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14/10/2020 | CJUE | N°C-677/19

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, SC Valoris SRL contre Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Craiova – Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Vâlcea et Administraţia Fondului pentru Mediu., 14/10/2020, C-677/19


 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

14 octobre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Principes du droit de l’Union – Principe de coopération loyale – Principes d’équivalence et d’effectivité – Restitution de taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union – Délai prévu pour introduire les demandes de remboursement de telles taxes – Absence de délai similaire pour le remboursement de sommes encaissées par cet État membre en violation du droit national »

Dans l’affaire C‑677/19,

ayant pour ob

jet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Vâlcea (tribunal d...

 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

14 octobre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Principes du droit de l’Union – Principe de coopération loyale – Principes d’équivalence et d’effectivité – Restitution de taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union – Délai prévu pour introduire les demandes de remboursement de telles taxes – Absence de délai similaire pour le remboursement de sommes encaissées par cet État membre en violation du droit national »

Dans l’affaire C‑677/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Vâlcea (tribunal de grande instance de Vâlcea, Roumanie), par décision du 25 avril 2019, parvenue à la Cour le 11 septembre 2019, dans la procédure

SC Valoris SRL

contre

Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Craiova – Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Vâlcea,

Administraţia Fondului pentru Mediu,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Safjan et N. Jääskinen (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane, R. I. Haţieganu et L. Liţu, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes C. Perrin et A. Armenia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des principes du droit de l’Union que constituent les principes de coopération loyale, d’équivalence et d’effectivité.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Valoris SRL (ci-après « Valoris ») à la Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Craiova – Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Vâlcea (direction générale régionale des finances publiques de Craiova – administration départementale des finances publiques de Vâlcea, Roumanie) (ci-après l’« administration départementale des finances publiques de Vâlcea ») et à l’Administraţia Fondului pentru Mediu (administration du
Fonds pour l’environnement, Roumanie), au sujet du remboursement d’une somme payée par cette société au titre d’un timbre environnemental pour les véhicules à moteur, taxe jugée incompatible avec le droit de l’Union postérieurement à son paiement.

Le cadre juridique

L’OUG no 9/2013

3 L’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 9/2013 privind timbrul de mediu pentru autovehicule (ordonnance d’urgence du gouvernement no 9/2013, relative au timbre environnemental pour les véhicules à moteur), du 19 février 2013 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 119 du 4 mars 2013, ci-après l’« OUG no 9/2013 »), a été en vigueur du 15 mars 2013 au 31 janvier 2017.

4 L’article 4 de l’OUG no 9/2013 énonçait :

« Le paiement du timbre [environnemental pour les véhicules à moteur] est dû une seule fois, comme suit :

a) lors de l’inscription auprès de l’autorité compétente, conformément à la loi, de l’acquisition du droit de propriété sur un véhicule à moteur par le premier propriétaire en Roumanie et de l’attribution d’un certificat d’immatriculation, ainsi que d’un numéro d’immatriculation ;

[...] »

L’OUG no 52/2017

5 L’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 52/2017 privind restituirea sumelor reprezentând taxa specială pentru autoturisme și autovehicule, taxa pe poluare pentru autovehicule, taxa pentru emisiile poluante provenite de la autovehicule și timbrul de mediu pentru autovehicule (ordonnance d’urgence du gouvernement no 52/2017, relative au remboursement des sommes représentant la taxe spéciale pour les voitures particulières et les véhicules à moteur, la taxe sur la pollution pour les véhicules à
moteur, la taxe sur les émissions polluantes des véhicules à moteur et le droit de timbre environnemental pour les véhicules à moteur), du 4 août 2017 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 644 du 7 août 2017, ci-après l’« OUG no 52/2017 »), est entrée en vigueur le 7 août 2017.

