La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2020 | CJUE | N°C-471/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, République fédérale d'Allemagne contre Esso Raffinage., 24/09/2020, C-471/18


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 24 septembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑471/18 P

République fédérale d’Allemagne

contre

Esso Raffinage SAS,

Agence européenne des produits chimiques (ECHA)

« Pourvoi – Règlement (CE) no 1907/2006 (règlement REACH) – Articles 41, 42, 50 et 51 – Évaluation des dossiers – Contrôle de la conformité des enregistrements – Déclaration de non‑conformité – Recours en annulation – Acte attaquable – Qualité pou

r agir – Base juridique – Répartition des compétences entre l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et les États membres – Articles 125 et 126 ...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 24 septembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑471/18 P

République fédérale d’Allemagne

contre

Esso Raffinage SAS,

Agence européenne des produits chimiques (ECHA)

« Pourvoi – Règlement (CE) no 1907/2006 (règlement REACH) – Articles 41, 42, 50 et 51 – Évaluation des dossiers – Contrôle de la conformité des enregistrements – Déclaration de non‑conformité – Recours en annulation – Acte attaquable – Qualité pour agir – Base juridique – Répartition des compétences entre l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et les États membres – Articles 125 et 126 – Exécution – Articles 13 et 25 – Réduction des essais sur les animaux »

Table des matières

  I. Introduction
  II. Le cadre juridique
  III. Les antécédents du litige
  A. Le règlement REACH et l’évaluation des dossiers
  B. Les événements à l’origine de la procédure devant le Tribunal
  IV. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
  V. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
  VI. Analyse
  A. Premier moyen (recevabilité du recours)
  1. Résumé des arguments des parties
  2. Appréciation du premier moyen
  a) Le caractère attaquable de l’acte contesté
  1) Sur la recevabilité
  2) Sur le fond
  i) Les pouvoirs de l’ECHA au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH
  ii) Les effets de droit obligatoires produits par l’acte contesté
  b) L’intérêt à agir
  c) Affectation directe
  B. Second moyen (application de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH)
  1. Résumé des arguments des parties
  2. Appréciation du second moyen
  a) Le champ d’application de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH
  b) L’autorisation des adaptations aux essais sur les animaux
  c) Les griefs liés aux retards présumés et aux abus potentiels
  VII. Sur les dépens
  VIII. Conclusion

I. Introduction

1. La présente affaire a pour origine un litige opposant Esso Raffinage SAS à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) au sujet du contrôle de la conformité d’un dossier d’enregistrement au titre du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques,
modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission ( 2 ) (ci‑après le « règlement REACH »).

2. Comme son nom l’indique, le règlement REACH vise à instaurer un cadre exhaustif pour la réglementation des substances chimiques dans l’Union européenne, qui est organisé autour de quatre éléments relatifs à leur enregistrement, leur évaluation, leur autorisation ainsi qu’aux restrictions qui leur sont applicables. L’ECHA est une agence de l’Union qui a été créée par le règlement REACH pour gérer ledit règlement aux côtés des États membres et de la Commission européenne.

3. Dans le contexte de l’évaluation, le règlement REACH prévoit que l’ECHA effectue des contrôles de la conformité des enregistrements des substances chimiques présentés par des fabricants ou importateurs afin de vérifier que lesdits enregistrements contiennent toutes les informations requises. D’après ce règlement, l’ECHA peut adopter une décision demandant à un déclarant de fournir toutes les informations nécessaires pour assurer la conformité du dossier (ci‑après la « première décision relative
au contrôle de conformité ») et le déclarant doit fournir ces informations à l’ECHA dans le délai fixé. Cependant, le règlement REACH ne définit pas précisément la procédure à suivre, le cas échéant, par l’ECHA dans des situations où cette dernière considère que les informations fournies ne sont pas conformes à cette décision. Tel est le cas, notamment, lorsque le déclarant tente de s’appuyer sur des méthodes alternatives, désignées par le terme « adaptations » dans le règlement REACH, au lieu
d’effectuer les essais sur les animaux mentionnés dans cette décision, et que l’ECHA juge ces méthodes inappropriées. Ainsi, dans de tels cas, l’ECHA enverrait une déclaration de non‑conformité à l’autorité compétente de l’État membre concerné, l’informant du résultat du contrôle de conformité effectué par l’ECHA aux fins de mise en œuvre, comme cela a été fait dans la présente affaire.

4. Esso Raffinage a formé un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne, contestant la légalité de la lettre de l’ECHA du 1er avril 2015, adressée au ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement français, en sa qualité d’autorité compétente en France (ci‑après l’« autorité compétente française »), intitulée « Déclaration de non‑conformité faisant suite à une décision d’évaluation des dossiers au titre du règlement (CE) no 1907/2006 » (ci‑après
l’« acte contesté »), qui portait sur le résultat du contrôle de conformité effectué par l’ECHA du dossier d’enregistrement d’Esso Raffinage pour une substance chimique spécifique.

5. Dans le présent pourvoi, la République fédérale d’Allemagne, soutenue par la République française et le Royaume des Pays‑Bas, demande à la Cour d’annuler l’arrêt du 8 mai 2018, Esso Raffinage/ECHA (T‑283/15, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:263,), par lequel le Tribunal a annulé l’acte contesté. Son pourvoi repose essentiellement sur l’argument selon lequel le règlement REACH ne prévoit pas d’autre évaluation par l’ECHA de la conformité des informations fournies dans le cadre de la
première décision relative au contrôle de conformité et que cet aspect relève de la compétence des États membres en vertu des dispositions d’exécution prévues dans ce règlement. Au soutien de sa thèse, elle affirme que le déclarant doit effectuer les essais sur les animaux indiqués dans cette décision et qu’il ne peut pas présenter d’adaptations à ce stade.

6. La requérante et la défenderesse respectives en première instance, à savoir Esso Raffinage et l’ECHA, soutenues par European Coalition to End Animal Experiments (ci‑après l’« ECEAE »), Higher Olefins et Poly Alpha Olefins REACH Consortium (ci‑après l’« HOPA REACH ») et Higher Olefins & Poly Alpha Olefins VZW (ci‑après l’« HOPA »), s’accordent devant la Cour pour dire que l’arrêt attaqué devrait être confirmé et que le Tribunal a correctement jugé que l’ECHA avait la compétence exclusive pour
évaluer la conformité des informations fournies dans le cadre de la première décision relative au contrôle de conformité et pour adopter des décisions contraignantes à cet égard en application de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, conformément à la procédure prévue à l’article 41, paragraphe 3, dudit règlement. Au soutien de leur thèse, elles font valoir qu’un déclarant doit être en mesure de présenter des adaptations au lieu d’effectuer les essais sur les animaux spécifiés dans la
première décision relative au contrôle de conformité.

7. Par conséquent, la présente affaire est l’occasion pour la Cour de statuer, pour la première fois, sur les dispositions du règlement REACH relatives à l’évaluation des dossiers et, en particulier, sur la répartition des compétences entre l’ECHA et les États membres aux fins de contrôler la conformité des dossiers d’enregistrement avec les exigences dudit règlement. Il est incontestable que la présente affaire revêt une importance pratique considérable pour le fonctionnement du système mis en
place par le règlement REACH. Elle a également des implications potentielles plus vastes sur la promotion du bien-être animal dans le droit de l’Union.

II. Le cadre juridique

8. Le titre VI du règlement REACH, intitulé « Évaluation », consacre son chapitre 1 à l’« évaluation des dossiers » et son chapitre 4 aux « dispositions communes ». Le chapitre 1 comprend notamment les articles 41 et 42. Le chapitre 4 contient notamment les articles 50 et 51.

9. L’article 41 du règlement REACH, intitulé « Contrôle de la conformité des enregistrements », dispose, dans sa version alors en vigueur ( 3 ) :

« 1.   L’Agence peut examiner tout enregistrement pour contrôler si les conditions suivantes sont remplies :

a) les informations contenues dans le ou les dossiers techniques soumis en application de l’article 10 sont conformes aux prescriptions des articles 10, 12 et 13 et aux annexes III et VI à X ;

b) les adaptations des exigences en matière d’informations standard et leurs justifications soumises dans le ou les dossiers techniques sont conformes aux règles gouvernant les adaptations, énoncées aux annexes VII à X, ainsi qu’aux règles générales énoncées à l’annexe XI ;

[...]

3.   Sur la base d’un examen effectué conformément au paragraphe 1, l’Agence peut, dans les douze mois suivant le début du contrôle de conformité, rédiger un projet de décision invitant le ou les déclarants à communiquer toute information nécessaire pour mettre l’enregistrement ou les enregistrements en conformité avec les exigences pertinentes en matière d’information et précisant les délais appropriés pour la présentation d’informations complémentaires. Cette décision est arrêtée conformément à
la procédure prévue aux articles 50 et 51.

4.   Le déclarant communique les informations exigées à l’Agence dans le délai fixé.

5.   Afin de garantir que les dossiers d’enregistrement sont conformes au présent règlement, l’Agence sélectionne au moins 5 % du total des dossiers qu’elle a reçus pour chaque fourchette de quantité en vue de contrôler leur conformité [...] »

10. L’article 42 du règlement REACH, intitulé « Contrôle des informations communiquées et suivi de l’évaluation des dossiers », dispose :

« 1.   L’Agence examine toute information communiquée à la suite d’une décision arrêtée en application des articles 40 ou 41 et prépare, le cas échéant, toute décision appropriée conformément auxdits articles.

2.   Dès que l’évaluation du dossier est menée à bien, l’Agence notifie à la Commission et aux autorités compétentes des États membres les informations obtenues et toute conclusion tirée [...] »

11. L’article 50 du règlement REACH, qui s’intitule « Droits des déclarants et des utilisateurs en aval », est libellé comme suit :

« 1.   L’Agence communique tout projet de décision établi en application des articles 40, 41 ou 46 au(x) déclarant(s) ou à l’utilisateur ou aux utilisateurs en aval concernés, en les informant de leur droit de présenter des observations dans les trente jours suivant la réception. Si le(s) déclarant(s) ou le ou les utilisateurs en aval concerné(s) souhaite(nt) présenter des observations, il(s) les communique(nt) à l’Agence. Celle‑ci informe à son tour immédiatement l’autorité compétente de la
communication des observations. L’autorité compétente (pour les décisions prises en application de l’article 46) et l’Agence (pour les décisions prises en application des articles 40 et 41) tiennent compte de toute observation reçue et peuvent modifier le projet de décision en conséquence.

[...] »

12. L’article 51 du règlement REACH, qui s’intitule « Adoption des décisions au titre de l’évaluation du dossier », dispose :

« 1.   L’Agence notifie son projet de décision, établi conformément aux articles 40 ou 41, ainsi que les observations présentées par le déclarant aux autorités compétentes des États membres.

2.   Dans les trente jours suivant la diffusion, les États membres peuvent proposer à l’Agence des modifications du projet de décision.

3.   Si l’Agence ne reçoit aucune proposition, elle arrête la décision dans la version notifiée conformément au paragraphe 1.

4.   Si l’Agence reçoit une proposition de modification, elle peut modifier le projet de décision. L’Agence renvoie un projet de décision, accompagné des éventuelles modifications proposées, au comité des États membres dans les quinze jours qui suivent la fin de la période de trente jours visée au paragraphe 2.

5.   L’Agence communique immédiatement toutes les propositions de modification à tout déclarant et à tout utilisateur en aval concerné et leur permet de présenter leurs observations dans un délai de trente jours. Le comité des États membres tient compte de toute observation reçue.

6.   Si, dans les soixante jours suivant le renvoi du projet de décision, le comité des États membres parvient à un accord unanime sur celui‑ci, l’Agence arrête sa décision en conséquence.

7.   Si le comité des États membres ne parvient pas à un accord unanime, la Commission prépare un projet de décision à arrêter conformément à la procédure visée à l’article 133, paragraphe 3.

8.   Les décisions de l’Agence au titre des paragraphes 3 et 6 du présent article peuvent faire l’objet de recours conformément aux articles 91, 92 et 93. »

13. Le titre XIV du règlement REACH, intitulé « Exécution », comprend, notamment, les articles 125 et 126.

14. L’article 125 du règlement REACH, intitulé « Tâches des États membres », dispose :

« Les États membres assurent un système de contrôles officiels et d’autres activités en fonction des circonstances. »

15. L’article 126 du règlement REACH, intitulé « Sanctions en cas de non‑respect du règlement », est libellé comme suit :

« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles‑ci. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. [...] »

III. Les antécédents du litige

16. Les antécédents du litige, tels qu’ils ont été exposés aux points 1 à 19 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit pour les besoins de la présente affaire. Il convient de présenter quelques observations liminaires sur le règlement REACH et l’évaluation des dossiers (section A), avant d’examiner les événements à l’origine de la procédure devant le Tribunal (section B).

A. Le règlement REACH et l’évaluation des dossiers

17. Comme je l’ai relevé dans mes observations liminaires, le règlement REACH est un instrument juridique clé régissant la réglementation des substances chimiques dans l’Union. Comme l’a reconnu la Cour, selon l’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement, celui‑ci vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans
le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation ( 4 ).

18. À cette fin, le règlement REACH instaure un système intégré de contrôle des substances chimiques incluant leur enregistrement, leur évaluation, ainsi que leur autorisation et d’éventuelles restrictions à leur emploi. Les principes cardinaux qui régissent ces éléments ont été présentés par la Commission dans l’introduction de sa proposition du règlement REACH, du 29 octobre 2003 [COM(2003) 644 final] (ci-après « proposition de la Commission »), de la manière suivante : premièrement,
l’enregistrement, pour lequel « l’industrie est tenue de se procurer des informations pertinentes sur les substances qu’elle produit et d’exploiter ces informations pour assurer une gestion sûre desdites substances » ; deuxièmement, l’évaluation, « qui permet de vérifier que l’industrie respecte ses obligations et qui évite les essais inutiles » ; troisièmement, l’autorisation, qui permet des utilisations spécifiques de certaines substances extrêmement préoccupantes si les risques liés à
l’utilisation « sont maîtrisés de manière appropriée ou si les avantages socio‑économiques l’emportent sur les risques et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement comme autre solution convenable », et, quatrièmement, une procédure de restrictions qui « offre un filet de sécurité permettant de gérer les risques qui ne sont pas couverts de manière adéquate par d’autres dispositions du système REACH » ( 5 ).

