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17/09/2020 | CJUE | N°C-387/19

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, RTS infra BVBA et Aannemingsbedrijf Norré-Behaegel contre Vlaams Gewest., 17/09/2020, C-387/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 17 septembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑387/19

RTS infra BVBA,

Aannemingsbedrijf Norré-Behaegel

contre

Vlaams Gewest

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Conseil d’État, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Passation de marchés publics de travaux, de fournitures et de services – Déroulement de la procédure – Motifs d’exclusion – Preuve des mesures de réhabilitation 

Modalités »

1. L’article 57 de la directive 2014/24/UE ( 2 ) régit les motifs d’exclusion des opérateurs économique...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 17 septembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑387/19

RTS infra BVBA,

Aannemingsbedrijf Norré-Behaegel

contre

Vlaams Gewest

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Conseil d’État, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Passation de marchés publics de travaux, de fournitures et de services – Déroulement de la procédure – Motifs d’exclusion – Preuve des mesures de réhabilitation – Modalités »

1. L’article 57 de la directive 2014/24/UE ( 2 ) régit les motifs d’exclusion des opérateurs économiques de la participation aux procédures de passation de marchés publics.

2. Ces opérateurs peuvent toutefois produire des preuves afin d’attester que les mesures qu’ils ont prises suffisent à démontrer leur fiabilité en dépit du fait qu’ils se sont livrés à un comportement relevant d’un de ces motifs d’exclusion. L’auto-réhabilitation admise à l’article 57, paragraphe 6, est une des nouveautés de la directive 2014/24 par rapport à la directive 2004/18/CE ( 3 ), qui l’a précédée.

3. La Cour a déjà examiné à plusieurs reprises l’article 57 de la directive 2014/24, y compris des aspects relatifs à son paragraphe 6 ( 4 ). En revanche, elle ne s’est pas prononcée sur la possibilité que le pouvoir adjudicateur exige, pour que l’opérateur économique puisse bénéficier de l’auto-réhabilitation, l’initiative de ce dernier, comme c’est le cas en l’espèce.

I. Le droit applicable

A.   Le droit de l’Union

1. La directive 2014/24

4. Les considérants 101 et 102 de la directive 2014/24 prévoient :

« (101) Les pouvoirs adjudicateurs devraient en outre pouvoir exclure des opérateurs économiques qui se seraient avérés non fiables, par exemple pour manquement à des obligations environnementales ou sociales, y compris aux règles d’accessibilité pour les personnes handicapées, ou pour d’autres fautes professionnelles graves telles que la violation de règles de concurrence ou de droits de propriété intellectuelle. [...]

Compte tenu du fait qu’ils seront responsables des conséquences d’une éventuelle décision erronée de leur part, les pouvoirs adjudicateurs devraient [...] pouvoir exclure des candidats ou des soumissionnaires lorsque des défaillances importantes dans l’exécution d’obligations essentielles ont été constatées lors de l’exécution de marchés publics antérieurs, par exemple un défaut de fourniture ou d’exécution, des carences notables du produit ou du service fourni qui le rendent impropre aux
fins prévues, ou un comportement fautif jetant sérieusement le doute quant à la fiabilité de l’opérateur économique. La législation nationale devrait prévoir une durée maximale pour ces exclusions.

Lorsqu’ils appliquent des motifs facultatifs d’exclusion, les pouvoirs adjudicateurs devraient accorder une attention particulière au principe de proportionnalité. [...]

(102) Il convient cependant de laisser aux opérateurs économiques la possibilité de prendre des mesures de mise en conformité visant à remédier aux conséquences de toute infraction pénale ou faute et à empêcher effectivement que celles-ci ne se reproduisent. [...] Lorsque ces mesures offrent des garanties suffisantes, l’opérateur économique concerné ne devrait plus être exclu pour ces seuls motifs. Les opérateurs économiques devraient avoir la possibilité de demander que soient examinées les
mesures de mise en conformité prises en vue d’une éventuelle admission à la procédure de passation de marché. Cependant, il convient de laisser aux États membres le pouvoir de déterminer les conditions procédurales et matérielles exactes qui seraient applicables dans ces cas. Ils devraient, en particulier, être libres de décider s’ils autorisent chaque pouvoir adjudicateur à effectuer les évaluations pertinentes ou s’ils confient cette tâche à d’autres pouvoirs à un niveau central ou
décentralisé. »

5. L’article 18 (« Principes de la passation de marchés »), paragraphe 1, de la directive 2014/24 se lit comme suit :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.

[...] »

6. Aux termes de l’article 56 (« Principes généraux »), paragraphe 1, de la directive 2014/24 :

« Les marchés sont attribués sur la base des critères arrêtés conformément aux articles 67 à 69, pour autant que les pouvoirs adjudicateurs aient vérifié, conformément aux articles 59 à 61, que toutes les conditions suivantes sont réunies :

[...]

b) l’offre provient d’un soumissionnaire qui n’est pas exclu en vertu de l’article 57 [...]

[...] »

7. L’article 57 (« Motifs d’exclusion ») de cette directive dispose :

« [...]

4.   Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas suivants :

[...]

c) le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité ;

[...]

g) des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un marché public antérieur, d’un marché antérieur passé avec une entité adjudicatrice ou d’une concession antérieure, lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché ou de la concession, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable ;

h) l’opérateur économique s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou la satisfaction des critères de sélection, a caché ces informations ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs requis en vertu de l’article 59 ; ou

i) l’opérateur économique a entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors de la procédure de passation de marché, ou a fourni par négligence des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution.

[...]

6.   Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 1 et 4 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure de passation de marché.

[...]

Les mesures prises par les opérateurs économiques sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute ainsi que de ses circonstances particulières. [...]

[...]

7.   Par disposition législative, réglementaire ou administrative et dans le respect du droit de l’Union, les États membres arrêtent les conditions d’application du présent article. [...] »

8. L’article 59 (« Document unique de marché européen ») de la directive 2014/24 prévoit :

« 1.   Lors de la présentation de demandes de participation ou d’offres, les pouvoirs adjudicateurs acceptent le document unique de marché européen (DUME) consistant en une déclaration sur l’honneur actualisée à titre de preuve a priori en lieu et place des certificats délivrés par des autorités publiques ou des tiers pour confirmer que l’opérateur économique concerné remplit l’une des conditions suivantes :

a) il ne se trouve pas dans l’une des situations, visées à l’article 57, qui doit ou peut entraîner l’exclusion d’un opérateur ;

[...]

4.   Un pouvoir adjudicateur peut demander à des soumissionnaires et des candidats, à tout moment de la procédure, de fournir tout ou partie des documents justificatifs, si cela est nécessaire pour assurer le bon déroulement de la procédure.