6 Aux termes de l’article 1er de l’OUG no 52/2017 :

« 1)   Les contribuables qui ont acquitté la taxe spéciale pour les voitures particulières et les véhicules à moteur, prévue aux articles 2141-2143 de la loi no 571/2003 relative au code fiscal, telle que modifiée et complétée ultérieurement, la taxe sur la pollution pour les véhicules à moteur, prévue par l’ordonnance d’urgence du gouvernement no 50/2008 instituant la taxe sur la pollution pour les véhicules à moteur, approuvée par la loi no 140/2011, la taxe sur les émissions polluantes des
véhicules à moteur, prévue par la loi no 9/2012, établissant la taxe sur les émissions polluantes des véhicules à moteur, telle que modifiée et complétée ultérieurement, et le droit de timbre environnemental pour les véhicules à moteur, prévu par l’[OUG] no 9/2013 instituant le droit de timbre environnemental pour les véhicules à moteur, approuvée, modifiée et complétée par la loi no 37/2014, telle que modifiée et complétée ultérieurement, et qui n’ont pas bénéficié d’un remboursement jusqu’à
l’entrée en vigueur de la présente ordonnance d’urgence peuvent demander leur remboursement ainsi que les intérêts dus pour la période comprise entre la date de perception et la date de remboursement, par demande adressée à l’organe fiscal central compétent. Le taux des intérêts est celui prévu à l’article 174, paragraphe 5, de la loi no 207/2015 relative au code de procédure fiscale, telle que modifiée et complétée ultérieurement.

2)   Le droit des contribuables prévu au paragraphe 1de demander le remboursement prend naissance à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance d’urgence, quelle que soit la date à laquelle la taxe a été perçue, mais par dérogation aux dispositions de l’article 219 de la loi no 207/2015 [relative au code de procédure fiscale], telle que modifiée et complétée ultérieurement, les demandes de remboursement sont déposées, à peine de forclusion, le 31 août 2018 au plus tard.

[...] »

Le code de procédure fiscale

7 L’article 168 de la legea nr. 207/2015 privind Codul de procedură fiscală (loi no 207/2015, relative au code de procédure fiscale), du 20 juillet 2015 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 547 du 23 juillet 2015, ci-après le « code de procédure fiscale »), dispose :

« 1)   Est remboursée, sur demande, au contribuable/payeur toute somme payée ou encaissée alors qu’elle n’était pas due.

[...] »

8 Aux termes de l’article 219 du code de procédure fiscale :

« La prescription du droit du contribuable/payeur de demander le remboursement des créances fiscales est de cinq années à compter du 1er janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle le droit à remboursement a pris naissance. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

9 Le 25 août 2014, Valoris, société de droit roumain, a acquitté, en vue de la première immatriculation en Roumanie d’un véhicule automobile d’occasion provenant des Pays-Bas, une taxe de 2451 lei roumains (RON) (environ 510 euros) au titre du « timbre environnemental pour les véhicules à moteur », conformément à l’article 4, sous a), de l’OUG no 9/2013.

10 Le 7 août 2017, l’OUG no 52/2017 est entrée en vigueur. Il ressort de son préambule que cet acte normatif a été adopté à la suite du prononcé des arrêts du 9 juin 2016, Budişan (C‑586/14, EU:C:2016:421), du 30 juin 2016, Câmpean (C‑200/14, EU:C:2016:494), ainsi que du 30 juin 2016, Ciup (C‑288/14, non publié, EU:C:2016:495), aux termes desquels la Cour a jugé contraires aux dispositions du droit de l’Union, particulièrement celles de l’article 110 TFUE, plusieurs taxes sur la pollution
applicables aux véhicules à moteur ayant été instituées par la Roumanie, parmi lesquelles figure la taxe prélevée au titre dudit timbre environnemental.

11 L’OUG no 52/2017 a ouvert aux contribuables, en vertu du paragraphe 1 de son article 1er, le droit de demander le remboursement des sommes qu’ils avaient acquittées au titre des quatre taxes mentionnées dans l’intitulé de cet acte normatif ayant été jugées contraires au droit de l’Union (ci-après, ensemble, les « taxes roumaines sur la pollution »), outre le versement des intérêts légaux dus pour la période comprise entre la date de perception et la date de remboursement. Cependant, aux termes du
paragraphe 2 dudit article 1er, par dérogation aux dispositions de l’article 219 du code de procédure fiscale, de telles demandes devaient être adressées à l’organe fiscal compétent, à peine de forclusion, au plus tard le 31 août 2018.

12 Le 6 décembre 2018, Valoris a introduit une demande de remboursement de la somme qu’elle avait payée au titre du timbre environnemental pour les véhicules à moteur, auprès de l’administration départementale des finances publiques de Vâlcea, laquelle a rejeté cette demande, par un courrier du 7 janvier 2019, aux motifs que celle-ci avait été déposée hors délai.

