ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
13 décembre 2018 ( *1 )
« Fonction publique – Assistants parlementaires accrédités – Article 24 du statut – Demande d’assistance – Article 12 bis du statut – Harcèlement moral – Comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des membres du Parlement européen – Décision de rejet de la demande d’assistance – Droit d’être entendu – Principe du contradictoire – Refus de communication de l’avis du comité consultatif et des
comptes rendus d’audition des témoins – Refus de l’institution défenderesse d’obtempérer à une mesure d’instruction du Tribunal »
Dans l’affaire T‑83/18,
CH, ancien assistant parlementaire accrédité du Parlement européen, représentée par Mes C. Bernard-Glanz et A. Tymen, avocats,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par Mmes D. Boytha et E. Taneva, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement du 20 mars 2017 par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de cette institution a rejeté la demande d’assistance introduite par la requérante le 22 décembre 2011 et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’elle aurait prétendument subi,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,
greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 octobre 2018,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
Faits ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12)
1 Le 1er octobre 2004, au titre de l’article 5 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), la requérante, CH, a été engagée par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») du Parlement européen en tant qu’assistant parlementaire accrédité (ci-après « APA ») pour assister Y, membre du Parlement, en vertu d’un contrat devant expirer à la fin de la législature 2004/2009.
2 À la suite de l’interruption du mandat parlementaire de Y, la requérante a, à partir du 1er décembre 2007, et ce jusqu’à la fin de la législature, été engagée par le Parlement en tant qu’APA pour assister X, nouveau membre du Parlement ayant succédé à Y pour la fin du mandat restant à courir.
3 Avec effet au 1er août 2009, la requérante a été engagée par le Parlement en tant qu’APA pour assister X durant la législature 2009/2014. Elle était classée au grade 14 du groupe de fonctions II. Toutefois, par un nouveau contrat, conclu le 1er septembre 2010 et qui mettait fin au précédent contrat, la requérante a été engagée pour exercer les mêmes fonctions, mais cette fois-ci au grade 11 du groupe de fonctions II (ci-après le « contrat de travail » ou le « contrat d’APA »).
4 À compter du 27 septembre 2011, la requérante a été placée en congé de maladie, lequel a été prolongé jusqu’au 19 avril 2012.
5 Le 28 novembre 2011, la requérante a informé le comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail (ci-après le « comité consultatif général »), mis en place par la décision du Parlement du 21 février 2006 portant adoption de règles internes relatives au comité sur le harcèlement (article 12 bis du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne]), de ses difficultés au travail résultant, selon ses dires, du comportement de X à son égard.
6 Par courriel du 6 décembre 2011, la requérante a interrogé les membres du comité consultatif général sur les démarches à suivre pour « déposer une plainte ». Ensuite, par courriel du 12 décembre 2011 et afin d’illustrer le harcèlement qu’elle estimait subir du fait des agissements du membre du Parlement qu’elle assistait, la requérante a transmis à chacun des membres dudit comité, ainsi qu’au secrétaire général du Parlement, le courriel qu’elle avait adressé le même jour à X dans lequel elle
décrivait, à l’attention de ce membre du Parlement, son état de santé. Enfin, par courriel du 21 décembre 2011, la requérante s’est adressée au président du comité consultatif général pour solliciter un rendez-vous.
7 Le 22 décembre 2011, la requérante a, au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), introduit auprès du secrétaire général du Parlement une demande d’assistance (ci-après la « demande d’assistance »), dans laquelle elle alléguait être victime de harcèlement moral de la part de X et sollicitait l’adoption de mesures d’éloignement ainsi que l’ouverture d’une enquête administrative.
8 Le 6 janvier 2012, X a envoyé à l’unité « Recrutement et mutation du personnel » de la direction « Développement des ressources humaines » de la direction générale (DG) du personnel du Parlement une demande écrite de résiliation du contrat d’APA de la requérante (ci-après la « demande de résiliation »). Le 18 janvier 2012, X a confirmé la demande de résiliation.
9 Par décision de l’AHCC du 19 janvier 2012, le contrat d’APA de la requérante a été résilié avec effet au 19 mars 2012 au motif allégué d’une rupture du lien de confiance (ci-après la « décision de licenciement »). La requérante a été dispensée de prester son préavis, lequel était d’une durée de deux mois, à savoir du 19 janvier au 19 mars 2012. À l’appui du motif tiré de la rupture du lien de confiance, l’AHCC faisait valoir que X l’avait informée que la requérante ne disposait pas des compétences
nécessaires pour suivre le travail de certaines commissions parlementaires dans lesquelles elle siégeait et qu’elle s’était également plainte d’un comportement inacceptable de la requérante tant à son égard qu’à l’égard d’autres membres du Parlement et d’APA de ces derniers.
10 Par lettre du 20 mars 2012, la demande d’assistance a été rejetée par le directeur général de la DG du personnel du Parlement, agissant en qualité d’AHCC, au motif que, indépendamment du point de savoir si un APA pouvait bénéficier d’une assistance au titre de l’article 24 du statut, la demande d’assistance de la requérante, relative à l’adoption de mesures d’éloignement et à la conduite d’une enquête administrative, était devenue sans objet, puisque, au regard de la décision de licenciement
intervenue entre-temps, la requérante n’exerçait plus d’activité professionnelle au sein du Parlement (ci-après la « première décision de rejet de la demande d’assistance »).
11 Le 30 mars 2012, la requérante a introduit auprès du secrétaire général du Parlement une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision de licenciement. Le 22 juin 2012, la requérante a également introduit une réclamation, au titre de la même disposition statutaire, à l’encontre de la première décision de rejet de la demande d’assistance.
12 Par décision du 20 juillet 2012, le secrétaire général du Parlement a partiellement fait droit à la réclamation introduite contre la décision de licenciement en décidant de reporter la date d’échéance du contrat d’APA de la requérante au 20 juin 2012 en raison de son congé de maladie justifié par certificat médical jusqu’au 19 avril 2012. En revanche, il a confirmé le bien-fondé de la décision de licenciement en invoquant l’impossibilité, reconnue par la jurisprudence, en particulier au point 149
de l’arrêt du 7 juillet 2010, Tomas/Parlement (F‑116/07, F‑13/08 et F‑31/08, EU:F:2010:77), de contrôler l’existence ou la perte d’un lien de confiance, impossibilité s’étendant en partie au contrôle des motifs avancés pour justifier l’inexistence ou la perte de ce lien de confiance.
13 En tout état de cause, le secrétaire général du Parlement estimait que la requérante n’avait pas apporté la preuve d’erreurs manifestes entachant l’appréciation des faits avancés pour justifier la rupture du lien de confiance, alors même que le Parlement avait eu connaissance de plusieurs manquements professionnels de la requérante, notamment en lien avec l’évaluation de l’opportunité de formuler des amendements législatifs pouvant être soumis dans un dossier, d’un manque de courtoisie dont elle
aurait fait preuve vis-à-vis d’un membre du Parlement provenant d’un autre État membre que celui de X ou encore d’un comportement insolent de la requérante à l’égard de la nouvelle APA recrutée pour assister X et d’un manque de politesse manifesté à l’égard de cette dernière en présence d’un chef d’entreprise. Un professeur accompagnant un groupe d’étudiants en visite dans les locaux de l’institution se serait également plaint d’un manque de politesse de la part de la requérante.