[...] »

2. Le règlement d’exécution (UE) 2016/7

9. Conformément à l’article 1er du règlement d’exécution (UE) 2016/7 ( 5 ) :

« À compter de l’entrée en vigueur des mesures nationales transposant la directive [2014/24], et au plus tard à partir du 18 avril 2016, le formulaire type figurant à l’annexe 2 du présent règlement est utilisé aux fins de l’établissement du [DUME] visé à l’article 59 de la directive [2014/24]. Les instructions pour son utilisation figurent à l’annexe 1 du présent règlement. »

B.   Le droit belge

10. L’article 61, paragraphe 2, point 4, du koninklijk besluit plaatsing overheidsopdrachten klassieke sectoren ( 6 ) dispose :

« Conformément à l’article 20 de la loi, est exclu de l’accès au marché, à quelque stade que ce soit de la procédure, le candidat ou le soumissionnaire [...] qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave [...] »

11. L’article 70 de la wet inzake overheidsopdrachten ( 7 ) énonce :

« Tout candidat ou soumissionnaire qui se trouve dans l’une des situations visées aux articles 67 ou 69 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes par le pouvoir adjudicateur, le candidat ou le soumissionnaire concerné n’est pas exclu de la procédure de passation.

À cette fin, le candidat ou le soumissionnaire prouve d’initiative qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

[...] »

II. Les faits et les questions préjudicielles

12. Au mois de mai 2016, l’administration flamande ( 8 ) a lancé un appel d’offres public en vue de l’attribution du marché de travaux X40/N60/54, relatif au réaménagement du carrefour Nieuwe Steenweg (N60) et des bretelles d’accès et de sortie de l’E17 à De Pinte ( 9 ).

13. L’avis faisait formellement référence à l’application des motifs d’exclusion visés à l’article 61, paragraphes 1 et 2, de l’arrêté royal du 15 juillet 2011, parmi lesquels figure le fait d’avoir commis une faute professionnelle grave par le passé ( 10 ).

14. Par décision du 13 octobre 2016, le pouvoir adjudicateur a décidé d’exclure l’un des soumissionnaires de la procédure (le groupement temporaire d’entreprises Norré Behaegel-RTS infra BVBA, ci-après « RTS-Norré »), au motif que ses membres avaient, par le passé, commis des fautes professionnelles graves ( 11 ).

15. Le marché a été attribué à un autre soumissionnaire, qui avait présenté l’offre la plus avantageuse économiquement.

16. Les entreprises qui constituaient RTS-Norré ont contesté la décision du 13 octobre 2016 devant le Raad van State (Conseil d’État, Belgique). Elles ont soutenu que, avant d’être exclues, elles auraient dû être admises à démontrer qu’elles avaient pris des mesures correctrices attestant de leur fiabilité, conformément à l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24. Elles estimaient que cette disposition était directement applicable.

17. Elles ont également fait valoir que l’administration défenderesse avait agi avec négligence et avait enfreint plusieurs principes : les principes d’audition de la partie concernée (audi et alteram partem), de transparence, de concurrence loyale et d’égalité (puisqu’elles avaient reçu un traitement distinct de celui de leurs « collègues européens »).

18. Le pouvoir adjudicateur a rejeté la possibilité d’attribuer un effet direct à l’article 57 de la directive 2014/24 ; il a, en particulier, contesté le caractère inconditionnel, clair et précis de l’article 57, paragraphe 6, de cette directive. Il a souligné, s’agissant des mesures correctrices, qu’il appartenait aux États membres de préciser les conditions d’application de cette disposition.

19. À titre subsidiaire, il a ajouté que la décision litigieuse ne méconnaissait pas le régime d’adoption, à l’initiative de l’opérateur économique, des mesures d’auto-réhabilitation prévu par la directive 2014/24 ( 12 ).

20. La juridiction de renvoi nourrit des doutes concernant l’interprétation de l’article 57, paragraphe 4, sous c) et g), en combinaison avec les paragraphes 6 et 7 du même article, de la directive 2014/24. Plus spécifiquement, elle souhaite savoir si ces dispositions :

– permettent d’exclure un soumissionnaire, sans lui donner la possibilité de fournir des preuves de fiabilité, lorsque, selon le pouvoir adjudicateur, ce soumissionnaire a commis une faute professionnelle grave et n’a pas indiqué de sa propre initiative les mesures correctrices qui ont été prises ;

– ont un effet direct, dans l’hypothèse où elles s’opposeraient à ce qu’il soit exigé du soumissionnaire qu’il produise les preuves de sa propre initiative.

21. C’est dans ce contexte que le Raad van State (Conseil d’État) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions combinées de l’article 57, paragraphe 4, sous c) et g), et de l’article 57, paragraphes 6 et 7, de la directive [2014/24] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une application qui oblige l’opérateur économique à apporter, de sa propre initiative, la preuve des mesures qu’il a prises pour démontrer sa fiabilité ?

2) Dans l’affirmative, ainsi interprétées, les dispositions combinées de l’article 57, paragraphe 4, sous c) et g), et de l’article 57, paragraphes 6 et 7, de la directive 2014/24 ont-elles un effet direct ? »

III. La procédure devant la Cour

22. La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 17 mai 2019.

23. RTS-Norré, les gouvernements belge, estonien, hongrois et autrichien ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites.

IV. Appréciation

A.   Précisions liminaires

24. La réponse aux deux questions préjudicielles nécessite avant tout de clarifier le point de savoir quelle directive s’applique en l’espèce.

25. Il ressort du dossier que la directive applicable n’est pas la directive 2014/24 (sur laquelle porte le renvoi), mais celle précédemment en vigueur (la directive 2004/18), à laquelle renvoyaient les avis relatifs au marché.

26. Cette procédure d’appel d’offres s’est déroulée en deux phases :

– l’« avis de préinformation » a été publié le 17 octobre 2015 ( 13 ) et la directive 2004/18 y était invoquée comme base juridique de la procédure ;

– l’« avis de marché » a été publié le 13 mai 2016 ( 14 ) et la directive y apparaissant comme étant applicable est également la directive 2004/18, cet avis attirant, en même temps, l’attention des parties sur les motifs d’exclusion énoncés dans l’arrêté royal du 15 juillet 2011, qui transposait la directive 2004/18.

27. Le délai de transposition de la directive 2014/24 a expiré, conformément à l’article 90 de celle-ci, le 18 avril 2016, date à laquelle la directive 2004/18 a été abrogée.

28. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, « la directive applicable dans le domaine des procédures de passation des marchés publics est, en principe, celle en vigueur au moment où le pouvoir adjudicateur [choisit le type de procédure qu’il entend suivre]. Sont, en revanche, inapplicables les dispositions d’une directive dont le délai de transposition a expiré après ce moment » ( 15 ).

