ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
16 janvier 2019 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Accès à l’activité des établissements de monnaie électronique – Directive 2009/110/CE – Article 5, paragraphes 2 et 3 – Règles en matière de fonds propres – Fonds propres requis pour l’exercice d’activités liées à l’émission de monnaie électronique – Notion d’“activité liée à l’émission de monnaie électronique” – Émission de la monnaie électronique au profit du vendeur à la valeur nominale des fonds reçus »
Dans l’affaire C‑389/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 21 juin 2017, parvenue à la Cour le 29 juin 2017, dans la procédure engagée par
« Paysera LT » UAB, anciennement « EVP International » UAB,
en présence de :
Lietuvos bankas,
LA COUR (première chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice–présidente de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.–C. Bonichot, E. Regan (rapporteur), C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,
avocat général : M. M. Wathelet,
greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 juin 2018,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement lituanien, par Mmes R. Krasuckaitė, G. Taluntytė et V. Vasiliauskienė ainsi que par M. D. Kriaučiūnas, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mmes H. Tserepa-Lacombe et A. Steiblytė, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 octobre 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, et de l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (JO 2009, L 267, p. 7).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par « Paysera LT » UAB, anciennement « EVP International » UAB (ci-après « Paysera »), au sujet d’une décision du Lietuvos banko Priežiūros tarnyba (conseil de surveillance de la Banque de Lituanie) lui ayant notifié un avertissement en raison d’une application inappropriée des méthodes de calcul des fonds propres à certaines opérations de paiement (ci-après la « décision attaquée »).
Le cadre juridique
La directive 2009/110
3 Aux termes des considérants 2, 7 à 9 et 11 de la directive 2009/110 :
« (2) Dans le cadre de son réexamen de la directive 2000/46/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 18 septembre 2000, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements (JO 2000, L 275, p. 39)], la Commission a souligné la nécessité de réviser ladite directive, certaines de ses dispositions ayant été jugées préjudiciables à l’émergence d’un véritable marché unique des services de monnaie
électronique et au développement de services conviviaux de ce type.
[...]
(7) Il y a lieu de veiller à ce que la définition de la monnaie électronique soit claire afin qu’elle soit neutre sur le plan technique. Cette définition devrait couvrir toutes les situations dans lesquelles un prestataire de services de paiement émet en contrepartie de fonds une valeur stockée prépayée, qui peut être utilisée à des fins de paiement car elle est acceptée par des tiers en tant que paiement.
(8) La définition de la monnaie électronique devrait comprendre à la fois la monnaie électronique ayant pour support un dispositif de paiement que le détenteur de monnaie électronique a en sa possession et celle qui est stockée à distance sur un serveur et gérée par le détenteur de monnaie électronique par l’intermédiaire d’un compte spécifique de monnaie électronique. La définition devrait être assez générale pour ne pas nuire à l’innovation technologique et pour englober non seulement la
totalité des produits de monnaie électronique disponibles aujourd’hui sur le marché, mais également les produits qui pourraient être développés à l’avenir.
(9) Il y a lieu de réexaminer le régime de surveillance prudentielle des établissements de monnaie électronique et de mieux l’adapter aux risques propres à ces établissements. Il convient également de le rendre cohérent avec le régime de surveillance prudentielle applicable aux établissements de paiement régis par la directive 2007/64/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE,
2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1)]. À cet égard, les dispositions pertinentes de la directive 2007/64/CE devraient s’appliquer mutatis mutandis aux établissements de monnaie électronique, sans préjudice des dispositions de la présente directive. [...]
[...]