14 Enfin, selon le secrétaire général du Parlement, la circonstance que la requérante avait formulé la demande d’assistance n’était pas de nature à faire obstacle à la décision de licenciement que la détérioration manifeste des relations entre X et la requérante rendait inévitable.
15 Par ailleurs, par décision du 8 octobre 2012, le secrétaire général du Parlement a, en sa qualité d’AHCC, rejeté la réclamation formée contre la première décision de rejet de la demande d’assistance, en soulignant que, alors qu’il « a[vait] fait part [à la requérante], au soutien de la décision de licenciement par l’AHCC, d[e son] comportement inacceptable […] et de faits précis, vérifiables et survenus en présence de témoins, [cette dernière] formul[ait] des allégations qu’aucun élément
n’étay[ait] ». Il était également répondu à la requérante que, d’une manière générale, les mesures qu’elle demandait n’étaient « de toute façon pas compatibles avec la nature spécifique des relations proches et confiantes qui [étaient] nécessairement celles d’un député avec son [APA] » ; que, en particulier, une mesure d’éloignement n’aurait pas le moindre sens, puisqu’elle reviendrait à empêcher toute relation effective de travail entre le membre du Parlement et son APA et que, sur le plan
pratique, le Parlement ne pouvait pas réaffecter la requérante auprès d’un autre membre de l’institution, puisque seul ce dernier pouvait demander à l’AHCC le recrutement d’un APA de son choix. Le secrétaire général du Parlement soulignait également, en ce qui concernait la demande d’ouverture d’une enquête administrative, que l’arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission (F‑95/09, EU:F:2011:9), invoqué à cet égard par la requérante, n’était pas transposable au cas d’espèce, puisque les membres
du Parlement n’étaient pas soumis au statut, y compris son article 12 bis, et qu’ils ne pouvaient pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire ou être contraints par l’AHCC à participer à une enquête administrative, alors même qu’une telle participation serait essentielle.
16 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 31 octobre 2012 et enregistrée sous le numéro F‑129/12, la requérante a, en substance, demandé l’annulation de la décision de licenciement et de la première décision de rejet de la demande d’assistance, ainsi que la condamnation du Parlement à lui verser une somme de 120000 euros à titre de dommages et intérêts.
17 Par l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de licenciement au motif, notamment, que la requérante n’avait pas été préalablement entendue par l’AHCC, ainsi que la première décision de rejet de la demande d’assistance, en retenant, en substance, que, contrairement à ce que soutenait le Parlement, les APA pouvaient invoquer l’article 24 du statut pour demander l’assistance de l’AHCC face à des comportements d’un
membre du Parlement qui relevaient prétendument d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut. En outre, « tenant compte des conditions hautement critiquables dans lesquelles la décision de licenciement et la première décision de rejet de la demande d’assistance [étaie]nt intervenues », le Tribunal de la fonction publique a condamné le Parlement à payer à la requérante un montant de 50000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral subi.
Sur les mesures d’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12), adoptées par le Parlement, l’arrêt du 6 octobre 2015, CH/Parlement (F‑132/14), et la décision attaquée
18 Par lettre du 15 janvier 2014, la requérante a demandé au Parlement de prendre certaines mesures afin d’assurer, conformément à l’article 266 TFUE, l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203).
19 Par lettre du 3 mars 2014, le Parlement a répondu officiellement aux différentes demandes de mesures d’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), présentées par la requérante.
20 S’agissant de la demande de la requérante tendant à être réintégrée dans un emploi permanent au sein du Parlement, cette institution a indiqué qu’une telle mesure irait manifestement au-delà de ce qu’exigeait l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), notamment parce que, en vertu du considérant 7 du règlement (CE) no 160/2009 du Conseil, du 23 février 2009, modifiant le RAA (JO 2009, L 55, p. 1), « aucune disposition d[e ce] règlement ne saurait être
interprétée comme donnant aux [APA] un accès privilégié ou direct à des postes de fonctionnaires ou d’autres catégories d’agents [de l’Union européenne] ».
21 Dans ces conditions, compte tenu du caractère personnel de la relation de travail qui lie les députés et leurs APA, le Parlement a fait savoir à la requérante qu’une réintégration effective dans ses fonctions n’était pas possible. Ainsi, le Parlement précisait que « la seule possibilité consist[ait] à réintégrer [la requérante] dans la fonction qu’elle occupait avant la décision de licenciement [jugée illégale], mais en la dispensant de prester le travail correspondant, et cela jusqu’à la fin de
son [contrat de travail] […] le 1er juillet 2014[ ; c]ette dispense de travail appar[aissant] également conforme au devoir de sollicitude ». À cet égard, le Parlement s’engageait à verser à la requérante les rémunérations qui lui étaient dues depuis le 21 juin 2012, date d’effet de la décision de licenciement, jusqu’à la fin de son contrat de travail, à savoir le 1er juillet 2014, déduction faite des rémunérations et des allocations de chômage qu’elle serait amenée à percevoir par ailleurs durant
cette période.
22 En outre, le Parlement a confirmé que la demande de résiliation, qui avait été formulée en son temps, ne figurait pas dans le dossier personnel de la requérante et que la décision de licenciement, jugée illégale par le Tribunal de la fonction publique, en serait retirée. Quant à la demande de transfert vers le régime de pensions de l’Union des droits à pension antérieurement acquis sous un régime national, le Parlement a observé que la requérante, qui capitalisait à peine cinq années de travail
en tant qu’APA, ne remplissait pas la condition de justifier d’au moins dix années de service au sein de l’Union pour pouvoir prétendre à une pension d’ancienneté à la charge du budget de l’Union.
23 S’agissant enfin de la demande d’ouverture d’une enquête administrative, déjà formulée dans la demande d’assistance, le Parlement a indiqué que, « [s]ur ce point, […] si [la requérante] décidait d’engager un recours de droit national contre [X], le Parlement reconsidérerait la situation à la lumière de la jurisprudence telle qu’elle ressort[ait] [du point 57] de l’arrêt [du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203)] ».
24 Le 16 avril 2014, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision du 3 mars 2014 et celle du 2 avril 2014 par laquelle l’AHCC avait pris position sur des demandes complémentaires.
25 Par lettre du 6 juin 2014, le service juridique du Parlement a, dans le cadre des mesures d’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), informé la requérante de l’existence des règles internes « APA » mises en place par la décision du bureau du Parlement, du 14 avril 2014, portant adoption d’une réglementation interne (ci-après les « règles internes “APA” en matière de harcèlement ») visant à constituer un comité consultatif sur le harcèlement et sa
prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des APA à des membres du Parlement (ci-après le « comité consultatif spécial “APA” »). Il lui a ainsi été expliqué que, désormais, ledit comité était « l’instance compétente pour traiter une éventuelle plainte pour harcèlement de la part de [la requérante] » et il lui a été « conseill[é] […] de s’adresser au [c]omité [consultatif spécial “APA”] via son secrétariat ».
26 Par lettre du 20 juin 2014, la requérante a répondu que, à la suite de l’annulation de la première décision de rejet de la demande d’assistance, le Parlement se trouvait toujours saisi de cette demande trouvant son origine dans le comportement de X. En conséquence, la requérante s’interrogeait sur « les raisons pour lesquelles le Parlement […] n’a[vait] pas jugé utile, précisément dans le cadre des mesures d’exécution de l’arrêt [du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203)], de
saisir lui-même et directement le [comité consultatif spécial “APA”], dès lors que ce dernier serait valablement constitué, ce qui ne [lui] a[vait] toujours pas été confirmé ».