29. Étant donné que l’avis de marché, en l’espèce, était « nécessairement postérieu[r] au moment où le pouvoir adjudicateur a choisi le type de procédure qu’il entendait suivre et a tranché définitivement la question de savoir s’il y avait ou non obligation de procéder à une mise en concurrence préalable pour l’adjudication du marché public concerné » ( 16 ), ce qui a été fait avant le 18 avril 2016, la directive applicable ratione temporis est la directive 2004/18.

30. Ainsi, il ressort aussi bien de la jurisprudence de la Cour que, spécifiquement, des avis de préinformation et de marché que la procédure de passation de marché public devait respecter, en l’espèce, les dispositions de la directive 2004/18. Le corollaire de ce qui précède est que les questions préjudicielles portent sur l’interprétation de dispositions du droit de l’Union (la directive 2014/24) qui sont dépourvues de pertinence aux fins de la résolution du litige ( 17 ).

31. Les considérations ci-dessous seront donc exposées à titre subsidiaire, uniquement dans le cas où le Raad van State (Conseil d’État) estimerait que, pour des raisons inhérentes à son droit national, il est, malgré tout, tenu d’appliquer la directive 2014/24.

B.   Sur la première question préjudicielle

1. Critères d’interprétation textuelle et contextuelle

a) Le libellé de l’article 57, paragraphes 6 et 7, de la directive 2014/24

32. La directive 2004/18 ne prévoyait pas la possibilité qu’un opérateur économique tombant sous le coup d’un motif d’exclusion démontre qu’il avait pris des mesures d’auto-réhabilitation. L’article 51 de cette directive permettait toutefois au pouvoir adjudicateur d’inviter les entreprises à produire des documents concernant leur situation personnelle ( 18 ).

33. À l’inverse, la directive 2014/24 consacre une disposition à ces mesures ( 19 ) (l’article 57, paragraphe 6), laquelle ne fournit, cependant, que quelques indications, concernant par exemple l’objet de ces mesures ( 20 ) ou la nécessité de motiver une évaluation négative ( 21 ). Pour le reste, il est renvoyé aux conditions d’application définies par les États membres.

34. En effet, aux termes dudit l’article 57, paragraphe 7, « [p]ar disposition législative, réglementaire ou administrative et dans le respect du droit de l’Union, les États membres arrêtent les conditions d’application du présent article [...] ».

35. La liberté des États membres en la matière est envisagée à deux niveaux :

– le niveau général, en vertu duquel les États membres jouissent d’un certain pouvoir d’appréciation dans la « détermination des conditions d’application des motifs d’exclusion facultatifs prévus à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 » ( 22 ) ;

– le niveau spécifique, relatif au moment auquel les preuves de la réhabilitation doivent être produites et à la forme sous laquelle il y a lieu d’y procéder. À propos de ces dernières, le considérant 102 de la directive 2014/24 énonce qu’« il convient de laisser aux États membres le pouvoir de déterminer les conditions procédurales et matérielles exactes qui seraient applicables dans ces cas [...] ».

36. Rien n’empêche donc un État membre d’exiger que ce soit l’intéressé qui prenne l’initiative sur ce terrain. Le considérant 102 de la directive 2014/24 fait justement référence à la demande formée par l’opérateur visant à ce que les mesures qu’il a prises soient examinées ( 23 ).

37. Comme je l’ai déjà indiqué à une autre occasion ( 24 ), l’article 57, paragraphe 6, de cette directive vise à ce que le pouvoir adjudicateur « apprécie les preuves fournies par quiconque déclare s’être réhabilité ». Le rôle du pouvoir adjudicateur « dans cette appréciation des preuves est [...] passif, alors que celui qui incombe à l’opérateur économique est actif».

38. En somme, le libellé de l’article 57, paragraphes 6 et 7, de la directive 2014/24 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre prévoie qu’un opérateur économique qui souhaite participer à une procédure de passation de marché public, bien qu’il se soit livré à un comportement relevant de motifs d’exclusion, soit tenu d’apporter de sa propre initiative, afin de démontrer sa fiabilité, la preuve des mesures d’auto-réhabilitation qu’il a prises.

b) Le contexte de l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24

39. L’interprétation systématique ou contextuelle de l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 aboutit au même résultat.

40. D’une part, conformément à l’article 56, paragraphe 3, de cette directive, les pouvoirs adjudicateurs peuvent demander aux opérateurs économiques de présenter, compléter, clarifier ou préciser les informations ou les documents concernés (que cela concerne l’offre ou le candidat) dans un délai approprié.

41. La disposition ainsi rédigée n’impose pas un devoir, c’est-à-dire une obligation positive de demander les informations auxquelles le paragraphe 1, sous b), de cet article se réfère. De fait, l’article lui-même permet que la règle nationale de transposition contienne une disposition différente.

42. D’autre part, l’article 59 de la directive 2014/24 prévoit que l’intéressé lui‑même certifie, au moyen du DUME, qu’il ne se trouve pas dans l’une des situations entraînant l’exclusion.

43. Le DUME consiste donc en une déclaration officielle de l’opérateur économique dans laquelle celui-ci doit indiquer que le motif d’exclusion concerné ne lui est pas applicable ou, dans le cas contraire, qu’il a corrigé son comportement afin de recouvrer la crédibilité perdue.

44. Le DUME, dont le régime est organisé par le règlement d’exécution 2016/7 :

– place l’opérateur économique qui le signe en situation d’indiquer lui-même s’il s’est livré à un comportement relevant de motifs d’exclusion, qu’il s’agisse des motifs obligatoires ou d’autres prévus par la législation nationale ou précisés dans l’avis ou les documents de marché ;

– oblige cet opérateur, dans l’affirmative, à exposer les mesures d’auto‑réhabilitation qu’il a prises, en remplissant les sections du « formulaire uniforme » prévues à cet effet ( 25 ).

45. L’utilisation du DUME ne dispense pas le soumissionnaire de la production de preuves ultérieures, cela constituant l’un des engagements qu’il doit prendre. L’article 59, paragraphe 1, de la directive 2014/24 indique que le DUME « contient une déclaration officielle indiquant que l’opérateur économique sera en mesure, sur demande et sans tarder, de fournir lesdits documents justificatifs ».

46. L’article 59, paragraphe 4, de la directive 2014/24 autorise en ce sens le pouvoir adjudicateur à demander aux soumissionnaires, à tout moment de la procédure, de joindre tout ou partie des documents justificatifs (qui étaient mentionnés dans le DUME ou auxquels celui-ci faisait référence) si cela est nécessaire pour assurer le bon déroulement de celle-ci.

