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09/07/2019 | CJUE | N°C-414/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Iccrea Banca SpA Istituto Centrale del Credito Cooperativo contre Banca d'Italia., 09/07/2019, C-414/18


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 9 juillet 2019 ( 1 )

Affaire C‑414/18

Iccrea Banca SpA Istituto Centrale del Credito Cooperativo

contre

Banca d’Italia

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Recevabilité – Incompétence du juge national pour contrôler la légalité des actes du Conseil de résolution uniq

ue – Obligation de contester les actes du Conseil de résolution unique devant le Tribunal de l’Union européenne – Harmonisation ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 9 juillet 2019 ( 1 )

Affaire C‑414/18

Iccrea Banca SpA Istituto Centrale del Credito Cooperativo

contre

Banca d’Italia

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Recevabilité – Incompétence du juge national pour contrôler la légalité des actes du Conseil de résolution unique – Obligation de contester les actes du Conseil de résolution unique devant le Tribunal de l’Union européenne – Harmonisation des législations – Union bancaire – Redressement et résolution d’établissements de crédit – Contributions ordinaires et extraordinaires au fonds national de résolution – Fixation de la contribution ex ante pour l’année 2016 au Fonds de
résolution unique – Contributions des établissements de crédit coopératif – Ajustement des contributions en fonction du profil de risque – Article 5, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2015/63 – Exclusion de certains passifs du calcul des contributions »

1.  Le présent renvoi préjudiciel offre à la Cour l’occasion de clarifier deux questions controversées concernant les contributions que les établissements de crédit doivent verser au Fonds de résolution unique (ci‑après le « FRU ») ou aux fonds nationaux de résolution (ci‑après les « FNR ») pour leur financement :

– d’une part, la question de savoir à qui incombe le contrôle juridictionnel des décisions du Conseil de résolution unique (ci‑après le « CRU ») relatives à ces contributions, lorsqu’elles sont notifiées à des établissements de crédit par une autorité nationale de résolution (ci‑après l’« ANR ») comme la Banque d’Italie ;

– d’autre part, la question de savoir si, pour le calcul des contributions en faveur des FNR, il convient de prendre en compte les passifs internes entre entités d’un groupe de banques de crédit coopératif et, potentiellement, de les exclure de ce calcul.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Les dispositions relatives aux contributions des établissements de crédit aux FNR dans toute l’Union européenne

a) La directive 2014/59/UE

2. Je renvoie, pour le rappel des articles 100, 102, 103 et 104 de la directive 2014/59/UE ( 2 ), aux conclusions que j’ai présentées récemment dans l’affaire C‑255/18, State Street Bank International ( 3 ).

b) Le règlement délégué (UE) 2015/63

3. Aux termes des considérants 8 et 9 du règlement délégué (UE) 2015/63 ( 4 ):

« (8) Le calcul des contributions au niveau individuel conduirait, dans le cas d’un groupe, à un double comptage de certains passifs lors de la détermination de la contribution annuelle de base des différentes entités du groupe, étant donné que les passifs découlant des accords que les entités d’un même groupe concluent entre elles feraient partie du total du passif à prendre en considération pour déterminer la contribution annuelle de base de chaque entité du groupe. Par conséquent, la
détermination de la contribution annuelle de base doit être précisée pour ce qui concerne les groupes, de manière à refléter l’interconnexion des entités du groupe et à éviter une double comptabilisation des expositions intragroupe. [...]

(9) Aux fins du calcul de la contribution annuelle de base d’une entité d’un groupe, le total du passif à prendre en considération ne doit pas inclure les passifs découlant d’un contrat conclu avec toute autre entité faisant partie du même groupe. Toutefois, cette exclusion ne doit être possible que pour autant que toutes les entités du groupe soient établies dans l’Union, soient intégralement incluses dans le même périmètre de consolidation, fassent l’objet d’une procédure appropriée et
centralisée d’évaluation, de mesure et de contrôle des risques et qu’il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au prompt remboursement des passifs considérés à leur date d’échéance. Cela doit empêcher que des passifs ne soient exclus de la base de calcul des contributions lorsqu’il n’existe aucune garantie que les expositions de financement intragroupe seront couvertes en cas de détérioration de la santé financière du groupe. [...] »

4. L’article 4 de ce règlement (intitulé « Calcul des contributions annuelles ») prévoit :

« 1.   L’autorité de résolution calcule la contribution annuelle que doit verser chaque établissement en proportion du profil de risque de l’établissement, sur la base des informations fournies par celui‑ci conformément à l’article 14 et en application de la méthode énoncée dans la présente section.

2.   L’autorité de résolution calcule la contribution annuelle visée au paragraphe 1 sur la base du niveau cible annuel du dispositif de financement pour la résolution, compte tenu du niveau cible à atteindre pour le 31 décembre 2024 conformément à l’article 102, paragraphe 1, de la directive [2014/59], et sur la base du montant moyen des dépôts couverts l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur son territoire. »

5. L’article 5 dudit règlement (intitulé « Ajustement au risque des contributions annuelles de base ») dispose :

« 1.   Les passifs suivants sont exclus du calcul des contributions visées à l’article 103, paragraphe 2, de la directive [2014/59] :

a) les passifs intragroupes découlant de transactions conclues par un établissement avec un autre établissement membre du même groupe, sous réserve que l’ensemble des conditions suivantes soient remplies :

i) les deux établissements sont établis dans l’Union ;

ii) les deux établissements sont intégralement inclus dans la même surveillance consolidée conformément aux articles 6 à 17 du règlement (UE) no 575/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1)] et sont soumis à une procédure appropriée et centralisée d’évaluation, de mesure et de contrôle des
risques ; et

iii) il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au remboursement rapide des passifs à l’échéance ;

[...]

f) dans le cas des établissements qui gèrent des prêts de développement, les passifs de l’établissement intermédiaire envers la banque initiatrice, une autre banque de développement ou un autre établissement intermédiaire, et les passifs de la banque de développement initiatrice envers ses bailleurs de fonds, dans la mesure où le montant des prêts de développement gérés par cet établissement ou cette banque couvre le montant de ces passifs. »

2. Les dispositions relatives aux contributions des établissements de crédit au FRU dans le cadre de l’union bancaire

a) Le règlement (UE) no 806/2014

6. Aux termes du considérant 120 du règlement (UE) no 806/2014 ( 5 ) :

« Le [mécanisme de résolution unique (MRU)] réunit le CRU, le Conseil [de l’Union européenne], la Commission [européenne] et les autorités de résolution des États membres participants. La Cour de justice est compétente pour contrôler la légalité des décisions adoptées par le CRU, le Conseil et la Commission, conformément à l’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne, ainsi que pour se prononcer sur leur responsabilité non contractuelle. De surcroît, la Cour de justice,
conformément à l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est compétente pour statuer à titre préjudiciel, à la demande des juridictions nationales, sur la validité et l’interprétation des actes des institutions, organes ou agences de l’Union. Les autorités judiciaires nationales devraient être compétentes, conformément au droit national, pour statuer sur la légalité des décisions adoptées par les autorités de résolution des États membres participants dans l’exercice des
pouvoirs qui leur sont conférés par le présent règlement, ainsi que pour se prononcer sur leur responsabilité non contractuelle. »

7. L’article 67 de ce règlement dispose pour sa part :

« 1.   Il est instauré un Fonds de résolution unique (ci‑après dénommé “Fonds”). Il est alimenté conformément aux règles relatives au transfert des fonds perçus au niveau national vers le Fonds selon les modalités prévues dans l’accord.

[...]

3.   Le détenteur du Fonds est le CRU.

4.   Les contributions visées aux articles 69, 70 et 71 sont perçues auprès des entités visées à l’article 2 par les autorités de résolution nationales et transférées au Fonds conformément à l’accord. »

8. En ce qui concerne les contributions ex ante, l’article 70 dudit règlement prévoit :

« 1.   La contribution individuelle de chaque établissement est perçue au moins chaque année et est calculée proportionnellement au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

2.   Chaque année, le CRU, après consultation de la [Banque centrale européenne (BCE)] ou de l’autorité compétente nationale et en étroite coopération avec les autorités de résolution nationales, calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible.

