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20/06/2019 | CJUE | N°C-475/18

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Società Autocooperative Trasporti Italiani SpA (SATI) contre Azienda di Trasporti Molisana SpA., 20/06/2019, C-475/18


ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

20 juin 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Règlement (CE) no 1370/2007 – Services publics de transport de voyageurs – Article 5 – Attribution directe des contrats de service public – Interdiction en vertu du droit national – Article 8, paragraphe 2 – Régime transitoire »

Dans l’affaire C‑475/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil

d’État, Italie), par décision du 24 mai 2018, parvenue à la Cour le 20 juillet 2018, dans la procédure

Società...

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

20 juin 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Règlement (CE) no 1370/2007 – Services publics de transport de voyageurs – Article 5 – Attribution directe des contrats de service public – Interdiction en vertu du droit national – Article 8, paragraphe 2 – Régime transitoire »

Dans l’affaire C‑475/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 24 mai 2018, parvenue à la Cour le 20 juillet 2018, dans la procédure

Società Autocooperative Trasporti Italiani SpA (SATI)

contre

Azienda di Trasporti Molisana SpA (ATM),

en présence de :

Regione Molise,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions du règlement (CE) n^o 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n^o 1191/69 et (CEE) n^o 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Società Autocooperative Trasporti Italiani SpA (SATI) à l’Azienda di Trasporti Molisana SpA (ATM) au sujet de la conclusion, par la Regione Molise (Région du Molise, Italie), d’un contrat de service public de transport avec SATI par la voie de l’attribution directe et non par celle de la mise en concurrence modifiant le contrat de transport initial conclu avec cette société.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement n^o 1370/2007

3        Le considérant 31 du règlement n^o 1370/2007 énonce :

« Étant donné que les autorités compétentes et les opérateurs de services publics auront besoin de temps pour s’adapter aux dispositions du présent règlement, il convient de prévoir des régimes transitoires. En vue de l’attribution progressive de contrats de service public conformément au présent règlement, les États membres devraient présenter à la Commission un rapport sur l’état des travaux dans les six mois suivant la première moitié de la période transitoire. La Commission peut proposer des
mesures appropriées sur la base de ces rapports. »

4        L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)      “transports publics de voyageurs”, les services de transport de voyageurs d’intérêt économique général offerts au public sans discrimination et en permanence ;

b)      “autorité compétente”, toute autorité publique, ou groupement d’autorités publiques, d’un ou de plusieurs États membres, qui a la faculté d’intervenir dans les transports publics de voyageurs dans une zone géographique donnée, ou tout organe investi d’un tel pouvoir ;

c)      “autorité locale compétente”, toute autorité compétente dont la zone géographique de compétence n’est pas nationale ;

[...]

h)      “attribution directe”, attribution d’un contrat de service public à un opérateur de service public donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable ;

i)      “contrat de service public”, un ou plusieurs actes juridiquement contraignants manifestant l’accord entre une autorité compétente et un opérateur de service public en vue de confier à l’opérateur de service public la gestion et l’exploitation des services publics de transport de voyageurs soumis aux obligations de service public. Selon le droit des États membres, le contrat peut également consister en une décision arrêtée par l’autorité compétente qui :

–        prend la forme d’un acte individuel législatif ou réglementaire, ou

–        contient les conditions dans lesquelles l’autorité compétente elle-même fournit les services ou confie la fourniture de ces services à un opérateur interne ;

[...] »

5        L’article 3 dudit règlement, intitulé « Contrats de service public et règles générales », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’une autorité compétente décide d’octroyer à l’opérateur de son choix un droit exclusif et/ou une compensation, quelle qu’en soit la nature, en contrepartie de la réalisation d’obligations de service public, elle le fait dans le cadre d’un contrat de service public. »

6        Aux termes de l’article 5 du règlement n^o 1370/2007, intitulé « Attribution des contrats de service public » :

« 1.      Les contrats de service public sont attribués conformément aux règles établies dans le présent règlement. [...]

[...]

