ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
19 décembre 2018 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit – Procédure régie par la directive 2013/36/UE ainsi que par les règlements (UE) nos 1024/2013 et 468/2014 – Procédure administrative composite – Pouvoir décisionnel exclusif de la Banque centrale européenne (BCE) – Recours introduit contre des actes préparatoires adoptés par l’autorité nationale compétente –
Allégation de violation de l’autorité de la chose jugée s’attachant à une décision nationale »
Dans l’affaire C‑219/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 23 février 2017, parvenue à la Cour le 25 avril 2017, dans la procédure
Silvio Berlusconi,
Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest)
contre
Banca d’Italia,
Istituto per la Vigilanza Sulle Assicurazioni (IVASS),
en présence de :
Ministero dell’Economia e delle Finanze,
Banca Mediolanum SpA,
Holding Italiana Quarta SpA,
Fin. Prog. Italia di E. Doris & C. s.a.p.a.,
Sirefid SpA,
Ennio Doris,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, E. Regan, T. von Danwitz, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, J. Malenovský, E. Levits et L. Bay Larsen, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 avril 2018,
considérant les observations présentées :
– pour M. Berlusconi et Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest), par Mes A. Di Porto, R. Vaccarella, A. Saccucci, M. Carpinelli, B. Nascimbene, R. Baratta et N. Ghedini, avvocati,
– pour la Banca d’Italia, par Mes M. Perassi, G. Crapanzano, M. Mancini et O. Capolino, avvocati,
– pour le gouvernement espagnol, par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. V. Di Bucci, H. Krämer et K.-P. Wojcik ainsi que par Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,
– pour la Banque centrale européenne (BCE), par M. G. Buono ainsi que par Mmes C. Hernández Saseta et C. Zilioli, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 juin 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 256, paragraphe 1, et de l’article 263, premier, deuxième et cinquième alinéas, TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Silvio Berlusconi et Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest) à la Banca d’Italia (Banque d’Italie) et à l’Istituto per la Vigilanza sulle Assicurazioni (IVASS) [Institut pour la surveillance dans les assurances (IVASS), Italie] au sujet du contrôle de l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive CRD IV
3 Aux termes de l’article 22, intitulé « Notification et évaluation des acquisitions envisagées », de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338, directive dite « capital requirement », ci‑après la
« directive CRD IV ») :
« 1. Les États membres exigent de toute personne physique ou morale, agissant seule ou de concert avec d’autres (ci‑après dénommée “candidat acquéreur”), qui a pris la décision, soit d’acquérir, directement ou indirectement, une participation qualifiée dans un établissement de crédit, soit de procéder, directement ou indirectement, à une augmentation de cette participation qualifiée dans un établissement de crédit, de telle façon que la proportion de droits de vote ou de parts de capital détenue
atteigne ou dépasse les seuils de 20 %, de 30 % ou de 50 % ou que l’établissement de crédit devienne sa filiale (ci‑après dénommée “acquisition envisagée”), qu’elle notifie, par écrit et préalablement à l’acquisition, aux autorités compétentes pour l’établissement de crédit dans lequel elle souhaite acquérir ou augmenter une participation qualifiée, le montant envisagé de sa participation et les informations pertinentes précisées conformément à l’article 23, paragraphe 4. [...]
2. Les autorités compétentes accusent réception au candidat acquéreur, par écrit, de la notification effectuée en vertu du paragraphe 1 ou du complément d’informations effectué en vertu du paragraphe 3, rapidement, et en toute hypothèse dans un délai de deux jours ouvrables à compter de leur réception.
Les autorités compétentes disposent d’un délai maximal de soixante jours ouvrables à compter de la date de l’accusé écrit de réception de la notification et de tous les documents dont l’État membre exige la communication avec la notification sur la base de la liste visée à l’article 23, paragraphe 4 (ci‑après dénommé “période d’évaluation”), pour procéder à l’évaluation prévue à l’article 23, paragraphe 1 (ci‑après dénommée “évaluation”).
Les autorités compétentes communiquent au candidat acquéreur la date d’expiration de la période d’évaluation au moment de la délivrance de l’accusé de réception.
3. Les autorités compétentes peuvent, pendant la période d’évaluation, s’il y a lieu, et au plus tard le cinquantième jour ouvrable de la période d’évaluation, demander un complément d’information nécessaire pour mener à bien l’évaluation. Cette demande est faite par écrit et précise les informations complémentaires nécessaires.
Pendant la période comprise entre la date de la demande d’informations par les autorités compétentes et la réception d’une réponse du candidat acquéreur à cette demande, la période d’évaluation est suspendue. Cette suspension ne peut excéder vingt jours ouvrables. Les autorités compétentes ont la faculté de formuler d’autres demandes visant à recueillir des informations complémentaires ou des clarifications, mais ces demandes ne donnent pas lieu à une suspension de la période d’évaluation.