19. En ce qui concerne plus particulièrement l’enregistrement, le législateur de l’Union impose aux fabricants ou aux importateurs, ainsi qu’il ressort du considérant 19 du règlement REACH, l’obligation de fournir à l’ECHA des données sur leurs substances, d’utiliser ces données pour évaluer les risques liés à ces substances, ainsi que de développer et de recommander des mesures appropriées de gestion des risques. S’agissant de l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement,
l’enregistrement des substances sert à améliorer l’information du public et des professionnels en aval sur les risques et, partant, cet enregistrement doit être considéré comme un instrument d’amélioration d’une telle protection ( 6 ).

20. Plus particulièrement, les articles 6 et 7 du règlement REACH prévoient une obligation générale pour les fabricants ou importateurs, dont la production ou les importations représentent 1 tonne ou plus par an, d’enregistrer cette substance auprès de l’ECHA. Sinon, une substance qui n’est pas dûment enregistrée auprès de l’ECHA ne peut pas être fabriquée dans l’Union ou mise sur le marché de l’Union selon la règle « pas de données, pas de marché » prévue à l’article 5 dudit règlement. Conformément
aux articles 10 et 12 du règlement REACH, un déclarant doit soumettre un dossier d’enregistrement comprenant toutes les informations requises, lesquelles incluent des informations sur les propriétés intrinsèques de la substance en application des exigences des tests visées aux annexes VII à X dudit règlement, selon le niveau de quantité applicable. Un déclarant peut satisfaire à ces exigences en soumettant des informations relatives à l’étude pertinente ou, à titre subsidiaire, en soumettant une
adaptation spécifique (en vertu de la seconde colonne de l’annexe concernée) ou une adaptation générale comprenant des méthodes alternatives, telles que les approches relatives à la valeur probante et aux références croisées (au titre de l’annexe XI du règlement REACH).

21. L’évaluation porte en général sur un examen des informations soumises par les fabricants ou importateurs en ce qui concerne les substances chimiques. Ainsi, comme indiqué au considérant 20 du règlement REACH, elle équivaut au suivi de l’enregistrement en autorisant la réalisation de contrôles pour vérifier la conformité des enregistrements aux prescriptions dudit règlement (évaluation des dossiers) et en permettant si nécessaire de produire des informations supplémentaires sur les propriétés des
substances (évaluation des substances). En tant que telle, l’évaluation prévue par le règlement REACH comprend deux types principaux d’évaluation : l’évaluation des dossiers et l’évaluation des substances ( 7 ).

22. L’évaluation des dossiers est réalisée par l’ECHA et se divise en deux processus : premièrement, l’examen des propositions d’essais au titre de l’article 40 du règlement REACH et, deuxièmement, le contrôle de la conformité des enregistrements au titre de l’article 41 dudit règlement, qui est en cause dans la présente affaire. À cet égard, selon l’article 41, paragraphe 1, du règlement REACH, l’ECHA peut engager un contrôle de la conformité de tout dossier d’enregistrement afin de vérifier que
les exigences pertinentes en matière d’informations sont remplies. Cependant, au titre de l’article 41, paragraphe 5, dudit règlement, l’ECHA doit donner la priorité aux dossiers qui remplissent certains critères et doit sélectionner un pourcentage minimal de dossiers aux fins du contrôle de conformité ( 8 ). Ce contrôle peut inclure la préparation d’une décision par l’ECHA, en application de l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH, invitant un déclarant à communiquer toute information
nécessaire pour mettre l’enregistrement en conformité, à savoir la première décision relative au contrôle de conformité et, selon l’article 41, paragraphe 4, du règlement REACH, cette information doit être communiquée à l’ECHA dans le délai fixé. Dans le cas des deux processus, l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH impose à l’ECHA d’examiner toute information communiquée à la suite d’une décision arrêtée en application des articles 40 ou 41 et de préparer, le cas échéant, toute décision
appropriée conformément auxdits articles.

23. En revanche, l’évaluation des substances est réalisée par les autorités compétentes des États membres en coordination avec l’ECHA et elle ne porte pas sur un dossier d’enregistrement particulier, mais elle concerne toutes les informations disponibles pour une substance donnée suspectée de constituer un risque pour la santé humaine ou pour l’environnement ( 9 ). Cette évaluation comporte deux étapes : premièrement, la mention des substances devant être évaluées dans un « plan d’action continu
communautaire » et, deuxièmement, la procédure d’évaluation effectuée par l’autorité compétente de l’État membre concerné ( 10 ). Elle peut comporter une décision préparée par cette autorité demandant à un déclarant de produire des informations supplémentaires qui peuvent aller au-delà des exigences existant en matière d’informations à des fins d’enregistrement ( 11 ).

24. Malgré leurs différences, l’évaluation des dossiers et l’évaluation des substances sont guidées par des dispositions communes concernant, notamment, les droits des déclarants et des utilisateurs en aval et la procédure relative à l’adoption des décisions ( 12 ). En particulier, au titre de l’article 50, paragraphe 1, du règlement REACH, un déclarant a le droit de présenter des observations sur le projet de décision et, conformément à la procédure prévue à l’article 51 dudit règlement, l’ECHA
adopte la décision sauf si le comité des États membres au sein de l’ECHA ne parvient pas à un accord unanime sur les projets de décision qui comprennent des propositions de modification présentées par les États membres, auquel cas la Commission adopte la décision conformément à la procédure de comité applicable ( 13 ).

25. À cet égard, l’ECHA comprend plusieurs entités qui exécutent ses tâches, dont un comité des États membres composé de représentants des États membres qui est chargé en particulier de résoudre les éventuelles divergences de vues sur les projets de décision dans le contexte de l’évaluation ( 14 ), un secrétariat qui effectue, notamment, les activités demandées dans le cadre des procédures d’enregistrement et d’évaluation ( 15 ) et un forum d’échange d’informations sur la mise en œuvre (ci‑après le
« forum »), qui coordonne un réseau d’autorités des États membres chargées de la mise en œuvre du règlement REACH ( 16 ).

B. Les événements à l’origine de la procédure devant le Tribunal

26. Esso Raffinage est une société de droit français. Elle fabrique et commercialise une substance pour laquelle elle a déposé un dossier d’enregistrement auprès de l’ECHA (ci‑après le « dossier d’enregistrement ») au titre du règlement REACH.

27. Le 9 juillet 2010, l’ECHA a entamé une évaluation du dossier d’enregistrement en application de l’article 41, paragraphe 1, du règlement REACH.

28. Le 28 juin 2011, l’ECHA a communiqué à Esso Raffinage un projet de décision concernant un contrôle de conformité relatif au dossier d’enregistrement, rédigé sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH, et l’a invitée à présenter des observations conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement REACH. Dans cette décision, l’ECHA a estimé que le dossier d’enregistrement n’était pas conforme à l’ensemble des exigences pertinentes en matière d’informations ( 17 ) et a
demandé à Esso Raffinage de fournir, notamment, une étude de la toxicité sur le développement prénatal (ci‑après l’« étude PNDT ») sur une espèce animale, qui constitue un essai sur des animaux vertébrés ( 18 ).

29. Le 28 juillet 2011, Esso Raffinage a transmis ses observations sur le projet de décision. Elle a également mis à jour le dossier d’enregistrement le 6 septembre 2011 afin de répondre aux points de non‑conformité soulignés dans cette décision.

30. Le 14 juin 2012, conformément à l’article 51, paragraphe 1, du règlement REACH, l’ECHA a notifié le projet de décision, avec les observations d’Esso Raffinage, aux autorités compétentes des États membres au titre de l’article 51, paragraphe 1, du règlement REACH et les a invitées à formuler des propositions de modification sur le fondement de l’article 51, paragraphe 2, de ce règlement. Il était indiqué, dans cette décision, que l’ECHA avait modifié le projet de décision sur la base du dossier
d’enregistrement mis à jour d’Esso Raffinage, en supprimant, notamment, la demande d’une étude PNDT sur une espèce impliquant des rats.

31. Le 18 juillet 2012, l’ECHA a communiqué les propositions de modification provenant de différentes autorités compétentes des États membres à Esso Raffinage et l’a invitée à présenter des observations en application de l’article 51, paragraphe 5, du règlement REACH. En particulier, l’autorité compétente du Royaume de Danemark a considéré, dans ses propositions de modification, qu’une étude PNDT sur une seconde espèce, à savoir des lapins, était nécessaire.

32. Esso Raffinage n’a pas présenté d’observations sur ces propositions.

33. Le 30 juillet 2012, l’ECHA a renvoyé le projet de décision au comité des États membres conformément à l’article 51, paragraphe 4, du règlement REACH.

34. Pendant sa vingt-cinquième réunion, qui s’est tenue du 19 au 21 septembre 2012, le comité des États membres est parvenu à un accord unanime en ce qui concerne le projet de décision qui comprenait, notamment, la proposition concernant une étude PNDT sur une seconde espèce, à savoir des lapins. Esso Raffinage était présente lors de cette réunion. Elle a notamment exprimé le point de vue selon lequel cette étude n’était pas nécessaire, tandis que des membres du comité ont exprimé leur désaccord.

35. Le 6 novembre 2012, l’ECHA a adopté et notifié à Esso Raffinage sa décision relative au contrôle de la conformité d’un enregistrement en application de l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH (ci‑après la « décision du 6 novembre 2012 »), qui constituait donc la première décision relative au contrôle de conformité. Dans cette décision, l’ECHA a estimé que le dossier d’enregistrement n’était pas conforme et a demandé à Esso Raffinage de fournir, dans un délai d’un an, certaines
informations afin de remédier à cette situation. Parmi ces informations figuraient, notamment, une étude PNDT sur une seconde espèce, à savoir des lapins, et un essai de toxicité à long terme sur les organismes vivant dans des sédiments.

36. Le 6 novembre 2013, Esso Raffinage a mis à jour le dossier d’enregistrement en réponse à la décision du 6 novembre 2012. En particulier, elle a soumis une adaptation qualifiée d’« ensemble d’éléments de preuve », au sens de l’annexe XI du règlement REACH, au lieu d’effectuer l’étude PNDT sur une seconde espèce, à savoir des lapins, et l’essai de toxicité à long terme sur les organismes vivant dans des sédiments, exigés dans cette décision.

37. Le 1er avril 2015, l’ECHA a adressé l’acte contesté à l’autorité compétente française. Cet acte comprenait un document intitulé « Annexe à la déclaration de non‑conformité à la suite d’une décision d’évaluation du dossier au titre du règlement (CE) no 1907/2006 » (ci‑après l’« annexe »).

38. L’acte contesté est rédigé, pour ce qui concerne les parties pertinentes, comme suit :

« Conformément à l’article 41, paragraphe 3, du règlement [REACH], l’[ECHA] a effectué un contrôle de conformité concernant le dossier relatif à [la substance enregistrée]. L’ECHA a rendu la décision [du 6 novembre 2012], annexée à la présente lettre, conformément à la procédure prévue aux articles 50 et 51 du règlement REACH.

Cette décision a fixé un délai pour [Esso Raffinage] afin de soumettre à l’ECHA les informations demandées dans cette décision sous la forme d’une mise à jour du dossier jusqu’au 6 novembre 2013. Une version mise à jour du dossier a été transmise le 6 novembre 2013 [...]

L’ECHA a examiné les informations soumises dans le dossier mis à jour. En conclusion, le dossier d’enregistrement mis à jour ne contient pas l’ensemble des informations demandées dans la décision de l’ECHA. Une analyse spécifique des raisons de cette conclusion est jointe [...]

Sur cette base, l’ECHA constate :

– [Esso Raffinage] n’a pas satisfait aux obligations découlant de la [décision du 6 novembre 2012] ;

– le dossier d’enregistrement ne respecte pas l’article 5 du règlement REACH ;

– [Esso Raffinage] viole l’article 41, paragraphe 4, du règlement REACH.

Le non‑respect d’une décision de l’ECHA et du règlement REACH peut faire l’objet de mesures d’exécution forcée par les autorités des États membres, comme il est prévu à l’article 126 du règlement REACH.

Sur ce point, vous êtes donc priés de prendre les mesures d’exécution relevant de votre propre compétence pour mettre en œuvre la décision de l’ECHA.

L’ECHA estime que la correspondance concernant le défaut de conformité avec la décision de l’ECHA se poursuivra entre le déclarant et les autorités [françaises] jusqu’à ce que l’affaire soit résolue. Lorsque [Esso Raffinage] met à jour [son] enregistrement en réponse à la décision, [il] est censé en informer les autorités [françaises].

L’ECHA attend votre réaction concernant les mesures nationales prises dans ce cas de non‑conformité. »

39. L’annexe expose les raisons pour lesquelles l’ECHA a conclu, notamment, que l’ensemble d’éléments de preuve fourni par Esso Raffinage, à la place de l’étude PNDT sur une seconde espèce, à savoir des lapins, et de l’essai de toxicité à long terme sur les organismes vivant dans des sédiments demandés, n’était pas acceptable.

IV. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

40. Le 29 mai 2015, Esso Raffinage a formé un recours en annulation contre l’acte contesté devant le Tribunal.

41. L’ECHA a conclu au rejet du recours.

42. Par ordonnances du 7 juin 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a autorisé la République fédérale d’Allemagne, la République française et le Royaume des Pays‑Bas à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA.

43. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le recours était recevable, accueilli le premier moyen soulevé par Esso Raffinage et annulé l’acte contesté.

44. Premièrement, le Tribunal a jugé que l’acte contesté était un acte attaquable au titre de l’article 263 TFUE, estimant qu’il produisait des effets de droit obligatoires à l’égard d’Esso Raffinage et de la République française (points 49 à 83 de l’arrêt attaqué).

45. Deuxièmement, le Tribunal a jugé que l’acte contesté affectait Esso Raffinage directement et individuellement, de sorte que celle-ci avait qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (points 91 à 97 de l’arrêt attaqué).

46. Troisièmement, sur le fond, le Tribunal a accueilli le premier moyen soulevé devant lui, selon lequel l’acte contesté avait été adopté ultra vires et en violation de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH (points 107 à 117 de l’arrêt attaqué). Estimant que l’ECHA avait adopté l’acte contesté sans respecter les règles applicables prévues aux articles 41, 42 et 51 du règlement REACH, le Tribunal a annulé l’acte contesté ( 19 ).

V. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

47. Par le présent pourvoi, déposé le 18 juillet 2018, la République fédérale d’Allemagne conclut que la Cour doit annuler l’arrêt attaqué, rejeter le recours formé par Esso Raffinage et condamner cette dernière à supporter les dépens des procédures en première instance et en pourvoi.

48. La République française et le Royaume des Pays‑Bas, parties intervenantes en première instance au soutien de l’ECHA, soutiennent les conclusions de la République fédérale d’Allemagne.

49. Esso Raffinage soutient que la Cour doit rejeter le pourvoi, condamner la République fédérale d’Allemagne à supporter ses propres dépens et ordonner toute autre mesure jugée utile.

50. L’ECHA soutient que la Cour doit rejeter le pourvoi et condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

51. Par ordonnance du président de la Cour du 12 mars 2019 ( 20 ), l’ECEAE, HOPA REACH et HOPA ont été admis à intervenir au soutien des conclusions d’Esso Raffinage.

52. Le 3 avril 2020, la Cour a demandé aux parties principales d’exprimer leur point de vue sur la possibilité de renoncer à une audience de plaidoiries, qui avait été initialement prévue le 29 avril 2020, puis reportée en raison de la pandémie de COVID-19. À la lumière des réponses reçues, le 24 avril 2020, la Cour a décidé que l’audience n’aurait pas lieu et a invité les parties principales à présenter une réponse écrite aux questions qui leur avaient été posées en vue de l’audience. L’ECHA, Esso
Raffinage, la République fédérale d’Allemagne et la République française ont chacune présenté une réponse à ces questions.

VI. Analyse

53. La République fédérale d’Allemagne soulève deux moyens. Le premier moyen est dirigé contre les conclusions du Tribunal concernant la recevabilité du recours. Le second moyen est dirigé contre les constatations de fond du Tribunal concernant l’application de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH.

54. Pour les raisons exposées ci‑dessous, je considère que les deux moyens ne sont pas fondés en droit et qu’il convient de rejeter le pourvoi.

A. Premier moyen (recevabilité du recours)

1.   Résumé des arguments des parties

55. Par le premier moyen, la République fédérale d’Allemagne, soutenue de manière générale par le Royaume des Pays‑Bas et de manière plus détaillée par la République française, soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 67, 69 à 72, 81, 82 et 91 de l’arrêt attaqué, en déclarant recevable le recours formé par Esso Raffinage.

56. Premièrement, la République fédérale d’Allemagne soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant l’acte contesté d’acte attaquable au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE. Selon elle, cet acte est dépourvu de portée décisionnelle et ne constitue qu’une déclaration informative. En effet, premièrement, l’ECHA n’avait pas l’intention de faire produire des effets contraignants à l’acte contesté au moment de son adoption. Deuxièmement, le libellé de l’acte contesté montre
que ce dernier n’a pas d’effets contraignants à l’égard d’Esso Raffinage et des autorités françaises. Troisièmement, le contexte dans lequel cet acte s’inscrit au sein du système établi par le règlement REACH pour l’évaluation des dossiers confirme son caractère non contraignant, car il reflète une pratique informelle entre l’ECHA et les États membres. Enfin, quatrièmement, ledit acte n’est pas fondé sur l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, mais est adopté dans le cadre du soutien
général exigé de l’ECHA conformément à l’article 77, paragraphe 1, du règlement REACH. Cette thèse est renforcée, selon la République fédérale d’Allemagne, par l’article 22, paragraphes 2 et 3, du règlement REACH qui, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 2, dudit règlement, démontre que l’article 42, paragraphe 1, de ce règlement ne régit pas de manière déterminante l’examen d’informations communiquées en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité.

57. Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant le fait qu’Esso Raffinage n’a pas d’intérêt à agir puisque l’acte contesté n’impose pas d’obligations nouvelles à Esso Raffinage de telle sorte qu’il lui fasse grief. Elle fait valoir que la décision du 6 novembre 2012 imposait déjà à Esso Raffinage de fournir des informations dans un délai déterminé et le non-respect de cette obligation créait, à lui seul, une situation de
non‑conformité qui exposait Esso Raffinage à la possibilité que des mesures d’exécution soient appliquées à son encontre.

58. Troisièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient, à titre subsidiaire, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’Esso Raffinage était directement concernée par l’acte contesté au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Elle fait valoir que, dès lors que les États membres disposent d’un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’exécution de la première décision relative au contrôle de conformité, la mise en œuvre de cette décision ne découle pas uniquement
de la réglementation de l’Union et nécessite des règles intermédiaires fondées sur le droit national.

59. La République fédérale d’Allemagne ajoute que l’appréciation par le Tribunal de la répartition des compétences entre l’ECHA et les États membres est erronée. Elle ne conteste pas le fait que l’ECHA dispose d’une compétence exclusive en ce qui concerne l’évaluation des dossiers aux fins de l’article 41 du règlement REACH. Toutefois, selon elle, cette compétence exclusive ne fait pas obstacle à ce que les États membres mettent en évidence des manquements aux obligations d’enregistrement dans le
cadre des activités d’exécution qu’ils exercent en application du règlement REACH. S’il en était autrement, le fonctionnement normal du contrôle des produits chimiques ne serait plus assuré dans le cadre du règlement REACH.

60. Esso Raffinage soutient que le premier moyen est irrecevable et dénué de fondement.

61. Premièrement, Esso Raffinage affirme que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que l’acte contesté est un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Elle soutient que les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne visent, en substance, à obtenir un nouvel examen des faits et des éléments de preuve pertinents sans prétendre qu’ils ont été dénaturés et que ces arguments sont donc irrecevables. En tout état de cause, elle soutient que ces arguments sont dénués
de fondement, puisque, en concluant que l’acte contesté produisait des effets juridiques obligatoires, le Tribunal a entièrement examiné l’intention subjective des parties, le libellé et le contexte de l’acte contesté. Selon elle, cet acte peut uniquement être fondé sur l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH. Il ne s’agit pas d’un avis de nature générale rendu par l’ECHA au titre de l’article 77 dudit règlement et cet acte n’est pas non plus lié à un contrôle du caractère complet du
dossier d’enregistrement au titre des articles 20 et 22 du même règlement, et ce d’autant plus que ce contrôle avait été effectué longtemps auparavant ( 21 ). Elle souligne que la constatation du Tribunal selon laquelle l’ECHA a une compétence exclusive pour évaluer la conformité des dossiers d’enregistrement au titre des articles 41 et 42 du règlement REACH est étayée notamment par les objectifs et la genèse de ce règlement.

62. Deuxièmement, Esso Raffinage soutient que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé que l’acte contesté lui imposait de nouvelles obligations affectant sa position. En effet, l’ECHA a pour la première fois constaté dans cet acte qu’Esso Raffinage avait violé ses obligations au titre du règlement REACH et c’est seulement la constatation de l’ECHA selon laquelle l’adaptation était inadéquate qui a produit des effets juridiques obligeant Esso Raffinage à effectuer les essais sur les animaux
demandés.

63. Troisièmement, Esso Raffinage réfute l’existence d’une quelconque erreur de droit s’agissant des constatations du Tribunal selon lesquelles elle était directement concernée par l’acte contesté. Elle soutient que cet acte contenait une constatation de violation d’obligations qui a directement affecté sa situation juridique sans laisser aucun pouvoir d’appréciation aux autorités françaises à cet égard.

64. L’ECHA soutient que le premier moyen n’est pas fondé.

65. Premièrement, l’ECHA considère que c’est en s’appuyant sur une analyse correcte du cadre juridique applicable et des compétences de l’ECHA que le Tribunal a établi le caractère contraignant de l’acte contesté. Selon elle, compte tenu du libellé et de la genèse des articles 41 et 42 du règlement REACH, le législateur de l’Union a eu l’intention de conférer une compétence exclusive à l’ECHA pour effectuer des contrôles de conformité des dossiers d’enregistrement et, si les États membres se
voyaient accorder la responsabilité d’effectuer de tels contrôles, il en résulterait d’éventuels conflits entre les décisions adoptées par l’ECHA et celles des États membres.

66. Deuxièmement, l’ECHA considère que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que l’acte contesté produisait des effets juridiques directs et contraignants sur la situation juridique d’Esso Raffinage. En particulier, elle soutient que cet acte n’a pas été adopté dans le cadre des tâches de conseil générales visées à l’article 77 du règlement REACH. De même, cet acte ne résulte pas d’un contrôle du caractère complet effectué en application de l’article 22, paragraphes 2 et 3, dudit
règlement, puisqu’il incluait une évaluation de la qualité, qui est exclue par l’article 20, paragraphe 2, du même règlement.

67. Troisièmement, l’ECHA soutient que l’acte contesté a créé de nouvelles obligations à l’égard d’Esso Raffinage. Elle indique que l’acte incluait une nouvelle évaluation par l’ECHA d’une adaptation présentée en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité, qui ne figurait pas dans le dossier d’enregistrement au moment où l’ECHA a adopté cette décision. Ainsi, selon elle, étant donné que l’acte contesté a rejeté l’adaptation et obligé Esso Raffinage à effectuer les essais
demandés, Esso Raffinage a un intérêt juridique à demander l’annulation de cet acte.

68. L’ECEAE soutient les arguments avancés par Esso Raffinage et l’ECHA.

69. En particulier, l’ECEAE soutient que, dans la mesure où le Tribunal a correctement qualifié l’acte contesté de décision adoptée au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, il en découle que les critères de recevabilité et de qualité pour agir sont remplis, puisque cet acte peut être considéré comme produisant des effets juridiques directs et contraignants sur la situation d’Esso Raffinage. Elle indique également que la décision relative au contrôle du caractère complet du
dossier, adoptée par l’ECHA, indiquait son intention d’évaluer la conformité des informations communiquées conformément à l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH.

70. HOPA REACH et HOPA soutiennent également les arguments avancés par Esso Raffinage et par l’ECHA.

71. En particulier, HOPA REACH et HOPA soutiennent que l’évaluation des dossiers d’enregistrement au titre du règlement REACH doit faire l’objet d’une procédure centralisée relevant de la compétence exclusive de l’ECHA, par comparaison avec la procédure d’évaluation des substances qui inclut les autorités compétentes des États membres. Ils soulignent que, si les États membres pouvaient effectuer leurs propres vérifications quant à la conformité des dossiers d’enregistrement, cela donnerait
probablement lieu à l’adoption de décisions contradictoires par l’ECHA et les autorités nationales et rendrait difficile le respect du règlement REACH pour les déclarants.

2.   Appréciation du premier moyen

72. Par le premier moyen, la République fédérale d’Allemagne considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en admettant que le recours en annulation formé par Esso Raffinage était recevable.

73. En substance, ce moyen se divise en trois branches. Dans la première branche, la République fédérale d’Allemagne conteste l’appréciation juridique du Tribunal selon laquelle l’acte contesté constitue un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE (section a). Dans la deuxième branche, la République fédérale d’Allemagne remet en cause l’appréciation juridique du Tribunal selon laquelle l’acte contesté a fait grief à Esso Raffinage de sorte qu’elle a un intérêt à agir au titre de
l’article 263 TFUE (section b). Dans la troisième branche, la République fédérale d’Allemagne reproche au Tribunal d’avoir mal interprété la condition de l’affectation directe mentionnée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (section c).

a)   Le caractère attaquable de l’acte contesté

74. La première branche du premier moyen est fondée sur l’allégation selon laquelle l’acte contesté est un acte non contraignant qui ne peut donc pas être attaqué au titre de l’article 263, premier alinéa, TFUE, lequel permet à la Cour de contrôler la légalité des actes des institutions et organes de l’Union « destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers », à savoir des actes contraignants.

1) Sur la recevabilité

75. Il convient de relever d’emblée que les arguments d’Esso Raffinage contestant la recevabilité de la première branche du premier moyen (voir point 61 des présentes conclusions) ne sauraient prospérer.

76. En vertu d’une jurisprudence constante, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà invoqués devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens ( 22 ). De plus, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié
les faits, la Cour est compétente pour exercer, en pourvoi, un contrôle sur la qualification juridique de ceux‑ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées ( 23 ).

77. Dans la présente affaire, par la première branche du premier moyen, la République fédérale d’Allemagne vise spécifiquement à contester le raisonnement juridique qui a conduit le Tribunal à conclure que l’acte contesté produisait des effets de droit obligatoires à l’égard d’Esso Raffinage et de la République française. Par conséquent, elle critique les conséquences juridiques tirées de l’arrêt attaqué quant au caractère attaquable de l’acte contesté au titre de l’article 263 TFUE, ce qui
constitue une question de droit soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi ( 24 ).