27 Par lettre du 4 août 2014, le secrétaire général du Parlement, agissant en qualité d’AHCC, a rejeté la réclamation du 16 avril précédent.
28 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 17 novembre 2014 et enregistrée sous le numéro F‑132/14, la requérante a introduit un recours tendant :
– à l’annulation de la décision du Parlement du 3 mars 2014, en ce que cette institution avait refusé, au titre des mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), au sens de l’article 266 TFUE, d’ouvrir une enquête administrative visant à établir la réalité des faits, mettant en cause un membre du Parlement, tels que dénoncés dans sa demande d’assistance formulée le 22 décembre 2011 ;
– à l’annulation de la décision du Parlement, du 2 avril 2014, en ce que, par cette décision, il avait refusé de lui verser un montant de 5686 euros correspondant à la différence de rémunération à laquelle elle estimait avoir droit au titre des mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), au sens de l’article 266 TFUE ;
– à l’annulation de la décision du Parlement, du 4 août 2014, par laquelle le Parlement avait rejeté la réclamation qu’elle avait introduite contre les deux décisions susmentionnées du 3 mars et du 2 avril 2014 ;
– à la condamnation du Parlement à lui verser les montants, respectivement, de 144000 euros et de 60000 euros, au titre de la réparation de ses préjudices matériel et moral.
29 Le 26 novembre 2014, le comité consultatif spécial « APA » a tenu sa réunion constitutive. Il ressort du point 2 du procès-verbal de cette réunion que, « si nécessaire, [le] jurisconsulte [du Parlement] pourrait être convié à participer à la réunion du comité […] pour conseiller ce dernier sur des questions d’ordre juridique ». Il ressort du point 4 de ce même procès-verbal que « [l]e jurisconsulte [a] inform[é] les membres [du comité consultatif spécial “APA”] de la position du Parlement dans
[…] deux affaires de présomption de harcèlement[, dont l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203)] ».
30 Par lettre du 17 décembre 2014, le président du comité consultatif spécial « APA » a convoqué la requérante à une réunion avec les membres dudit comité prévue le 28 janvier suivant.
31 Le 15 janvier 2015, la requérante a présenté des observations écrites au comité consultatif spécial « APA ». Le 28 janvier 2015, celui-ci a auditionné la requérante, X ainsi que CN, collègue de la requérante ayant également introduit une demande d’assistance concernant des faits allégués de harcèlement moral de X (arrêt du 26 mars 2015, CN/Parlement, F‑26/14, EU:F:2015:22).
32 Par arrêt du 6 octobre 2015, CH/Parlement (F‑132/14, EU:F:2015:115), le Tribunal de la fonction publique a notamment annulé la décision du 3 mars 2014, telle que confirmée par la décision du 4 août 2014 de rejet de la réclamation, en ce que, à la suite de l’annulation par l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), de la première décision de rejet de la demande d’assistance, le Parlement n’avait pas décidé de l’ouverture d’une enquête administrative sur les faits allégués
de harcèlement moral et avait ainsi méconnu l’article 266 TFUE. Par ailleurs, le Parlement a notamment été condamné à verser à la requérante un montant de 25000 euros en réparation du préjudice moral subi, majoré d’intérêts moratoires, en lien avec cette carence de l’AHCC.
33 Le 18 mai 2016, conformément à l’article 10 des règles internes « APA » en matière de harcèlement, telles que modifiées par la décision du bureau du Parlement du 6 juillet 2015, selon lequel le comité consultatif spécial « APA » doit transmettre son rapport confidentiel au président du Parlement, et non plus aux questeurs, le président du Parlement a, après avoir pris connaissance des conclusions du comité consultatif spécial « APA » adoptées à l’issue de l’enquête administrative, indiqué à la
requérante que les comportements qu’elle avait décrits dans la demande d’assistance ne démontraient pas, selon lui, une conduite inappropriée de la part d’un membre du Parlement à l’égard d’un APA et qu’il transmettait ce dossier à l’AHCC afin qu’elle prenne une décision sur la demande d’assistance (ci-après la « décision motivée »).
34 En effet, le président du Parlement, qui est investi, par l’article 12 des règles internes « APA » en matière de harcèlement, telles que modifiées par la décision du bureau du Parlement du 6 juillet 2015, du pouvoir de prendre, « [a]u vu de l’avis rendu par le comité [consultatif spécial “APA”] », « une décision motivée indiquant si la preuve du harcèlement a été apportée » et, le cas échéant, du pouvoir de « prononce[r] une sanction à l’encontre du député concerné, conformément aux articles 11
et 166 du règlement intérieur du Parlement », relevait, dans la décision motivée, que le comité consultatif spécial « APA » considérait notamment comme établis les faits que X critiquait souvent la requérante, y compris en public ; qu’elle utilisait parfois une voix dure pour s’adresser à elle ; qu’elle lui faisait parfois des reproches après lui avoir donné des instructions contradictoires ; qu’elle la contactait parfois alors qu’elle était en congé de maladie ; qu’elle lui faisait consulter ses
courriels pendant les vacances ; qu’elle avait déclaré dans la presse que la requérante était incompétente, et qu’elle l’avait rétrogradée.
35 Le président du Parlement a considéré, dans la décision motivée, que ces comportements étaient intentionnels au sens de l’article 12 bis du statut et qu’ils avaient été répétés au cours du temps. Cependant, il a considéré, s’agissant des critiques de X, de l’usage d’un langage dur, des reproches sur les erreurs de la requérante et de ses demandes pendant les congés de cette dernière, que X traitait tout son personnel de la même manière et que cela apparaissait comme étant davantage l’expression
de la nervosité de X et de sa difficulté à gérer correctement son personnel. Ainsi, ces comportements n’auraient pas été spécifiquement adressés à la requérante. S’agissant des déclarations faites par X, celles-ci devaient, selon le président du Parlement, être appréciées dans le contexte de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), qui avait déclenché une campagne publique contre l’ancien membre du Parlement accusée de harcèlement moral, alors même que, dans cet arrêt,
le Tribunal de la fonction publique n’était pas parvenu à cette conclusion. Ainsi, X n’aurait cherché qu’à se défendre des accusations de harcèlement qui avaient été rendues publiques.
36 S’agissant de la rétrogradation de la requérante, le président du Parlement a considéré que cette mesure relevait du pouvoir d’appréciation de X en tant que membre du Parlement et que, à cet égard, elle avait été insatisfaite des prestations professionnelles de la requérante ainsi que de son comportement, ce qui n’aurait pas aidé à calmer les tensions tant en ce qui concernait X que les autres membres de son équipe.
37 Ainsi, le président du Parlement a conclu, dans la décision motivée, que, appréciés globalement, les faits allégués par la requérante ne constituaient pas une conduite inappropriée de X permettant d’établir un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut. Plus particulièrement, puisque les comportements de cette dernière ne pouvaient pas, à la lumière de la relation de travail particulière entre un membre du Parlement et son APA, être considérés comme excessifs et critiquables, un
observateur impartial doté d’une sensibilité normale n’aurait pas considéré les faits allégués comme étant susceptibles de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique de la requérante.