4. Les autorités compétentes peuvent porter la suspension visée au paragraphe 3, deuxième alinéa, à trente jours ouvrables si le candidat acquéreur est établi ou relève d’une réglementation d’un pays tiers, ou s’il est une personne physique ou morale qui n’est pas soumise à une surveillance en vertu de la présente directive ou des directives 2009/65/CE, 2009/138/CE ou 2004/39/CE.
5. Si les autorités compétentes décident de s’opposer à l’acquisition envisagée, elles en informent par écrit le candidat acquéreur dans un délai de deux jours ouvrables au terme de l’évaluation et sans dépasser la période d’évaluation, en indiquant les motifs de cette décision. Sous réserve du droit national, un exposé approprié des motifs de la décision peut être rendu accessible au public à la demande du candidat acquéreur. Un État membre a néanmoins le droit d’autoriser l’autorité compétente
à publier cette information en l’absence d’une demande du candidat acquéreur.
6. Si, au cours de la période d’évaluation, les autorités compétentes ne s’opposent pas par écrit à l’acquisition envisagée, celle-ci est réputée approuvée.
7. Les autorités compétentes peuvent fixer un délai maximal pour la conclusion de l’acquisition envisagée et, le cas échéant, le proroger.
8. Les États membres n’imposent pas, pour la notification aux autorités compétentes ou l’approbation par ces autorités d’acquisitions directes ou indirectes de droits de vote ou de parts de capital, des exigences plus contraignantes que celles prévues par la présente directive.
[...] »
4 L’article 23 de la directive CRD IV, intitulé « Critères d’évaluation », dispose :
« 1. En procédant à l’évaluation de la notification prévue à l’article 22, paragraphe 1, et des informations visées à l’article 22, paragraphe 3, les autorités compétentes évaluent, afin de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée et compte tenu de l’influence probable du candidat acquéreur sur cet établissement de crédit, le caractère approprié du candidat acquéreur et la solidité financière de l’acquisition envisagée conformément aux
critères suivants :
a) l’honorabilité du candidat acquéreur ;
b) l’honorabilité, les connaissances, les compétences et l’expérience, énoncées à l’article 91, paragraphe 1, de tout membre de l’organe de direction et de tout membre de la direction générale qui assureront la direction des activités de l’établissement de crédit à la suite de l’acquisition envisagée ;
c) la solidité financière du candidat acquéreur, compte tenu notamment du type d’activités exercées et envisagées au sein de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée ;
[...]
2. Les autorités compétentes ne peuvent s’opposer à l’acquisition envisagée que s’il existe des motifs raisonnables de le faire sur la base des critères énoncés au paragraphe 1 ou si les informations fournies par le candidat acquéreur sont incomplètes.
[...] »
5 L’article 119 de ladite directive, intitulé « Inclusion des compagnies holding dans la surveillance sur base consolidée », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les États membres arrêtent les mesures nécessaires, le cas échéant, à l’inclusion des compagnies financières holding et des compagnies financières holding mixtes dans la surveillance sur base consolidée. »
Le règlement MSU
6 Aux termes du considérant 11 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63, règlement dit « mécanisme de surveillance unique », ou MSU, ci‑après le « règlement MSU ») :
« Il convient [...] de créer une union bancaire au sein de l’Union, fondée sur un corpus réglementaire unique complet et détaillé pour les services financiers, qui vaille pour l’ensemble du marché intérieur et qui comprenne un mécanisme de surveillance unique et de nouveaux cadres pour la garantie des dépôts et la résolution des défaillances bancaires. [...] »
7 L’article 1er dudit règlement, intitulé « Objet et champ d’application », dispose :
« Le présent règlement confie à la [Banque centrale européenne (BCE)] des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, en tenant pleinement compte de l’unité et de l’intégrité du marché intérieur et en remplissant à cet égard un devoir de diligence, un traitement
égal étant réservé aux établissements de crédit pour éviter les arbitrages réglementaires.
[...]
Le présent règlement est sans préjudice des responsabilités et pouvoirs correspondants dont sont investies les autorités compétentes des États membres participants pour l’exercice des missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE par le présent règlement.
[...] »
8 L’article 4 du même règlement est ainsi rédigé :
« 1. Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :
[...]
c) évaluer les notifications d’acquisitions et de cessions de participations qualifiées dans les établissements de crédit, sauf dans le cadre de la résolution des défaillances bancaires et sous réserve de l’article 15 ;
[...]
3. Aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le présent règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et que ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre d’options, la BCE applique également
la législation nationale faisant usage de ces options.