78. Par conséquent, selon moi, la première branche du premier moyen est recevable.

2) Sur le fond

79. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, qui a été évoquée aux points 49 à 51 de l’arrêt attaqué, le recours en annulation est ouvert à l’égard de tous les actes pris par les institutions ou organes de l’Union, quelles que soient leur nature ou leur forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts d’une personne physique ou morale, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle‑ci ( 25 ). Pour déterminer si
un tel acte produit des effets de droit obligatoires, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier lesdits effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu de ce même acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution ou de l’organe qui en est l’auteur ( 26 ). L’intention de l’auteur de l’acte en cause peut également être prise en compte à cet égard ( 27 ).

80. Compte tenu de cette jurisprudence, j’observe que la première branche du premier moyen soulève des questions nouvelles et complexes en ce qui concerne l’étendue des pouvoirs de l’ECHA au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, qui imprègnent tous les aspects du présent pourvoi. En effet, la question de savoir, dans le cadre de la recevabilité, si l’ECHA peut adopter l’acte contesté en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH en vue de déterminer si cet acte
produit des effets de droit obligatoires, et aux fins de l’intérêt et de la qualité pour agir, tels que contestés dans le cadre du présent pourvoi, coïncide avec la question de savoir, sur le fond, si l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH peut constituer la base juridique adéquate pour l’adoption de l’acte contesté, ce dernier point étant également contesté dans le cadre du présent pourvoi. Par conséquent, la décision que la Cour est amenée à rendre en ce qui concerne la première
branche du premier moyen déterminera, dans une large mesure, les décisions qu’elle rendra sur les autres griefs soulevés dans le cadre du présent pourvoi ( 28 ).

81. Par conséquent, j’examinerai d’abord l’étendue des pouvoirs de l’ECHA au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH pour adopter l’acte contesté (section i). Je traiterai ensuite la question de savoir si cet acte produit des effets de droit obligatoires (section ii).

i) Les pouvoirs de l’ECHA au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH

82. Le Tribunal a jugé, aux points 54 à 61 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu du cadre juridique applicable et de la répartition des compétences entre l’ECHA et les États membres, l’ECHA est seule compétente pour entamer une évaluation d’un dossier d’enregistrement sur le fondement de l’article 41 du règlement REACH et pour évaluer la conformité des informations soumises en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité au titre de l’article 42, paragraphe 1, de ce règlement,
comme faisant partie d’une seule et même procédure. Il appartient plutôt aux États membres d’imposer, dans le cadre de l’article 126 du règlement REACH, des sanctions appropriées aux déclarants au regard desquels il a été constaté, en conformité avec l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement, qu’ils se trouvent en état d’infraction à leurs obligations.

83. Selon moi, ces constatations ne sont pas entachées d’une erreur de droit.

84. Il convient de rappeler que l’article 41, paragraphe 1, du règlement REACH dispose que l’ECHA peut entamer un contrôle de la conformité de tout dossier d’enregistrement pour vérifier que les exigences pertinentes en matière d’informations sont remplies. Ce contrôle peut inclure une décision rédigée par l’ECHA sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH, invitant le déclarant à communiquer toute information nécessaire pour mettre l’enregistrement en conformité, à savoir la
première décision relative au contrôle de conformité, qui est adoptée conformément à la procédure prévue aux articles 50 et 51 de ce règlement. L’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH prévoit que l’ECHA « examine toute information communiquée à la suite d’une décision arrêtée en application des articles 40 ou 41 et prépare, le cas échéant, toute décision appropriée conformément auxdits articles ».

85. Il résulte donc de son libellé que l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH impose à l’ECHA d’examiner toute information qui lui a été communiquée par un déclarant, tel qu’Esso Raffinage, en réponse, notamment, à la première décision relative au contrôle de conformité adoptée en vertu de l’article 41, paragraphe 3, de ce règlement, telle que la décision du 6 novembre 2012, et de rédiger toute décision appropriée conformément à l’article 41 dudit règlement.

86. Certes, l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH n’indique pas expressément que l’ECHA peut adopter une décision relative à la conformité ou à la non‑conformité en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité. Néanmoins, l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH fait référence, à son tour, à la procédure prévue à l’article 51 dudit règlement, qui concerne l’« [a]doption des décisions au titre de l’évaluation du dossier ». Par conséquent, il peut être considéré,
sur la base d’une interprétation combinée des articles 41, 42 et 51 du règlement REACH, que l’ECHA s’est vu attribuer un pouvoir de décision qui peut donner lieu à des décisions contraignantes constatant qu’un déclarant a violé ses obligations au titre du règlement REACH en communiquant des informations non conformes, comme c’est le cas en l’espèce.

87. En outre, il existe des indices sérieux, à la lumière du libellé, du contexte, de la genèse et des objectifs de l’article 41 et de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, qui indiquent que l’ECHA dispose d’une compétence exclusive en vertu de ces dispositions pour entamer le contrôle de la conformité de dossiers d’enregistrement et pour contrôler la conformité des informations communiquées en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité.

88. Compte tenu de leur libellé tel que je viens de le mentionner, ainsi que de leur intitulé, l’article 41 (« Contrôle de la conformité des enregistrements ») et l’article 42, paragraphe 1 (« Contrôle des informations communiquées […] »), du règlement REACH semblent représenter une procédure unique de contrôle de la conformité des dossiers d’enregistrement dans le contexte de l’évaluation des dossiers, comprenant la première décision relative au contrôle de conformité et l’évaluation des
informations communiquées en réponse à cette décision, qui est effectuée par l’ECHA.

89. En revanche, en vertu des articles 125 et 126 du règlement REACH, les États membres se sont vu conférer le rôle central de mise en œuvre de ce règlement et il relève en principe de la compétence de chaque État membre de décider de la façon d’exercer les mesures d’exécution pertinentes au titre des dispositions de ce règlement ( 29 ). Toutefois, sur le fondement de ces articles, rien ne laisse entendre que les États membres sont chargés d’effectuer leur propre contrôle de la conformité des
dossiers d’enregistrement avec les obligations découlant du règlement REACH dans des circonstances telles que celles de la présente affaire où il existe une procédure unique de contrôle de la conformité des dossiers d’enregistrement impliquant l’ECHA. Une interprétation en ce sens des articles 125 et 126 du règlement REACH serait susceptible de porter atteinte à la compétence conférée à l’ECHA, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement, d’examiner la conformité de toute information
communiquée par un déclarant en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité et, partant, de vider cette disposition de son contenu.

90. Cette interprétation est compatible avec le contexte dans lequel s’inscrivent l’article 41 et l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH. En particulier, l’article 46 du règlement REACH, qui concerne l’évaluation des substances, combine dans une même disposition les « [d]emandes d’informations supplémentaires et contrôle des informations communiquées », ce qui laisse entendre que ces deux éléments font partie de la même procédure, par opposition à l’article 48 dudit règlement qui concerne le
« [s]uivi de l’évaluation des substances » dès que cette évaluation a été finalisée, qui est comparable à l’article 42, paragraphe 2, dudit règlement.

91. En outre, l’article 41 et l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH ne font pas allusion à la réalisation par les autorités compétentes des États membres de contrôles de la conformité des dossiers d’enregistrement dans le cadre de l’évaluation des dossiers ( 30 ), en comparaison avec les dispositions relatives à l’évaluation des substances, telles que les articles 45 et 46 du règlement REACH, qui chargent expressément ces autorités d’évaluer les substances et de rédiger les décisions
invitant les déclarants à communiquer des informations supplémentaires à cet égard. Ce qui précède ressort d’autres dispositions du règlement REACH relatives à l’évaluation. Ainsi, l’article 50, paragraphe 1, du règlement REACH, qui concerne les déclarants et les droits des utilisateurs en aval, mentionne l’autorité compétente pertinente des États membres en ce qui concerne les décisions prises dans le contexte de l’évaluation des substances et l’ECHA en ce qui concerne les décisions prises dans
le contexte de l’évaluation des dossiers.

92. Cette interprétation est également conforme à la genèse de l’article 41 et de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH. En effet, l’un des points clés qui a été largement débattu au cours du processus décisionnel ayant conduit à l’adoption du règlement REACH était celui de savoir qui de l’ECHA ou des États membres devait être chargé de l’évaluation ( 31 ). Dans la proposition de la Commission, les autorités compétentes des États membres avaient initialement été investies de la
responsabilité de l’évaluation tant des dossiers que des substances ( 32 ). Lors de la première lecture de cette proposition, le Parlement européen ( 33 ) ainsi que le Comité économique et social européen ( 34 ) ont plaidé en faveur d’un rôle plus important de l’ECHA dans l’évaluation, comprenant aussi bien l’évaluation des dossiers que l’évaluation des substances. Dans la position commune du Conseil, la responsabilité de l’évaluation des dossiers (en ce qui concerne aussi bien la vérification
des propositions d’essai que les contrôles de conformité) a été transférée à l’ECHA, tandis que l’ECHA était chargée de coordonner le processus d’évaluation des substances, en s’en remettant aux autorités compétentes des États membres pour l’évaluation ( 35 ). Cet aménagement a été maintenu dans le texte final tel qu’adopté. Par conséquent, le rejet de la proposition de la Commission et le fait qu’il a été convenu de transférer sans conditions la compétence à l’ECHA quant à l’évaluation des
dossiers permettent de déduire que le législateur de l’Union a eu l’intention de conférer une compétence exclusive à l’ECHA s’agissant de l’évaluation des dossiers d’enregistrement, qui peut être considérée comme incluant tous les stades de la procédure.

93. Il existe des raisons de considérer que cette interprétation est en accord avec les objectifs du règlement REACH. En particulier, l’existence d’un processus centralisé géré par l’ECHA pour l’évaluation de la conformité des dossiers d’enregistrement apparaît conforme au rôle joué par l’évaluation au sein du règlement REACH et aux objectifs de protection de la santé humaine et de l’environnement poursuivis par ce règlement tout en garantissant la libre circulation des substances sur le marché
intérieur.

94. Comme indiqué à l’article 75 du règlement REACH, lu en combinaison avec le considérant 15 dudit règlement, l’ECHA est envisagée comme une entité jouant un rôle central afin d’assurer une gestion efficace des aspects techniques, scientifiques et administratifs du règlement REACH au niveau de l’Union ( 36 ), ce qui semblerait être particulièrement important dans le cadre de l’évaluation des dossiers. Le considérant 65 dudit règlement, qui indique qu’« il est nécessaire d’instaurer la confiance
dans la qualité générale des enregistrements et de veiller à ce que l’ensemble du public et toutes les parties intéressées de l’industrie chimique aient l’assurance du respect, par les personnes physiques ou morales, des obligations qui leur sont imposées », plaide en ce sens et c’est pour cette raison que l’ECHA doit procéder à un contrôle de la conformité d’un certain pourcentage des dossiers d’enregistrement au titre de l’article 41, paragraphe 5, dudit règlement ( 37 ).

95. Par ailleurs, comme l’ont indiqué l’ECHA, Esso Raffinage, l’ECEAE, HOPA REACH et HOPA, il me semble que permettre aux États membres d’effectuer leur propre évaluation de la conformité des dossiers d’enregistrement avec la première décision relative au contrôle de conformité risquerait d’entraîner des problèmes de coordination et d’incohérences entre les décisions adoptées par l’ECHA et celles des autorités nationales, ce qui serait susceptible de porter atteinte à l’efficacité de la procédure
d’évaluation des dossiers d’enregistrement mise en place par le règlement REACH.

ii) Les effets de droit obligatoires produits par l’acte contesté

96. Compte tenu de ses constatations relatives à la répartition des compétences entre l’ECHA et les États membres dans la présente affaire, le Tribunal a conclu, aux points 64 à 72 de l’arrêt attaqué, que, eu égard à son contenu, l’acte contesté équivalait à une décision que l’ECHA était tenue de préparer en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH et qui aurait dû être adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, de ce règlement. Ainsi, l’acte contesté a produit des effets
de droit obligatoires sur la situation juridique d’Esso Raffinage, car il équivalait à une évaluation définitive par l’ECHA en ce sens que les informations communiquées en réponse à la décision du 6 novembre 2012 n’étaient pas conformes et qu’Esso Raffinage était en infraction de ses obligations au titre de cette décision et du règlement REACH. Cet acte a également produit des effets de droit obligatoires à l’égard de la République française dès lors qu’il contenait des constatations desquelles
la République française ne pouvait généralement pas se départir.

97. Le Tribunal a également considéré, aux points 74 à 79 de l’arrêt attaqué, que l’intention de l’ECHA de ne pas adopter un acte contraignant ne revêtait qu’une importance subsidiaire et le fait que l’acte contesté s’inscrivait dans le contexte d’un système de coopération informelle entre l’ECHA et les États membres ne pouvait pas remettre en cause la répartition des compétences au titre du règlement REACH.

98. Selon moi, ces constatations ne font apparaître aucune erreur de droit.

99. Au niveau de son contenu, comme je l’ai exposé aux points 38 et 39 des présentes conclusions, il est indiqué dans l’acte contesté que l’ECHA a examiné les informations communiquées par Esso Raffinage en réponse à la décision du 6 novembre 2012 et conclu que celle-ci n’avait pas fourni toutes les informations demandées. Dans ces conditions, l’ECHA a considéré qu’Esso Raffinage n’avait pas rempli ses obligations au titre de cette décision, que le dossier d’enregistrement n’était pas conforme à
l’article 5 du règlement REACH et qu’Esso Raffinage avait violé l’article 41, paragraphe 4, dudit règlement. L’ECHA a invité la République française à prendre des mesures d’exécution sur le fondement de l’article 126 du règlement REACH à l’égard du non‑respect par Esso Raffinage de la décision prise par l’ECHA et du règlement REACH.