38 Le président du Parlement a ainsi informé la requérante qu’il transmettait son dossier à l’AHCC qui était chargée de statuer sur la demande d’assistance.
39 Le 13 janvier 2017, la requérante a interpellé l’AHCC sur le fait que, à la suite de la décision motivée, elle n’avait toujours pas reçu de nouvelles de sa part, alors même que la demande d’assistance était en souffrance depuis plus de cinq ans.
40 Par lettre du 24 janvier 2017 du directeur général du personnel du Parlement, la requérante a été invitée à soumettre ses observations sur la décision motivée pour le 10 février 2017.
41 Par lettre du 10 février 2017, la requérante a soumis ses observations, dans lesquelles elle contestait les conclusions du comité consultatif spécial « APA », de même que celles du président du Parlement figurant dans la décision motivée. Elle critiquait également les circonstances dans lesquelles les auditions avaient été menées par ledit comité, notamment le fait que le rapport établi par ce comité, la liste des témoins auditionnés et le procès-verbal de ces auditions ne lui avaient pas été
transmis malgré les demandes qu’elle avait faites en ce sens.
42 Par décision du 20 mars 2017, le directeur général du personnel du Parlement a, en sa qualité d’AHCC, rejeté la demande d’assistance (ci-après la « décision attaquée »). En substance, il a tout d’abord considéré que la requérante n’avait aucun droit subjectif à la communication du rapport établi par le comité consultatif spécial « APA », de la liste des témoins auditionnés et des comptes rendus d’audition des témoins, étant donné qu’elle avait déjà reçu une motivation complète et détaillée quant
au rejet de ses allégations comme étant non fondées, en l’occurrence dans la décision motivée. Ensuite, il a estimé que le jurisconsulte du Parlement avait le droit d’assister aux auditions devant le comité consultatif spécial « APA » et que, à cet égard, la circonstance que la requérante n’avait pas eu la possibilité d’être assistée de ses conseils devant cette instance consultative ne constituait pas une méconnaissance du principe d’égalité des armes. Enfin, s’agissant du fond, il a en
substance indiqué qu’il partageait entièrement les considérations émises par le président du Parlement dans la décision motivée.
43 Par lettre du 28 avril 2017, la requérante a, au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), formulé une demande d’accès aux documents contenus dans le dossier la concernant détenu par le comité consultatif général et par le comité consultatif spécial « APA », notamment le rapport établi par ce dernier comité. Cette demande a été
rejetée par décision du 16 juin 2017, rejet qui a été confirmé par le Parlement le 21 août 2017, au motif que la divulgation de ces documents pourrait porter atteinte à l’intégrité de X, de même qu’à la protection des données à caractère personnel des témoins.
44 Le 20 juin 2017, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision attaquée. À l’appui de sa réclamation, elle invoquait la violation du principe de bonne administration, de l’obligation de motivation, de l’article 25 du statut, du droit d’être entendu, du devoir de sollicitude et du principe du délai raisonnable, ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation, la violation de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne (ci-après la « Charte ») et la violation des articles 12 bis et 24 du statut.
45 Par décision du 26 octobre 2017, le secrétaire général du Parlement a, en sa qualité d’AHCC, accueilli partiellement la réclamation du 20 juin 2017 sur le volet indemnitaire en octroyant ex æquo et bono à la requérante un montant de 1500 euros pour le délai pris par l’AHCC entre la décision motivée et la décision attaquée qui, selon lui, aurait pu être plus court. Pour le surplus, il a rejeté la réclamation, notamment en ce qui concernait les arguments de contestation de la légalité de la
décision attaquée. Le secrétaire général du Parlement a ainsi considéré, à l’instar du président du Parlement, que les faits allégués n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
Procédure et conclusions des parties
46 Le 17 avril 2018, dans la mesure où la requérante demandait, dans sa requête, à ce qu’il soit ordonné à la partie défenderesse de produire ces documents, le Parlement a été prié par le Tribunal, à titre de mesure d’organisation de la procédure, de produire, dans le cadre du dépôt de son mémoire en défense et, le cas échéant, sous la forme d’une version non confidentielle, les conclusions finales du comité consultatif spécial « APA » concernant le cas de la requérante ainsi que les comptes rendus
d’audition des témoins par cette instance consultative.
47 Le 2 mai 2018, le Parlement a déposé son mémoire en défense. Cependant, par lettre du 3 mai 2018, il a indiqué qu’il refusait de produire les documents demandés, en expliquant qu’il était fondamental, pour le bon fonctionnement du comité consultatif spécial « APA », lequel avait été mis en place à la suite de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), que les travaux et les délibérations de ce comité consultatif, dans lequel trois questeurs avaient accepté de siéger,
demeurent confidentiels vis-à-vis de la requérante. Or, le Parlement soulignait que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement (T‑275/17, EU:T:2018:479), et dans l’affaire pendante QH/Parlement (T‑748/16), le Tribunal avait décidé que des documents, analogues à ceux demandés en l’espèce, n’étaient pas confidentiels vis-à-vis des parties requérantes en cause et les avait alors transmis à ces dernières. Ainsi, selon le Parlement, « [e]n présence d’une pratique
qui devient systématique et qui menace l’existence même du dispositif de traitement des plaintes pour harcèlement portées par des APA contre des députés au Parlement, l’[i]nstitution est au regret de devoir déclarer qu’elle ne communiquera plus de document secret au Tribunal sans savoir que, en tout état de cause, il ne sera pas communiqué [à la partie requérante] ».
48 Par ordonnance du 18 mai 2018, le Tribunal a, au titre de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ordonné au Parlement de produire les conclusions et les éventuels comptes rendus d’audition des témoins établis, à la suite de la demande d’assistance, par le comité consultatif spécial « APA », tout en indiquant que ces documents ne seraient pas transmis, à ce stade, à la requérante.
49 Par lettre du 4 juin 2018, le Parlement a réitéré son refus de produire les documents demandés par mesure d’instruction, tout en proposant au Tribunal, s’il le souhaitait, de les lui communiquer informellement de façon qu’ils ne soient pas versés au dossier et que « l’[i]nstitution ait ainsi la garantie que l[a] requérant[e] n’aur[ait] pas accès à des documents qu’elle estim[ait] secrets et confidentiels ».
50 Le 28 juin 2018, les parties ont été invitées, à titre de mesure d’organisation de la procédure, à prendre position sur les conséquences à tirer, sur le traitement de l’affaire, de la décision du Parlement, communiquée le 4 juin 2018, par laquelle il refusait de transmettre au Tribunal les documents qu’il lui avait ordonné de produire par ordonnance du 18 mai 2018. À cet égard, l’attention des parties était attirée, d’une part, sur les arrêts du 10 juin 1980, M./Commission (155/78,
EU:C:1980:150), et du 12 mai 2010, Commission/Meierhofer (T‑560/08 P, EU:T:2010:192), ainsi que, d’autre part, sur l’arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement (T‑218/17, EU:T:2018:393).
51 Les 10 et 11 juillet 2018 respectivement, la requérante et le Parlement ont déposé leurs observations à cet égard.
52 Le 8 août 2018, le Tribunal ayant estimé qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire et ayant par ailleurs refusé la demande en ce sens de la requérante du 2 août 2018, la phase écrite de la procédure a été clôturée et, lors de l’audience du 25 octobre 2018, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries.