47. En vertu de cette même disposition, cette faculté se transforme en obligation s’agissant du soumissionnaire auquel il a été décidé que le marché serait attribué : le pouvoir adjudicateur doit alors lui demander de communiquer les documents justificatifs mis à jour (conformément à l’article 60 et, le cas échéant, à l’article 62 de ladite directive).

48. Je déduis de l’ensemble de ce qui précède qu’il ressort d’une analyse systématique et contextuelle des dispositions de la directive 2014/24 et du règlement d’exécution 2016/7 que ces normes énoncent une nette préférence concernant le moment auquel l’opérateur économique doit faire valoir qu’il a pris les mesures de réhabilitation et la forme sous laquelle il doit y procéder : il doit le faire en utilisant le DUME ou d’une autre manière, mais toujours au moment du dépôt de son offre.

49. En cohérence avec cette règle, si un législateur ou un pouvoir adjudicateur national requiert de l’opérateur économique que, d’emblée, celui-ci indique avoir pris des mesures d’auto-réhabilitation (et, le cas échéant, produise ( 26 ) les documents justificatifs), une telle exigence est conforme à la directive 2014/24.

c) L’article 69 de la directive 2014/24, en particulier

50. RTS-Norré propose d’interpréter l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 par analogie avec le régime des offres anormalement basses (article 69 de cette directive). La juridiction de renvoi mentionne également ce critère d’interprétation dans son ordonnance ( 27 ).

51. Je ne souscris pas à cette approche, car l’article 69 de la directive 2014/24 vise des offres qui, dans d’autres dispositions de ladite directive, sont qualifiées d’« irrégulières » ( 28 ), mais qui peuvent être recevables. Le sujet ici n’est pas la fiabilité de l’opérateur économique, mais la viabilité matérielle de son offre.

52. Il n’y a pas lieu d’avoir recours à l’analogie lorsque la règle applicable contient en soi, comme c’est ici le cas selon moi, suffisamment d’éléments pour l’interpréter sans qu’il soit nécessaire de recourir à une autre règle (prétendument) analogue. C’est encore moins le cas lorsque cette seconde règle poursuit une finalité différente : l’article 69 de la directive 2014/24 vise à protéger les candidats de décisions arbitraires du pouvoir adjudicateur, dans un contexte très différent de celui de
l’article 57, paragraphe 6, de cette directive.

2. Objectif de l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24

53. La règle qui permet aux opérateurs économiques de faire valoir et de démontrer leur crédibilité, malgré l’existence de motifs d’exclusion, favorise à première vue, et avant tout, ces opérateurs. Il est donc logique que la charge d’invoquer et de prouver les mesures d’auto-réhabilitation incombe à celui qui a intérêt à participer à la procédure de passation de marché.

54. Cette règle revêt, en outre, un autre aspect, qui concerne le pouvoir adjudicateur. Celui-ci doit, conformément à l’article 56, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/24, attribuer le marché après avoir vérifié que l’offre provenait d’un soumissionnaire approprié (c’est-à-dire non exclu en vertu de l’article 57 de cette directive).

55. Il appartient au pouvoir adjudicateur de vérifier s’il existe des motifs d’exclusion ( 29 ) et, dans l’affirmative, si l’opérateur économique non fiable a fait valoir qu’il était, malgré tout, digne de confiance grâce aux mesures qu’il a prises ( 30 ).

56. Pour ce faire, le pouvoir adjudicateur doit s’appuyer, en premier lieu, sur les informations que les soumissionnaires lui fournissent. L’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24 évoque l’hypothèse selon laquelle l’opérateur a caché les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs requis en vertu de l’article 59 de cette directive. Ces deux circonstances suffisent pour refuser la
participation de l’opérateur à la procédure d’attribution ( 31 ).

57. Il pourrait être excessif d’exiger des participants à une procédure de passation de marché qu’ils fournissent dans leur offre, de leur propre initiative, avec les certificats correspondants, la preuve documentaire de l’ensemble des points énumérés à l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2014/24. De plus, cela ne serait pas nécessaire pour garantir le bon déroulement de la procédure et serait incohérent avec l’introduction du DUME dans la législation de l’Union en matière de marchés
publics.

58. En revanche, il ne me semble pas excessif d’exiger que l’offre du soumissionnaire soit accompagnée de la mention et de la description des mesures d’auto-réhabilitation, si celui-ci entend en tirer avantage. Une telle exigence revêt pour le soumissionnaire le caractère d’une charge, au sens procédural ( 32 ).

59. Le pouvoir adjudicateur a besoin, je le répète, de connaître ces mesures afin de les évaluer et de former sa conviction quant à la crédibilité d’un adjudicataire qui, en principe, n’est pas fiable. Cependant, cela ne signifie pas que, en l’absence d’indications du soumissionnaire, le pouvoir adjudicateur doive rechercher d’office si le soumissionnaire a pris ou non de telles mesures.

60. Dans l’arrêt Vossloh, la Cour a jugé que l’opérateur économique :

– « doit fournir au pouvoir adjudicateur les éléments de preuve permettant d’attester d[u] caractère suffisant [des mesures d’auto-réhabilitation] en vue de son admission à la procédure de passation de marché » et,

– s’il « souhait[e] démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent[,] doit coopérer de manière effective avec les autorités auxquelles ont été confiées ces fonctions respectives, que ce soit le pouvoir adjudicateur ou l’autorité chargée d’une enquête » ( 33 ).

61. Néanmoins, la Cour nuance, dans ce même arrêt, le devoir de coopération : celui-ci se limite « aux mesures qui sont strictement nécessaires à la poursuite effective du but visé par l’examen de la fiabilité de l’opérateur économique, mentionné à l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 » ( 34 ).

62. J’examinerai ci-après cette exigence de proportionnalité, après m’être penché sur les exigences découlant des principes de transparence et d’égalité.

3. Limites à la règle de la production, à l’initiative de l’opérateur économique

63. Les dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées par les États membres dans le cadre de l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24 doivent, en vertu de cette disposition, respecter le droit de l’Union. Cela implique de se conformer aux principes du droit de l’Union régissant la passation de marchés publics. La référence à la proportionnalité apparaît en outre expressément au paragraphe 6 de cet article, en ce qui concerne l’évaluation des mesures
d’auto-réhabilitation.

a) Transparence et égalité

64. Le principe de transparence, qui se traduit par l’obligation d’exposer clairement les conditions d’aptitude des soumissionnaires, est lié à celui de l’égalité de traitement entre ceux-ci, au point que, pour la Cour, l’un constitue le corollaire de l’autre ( 35 ).