100. Comme l’a relevé le Tribunal, à juste titre selon moi, aux points 67 à 72 de l’arrêt attaqué, compte tenu des pouvoirs attribués à l’ECHA en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, l’acte contesté constitue, en substance, plus qu’un simple avis ou une simple communication d’informations. Cet acte constitue plutôt une analyse définitive par l’ECHA de l’absence de conformité, qui a produit des effets de droit obligatoires à l’égard d’Esso Raffinage, à savoir que son dossier
d’enregistrement n’était pas conforme à la règle « pas de données, pas de marché », visée à l’article 5 du règlement REACH, qui interdit à un déclarant de fabriquer ou de mettre sur le marché de l’Union une substance chimique qui n’a pas été dûment enregistrée (voir point 20 des présentes conclusions), et qu’Esso Raffinage avait violé son obligation de communiquer les informations exigées dans la première décision relative au contrôle de conformité au titre de l’article 41, paragraphe 4, dudit
règlement. De même, l’acte contesté a produit des effets de droit obligatoires à l’égard de la République française, dans la mesure où cet État membre ne peut pas se départir de l’évaluation effectuée par l’ECHA et effectuer sa propre analyse aux fins de ses activités d’exécution au titre des articles 125 et 126 du règlement REACH.

101. Compte tenu de ce qui précède, les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne en ce sens que l’acte contesté a été adopté dans le cadre des tâches consultatives conférées à l’ECHA en vertu de l’article 77 du règlement REACH ne convainquent pas. L’article 77, paragraphe 1, dudit règlement prévoit, de manière générale, que l’ECHA fournit aux États membres et aux institutions de l’Union « les meilleurs conseils scientifiques et/ou techniques possibles sur les questions relatives aux
produits chimiques qui relèvent de sa compétence et qui lui sont soumises conformément aux dispositions du présent règlement ».

102. Bien que cette disposition fasse référence à la fourniture de conseils, il apparaît que l’ECHA a été dotée de pouvoirs pour adopter des décisions ayant des effets de droit obligatoires à l’égard de personnes physiques ou morales dans des procédures spécifiques prévues par le règlement REACH ( 38 ). En effet, l’article 77, paragraphe 2, sous c), dudit règlement indique que le secrétariat exécute les tâches qui lui sont assignées en vertu du titre VI du règlement REACH en matière d’évaluation, ce
qui, selon l’article 76, paragraphe 1, sous g), dudit règlement, comprend notamment « les activités demandées à l’Agence » au titre de la procédure d’évaluation, ce qui inclut donc les décisions prises par l’ECHA dans le contexte de l’évaluation des dossiers d’enregistrement. Il convient d’ajouter que l’acte contesté ne mentionne pas l’article 77 du règlement REACH, mais qu’il fait plutôt référence au fait que l’évaluation des informations communiquées est effectuée à la suite de la décision du
6 novembre 2012 qui a été adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, dudit règlement. Ainsi, l’acte contesté représente, en substance, une décision qui aurait dû être adoptée sur le fondement de l’article 42, paragraphe 1, de ce règlement.

103. Contrairement aux arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne, l’article 22, paragraphes 2 et 3, du règlement REACH n’infirme pas cette analyse. L’article 22, paragraphes 2 et 3, du règlement REACH, qui s’inscrit dans le contexte de l’enregistrement, prévoit qu’un déclarant doit soumettre à l’ECHA une mise à jour du dossier d’enregistrement contenant les informations demandées, notamment, dans la première décision relative au contrôle de conformité prise en vertu de l’article 41,
paragraphe 3, de ce règlement et que l’ECHA procède à un contrôle du caractère complet de ce dossier conformément à l’article 20, paragraphe 2, dudit règlement. Aux termes de l’article 20, paragraphe 2, du règlement REACH, l’ECHA procède à un contrôle du caractère complet de chaque enregistrement pour vérifier que toutes les exigences en matière d’informations sont remplies, mais elle n’évalue ni la qualité ni le caractère approprié des informations soumises.

104. Il s’ensuit que le contrôle du caractère complet des mises à jour des dossiers d’enregistrement au titre des articles 20 et 22 du règlement REACH peut constituer une étape le long du chemin qui conduit au processus d’évaluation du dossier, mais rien dans ces dispositions ne permet de suggérer que l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement ne pourrait pas constituer la base de l’acte contesté. Au contraire, ces dispositions attirent l’attention sur le fait qu’une évaluation qualitative des
informations soumises en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité devrait être menée sur le fondement de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, ainsi que l’illustre la décision relative au contrôle de conformité dans la présente affaire ( 39 ).

105. Quant au contexte de l’acte contesté, il convient de relever que, comme expliqué au point 42 de l’arrêt attaqué, cet acte fait partie d’une pratique informelle convenue entre l’ECHA et les autorités compétentes des États membres au sein du forum (voir point 25 des présentes conclusions), en vertu de laquelle l’ECHA informerait les États membres de son avis concernant des situations de non‑conformité, tout en les laissant libres d’adopter une position différente.

106. Par conséquent, comme l’a jugé le Tribunal, à juste titre selon moi, aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, cette pratique informelle ne saurait porter atteinte à la répartition des compétences instituée par le règlement REACH. Comme indiqué au point 89 des présentes conclusions, une telle pratique priverait effectivement l’ECHA de la compétence qui lui a été conférée en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH en ce qui concerne l’évaluation des dossiers d’enregistrement. Dans
ces conditions, il me semble qu’une telle pratique ne remet pas en cause le caractère contraignant de l’acte contesté.

107. En ce qui concerne l’intention de l’ECHA de ne pas adopter d’acte contraignant, il convient de considérer que le Tribunal, aux points 74 et 75 de l’arrêt attaqué, a dûment pris en compte cet aspect, tout en lui accordant moins d’importance qu’aux autres critères formulés dans la jurisprudence de la Cour (voir point 79 des présentes conclusions), à savoir le contenu de l’acte contesté et les pouvoirs attribués à l’ECHA au titre du règlement REACH. Il convient d’ajouter que, comme l’a indiqué
l’ECEAE, la décision relative au contrôle du caractère complet indique que l’intention de l’ECHA était d’examiner les informations soumises par Esso Raffinage en réponse à la décision du 6 novembre 2012 au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH ( 40 ).

108. Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

b)   L’intérêt à agir

109. Dans la deuxième branche du premier moyen, la République fédérale d’Allemagne allègue qu’Esso Raffinage n’avait pas d’intérêt à agir en raison du fait que l’acte contesté n’a pas eu d’effets négatifs sur sa situation juridique au-delà de ceux déjà produits par la décision du 6 novembre 2012.

110. Le Tribunal a jugé, aux points 81 et 82 de l’arrêt attaqué, que l’acte contesté comprenait une nouvelle évaluation réalisée par l’ECHA par rapport aux informations soumises par Esso Raffinage en réponse à la décision du 6 novembre 2012, lesquelles n’avaient pas encore fait l’objet d’un examen par l’ECHA.

111. Selon moi, ces constatations ne font apparaître aucune erreur de droit.

112. Conformément à l’analyse que j’ai exposée au point 100 des présentes conclusions, l’acte contesté équivalait à l’appréciation définitive par l’ECHA, fondée sur l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, selon laquelle les informations soumises par Esso Raffinage en réponse à la décision du 6 novembre 2012 étaient inadéquates et qu’Esso Raffinage se trouvait en état d’infraction à ses obligations au titre du règlement. Cet acte contenait donc de nouvelles constatations et conclusions de
l’ECHA concernant la non‑conformité des adaptations aux essais sur les animaux mentionnés dans la première décision relative au contrôle de conformité. Dans ces conditions, il convient de considérer qu’Esso Raffinage a clairement un intérêt à agir en annulation de l’acte contesté dès lors que celui‑ci a affecté sa situation de telle manière qu’il lui a causé un grief.

113. Je propose dès lors de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

c)   Affectation directe

114. Dans la troisième branche du premier moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient, à titre subsidiaire, qu’Esso Raffinage n’est pas directement concernée par l’acte contesté, car celui‑ci nécessite des mesures d’exécution nationales.

115. Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale peut former un recours contre, notamment, un acte de l’Union dont elle n’est pas le destinataire si celui‑ci la concerne directement et individuellement ( 41 ).

116. En vertu d’une jurisprudence constante, mentionnée au point 91 de l’arrêt attaqué, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours requiert la réunion de deux critères cumulatifs : premièrement, la mesure doit produire directement des effets sur la situation juridique de la personne physique ou morale et, deuxièmement, elle ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en
œuvre, celle‑ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires ( 42 ).

117. Le Tribunal a jugé, aux points 92 à 94 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant du premier critère, l’acte contesté a affecté directement la situation juridique d’Esso Raffinage en ce qu’il a exposé l’appréciation de l’ECHA au sujet de la conformité du dossier d’enregistrement, compte tenu des informations soumises en réponse à la décision du 6 novembre 2012. Le second critère était également rempli, étant donné que les États membres ne disposent d’aucune marge d’appréciation quant à la constatation
de l’absence de conformité en elle‑même avec les obligations découlant de cette décision ainsi que du règlement REACH.

118. Selon moi, ces constatations ne font apparaître aucune erreur de droit.

119. Compte tenu de l’analyse exposée aux points 85 à 95 et 100 des présentes conclusions, je considère qu’il est clair que, dans la présente affaire, les deux critères relatifs à l’affectation directe sont remplis. Premièrement, l’acte contesté produit directement des effets sur la situation juridique d’Esso Raffinage, puisqu’il s’agit d’un acte ayant des effets de droit obligatoires en ce qui concerne le non‑respect par Esso Raffinage des obligations qui lui sont imposées par la première décision
relative au contrôle de conformité et par le règlement REACH. Deuxièmement, la mise en œuvre de l’acte contesté est automatique et ne laisse aucune marge de manœuvre aux États membres s’agissant de l’évaluation de la non‑conformité, dès lors que cette évaluation est effectuée uniquement par l’ECHA au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH et ne repose donc pas sur des dispositions de droit national en ce qui concerne l’exécution.

120. Je propose dès lors de rejeter le premier moyen en sa troisième branche comme non fondé.

B. Second moyen (application de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH)

1.   Résumé des arguments des parties

121. Par le second moyen, la République fédérale d’Allemagne, soutenue, de manière générale, par le Royaume des Pays‑Bas et, de manière plus détaillée, par la République française, soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit aux points 57, 58, 60 à 63, 71, 78, 108 et 112 de l’arrêt attaqué, en appliquant de manière erronée l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH.

122. Premièrement, la République fédérale d’Allemagne considère que l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH vise les situations concernant une demande d’informations supplémentaires présentée après la fourniture des informations demandées dans la première décision relative au contrôle de conformité. Par conséquent, cette disposition n’est pas applicable dans des cas tels que celui‑ci, qui concerne le non‑respect de cette décision.

123. Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient que le règlement REACH ne prévoit pas d’autres évaluations dans le cadre de l’évaluation des dossiers d’enregistrement et l’article 42, paragraphe 1, ne saurait être interprété en ce sens. En particulier, une telle interprétation porterait atteinte à l’objectif du règlement REACH, qui est de protéger la santé humaine et l’environnement, en engendrant des retards au cours desquels des substances chimiques dangereuses pourraient être
commercialisées dans l’Union.

124. Troisièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient que les adaptations qui remplacent les essais sur des animaux peuvent uniquement être évaluées au stade de la première décision relative au contrôle de conformité adoptée en application de l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH. Elle considère que le principe prévu à l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH, selon lequel les essais sur les animaux ne sont effectués que s’il n’existe aucune autre solution, ne s’applique pas
si la première décision relative au contrôle de conformité requiert la réalisation d’un essai sur les animaux et que cette décision est devenue définitive. Elle fait valoir que l’approche du Tribunal, selon laquelle l’ECHA n’est pas tenue d’évaluer les adaptations au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH si le déclarant invoque des éléments manifestement dépourvus de sérieux, n’est pas prévue dans le règlement REACH et n’est pas applicable en pratique dès lors qu’elle rend
l’exécution difficile, cause des incertitudes pour toutes les parties concernées et comporte un risque d’abus.

125. Quatrièmement, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que l’approche du Tribunal s’écarte du droit administratif général de l’Union, car le destinataire d’une décision ne peut pas exiger des institutions et organes de l’Union qu’ils réexaminent une décision adoptée en bonne et due forme et devenue définitive. Cela vaut particulièrement pour les décisions relatives à l’évaluation des dossiers d’enregistrement qui sont adoptées par l’ECHA conjointement avec les États membres et qui sont
fondées sur une mise en balance de l’ensemble des intérêts, étant donné que le règlement REACH n’envisage pas que de telles décisions soient par la suite remises en cause.

126. Cinquièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient que l’approche du Tribunal est susceptible de prolonger l’évaluation des dossiers d’enregistrement qui sont relatifs à des substances qui présentent une importance particulière, lesquelles sont sélectionnées par l’ECHA en vue du contrôle de conformité au titre de l’article 41, paragraphe 5, du règlement REACH.

127. Esso Raffinage soutient que le second moyen n’est pas fondé.

128. Premièrement, Esso Raffinage soutient que l’interprétation de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH avancée par la République fédérale d’Allemagne est contraire au libellé de cette disposition, laquelle couvre l’évaluation de toutes les informations communiquées à l’ECHA en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité, incluant ainsi la situation en cause dans la présente affaire. Cette interprétation est également contraire au contexte dans lequel s’inscrivent
l’article 42, paragraphe 1, et, notamment, l’article 41, paragraphe 3, ainsi que l’article 42, paragraphe 2, du règlement REACH, qui s’appliquent, par ordre chronologique, avant et après cet article.