53 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée et, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner le Parlement au paiement de 68500 euros à titre de réparation des préjudices moraux qu’elle aurait subis ;
– condamner le Parlement aux dépens.
54 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme étant non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur les conclusions en annulation
55 À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée et, le cas échéant, de la décision de rejet de la réclamation, la requérante soulève deux moyens tirés, respectivement, le premier, de la violation de l’article 41 de la Charte, de l’article 25 du statut et de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration, du droit d’être entendu et des droits de la défense ainsi que du devoir de sollicitude et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation de
l’article 31 de la Charte, des articles 12 bis et 24 du statut ainsi que du devoir de sollicitude.
Sur l’objet des conclusions en annulation
56 Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).
57 En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, il y a lieu de constater que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci, même si, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il conviendra de prendre en considération, d’une part, la motivation figurant dans la décision de rejet de la
réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée), ainsi que, d’autre part, celle figurant dans la décision motivée, à laquelle la décision attaquée se réfère.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 41 de la Charte, de l’article 25 du statut et de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration, du droit d’être entendu et des droits de la défense ainsi que du devoir de sollicitude
58 À l’appui de son premier moyen, la requérante fait valoir que l’absence de communication par l’AHCC, en phase précontentieuse, du rapport du comité consultatif spécial « APA », de la liste des témoins auditionnés par ce comité ainsi que des comptes rendus d’audition de ces témoins, ne lui permet pas de comprendre le raisonnement exposé dans la décision motivée, à laquelle la décision attaquée se réfère, et par lequel les faits allégués ont été considérés comme ne constituant pas un harcèlement
moral à son égard. Par ailleurs, elle ne serait pas non plus en mesure d’apprécier, d’une part, si ledit comité consultatif avait auditionné des témoins ni, en particulier, ceux qu’elle avait cités, y compris deux médecins, et, d’autre part, si l’AHCC avait dûment pris en compte les certificats médicaux d’un neuropsychiatre et de son médecin traitant qu’elle avait pourtant fournis.
59 La requérante fait également grief à l’AHCC de ne pas lui avoir transmis le rapport du comité consultatif spécial « APA ». Or, selon elle, une telle transmission s’imposait d’autant plus que la décision attaquée n’était pas suffisamment motivée. Par ailleurs, elle estime que la communication de ce rapport et des comptes rendus d’audition des témoins était indispensable afin qu’elle puisse s’assurer que ces témoignages n’avaient pas été dénaturés.
60 En tout état de cause, l’absence de communication en phase précontentieuse du rapport du comité consultatif spécial « APA » et des comptes rendus d’audition des témoins, à tout le moins d’une version non confidentielle de ceux-ci, constituerait une méconnaissance de son droit d’être utilement entendue, ainsi que l’aurait confirmé le Tribunal dans l’arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement (T‑218/17, EU:T:2018:393). L’attitude de l’AHCC serait également constitutive d’une violation de son devoir de
sollicitude, puisque son intérêt à disposer de tels documents et d’une motivation adéquate quant au rejet de la demande d’assistance n’aurait manifestement pas été pris en compte.
61 Le Parlement conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.
62 Il soutient que, en l’espèce, l’AHCC a satisfait à son obligation de motivation. S’agissant de l’audition des témoins, tout en reconnaissant que les témoignages de ceux-ci peuvent constituer un apport précieux pour compléter ou compenser l’absence de preuves de la part du demandeur en assistance, il estime, d’une part, que la force probante de ceux-ci doit être relativisée. D’autre part, « [s]acrifier la confidentialité garantie aux témoins pour privilégier une transparence excessive tari[rai]t
inéluctablement la disponibilité des tiers à délivrer des témoignages francs, complets et objectifs [voire] même à témoigner tout court ». Pour cette raison, le Parlement estime que la confidentialité doit s’étendre tant au rapport du comité consultatif spécial « APA » qu’aux comptes rendus d’audition des témoins et à la liste des témoins auditionnés par le comité consultatif spécial « APA », justifiant, d’une part, que ces documents ne se retrouvent en aucune manière en possession de la
requérante et, d’autre part, qu’il refuse d’obtempérer à la mesure d’instruction du Tribunal.
63 Quant au droit d’être entendu, le Parlement estime qu’il l’a respecté en l’espèce, puisque la requérante a eu l’occasion de présenter ses observations sur la décision motivée et que, en tout état de cause, la transmission du rapport établi par le comité consultatif spécial « APA » n’était pas nécessaire pour lui permettre de faire valoir ses observations. En outre, étant donné qu’une telle transmission serait nuisible à l’efficacité des travaux dudit comité, le Parlement estime que l’AHCC n’avait
pas l’obligation de transmettre à la requérante ce rapport, pas plus que les comptes rendus d’audition des témoins.
– Considérations liminaires sur le traitement d’une demande d’assistance statutaire
64 À titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsque l’AHCC ou, selon les cas, l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une institution (ci-après l’« AIPN ») est saisie, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 dudit statut, cette autorité doit, en vertu de l’obligation d’assistance et si elle est en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et
répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme faire l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en
faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la demande d’assistance, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 84, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 46).
65 En présence d’allégations de harcèlement, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la demande d’assistance dans laquelle un harcèlement est allégué et d’informer le demandeur de la suite réservée à celle-ci (arrêts du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 47, et du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 88).
66 Cette obligation existe même lorsque la demande d’assistance vise un « tiers », au sens de l’article 24 du statut, qui ne serait pas un autre fonctionnaire ou agent, mais un membre d’une institution (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2013, CH/Parlement, F‑129/12, EU:F:2013:203, points 54 à 58, et du 26 mars 2015, CN/Parlement, F‑26/14, EU:F:2015:22, point 42). En effet, s’agissant des membres du Parlement, ceux-ci sont également tenus de respecter l’interdiction de tout harcèlement moral ou
sexuel, telle que prévue à l’article 12 bis du statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, points 79 à 81).
67 Ensuite, en ce qui concerne les mesures à prendre dans une situation qui, telle celle de l’espèce, entre dans le champ d’application de l’article 24 du statut, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du juge de l’Union, dans le choix des mesures et des moyens d’application de l’article 24 du statut (arrêts du 15 septembre 1998, Haas e.a./Commission, T‑3/96, EU:T:1998:202, point 54 ; du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 137,
et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 48).
68 Lorsque, à la suite de l’introduction d’une demande d’assistance, du type de celle en cause en l’espèce, l’administration décide d’une enquête administrative, le cas échéant en la confiant, comme en l’espèce, à un comité consultatif (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 99), l’objet même de cette enquête administrative est de confirmer ou d’infirmer l’existence d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis du statut, de sorte que l’AHCC ne
saurait préjuger de l’issue de l’enquête et n’est pas censée prendre position, pas même implicitement, sur la réalité du harcèlement allégué avant d’avoir obtenu les résultats de l’enquête administrative. En d’autres termes, il est inhérent à l’ouverture d’une enquête administrative que l’administration ne prenne pas prématurément position, essentiellement sur la base de la description unilatérale des faits fournie dans la demande d’assistance, puisqu’elle doit, au contraire, réserver sa position
jusqu’à ce que soit terminée ladite enquête, laquelle doit être diligentée en confrontant les allégations du fonctionnaire ou de l’agent auteur de la demande d’assistance à la version des faits fournie par le harceleur présumé, de même qu’à celle des personnes ayant pu être témoins des faits allégués comme étant prétendument constitutifs d’une méconnaissance, par le harceleur présumé, de l’article 12 bis du statut (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283,
point 59 et jurisprudence citée).