13 Le 30 janvier 2019, Valoris a formé un recours devant la juridiction de renvoi, le Tribunalul Vâlcea (tribunal de grande instance de Vâlcea, Roumanie), afin d’obtenir la condamnation des autorités roumaines assignées à lui rembourser la taxe litigieuse, outre les intérêts de retard au taux légal y afférents, bien qu’elle n’ait pas respecté le délai de forclusion prévu à l’article 1er, paragraphe 2, de l’OUG no 52/2017. Au soutien de son recours, elle a fait valoir, d’une part, que ce délai ad hoc
violait le droit de l’Union en ce qu’il limitait la faculté des contribuables d’obtenir le remboursement de taxes jugées contraires à ce droit, et, d’autre part, qu’un délai compris entre trois et cinq ans, pour pouvoir faire usage d’une telle faculté, avait été considéré comme un délai raisonnable dans la jurisprudence de la Cour.

14 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que le délai spécial de forclusion prévu pour le remboursement des taxes visées par l’OUG no 52/2017 était d’environ un an, à savoir du 7 août 2017, date d’entrée en vigueur de cet acte, au 31 août 2018, date d’expiration dudit délai, tandis que le délai général de prescription prévu pour le remboursement des créances fiscales était, aux termes de l’article 219 du code de procédure fiscale, de cinq ans à compter du 1er janvier de l’année suivant celle
au cours de laquelle le droit au remboursement avait pris naissance.

15 Cette juridiction s’interroge, en premier lieu, sur le point de savoir si le délai de forclusion prévu à l’article 1er, paragraphe 2, de l’OUG no 52/2017 pour le remboursement de taxes perçues en violation du droit de l’Union, alors qu’il n’existe pas de délai similaire pour le remboursement de sommes perçues en violation du droit national, est compatible avec le principe de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, tel qu’interprété dans la jurisprudence de la Cour, et avec
le principe d’équivalence, tel que défini par la Cour.

16 En second lieu, elle évoque le principe d’effectivité, tel que défini par la Cour, en soulignant que le délai d’un an prévu à l’article 1er, paragraphe 2, de l’OUG no 52/2017 est plus court que les délais de recours à peine de forclusion que la Cour a considérés comme étant d’une durée raisonnable et a déclarés compatibles avec ledit principe.

17 Dans ces conditions, le Tribunalul Vâlcea (tribunal de grande instance de Vâlcea) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les principes de coopération loyale, d’équivalence et d’effectivité doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que l’article 1er, paragraphe 2, de l’[OUG] no 52/2017, qui fixe un délai de forclusion d’environ un an pour déposer les demandes de remboursement de taxes perçues en violation du droit de l’Union, alors que la législation nationale ne prévoit pas un tel délai pour exercer le droit au remboursement de sommes encaissées en violation
des règles internes ? »

Sur la question préjudicielle

18 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si :

– d’une part, le principe d’effectivité, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai pour introduire les demandes de remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit de l’Union qui est d’une durée d’environ un an et qui court à compter de l’entrée en vigueur de cette réglementation visant à remédier à la violation dudit droit, et

– d’autre part, le principe d’équivalence, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai d’environ un an pour introduire les demandes de remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit de l’Union, alors qu’un tel délai n’a pas été prévu par cet État membre s’agissant des demandes de remboursement similaires qui sont fondées sur une violation du
droit interne.

19 Il importe de relever que si le litige au principal porte, de façon spécifique, sur le remboursement d’une somme ayant été acquittée au titre du « timbre environnemental pour les véhicules à moteur », qui avait été institué en Roumanie par l’OUG no 9/2013, la question posée par la juridiction de renvoi mentionne néanmoins, de façon plus générale, le remboursement « de taxes perçues en violation du droit de l’Union ». Cette généralisation est justifiée par la circonstance que le délai fixé par la
disposition visée dans ladite question est aussi applicable au remboursement des trois autres taxes roumaines sur la pollution des véhicules à moteur qui relèvent de l’OUG no 52/2017, lesquelles sont d’une nature analogue audit timbre environnemental et ont également été déclarées contraires au droit de l’Union par la Cour. En effet, ainsi que cela est indiqué aux points 10 et 11 du présent arrêt, l’OUG no 52/2017 a été adoptée précisément en vue de mettre fin à la violation du droit de l’Union
résultant de l’institution de chacune de ces taxes.

20 Au soutien de sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi met en exergue le fait que, dans le droit roumain, le délai « général » de prescription prévu à l’article 219 du code de procédure fiscale est « considérablement plus généreux » que le délai « ad hoc » de forclusion prévu à l’article 1er, paragraphe 2, de l’OUG no 52/2017. Partant, elle doute de la compatibilité de cette dernière réglementation nationale avec les principes de coopération loyale, d’équivalence et
d’effectivité, tels que définis par la Cour.