[...] »
9 L’article 6, paragraphe 1, du règlement MSU prévoit que la BCE s’acquitte de ses missions dans le cadre d’un mécanisme de surveillance unique, composé d’elle-même et des autorités compétentes nationales (ci‑après les « ACN »), et dont elle est chargée de veiller au fonctionnement efficace et cohérent. En vertu du paragraphe 2 du même article, tant la BCE que les ACN sont tenues au devoir de coopération loyale et à l’obligation d’échanger des informations. Sans préjudice du pouvoir de la BCE de
recevoir directement les informations déclarées en continu par les établissements de crédit, ou d’y avoir accès directement, les ACN communiquent en particulier à la BCE toutes les informations nécessaires aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par ce règlement.
10 L’article 9 dudit règlement, intitulé « Pouvoirs de surveillance et d’enquête », énonce, à son paragraphe 1 :
« Aux seules fins de l’accomplissement des missions que lui confient l’article 4, paragraphes 1 et 2, et l’article 5, paragraphe 2, la BCE est considérée, selon le cas, comme l’autorité compétente ou l’autorité désignée des États membres participants, conformément aux dispositions pertinentes du droit de l’Union.
À ces seules et mêmes fins, la BCE est investie de l’ensemble des pouvoirs et soumise à l’ensemble des obligations prévus dans le présent règlement. Elle est également investie de l’ensemble des pouvoirs et soumise à l’ensemble des obligations qui incombent aux autorités compétentes et désignées en vertu des dispositions pertinentes du droit de l’Union, sauf disposition contraire du présent règlement. La BCE est notamment investie des pouvoirs énumérés dans les sections 1 et 2 du présent
chapitre.
Dans la mesure nécessaire pour accomplir les tâches qui lui incombent en vertu du présent règlement, la BCE peut demander, par voie d’instructions, que les autorités nationales précitées fassent usage de leurs pouvoirs, conformément aux dispositions nationales en vigueur, lorsque le présent règlement ne confère pas de tels pouvoirs à la BCE. Lesdites autorités nationales informent dûment la BCE de l’exercice de ces pouvoirs. »
11 L’article 15 du même règlement, intitulé « Évaluation d’acquisitions de participations qualifiées », dispose :
« 1. Sans préjudice des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, point c), toute notification d’une acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit établi dans un État membre participant ou toute information y relative est déposée auprès des [ACN] de l’État membre dans lequel l’établissement de crédit est établi, conformément aux conditions prévues dans les dispositions pertinentes du droit national fondé sur les actes visés à l’article 4, paragraphe 3, premier
alinéa.
2. L’[ACN] évalue l’acquisition proposée et transmet à la BCE la notification et une proposition de décision, fondée sur les critères prévus dans les actes visés à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, visant à s’opposer ou à ne pas s’opposer à l’acquisition [...] et prête assistance à la BCE conformément à l’article 6.
3. La BCE décide de s’opposer ou non à l’acquisition sur la base des critères d’évaluation énoncés dans les dispositions pertinentes du droit de l’Union, conformément à la procédure qui y est définie et dans les délais qui y sont prévus. »
Le règlement-cadre MSU
12 Le règlement (UE) no 468/2014 de la Banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1, et rectificatif JO 2018, L 65, p. 48), adopté conformément à l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU, établit le cadre de la coopération, au sein du mécanisme de
surveillance unique, entre la BCE et les ACN.
13 L’article 85 du règlement-cadre MSU, intitulé « Notification aux [ACN] de l’acquisition d’une participation qualifiée », dispose :
« 1. L’[ACN] qui reçoit une notification d’une intention d’acquérir une participation qualifiée dans un établissement de crédit établi dans un État membre participant informe la BCE de cette notification, au plus tard cinq jours ouvrés à compter de l’accusé réception conformément à l’article 22, paragraphe 2, de la directive [CRD IV].
2. L’[ACN] indique à la BCE si elle doit interrompre la période d’examen en raison d’une demande d’informations supplémentaires. L’[ACN] envoie ces informations supplémentaires à la BCE dans les cinq jours ouvrés suivant leur réception par l’[ACN].
3. L’[ACN] informe également la BCE de la date avant laquelle la décision de s’opposer ou de ne pas s’opposer à l’acquisition d’une participation qualifiée doit être notifiée au demandeur en vertu du droit national applicable. »
14 L’article 86 de ce règlement, intitulé « Examen des acquisitions potentielles », dispose :
« 1. L’[ACN] à laquelle est notifiée une intention d’acquérir une participation qualifiée dans un établissement de crédit examine si cette acquisition éventuelle satisfait à toutes les conditions prévues par les dispositions pertinentes du droit de l’Union et du droit national. À la suite de l’examen, l’[ACN] prépare un projet de décision proposant que la BCE s’oppose ou ne s’oppose pas à l’acquisition.