65. Tous les soumissionnaires doivent donc se trouver en situation de connaître les conditions de l’appel d’offres sur un pied d’égalité. C’est pourquoi il est nécessaire que les motifs d’exclusion apparaissent clairement, en particulier les motifs facultatifs, étant donné que leur régime et leur application uniformes ne sont pas détaillés par le droit de l’Union, mais par les règles de chaque État membre ( 36 ).

66. Lorsqu’un motif d’exclusion est mentionné dans l’avis de marché, les principes de transparence et d’égalité ne s’opposent pas à ce qu’une règle nationale exige de l’opérateur économique que, pour contrecarrer ce motif, il fournisse avec son offre (c’est-à-dire de sa propre initiative) la preuve des mesures d’auto-réhabilitation.

67. Ainsi, tous les candidats pourront constater, dans les mêmes conditions, si, du fait qu’ils se sont livrés à un comportement relevant du motif d’exclusion énoncé, ils doivent d’emblée faire valoir leur crédibilité retrouvée auprès du pouvoir adjudicateur devant sélectionner l’un d’entre eux.

68. Selon la Cour, il n’y a pas lieu d’imposer aux soumissionnaires de communiquer de leur propre initiative des circonstances qui caractérisent leur situation lorsqu’une telle obligation « ne figure ni dans le droit national applicable ni dans l’appel d’offres ou dans le cahier des charges ». Dans un tel cas, l’obligation ne constituerait pas une condition clairement définie et les principes de transparence et d’égalité de traitement seraient méconnus ( 37 ).

69. A contrario, le devoir de communiquer lesdites circonstances est légitime s’il est énoncé « dans le droit national applicable[,] dans l’appel d’offres ou dans le cahier des charges ».

70. Cette jurisprudence ne s’oppose donc pas à un modèle de relation entre le pouvoir adjudicateur et l’opérateur économique qui fait peser sur ce dernier, de manière générale, la charge de faire valoir et, le cas échéant, d’apporter la preuve des mesures de réhabilitation qu’il a prises, s’il entend en tirer avantage pour surmonter le motif d’exclusion énoncé dans l’avis de marché.

71. Un opérateur économique raisonnablement informé et normalement diligent ( 38 ) pourrait, en théorie, ne pas avoir connaissance de conditions de fond concernant l’offre qui n’ont pas été publiées. En revanche, une fois cet opérateur averti des motifs d’exclusion précis dans l’avis de marché, les principes de transparence et de publicité ne s’opposent pas à ce que celui-ci doive faire valoir (et, le cas échéant, prouver) que, bien qu’il tombe sous le coup de l’un de ces motifs, il a remédié à son
défaut de crédibilité.

72. Ce même opérateur ne pourra ignorer que, même si l’avis de marché ne fait pas explicitement référence aux mesures correctrices, il peut s’en prévaloir, conformément à la directive 2014/24.

73. Il en va d’autant plus ainsi depuis l’existence du DUME qui, comme je l’ai dit, comporte des sections spécifiques pour déclarer (et décrire) les mesures de réhabilitation. Je rappellerai que l’utilisation du DUME est pratiquement obligatoire dans la quasi-totalité des procédures couvertes par la directive 2014/24 ( 39 ).

b) Proportionnalité

74. Conformément au considérant 1 de la directive 2014/24, le principe de proportionnalité s’applique aux procédures de passation des marchés publics. Cela est spécifiquement réaffirmé au considérant 101 de cette directive, lorsque celui-ci évoque les motifs facultatifs d’exclusion.

75. L’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 comporte une référence expresse à la proportionnalité en ce qui concerne l’évaluation des mesures de réhabilitation que les opérateurs économiques prétendent avoir prises.

76. Il est donc logique que la Cour ait indiqué que « les règles destinées à arrêter les conditions d’application de l’article 57 de ladite directive [...] ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés par cette même directive » ( 40 ).

77. Le principe de proportionnalité entre donc significativement en jeu lorsque le pouvoir adjudicateur est appelé à apprécier le caractère suffisant des mesures d’auto-réhabilitation et les motifs d’exclusion eux-mêmes, en évitant, concernant ces derniers, que des irrégularités mineures et non répétées aient un effet d’exclusion, sauf dans des circonstances exceptionnelles ( 41 ).

78. Y a-t-il lieu de demander au pouvoir adjudicateur d’appliquer ce même principe en ce qui concerne l’exigence que le soumissionnaire fasse valoir, dans son offre, que, bien qu’il se soit livré à un comportement relevant d’un motif facultatif d’exclusion, il a ultérieurement rectifié son comportement et donc recouvré sa fiabilité ?

79. Dans des circonstances normales, le pouvoir adjudicateur devra se limiter à vérifier si le soumissionnaire a satisfait à cette exigence. On ne pourra qualifier de disproportionnée une décision rejetant la candidature d’un opérateur économique qui, en violation de son obligation, a passé sous silence, dans son offre, le fait qu’il était concerné par un motif d’exclusion. Il en sera ainsi, par exemple, si l’opérateur ne mentionne pas avoir commis une faute professionnelle grave par le passé.

80. Dans un tel cas, ce n’est pas tant l’absence d’indication qui sera déterminante aux fins de l’exclusion, mais l’existence même du motif d’exclusion (par exemple, la faute professionnelle grave), dont la correction, au moyen d’une mesure d’auto-réhabilitation appropriée, n’a pas été mise en évidence par l’opérateur économique.

81. Il y aura, au contraire, des situations dans lesquelles une plus grande souplesse pourra être admise, en application des critères établis par la Cour dans l’arrêt Pizzo, pour les soumissionnaires établis dans d’autres États membres, « dans la mesure où leur niveau de connaissance du droit national et de son interprétation ainsi que de la pratique des autorités nationales ne peut être comparé à celui des soumissionnaires nationaux » ( 42 ).

82. Dans ces circonstances, « les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas au fait de permettre à l’opérateur économique de régulariser sa situation et de satisfaire à ladite obligation dans un délai fixé par le pouvoir adjudicateur » ( 43 ).

83. Dans l’arrêt du 14 décembre 2016, Conexxion Taxi Services, la Cour a repris cette idée, fondée sur la moindre familiarité de l’opérateur économique établi dans un autre État membre, en tant qu’étranger, avec les termes et les modalités d’application de la réglementation nationale pertinente ( 44 ).

84. J’estime que ce critère devrait également être applicable lorsque le motif d’exclusion qui pèse sur l’opérateur économique ne ressort pas clairement des documents relatifs à la procédure. Il est cohérent avec les principes d’égalité et de proportionnalité que, dans un tel cas, l’opérateur économique se voie offrir la possibilité de remédier à son absence initiale de référence à ce motif (et aux mesures d’auto-réhabilitation subséquentes).

c) Droits de la défense

85. Dans la décision de renvoi, le Raad van State (Conseil d’État) laisse entendre que le fait que les soumissionnaires doivent énumérer, de leur propre initiative, leurs fautes graves et les mesures de réhabilitation consécutives pourrait être considéré comme de l’« autoaccusation » ( 45 ).