[...] »

b) Le règlement d’exécution (UE) 2015/81

9. L’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 ( 6 ) (intitulé « Calcul des contributions annuelles ») prévoit :

« Pour chaque période de contribution, le CRU calcule, après avoir consulté la BCE ou les autorités compétentes nationales et en coopération étroite avec les autorités de résolution nationales, la contribution annuelle due par chaque établissement, sur la base du niveau cible annuel du Fonds. Le niveau cible annuel est établi par rapport au niveau cible du Fonds visé à l’article 69, paragraphe 1, et à l’article 70 du règlement [MRU] et conformément à la méthode exposée dans le règlement délégué
[2015/63]. »

10. Aux termes de l’article 5 de ce règlement :

« 1.   Le CRU communique aux autorités de résolution nationales concernées ses décisions sur le calcul des contributions annuelles des établissements agréés sur leurs territoires respectifs.

2.   Après réception de la communication visée au paragraphe 1, chaque autorité de résolution nationale notifie à chaque établissement agréé dans son État membre la décision du CRU sur le calcul de la contribution annuelle due par cet établissement. »

B.   Le droit italien

11. La directive 2014/59 a été transposée en droit italien par le décret législatif no 180, du 16 novembre 2015 ( 7 ).

12. Je me réfère, ici encore, aux conclusions dans l’affaire State Street Bank International pour le rappel des dispositions de l’article 2, paragraphe 1 ; de l’article 3, paragraphe 1 ; de l’article 78 ; de l’article 81, paragraphes 1, et 2 ainsi que de l’article 83 de ce décret législatif.

II. Le litige au principal et les questions préjudicielles

13. Iccrea Banca SpA Istituto Centrale del Credito Cooperativo (ci‑après « Iccrea Banca ») est une banque que l’on pourrait qualifier de « banque de second rang », dans la mesure où elle est à la tête d’un réseau de coopératives de crédit, appelées en Italie « banques de crédit coopératif » (ci‑après les « BCC ») ( 8 ).

14. Iccrea Banca a pour mission de « compléter, d’intensifier les opérations des banques de crédit coopératif et d’en améliorer l’efficacité en soutenant et en renforçant leur activité par l’exécution de fonctions de crédit, d’intermédiation technique et de soutien financier sous toutes formes ».

15. La Banque d’Italie a, par plusieurs décisions successives ( 9 ), réclamé à Iccrea Banca le paiement des contributions ordinaires, extraordinaires et additionnelles au FNR italien au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des contributions au FRU au titre de l’année 2016.

16. Devant la juridiction de renvoi, Iccrea Banca a demandé l’annulation des décisions de la Banque d’Italie, contestant les modalités de calcul des contributions réclamées ( 10 ).

17. Selon Iccrea Banca :

– La Banque d’Italie aurait dû considérer que ses passifs à l’égard des BCC constituaient des passifs intragroupes et que, en tout état de cause, ils auraient dû recevoir un traitement semblable à celui appliqué aux prêts de développement.

– La Banque d’Italie n’a pas pris en compte, pour le calcul des contributions, la nature particulière du système intégré que forment la requérante et les BCC.

– La Banque d’Italie a ignoré le rôle de soutien que joue Iccrea Banca dans le système des BCC et l’existence d’un « groupe de fait », dont les passifs auraient dû bénéficier des exceptions prévues par le règlement délégué 2015/63. En tout état de cause, ces passifs n’auraient pas dû faire l’objet d’un double comptage (ni d’une double contribution) compte tenu des principes de proportionnalité, de non-discrimination et d’égalité de traitement.

– En somme, le montant des contributions dues au FNR et au FRU aurait dû être bien inférieur à celui qui lui est réclamé.

18. La Banque d’Italie fait valoir, à titre préliminaire, que la juridiction de renvoi n’est pas compétente pour connaître des demandes d’Iccrea Banca concernant les contributions au FRU au titre de l’année 2016. Elle soulève d’autres objections formelles ( 11 ) et, sur le fond, soutient que :

– il n’existe entre Iccrea Banca et les BCC aucun véritable rapport de contrôle ou d’influence dominante suffisant pour satisfaire aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué no 2015/63 ;

– il n’est pas possible de reconnaître une portée juridique à un élément purement factuel tel que la « mission commerciale » que poursuit Iccrea Banca à travers les liens contractuels qu’elle entretient avec les BCC. Le fait qu’Iccrea Banca exerce une fonction de banque « de service » au sein du système qu’elle forme avec les BCC n’est pas non plus suffisant ;

– il n’y a donc pas lieu d’accorder un quelconque traitement de faveur aux passifs à l’égard des BCC.

19. Dans ce contexte, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Aux fins du calcul des contributions visées à l’article 103, paragraphe 2, de la directive [2014/59], l’article 5, paragraphe 1, notamment sous a) et f), du règlement délégué [ 2015/63], interprété à la lumière des principes énoncés par ce même règlement, par la directive [2014/59], par le règlement [MRU], par l’article 120 TFUE, ainsi que par les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination, de proportionnalité consacrés à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne et par le principe de l’interdiction de la double imposition, s’oppose-t-il à ce que le régime prévu pour le passif intragroupe s’applique également dans le cas d’un groupe “de fait” ou, en tout état de cause, dans le cas d’interconnexions existantes entre un établissement et les autres banques du même système ?

2) Le traitement favorable prévu audit article 5 pour les passifs privilégiés peut-il au contraire, à la lumière des principes précités, être également appliqué par analogie aux passifs d’une banque dite de “second rang” envers les autres banques du système (de crédit coopératif) ? Ou bien cette qualité – à savoir le fait d’être une entité opérant concrètement, y compris vis-à-vis de la BCE et des marchés financiers, comme un établissement central au sein d’un ensemble interconnecté et intégré
de petites banques – doit‑elle en tout état de cause entraîner, en vertu du cadre juridique applicable, une sorte de correction dans la présentation des données financières par l’autorité nationale de résolution aux institutions communautaires et dans la fixation des contributions dues par l’établissement au Fonds de résolution sur la base de son passif effectif et de son profil de risque concret ? »

20. Iccrea Banca, la Banque d’Italie, les gouvernements espagnol et italien ainsi que la Commission ont déposé des observations écrites. Lors de l’audience qui s’est tenue le 30 avril 2019, l’ensemble de ces parties sont intervenues ainsi que le CRU, que la Cour a invité à participer en application de l’article 24, deuxième alinéa, du Statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

III. Analyse des questions préjudicielles

A.   Considérations préliminaires sur les contributions au FNR et au FRU

21. Dans les conclusions dans l’affaire State Street Bank International (points 33 à 51), j’ai exposé les grandes lignes du financement des mécanismes de redressement et de résolution bancaires, dont l’harmonisation a été réalisée par la directive 2014/59. Leur reproduction n’étant pas nécessaire ici, j’y renvoie pour une meilleure compréhension de ce nouveau phénomène normatif.

B.   Recevabilité des questions préjudicielles

22. Les décisions objet du recours en annulation formé par Iccrea Banca ( 12 ) lui imposent, d’une part, le paiement des contributions au titre des années 2015 et 2016 au FNR italien et, d’autre part, celui des contributions de l’année 2016 au FRU.

23. La Banque d’Italie a invoqué, dans le litige au principal, l’incompétence de la juridiction de renvoi pour connaître des deux décisions relatives aux contributions au FRU au titre de l’année 2016 dès lors que, en réalité, leur contenu avait été approuvé par le CRU.

24. La juridiction de renvoi considère néanmoins qu’elle est compétente pour contrôler la légalité de ces décisions. Elle affirme que « la Banque d’Italie n’agit pas comme un simple intermédiaire entre le CRU et les établissements de crédit, pas plus que ses décisions relatives à l’exercice de contribution 2016 ne constituent une simple communication du contenu d’une décision adoptée par le CRU, mais que la Banque d’Italie joue au contraire un rôle actif et décisif, tant durant la phase de
détermination de la contribution [...] que durant la phase de perception de ces montants au moyen de l’émission de la décision unique qui, une fois notifiée aux établissements de crédit, produit à leur encontre des effets contraignants» ( 13 ).