21 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en vertu du principe de coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites d’une violation du droit de l’Union et de prévoir des modalités procédurales, pour les recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de ce dernier, qui ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature
interne (principe d’équivalence) et qui ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité)(voir, en ce sens, arrêts du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, C‑411/17, EU:C:2019:622, points 170 et 171, ainsi que du 11 septembre 2019, Călin, C‑676/17, EU:C:2019:700, point 30). Plus particulièrement, en l’absence de réglementation de l’Union en matière
de restitution de taxes nationales indûment perçues, il appartient à chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à sauvegarder les droits découlant du droit de l’Union, à condition toutefois que lesdites modalités respectent tant le principe d’équivalence que le principe d’effectivité (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1998, Edis, C‑231/96, EU:C:1998:401, point 19, et du 11 avril 2019, PORR Építési Kft., C‑691/17, EU:C:2019:327, point 39),
notamment s’agissant de la fixation de délais de forclusion ou de prescription applicables à de tels recours (voir, en ce sens, arrêts du 20 décembre 2017, Caterpillar Financial Services, C‑500/16, EU:C:2017:996, point 37, et du 19 décembre 2019, Cargill Deutschland, C‑360/18, EU:C:2019:1124, point 46).

22 La Cour a précisé que le respect de ces exigences doit être analysé en tenant compte de la place des règles concernées dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités de ces règles devant les diverses instances nationales (voir, notamment, arrêts du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 24 ; du 11 septembre 2019, Călin, C‑676/17, EU:C:2019:700, point 31, ainsi que du 9 juillet 2020, Vueling Airlines, C‑86/19, EU:C:2020:538, point 40).

23 En outre, la Cour a itérativement jugé qu’il découle du principe de coopération loyale qu’un État membre ne peut adopter des dispositions soumettant le remboursement d’une imposition, qui a été déclarée contraire au droit de l’Union par un arrêt de la Cour ou dont l’incompatibilité avec ce droit résulte d’un tel arrêt, à des conditions concernant spécifiquement cette imposition et qui sont moins favorables que celles qui se seraient appliquées, en leur absence, à un tel remboursement (voir, en ce
sens, arrêts du 9 février 1999, Dilexport, C‑343/96, EU:C:1999:59, point 39 ; du 30 juin 2016, Câmpean, C‑200/14, EU:C:2016:494, point 40, ainsi que du 30 juin 2016, Ciup, C‑288/14, non publié, EU:C:2016:495, point 27).

Sur le principe d’effectivité

24 Il est de jurisprudence constante que, en l’absence de règles harmonisées régissant le remboursement de taxes imposées en violation du droit de l’Union, les États membres conservent la faculté d’appliquer les modalités procédurales prévues par leur ordre juridique interne, notamment en matière de délais de prescription ou de forclusion, pour autant toutefois que, conformément au principe d’effectivité, ces modalités ne sont pas aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement
difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union. À ce dernier égard, il y a lieu de prendre en considération non seulement les critères généraux d’appréciation rappelés au point 22 du présent arrêt, mais également, le cas échéant, le principe de protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Cargill Deutschland, C‑360/18, EU:C:2019:1124, points 46, 47 et 51 ainsi que
jurisprudence citée).

25 S’agissant spécifiquement des délais de prescription ou de forclusion, la Cour a jugé que la fixation de délais raisonnables de recours satisfait, en principe, à l’exigence d’effectivité, dans la mesure où celle-ci constitue une application du principe fondamental de sécurité juridique, qui protège à la fois l’intéressé et l’administration concernée, même si l’expiration de tels délais est susceptible, par nature, d’empêcher les personnes concernées de faire valoir leurs droits en tout ou en
partie (voir, en ce sens, arrêts du 20 décembre 2017, Caterpillar Financial Services, C‑500/16, EU:C:2017:996, point 42 ; du 11 septembre 2019, Călin, C‑676/17, EU:C:2019:700, point 43, ainsi que du 19 décembre 2019, Cargill Deutschland, C‑360/18, EU:C:2019:1124, point 52).

26 Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi expose que le délai d’environ un an qui découle de l’article 1er, paragraphe 2, de l’OUG no 52/2017 est « plus court que les autres délais [jugés] compatibles » avec le principe d’effectivité qu’elle a identifiés dans la jurisprudence de la Cour. La décision de renvoi vise, en particulier, les arrêts du 15 septembre 1998, Edis (C‑231/96, EU:C:1998:401, point 35), et du 17 novembre 1998, Aprile (C‑228/96, EU:C:1998:544, point 19 ainsi que
jurisprudence citée), dans lesquels des délais nationaux d’une durée de trois ans, courant à compter de la date du paiement contesté, ont été considérés comme raisonnables.