129. Deuxièmement, Esso Raffinage affirme que l’examen des informations soumises en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité ne constitue pas un réexamen de cette décision. Ainsi, les arguments tirés du droit administratif général de l’Union sont dénués de pertinence. Elle considère également que les préoccupations de la République fédérale d’Allemagne en ce qui concerne les retards présumés et les abus potentiels ne sont pas fondées, étant donné que le Tribunal a énoncé des
situations dans lesquelles une décision prise en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH ne serait pas nécessaire et que des mesures d’exécution pourraient être prises à l’encontre d’infractions antérieures passées du règlement REACH. En tout état de cause, Esso Raffinage soutient que le délai pour l’adoption d’une décision au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH est raisonnable en vue de garantir le respect du droit d’être entendu du déclarant et des
objectifs poursuivis par ce règlement.

130. Troisièmement, Esso Raffinage fait valoir que la thèse selon laquelle les déclarants ne peuvent pas soumettre d’adaptations en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité n’est étayée ni par le règlement REACH ni par d’autres dispositions du droit de l’Union, telles que l’article 13 TFUE. Cette approche est également incompatible avec, notamment, le consensus de plus en plus large concernant les adaptations fondées sur le poids de la preuve et la suppression des essais sur
les animaux dans le droit de l’Union. Esso Raffinage souligne que les déclarants sont tenus, au titre de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH, de réduire les essais sur les animaux dès que cela est possible en soumettant des adaptations à tous les stades du processus d’évaluation des dossiers. Elle ajoute que sa présentation d’une adaptation sérieuse n’est pas en cause dans la présente affaire et que l’ECHA a désormais accepté cette adaptation,
justifiant ainsi sa décision de proposer une adaptation en premier lieu.

131. Quatrièmement, Esso Raffinage soutient que l’approche du Tribunal n’a pas pour conséquence que les dossiers d’enregistrement sélectionnés par l’ECHA en vue du contrôle de conformité au titre de l’article 41, paragraphe 5, dudit règlement soient traités de telle sorte qu’ils sont susceptibles d’être prolongés.

132. L’ECHA soutient que le second moyen n’est pas fondé.

133. Premièrement, l’ECHA conteste le fait que l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH s’applique uniquement à la présentation d’informations supplémentaires une fois que la première décision relative au contrôle de conformité a été mise en œuvre. En vertu de cette disposition, l’ECHA est généralement tenue d’évaluer les informations soumises et d’élaborer une décision en vertu de cette disposition. Elle souligne que l’interprétation de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH par le
Tribunal met correctement en balance les droits procéduraux conférés aux déclarants, l’obligation pour les déclarants d’éviter autant que possible les essais sur les animaux et l’objectif du règlement REACH visant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement.

134. Deuxièmement, l’ECHA soutient que le Tribunal a examiné les préoccupations de la République fédérale d’Allemagne à propos des retards présumés et des abus potentiels en précisant qu’il n’est pas nécessaire que l’ECHA prépare une décision au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH lorsque les informations soumises sont manifestement dépourvues de sérieux et que les États membres peuvent prendre des mesures d’exécution à l’encontre des déclarants lorsque ceux‑ci n’ont pas respecté
les obligations qui leur incombent au titre de l’article 41, paragraphe 4, dudit règlement, à compter du délai fixé dans la première décision relative au contrôle de conformité. Elle fait également valoir que la République fédérale d’Allemagne n’a pas expliqué en quoi le critère du caractère « manifestement dépourv[u] de sérieux » rend l’arrêt attaqué illégal.

135. Troisièmement, l’ECHA réfute les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne sur le fondement du droit administratif général de l’Union, dès lors qu’il n’existe aucune obligation de réexaminer une décision dans des circonstances telles que celles en cause dans la présente affaire. Elle souligne que, à la suite de l’arrêt attaqué, un déclarant peut soumettre une adaptation, ce qui découle directement de l’article 13, paragraphe 1, du règlement REACH, au lieu d’effectuer les essais
sur des animaux indiqués dans la première décision relative au contrôle de conformité, et que l’ECHA est tenue d’examiner ladite adaptation et de prendre une nouvelle décision conformément à l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement, en tenant compte de la procédure visée aux articles 41, 50 et 51 du même règlement, lorsqu’elle estime que l’adaptation est inadéquate.

136. Quatrièmement, l’ECHA conteste l’affirmation selon laquelle l’approche du Tribunal prolonge l’examen des dossiers d’enregistrement qu’elle sélectionne en vue de contrôler leur conformité au titre de l’article 41, paragraphe 5, du règlement REACH.

137. L’ECEAE soutient les arguments avancés par Esso Raffinage et l’ECHA, en ajoutant deux séries de considérations relatives à l’interprétation de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH.

138. Premièrement, l’ECEAE affirme que l’interprétation de l’article 42, paragraphe 1, avancée par la République fédérale d’Allemagne est contraire à l’importance qu’attache le législateur de l’Union au bien-être animal dans le cadre du règlement REACH, conformément à l’article 13 TFUE. En effet, cette interprétation signifierait que les essais sur les animaux devront malgré tout être effectués, même si de nouvelles informations, dont l’ECHA ne disposait pas au moment de la première décision
relative au contrôle de conformité, montrent qu’une adaptation adéquate est disponible. L’ECEAE relève que ce qui précède est particulièrement pertinent dans la présente affaire, puisqu’il y avait lieu de penser que, compte tenu des dispositions pertinentes du règlement REACH, l’ECHA aurait dû évaluer les résultats de la première étude PNDT avant de demander une seconde étude. Elle souligne que les obligations qu’ont les déclarants de recourir à des méthodes alternatives et de réaliser des
essais sur des animaux vertébrés que s’il n’existe aucune autre solution, comme prévu, respectivement, à l’article 13, paragraphe 1, et à l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH, s’appliquent tout au long du processus d’évaluation des dossiers.

139. Deuxièmement, l’ECEAE soutient que l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH ne peut pas être interprété en ce sens que l’examen est nécessaire uniquement s’il est susceptible d’aboutir à une exigence d’informations supplémentaires et qu’un déclarant s’est conformé aux demandes formulées dans la première décision relative au contrôle de conformité. En effet, premièrement, une telle interprétation n’est pas corroborée par les dispositions du règlement REACH. Deuxièmement, l’ECHA ne peut pas
savoir avant d’avoir procédé à l’examen si des informations supplémentaires sont susceptibles d’être souhaitables d’un point de vue scientifique et, troisièmement, sauf dans des cas rares, l’ECHA ne dispose, en tout état de cause, d’aucun pouvoir pour étendre les exigences pertinentes en matière d’informations.

140. HOPA REACH et HOPA soutiennent eux aussi les arguments avancés par Esso Raffinage et par l’ECHA.

141. En particulier, HOPA REACH et HOPA soutiennent que la production d’adaptations aux essais sur les animaux est non seulement prévue dans le règlement REACH, mais fait également l’objet d’un ensemble complet d’obligations réglementaires, techniques et scientifiques destinées à éviter les abus et devant être contrôlées par l’ECHA. Ils soulignent que les adaptations sont requises pour éviter la réalisation d’essais inutiles sur les animaux, ce qui constitue un objectif essentiel du règlement REACH,
et que les déclarants devraient pouvoir y recourir à tout moment avant la réalisation de tels essais.

2.   Appréciation du second moyen

142. Par le second moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH était applicable à l’acte contesté.

143. Le second moyen est fondé sur les allégations selon lesquelles : i) l’acte contesté ne relève pas de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH (section a) ; ii) les déclarants ne sont pas autorisés à soumettre des adaptations aux essais sur les animaux mentionnés dans la première décision relative au contrôle de conformité (section b), et iii) l’application erronée de cette disposition par le Tribunal entraîne des retards présumés et un abus éventuel de la procédure d’évaluation des
dossiers d’enregistrement (section c).

144. Je tiens à préciser d’emblée que je considère que les allégations avancées dans le second moyen ne sont pas fondées.

a)   Le champ d’application de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH

145. Le Tribunal a jugé, aux points 107 à 109 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu des considérations qu’il a exposées en ce qui concerne la répartition des compétences entre l’ECHA et les États membres en matière d’évaluation des dossiers d’enregistrement, l’acte contesté équivalait à une décision que l’ECHA aurait dû préparer en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, laquelle aurait dû être adoptée conformément à l’article 41, paragraphe 3, du même règlement, en faisant référence
à l’article 51 dudit règlement.

146. Selon moi, ces considérations ne sont entachées d’aucune erreur de droit.

147. Il convient de rappeler que, comme indiqué aux points 84 à 86 des présentes conclusions, l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH oblige l’ECHA à examiner « toute information communiquée » par un déclarant en réponse, notamment, à la première décision relative au contrôle de conformité et à préparer toute décision appropriée conformément à la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3, de ce règlement. Il résulte de son libellé que l’article 42, paragraphe 1, n’établit aucune
distinction en ce qui concerne les informations demandées. Par conséquent, cette disposition ne devrait pas être considérée comme étant limitée aux demandes d’informations supplémentaires effectuées après la communication des informations demandées dans la première décision relative au contrôle de conformité.

148. Aucun des arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne n’est de nature à infirmer cette conclusion. En particulier, comme le souligne Esso Raffinage, tandis que les annexes VII à X du règlement REACH prévoient la réalisation d’essais supplémentaires, ces annexes précisent de manière générale que de telles demandes doivent être effectuées par l’ECHA conformément à l’article 41, et non pas à l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement ( 43 ). Il convient également de relever que la
référence, au considérant 20 du règlement REACH, à la notion d’« informations supplémentaires » concerne l’évaluation des substances, et non pas l’évaluation des dossiers (voir point 21 des présentes conclusions).

149. Il est vrai que la Commission a considéré, dans l’exposé des motifs de sa proposition du règlement REACH, que la disposition qui correspond à l’actuel article 42, paragraphe 1, dudit règlement concernait l’élaboration d’« une nouvelle décision si d’autres informations sont encore exigées » ( 44 ). Cependant, cette considération ne me semble pas décisive, dès lors que rien ne laisse entendre que les autres types d’informations sont exclus du champ d’application de cette disposition, compte tenu
de son libellé.

150. Par ailleurs, je partage le point de vue de l’ECHA et d’Esso Raffinage selon lequel l’application de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH à l’acte contesté ne donne pas lieu à un réexamen ou à un examen supplémentaire de la première décision relative au contrôle de conformité adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, dudit règlement. L’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH comprend l’évaluation par l’ECHA de la conformité des informations communiquées par un
déclarant en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité afin de déterminer si ces informations remplissent les exigences en matière d’informations qui y sont visées, comme l’illustre la présente affaire. Par conséquent, les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne tirés du droit administratif général de l’Union me semblent dénués de pertinence dans les circonstances de la présente affaire.

b)   L’autorisation des adaptations aux essais sur les animaux

151. Le Tribunal a jugé, aux points 62 et 63 de l’arrêt attaqué, que, lorsque, en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité, le déclarant soumet une adaptation aux essais sur les animaux conformément à l’annexe XI du règlement REACH, l’ECHA est, en règle générale, tenue d’évaluer cette adaptation conformément à l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement en respectant la procédure prévue à l’article 41 du même règlement (sauf dans certaines circonstances : voir points 164
et 167 des présentes conclusions). Il a ajouté que l’ECHA doit effectuer cette évaluation indépendamment de la question de savoir si l’adaptation en question repose sur des faits nouveaux et substantiels inconnus au moment où la première décision relative au contrôle de conformité a été prise conformément à l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH ( 45 ).

152. Selon moi, ces constatations ne font apparaître aucune erreur de droit.

153. Il convient de rappeler que la limitation des essais sur les animaux est l’un des principes directeurs qui sous-tend le règlement REACH ( 46 ), ainsi qu’il ressort de ses divers considérants et articles ( 47 ).

154. En particulier, l’article 13, paragraphe 1, du règlement REACH dispose que, en ce qui concerne l’évaluation de la toxicité des substances pour l’espèce humaine, les informations doivent être produites autant que possible par d’autres moyens que des essais sur des animaux vertébrés, par le recours à des méthodes alternatives ( 48 ). De plus, l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH dispose : « Afin d’éviter les essais sur les animaux, les essais sur des animaux vertébrés réalisés aux fins
du présent règlement ne sont effectués que s’il n’existe aucune autre solution » ( 49 ).

155. Comme indiqué également au considérant 47 du règlement REACH, la mise en œuvre de ce règlement repose « chaque fois que possible » sur le recours à des méthodes d’essai de remplacement et la Commission et l’ECHA devraient veiller à ce que la réduction des expériences sur animaux constitue un élément clé notamment « dans les procédures de l’Agence ». Plus particulièrement, l’annexe XI du règlement REACH, qui prévoit des règles générales pour la soumission des adaptations, indique que l’ECHA peut
évaluer ces adaptations lors de l’évaluation du dossier ( 50 ).

156. Il en résulte que l’article 13, paragraphe 1, et l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH obligent les déclarants ( 51 ) (de même que l’ECHA le cas échéant ( 52 )) à avoir recours autant que possible à des méthodes qui remplacent les essais sur des animaux vertébrés et sont formulés en des termes généraux, de telle sorte qu’ils s’appliquent en particulier aux contrôles de la conformité des enregistrements dans le cadre de l’évaluation des dossiers.

157. Par conséquent, je conviens avec l’ECHA, Esso Raffinage, l’ECEAE, HOPA REACH et HOPA que, à la lumière de leur libellé, les obligations imposées par l’article 13, paragraphe 1, et l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH peuvent être considérées comme étant applicables à tous les stades de la procédure d’évaluation des dossiers d’enregistrement. Contrairement aux arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne, selon moi, aucun élément de ces dispositions ou de l’annexe XI du
règlement REACH ne permet d’indiquer que les adaptations aux essais sur les animaux peuvent uniquement être soumises avant le stade de la première décision relative au contrôle de conformité.