25. La Commission écarte également la compétence de la juridiction de renvoi pour statuer sur la légalité de ces deux décisions du CRU, et considère que le renvoi préjudiciel est irrecevable en ce qui concerne ces dernières.

26. Lors de l’audience, les gouvernements espagnol et italien sont venus au soutien des objections soulevées par la Banque d’Italie et la Commission (partiellement cependant, en ce qui concerne le gouvernement italien, et avec des nuances) et je suis d’avis, ainsi que je l’expliquerai plus loin, qu’elles méritent d’être accueillies. Elles requièrent, en tout cas, une analyse détaillée dans la mesure où, sauf erreur de ma part, elles posent pour la première fois la question délicate du contrôle
juridictionnel des décisions du CRU relatives aux contributions au FRU.

27. Il ne fait aucun doute pour moi que la juridiction de renvoi est compétente pour statuer sur la légalité des cinq décisions de la Banque d’Italie relatives aux contributions ordinaires, extraordinaires et additionnelles ( 14 ) au FNR, au titre des exercices des années 2015 et 2016. Il s’agit de décisions spécifiques de la Banque d’Italie dans lesquelles le CRU n’intervient pas et qui se rapportent au financement du FNR italien. Ces contributions servent, essentiellement, à la résolution des
établissements de crédit de taille moins importante, qui ne sont couverts ni par le mécanisme de surveillance unique (MSU) ni par le MRU, mais auxquels s’appliquent la directive 2014/59 et le règlement délégué 2015/63.

28. Le renvoi préjudiciel est, par conséquent, recevable en ce qui concerne ces cinq décisions de la Banque d’Italie relatives aux contributions au FNR. La juridiction de renvoi pourra statuer sur leur légalité, quant au fond, en fonction de la réponse que lui donnera la Cour ( 15 ).

29. Le renvoi préjudiciel doit, au contraire, être déclaré partiellement irrecevable pour ce qui touche aux deux décisions de la Banque d’Italie par lesquelles celle‑ci a notifié à Iccrea Banca le montant de sa contribution ordinaire au FRU au titre de l’année 2016. La juridiction de renvoi ne peut statuer sur leur légalité, car elles émanent du CRU.

30. Il est vrai que la juridiction de renvoi saisit la Cour en interprétation de l’article 5 du règlement délégué 2015/63, sans mettre en cause sa validité ni, apparemment, celle des décisions du CRU relatives aux contributions au FRU au titre de l’année 2016. Elle se concentre plutôt sur les décisions par lesquelles la Banque d’Italie met en œuvre les décisions antérieures du CRU. Toutefois, si la juridiction de renvoi devait finalement estimer que les modalités de calcul des contributions des
établissements de crédit coopératif au FRU pour l’année 2016 sont incorrectes, en réalité c’est la validité de ces décisions du CRU qu’elle remettrait en cause, décisions que la Banque d’Italie ne pourrait dès lors plus appliquer à Iccrea Banca. Ce qui est donc en jeu dans le litige au principal (ou plutôt, dans une partie du litige), c’est la légalité de ces deux décisions du CRU.

31. Cela étant dit, il me paraît clair qu’une juridiction nationale ne peut se prononcer sur la validité des décisions du CRU, dont le contrôle de la légalité appartient exclusivement à la Cour. Je me fonde pour affirmer cela sur deux éléments : d’une part, le fait qu’il convient d’étendre aux décisions du CRU le raisonnement suivi dans l’arrêt Berlusconi et Fininvest ( 16 ) ; d’autre part, l’application de la jurisprudence TWD Textilwerke Deggendorf ( 17 ).

1. Le contrôle juridictionnel centralisé des décisions du CRU

32. Dans l’arrêt Berlusconi et Fininvest, la Cour a eu à se prononcer sur le contrôle juridictionnel des décisions prises dans la procédure administrative composite d’autorisation pour l’acquisition ou l’augmentation de participations qualifiées dans des établissements de crédit, dans le cadre du MSU. La Cour a estimé, en substance, que l’article 263 TFUE fait obstacle à ce que les juridictions nationales exercent un contrôle de légalité sur les actes d’ouverture, préparatoires ou de proposition non
contraignante adoptés par les autorités compétentes nationales dans le cadre de ladite procédure.

33. Cette conclusion s’appuyait à son tour sur deux considérations préalables :

– lorsque les actes pris par les autorités nationales sont une étape d’une procédure dans laquelle une institution de l’Union exerce, seule, le pouvoir décisionnel final sans être liée par les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales, l’on se trouve en présence d’actes de l’Union ( 18 ) ;

– lorsque le droit de l’Union consacre le pouvoir décisionnel exclusif d’une institution de l’Union, il revient au juge de l’Union, au titre de sa compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE, de statuer sur la légalité de la décision finale prise par l’institution de l’Union en cause. C’est au seul juge de l’Union qu’il appartient d’examiner, afin d’assurer une protection juridictionnelle effective des intéressés, les éventuels
vices entachant les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales qui seraient de nature à affecter la validité de cette décision finale ( 19 ).

34. Ainsi que je l’ai expliqué dans les conclusions que j’ai présentées dans cette affaire ( 20 ), dans les procédures administratives complexes auxquelles participent les autorités nationales et de l’Union, l’exercice du pouvoir de décision finale est l’élément crucial pour déterminer si le contrôle juridictionnel doit être exercé par le juge de l’Union ou par les juridictions nationales. Si le pouvoir décisionnel est détenu par un organisme de l’Union, le contrôle juridictionnel appartient alors
au juge de l’Union, conformément à l’article 263 TFUE.

35. Or, la détermination des contributions ordinaires au FRU se fait à travers une procédure administrative complexe dans laquelle les ANR ( 21 ) interviennent, mais dont la décision finale appartient au CRU.

36. L’arrêt Berlusconi et Fininvest, bien que rendu concernant une procédure administrative complexe qui présente des différences avec la procédure relative à la détermination des contributions au FRU, apparaît néanmoins transposable à cette dernière. Il s’ensuit que le contrôle juridictionnel de la décision du CRU doit être effectué exclusivement par le juge de l’Union, ainsi que je m’attacherai à l’expliquer ci‑après.

37. Par la décision SRB/ES/SRF/2016/06, du 15 avril 2016, le CRU a, en vertu de l’article 54, paragraphe 1, sous b), et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement MRU, fixé le montant annuel de la contribution ex ante au FRU due au titre de l’exercice 2016 par chacun des établissements de crédit tenus de la payer, parmi lesquels figure Iccrea Banca. En raison d’une erreur de calcul, le CRU a modifié ces contributions par la décision SRB/ES/SRF/2016/13, du 20 mai 2016, dans laquelle il a corrigé le
calcul des contributions fixées par la première décision ( 22 ).

38. Ces deux décisions ont été prises conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement MRU et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81. En application de ces dispositions, pour chaque période de contribution, le CRU calcule, après avoir consulté la BCE ou les autorités compétentes nationales et en coopération étroite avec les ANR, la contribution annuelle due par chaque établissement, sur la base du niveau cible annuel du Fonds ( 23 ).

39. L’article 6 du règlement d’exécution 2015/81 prévoit que le CRU définit les formats et schémas de données que les établissements doivent utiliser pour fournir les informations requises aux fins du calcul des contributions annuelles en vue d’améliorer la comparabilité des informations fournies et l’efficacité du traitement des informations reçues. Le CRU a progressivement mis en œuvre cette compétence pour organiser la collecte de données par les ANR ( 24 ).

40. Dans cette phase préparatoire, les ANR se limitent, en suivant les indications données par le CRU, à recueillir les informations des établissements de crédit et à les remettre au CRU en utilisant les formats et schémas susmentionnés. La « coopération étroite » des ANR, à laquelle fait allusion l’article 70, paragraphe 2, du règlement MRU se limite à cette activité.