27 Cependant, la Cour a déjà considéré que, en fonction des cas de figure analysés, un délai d’une durée d’un an, qui est imposé pour l’introduction de demandes ou de recours fondés sur une violation du droit de l’Union, n’apparaît pas en soi déraisonnable, sous réserve, toutefois, que le point de départ de ce délai ne soit pas fixé d’une façon telle qu’il rende pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice, par la personne concernée, des droits conférés par le droit de l’Union.
Ainsi, a notamment été considéré comme conforme au principe d’effectivité un délai d’un an pour introduire un recours tendant à la réparation d’un dommage subi du fait de la transposition tardive d’une directive (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Visciano, C‑69/08, EU:C:2009:468, points 45 à 50).

28 En l’occurrence, il y a lieu de considérer que le principe d’effectivité, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai pour introduire les demandes de remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit de l’Union qui est d’une durée d’environ un an et qui court à compter de l’entrée en vigueur de cette réglementation visant à remédier à la violation dudit droit.

Sur le principe d’équivalence

29 Conformément à une jurisprudence constante, le respect du principe d’équivalence implique que les États membres ne prévoient pas des modalités procédurales moins favorables pour les demandes de remboursement d’une taxe fondées sur une violation du droit de l’Union que les modalités applicables aux recours similaires, eu égard à leur objet, à leur cause et à leurs éléments essentiels, fondés sur une violation du droit interne. Il appartient uniquement au juge national, qui a une connaissance
directe des modalités procédurales destinées à assurer, dans le droit interne, la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, de vérifier que ces modalités sont conformes au principe d’équivalence. Toutefois, la Cour peut, en vue de l’appréciation à laquelle le juge national devra procéder, lui fournir certains éléments tenant à l’interprétation du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2016, Câmpean, C‑200/14, EU:C:2016:494, points 45 et 46 ; du 31 mai
2018, Sziber, C‑483/16, EU:C:2018:367, points 35, 41 et 42, ainsi que du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, points 76 et 77).

30 Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi effectue elle-même la comparaison entre, d’une part, le délai de forclusion d’environ un an, que cette juridiction qualifie de « délai spécial », qui est prévu à l’article 1er, paragraphe 2, de l’OUG no 52/2017, pour les demandes de remboursement de sommes indûment payées au titre des taxes roumaines sur la pollution jugées incompatibles avec le droit de l’Union et, d’autre part, le délai de prescription de cinq ans, qu’elle qualifie de « délai
général » et de « considérablement plus généreux », qui est prévu à l’article 219 du code de procédure fiscale, pour le remboursement des créances fiscales.

31 Le gouvernement roumain, bien que contestant le bien-fondé de cette comparaison, mentionne que l’adoption dudit « délai spécial » avait précisément pour but d’éviter que le budget de la Roumanie soit grevé par le versement d’intérêts d’un montant global qui aurait risqué d’être trop élevé, dans l’hypothèse où les demandes de remboursement des taxes relevant de l’OUG no 52/2017 auraient été soumises non pas à un délai spécial d’un an, tel que celui instauré par cet acte normatif, mais au délai
général de cinq ans, prévu par le code de procédure fiscale.

32 De surcroît, l’article 1er, paragraphe 2, de l’OUG no 52/2017 indique expressément que le délai de forclusion qui y est prévu s’applique aux demandes de remboursement relevant de cet acte normatif « par dérogation aux dispositions de l’article 219 [du code de procédure fiscale] », lequel concerne les demandes de « remboursement des créances fiscales » de toute nature. Ainsi que la Commission européenne le fait valoir à juste titre, dans ses observations écrites, même si le droit roumain prévoit
non pas un délai de forclusion, mais un délai de prescription, lequel peut être interrompu ou suspendu sous certaines conditions, pour le remboursement des sommes perçues en violation du droit national, l’objet d’une demande au titre de l’article 1er de l’OUG no 52/2017 consiste à solliciter le remboursement d’une taxe, ce qui semble constituer également l’objectif de l’article 219 du code de procédure fiscale. Il apparaît donc que les demandes formées au titre de la première de ces dispositions
et les demandes formées au titre de la seconde ont un objet et une cause semblables. Toutefois, seule la juridiction de renvoi est en mesure de le vérifier.