3.      Toute autorité compétente qui recourt à un tiers autre qu’un opérateur interne attribue les contrats de service public par voie de mise en concurrence, sauf dans les cas visés aux paragraphes 4, 5 et 6. La procédure adoptée pour la mise en concurrence est ouverte à tout opérateur, est équitable, et respecte les principes de transparence et de non-discrimination. Après la soumission des offres et une éventuelle présélection, la procédure peut donner lieu à des négociations dans le respect de
ces principes, afin de préciser les éléments permettant de répondre au mieux à la spécificité ou à la complexité des besoins.

4.      Sauf interdiction en vertu du droit national, les autorités compétentes peuvent décider d’attribuer directement des contrats de service public dont la valeur annuelle moyenne est estimée à moins de 1 000 000 d’euros ou qui ont pour objet la fourniture annuelle de moins de 300 000 kilomètres de services publics de transport de voyageurs.

Lorsqu’un contrat de service public est attribué directement à une petite ou moyenne entreprise n’exploitant pas plus de vingt-trois véhicules, les plafonds susmentionnés peuvent être relevés à une valeur annuelle moyenne estimée à moins de 2 000 000 d’euros ou à une fourniture annuelle de moins de 600 000 kilomètres de services publics de transport de voyageurs.

[...] »

7        L’article 8 de ce règlement, intitulé « Transition », dispose :

« 1.      Les contrats de service public sont attribués conformément aux règles établies dans le présent règlement. [...]

2.      Sans préjudice du paragraphe 3, l’attribution de contrats de services publics de transport par chemin de fer ou par route est conforme à l’article 5 à partir du 3 décembre 2019. Au cours de cette période transitoire, les États membres prennent des mesures pour se conformer progressivement à l’article 5 afin d’éviter de graves problèmes structurels concernant notamment les capacités de transport.

Dans un délai de six mois suivant la première moitié de la période transitoire, les États membres fournissent à la Commission un rapport d’avancement mettant l’accent sur la mise en œuvre de l’attribution progressive des contrats de service public conformément à l’article 5. Sur la base des rapports d’avancement des États membres, la Commission peut proposer des mesures appropriées, adressées aux États membres.

[...] »

8        Aux termes de l’article 12 dudit règlement, celui-ci est entré en vigueur le 3 décembre 2009.

 Le règlement (UE) 2016/2338

9        Le règlement n^o 1370/2007 a été modifié par le règlement (UE) 2016/2338 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2016 (JO 2016, L 354, p. 22), lequel est entré en vigueur, aux termes de l’article 2 de ce dernier, le 24 décembre 2017. Toutefois, à la date des faits en cause au principal, les modifications apportées au règlement n^o 1370/2007 par le règlement 2016/2338 n’étaient pas encore applicables.

10      L’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 1370/2007, tel que modifié, dispose :

« Sauf interdiction en vertu du droit national, l’autorité compétente peut décider d’attribuer directement des contrats de service public :

a)      dont la valeur annuelle moyenne est estimée à moins de 1 000 000 d’euros ou, dans le cas d’un contrat de service public incluant des services publics de transport de voyageurs par chemin de fer, moins de 7 500 000 euros ; ou

b)      qui ont pour objet la fourniture annuelle de moins de 300 000 kilomètres de services publics de transport de voyageurs ou, dans le cas d’un contrat de service public incluant des services publics de transport de voyageurs par chemin de fer, moins de 500 000 kilomètres.

Lorsqu’un contrat de service public est attribué directement à une petite ou moyenne entreprise n’exploitant pas plus de vingt-trois véhicules routiers, ces plafonds peuvent être relevés à une valeur annuelle moyenne estimée à moins de 2 000 000 d’euros ou à une fourniture annuelle de moins de 600 000 kilomètres de services publics de transport de voyageurs. »

11      L’article 8, paragraphe 2, du règlement n^o 1370/2007, tel que modifié, prévoit :

« Sans préjudice du paragraphe 3 :

i)      l’article 5 s’applique à l’attribution de contrats de service public relatifs à des services de transport de voyageurs par route et par des modes de transport ferroviaire autres que le chemin de fer, tels que le métro ou le tramway, à partir du 3 décembre 2019 ;

[...]