41. Les ANR ne peuvent mener aucune mesure d’instruction – qu’elle consiste à analyser ou à traiter les informations (comme l’a indiqué lors de l’audience la Banque d’Italie) – ni ne peuvent adresser aucune proposition de décision au CRU ( 25 ). L’activité des ANR se limite à un simple soutien opérationnel.

42. Sur la base des informations provenant des établissements relevant du MSU et du MRU, le CRU détermine le montant des contributions ex ante que chacun d’entre eux doit verser au FRU. Seul le CRU peut prendre cette décision, dès lors que, dans un système reposant sur un FRU et sur un niveau cible européen, les contributions individuelles annuelles des établissements agréés sur les territoires de tous les États membres participants dépendent de celles de tous les établissements relevant du MRU ( 26
).

43. Les ANR ne peuvent donc pas calculer les contributions annuelles au FRU, cette décision ne pouvant être prise que de manière centralisée. C’est au CRU, en tant que seule agence de l’Union disposant des informations consolidées globales et du montant des dépôts de tous les établissements, ainsi que des informations permettant d’évaluer leur facteur de risque, qu’il incombe de déterminer le taux de contribution annuel global de chacun au FRU. Le CRU, et lui seul, dispose de tous les éléments
nécessaires pour fixer les contributions ordinaires au FRU, une tâche dont il s’acquitte chaque année ( 27 ).

44. De plus, le CRU adopte sa décision relative aux contributions ordinaires au FRU en session exécutive et non pas en session plénière, de sorte que les représentants des ANR n’y participent pas ( 28 ).

45. Une fois que le CRU a fixé le montant des contributions annuelles de chaque établissement, l’article 5 du règlement d’exécution 2015/81 dispose qu’il communique aux ANR concernées ses décisions sur le calcul des contributions annuelles des établissements agréés sur leurs territoires respectifs. Dernier maillon de cette chaîne, et de nature purement utilitaire, les ANR notifient à chacun des établissements soumis à leur supervision « la décision du CRU sur le calcul de la contribution annuelle
due par cet établissement ».

46. Le CRU ne notifie pas directement à chaque établissement de crédit le montant auquel s’élève sa contribution annuelle au FRU. Cette notification est, je le répète, effectuée par les ANR, mais l’article 5 du règlement d’exécution 2015/81 énonce textuellement que l’objet de la notification est la « décision du CRU ».

47. Cette procédure de notification ne saurait être invoquée pour refuser de considérer la décision du CRU pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une véritable « décision » au sens de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle précise nominativement et individuellement le montant qu’il revient à chaque établissement de crédit de verser au titre de sa contribution annuelle au FRU.

48. En tant qu’ANR, le rôle de la Banque d’Italie à l’égard d’Iccrea Banca et en ce qui concerne les décisions du CRU SRB/ES/SRF/2016/06 et SRB/ES/SRF/2016/13 fut de notifier ces décisions dont elle n’a ni déterminé ni contrôlé le contenu. Les ANR n’ont aucune compétence pour modifier le montant des contributions ordinaires des établissements de crédit au FRU, ce pouvoir étant réservé au CRU, et elles ne disposent d’ailleurs pas des informations nécessaires pour procéder à de telles modifications (
29 ).

49. Je ne partage pas la position que le CRU a défendue (avec une certaine ambiguïté) lors de l’audience et qu’il a maintenue devant le Tribunal ( 30 ), selon laquelle ses décisions sur les contributions annuelles au FRU ont pour destinataires les ANR et ne produisent aucun effet juridique à l’égard des établissements de crédit. Le CRU soutient, en effet, que ses décisions de 2016 étaient destinées aux ANR, que ces dernières ont adopté les actes administratifs de droit interne par lesquels elles ont
communiqué à chaque établissement de crédit le montant de sa contribution annuelle au FRU, et que seuls ces actes sont attaquables devant les juridictions nationales.

50. Le CRU a insisté lors de l’audience sur la compétence qu’il partage avec les ANR pour prendre les décisions sur les contributions annuelles au FRU. Selon lui, il s’agit d’une procédure administrative composite, dans laquelle les ANR assurent la perception finale de ces contributions ( 31 ). L’arrêt Berlusconi et Fininvest plaidant en faveur d’un contrôle juridictionnel unique dans ces procédures, le CRU considère qu’il convient, pour permettre une meilleure protection juridictionnelle et une
sécurité juridique effective, que le contrôle juridictionnel soit assuré par les juridictions nationales.

51. L’argumentation du CRU, qui s’oppose radicalement à celle de la Commission, ne me paraît pas convaincante et a contribué à faire naître une insécurité en ce qui concerne les caractéristiques des décisions qui fixent les contributions annuelles au FRU et les possibilités d’en obtenir le contrôle juridictionnel. Les recours en annulation pendants devant le Tribunal et la pratique des ANR mettent en lumière cette situation complexe ( 32 ), qui exige une clarification urgente.

52. Les raisons que je viens d’exposer m’amènent à considérer que, dans cette procédure administrative composite, le pouvoir de décision exclusif appartient au CRU. C’est précisément parce qu’il s’agit de la décision d’un organisme de l’Union que l’article 86, paragraphe 2, du règlement MRU prévoit que les États membres et les institutions de l’Union, de même que toute personne physique ou morale, peuvent introduire un recours devant la Cour contre les décisions du CRU, conformément à
l’article 263 TFUE ( 33 ).

53. Contrairement à ce que soutient Iccrea Banca, cette affirmation ne saurait être contestée par la référence faite au considérant 120 du règlement MRU à la demande des juridictions nationales.

54. Ce considérant évoque en effet le contrôle exercé par les juridictions nationales sur les décisions des ANR dans les domaines où le règlement MRU leur confère un pouvoir décisionnel. C’est le cas par exemple en ce qui concerne les actes qu’adoptent les ANR en relation avec les contributions ordinaires aux FNR que les établissements de crédit de moindre importance et qui ne relèvent ni du MSU ni du MRU doivent verser chaque année.

55. Compte tenu, par conséquent, du raisonnement suivi par la Cour dans l’arrêt Berlusconi et Fininvest, dont je m’inspire ici, j’estime qu’il appartient exclusivement à la Cour de contrôler la légalité des décisions adoptées par le CRU ainsi que des actes des ANR qui concourent à cette procédure administrative composite.

2. Application de la jurisprudence TWD Textilwerke Deggendorf

56. Selon la jurisprudence TWD Textilwerke Deggendorf, récemment confirmée par l’arrêt rendu dans l’affaire Georgsmarienhütte e.a. ( 34 ), la personne physique ou morale qui a incontestablement qualité pour former un recours en annulation contre une décision d’un organisme de l’Union perd la possibilité de remettre en cause la validité de cette décision devant les juridictions nationales lorsqu’elle a laissé s’écouler le délai de deux mois sans saisir le Tribunal d’un recours en annulation. Cette
jurisprudence vise ainsi à protéger la sécurité juridique et fait prévaloir le recours en annulation sur le renvoi préjudiciel en appréciation de validité comme voie procédurale du contrôle de la légalité des décisions des organismes de l’Union.

57. Dans le contentieux relatif aux contributions ordinaires au FRU de 2016, Iccrea Banca a formé un recours en annulation devant le Tribunal, le 28 juillet 2017, contre la décision du CRU SRB/ES/SRF/2016/06, du 15 avril 2016, mais elle n’a pas attaqué la décision du CRU SRB/ES/SRF/2016/13, du 20 mai 2016, par laquelle ce dernier a procédé à une correction des contributions ex ante au FRU pour l’année 2016.

58. Ce recours a été jugé irrecevable par le Tribunal au motif qu’il avait été introduit après l’expiration du délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE ( 35 ).

59. Il ne me paraît pas contestable qu’Iccrea Banca avait qualité pour agir et introduire (dans les délais) ce recours en annulation, dès lors que cet établissement est identifié par son nom dans l’annexe de la décision, et qu’y figure également le montant dont il devait s’acquitter au titre de contributions ordinaires au FRU en 2016 ( 36 ), ce qui démontre qu’il était directement et individuellement affecté par cette décision.