2. L’[ACN] présente la proposition de décision visant à s’opposer ou à ne pas s’opposer à l’acquisition à la BCE, au moins quinze jours ouvrés avant l’expiration de la période d’examen telle que définie par les dispositions applicables du droit de l’Union. »
15 L’article 87 dudit règlement, intitulé « Décision de la BCE relative à une acquisition », est ainsi rédigé :
« La BCE décide de s’opposer ou de ne pas s’opposer à une acquisition sur la base de son examen de l’acquisition envisagée et du projet de décision de l’[ACN]. Le droit d’être entendu prévu à l’article 31 est applicable. »
Le droit italien
La législation sur la surveillance bancaire
16 L’article 19 du decreto legislativo n. 385 – Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia (décret législatif no 385 – Texte unique des lois en matière bancaire et de crédit), du 1er septembre 1993 (supplément ordinaire à la GURI no 230, du 30 septembre 1993), tel que modifié par le decreto legislativo n. 72 (décret législatif no 72), du 12 mai 2015 (ci-après le « texte unique bancaire »), qui a transposé en droit italien le contenu de la directive CRD IV, attribue à la Banque d’Italie
la compétence pour délivrer les autorisations d’acquisition de participations qualifiées dans des établissements financiers. Le paragraphe 5 de cet article précise que ces autorisations sont délivrées « en présence de conditions propres à garantir une gestion saine et prudente de la banque, en appréciant la qualité de l’acquéreur potentiel et la solidité financière du projet d’acquisition sur la base des critères suivants : la réputation de l’acquéreur potentiel au sens de l’article 25 [...] ».
17 L’article 25 du texte unique bancaire, intitulé « Participation au capital », précise, à son paragraphe 1, que les titulaires des participations visées à l’article 19 du texte unique bancaire doivent posséder des qualités d’honorabilité et satisfaire à des critères de compétence et d’intégrité en vue d’assurer la gestion saine et prudente de la banque.
18 À titre transitoire, l’article 2, paragraphe 8, du décret législatif no 72, du 12 mai 2015, prévoit que les dispositions concernant les conditions d’honorabilité des titulaires des participations dans des établissements financiers en vigueur avant l’adoption de ce décret continuent de s’appliquer.
19 Les dispositions en question ont été incluses dans le decreto ministeriale n. 144 – regolamento recante norme per l’individuazione dei requisiti di onorabilità dei partecipanti al capitale sociale delle banche e fissazione della soglia rilevante (décret ministériel no 144, règlement portant les règles de définition des conditions d’honorabilité des titulaires de participations dans le capital des banques et fixation des seuils pertinents), du 18 mars 1998, dont l’article 1er précise les
condamnations qui affectent négativement l’honorabilité de la personne concernée et qui entraînent ainsi le non-respect de la condition requise.
20 L’article 2 du décret ministériel no 144, du 18 mars 1998, dispose, à titre transitoire, que, « pour les titulaires d’une participation au capital d’une banque à la date d’entrée en vigueur du présent règlement, le manquement aux conditions prévues à l’article 1er du présent règlement qui ne figuraient pas dans la réglementation antérieure est sans incidence, pour les éléments qui se sont produits avant cette date, uniquement pour ce qui concerne les participations acquises antérieurement ».
21 Quant aux compagnies financières holding mixtes (ci‑après les « CFHM »), l’article 63 du texte unique bancaire, adopté conformément à l’article 119 de la directive CRD IV, a soumis leurs associés qualifiés aux mêmes obligations que celles imposées à ceux des établissements bancaires.
22 L’article 67 bis, paragraphe 2, du texte unique bancaire précise que la Banque d’Italie et l’IVASS doivent assurer conjointement le respect de ces obligations lorsque les sociétés en question ont leur siège en Italie et sont à la tête de conglomérats financiers, dans leur totalité ou en partie, italiens.
La réglementation relative au contentieux administratif
23 La procédure administrative contentieuse italienne prévoit une azione di ottemperanza.
24 À cet égard, l’article 21 septies, paragraphe 1, de la legge n. 241 – nuove norme in materia di procedimento amministrativo e di diritto di accesso ai documenti amministrativi (loi no 241, portant nouvelles dispositions relatives à la procédure administrative et au droit d’accès aux documents administratifs), du 7 août 1990, telle que modifiée par la loi no 15, du 11 février 2005, dispose :
« Est nulle toute décision administrative [...] qui a été adoptée en violation ou contournement d’une décision passée en force de chose jugée [...] »
25 L’article 112 du Codice del processo amministrativo (code de procédure administrative) prévoit :
« 1. Les décisions du juge administratif doivent être exécutées par l’administration publique et par les autres parties.