69 À cet égard, d’une part, le constat par l’administration, à l’issue d’une enquête administrative, éventuellement menée avec l’aide d’une instance distincte de l’AHCC, telle que le comité consultatif spécial « APA », de l’existence d’un harcèlement moral peut être, en lui-même, susceptible d’avoir un effet bénéfique dans le processus thérapeutique de reconstruction du fonctionnaire ou de l’agent harcelé et peut, en outre, non seulement justifier une suite disciplinaire à l’égard du harceleur, mais
également être utilisé par la victime aux fins d’une éventuelle action judiciaire nationale, dans le cadre de laquelle l’obligation d’assistance de l’AHCC, au titre de l’article 24 du statut, s’appliquera et ne s’éteindra pas à l’issue de la période d’engagement de l’agent concerné. D’autre part, la conduite jusqu’à son terme d’une enquête administrative peut, à l’inverse, permettre d’infirmer les allégations de la prétendue victime, permettant alors de réparer les torts qu’une telle accusation,
si celle-ci devait se révéler non fondée, a pu causer à la personne visée en tant que harceleur présumé par une procédure d’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 61 et jurisprudence citée).
70 Sur cet aspect, tout d’abord, il convient de rappeler que le statut ne prévoit pas de procédure spécifique à laquelle l’administration serait tenue lorsqu’elle traite une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut, présentée sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, dudit statut et ayant pour objet l’allégation d’un fonctionnaire ou agent selon laquelle un autre fonctionnaire ou agent, voire un membre d’une institution, aurait eu, à son égard, un comportement méconnaissant
l’article 12 bis du statut (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 65).
71 Ensuite, il y a lieu de rappeler qu’une procédure d’enquête administrative diligentée à la suite de la présentation, par un fonctionnaire ou agent, d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut pour des faits d’un tiers, fonctionnaire ou agent, voire membre d’une institution, relevant prétendument d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut est, certes, ouverte à sa demande, mais elle ne saurait être considérée comme une procédure d’enquête ouverte à l’encontre
dudit fonctionnaire ou agent (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10,EU:F:2012:64, point 46). En effet, selon une jurisprudence constante, le rôle de l’auteur de la demande d’assistance alléguant des faits de harcèlement consiste essentiellement en sa collaboration dans la bonne conduite de l’enquête administrative afin d’établir les faits (arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; du 25 octobre 2007, Lo
Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 136, et du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 87).
72 Or, le respect des droits de la défense, tel que visé à l’article 48 de la Charte, intitulé « Présomption d’innocence et droits de la défense », impose, certes, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments susceptibles d’être retenus à leur « charge » pour fonder ces décisions (arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 51) et inclut le
respect du principe du contradictoire, qui va au-delà du respect du droit d’être entendu, lequel est également, par ailleurs, garanti en tant que composante de l’article 41 de la Charte, intitulé « Droit à une bonne administration ». Cependant, le respect des droits de la défense, au sens de l’article 48 de la Charte, n’a vocation à être invoqué que dans le cadre d’une procédure qui est ouverte « à l’encontre » d’une personne et qui est susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief dans
lequel l’administration retient des éléments à charge contre cette personne (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 67 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 46).
73 Il s’ensuit que, dans le cadre de la procédure suivie par l’AIPN ou l’AHCC en vue de statuer sur une demande d’assistance fondée sur une méconnaissance de l’article 12 bis du statut, l’auteur de cette demande ne peut pas revendiquer le respect des droits de la défense visés à l’article 48 de la Charte en tant que tels ni, dans ce cadre, sous la forme d’une violation du principe du contradictoire (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 68).
74 Il en va d’ailleurs de même du harceleur présumé. En effet, certes, celui-ci peut être personnellement mis en cause dans la demande d’assistance ayant conduit à l’ouverture de l’enquête administrative et il peut avoir, déjà à ce stade, à se défendre contre des accusations le visant, justifiant qu’il puisse être entendu, éventuellement à plusieurs reprises, dans le cadre de l’enquête (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 69 ; voir également, en ce sens,
arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 147). Cependant, ce n’est qu’à un stade ultérieur de la procédure, si des poursuites disciplinaires devaient être engagées contre lui, en l’occurrence par la saisine du conseil de discipline ou de toute autre instance analogue, qu’il bénéficierait alors des droits de la défense au sens de l’article 48 de la Charte et, notamment, du principe du contradictoire, étant souligné, dans le cas d’un fonctionnaire ou d’un agent mis en
cause, que le statut ne prévoit qu’un droit d’être entendu sur le principe de l’ouverture de la procédure disciplinaire et que la procédure ne prend un caractère contradictoire qu’après la saisine du conseil de discipline (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 69 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T‑74/96, EU:T:1998:58, point 340).
75 Cela étant dit, il doit être reconnu à l’auteur d’une demande d’assistance, en tant que victime supposée, des droits procéduraux, distincts des droits de la défense visés à l’article 48 de la Charte, qui ne sont pas aussi étendus que ceux-ci (arrêts du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 48, et du 16 décembre 2015, De Loecker/SEAE, F‑34/15, EU:F:2015:153, point 43) et qui, en définitive, relèvent du droit à une bonne administration, tel que prévu désormais par
l’article 41 de la Charte (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 70).
76 En effet, il convient de rappeler que le but d’une enquête administrative ouverte par l’administration, en réponse à une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut, est d’apporter des éclaircissements, par les conclusions de l’enquête, sur les faits litigieux, afin que l’administration puisse prendre une position définitive à cet égard, lui permettant alors soit de classer sans suite la demande d’assistance, soit, lorsque les faits allégués sont avérés et relèvent du champ
d’application de l’article 12 bis du statut, d’engager éventuellement une procédure disciplinaire en vue, le cas échéant, de prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre du harceleur présumé (voir, s’agissant d’un fonctionnaire ou agent, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 57, et, s’agissant d’un membre d’une institution, arrêt du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 90).
77 Ainsi, d’un côté, lorsque, dans le cadre des mesures qu’elle décide d’adopter en réponse à la demande d’assistance, l’administration décide d’engager une procédure disciplinaire au titre de l’article 86 du statut ou toute autre procédure analogue, au motif d’une méconnaissance, par la personne mise en cause dans cette demande, de l’interdiction prévue à l’article 12 bis du statut, la procédure ainsi diligentée l’est à l’encontre de cette personne, harceleur présumé, de sorte que cette dernière
dispose alors de toutes les garanties procédurales mettant en œuvre les droits de la défense au sens de l’article 48 de la Charte et, notamment, le principe du contradictoire. Ces garanties sont, dans le cas d’un fonctionnaire ou agent, celles prévues à l’annexe IX du statut (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 72), et, dans celui d’un membre du Parlement, celles prévues à l’article 166 du règlement intérieur de cette institution.
78 D’un autre côté, lorsque, en réponse à la demande d’assistance, l’administration décide que les éléments invoqués à l’appui de la demande d’assistance ne sont pas fondés et que, partant, les comportements invoqués ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, une telle décision fait grief à l’auteur de la demande d’assistance (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑249/04, EU:T:2007:261, point 32, et du 11 mai 2010,
Nanopoulos/Commission, F‑30/08, EU:F:2010:43, point 93), et l’affecte défavorablement au sens de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 73).