60. L’application de la jurisprudence TWD Textilwerke Deggendorf conduit par conséquent à considérer qu’Iccrea Banca a perdu la possibilité de contester la validité des décisions du CRU relatives à ses contributions ordinaires au FRU pour l’année 2016 devant les juridictions nationales dans le cadre d’un litige issu de la notification de ces décisions par une ANR ( 37 ).

61. Je ne vois pas non plus d’acte d’exécution des décisions du CRU de droit interne qu’Iccrea Banca pourrait attaquer devant les juridictions nationales, ce qui lui permettrait, indirectement, de contester la validité des décisions du CRU au moyen d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité ( 38 ). Les notifications des deux décisions du CRU sur les contributions au FRU au titre de 2016 ne peuvent être considérées comme étant des actes attaquables de la Banque d’Italie. Dans le litige au
principal, c’est la légalité de l’acte notifié qui est en cause, et non l’existence de vices ou de défauts de la notification elle‑même.

62. La jurisprudence Foto-Frost confirme ce que je viens d’écrire ( 39 ), en ce sens qu’elle interdit à un juge national de constater l’invalidité d’un acte d’un organisme de l’Union et d’adopter toute décision contraire à cet acte ou qui en empêcherait l’application ( 40 ). Le juge national ne peut donc pas constater l’invalidité des décisions du CRU relatives aux contributions au FRU de 2016, ni adopter toute autre mesure de nature à rendre plus difficile son application ou à la modifier.

63. En résumé, le renvoi préjudiciel est irrecevable en ce qui concerne les décisions du CRU relatives aux contributions au FRU au titre de 2016 notifiées à Iccrea Banca par la Banque d’Italie, et il convient d’y répondre uniquement en ce qui concerne les décisions relatives aux contributions au FNR italien.

C.   Analyse au fond : les contributions ordinaires aux fonds de résolution bancaire des établissements de crédit coopératif

64. La juridiction de renvoi souhaite savoir si, pour le calcul des contributions ordinaires à un FNR, les passifs d’une banque dite de « second rang » envers les autres banques d’un système de BCC relèvent des exceptions de l’article 5, paragraphe 1, en particulier, sous a) et f), du règlement délégué 2015/63.

65. Cette disposition prévoit que les contributions sont calculées en excluant les passifs intragroupes découlant de transactions conclues par un établissement avec un autre établissement membre du même groupe [sous a)] et les passifs correspondant à des prêts de développement [sous f)]. Dans un système interconnecté de BCC, tel que celui dont fait partie Iccrea Banca, la réponse dépendra de la manière dont s’organisent les relations entre ces banques.

66. La règle générale (article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59) est que « [l]a contribution de chaque établissement est proportionnelle au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts de tous les établissements agréés sur le territoire de l’État membre ». Le texte ajoute que « ces contributions sont adaptées en fonction du profil de risque des établissements selon les critères adoptés en vertu
du paragraphe 7 ».

67. Dès lors, l’élément essentiel pour déterminer le montant de la contribution ordinaire d’un établissement de crédit au FNR est son passif. Son montant est utilisé pour le calcul de la contribution, dès lors que la somme des passifs d’un établissement de crédit reflète le risque que représente cet établissement pour ledit FNR. Le montant de la contribution ordinaire résultera, en principe, de l’application d’un pourcentage au montant du passif de chaque établissement de crédit, ce qui constituera
ainsi la base de la contribution.

68. Cette règle (arithmétique) générale est toutefois adaptée, conformément à l’article 103, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2014/59, par un facteur technique additionnel, à savoir le profil de risque des établissements de crédit.

69. Le paragraphe 7 de cette disposition habilite en effet la Commission « à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 115 pour préciser la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements », et la Commission peut tenir compte, notamment, de facteurs tels que ( 41 )« l’exposition au risque de l’établissement, y compris l’importance de ses activités de négociation, de ses engagements de hors bilan et de son niveau d’endettement ».

70. La Commission a fait usage de cette habilitation en adoptant le règlement délégué 2015/63, qui régit la méthode de calcul des contributions des établissements de crédit aux FNR ainsi que leur ajustement à leur profil de risque. L’article 4 de ce règlement rappelle que les contributions ordinaires annuelles sont calculées par les ANR en fonction des passifs des établissements de crédit, ajustés à leur profil de risque, et en fonction :

– du niveau cible annuel du dispositif de financement du FNR, qui doit atteindre 1 % des dépôts en 2024 ; et

– du montant moyen des dépôts couverts l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur son territoire.

71. L’article 5 du règlement délégué 2015/63 prévoit un « [a]justement au risque des contributions annuelles de base » et dispose, en son paragraphe 1, que différents types de passifs sont exclus du calcul des contributions visées à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59. Parmi ceux‑ci, deux sont pertinents pour la présente affaire : les passifs intragroupes et les passifs liés à des prêts de développement.

72. La juridiction de renvoi demande si, dans les groupes bancaires « de fait », comme le serait celui dont fait partie Iccrea Banca, les passifs existant entre l’établissement central et les BCC associées peuvent être considérés comme étant des passifs intragroupes. Dans l’hypothèse où tel ne serait pas le cas, la juridiction de renvoi demande également si l’exclusion prévue pour les passifs liés à des prêts de développement pourrait, par analogie, leur être appliquée.

73. Pour Iccrea Banca, les passifs de l’établissement central au sein d’un système de crédit coopératif envers ses BCC sont des passifs intragroupes ou, à défaut, doivent être assimilés à des passifs liés à des prêts de développement. La Banque d’Italie, la Commission et les gouvernements espagnol et italien défendent la thèse opposée, que je partage, car c’est, à mon sens, celle qui est la plus conforme à la teneur et à la finalité de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.

1. Les passifs internes d’un système de crédit coopératif ne sont pas des passifs intragroupes

74. Selon l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué 2015/63 sont exclus du calcul des contributions ordinaires « les passifs intragroupes découlant de transactions conclues par un établissement avec un autre établissement membre du même groupe, sous réserve que l’ensemble des conditions suivantes soient remplies :

i) les deux établissements sont établis dans l’Union ;

ii) les deux établissements sont intégralement inclus dans la même surveillance consolidée conformément aux articles 6 à 17 du règlement [no 575/2013] et sont soumis à une procédure appropriée et centralisée d’évaluation, de mesure et de contrôle des risques ; et

iii) il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au remboursement rapide des passifs à l’échéance ».

75. L’exclusion des passifs intragroupes n’est donc applicable qu’aux transactions entre établissements d’un même groupe bancaire.

76. L’article 3 du règlement délégué 2015/63 renvoie, pour son application, aux définitions contenues dans la directive 2014/59. Son article 2, paragraphe 1, point 26, définit le groupe comme « une entreprise mère et ses filiales » et, en ses points 5 et 6, renvoie aux définitions de la filiale et de l’entreprise mère figurant à l’article 4 du règlement no 575/2013. Ce dernier renvoie, à son tour, à la directive 83/349/CEE ( 42 ), qui a été modifiée par la directive 2013/34/UE ( 43 ), et dont
l’article 2, points 9 et 10, définit l’entreprise mère comme « une entreprise qui contrôle une ou plusieurs entreprises filiales » ainsi que l’entreprise filiale comme « une entreprise contrôlée par une entreprise mère, y compris toute entreprise filiale de l’entreprise mère qui est à la tête du groupe ».

77. De ces renvois croisés, on déduit que l’on est en présence d’un groupe bancaire lorsque l’entreprise mère contrôle les établissements qui sont des filiales. Le contrôle de droit se traduit, entre autres éléments, par la majorité des droits de vote ; par le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de l’autre entreprise ; et par l’exercice d’une influence dominante sur l’entreprise filiale en vertu d’un contrat conclu avec
celle‑ci, de ses statuts ou en vertu d’une clause des statuts de celle‑ci. Le groupe doit établir des états financiers consolidés et un rapport consolidé de gestion, et cette obligation vaut également lorsque l’entreprise mère exerce un contrôle de fait sur les filiales ( 44 ).