2. L’azione di ottemperanza peut être introduite en vue d’obtenir l’exécution :
[...]
c) des décisions ayant acquis force de chose jugée et des autres mesures équivalentes du juge ordinaire, afin d’obtenir le respect de l’obligation de l’administration publique de se conformer à la décision rendue dans l’affaire et ayant force de chose jugée.
[...] »
26 Aux termes de l’article 114, paragraphe 4, sous b), du code de procédure administrative, le juge saisi de l’azione di ottemperanza, s’il fait droit au recours, « déclare nuls les actes éventuellement pris en violation ou en contournement de la décision passée en force de chose jugée ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
27 Dans les années 1990, M. Berlusconi avait acquis, par l’intermédiaire de Fininvest, environ 30 % de Mediolanum SpA, qui était alors une CFHM contrôlant notamment une banque, Banca Mediolanum SpA, et qui fut à ce titre soumise à la surveillance des participations qualifiées en Italie à partir de l’année 2014.
28 À la suite de l’arrêt no 35729/13 de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), devenu définitif le 1er août 2013, par lequel il a été déclaré coupable de fraude fiscale, M. Berlusconi a fait l’objet d’une procédure des autorités de surveillance italiennes compétentes, à savoir la Banque d’Italie et l’IVASS, qui a abouti à une décision constatant qu’il avait cessé de remplir la condition d’honorabilité prévue par la législation applicable et que, dès lors, la participation de
Fininvest dans Mediolanum excédant 9,999 % devait être cédée.
29 M. Berlusconi et Fininvest ont attaqué cette décision devant la justice italienne, en soulevant notamment un moyen relatif à l’application de la loi dans le temps, tiré de ce que la cause de l’insuffisance d’honorabilité ayant justifié l’opposition à l’acquisition de la participation qualifiée en cause était apparue antérieurement à l’entrée en vigueur de la réglementation posant cette condition, et ne relevait donc pas de l’application de cette réglementation. Après un rejet de leur recours en
première instance, les requérants ont obtenu gain de cause devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), qui a jugé, le 3 mars 2016, que la législation antérieure à l’adoption des critères d’honorabilité, dont les requérants se prévalaient, était demeurée applicable en dépit d’arguments contraires tendant à montrer qu’elle devait être regardée comme implicitement abrogée du fait de sa contrariété avec le droit de l’Union.
30 Entretemps, la CFHM Mediolanum a été absorbée par sa filiale Banca Mediolanum, en conséquence de quoi Fininvest s’est retrouvée titulaire d’une participation qualifiée, non plus dans une CFHM, mais directement dans un établissement de crédit. La Banque d’Italie et la BCE en ont déduit qu’une nouvelle demande d’autorisation, relative à cette participation qualifiée, était requise, sur le fondement des articles 22 et suivants de la directive CRD IV ainsi que des articles 19 et suivants du texte
unique bancaire.
31 Conformément aux indications fournies par la BCE par lettre du 24 juin 2016, la Banque d’Italie a invité Fininvest, le 14 juillet 2016, à présenter une demande d’autorisation dans un délai de quinze jours. Aucune suite n’ayant été donnée à cette invitation, la Banque d’Italie a décidé, le 3 août 2016, d’ouvrir d’office une procédure administrative, en précisant que la compétence décisionnelle en la matière revenait à la BCE en vertu de l’article 4 du règlement MSU.
32 Après avoir reçu la documentation de Fininvest, la Banque d’Italie a transmis à la BCE, en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement MSU, une proposition de décision, datée du 23 septembre 2016, contenant un avis défavorable quant à l’honorabilité des acquéreurs de la participation en cause dans Banca Mediolanum et invitant la BCE à s’opposer à l’acquisition.
33 La BCE s’est rangée aux arguments de la Banque d’Italie et a approuvé un projet de décision, qu’elle a transmis à M. Berlusconi et à Fininvest afin qu’ils formulent des observations. La BCE a adopté une décision finale le 25 octobre 2016.
34 Dans cette décision, la BCE a considéré qu’il existait des doutes fondés quant à l’honorabilité des acquéreurs de la participation dans Banca Mediolanum. Compte tenu de ce que M. Berlusconi, actionnaire majoritaire et propriétaire effectif de Fininvest, était l’acquéreur indirect de la participation dans Banca Mediolanum et qu’il avait été condamné définitivement à une peine de quatre ans d’emprisonnement pour fraude fiscale, la BCE a estimé que la condition d’honorabilité imposée par la
législation nationale aux détenteurs de participations qualifiées n’était pas satisfaite. Cette institution s’est également fondée sur le fait que M. Berlusconi aurait commis d’autres irrégularités et fait l’objet d’autres condamnations, à l’instar d’autres membres des organes de direction de Fininvest.