Jusqu’au 2 décembre 2019, les États membres prennent des mesures pour se conformer progressivement à l’article 5 afin d’éviter de graves problèmes structurels concernant notamment les capacités de transport.

[...] »

 Le droit italien

 Le décret législatif n^o 422 de 1997

12      L’article 18 du decreto legislativo n. 422 – Conferimento alle regioni ed agli enti locali di funzioni e compiti in materia di trasporto pubblico locale, a norma dell’articolo 4, comma 4, della legge 15 marzo 1997, n. 59 (décret législatif n^o 422, concernant le transfert aux régions et aux organismes locaux de fonctions et tâches en matière de transport public local conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la loi n^o 59, du 15 mars 1997), du 19 novembre 1997 (GURI n^o 287, du
10 décembre 1997, p. 4), intitulé « Organisation des services de transport public régional et local », dispose, à son paragraphe 2 :

« Dans le but d’inciter à dépasser les structures monopolistiques et d’introduire des règles de fonctionnement concurrentiel dans la gestion des services de transport régional et local, pour l’attribution des services, les régions et les collectivités locales respectent les principes de l’article 2 de la loi n^o 481 du 14 novembre 1995 et garantissent notamment : a) le recours aux procédures de mise en concurrence pour la sélection du gestionnaire du service, sur la base des éléments du contrat de
service prévu à l’article 19 et conformément à la réglementation communautaire et nationale en matière de marchés publics de services. [...] »

 La loi n^o 99 de 2009

13      L’article 61 de la legge n. 99 – Disposizioni per lo sviluppo e l’internazionalizzazione delle imprese, nonché in materia di energia (loi n^o 99, relative aux dispositions pour le développement et l’internationalisation des entreprises ainsi qu’en matière d’énergie), du 23 juillet 2009 (GURI du 31 juillet 2009), prévoit :

« En vue d’harmoniser le processus de libéralisation et d’ouverture à la concurrence du secteur du transport public régional et local avec les dispositions communautaires, les autorités compétentes pour l’adjudication de contrats de service peuvent se prévaloir, même en dérogeant à la réglementation applicable dans le secteur en question, des dispositions de l’article 5, paragraphes 2, 4, 5 et 6, et de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n^o 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du
23 octobre 2007. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

14      Le 28 novembre 2014, la Région du Molise et SATI ont conclu un contrat de service de transport public local pour la fourniture annuelle de 3 851 733,95 km.

15      Par décision du 30 juin 2015, la Région du Molise a modifié l’offre des services minimaux régionaux de transport public local et a augmenté cette fourniture annuelle de 149 939,75 km.

16      Les nouveaux services de transport qui résultaient de cette augmentation ont été directement attribués aux sociétés avec lesquelles des contrats de service étaient déjà en cours, de sorte qu’une grande partie des nouveaux services a ainsi été confiée à SATI. Ladite augmentation a en outre impliqué un accroissement des dépenses correspondantes de 330 000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée.

17      Il ressortait en effet du document d’instruction, joint à la décision du 30 juin 2015, que l’augmentation de l’offre des services régionaux de transport public local a été décidée, en urgence et de manière provisoire, en raison des nombreuses demandes des voyageurs réclamant la modification des horaires de certains trajets ainsi que le renforcement des lignes et la mise en place de nouvelles liaisons, dans l’attente de procéder à la révision de l’ensemble du programme des services régionaux
de transport public local.

18      À la suite de l’attribution directe du contrat de service public afférent aux nouveaux services dont SATI a bénéficié en vertu de cette décision du 30 juin 2015, la fourniture annuelle totale de services publics de transport de voyageurs par SATI aurait été portée, ainsi que cela ressort des réponses apportées par la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissements de la Cour, à 3 998 137,85 km. Par conséquent, l’attribution directe du contrat de service public en cause devant cette
juridiction aurait porté sur une fourniture annuelle additionnelle de 146 403,90 km.