(11) Il convient d’établir un régime de capital initial, associé à un régime de capital permanent, afin d’assurer une protection adéquate des consommateurs et de garantir une gestion saine et prudente des établissements de monnaie électronique. Étant donné la spécificité de la monnaie électronique, il y a lieu de prévoir une méthode additionnelle pour le calcul du capital permanent. Il convient de conserver un pouvoir discrétionnaire complet en matière de contrôle, afin de veiller à ce que, pour
tous les prestataires de services de paiement, les mêmes risques soient soumis aux mêmes prescriptions et que la méthode de calcul couvre la situation commerciale spécifique d’un établissement de monnaie électronique donné. Il convient également de prévoir l’obligation, pour l’établissement de monnaie électronique, de maintenir une séparation entre les fonds des détenteurs de monnaie électronique et les fonds employés par l’établissement de monnaie électronique aux fins d’autres activités
commerciales. Les établissements de monnaie électronique devraient en outre être soumis à des réglementations efficaces en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. »
4 Selon l’article 2 de la directive 2009/110, intitulé « Définitions » :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
2) “monnaie électronique” : une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement telles que définies à l’article 4, point 5), de la directive 2007/64/CE et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ;
[...] »
5 L’article 5 de ladite directive, intitulé « Fonds propres », dispose, à ses paragraphes 2 et 3 :
« 2. En ce qui concerne les activités visées à l’article 6, paragraphe 1, point a), qui ne sont pas liées à l’émission de monnaie électronique, les fonds propres requis d’un établissement de monnaie électronique sont calculés conformément à l’une des trois méthodes (A, B ou C) énoncées à l’article 8, paragraphes 1 et 2, de la directive 2007/64/CE. Les autorités compétentes déterminent quelle méthode est appropriée conformément à la législation nationale.
En ce qui concerne l’activité d’émission de monnaie électronique, les fonds propres requis d’un établissement de monnaie électronique sont calculés conformément à la méthode D exposée au paragraphe 3.
Les établissements de monnaie électronique détiennent à tout moment des fonds propres qui sont supérieurs ou égaux à la somme des montants requis visés aux premier et deuxième alinéas.
3. Méthode D : les fonds propres d’un établissement de monnaie électronique pour l’activité d’émission de monnaie électronique s’élèvent à 2 % au minimum de la moyenne de la monnaie électronique en circulation. »
6 L’article 6 de la même directive, intitulé « Activités » prévoit, à son paragraphe 1, sous a) :
« 1. Outre l’émission de monnaie électronique, les établissements de monnaie électronique sont habilités à exercer chacune des activités suivantes :
la prestation des services de paiement énumérés en annexe de la directive 2007/64/CE ».
7 L’article 11 de la directive 2009/110, intitulé « Émission et remboursement », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Les États membres veillent à ce que les émetteurs de monnaie électronique émettent de la monnaie électronique à la valeur nominale contre la remise de fonds.
2. Les États membres veillent à ce que les émetteurs de monnaie électronique remboursent, à la demande du détenteur de monnaie électroniques, à tout moment et à la valeur nominale, la valeur monétaire de la monnaie électronique détenue. »
La directive 2007/64/CE
8 L’article 4 de la directive 2007/64/CE, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1), intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
3) “services de paiement” : toute activité exercée à titre professionnel énumérée dans l’annexe ;
[...]
5) “opération de paiement” : une action, initiée par le payeur ou le bénéficiaire, consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire ;
[...] »
9 L’article 8 de cette directive, intitulé « Calcul des fonds propres », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Nonobstant les exigences de capital initial énoncées à l’article 6, les États membres exigent que les établissements de paiement détiennent à tout moment des fonds propres calculés selon l’une des trois méthodes ci-après, conformément à ce que déterminent les autorités compétentes conformément à la législation nationale :
Méthode A
Le montant des fonds propres d’un établissement de paiement est au moins égal à 10 % de ses frais généraux fixes de l’année précédente. Les autorités compétentes peuvent ajuster cette exigence en cas de modification significative de l’activité de l’établissement de paiement par rapport à l’année précédente. Lorsqu’un établissement de paiement n’a pas enregistré une année complète d’activité à la date du calcul, il est exigé que le montant de ses fonds propres soit au moins égal à 10 % des frais
généraux fixes correspondants prévus dans son plan d’affaires, à moins que les autorités compétentes n’exigent un ajustement de ce plan.
Méthode B
Le montant des fonds propres de l’établissement de paiement est au moins égal à la somme des éléments suivants, multipliée par le facteur d’échelle k déterminé au paragraphe 2, où le volume des paiements (VP) représente un douzième du montant total des opérations de paiement exécutées par l’établissement de paiement au cours de l’année précédente :
a) 4,0 % de la tranche du VP allant jusqu’à 5000000 EUR
plus
b) 2,5 % de la tranche du VP comprise entre 5000000 EUR et 10000000 EUR
plus
a) 1 % de la tranche du VP comprise entre 10000000 et 100000000 EUR
plus
b) 0,5 % de la tranche du VP comprise entre 100000000 et 250000000 EUR
plus
c) 0,25 % de la tranche du VP supérieure à 250000000 EUR.
