entendu par Lotterie Nazionali (dans le paragraphe final du point 32 et dans la dernière phrase du deuxième alinéa du point 35 de ses observations) et par Lottomatica Holding (au point 4.3 de ses observations). Toutefois, on ne saurait exclure que si Lotterie Nazionali a accepté de payer de manière anticipée, c’est parce que, en définitive, cela était avantageux pour elle. Si cela n’avait pas été le cas, il est logique de penser qu’elle n’aurait pas considéré de
poursuivre la relation de concession.
( 35 ) La Cour l’a ainsi confirmé, pour des renouvellements ou des prolongations de concessions italiennes, dans ses arrêts du 13 septembre 2007, Commission/Italie (C‑260/04, EU:C:2007:508), relatif à la concession de la gestion et de la collecte des paris hippiques ; du 14 juillet 2016, Promoimpresa e.a. (C‑458/14 et C‑67/15, EU:C:2016:558), relatif à la concession de biens du domaine public, et du 18 septembre 2019, Commission/Italie (C‑526/17, EU:C:2019:756), relatif à la concession de travaux
publics.
( 36 ) Selon l’article 20, paragraphe 1, du décret-loi no 148/2017, il s’agissait ainsi de « garantir à l’État des recettes budgétaires nouvelles et plus importantes [...] pour l’année 2017 et [...] pour l’année 2018 », c’est-à-dire de fournir des liquidités dès ces deux années, au lieu d’attendre le versement de la contrepartie en 2019 et en 2020.
( 37 ) Lottomatica Holding et Lotterie Nazionali reconnaissent dans leurs observations (point 4.2 et point 26 respectivement) l’intérêt des tiers à demander la concession, lorsqu’elles justifient l’avancement de la procédure de renouvellement, compte tenu du nombre de litiges qui surgissent dans le cadre des appels d’offres dans le secteur des jeux de hasard en Italie. Les sociétés requérantes, ayant appris que le décret-loi no 148/2017 avait été publié, se sont immédiatement adressées à l’ADM pour
faire connaître leur intérêt pour la concession (lettres de Sisal du 31 octobre et du 9 novembre 2017 et lettre de Stanleybet Malta du 8 novembre 2017, jointes en annexe à leurs observations).
( 38 ) Point 4.2 et point 26 de leurs observations écrites, respectivement.
( 39 ) Cela ressort du point 12, sous c.9), des ordonnances de renvoi.
( 40 ) Arrêt du 28 novembre 2018, Amt Azienda Trasporti e Mobilità e.a. (C‑328/17, EU:C:2018:958, point 46).