158. Cette interprétation est conforme aux objectifs poursuivis par le règlement REACH. Comme indiqué au point 17 des présentes conclusions, l’article 1er, paragraphe 1, du règlement REACH dispose que ce règlement « vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la
compétitivité et l’innovation » ( 53 ). Le passage cité est l’expression de la prise en compte du bien-être animal par le biais de la réduction des essais sur les animaux comme l’un des objectifs poursuivis par le règlement REACH ( 54 ). De manière plus générale, comme l’ont indiqué Esso Raffinage et l’ECEAE, la promotion du bien-être animal et des méthodes qui remplacent les essais sur les animaux dans le cadre du règlement REACH est conforme à l’article 13 TFUE ( 55 ), selon lequel,
lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre les politiques de l’Union, l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien‑être des animaux ( 56 ).

159. En outre, les circonstances en cause dans la présente affaire montrent l’importance d’appliquer l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH aux admissions soumises par les déclarants en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité.

160. Pour rappel, dans la décision du 6 novembre 2012, l’ECHA a demandé à Esso Raffinage d’effectuer une étude PNDT sur une seconde espèce, à savoir des lapins, ainsi qu’un essai de toxicité à long terme sur les organismes vivant dans des sédiments (voir point 35 des présentes conclusions) ( 57 ). Il convient en particulier de rappeler que la première étude, à savoir une étude relative à la toxicité de la substance chimique en cause sur le développement prénatal des lapins, exigeait des essais sur
des animaux vertébrés et comprenait l’administration de cette substance à un nombre significatif de lapins femelles tout au long de leur gestation, leur mise à mort le jour précédant leur accouchement, puis la dissection des mères et des fœtus afin de rechercher des anomalies ou des altérations causées par l’exposition à cette substance ( 58 ). Esso Raffinage a fourni, en réponse, une adaptation des éléments de preuve, au sens du point 1.2 de l’annexe XI du règlement REACH, qui n’incluait pas
des essais sur les animaux. L’ECHA a évalué cette adaptation dans l’acte contesté et considéré qu’elle n’était pas adéquate.

161. Ainsi qu’il ressort des points 28 à 34 des présentes conclusions, la soumission par Esso Raffinage de l’adaptation en question a été faite en réponse à une demande de réalisation d’essais sur les animaux qui n’était pas mentionnée dans le projet de décision notifié par l’ECHA et Esso Raffinage n’a pas eu la possibilité d’exprimer son point de vue sur les constatations faites par l’ECHA en ce qui concerne la non‑conformité de cette adaptation avant que l’ECHA n’ait rendu l’acte contesté, ce qui
aurait été le cas si cet acte avait été adopté sur le fondement de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, en appliquant la procédure prévue aux articles 41, 50 et 51 dudit règlement ( 59 ).

162. Il convient d’ajouter que, comme l’a indiqué l’ECEAE, un déclarant tel qu’Esso Raffinage a des motifs raisonnables de considérer, en particulier au moment où a été rendue la décision du 6 novembre 2012, qu’une étude PNDT sur une seconde espèce n’était pas nécessaire au titre des dispositions applicables du règlement REACH ( 60 ) et donc que la soumission d’une adaptation sérieuse était appropriée dans ces conditions. Esso Raffinage a en effet soulevé ce point en première instance, mais le
Tribunal n’a pas jugé nécessaire de statuer sur ce moyen ( 61 ). Cette question a été examinée dans une décision rendue par la chambre de recours de l’ECHA après l’adoption de la décision du 6 novembre 2012 ( 62 ) et fait actuellement l’objet d’affaires pendantes devant le Tribunal ( 63 ).

163. En outre, il convient de souligner qu’empêcher une adaptation en réponse à la première décision relative au contrôle de conformité aurait des conséquences catastrophiques, en obligeant un déclarant à effectuer les essais sur les animaux demandés, alors même qu’une adaptation sérieuse aurait été disponible dans le délai fixé dans cette décision. L’évaluation par l’ECHA des adaptations au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, qu’elles soient nouvelles ou non, permet au
déclarant de soumettre des adaptations améliorées par rapport à ce qui a été exposé dans le dossier d’enregistrement afin de satisfaire aux exigences pertinentes en matière d’informations ( 64 ).

c)   Les griefs liés aux retards présumés et aux abus potentiels

164. Le Tribunal a rejeté, aux points 111 à 113 de l’arrêt attaqué, lus en combinaison avec les points 62 et 71, les arguments avancés par l’ECHA, selon lesquels le recours à la procédure prévue aux articles 41, 50 et 51 du règlement REACH, pour les décisions fondées sur l’article 42, paragraphe 1, de ce règlement, pourrait conduire à un processus sans fin de nouvelles décisions qui paralyserait l’application des décisions de l’ECHA. Il a considéré que l’ECHA n’était pas tenue de suivre cette
procédure dans chaque cas et que, par conséquent, lorsqu’un déclarant invoque des éléments manifestement dépourvus de sérieux constituant une tentative d’abus de procédure qui équivaut à une absence totale de réponse, l’ECHA peut constater l’absence de conformité du dossier moyennant une simple communication d’informations à l’intéressé et à l’État membre concerné.

165. Le Tribunal a également jugé, au point 114 de l’arrêt attaqué, lu en combinaison avec le point 61, que, en cas d’adoption d’une décision, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, constatant l’absence de conformité d’un dossier d’enregistrement, cette absence de conformité se rapporte, à tout le moins, à la fin du délai accordé en vertu de la première décision relative au contrôle de conformité adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH. Il
incomberait ensuite à l’État membre concerné d’exercer le pouvoir qui lui est réservé en vertu de l’article 126 du règlement REACH d’exercer des mesures d’exécution pour la période pendant laquelle le dossier d’enregistrement ne serait pas en conformité.

166. Selon moi, ce raisonnement n’est entaché d’aucune erreur de droit.

167. Il convient de relever que, ainsi qu’il ressort clairement du point 112 de l’arrêt attaqué, le raisonnement du Tribunal est fondé sur le libellé de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, qui indique que l’ECHA prépare une décision conformément à cette disposition, en respectant, le cas échéant, la procédure prévue aux articles 41, 50 et 51. Ce libellé implique qu’il pourrait exister des circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’ECHA ne serait pas tenue de prendre une telle
décision. Dans cette perspective, l’élaboration par le Tribunal des circonstances impliquant une absence totale de réponse à la première décision relative au contrôle de conformité et la soumission d’éléments dépourvus de sérieux constituant une tentative d’abus de procédure de la part du déclarant ne me semble pas pouvoir faire l’objet de critiques. L’application de telles circonstances dans un cas particulier relèverait en principe du pouvoir d’appréciation de l’ECHA, sous réserve du contrôle
de légalité exercé par le juge de l’Union ( 65 ).

168. En outre, la durée associée à l’élaboration d’une décision adoptée par l’ECHA en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, en respectant la procédure prévue aux articles 41, 50 et 51 de ce règlement, me semble raisonnable compte tenu des délais prévus dans ces dispositions ( 66 ). Je partage donc l’avis de l’ECHA et d’Esso Raffinage selon lequel, compte tenu des informations produites devant la Cour, l’évaluation par l’ECHA des dossiers d’enregistrement au titre de l’article 41,
paragraphe 5, du règlement REACH ne serait pas prolongée indûment.

169. De même, le raisonnement du Tribunal, selon lequel les mesures d’exécution appropriées qui peuvent être prises par les États membres au titre de l’article 126 du règlement REACH s’appliquent au cours de la période de non‑conformité à compter du délai fixé dans la première décision relative au contrôle de conformité, découle de l’article 41, paragraphe 4, de ce règlement. Selon moi, une telle approche peut être considérée comme étant de nature à éviter un abus de procédure d’évaluation des
dossiers d’enregistrement, dès lors qu’elle vise à assurer qu’un déclarant fait l’objet de mesures d’exécution par l’État membre concerné en raison de la violation des obligations qui lui incombent au titre du règlement REACH, même si le déclarant peut rendre son dossier conforme après l’adoption sur le fondement de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH d’une décision constatant qu’il n’était pas en conformité.

170. Je propose par conséquent de rejeter le second moyen comme non fondé.

VII. Sur les dépens

171. En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable aux procédures de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

172. Dans la présente affaire, dès lors qu’Esso Raffinage et l’ECHA ont conclu à la condamnation aux dépens et que la République fédérale d’Allemagne a succombé, cette dernière doit être condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Esso Raffinage et l’ECHA.

173. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de la Cour, également applicable aux procédures de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Aux termes de l’article 184, paragraphe 4, de ce règlement, la Cour peut décider qu’une partie intervenant en première instance qui participe à la procédure de pourvoi supporte ses propres dépens. Par conséquent, la République française et le
Royaume des Pays‑Bas supporteront leurs propres dépens.

174. L’article 140, paragraphe 3, du même règlement, qui s’applique aux procédures de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose, notamment, que la Cour peut décider qu’une partie intervenante autre qu’un État membre ou une institution de l’Union supportera ses propres dépens. Il convient dès lors de décider que l’ECEAE, HOPA REACH et HOPA supporteront leurs propres dépens.

VIII. Conclusion

175. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

– rejeter le pourvoi ;

– condamner la République fédérale d’Allemagne à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par Esso Raffinage SAS et l’Agence européenne des produits chimiques ; et

– condamner la République française, le Royaume des Pays‑Bas, European Coalition to End Animal Experiments, Higher Olefins and Poly Alpha Olefins REACH Consortium et Higher Olefins & Poly Alpha Olefins VZW à supporter leurs propres dépens.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2006, L 396, p. 1.

( 3 ) Voir note en bas de page 8 des présentes conclusions.

( 4 ) Voir, par exemple, arrêt du 15 mars 2017, Polynt/ECHA (C‑323/15 P, EU:C:2017:207, point 20).

( 5 ) Voir, par exemple, arrêt du 17 mars 2016, Canadian Oil Company Sweden et Rantén (C‑472/14, EU:C:2016:171, point 25).

( 6 ) Voir, par exemple, arrêts du 7 juillet 2009, SPCM e.a. (C‑558/07, EU:C:2009:430, points 46 et 49), et du 17 mars 2016, Canadian Oil Company Sweden et Rantén (C‑472/14, EU:C:2016:171, point 29).

( 7 ) Pour une discussion détaillée, voir, par exemple, Biwer, A.P., « Evaluation », dans Drohmann, D., et Townsend, M. (éds), REACH Best Practice Guide to Regulation (EC) No 1907/2006, C.H. Beck/Hart/Nomos, 2013, p. 411 à 441.

( 8 ) Récemment, le pourcentage minimal prévu à l’article 41, paragraphe 5, du règlement REACH a été augmenté de 5 % à 20 % par le règlement (UE) 2020/507 de la Commission, du 7 avril 2020, modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le pourcentage de dossiers d’enregistrement à sélectionner aux fins du contrôle de conformité (JO 2020, L 110, p. 1).

( 9 ) Voir règlement REACH, considérants 20, 21 et 66 ainsi qu’articles 44 à 48.

( 10 ) Voir, à cet égard, Herbatschet, N., e.a., « The REACH Programmes and Procedures », dans Bergkamp, L. (éd.), The European Union REACH Regulation for Chemicals : Law and Practice, Oxford University Press, Oxford, 2013, p. 83 à 170, aux p. 126 et 130 à 133.

( 11 ) Voir règlement REACH, article 46.

( 12 ) Voir règlement REACH, articles 50 à 54.

( 13 ) Aux termes de l’article 52 du règlement REACH, la procédure prévue à l’article 51 est applicable aux décisions au titre de l’évaluation d’une substance, sous réserve d’une modification, car l’autorité compétente de l’État membre prépare le projet de décision.

( 14 ) Voir, notamment, règlement REACH, considérants 67 et 103 ainsi qu’article 76, paragraphe 1, sous e), et article 85, paragraphe 3.

( 15 ) Voir, notamment, règlement REACH, considérant 98 ainsi qu’article 76, paragraphe 1, sous g), et article 77, paragraphe 2, sous c).

( 16 ) Voir, notamment, règlement REACH, considérant 105 ainsi qu’article 76, paragraphe 1, sous f), et article 86.

( 17 ) Comme indiqué au point 2 de l’arrêt attaqué, les exigences en matière d’informations applicables au dossier d’enregistrement à l’époque concernée portaient sur la fourchette de quantité supérieure à 1000 tonnes par an.

( 18 ) Voir, également, point 160 des présentes conclusions.

( 19 ) Le Tribunal a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les sept autres moyens soulevés par Esso Raffinage, tirés d’une violation : 1) du principe de proportionnalité ; 2) des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ; 3) du droit d’être entendu et des droits de la défense ; 4) du principe de bonne administration ; 5) de l’obligation de motivation ; 6) du droit à un procès équitable, et 7) des dispositions du règlement REACH concernant la demande de
fourniture d’une étude PNDT sur une seconde espèce (points 100 à 117 de l’arrêt attaqué).

( 20 ) Ordonnance du président de la Cour du 12 mars 2019, Allemagne/Esso Raffinage (C‑471/18 P, non publiée, EU:C:2019:198), telle que rectifiée par l’ordonnance du 10 avril 2019, Allemagne/Esso Raffinage (C‑471/18 P, non publiée, EU:C:2019:328).

( 21 ) À cet égard, Esso Raffinage renvoie à la décision de l’ECHA « sur la mise à jour de votre enregistrement au titre du règlement (CE) no 1907/2006 » du 8 novembre 2013 (ci‑après la « décision relative au contrôle du caractère complet »), jointe en annexe à sa réponse, indiquant que, conformément à l’article 20, paragraphe 2, et à l’article 22, paragraphe 3, dudit règlement, la mise à jour du dossier d’enregistrement, qui devait, selon la décision du 6 novembre 2012, être déposée avant le
6 novembre 2013, était complète. Cette décision indique : « Conformément à l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, l’ECHA examinera toute information fournie à la suite de la décision susmentionnée après cette date. La présente lettre et le caractère complet de votre mise à jour au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement REACH n’ont aucune incidence sur la procédure d’évaluation du dossier et sur vos obligations au titre de l’article 41 du règlement REACH ».