35 Pour ces motifs, la BCE a considéré que les acquéreurs de la participation qualifiée dans Banca Mediolanum ne répondaient pas à cette condition d’honorabilité et qu’il existait de sérieux doutes sur leur capacité d’assurer à l’avenir une gestion saine et prudente de cet établissement financier. La BCE s’est, en conséquence, opposée à l’acquisition de la participation qualifiée dans Banca Mediolanum par M. Berlusconi et Fininvest.
36 Ces derniers ont, premièrement, attaqué la décision de la BCE du 25 octobre 2016 par la voie d’un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne (affaire Fininvest et Berlusconi/BCE, T‑913/16). Deuxièmement, Fininvest a, pour sa part, saisi le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) en vue d’obtenir l’annulation des actes de la Banque d’Italie préparatoires à cette décision de la BCE. Troisièmement, M. Berlusconi et
Fininvest ont introduit devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État) une azione di ottemperanza.
37 Dans le cadre de cette dernière action, M. Berlusconi et Fininvest font valoir que la proposition de décision de la Banque d’Italie mentionnée au point 32 du présent arrêt serait nulle pour méconnaissance de l’autorité qui s’attacherait à la chose jugée par l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) mentionné au point 29 du présent arrêt, rendu dans le cadre du litige relatif à leur participation qualifiée dans Mediolanum. En défense, la Banque d’Italie a notamment excipé de l’incompétence
des juridictions nationales pour connaître de cette action, s’agissant d’actes préparatoires dépourvus de contenu décisionnel, visant à l’adoption d’une décision relevant de la compétence exclusive d’une institution de l’Union, et qui ressortiraient, au même titre que la décision finale, à la compétence du seul juge de l’Union.
38 Après avoir joint les requêtes de M. Berlusconi et de Fininvest, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a estimé que la procédure en cause pouvait s’apparenter tant à une « procédure unique », dont les actes seraient soumis au seul contrôle du juge de l’Union, qu’à une « procédure complexe », dont les actes relevant de la phase nationale pourraient être soumis à un contrôle juridictionnel au niveau national, et ce même si cette phase nationale se termine par un acte qui n’est pas contraignant
pour l’autorité de l’Union compétente pour prendre la décision finale.
39 C’est dans ce contexte que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions combinées de l’article 263, premier, deuxième et cinquième alinéas, TFUE et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE doivent-elles être interprétées en ce sens que c’est le juge de l’Union ou le juge national qui est compétent pour connaître d’un recours formé contre des actes d’ouverture, préparatoires et de proposition non contraignante pris par l’[ACN] [...] dans le cadre de la procédure prévue aux articles 22 et 23 de la directive [CRD IV], à l’article 1er, paragraphe 5, à
l’article 4, paragraphe 1, sous c), et à l’article 15 du règlement [MSU], aux articles 85 à 87 du [règlement‑cadre MSU] ainsi qu’aux articles 19, 22 et 25 du [texte unique bancaire] ?
2) Plus précisément, le juge de l’Union peut-il être compétent lorsque ces actes ne sont pas attaqués par un recours ordinaire en annulation, mais font l’objet d’une demande de nullité pour violation ou contournement de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’arrêt [...] rendu le 3 mars 2016 par le Consiglio di Stato (Conseil d’État), demande formée dans le cadre d’un recours en exécution introduit en vertu des articles 112 et suivants du code de procédure administrative, c’est-à-dire dans
le cadre d’une procédure propre au régime de la procédure administrative nationale, la décision à rendre sur cette demande supposant d’interpréter et d’identifier, suivant les règles du droit national, les limites objectives de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à cet arrêt ? »
Sur les questions préjudicielles
40 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 263 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce que les juridictions nationales exercent un contrôle de légalité sur les actes d’ouverture, préparatoires ou de proposition non contraignante adoptés par les ACN dans le cadre de la procédure prévue aux articles 22 et 23 de la directive CRD IV, à l’article 4, paragraphe 1, sous c), et à l’article 15 du règlement MSU
ainsi qu’aux articles 85 à 87 du règlement‑cadre MSU, et si la réponse à cette question diffère lorsqu’une juridiction nationale est saisie par la voie d’une action spécifique en nullité pour violation alléguée de l’autorité de la chose jugée s’attachant à une décision de justice nationale.
41 Il y a lieu, à titre liminaire, de préciser les effets sur la répartition des compétences entre juridictions de l’Union et juridictions des États membres de l’implication d’autorités nationales dans le cours d’une procédure, telle que celle en cause au principal, conduisant à l’adoption d’un acte de l’Union.