Méthode C
Le montant des fonds propres de l’établissement de paiement est au moins égal à l’indicateur applicable défini au point a), après application du facteur de multiplication déterminé au point b) puis du facteur d’échelle k déterminé au paragraphe 2 :
a) L’indicateur applicable est la somme des éléments suivants :
– produits d’intérêts,
– charges d’intérêts,
– commissions et frais perçus, et
– autres produits d’exploitation.
Chaque élément est inclus dans la somme avec son signe, positif ou négatif. Les produits exceptionnels ou inhabituels ne peuvent pas être utilisés pour calculer l’indicateur applicable. Les dépenses liées à l’externalisation de services fournis par des tiers peuvent minorer l’indicateur applicable si elles sont engagées par une entreprise faisant l’objet d’un contrôle au titre de la présente directive. L’indicateur applicable est calculé sur la base de l’observation de douze mois effectuée à la
fin de l’exercice précédent. Il est calculé sur l’exercice précédent. Cependant, les fonds propres calculés selon la méthode C ne peuvent pas être inférieurs à 80 % de la moyenne des trois exercices précédents pour l’indicateur applicable. Lorsque des chiffres audités ne sont pas disponibles, des estimations peuvent être utilisées.
b) Le facteur de multiplication est égal à :
i) 10 % de la tranche de l’indicateur applicable allant jusqu’à 2500000 EUR ;
ii) 8 % de la tranche de l’indicateur applicable comprise entre 2500000 EUR et 5000000 EUR ;
iii) 6 % de la tranche de l’indicateur applicable comprise entre 5000000 EUR et 25000000 EUR ;
iv) 3 % de la tranche de l’indicateur applicable comprise entre 25000000 EUR et 50000000 EUR ;
v) 1,5 % de la tranche de l’indicateur applicable supérieure à 50000000 EUR.
2. Le facteur d’échelle k à utiliser pour appliquer les méthodes B et C est égal à :
a) 0,5 lorsque l’établissement de paiement ne fournit que le service de paiement repris au point 6 de l’annexe ;
b) 0,8 lorsque l’établissement de paiement fournit le service de paiement repris au point 7 de l’annexe ;
c) 1 lorsque l’établissement de paiement fournit l’un des services de paiement repris aux points 1 à 5 de l’annexe. »
10 L’annexe de la directive 2007/64, intitulée « Services de paiement (article 4, point 3) », énonce la liste des activités considérées comme telles :
« 1. Les services permettant de verser des espèces sur un compte de paiement et toutes les opérations qu’exige la gestion d’un compte de paiement.
2. Les services permettant de retirer des espèces d’un compte de paiement et toutes les opérations qu’exige la gestion d’un compte de paiement.
3. L’exécution d’opérations de paiement, y compris les transferts de fonds sur un compte de paiement auprès du prestataire de services de paiement de l’utilisateur ou auprès d’un autre prestataire de services de paiement :
– l’exécution de prélèvements, y compris de prélèvements autorisés unitairement,
– l’exécution d’opérations de paiement par le biais d’une carte de paiement ou d’un dispositif similaire,
– l’exécution de virements, y compris d’ordres permanents.
4. L’exécution d’opérations de paiement dans le cadre desquelles les fonds sont couverts par une ligne de crédit accordée à l’utilisateur de services de paiement :
– l’exécution de prélèvements, y compris de prélèvements autorisés unitairement,
– l’exécution d’opérations de paiement par le biais d’une carte de paiement ou d’un dispositif similaire,
– l’exécution de virements, y compris d’ordres permanents.
5. L’émission et/ou l’acquisition d’instruments de paiement.
6. Les transmissions de fonds.
7. L’exécution d’opérations de paiement, lorsque le consentement du payeur à une opération de paiement est donné au moyen de tout dispositif de télécommunication, numérique ou informatique et que le paiement est adressé à l’opérateur du système ou du réseau de télécommunication ou informatique, agissant uniquement en qualité d’intermédiaire entre l’utilisateur de services de paiement et le fournisseur de biens ou services. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
11 Paysera est une société de droit lituanien qui possède des licences d’établissement de monnaie électronique et d’établissement de paiement attribuées par la Lietuvos bankas (Banque de Lituanie), lui conférant le droit d’émettre de la monnaie électronique et de fournir des services liés à l’émission de cette monnaie, ainsi que d’autres services de paiement.