86. Rien n’oblige un opérateur économique à participer à une procédure de passation de marché public. Cela dit, s’il le fait, il doit se conformer aux règles de celle-ci. Dans le cadre de la directive 2014/24, la relation entre les soumissionnaires et le pouvoir adjudicateur doit être guidée par la bonne foi, de sorte que ceux-ci, précisément en raison de la fiabilité qui leur est demandée, ne sauraient occulter les informations relatives aux motifs d’exclusion dont relèvent des comportements
auxquels ils se sont livrés.

87. Le soumissionnaire doit, en effet, fournir les informations requises pour vérifier l’existence ou l’absence de motifs d’exclusion, sans qu’il lui soit permis de les cacher (pour reprendre le terme employé à l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24) ni de les falsifier.

88. Exiger de quiconque participe volontairement à une procédure de passation de marché public qu’il fournisse, sous peine d’exclusion, des informations sur ses fautes graves préexistantes (et, le cas échéant, sur les mesures d’auto-réhabilitation ultérieures) ne revient pas à ignorer le droit de ne pas se déclarer coupable ou de ne pas s’auto-incriminer, qui s’applique dans d’autres domaines du droit.

89. Qui plus est, la Cour a déjà jugé que le pouvoir adjudicateur était autorisé à demander au soumissionnaire la preuve documentaire d’une mesure de réhabilitation, même si cela entraîne pour ce dernier d’éventuelles conséquences défavorables ( 46 ).

90. Le fait que, eu égard à l’étendue de la notion de « faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité », l’opérateur économique ne soit pas en mesure de déterminer, avec certitude, si l’un de ses comportements passés peut relever de cette qualification est un autre sujet. Sur ce point, c’est à juste titre que la juridiction de renvoi souligne que, compte tenu de la marge discrétionnaire du pouvoir adjudicateur pour apprécier cette notion (considérant 101 de la directive 2014/24), il
ne sera pas toujours aisé de déterminer si ce motif d’exclusion est présent.

91. Dans une telle hypothèse, lorsque la qualification du comportement en tant que faute grave n’est pas prévisible pour le soumissionnaire concerné, il n’y aura pas lieu d’exiger de celui-ci qu’il mentionne ce comportement dans son offre ou dans le DUME. Il incombera alors au pouvoir adjudicateur, auquel il appartient in fine de « démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave », d’offrir au soumissionnaire la possibilité de faire valoir ce
qu’il estime utile concernant cette faute.

92. J’ai indiqué que, conformément au principe de transparence, les motifs d’exclusion doivent être énoncés de manière que l’opérateur économique puisse identifier la situation qui est la sienne au regard de ces motifs et, le cas échéant, faire valoir qu’il y a remédié.

93. En ce sens, je rappelle que l’exclusion autorisée à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 peut être fondée tant sur des défaillances dans l’exécution de marchés antérieurs [point g)] que sur la commission de fautes professionnelles graves [point c)]. Selon l’appréciation du pouvoir adjudicateur, ces deux motifs seraient présents en l’espèce, d’un point de vue matériel, et ils sont tous deux spécifiquement évoqués dans la première question préjudicielle ( 47 ).

94. En effet, l’avis de marché à l’origine du litige, fondé sur la directive 2004/18, mentionnait comme motif d’exclusion la commission de fautes graves, motif également évoqué par l’arrêté royal du 15 juillet 2011. C’est l’interprétation qui a été faite par le pouvoir adjudicateur, qui a invoqué ce motif pour écarter les entreprises requérantes de la procédure de passation de marché.

95. En définitive, j’estime que l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 ne s’oppose pas à ce que, lorsque le motif d’exclusion apparaît clairement dans l’avis de marché, l’opérateur économique doive faire valoir (et, le cas échéant, prouver), de sa propre initiative, les mesures d’auto-réhabilitation qu’il a prises.

C.   Sur la seconde question préjudicielle

96. Dans l’hypothèse où il serait répondu à la première question par l’affirmative, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 pourrait être invoqué directement par l’opérateur économique à l’encontre du pouvoir adjudicateur ( 48 ).

97. Si la réponse que je propose d’apporter à la première question est retenue, il ne sera pas nécessaire de répondre à la seconde. Les considérations suivantes présentent donc un caractère doublement subsidiaire (j’ai déjà expliqué précédemment les raisons pour lesquelles la directive 2014/24 n’était pas applicable en l’espèce) ( 49 ).

98. Selon moi, s’il était applicable, l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 pourrait se voir reconnaître un effet direct, aux fins de la demande sur laquelle le Raad van State (Conseil d’État) est appelé à statuer ( 50 ).

99. Cet article confère aux soumissionnaires un droit (celui d’invoquer les mesures d’auto-réhabilitation auprès du pouvoir adjudicateur) qu’ils peuvent faire valoir devant les juridictions nationales et que celles-ci doivent protéger.

100. Les divergences entre les parties qui sont intervenues dans le cadre du renvoi préjudiciel portent sur le caractère inconditionnel et suffisamment précis de cette disposition, deux éléments requis par la jurisprudence ( 51 ).

101. Concernant l’inconditionnalité, le droit énoncé à l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 ne dépend pas des États membres ni n’est subordonné, quant à son contenu essentiel, à ce que ceux-ci établissent.

102. En ce qui concerne la précision, cette disposition fournit elle-même des indications sur les éléments minimaux devant être prouvés et, par conséquent, évalués ( 52 ). Elle indique également les critères (gravité et circonstances particulières) sur la base desquels l’évaluation est effectuée ( 53 ) ainsi que les conséquences d’une évaluation positive et d’une évaluation négative ( 54 ). Elle mentionne aussi les cas dans lesquels le droit à présenter des mesures de réhabilitation ne s’applique
pas ( 55 ). En définitive, cette disposition fixe les éléments fondamentaux du régime et du contenu de ce droit.

103. Il est vrai que d’autres éléments de fond ou de procédure relèvent de la compétence des États membres, conformément à la règle générale énoncée à l’article 57 de la directive 2014/24. C’est ainsi le cas, par exemple, de la durée maximale de la période d’exclusion ou du moment auquel la réhabilitation doit être démontrée ainsi que de la forme sous laquelle il convient d’y procéder.