78. Il ne semble pas résulter des informations contenues dans la décision de renvoi que, aux dates pertinentes, Iccrea Banca exerçait un contrôle direct ou de fait sur les BCC auxquelles elle était liée ( 45 ). Les considérations que j’exposerai ci‑après se fondent sur cette constatation. Je précise que, en tout état de cause, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’apprécier les faits et les relations entre les différents établissements de crédit concernés.

79. Les fonctions qu’assure Iccrea Banca pour les BCC auxquelles elle est liée ne font pas apparaître l’existence d’un contrôle de la première sur les secondes, contrôle que l’on pourrait assimiler à celui qu’exercerait une entreprise mère sur ses filiales.

80. Selon la décision de renvoi, en effet ( 46 ), Iccrea Banca joue le rôle de « plate-forme » technique et financière entre les BCC et le système de crédit italien et étranger. Elle fournit aux BCC des services transnationaux de paiement, de monétique, de règlement d’opérations sur titres et de garde de titres, ainsi que des services de nature financière en faisant office de centrale financière du système de crédit coopératif, dont elle gère également les liquidités ( 47 ).

81. La Banque d’Italie dément cependant l’affirmation d’Iccrea Banca selon laquelle, sans son intermédiation, les BCC ne pourraient pas accéder aux opérations de refinancement à long terme (Targeted Long Term Refinancing Operations, TLTRO) de la BCE.

82. De plus, parmi les conditions cumulatives que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 exige pour exclure les passifs intragroupes du calcul des contributions ordinaires à un FNR figure celle selon laquelle les deux établissements doivent être intégralement inclus dans la même surveillance consolidée conformément aux articles 6 à 17 du règlement no 575/2013 et soumis à une procédure appropriée et centralisée d’évaluation, de mesure et de contrôle des risques.

83. Or, il ressort des informations transmises à la Cour (et confirmées lors de l’audience) qu’Iccrea Banca et les BCC avec lesquelles elle collabore ne sont pas soumises à une surveillance consolidée comme un unique groupe bancaire dans le cadre du MSU. Elles ne bénéficient pas non plus d’une dérogation à la surveillance sur une base individuelle, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 575/2013.

84. En vertu de cette dernière disposition, les autorités compétentes peuvent exempter de l’application de la surveillance sur base individuelle une filiale d’un établissement, lorsque tant la filiale que l’établissement relèvent de l’agrément et de la surveillance de l’État membre concerné, que la filiale est incluse dans la surveillance sur base consolidée de l’établissement qu’elle a pour entreprise mère et que des conditions strictes ( 48 ) sont remplies, de manière à garantir une répartition
adéquate des fonds propres entre l’entreprise mère et la filiale.

2. Les passifs internes d’un système de crédit coopératif ne sont pas assimilables aux passifs liés à des prêts de développement

85. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 sont exclus du calcul des contributions ordinaires les passifs « dans le cas des établissements qui gèrent des prêts de développement, les passifs de l’établissement intermédiaire envers la banque initiatrice, une autre banque de développement ou un autre établissement intermédiaire, et les passifs de la banque de développement initiatrice envers ses bailleurs de fonds, dans la mesure où le montant des prêts de
développement gérés par cet établissement ou cette banque couvre le montant de ces passifs ».

86. Iccrea Banca ne répond à ce cas d’exclusion ni d’un point de vue subjectif, ni du point de vue objectif, dès lors que :

– elle n’est pas une banque de développement ( 49 ) ;

– elle n’accorde pas de prêts de développement, au sens de l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63, sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif ;

– elle est un établissement de crédit contrôlé par des actionnaires privés et non par l’État ou par une administration italienne ;

– elle ne poursuit les objectifs de politique publique d’aucune administration publique.

87. Les prêts et les transferts qu’accorde Iccrea Banca aux BCC auxquelles elle est liée (ainsi qu’à des tiers) ne présentent donc aucune composante de développement ou de promotion des objectifs de politique publique d’une administration publique, et ne bénéficient pas davantage de la garantie d’une telle administration.

88. Dans ces conditions, appliquer l’exception prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 reviendrait à favoriser Iccrea Banca par rapport à d’autres banques privées et à fausser la concurrence.

89. J’ajouterai que, comme l’indique le gouvernement italien, l’intervention d’Iccrea Banca dans les opérations TLTRO de la BCE n’a aucun lien avec les prêts de développement : la BCE propose ces financements aux taux du marché et par l’intermédiaire d’appels d’offres.

3. Interprétation stricte des exceptions de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63

90. Il résulte des développements qui précèdent que les passifs d’Iccrea Banca envers les BCC auxquelles elle est liée ne bénéficient pas des exceptions prévues à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 pour le calcul des contributions ordinaires aux FNR.

91. La juridiction de renvoi et Iccrea Banca laissent toutefois entendre qu’une interprétation large ou par analogie de ces exceptions serait possible ou, même, qu’une nouvelle exception pourrait être instaurée par voie jurisprudentielle, de sorte que les passifs internes de l’établissement central d’un système de crédit coopératif à l’égard des établissements qui le composent n’entreraient plus dans le calcul des contributions ordinaires.

92. Une telle proposition ne saurait être retenue.

93. Comme toute exception, celles prévues à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 doivent faire l’objet d’une interprétation stricte afin de ne pas dénaturer la règle d’application générale.

94. L’exclusion des passifs intragroupes du calcul des contributions ordinaires reflète l’interconnexion des entités du groupe et vise à éviter une double comptabilisation des expositions intragroupes. Cette exclusion répond à des conditions rigoureuses ( 50 ), qui empêchent que des passifs ne soient exclus de la base de calcul des contributions lorsqu’il n’existe aucune garantie que les expositions de financement intragroupe seront couvertes en cas de détérioration de la santé financière du
groupe ( 51 ).

95. S’agissant des groupes d’établissements de crédit coopératif, comme celui que forment Iccrea Banca et les BCC auxquelles elle est liée, le législateur de l’Union a considéré qu’il n’existait aucune garantie que les expositions de financement intragroupe seront couvertes en cas de détérioration de la santé financière du groupe. Pour cette raison, il a choisi de ne pas exclure ce type de passifs de ceux qui entrent dans le calcul des contributions ordinaires, ce qui explique leur absence de la
liste de ceux qui sont énumérés à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.

96. En toute logique, la Cour ne peut remettre en cause ce choix du législateur de l’Union, à moins bien entendu que sa validité ne soit contestée, mais ni la juridiction de renvoi ni les parties au principal n’ont fait état de cette prétention.

IV. Conclusion

97. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre au Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) de la manière suivante :

1) Le renvoi préjudiciel est irrecevable en ce qui concerne les décisions du Conseil de résolution unique relatives aux contributions au Fonds de résolution unique au titre de 2016, notifiées par la Banque d’Italie à Iccrea Banca SpA Istituto Centrale del Credito Cooperativo. Ces décisions ne peuvent être attaquées que devant la Cour, les juridictions nationales étant incompétentes pour les annuler.

2) Pour ce qui touche aux décisions de la Banque d’Italie relatives aux contributions au Fonds national de résolution, les exceptions prévues à l’article 5, paragraphe 1, en particulier sous a) et f), du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution, ne s’appliquent pas aux passifs internes d’un système de
banques de crédit coopératif tel que celui en cause dans le litige au principal. Ces passifs doivent être pris en considération pour le calcul des contributions ordinaires au Fonds national de résolution susmentionné.

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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014,
L 173, p. 190).

( 3 ) Conclusions du 26 juin 2019 (ci‑après les « conclusions dans l’affaire State Street Bank International », EU:C:2019:539).

( 4 ) Règlement délégué de la Commission du 21 octobre 2014 complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

( 5 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1, ci‑après le « règlement MRU »).

( 6 ) Règlement d’exécution du Conseil du 19 décembre 2014 définissant des conditions uniformes d’application du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1).