42 Il convient, à cet égard, de rappeler que l’article 263 TFUE confère à la Cour de justice de l’Union européenne la compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes pris par les institutions de l’Union, dont fait partie la BCE.
43 L’éventuelle implication des autorités nationales dans le cours de la procédure conduisant à l’adoption de tels actes ne saurait mettre en cause leur qualification d’actes de l’Union, lorsque les actes pris par les autorités nationales sont une étape d’une procédure dans laquelle une institution de l’Union exerce, seule, le pouvoir décisionnel final sans être liée par les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007,
Suède/Commission, C-64/05 P, EU:C:2007:802, points 93 et 94).
44 En effet, dans un tel cas de figure, où le droit de l’Union ne vise pas à instaurer un partage entre deux compétences, l’une nationale, l’autre de l’Union, qui auraient des objets distincts, mais consacre, au contraire, le pouvoir décisionnel exclusif d’une institution de l’Union, il revient au juge de l’Union, au titre de sa compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost,
314/85, EU:C:1987:452, point 17), de statuer sur la légalité de la décision finale prise par l’institution de l’Union en cause et d’examiner, afin d’assurer une protection juridictionnelle effective des intéressés, les éventuels vices entachant les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales qui seraient de nature à affecter la validité de cette décision finale.
45 Cela étant, un acte d’une autorité nationale qui s’insère dans un processus décisionnel de l’Union ne relève pas de la compétence exclusive du juge de l’Union lorsqu’il résulte de la répartition des compétences opérée dans le domaine considéré entre les autorités nationales et les institutions de l’Union que l’acte pris par l’autorité nationale est une étape nécessaire d’une procédure d’adoption d’un acte de l’Union dans laquelle les institutions de l’Union ne disposent que d’une marge
d’appréciation limitée ou inexistante, de sorte que l’acte national lie l’institution de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission, C‑97/91, EU:C:1992:491, points 9 et 10).
46 C’est alors aux juridictions nationales de connaître des irrégularités dont un tel acte national serait éventuellement entaché, en saisissant le cas échéant la Cour à titre préjudiciel, dans les mêmes conditions de contrôle que celles réservées à tout acte définitif qui, pris par la même autorité nationale, est susceptible de faire grief à des tiers, et de considérer d’ailleurs, au nom du principe de protection juridictionnelle effective, comme recevable le recours introduit à cette fin quand
bien même les règles de procédure nationales ne le prévoiraient pas (voir, en ce sens, arrêts du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission, C‑97/91, EU:C:1992:491, points 11 à 13 ; du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a., C‑269/99, EU:C:2001:659, point 58, ainsi que du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia, C‑343/07, EU:C:2009:415, point 57).
47 Cette précision étant faite, il y a lieu de relever qu’il découle d’une lecture de l’article 263 TFUE à la lumière du principe de coopération loyale entre l’Union et les États membres inscrit à l’article 4, paragraphe 3, TUE que les actes pris par les autorités nationales dans le cadre d’une procédure telle que celle visée aux points 43 et 44 du présent arrêt ne sauraient être soumis au contrôle des juridictions des États membres.
48 Il convient, à cet égard, de souligner que lorsque le législateur de l’Union opte pour une procédure administrative qui prévoit l’adoption par les autorités nationales d’actes préparatoires à une décision finale d’une institution de l’Union produisant des effets de droit et susceptible de faire grief, il entend établir, entre cette institution et ces autorités nationales, un mécanisme particulier de collaboration qui repose sur la compétence décisionnelle exclusive de l’institution de l’Union.
49 Or, l’efficacité d’un tel processus décisionnel suppose nécessairement un contrôle juridictionnel unique, qui ne soit exercé, par les seules juridictions de l’Union, qu’une fois prise la décision de l’institution de l’Union mettant fin à la procédure administrative, décision qui est seule susceptible de produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique.
50 À cet égard, la coexistence de voies de recours nationales à l’encontre d’actes préparatoires ou de propositions émanant d’autorités des États membres dans ce type de procédure et du recours prévu à l’article 263 TFUE à l’encontre de la décision de l’institution de l’Union mettant fin à la procédure administrative instituée par le législateur de l’Union ne serait pas exempte de risque de divergences d’appréciations dans une même procédure et, partant, serait susceptible de mettre en cause la
compétence exclusive de la Cour pour statuer sur la légalité de cette décision finale, notamment lorsque celle‑ci suit l’analyse et la proposition desdites autorités.
51 Eu égard à cette nécessaire unicité du contrôle juridictionnel, sont sans incidence tant le type de voie de droit nationale empruntée pour soumettre les actes préparatoires adoptés par les autorités nationales au contrôle d’une juridiction d’un État membre que la nature des chefs de conclusion ou des moyens présentés à cette fin.