19      ATM a introduit un recours devant le Tribunale amministrativo regionale per il Molise (tribunal administratif régional pour le Molise, Italie) contre la décision du 30 juin 2015, au motif, notamment, de l’illégalité de la procédure d’attribution directe du nouveau contrat de services publics à SATI sans mise en concurrence préalable.

20      Ce tribunal a, par jugement du 3 août 2017, accueilli ledit recours et annulé la décision du 30 juin 2015. Il a, tout d’abord, relevé que l’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 1370/2007 prévoyait la faculté de déroger à la règle de l’attribution des contrats de service public par voie de mise en concurrence lorsque certaines conditions, ayant trait à la valeur annuelle du contrat et au nombre de kilomètres à parcourir, étaient réunies. Ledit tribunal a, ensuite, précisé que cette
disposition permettait toutefois aux États membres d’interdire, en vertu de leur droit national, de recourir à cette faculté. Enfin, il a estimé que la législation nationale et régionale en cause devant lui prévoyait une telle interdiction, de telle sorte que l’attribution directe du contrat de service public en cause était illégale.

21      SATI a interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), en soutenant, notamment, que le tribunal de première instance avait interprété de manière erronée les dispositions législatives italiennes, lesquelles ne prévoiraient pas l’interdiction absolue de recourir à l’attribution directe des contrats de service public, telle que cette attribution est définie et permise à l’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 1370/2007.

22      La juridiction de renvoi constate qu’elle est saisie d’un litige dans lequel il existe un doute quant à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 1370/2007.

23      Selon elle, cette disposition, qui permet l’attribution directe des contrats de service public de faible importance, dits « de minimis », exclut néanmoins la possibilité de l’attribution directe si celle-ci est interdite par le droit national.

24      Cette juridiction se demande, dès lors, si l’interdiction de recourir à une telle attribution directe des contrats de service public peut résulter du seul fait que le législateur italien a prévu que ces contrats doivent être attribués à l’issue d’une mise en concurrence ou si une telle interdiction doit être prévue de manière expresse par la réglementation nationale à l’égard des contrats de service public pour lesquels le droit de l’Union prévoit la possibilité de recourir à l’attribution
directe.

25      Estimant que la solution du litige dont il est saisi nécessite l’interprétation des dispositions du règlement n^o 1370/2007, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 1370/2007 doit-il être interprété en ce sens qu’il existe dans la législation nationale une interdiction d’attribuer directement le service de transport public local qui exclut l’attribution directe également dans les cas où elle serait admise par la législation de l’Union, lorsque la règle générale de mise en concurrence est prévue pour l’attribution du service en question, ou bien, une telle interdiction existe-t-elle uniquement dans le cas d’une
interdiction spécifique de procéder à l’attribution directe, visant notamment les cas où une telle attribution est admise par la réglementation de l’Union ? »

 Sur la question préjudicielle

26      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, statuer par voie d’ordonnance motivée.

27      Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

28      Tout d’abord, il convient de constater que la juridiction de renvoi a considéré que le contrat de service public de transport en cause devant elle relevait du champ d’application du règlement n^o 1370/2007.

29      Il ressort de la décision de renvoi ainsi que de la réponse à la demande d’éclaircissements de la Cour, parvenue à la Cour le 18 février 2019, que la Région du Molise et SATI ont conclu, le 28 novembre 2014, un contrat de service de transport public local pour la fourniture annuelle de 3 851 733,95 km. Cette offre de services publics de transport a été étendue, à concurrence de 146 403,90 km de services de transport supplémentaires, les nouveaux services publics ayant été attribués
directement par la Région du Molise, en vertu de la décision du 30 juin 2015.

30      La juridiction de renvoi est ainsi saisie d’un litige portant sur la légalité de la décision du 30 juin 2015, par laquelle cette Région a attribué directement un contrat de service public relatif à une distance à parcourir inférieure au seuil fixé à l’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 1370/2007.

31      La juridiction de renvoi relève que cette disposition permet une attribution directe de contrats de service public, telle que celle en cause au principal, à supposer que cette possibilité d’attribution directe ne soit pas interdite par le droit national.