( 7 ) Decreto legislativo, 16 novembre 2015 n. 180 ‑ Attuazione della direttiva 2014/59/UE del Parlamento europeo e del Consiglio, del 15 maggio 2014, che istituisce un quadro di risanamento e risoluzione degli enti creditizi e delle imprese di investimento e che modifica la direttiva 82/891/CEE del Consiglio, e le direttive 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE e 2013/36/UE e i regolamenti (UE), n. 1093/2010 e (UE) n. 648/2012, del Parlamento europeo e
del Consiglio (décret législatif du 16 novembre 2015 transposant la directive 2014/59) (GURI no 267, du 16 novembre 2015, ci‑après le « décret législatif no 180/2015 »).

( 8 ) Le Testo Unico Bancario de 1993 a transformé les « Casse Rurali e Artigiane » (Caisses rurales et artisanales) en « Banche di Credito Cooperativo » (BCC).

( 9 ) Ces décisions sont les suivantes :

– la décision no 1249264/15, du 24 novembre 2015, relative au paiement de la contribution ordinaire au FNR au titre de l’année 2015 ;

– la décision no 1262091/15, du 26 novembre 2015, relative au paiement de la contribution extraordinaire au FNR au titre de l’année 2015 ;

– la décision no 1547337/16, du 29 décembre 2016, par laquelle la Banque d’Italie a informé Iccrea Banca qu’elle devait payer deux tranches annuelles supplémentaires au FNR au titre de l’année 2016 du fait du dispositif de résolution affectant Banca delle Marche SpA, Banca Popolare dell’Etruria e del Lazio SpA, Cassa di Risparmio della provincia di Chieti SpA et Cassa di Risparmio di Ferrara SpA ;

– la décision no 333162/17, du 14 mars 2017, relative au paiement de 36687705 euros de contributions supplémentaires au FNR au titre de l’année 2016 ;

– la décision no 334520/17, du 14 mars 2017, relative au paiement d’un supplément de contributions au titre de l’année 2015 au FNR, imputable au remboursement d’un intermédiaire ayant effectué un paiement excessif par rapport à ce à quoi il était tenu en ce qui concerne l’appel de cotisation pour 2015 ;

– la décision no 585821/16, du 3 mai 2016, relative au paiement des contributions au FRU au titre de l’année 2016 ;

– la décision no 709417/16, du 27 mai 2016, relative à la correction des contributions au FRU au titre de l’année 2016, réclamées par la décision précédente.

( 10 ) Elle a également demandé la suspension de leurs effets, ainsi que le remboursement des sommes indûment payées et la condamnation de la Banque d’Italie à la réparation de l’ensemble des préjudices causés.

( 11 ) Elle prétend que la requérante est forclose à agir, que le recours est irrecevable pour défaut de notification à au moins une autre partie, que la requérante n’a pas qualité de partie à la procédure et qu’elle est dépourvue de toute qualité à agir ainsi que de tout intérêt à agir.

( 12 ) Voir note 9.

( 13 ) Décision de renvoi, point 4.1.

( 14 ) Les contributions additionnelles ne sont pas prévues par la législation de l’Union et ont été introduites afin de compléter les ressources du FNR, dans l’hypothèse où celles‑ci seraient insuffisantes du fait des procédures de résolution entreprises. Depuis l’année 2016, la Banque d’Italie peut exiger leur versement, en vertu de l’article 1 de la Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato, legge di stabilità 2016 (loi de stabilité de 2016) (GURI no 302, du
30 décembre 2015) et de l’article 25 du Decreto-legge 23 dicembre 2016, no 237, recante disposizioni urgenti per la tutela del risparmio nel settore creditizio (décret-loi no 237, du 23 décembre 2016) (GURI no 299, du 23 décembre 2016), converti en loi, avec des modifications par la loi no 15, du 17 février 2017 (GURI no 43, du 21 février 2017).

( 15 ) Naturellement, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur les autres exceptions d’irrecevabilité, d’ordre procédural, invoquées dans le cadre de chacun des recours dirigés contre ces décisions de la Banque d’Italie.

( 16 ) Arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, ci‑après l’« arrêt Berlusconi et Fininvest , EU:C:2018:1023).

( 17 ) Arrêt du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, ci‑après la « jurisprudence TWD Textilwerke Deggendorf , EU:C:1994:90, point 17).

( 18 ) Voir arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 93 et 94), et arrêt Berlusconi et Fininvest, point 43.

( 19 ) Voir arrêt Berlusconi et Fininvest, point 44. Par analogie, voir, également, arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, point 17).

( 20 ) Conclusions du 27 juin 2018 (C‑219/17, EU:C:2018:502, points 60 à 63).

( 21 ) L’intervention des autorités nationales dans ces procédures est, d’ailleurs, d’un niveau qualitatif moins marqué que dans les procédures d’autorisation d’acquisitions de participations qualifiées.

( 22 ) La première décision avait fixé la contribution d’Iccrea Banca au FRU pour 2016 à 18309577 euros, la seconde l’a ramenée à 18292713 euros.

( 23 ) Certaines précisions additionnelles concernant la coopération entre le CRU et les ANR figurent dans la Decision of the Plenary Session of the Board SRB/PS/2016/07, of 28 June 2016, establishing the framework for the practical arrangements for the cooperation within the Single Resolution Mechanism between the Single Resolution Board and the national resolution authorities (décision de la session plénière du Conseil du CRU du 28 juin 2016 établissant le cadre des modalités pratiques de la
coopération au sein du MRU entre le CRU et les ANR), https://srb.europa.eu/sites/srbsite/files/srb_ps_2016_07.pdf.

( 24 ) Voir informations disponibles sur https://srb.europa.eu/en/content/data-collection.

( 25 ) La différence avec la procédure d’autorisation des participations qualifiées dans des établissements de crédit analysée dans l’arrêt Berlusconi et Fininvest est claire, puisque l’autorité nationale (la Banque d’Italie) avait transmis à la BCE une proposition de décision, après une phase d’instruction préalable. Il en découle que le raisonnement suivi dans l’arrêt Berlusconi et Fininvest s’impose, a fortiori, dans des cas tels que celui en cause au principal.

( 26 ) Voir considérant 11 du règlement d’exécution 2015/81.

( 27 ) Voir informations utilisées pour le calcul des contributions ordinaires au FRU au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 : https://srb.europa.eu/en/content/ex-ante-contributions-0.

( 28 ) C’est ce qu’il ressort de la lecture combinée des articles 50, 53 et 54 du règlement MRU.

( 29 ) Le CRU s’efforce d’harmoniser la pratique des ANR en matière de perception, ainsi qu’on peut le lire dans son Rapport annuel, 2017, p. 39. Aux termes de ce rapport, « [l]e CRU, en collaboration avec les ANR, a travaillé à l’harmonisation de la manière dont les établissements étaient avertis de leurs montants de contribution. Cet effort a mené à deux réussites :

– La “décision d’évaluation principale” en 2017. Cette décision a eu pour but d’expliquer la méthode utilisée pour calculer les contributions ex ante de 2017. Elle a transposé les actes préparatoires selon le calcul effectué par le CRU aux premières étapes. Les ANR ont envoyé cette décision à tous les établissements ainsi que leurs notifications.

– Une “annexe harmonisée” individuelle pour chaque établissement. Ce document a fourni aux établissements les données d’entrée clés utilisées dans le calcul, les valeurs du calcul intermédiaire et la contribution finale. Il a été mis au point en étroite collaboration avec les ANR ».

( 30 ) Voir ordonnances du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU (T‑494/17, EU:T:2018:804, point 26) ; Credito Fondiario/CRU (T‑661/16, non publiée, EU:T:2018:806) ; Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑14/17, non publiée, EU:T:2018:812), et VR-Bank Rhein-Sieg/CRU (T‑42/17, non publiée, EU:T:2018:813). Le Tribunal n’a eu à se prononcer sur la thèse défendue par le CRU dans aucune de ces affaires, car les recours en annulation contre les décisions relatives aux contributions au FRU pour
l’année 2016 avaient été introduits hors délai.

( 31 ) Je ne crois pas que l’article 67, paragraphe 4, du règlement MRU, qui habilite les ANR à percevoir les contributions annuelles et à les transférer au FRU, permette d’affirmer que les ANR peuvent déterminer le montant de ces contributions. Les ANR ont le pouvoir de percevoir les montants fixés par le CRU, mais c’est ce dernier qui répond de leur légalité, et non les ANR. Les contestations susceptibles de naître dans le cadre de la procédure de perception et qui se limitent aux procédures
appliquées par les ANR peuvent, en revanche, faire l’objet de recours devant les juridictions nationales.