104. Le point de savoir comment et quand le soumissionnaire doit faire valoir et, le cas échéant, prouver les mesures de réhabilitation est laissé à l’appréciation des États. Le choix entre l’appréciation d’office ou à l’initiative de la partie ne constitue pas non plus une condition essentielle du droit que l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 confère aux soumissionnaires.

105. L’absence de disposition nationale (législative, réglementaire ou administrative) concernant les modalités formelles et temporelles ne saurait, cependant, porter préjudice aux soumissionnaires au point de faire disparaître leur droit de faire valoir, devant une juridiction nationale, les avantages qu’ils tirent des mesures d’auto-réhabilitation.

V. Conclusion

106. Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre au Raad van State (Conseil d’État, Belgique) de la manière suivante :

La directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, n’est pas applicable, ratione temporis, aux faits du litige au principal, tels qu’ils résultent de la demande de décision préjudicielle.

À titre subsidiaire :

– L’article 57, paragraphe 4, sous c) et g), lu en combinaison avec les paragraphes 6 et 7, de la directive 2014/24 ne s’oppose pas à ce qu’un opérateur économique doive faire valoir et, le cas échéant, prouver, de sa propre initiative, que les mesures d’auto-réhabilitation qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité, malgré l’existence d’un motif d’exclusion dont relève un comportement auquel il s’est livré.

– Les opérateurs économiques qui se trouvent dans l’une des situations visées à l’article 57, paragraphes 1 et 4, de la directive 2014/24 peuvent invoquer directement devant les juridictions nationales le droit qu’ils tirent du paragraphe 6 de cet article.

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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65).

( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114).

( 4 ) Arrêts du 24 octobre 2018, Vossloh Laeis (C‑124/17, ci‑après l’« arrêt Vossloh », EU:C:2018:855), et du 19 juin 2019, Meca (C‑41/18, EU:C:2019:507).

( 5 ) Règlement d’exécution de la Commission du 5 janvier 2016 établissant le formulaire type pour le document unique de marché européen (JO 2016, L 3, p. 16).

( 6 ) Arrêté royal du 15 juillet 2011 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques (Moniteur belge, 9 août 2011, p. 44862, ci‑après l’« arrêté royal du 15 juillet 2011 »).

( 7 ) Loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics (Moniteur belge, 14 juillet 2016, p. 44219, ci‑après la « loi du 17 juin 2016 »), qui est entrée en vigueur le 30 juin 2017.

( 8 ) Plus précisément, l’afdeling Wegen en Verkeer Oost-Vlaanderen (section des routes et de la circulation de Flandre orientale) de l’Agentschap Wegen en Verkeer van het Vlaamse gewest (Agence flamande des routes et de la circulation, Belgique).

( 9 ) L’avis a été publié le 11 mai 2016 au Bulletin der Aanbestedingen (Bulletin des adjudications) et le 13 mai 2016 dans le supplément au Journal officiel de l’Union européenne consacré aux marchés publics de l’Union européenne.

( 10 ) Cela est confirmé par la décision de renvoi (point 3.3).

( 11 ) Ces manquements suscitaient des doutes quant à la capacité de RTS‑Norré à assurer l’exécution correcte du marché.

( 12 ) Le pouvoir adjudicateur estime qu’il pourrait trouver un appui dans la loi du 17 juin 2016, qui prévoit l’obligation pour l’opérateur économique de produire, de sa propre initiative, la preuve des mesures prises (même si cette loi n’était pas en vigueur au moment du lancement de l’appel d’offres).

( 13 ) JO 2015/S 202‑365107.

( 14 ) JO 2016/S 092‑164635.

( 15 ) Arrêt du 28 février 2018, MA.T.I. SUD et Duemme SGR (C‑523/16 et C‑536/16, EU:C:2018:122, point 36). Voir, dans le même sens, arrêts du 5 octobre 2000, Commission/France (C‑337/98, EU:C:2000:543, points 36, 37, 41 et 42) ; du 11 juillet 2013, Commission/Pays‑Bas (C‑576/10, EU:C:2013:510, points 52 à 54) ; du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, points 31 à 33) ; du 7 avril 2016, Partner Apelski Dariusz (C‑324/14, EU:C:2016:214, point 83), et du 27 octobre 2016,
Hörmann Reisen (C‑292/15, EU:C:2016:817, points 31 et 32).

( 16 ) Arrêt du 28 février 2018, MA.T.I. SUD et Duemme SGR (C‑523/16 et C‑536/16, EU:C:2018:122, point 36).

( 17 ) Le gouvernement belge et la Commission ont défendu cette thèse en réponse aux questions qui leur ont été adressées par la Cour. Le premier a toutefois ajouté qu’il appartenait à la juridiction de renvoi d’apprécier si le pouvoir adjudicateur avait déjà tranché définitivement, dans l’avis de préinformation, la question de savoir s’il allait procéder à une mise en concurrence.

( 18 ) Un auteur avait suggéré que ce type de mesures puisse être couvert, dans le cadre de l’article 45 de la directive 2004/18, par l’exception d’intérêt général. Voir Risvig Hamer, C., « Article 57 », dans Steinicke, M. et Vesterdorf, P.L., EU Public Procurement Law, C.H. Beck, Nomos, Hart, 2018, p. 643. Le fait que de telles mesures n’étaient pas prévues ne signifiait pas qu’elles étaient interdites ou qu’elles n’étaient pas susceptibles de déployer leurs effets s’agissant de la fiabilité de
l’opérateur économique, au titre de principes tels que celui de proportionnalité.

( 19 ) Celles-ci peuvent être qualifiées, indifféremment, de mesures d’autocorrection, de mesures d’auto-réhabilitation, de mesures correctrices ou de mesures de rectification.

( 20 ) Paragraphe 6, deuxième alinéa.

( 21 ) Paragraphe 6, troisième alinéa.

( 22 ) Arrêt du 30 janvier 2020, Tim (C‑395/18, ci‑après l’« arrêt Tim », EU:C:2020:58, point 34).

( 23 ) Les opérateurs économiques « devraient avoir la possibilité de demander que soient examinées les mesures de mise en conformité prises en vue d’une éventuelle admission à la procédure de passation de marché » (mise en italique par mes soins).

( 24 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Vossloh Laeis (C‑124/17, EU:C:2018:316, points 48 et 49).

( 25 ) L’annexe 2 (Formulaire type pour le DUME) du règlement d’exécution 2016/7 énumère les différents motifs d’exclusion pour lesquels l’opérateur économique doit fournir une réponse. Lorsque celui‑ci est affecté par l’un d’entre eux, il doit indiquer dans les champs correspondants s’il « [a] pris des mesures pour démontrer qu’il [était] fiable en dépit de l’existence de [ce] motif d’exclusion [...] (“auto-réhabilitation”) » ou s’il « [a] pris des mesures d’auto-réhabilitation » ; il est ajouté,
« [s]i la réponse est oui, veuillez décrire les mesures prises ».