12 À la suite d’un contrôle de l’activité de Paysera effectué par le conseil de surveillance de la Banque de Lituanie, celui-ci a, par la décision attaquée, notifié un avertissement à cette société et lui a imposé de mettre fin à l’infraction aux règles de calcul des fonds propres des établissements de monnaie électronique.
13 Le conseil de surveillance de la Banque de Lituanie a en effet refusé de reconnaître comme étant des services de paiement liés à l’émission de monnaie électronique les activités suivantes opérées par la requérante au principal :
– les paiements (virements) opérés par un détenteur de monnaie électronique à partir d’un compte de monnaie électronique qu’il détient dans un établissement de monnaie électronique vers les comptes de tiers, ouverts dans des établissements de crédit (ci-après le « service I ») ;
– le recueil de paiements au titre de biens et (ou) de services que livrent ou fournissent les clients (opérateurs) d’un établissement de monnaie électronique possédant des comptes de monnaie électronique, auprès des personnes acquérant ces biens ou services, qui ne participent pas au système de monnaie électronique (ci-après le « service II »).
14 Par la suite, le recours introduit contre la décision attaquée ayant été rejeté par une décision du 13 janvier 2016 du Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), la requérante au principal a introduit un pourvoi auprès du Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie).
15 La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si les services I et II doivent être qualifiés ou non de « services de paiement liés à l’émission de monnaie électronique ».
16 Dans ces conditions, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 5, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive [2009/110], doit-il être interprété en ce sens que, dans les circonstances de l’espèce, sont considérées comme des services de paiement liés (ou non liés) à l’émission de monnaie électronique :
a) une opération de paiement par laquelle, sur demande (sur ordre) du détenteur de monnaie électronique à l’établissement de monnaie électronique (l’émetteur), la monnaie électronique (les fonds à rembourser) est transférée à sa valeur nominale sur le compte bancaire d’un tiers ; et
b) une opération de paiement par laquelle, sur l’ordre du vendeur, l’acheteur (le payeur) des biens et (ou) services transfère (verse) des fonds au titre des biens et (ou) services à l’établissement de monnaie électronique (émetteur de monnaie électronique) qui, après la réception de ces fonds, émet la monnaie électronique au profit du vendeur (détenteur de la monnaie électronique) à la valeur nominale des fonds reçus ? »
Sur la question préjudicielle
17 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2009/110 doit être interprété en ce sens que des services fournis par des établissements de monnaie électronique dans le cadre d’opérations de paiement, tels que ceux en cause au principal, constituent des activités liées à l’émission de monnaie électronique.
18 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 5 de cette directive, les établissements de monnaie électronique sont tenus de respecter certaines exigences en matière de fonds propres.
19 En particulier, il ressort de l’article 5, paragraphes 2 et 3, de ladite directive que, en ce qui concerne l’activité d’émission de monnaie électronique, les fonds propres requis d’un établissement de monnaie électronique sont calculés conformément à la méthode D et doivent s’élever à 2 % au minimum de la moyenne de la monnaie électronique en circulation.
20 En revanche, en ce qui concerne les activités qui ne sont pas liées à l’émission de monnaie électronique et qui, pour ce motif, constituent des services de paiement au sens de l’article 4, point 3), de la directive 2007/64, les fonds propres requis d’un établissement de monnaie électronique sont calculés conformément à l’une des trois méthodes (A, B ou C) énoncées à l’article 8, paragraphes 1 et 2, de cette directive.
21 Il en résulte que, compte tenu des montants des fonds propres afférents à chacune de ces méthodes, un établissement de monnaie électronique est tenu de disposer de davantage de fonds propres lorsque ceux-ci sont calculés en vertu des méthodes A, B ou C, que lorsque ceux-ci le sont conformément à la méthode D.
22 Partant, il y a lieu de constater que l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 2009/110 crée, en ce qui concerne les services de paiement liés à l’émission de monnaie électronique, une exception aux règles relatives aux fonds propres prévues par la directive 2007/64, dans la mesure où ces services sont liés à l’activité d’émission de monnaie électronique.