( 22 ) Voir, par exemple, arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, point 45), et du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine (C‑351/15 P, EU:C:2017:27, point 31).

( 23 ) Voir, par exemple, arrêts du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 47), et du 28 février 2019, Conseil/Marquis Energy (C‑466/16 P, EU:C:2019:156, point 35).

( 24 ) Voir, par exemple, arrêts du 16 juin 1994, SFEI e.a./Commission (C‑39/93 P, EU:C:1994:253, point 26), et du 20 décembre 2017, Trioplast Industrier/Commission (C‑364/16 P, non publié, EU:C:2017:1008, points 25 et 26).

( 25 ) Voir, par exemple, arrêts du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78, point 51), et du 25 juin 2020, CSUE/KF (C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 69).

( 26 ) Voir, par exemple, arrêts du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission (C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 48), et du 20 février 2018, Belgique/Commission (C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32).

( 27 ) Voir, par exemple, arrêts du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission (C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 52), et du 20 novembre 2018, Commission/Conseil (AMP Antarctique) (C‑626/15 et C‑659/16, EU:C:2018:925, point 62).

( 28 ) Il convient de relever que la Cour a considéré que la question de savoir si un acte produit des effets de droit obligatoires peut être examinée en même temps que les questions de fond posées par le litige. Voir, par exemple, arrêts du 16 juin 1993, France/Commission (C‑325/91, EU:C:1993:245, point 11), et du 20 mars 1997, France/Commission (C‑57/95, EU:C:1997:164, points 9 et 10). La Cour a également adopté d’autres approches en fonction des circonstances et considéré, par exemple, que la
question de savoir si un acte produit des effets de droit obligatoires ne doit pas être examinée dans le cadre de la recevabilité, mais au fond. Voir arrêt du 2 octobre 2018, France/Parlement (Exercice du pouvoir budgétaire) (C‑73/17, EU:C:2018:787, point 15). Voir, également, conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Conseil/Commission (C‑660/13, EU:C:2015:787, point 58, note en bas de page 17). Dans la présente affaire, il me semble que, bien qu’un certain chevauchement soit
inévitable, il convient de traiter séparément les questions relatives à la recevabilité et au fond, particulièrement compte tenu des divers arguments invoqués au soutien de chaque moyen.

( 29 ) Voir également, à cet égard, règlement REACH, considérants 120 à 122.

( 30 ) Par opposition à d’autres tâches effectuées par les États membres dans le cadre de l’évaluation des dossiers, comme en ce qui concerne le comité des États membres (voir, à cet égard, règlement REACH, considérant 67) et l’échange d’informations (voir, à cet égard, règlement REACH, considérant 119).

( 31 ) Voir, par exemple, Doc. 9234/04, 6 mai 2004, p. 6 à 8 ; Doc. 9248/05, 24 mai 2005, p. 3 à 5 ; Doc. 8717/05, 2 juin 2005, Doc. 15472/05, 8 décembre 2005, p. 13. Voir également, à cet égard, Martens, M., « Executive power in the making: the establishment of the European Chemicals Agency », dans Busuioc, M., e.a. (éds), The agency phenomenon in the European Union, Manchester University Press, Manchester, 2012, p. 42 à 62.

( 32 ) Voir proposition de la Commission, en particulier « Exposé des motifs », point 1.6.

( 33 ) Voir la position du Parlement européen arrêtée en première lecture sur la proposition de la Commission, 17 novembre 2005, en particulier le projet de considérant 69 et les projets d’articles 44 à 54.

( 34 ) Voir les avis du Comité économique et social européen sur la proposition de la Commission, 31 mars 2004 (JO 2004, C 112, p. 92, points 3.2.6, 3.4.2 et 4.5) et sur la législation sur les produits chimiques – REACH, 13 juillet 2005 (JO 2005, C 294, p. 38, point 6.4).

( 35 ) Voir la position commune (CE) no 17/2006, du 27 juin 2006, arrêtée par le Conseil sur la proposition de la Commission (JO 2006, C 276 E, p. 1), « Exposé des motifs du Conseil », Titre VI (« Évaluation »)].

( 36 ) Voir également, à cet égard, règlement REACH, considérant 95.

( 37 ) Il convient de relever que cela ressort des activités récentes de la Commission et de l’ECHA visant à améliorer le processus de contrôle de la conformité, notamment en augmentant le nombre de dossiers d’enregistrement contrôlés par l’ECHA au titre de l’article 41, paragraphe 5, du règlement REACH. Voir, par exemple, Commission et ECHA, REACH Evaluation Joint Action Plan : Ensuring compliance of REACH Registrations (plan d’action commun d’évaluation dans le cadre de REACH : garantir la
conformité des enregistrements dans le cadre de REACH), 24 juin 2019, disponible à l’adresse https://echa.europa.eu/. Voir, également, note en bas de page 8 des présentes conclusions.

( 38 ) Voir, à cet égard, arrêt du 22 janvier 2014, Royaume‑Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18, point 81). Voir également, par exemple, Bergkamp, L. et Park, D., « The Organizational and Administrative Structures », dans Bergkamp, L. (éd.), The European Union REACH Regulation for Chemicals : Law and Practice, cité à la note en bas de page 10 des présentes conclusions, p. 23 à 39, spécialement p. 25 à 27.

( 39 ) Voir note en bas de page 21 des présentes conclusions.

( 40 ) Voir note en bas de page 21 des présentes conclusions.

( 41 ) La présente affaire ne soulève aucune question s’agissant des autres parties du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE, étant donné que l’acte contesté n’est pas formellement destiné à Esso Raffinage (voir points 87 à 89 de l’arrêt attaqué) et qu’il ne s’agit pas d’un acte non législatif de portée générale aux fins de la qualification en tant qu’acte réglementaire (voir, par exemple, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria
Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 23).

( 42 ) Voir, par exemple, arrêts du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 69), et du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 66).

( 43 ) Voir, par exemple, règlement REACH, annexe X, points 8.6.3, 8.6.4 et 8.9.1.

( 44 ) Voir proposition de la Commission, « Exposé des motifs », projet d’article 41, premier alinéa.

( 45 ) Le Tribunal a donc, en substance, rejeté la position exprimée par l’ECHA dans la décision A-019‑2013, du 29 juillet 2015, Solutia Europe/ECHA (ci‑après la « décision Solutia »). Voir points 44 à 47 et 106 de l’arrêt attaqué.

( 46 ) Voir, à cet égard, proposition de la Commission, « Exposé des motifs ».

( 47 ) Voir, notamment, règlement REACH, considérants 13, 33, 37, 38, 40, 47, 49, 50 et 64 ainsi qu’article 13, paragraphes 1 et 2, article 25, paragraphe 1, article 26, paragraphes 1 et 3, article 27, paragraphe 1, article 30, paragraphes 1 et 3, article 40, paragraphe 2, article 117, paragraphe 3, et article 138, paragraphe 9.

( 48 ) Voir, à cet égard, arrêts du 21 juillet 2011, Nickel Institute (C‑14/10, EU:C:2011:503, point 74), et du 21 juillet 2011, Etimine (C‑15/10, EU:C:2011:504, point 108).

( 49 ) Mise en italique par mes soins.

( 50 ) Voir règlement REACH, annexe XI, second alinéa.

( 51 ) Il convient de relever que le Médiateur européen a reconnu que, lors de l’évaluation des dossiers, l’ECHA doit vérifier qu’un déclarant s’est conformé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement REACH, tant dans le cadre de la procédure de contrôle de conformité (voir affaire 1568/2012/AN) que dans le cadre de l’évaluation des propositions d’essai (voir affaire 1606/2013/AN).

( 52 ) À cet égard, la chambre de recours de l’ECHA a jugé, dans la décision A-005‑2011, du 29 avril 2013, Honeywell Belgium/ECHA, points 87 à 99, que l’obligation imposée aux déclarants par l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH est assumée par l’ECHA lorsque celle‑ci exige que soient effectués des essais sur des animaux afin de satisfaire à une exigence en matière d’informations qu’elle a elle‑même identifiée en vertu des dispositions pertinentes dudit règlement.

( 53 ) Mise en italique par mes soins. Voir, également, règlement REACH, considérant 1.

( 54 ) Voir, par exemple, Doc. 16216/06, 4 décembre 2006, p. 5.

( 55 ) L’article 13 TFUE, qui se trouve au sein du Titre II du TFUE (« Dispositions d’application générale »), dispose : « Lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique de l’Union dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l’espace, l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien‑être des animaux en tant qu’êtres sensibles, tout en respectant les dispositions
législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux. » Pour une discussion détaillée, voir, par exemple, Beqiraj, J., « Animal welfare », dans Ippolito, F., e.a. (éd.s), The EU and the Proliferation of Integration Principles under the Lisbon Treaty, Routledge, 2019, p. 136 à 159.

( 56 ) Voir, par exemple, arrêt du 26 février 2019, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (C‑497/17, EU:C:2019:137, point 44). Voir, également, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire European Federation for Cosmetic Ingredients (C‑592/14, EU:C:2016:179, points 20 et 21).

( 57 ) Comme indiqué au point 13 de l’arrêt attaqué, l’étude PNDT sur une seconde espèce, à savoir des lapins, a été demandée afin de satisfaire aux exigences en matière d’informations visées au point 8.7.2 de l’annexe X du règlement REACH et, pour ce qui concerne l’essai de toxicité à long terme sur les organismes vivant dans des sédiments, au point 9.5.1 de cette annexe. Ce dernier essai implique en général des espèces d’animaux invertébrés et de plantes. Voir ECHA, Guide des exigences
d’information et évaluation de la sécurité chimique, chapitre 4.7b, « Endpoint specific guidance », version 4.0, juin 2017, point R.7.8.7.

( 58 ) Voir, à cet égard, règlement (CE) no 440/2008 de la Commission, du 30 mai 2008, établissant des méthodes d’essai conformément au règlement [REACH] (JO 2008, L 142, p. 1), B.31 « Étude de la toxicité pour le développement prénatal ».

( 59 ) Il convient de relever qu’aux points 87 à 89 de la décision Solutia , citée à la note en bas de page 45 des présentes conclusions, la chambre de recours de l’ECHA a constaté, notamment, que, dans les circonstances de cette affaire qui impliquaient une demande d’expérimentation sur des animaux vertébrés, la procédure prévue aux articles 50 et 51 du règlement REACH aurait pu contribuer à garantir qu’une telle expérimentation ne soit effectuée que s’il n’existait aucune autre solution
conformément à l’article 25, paragraphe 1, dudit règlement.

( 60 ) Voir, à cet égard, règlement REACH, annexe IX, point 8.7.2, seconde colonne : « En fonction du résultat du premier essai et de toutes les autres données pertinentes disponibles, il peut être décidé d’effectuer une étude [PNDT] sur une deuxième espèce à ce niveau de quantité ou au suivant » (mise en italique par mes soins). Voir, également, note en bas de page 57 des présentes conclusions.

( 61 ) Voir note en bas de page 19 des présentes conclusions.

( 62 ) Voir décision A-004‑2012, du 10 octobre 2013, Lanxess Deutschland/ECHA, points 71 à 87, dans lesquels la chambre de recours de l’ECHA a jugé que, au titre du règlement REACH, annexe X, point 8.7.2, les déclarants sont tenus d’effectuer une étude PNDT sur une deuxième espèce, sauf si certaines adaptations sont applicables. L’ECEAE a formé un recours contre cette décision devant le Tribunal, mais ledit recours a été rejeté comme irrecevable. Voir ordonnance du 13 mars 2015, European Coalition
to End Animal Experiments/ECHA (T‑673/13, EU:T:2015:167).

( 63 ) Voir, notamment, affaire Nouryon Industrial Chemicals e.a./Commission (T‑868/19), actuellement pendante.

( 64 ) Il convient de relever que la possibilité pour l’ECHA de procéder à une évaluation des adaptations qui ont été améliorées au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH a été reconnue dans les décisions de la chambre de recours de l’ECHA. Voir, notamment, décision A-011‑2018, du 4 mai 2020, Clariant Plastics & Coatings (Deutschland)/ECHA, point 52.

( 65 ) À cet égard, dans les décisions A-012‑2019 et A‑013‑2019, du 16 septembre 2019, Symrise/ECHA, la chambre de recours de l’ECHA a constaté qu’une décision de l’ECHA relative à une « information concernant l’absence de réponse à une décision d’évaluation du dossier » ne constituait pas une décision au sens de l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH et ne relevait donc pas de sa compétence. Or cet acte pouvait être contesté devant le Tribunal.

( 66 ) Voir, à cet égard, règlement REACH, article 50, paragraphe 1, et article 51, paragraphes 2 à 6.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-471/18
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques – Règlement (CE) no 1907/2006 (REACH) – Articles 5 et 6 – Obligation générale d’enregistrement des substances chimiques – Articles 41 et 42 – Évaluation des dossiers d’enregistrement et contrôle de la conformité des informations communiquées par les déclarants – Déclaration de non-conformité – Acte susceptible de recours – Intérêt à agir – Qualité pour agir – Compétences respectives de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et des autorités nationales – Obligation, pour l’ECHA, de contrôler la conformité des informations supplémentaires communiquées, à sa demande, par les déclarants – Pouvoir de l’ECHA d’adopter une décision appropriée à ce sujet – Article 1er – Objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement – Articles 13 et 25 – Recours à des essais sur des animaux – Promotion de méthodes alternatives.

Rapprochement des législations

Santé publique


Parties
Demandeurs : République fédérale d'Allemagne
Défendeurs : Esso Raffinage.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tanchev

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:752

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award