52 C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner la nature de la procédure dans le cours de laquelle ont été adoptés les actes de la Banque d’Italie dont se trouve saisi le Consiglio di Stato (Conseil d’État) dans l’affaire au principal.
53 Cette procédure est prévue dans le cadre du mécanisme de surveillance unique de l’union bancaire, dont la BCE est chargée de veiller au fonctionnement efficace et cohérent en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement MSU. Elle est destinée à mettre en œuvre l’article 22 de la directive CRD IV, qui prévoit, au nom du bon fonctionnement de l’union bancaire, une autorisation préalable à toute acquisition ou augmentation de participations qualifiées dans les établissements de crédit, sur la
base de critères d’évaluation harmonisés énumérés à l’article 23 de la même directive.
54 En vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement MSU, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 3, de ce même règlement et avec l’article 87 du règlement‑cadre MSU, la BCE est seule compétente pour décider d’autoriser, ou non, l’acquisition envisagée, au terme de la procédure prévue, notamment à l’article 15 du règlement MSU ainsi qu’aux articles 85 et 86 du règlement‑cadre MSU.
55 Dans le cadre de relations régies par le principe de coopération loyale en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du règlement MSU, le rôle des autorités nationales consiste, pour sa part, ainsi qu’il ressort de cette disposition, de l’article 15, paragraphes 1 et 2, du même règlement et des articles 85 et 86 du règlement-cadre MSU, à enregistrer les demandes d’autorisation, à prêter assistance à la BCE, seule titulaire du pouvoir de décision, notamment en lui communiquant toutes les informations
nécessaires à l’accomplissement de ses missions, en instruisant lesdites demandes, puis en transmettant à la BCE une proposition de décision qui ne lie pas cette dernière et dont il n’est, d’ailleurs, pas prévu par le droit de l’Union qu’elle soit notifiée au demandeur.
56 Ainsi, la procédure dans laquelle s’inscrivent les actes attaqués devant la juridiction de renvoi est de celles auxquelles se rapportent les considérations énoncées aux points 43 et 44 du présent arrêt.
57 En conséquence, il y a lieu de considérer que le juge de l’Union est seul compétent pour apprécier, à titre incident, si la légalité de la décision de la BCE du 25 octobre 2016 est affectée par d’éventuels vices entachant celle des actes préparatoires à cette décision adoptés par la Banque d’Italie. Cette compétence est exclusive de toute compétence juridictionnelle nationale contre lesdits actes, sans qu’ait d’incidence, à cet égard, la circonstance qu’une juridiction nationale a été saisie par
la voie d’une action telle que l’azione di ottemperanza.
58 À ce dernier égard, ainsi que l’a relevé la Commission, la compétence exclusive de la BCE pour décider d’approuver, ou non, l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit et la compétence exclusive corrélative des juridictions de l’Union pour contrôler la validité d’une telle décision, et, incidemment, pour apprécier si les actes nationaux préparatoires sont entachés de vices de nature à affecter la validité de la décision de la BCE, s’opposent à ce qu’une juridiction
nationale puisse connaître d’une action visant à contester la conformité d’un tel acte avec une disposition nationale relative au principe de l’autorité de la chose jugée (voir, par analogie, arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, EU:C:2007:434, points 62 et 63).
59 Il convient, par suite, de répondre aux questions posées que l’article 263 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce que les juridictions nationales exercent un contrôle de légalité sur les actes d’ouverture, préparatoires ou de proposition non contraignante adoptés par les ACN dans le cadre de la procédure prévue aux articles 22 et 23 de la directive CRD IV, à l’article 4, paragraphe 1, sous c), et à l’article 15 du règlement MSU ainsi qu’aux articles 85 à 87 du
règlement‑cadre MSU et qu’est à cet égard indifférente la circonstance qu’une juridiction nationale a été saisie par la voie d’une action spécifique en nullité pour violation alléguée de l’autorité de la chose jugée s’attachant à une décision de justice nationale.
Sur les dépens
60 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
L’article 263 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce que les juridictions nationales exercent un contrôle de légalité sur les actes d’ouverture, préparatoires ou de proposition non contraignante adoptés par les autorités compétentes nationales dans le cadre de la procédure prévue aux articles 22 et 23 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle
des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE, à l’article 4, paragraphe 1, sous c), et à l’article 15 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, ainsi qu’aux articles 85 à 87 du règlement (UE) no 468/2014 de la
Banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU »). Est à cet égard indifférente la circonstance qu’une juridiction nationale a été saisie par la voie d’une action spécifique en nullité pour violation alléguée de l’autorité de la chose jugée s’attachant à une décision de justice
nationale.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.