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28/05/2020 | CJUE | N°T-213/19

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, AW contre Parlement européen., 28/05/2020, T-213/19


 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

28 mai 2020 ( *1 )

« Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Article 73 du statut – Réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle – Article 16 – Déclaration de maladie professionnelle – Article 22 – Commission médicale – Refus de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie – Irrégularité de l’avis de la commission médicale »

Dans l’affaire T‑213/19,

AW, représenté par M

es L. Levi et S. Rodrigues, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. T. Lazian et I. Lázaro...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

28 mai 2020 ( *1 )

« Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Article 73 du statut – Réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle – Article 16 – Déclaration de maladie professionnelle – Article 22 – Commission médicale – Refus de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie – Irrégularité de l’avis de la commission médicale »

Dans l’affaire T‑213/19,

AW, représenté par Mes L. Levi et S. Rodrigues, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. T. Lazian et I. Lázaro Betancor, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation des décisions du Parlement du 7 août 2018 rejetant les demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie introduites par le requérant les 15 et 28 juillet 2016,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine et M. L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 février 2020,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

[omissis]

En droit

[omissis]

Sur le bien-fondé du recours

[omissis]

31 Le requérant soutient que de nombreux documents versés dans le cadre des procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause n’ont pas été portés à la connaissance de la commission médicale lors de sa réunion du 10 avril 2018. Il ajoute que, le 12 avril 2018, le docteur B a adressé ces mêmes documents au docteur C, mais que celui-ci a refusé de les transmettre à la commission médicale, se conformant aux « instructions » qu’il aurait reçues du Parlement de ne pas tenir
compte des documents transmis après le 30 mars 2017. Or, il revenait, selon le requérant, à la seule commission médicale, et non à l’AIPN, de juger de la pertinence des documents susceptibles de lui être utiles.

32 Dans ces conditions, faute d’avoir été saisie d’un dossier complet regroupant tous les documents versés par le requérant depuis l’ouverture, en juillet 2016, des procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause, la commission médicale n’aurait pas disposé de la totalité des documents disponibles susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations, en méconnaissance de l’article 22, paragraphe 3, premier alinéa, de la réglementation de couverture.

[omissis]

44 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le but poursuivi par les dispositions du statut relatives à la commission médicale saisie dans le cadre de l’article 73 du statut est de confier à des experts médicaux l’appréciation définitive de toutes les questions d’ordre médical (voir arrêts du 4 octobre 1991, Commission/Gill, C‑185/90 P, EU:C:1991:380, point 24 et jurisprudence citée, et du 16 juin 2000, C/Conseil, T‑84/98, EU:T:2000:156, point 43 et
jurisprudence citée). La mission qui incombe à la commission médicale de porter en toute objectivité et en toute indépendance une appréciation sur des questions d’ordre médical exige que sa liberté d’appréciation soit entière. Les appréciations médicales proprement dites, formulées par la commission médicale, doivent être considérées comme définitives lorsqu’elles ont été émises dans des conditions régulières. Le juge de l’Union est uniquement habilité à vérifier, d’une part, si ladite commission
a été constituée et a fonctionné régulièrement et, d’autre part, si son avis est régulier (voir arrêt du 25 octobre 2017, Lucaccioni/Commission, T‑551/16, non publié, EU:T:2017:751, point 78 et jurisprudence citée).

45 Il résulte de l’article 22, paragraphe 3, première phrase, de la réglementation de couverture que, pour qu’une commission médicale émette un avis médical de manière régulière, elle doit être en mesure de prendre connaissance de la totalité des documents disponibles et susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1997, R/Commission, T‑187/95, EU:T:1997:119, point 49, et du 3 mars 2004, Vainker/Parlement, T‑48/01, EU:T:2004:61, point 132).

46 À cet égard, si l’ensemble des documents soumis dans le cadre de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle relèvent du régime prévu par la réglementation de couverture (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission, C‑283/90 P, EU:C:1991:361, point 25), ni l’article 73 du statut ni la réglementation de couverture qui en procède, ne contiennent de dispositions précisant la nature des pièces que doit contenir le dossier de la commission médicale, visé à
l’article 22, paragraphe 3, premier alinéa, de cette réglementation.

47 Il résulte, en revanche, des termes mêmes de ce dernier texte que le dossier doit contenir la totalité des documents disponibles et susceptibles d’être utiles à la commission médicale afin de lui permettre de procéder aux appréciations nécessaires à l’élaboration de son rapport.

48 En l’espèce, il est constant que le Parlement n’a pas communiqué à la commission médicale certains documents initialement transmis par le requérant à l’appui de ses demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause.

49 Il ressort du dossier et il n’est pas contesté que les documents non communiqués à la commission médicale sont les documents énumérés, s’agissant de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle des rachialgies, page 45 de l’annexe A 9 et, s’agissant de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’urticaire de stress, page 176 de l’annexe A 10 (ci-après les « documents litigieux »). Les documents litigieux étaient au nombre de 15 s’agissant de la demande de
reconnaissance de l’origine professionnelle des rachialgies et de 19 s’agissant de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’urticaire de stress. Ils incluaient, notamment, des rapports médicaux qui concluaient à l’origine professionnelle de ces maladies ainsi que divers accords du régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (RCAM) concernant les traitements suivis par le requérant.

50 Le Parlement expose qu’il a écarté ces documents après avoir estimé qu’ils faisaient double emploi avec des documents précédemment communiqués.