( 32 ) Ainsi, l’ANR espagnole, dénommée Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB), a indiqué dans la notification qu’elle a adressée à un établissement de crédit coopératif semblable à Iccrea Banca qu’il pouvait contester devant le Tribunal les décisions du CRU sur ses contributions au FRU pour l’année 2016. Cet établissement a formé un recours en annulation, qui est encore pendant devant le Tribunal (affaire T‑323/16, Banco Cooperativo Español/CRU).

( 33 ) J’ai reproduit la teneur de ce texte au point 6 des présentes conclusions. Le considérant 120 du règlement MRU réaffirme que « la Cour de justice est compétente pour contrôler la légalité des décisions adoptées par le CRU, le Conseil et la Commission, conformément à l’article [263 TFUE], ainsi que pour se prononcer sur leur responsabilité non contractuelle ».

( 34 ) Arrêt TWD Textilwerke Deggendorf, point 17, et arrêt du 25 juillet 2018, Georgsmarienhütte e.a. (C‑135/16, EU:C:2018:582, point 14).

( 35 ) Selon l’ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU (T‑494/17, EU:T:2018:804), Iccrea Banca a eu connaissance de l’existence de la décision du CRU du 15 avril 2016 par la lettre de l’ANR italienne du 3 mai 2016, reçue le même jour, qui l’informait que sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2016 était calculée par le CRU et lui indiquait le montant qu’elle devait verser, mais elle a cependant laissé s’écouler plus d’un an avant de saisir le Tribunal. Voir points 35
et 36 de cette ordonnance.

( 36 ) Le fait que le CRU a défendu la compétence des juridictions nationales pour contrôler la légalité des décisions relatives aux contributions ordinaires au FRU ne remet pas en cause cette conclusion.

( 37 ) « [L]a possibilité pour un justiciable de se prévaloir, dans le cadre d’un recours formé devant une juridiction nationale, de l’invalidité de dispositions contenues dans un acte de l’Union, qui constitue le fondement d’une décision nationale prise à son égard, présuppose, soit qu’il ait également introduit, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, un recours en annulation contre cet acte de l’Union dans les délais impartis, soit qu’il ne l’ait pas fait, faute de disposer sans aucun
doute du droit d’introduire un tel recours. » (voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2011, Bolton Alimentari, C‑494/09, EU:C:2011:87, points 22 et 23, du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 67, et du 25 juillet 2018, Georgsmarienhütte e.a., C‑135/16, EU:C:2018:582, point 17).

( 38 ) « [L]a nécessité pour une personne physique ou morale, afin de contester la légalité d’un acte de l’Union, d’introduire un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE lorsqu’elle a sans aucun doute qualité pour agir au sens du quatrième alinéa de cet article est sans préjudice de la possibilité offerte à ladite personne de contester la légalité des actes nationaux d’exécution de cet acte devant les juridictions nationales compétentes. » (arrêt du 25 juillet 2018,
Georgsmarienhütte e.a., C‑135/16, EU:C:2018:582, point 22).

( 39 ) Arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, points 15 à 18). Voir, également, arrêts du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 62), et du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, points 78 et 79).

( 40 ) Dans le même sens, « lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant notamment de l’article 101 TFUE qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission ». « Ce principe vaut également lorsque les juridictions nationales sont saisies d’une action en réparation du préjudice subi à la suite d’une entente ou d’une pratique dont la
contrariété avec l’article 101 TFUE a été constatée par une décision de cette institution » (arrêts du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB, C‑344/98, EU:C:2000:689, point 52, et du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, points 50 et 51).

( 41 ) Les autres facteurs sont : « b) la stabilité et la diversité des sources de financement de l’établissement et de ses actifs non grevés très liquides ; c) la situation financière de l’établissement ; d) la probabilité que l’établissement soit soumis à une procédure de résolution ; e) la mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ; f) la complexité de la structure de l’établissement et sa résolvabilité ; g) l’importance de l’établissement
pour la stabilité du système financier ou de l’économie d’un ou de plusieurs États membres ou de l’Union ; h) le fait que l’établissement appartient à un système de protection institutionnel. »

( 42 ) Septième directive du Conseil du 13 juin 1983 fondée sur l’article 54, paragraphe 3, point g) du traité, concernant les comptes consolidés (JO 1983, L 193, p. 1).

( 43 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil (JO 2013, L 182, p. 19).

( 44 ) Voir article 22, points 1 et 2, de la directive 2013/34.

( 45 ) Lors de l’audience, la Banque d’Italie a indiqué que les BCC ne pouvaient constituer des groupes bancaires en Italie jusqu’à une réforme législative entrée en vigueur en 2019, année au cours de laquelle Iccrea Banca et différentes BCC ont formé un groupe bancaire avec l’agrément de la BCE en sa qualité de banque centrale.

( 46 ) Décision de renvoi, point 3.1.

( 47 ) En particulier, Iccrea Banca offre aux BCC une série de services d’accès structuré à la gamme de financements collatéralisés (cash pooling) disponibles tant auprès de la BCE que sur le marché, par ouverture de crédit assortie de garanties en titres ; de la sorte, elle permet aux différentes BCC, qui en seraient sinon exclues, de réaliser des opérations de refinancement avec la BCE ou d’accéder aux marchés financiers.

( 48 ) Ces conditions sont les suivantes :

« a) il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement rapide de passifs par son entreprise mère ;

b) soit l’entreprise mère donne toute garantie à l’autorité compétente en ce qui concerne la gestion prudente de la filiale et a déclaré, avec le consentement de l’autorité compétente, se porter garante des engagements contractés par la filiale, soit les risques de la filiale sont négligeables ;

c) les procédures d’évaluation, de mesure et de contrôle des risques de l’entreprise mère couvrent la filiale ;

d) l’entreprise mère détient plus de 50 % des droits de vote attachés à la détention d’actions ou de parts dans le capital de la filiale et/ou a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de l’organe de direction de la filiale. »

( 49 ) Aux termes de l’article 3, point 27, du règlement délégué 2015/63, la « banque de développement » est « toute entreprise ou entité créée par une administration centrale ou régionale d’un État membre, qui octroie des prêts de développement sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif en vue de promouvoir les objectifs de politique publique de cette administration, sous réserve que celle‑ci ait l’obligation de protéger la base économique de l’entreprise ou de l’entité et de
préserver sa viabilité tout au long de son existence, ou garantisse directement ou indirectement au moins 90 % de son financement initial ou des prêts de développement qu’elle octroie ».

( 50 ) Cette exclusion ne doit être possible que pour autant que toutes les entités du groupe soient établies dans l’Union, soient intégralement incluses dans le même périmètre de consolidation, fassent l’objet d’une procédure appropriée et centralisée d’évaluation, de mesure et de contrôle des risques et qu’il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au prompt remboursement des passifs considérés à leur date d’échéance.

( 51 ) Voir considérants 8 et 9 du règlement délégué 2015/63.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-414/18
Date de la décision : 09/07/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Directive 2014/59/UE – Union bancaire – Redressement et résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement – Contributions annuelles – Calcul – Règlement (UE) no 806/2014 – Règlement d’exécution (UE) 2015/81 – Procédure uniforme pour la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement – Procédure administrative impliquant des autorités nationales et un organisme de l’Union – Pouvoir décisionnel exclusif du Conseil de résolution unique (CRU) – Procédure devant les juridictions nationales – Défaut d’introduction en temps utile d’un recours en annulation devant le juge de l’Union – Règlement délégué (UE) 2015/63 – Exclusion de certains passifs du calcul des contributions – Interconnexions entre plusieurs banques.

Politique économique et monétaire

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Libre prestation des services


Parties
Demandeurs : Iccrea Banca SpA Istituto Centrale del Credito Cooperativo
Défendeurs : Banca d'Italia.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:574

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