23 Ainsi, afin de déterminer si les services en cause au principal constituent des activités liées à l’émission de monnaie électronique, il convient de déterminer si ces services sont intrinsèquement liés à l’émission ou au remboursement de monnaie électronique.
24 La notion d’« émission de monnaie électronique » n’est pas définie par la directive 2009/110, celle-ci se bornant à préciser, à son article 2, paragraphe 2, que la notion de « monnaie électronique » doit être entendue comme une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement telles que définies à l’article 4, point 5), de la directive 2007/64 et
qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique.
25 De son côté, l’article 4, point 5), de la directive 2007/64 définit l’opération de paiement comme étant une action, initiée par le payeur ou le bénéficiaire, consistant à verser, à transférer ou à retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire. De plus, ainsi qu’il ressort de l’article 4, point 3), de cette directive, lu conjointement avec l’annexe de ladite directive, l’exécution d’une opération de paiement, y compris le transfert de fonds
sur un compte de paiement, constitue un service de paiement.
26 Par ailleurs, il convient de relever que l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2009/110 fait obligation aux émetteurs de monnaie électronique de rembourser, à la demande du détenteur de monnaie électronique, à tout moment et à la valeur nominale, la valeur monétaire de la monnaie électronique détenue.
27 S’agissant de la notion de « remboursement », qui n’est pas définie par les directives 2007/64 et 2009/110, celle-ci consiste en la reconversion de la monnaie électronique à sa valeur nominale et le versement subséquent des fonds sur l’ordre du détenteur de la monnaie électronique. À cet égard, ces directives n’exigent pas que ces fonds soient versés sur le compte du détenteur de la monnaie électronique ou sur le compte d’un tiers.
28 Dès lors que l’émission de monnaie électronique implique inconditionnellement et automatiquement un droit au remboursement, la notion de « service de paiement lié à l’émission de monnaie électronique » comprend également le remboursement de la monnaie électronique, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2009/110.
29 Ainsi, un service de paiement fourni dans le but de permettre le remboursement de la valeur nominale de la monnaie électronique constitue une activité liée à l’émission de monnaie électronique.
30 Afin de déterminer si les services en cause au principal constituent des services de paiement liés à l’émission de monnaie électronique, il y a donc lieu de déterminer si la prestation de ces services déclenche l’émission ou le remboursement de la monnaie électronique dans le cadre d’une seule et même opération de paiement.
31 À cet égard, le service I consiste en une opération de paiement par laquelle, sur ordre du détenteur de la monnaie électronique, l’établissement de monnaie électronique rembourse les fonds à leur valeur nominale et les transfère sur le compte bancaire d’un tiers.
32 Dans la mesure où les fonds sont remboursés uniquement dans le but de leur transfert et dans le cadre d’une seule et même opération de paiement, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, un service tel que le service I peut être considéré comme étant lié à l’émission de monnaie électronique, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2009/110.
33 Quant au service II, il consiste en une opération par laquelle, sur ordre du vendeur, l’acheteur des biens ou des services transfère à cet effet des fonds à l’établissement de monnaie électronique, lequel émet, après réception de ces fonds, la monnaie électronique au profit du vendeur (détenteur de la monnaie électronique).
34 Sous réserve de vérifications par la juridiction de renvoi, un service tel que le service II est également directement lié à l’émission de monnaie électronique, dès lors que le transfert de fonds déclenche automatiquement, et ce dans le cadre d’une seule opération de paiement, l’émission de monnaie électronique. Le transfert de fonds est donc lié à l’émission de monnaie électronique.
35 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2009/110 doit être interprété en ce sens que des services fournis par des établissements de monnaie électronique dans le cadre d’opérations de paiement, tels que ceux en cause au principal, constituent des activités liées à l’émission de monnaie électronique, au sens de cette disposition, si ces services déclenchent l’émission ou le remboursement de monnaie électronique dans le
cadre d’une seule et même opération de paiement.
Sur les dépens
36 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 5, paragraphe 2, de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE, doit être interprété en ce sens que des services fournis par des établissements de monnaie électronique dans le cadre d’opérations de paiement,
tels que ceux en cause au principal, constituent des activités liées à l’émission de monnaie électronique, au sens de cette disposition, si ces services déclenchent l’émission ou le remboursement de monnaie électronique dans le cadre d’une seule et même opération de paiement.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.