( 26 ) Quiconque utilise le DUME satisfait à cette obligation (sous réserve de vérifications ultérieures) s’il y indique les mesures prises, en remplissant les espaces du formulaire prévus à cet effet.

( 27 ) Décision de renvoi (points 20 et 21).

( 28 ) Article 26, paragraphe 4, in fine, et article 35, paragraphe 5, deuxième alinéa, de cette directive.

( 29 ) Il est indifférent, pour ce qui nous importe ici, que le pouvoir adjudicateur procède à une telle vérification lui‑même ou par l’intermédiaire d’autres pouvoirs, au niveau central ou décentralisé (considérant 102 de la directive 2014/24).

( 30 ) Il appartient également aux pouvoirs adjudicateurs d’apprécier les risques auxquels ils pourraient s’exposer s’ils attribuaient un marché à un opérateur dont la fiabilité est douteuse [arrêt Vossloh (points 24 et 26)]. Dans le même ordre d’idées, le considérant 101 de la directive 2014/24 leur rappelle qu’ils seront responsables des conséquences de leurs éventuelles décisions erronées.

( 31 ) Conformément au point i) de ce même paragraphe, constitue également un motif facultatif d’exclusion de l’opérateur économique le fait de « fourni[r] par négligence des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution ».

( 32 ) La notion de « charge » au sens procédural implique que, en vertu du principe de forclusion, celui qui ne se conforme pas aux exigences de la règle (en l’occurrence, faire valoir l’existence des mesures) perd l’opportunité de le faire ultérieurement.

( 33 ) Arrêt Vossloh (point 27).

( 34 ) Arrêt Vossloh (point 28).

( 35 ) Arrêt du 2 juin 2016, Pizzo (C‑27/15, ci‑après l’« arrêt Pizzo », EU:C:2016:404, point 36).

( 36 ) Ces mêmes principes interdisent au pouvoir adjudicateur de rejeter une offre satisfaisant aux exigences de l’avis d’appel d’offres, en se fondant sur des motifs non prévus dans cet avis ou dans le droit national applicable [arrêt du 16 avril 2015, Enterprise Focused Solutions (C‑278/14, EU:C:2015:228, points 26 et 28)].

( 37 ) Arrêt du 17 mai 2018, Specializuotas transportas (C‑531/16, EU:C:2018:324, points 24 et 26, ainsi que dispositif).

( 38 ) Tel est le type d’opérateur que la Cour décrit dans l’arrêt Pizzo (point 36).

( 39 ) Le recours au DUME entraînerait une charge administrative inutile lorsque seul un participant prédéterminé est possible, en cas d’urgence ou du fait de caractéristiques particulières de la transaction : voir annexe 1 du règlement d’exécution 2016/7.

( 40 ) Arrêt Tim, point 45.

( 41 ) « Lorsqu’ils appliquent des motifs facultatifs d’exclusion, les pouvoirs adjudicateurs devraient accorder une attention particulière au principe de proportionnalité. Des irrégularités mineures ne devraient entraîner l’exclusion d’un opérateur économique que dans des circonstances exceptionnelles » (considérant 101 de la directive 2014/24).

( 42 ) Arrêt Pizzo (point 46).

( 43 ) Arrêt Pizzo (point 51, et point 2 du dispositif). Sur l’obligation d’indiquer certains éléments dans l’offre, qui ne résulte pas de la documentation elle-même, mais de l’interprétation jurisprudentielle, voir ordonnances du 10 novembre 2016, Spinosa Costruzioni Generali et Melfi (C‑162/16, non publiée, EU:C:2016:870), Edra Costruzioni et Edilfac (C‑140/16, non publiée, EU:C:2016:868), et MB (C‑697/15, non publiée, EU:C:2016:867).

( 44 ) Arrêt du 14 décembre 2016, Conexxion Taxi Services (C‑171/15, EU:C:2016:948, point 42).

( 45 ) Décision de renvoi (point 18).

( 46 ) Notamment, lorsque « la transmission d’un tel document pourrait faciliter la mise en œuvre d’une action en responsabilité civile [...] contre ledit opérateur économique », pour des dommages découlant, précisément, du comportement qui constitue un motif d’exclusion [arrêt Vossloh (point 30)].

( 47 ) La décision de renvoi retranscrit minutieusement (point 3.6) les nombreuses défaillances dans l’exécution de travaux analogues qui étaient imputées tant à RTS infra que, et surtout, à Norré‑Behaegel, adjudicataires des marchés antérieurs concernés. Le pouvoir adjudicateur a qualifié ces faits de « manquements graves et répétés ».

( 48 ) Bien que la seconde question préjudicielle comporte des références à d’autres paragraphes et points, elle se limite à l’éventuel effet direct de l’article 57, paragraphe 6, de cette directive (en ce sens, point 22 de la décision de renvoi).

( 49 ) Points 24 à 31 des présentes conclusions.

( 50 ) Le point de savoir si les conditions pour qu’une disposition produise un effet direct sont réunies ou non ne saurait pas être traité hors du contexte précis dans lequel la question se pose. Tirer d’une directive un mandat positif exige une approche textuelle plus rigoureuse que si la directive est invoquée à des fins de défense, en vue de l’annulation d’une décision individuelle ou pour contrôler la conformité d’une règle nationale. Dans le premier cas, le juge national a besoin d’une
orientation plus prononcée que dans les autres. Voir Prechal, S., Directives in EC Law, Oxford EC Law Library, 2e édition, 2005, p. 250 à 254 ainsi que jurisprudence citée.

( 51 ) Cette jurisprudence débute avec l’arrêt du 5 avril 1979, Ratti (148/78, EU:C:1979:110), et est très clairement confirmée dans l’arrêt du 19 janvier 1982, Becker (8/81, EU:C:1982:7).

( 52 ) Article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa.

( 53 ) Article 57, paragraphe 6, troisième alinéa.

( 54 ) Article 57, paragraphe 6, premier et troisième alinéas.

( 55 ) Article 57, paragraphe 6, quatrième alinéa, et paragraphe 7.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-387/19
Date de la décision : 17/09/2020
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Directive 2014/24/UE – Article 57, paragraphe 6 – Motifs d’exclusion facultatifs – Mesures prises par l’opérateur économique afin de démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion facultatif – Obligation de l’opérateur économique d’apporter la preuve de ces mesures de sa propre initiative – Effet direct.

Droit d'établissement

Libre prestation des services

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : RTS infra BVBA et Aannemingsbedrijf Norré-Behaegel
Défendeurs : Vlaams Gewest.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:728

Source

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