51 Dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure, le Parlement a précisé que certains des documents litigieux étaient identiques à ceux qui étaient déjà en sa possession, d’autres étaient sans lien avec les questions médicales soumises, d’autres, enfin, contenaient des informations similaires, c’est-à-dire que, sans être identiques, ils reprenaient les mêmes informations et conclusions que celles qui étaient déjà en sa possession.

52 S’agissant de cette dernière catégorie de documents, qui auraient, selon le Parlement, une portée médicale liée aux questions soulevées devant la commission médicale, ce dernier a indiqué qu’ils avaient été écartés dans la mesure seulement où ils n’apportaient pas d’éléments médicaux nouveaux par rapport à ceux déjà contenus dans le dossier préparé par l’institution.

53 Il résulte de ces éléments que le Parlement a porté sur les documents transmis par le requérant à l’appui de ses demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies en cause une appréciation de nature médicale consistant à juger que le contenu de certains de ces documents était, de ce point de vue, semblable à celui d’autres pièces du dossier. La nature médicale de cette appréciation est confirmée par le Parlement lui-même, qui a indiqué avoir demandé au médecin de l’institution
de confirmer son choix.

54 À cet égard, contrairement à ce que prétend le Parlement, la mission qui lui incombe d’établir le mandat confié à la commission médicale ne l’autorise pas à apprécier la pertinence médicale des documents transmis par l’assuré dans le cadre de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle, lorsque celui-ci demande que la commission médicale donne un avis sur le projet de décision de l’AIPN.

55 En effet, l’institution a pour seule mission, lorsque l’assuré ou ses ayants droit demandent à la commission médicale de donner son avis, d’établir le mandat confié à celle-ci. Ce mandat doit saisir cette commission des questions médicales soulevées tant par le rapport du médecin représentant l’assuré que, le cas échéant, par les autres rapports médicaux pertinents transmis par l’assuré, selon l’article 22, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, au titre de l’article 20, paragraphe 2,
de cette réglementation. Les rapports médicaux transmis à ce titre, et établis éventuellement par d’autres médecins que le médecin représentant l’assuré au sein de la commission médicale, précisent les questions médicales que ces médecins entendent soulever pour contester le projet de décision de l’AIPN pris sur la base des conclusions du médecin de l’institution. La référence, opérée par l’article 22, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, aux rapports médicaux pertinents transmis au
titre de l’article 20, paragraphe 2, de cette même réglementation, ne peut être interprétée comme conférant à l’institution chargée d’établir le mandat confié à la commission médicale le droit de distinguer, aux fins de leur communication à cette commission, les seuls rapports qu’elle jugerait pertinents des autres rapports, sauf à priver d’effet utile l’article 22, paragraphe 3, première phrase, de la réglementation de couverture. Les rapports médicaux pertinents transmis, selon l’article 22,
paragraphe 2, de la réglementation de couverture, au titre de l’article 20, paragraphe 2, de cette réglementation, sont, en effet, ceux que l’assuré ou ses ayants droit ont estimé utile de communiquer au médecin ou aux médecins désignés par l’institution aux fins de l’application des dispositions de la réglementation de couverture. Il revient, dès lors, au seul assuré ou à ses ayants droit de porter une appréciation sur le caractère pertinent des rapports médicaux en cause.

56 En conséquence, en se prononçant sur des questions d’ordre médical en vue de l’établissement du dossier soumis à la commission médicale, le Parlement a excédé les limites de sa compétence et porté atteinte à la régularité des travaux de la commission médicale.

57 Dans ces conditions, la commission médicale ne peut être regardée comme ayant été en mesure d’examiner la totalité des documents disponibles et susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations, au sens de l’article 22, paragraphe 3, de la réglementation de couverture, tel qu’interprété dans la jurisprudence, ainsi qu’il a été rappelé au point 45 ci-dessus.

58 Il s’ensuit que la commission médicale a exercé sa mission dans des conditions irrégulières, de sorte que les rapports qu’elle a adressés à l’AIPN au terme de ses travaux sont viciés.

59 À cet égard, il n’est pas contesté que ceux des documents litigieux qui, selon le Parlement, contenaient des informations semblables à celles déjà transmises à la commission médicale, étaient disponibles lors des travaux de celle-ci. Il n’est pas davantage contesté que de tels documents consistaient, notamment, en des rapports médicaux émanant de différents médecins ayant conclu à l’origine professionnelle des maladies en cause et en divers accords du RCAM concernant les traitements suivis par le
requérant. Dans la mesure où de tels documents avaient manifestement un lien avec les pathologies du requérant, il n’est pas exclu que, si la commission médicale avait été en mesure d’examiner ces documents et, le cas échéant, d’en tenir compte, ses conclusions auraient pu être différentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1997, R/Commission, T‑187/95, EU:T:1997:119, point 57).

60 Les décisions attaquées ayant été adoptées sur la base des rapports de la commission médicale, elles sont entachées d’un vice de procédure de nature à justifier leur annulation.

61 Compte tenu de tout ce qui précède, la troisième branche du premier moyen doit être accueillie.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

  1) Les décisions du Parlement européen du 7 août 2018 rejetant les demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies de AW en date des 15 et 28 juillet 2016 sont annulées.

  2) Le Parlement est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Reine

  Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2020.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le français.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : T-213/19
Date de la décision : 28/05/2020
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Article 73 du statut – Réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle – Article 16 – Déclaration de maladie professionnelle – Article 22 – Commission médicale – Refus de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie – Irrégularité de l’avis de la commission médicale.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : AW
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Truchot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2020:230

Source

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