79 Ainsi, afin de respecter le droit à une bonne administration, l’auteur de la demande d’assistance doit nécessairement, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, être utilement entendu avant que cette décision de rejet de la demande d’assistance ne soit adoptée par l’AIPN ou l’AHCC. Cela implique que l’intéressé soit préalablement entendu sur les motifs que l’AIPN ou l’AHCC entend invoquer au soutien du rejet de cette demande (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17,
sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 74).
80 En l’espèce, il est constant que la requérante a été préalablement entendue par l’AHCC, en l’occurrence sur la base de la décision motivée et de la lettre du directeur général du personnel du Parlement du 24 janvier 2017, avant que cette autorité n’adopte la décision attaquée. Cependant, la requérante estime que, dans le cadre des observations écrites qu’elle a soumises le 10 février 2017, elle n’aurait pas été entendue utilement, puisqu’elle ne disposait pas, pour ce faire, de l’avis, du rapport
ou des conclusions du comité consultatif spécial « APA », la forme de la prise de position de ce comité n’étant pas nécessairement et précisément connue à ce stade, ni des comptes rendus d’audition des témoins.
81 Il convient donc de déterminer si, en l’espèce, le droit d’être entendue de la requérante exigeait qu’elle disposât également de l’avis du comité consultatif spécial « APA », éventuellement adopté sous la forme d’un rapport ou de conclusions, et des comptes rendus des auditions menées par ce comité pour formuler ses observations sur les motifs invoqués par l’AHCC, par renvoi à la décision motivée, en vue du rejet de la demande d’assistance.
– Sur l’obligation pour l’AHCC, afin de respecter le droit de la requérante d’être entendue, de transmettre à cette dernière l’avis du comité consultatif spécial « APA » avant l’adoption de la décision attaquée
82 Dans une affaire mettant en cause le corpus normatif applicable à la Banque centrale européenne (BCE), et non le statut, le Tribunal a jugé que, lorsque l’administration décidait de l’ouverture d’une enquête administrative et que cette dernière conduisait à l’élaboration d’un rapport, l’agent de cette institution ayant introduit, selon la terminologie propre au corpus normatif applicable à ladite institution, une « plainte » pour dénoncer des faits relevant prétendument de la notion de
harcèlement moral, telle que cette notion était définie dans les règles applicables au personnel de la BCE, devait se voir accorder, à l’instar de la personne mise en cause, la possibilité de faire valoir ses observations sur le projet de rapport d’enquête, tel que prévu par lesdites règles, avant que l’administration de la BCE ne statuât sur la plainte ou, à tout le moins, sur les éléments pris en compte par cette administration en vue d’adopter sa décision (voir, en ce sens, arrêt du
23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, point 41).
83 Dans le domaine statutaire, l’AIPN ou, selon les cas, l’AHCC est amenée à traiter, non pas une plainte, mais une demande d’assistance formulée au titre de l’article 24 et de l’article 90, paragraphe 1, du statut. À cet égard, contrairement à ce qui est le cas du régime applicable à la BCE, le statut ne prévoit pas de procédure spécifique sur la manière dont l’AIPN ou l’AHCC devrait traiter une demande d’assistance, au sens de l’article 24 du statut, mettant en cause une méconnaissance de
l’article 12 bis du statut, ni de disposition imposant, en tant que telle, de transmettre l’avis, le rapport ou les conclusions d’un comité consultatif, tel que le comité spécial « APA », ou encore les comptes rendus d’audition des témoins ayant été entendus par ce comité à l’auteur d’une demande d’assistance ou à la personne mise en cause dans cette demande, en tant que harceleur présumé (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 78).
84 Cela étant, il a été jugé que, sous réserve de la protection des intérêts des personnes ayant été mises en cause et de celles ayant témoigné dans le cadre de l’enquête, aucune disposition du statut n’interdisait la transmission d’un rapport final d’enquête à un tiers qui aurait un intérêt légitime à en prendre connaissance, comme c’est le cas de la personne qui introduit une demande d’assistance, au titre de l’article 24 du statut, en alléguant une méconnaissance de l’article 12 bis du statut. Il
a ainsi été souligné, dans ce contexte, que, dans le cadre de leur autonomie dans la mise en œuvre de ces dispositions statutaires, certaines institutions avaient parfois adopté cette solution, en transmettant au demandeur d’assistance le rapport final d’enquête soit avant l’introduction du recours, en le joignant à la décision finale statuant sur la demande d’assistance, soit en exécution d’une mesure d’organisation de la procédure décidée par le juge de l’Union amené à statuer en première
instance (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 133), telle que celle du 17 avril 2018 à laquelle le Parlement a refusé de donner suite en l’espèce.
85 Le Tribunal considère toutefois que, dès lors que l’AHCC décide, comme en l’espèce, de s’adjoindre l’avis d’un comité consultatif, éventuellement pris sous la forme d’un rapport ou de conclusions, auquel elle confie le soin de conduire une enquête administrative et que, dans la décision statuant sur la demande d’assistance, elle tient compte de l’avis ainsi émis par ce comité consultatif, ledit avis, consultatif et pouvant être établi sous une forme non confidentielle respectant l’anonymat
octroyé aux témoins, doit, en application du droit d’être entendu de l’auteur de la demande d’assistance, être en principe porté à la connaissance de ce dernier, et ce même si les règles internes « APA » en matière de harcèlement ne prévoient pas une telle transmission (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 80).
86 Cette considération n’est pas remise en cause par la circonstance, invoquée par le Parlement, qu’il s’agit, en l’espèce, d’un document établi par le comité consultatif spécial « APA » et non d’un document établi par le comité consultatif général, tel que celui en cause dans l’arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement (T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393).
87 En effet, certes, comme le souligne le Parlement, le comité consultatif spécial « APA » ne fournit qu’un « avis motivé » au président du Parlement, qui ne lie pas ce dernier lorsque, à son tour, il adopte une décision motivée sur laquelle s’appuiera alors l’AHCC en vue de statuer sur la demande d’assistance. Le Parlement insiste sur ce point en soulignant que, s’agissant des demandes d’assistance émanant d’APA traitées de concert avec le comité consultatif spécial « APA », contrairement à ce qui
est le cas s’agissant des demandes d’assistance traitées avec la collaboration du comité consultatif général, le président du Parlement intervient et « dispose d’un pouvoir de décision exclusif concernant l’existence ou non du harcèlement, qui est beaucoup mieux défini que ne l’est celui du secrétaire général dans le cas des harcèlements de fonctionnaires ».
88 Cependant, une telle considération, de même que le souci du Parlement de veiller à ce que les travaux du comité consultatif spécial « APA » demeurent strictement confidentiels, afin de s’assurer que les questeurs continuent d’accepter de participer auxdits travaux, ne sauraient porter atteinte au droit fondamental de tout fonctionnaire ou agent, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, d’être utilement entendu avant que l’AHCC ne statue sur la demande d’assistance qu’il a
présentée.