33 Dès lors, sous réserve que la similitude des demandes concernées soit avérée, il convient d’examiner si les modalités procédurales des recours qui, comme celui au principal, sont fondés sur l’OUG no 52/2017, laquelle tend à remédier à une méconnaissance de règles du droit de l’Union, sont moins favorables que celles des recours qui sont fondés exclusivement sur la méconnaissance de règles du droit national.

34 À cet égard, il suffit de constater que, comme l’ont relevé en substance tant la juridiction de renvoi dans sa décision que la Commission dans ses observations écrites, les demandes tendant au remboursement des taxes visées par l’OUG no 52/2017, fondées sur une violation du droit de l’Union, sont subordonnées à un délai procédural, d’une durée d’environ un an, qui est considérablement inférieur et donc moins avantageux que celui, d’une durée de cinq ans, qui s’applique aux demandes tendant au
remboursement de créances fiscales fondées sur une violation du droit interne.

35 Ce constat ne saurait être valablement remis en cause par les arguments du gouvernement roumain selon lesquels, d’une part, l’OUG no 52/2017 a octroyé un nouveau délai à des contribuables pour lesquels, en vertu de la législation antérieure, le délai de prescription de cinq ans applicable à leur droit au remboursement de taxes avait expiré ou était sur le point d’expirer et, d’autre part, le système mis en place par cette ordonnance pour les taxes roumaines sur la pollution est susceptible de
s’appliquer également au remboursement de celles-ci, dans la mesure où elles seraient contraires au droit national.

36 En effet, quand bien même l’adoption de l’OUG no 52/2017, imposant le 31 août 2018 comme date butoir pour demander le remboursement des taxes roumaines sur la pollution acquittées indûment au regard du droit de l’Union, a eu pour effet favorable de prolonger le délai de remboursement applicable à certains des contribuables ayant versé ces taxes, il est constant que cette adoption a aussi eu pour effet désavantageux de réduire le délai de remboursement applicable à d’autres contribuables, qui ont
perdu le plein bénéfice de la période de cinq ans prévue à l’article 219 du code de procédure fiscale, disposition restée entièrement opérante, en revanche, s’agissant des créances fiscales acquittées indûment au regard du droit national. Or, le principe d’équivalence ne permet pas de compenser un désavantage subi par un groupe de contribuables par un avantage octroyé à un autre groupe se trouvant dans une situation similaire.

37 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le principe d’équivalence, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, s’oppose à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai d’environ un an pour introduire les demandes de remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit de l’Union, alors qu’un tel délai n’a pas été prévu par cet État membre s’agissant des demandes de remboursement similaires qui sont fondées sur une violation du
droit interne.

38 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée de la manière suivante :

– Le principe d’effectivité, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai pour introduire les demandes de remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit de l’Union qui est d’une durée d’environ un an et qui court à compter de l’entrée en vigueur de cette réglementation visant à remédier à la violation dudit droit.

– Le principe d’équivalence, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai d’environ un an pour introduire les demandes de remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit de l’Union, alors qu’un tel délai n’a pas été prévu par cet État membre s’agissant des demandes de remboursement similaires qui sont fondées sur une violation du droit interne.

Sur les dépens

39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

  Le principe d’effectivité, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai pour introduire les demandes de remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit de l’Union qui est d’une durée d’environ un an et qui court à compter de l’entrée en vigueur de cette réglementation visant à remédier à la violation dudit droit.

  Le principe d’équivalence, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai d’environ un an pour introduire les demandes de remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit de l’Union, alors qu’un tel délai n’a pas été prévu par cet État membre s’agissant des demandes de remboursement similaires qui sont fondées sur une violation du droit interne.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-677/19
Date de la décision : 14/10/2020
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Vâlcea.

Renvoi préjudiciel – Principes du droit de l’Union – Principe de coopération loyale – Principes d’équivalence et d’effectivité – Restitution de taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union – Délai prévu pour introduire les demandes de remboursement de telles taxes – Absence de délai similaire pour le remboursement de sommes encaissées par cet État membre en violation du droit national.

Fiscalité

Impositions intérieures


Parties
Demandeurs : SC Valoris SRL
Défendeurs : Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Craiova – Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Vâlcea et Administraţia Fondului pentru Mediu.

Composition du Tribunal
Avocat général : Hogan
Rapporteur ?: Jääskinen

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:825

Source

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