32      Elle n’exclut pas que les dispositions du droit national applicables dans l’affaire en cause au principal comportent une telle interdiction.

33      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en
considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 1^er février 2017, Município de Palmela, C‑144/16, EU:C:2017:76, point 20 et jurisprudence citée).

34      Dans le contexte de la présente affaire, se pose une question préalable à la question formulée par la juridiction de renvoi, à savoir celle de l’applicabilité ratione temporis de l’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 1370/2007 à cette affaire.

35      La réponse à cette question suppose d’examiner l’applicabilité du régime transitoire prévu à l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n^o 1370/2007.

36      En vertu de son article 12, le règlement n^o 1370/2007 est entré en vigueur le 3 décembre 2009, à savoir à une date antérieure à celle de l’adoption de la décision du 30 juin 2015 par la Région du Molise, attribuant directement à SATI le contrat de service public de transport par route portant sur les nouvelles offres de services.

37      Toutefois, l’article 8 dudit règlement, intitulé « Transition », prévoit, à son paragraphe 2, premier alinéa, que l’attribution de contrats de services publics de transport par route est conforme à l’article 5 de celui-ci à partir du 3 décembre 2019.

38      Il découle du libellé clair de l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n^o 1370/2007 que cette disposition établit une période transitoire de dix ans, qui court à compter de la date d’entrée en vigueur de ce règlement jusqu’au 2 décembre 2019, au cours de laquelle les autorités compétentes des États membres, lorsqu’elles attribuent un contrat de concession de services publics de transport par route, ne sont pas encore tenues de se conformer à l’article 5 de ce règlement
(arrêt du 21 mars 2019, Mobit et Autolinee Toscane, C‑350/17 et C‑351/17, EU:C:2019:237, point 39).

39      Ainsi, une décision d’attribution directe d’un contrat de service public peut être adoptée par une autorité compétente, au cours de cette période transitoire, sans devoir respecter les règles énoncées à l’article 5 du règlement n^o 1370/2007 (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Mobit et Autolinee Toscane, C‑350/17 et C‑351/17, EU:C:2019:237, point 40).

40      Cette interprétation est corroborée par le considérant 31 de ce règlement, dont il ressort sans équivoque que le législateur de l’Union a considéré qu’il convient de prévoir des régimes transitoires, car les autorités compétentes et les opérateurs de services publics ont besoin de temps pour s’adapter aux dispositions du règlement n^o 1370/2007 après l’entrée en vigueur de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Mobit et Autolinee Toscane, C‑350/17 et C‑351/17, EU:C:2019:237,
point 41).

41      Il découle du point 45 de l’arrêt du 21 mars 2019, Mobit et Autolinee Toscane (C‑350/17 et C‑351/17, EU:C:2019:237), que le régime transitoire prévu à l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, du règlement n^o 1370/2007 concerne l’ensemble des dispositions de l’article 5 de ce règlement, y compris le paragraphe 4 de celui-ci.

42      Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que l’article 5 et l’article 8, paragraphe 2, du règlement n^o 1370/2007 doivent être interprétés en ce sens que l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement n’est pas applicable à une décision d’une autorité locale compétente relative à une attribution directe d’un contrat de service public de transport local prise avant le 3 décembre 2019.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

L’article 5 et l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n^o 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n^o 1191/69 et (CEE) n^o 1107/70 du Conseil, doivent être interprétés en ce sens que l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement n’est pas applicable à une décision d’une autorité locale compétente relative à une attribution directe d’un contrat de
service public de transport local prise avant le 3 décembre 2019.

Signatures

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*      Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-475/18
Date de la décision : 20/06/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Règlement (CE) no 1370/2007 – Services publics de transport de voyageurs – Article 5 – Attribution directe des contrats de service public – Interdiction en vertu du droit national – Article 8, paragraphe 2 – Régime transitoire.

Transports


Parties
Demandeurs : Società Autocooperative Trasporti Italiani SpA (SATI)
Défendeurs : Azienda di Trasporti Molisana SpA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:526

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