89 En particulier, même si l’avis formulé par le comité consultatif spécial « APA » est dépourvu de caractère juridique contraignant, dès lors que tant le président du Parlement, lors de l’adoption de la décision motivée, que l’AHCC, lorsqu’elle a statué sur la demande d’assistance disposaient de cet avis, celui-ci devait également être porté à la connaissance de l’APA, afin qu’il puisse prendre préalablement position sur son contenu avant que l’AHCC ne statue sur la demande d’assistance en se
fondant, y compris indirectement, sur cet avis. Ainsi, en l’espèce, la seule mise à disposition de la requérante de la décision motivée était insuffisante, même si, dans cette décision, le président du Parlement indiquait rendre compte du contenu des conclusions du comité consultatif spécial « APA ».
90 En outre, s’agissant du risque que l’identité des témoins, y compris des éventuels membres du Parlement, soit révélée en cas de divulgation du contenu de l’avis du comité consultatif spécial « APA » à la requérante, force est de constater que rien n’empêche ledit comité de rédiger cet avis, prenant éventuellement la forme d’un rapport ou de conclusions, d’une manière qui ne permette pas d’identifier les témoins ayant prêté leur concours à l’enquête administrative. Par conséquent, cette
argumentation ne saurait être accueillie, d’autant plus dans le contexte du cas d’espèce, puisque, à défaut d’avoir pu en prendre connaissance, le Tribunal ignore le contenu même du document en cause et ne peut pas non plus être certain, au regard de la manière fluctuante avec laquelle le Parlement s’y réfère, si celui-ci a pris la forme d’un avis, d’un rapport ou de conclusions.
91 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il doit être conclu que c’est en méconnaissance du droit d’être entendu, tel que visé à l’article 41 de la Charte, que, dans la décision attaquée et dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a refusé de communiquer à la requérante l’avis du comité consultatif spécial « APA », éventuellement rendu sous la forme d’un rapport ou de conclusions, et l’a ainsi insuffisamment entendue, en l’espèce, sur la seule base de la décision motivée
exposant les motifs pour lesquels le président du Parlement considérait, en se fondant sur ledit avis, comme non fondées les allégations figurant dans la demande d’assistance.
– Sur l’obligation pour l’AHCC, afin de respecter le droit de la requérante d’être entendue, de transmettre à cette dernière les comptes rendus d’audition des témoins avant l’adoption de la décision attaquée
92 S’agissant des comptes rendus d’audition des témoins par le comité consultatif spécial « APA », le Tribunal considère que, en principe, afin d’assurer une mise en œuvre efficace de l’interdiction de toute forme de harcèlement moral ou sexuel sur le lieu de travail, il est loisible à l’administration de prévoir la possibilité de garantir aux témoins, acceptant de livrer leurs récits des faits litigieux dans un cas allégué de harcèlement, que leurs témoignages resteront confidentiels, à l’égard
tant du harceleur présumé que de la victime supposée, à tout le moins dans le cadre de la procédure suivie pour le traitement d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 83).
93 En effet, d’une part, étant donné que, dans le cadre du traitement d’une demande d’assistance, l’un des objectifs impartis à l’administration est de ramener la sérénité dans le service, la prise de connaissance du contenu des témoignages, tant par le harceleur présumé que par la victime supposée, pourrait compromettre cet objectif en ravivant une éventuelle animosité interpersonnelle au sein du service ou de l’institution et en dissuadant, à l’avenir, les personnes susceptibles de fournir un
témoignage pertinent de le faire (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 84).
94 D’autre part, lorsqu’une institution reçoit des informations fournies à titre volontaire, mais assorties d’une demande de confidentialité en vue de protéger l’anonymat de l’informateur, l’institution qui accepte de recevoir ces informations est tenue de respecter une telle condition (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, EU:C:1985:448, point 34). Or, il peut en être de même lorsque des fonctionnaires ou agents voire des membres d’une institution
acceptent de fournir leurs témoignages, afin de permettre à l’administration de faire la lumière sur les faits faisant l’objet d’une demande d’assistance, mais exigent, en contrepartie, que leur anonymat soit assuré à l’égard du harceleur présumé et/ou de la victime supposée, étant souligné que, même si leur participation est souhaitable, d’un point de vue statutaire ou politique, ils ne sont pas nécessairement tenus de collaborer à l’enquête en fournissant leurs témoignages (arrêt du 29 juin
2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 85).
95 Cela étant, lorsque l’administration décide d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre du harceleur présumé, il appartient à l’AIPN ou à l’AHCC de communiquer à l’intéressé tout document qu’elle souhaiterait soumettre à l’appréciation du conseil de discipline, auquel il appartient, le cas échéant, d’entendre à nouveau les témoins des faits reprochés (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 86). Ce raisonnement vaut par analogie dans le cas de
membres d’une institution, tels ceux du Parlement, à l’encontre desquels une procédure spécifique existe, telle que celle prévue à l’article 166 du règlement intérieur de cette institution.
96 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que c’est sans méconnaître le droit d’être entendu, tel que visé à l’article 41 de la Charte, que l’AHCC a, en l’espèce, refusé de transmettre à la requérante, en phase précontentieuse, les comptes rendus d’audition des témoins.
– Sur les conséquences de la méconnaissance du droit d’être entendu tirée de l’absence de transmission, en phase précontentieuse, de l’avis du comité consultatif spécial « APA »
97 S’agissant des conséquences de l’absence de mise à disposition de la requérante de l’avis du comité consultatif spécial « APA » en phase précontentieuse, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, même en présence d’une violation du droit d’être entendu, il faut en outre, pour que le moyen puisse être retenu, que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, ordonnance du 14 avril 2016, Dalli/Commission, C‑394/15 P, non
publiée, EU:C:2016:262, point 41 ; voir également, en ce sens, arrêts du 6 février 2007, Wunenburger/Commission, T‑246/04 et T‑71/05, EU:T:2007:34, point 149, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 157).
98 Pour pouvoir examiner cette question, il aurait fallu que tant la requérante que le Tribunal eussent disposer de l’avis du comité consultatif spécial « APA », éventuellement pris sous la forme d’un rapport ou de conclusions, le cas échéant en version non confidentielle, afin, d’une part, que la requérante eut pu exposer quels arguments elle aurait pu faire valoir en phase précontentieuse si elle avait disposé de ce document et, d’autre part, que le Tribunal eut pu apprécier si cela aurait pu
permettre d’aboutir à un résultat différent quant au traitement, par l’AHCC, de la demande d’assistance.
99 Or, le refus du Parlement de transmettre au Tribunal cet avis, éventuellement pris sous la forme d’un rapport ou de conclusions, de même d’ailleurs que les comptes rendus d’audition des témoins, alors même que la transmission de ces derniers, en phase judiciaire, a été reconnue comme participant du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, points 42 à 49), a pour effet de mettre le Tribunal dans
l’impossibilité d’exercer le contrôle juridictionnel qui lui est confié par l’article 270 TFUE et le statut (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 1980, M./Commission, 155/78, EU:C:1980:150, point 20).
100 Étant donné que ni le traité FUE ni le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ni le règlement de procédure, ne prévoient la possibilité d’infliger une sanction en cas de non-obtempération à une ordonnance, adoptée au titre de l’article 92 du règlement de procédure, portant mesure d’instruction, telle que celle du 18 mai 2018, la seule réaction possible pour le Tribunal face au refus de la partie défenderesse, contrevenant d’ailleurs à l’obligation de coopération loyale prévue à
l’article 13, paragraphe 2, TUE, est d’en tirer toutes les conséquences dans la décision mettant fin à l’instance (arrêt du 12 mai 2010, Commission/Meierhofer, T‑560/08 P, EU:T:2010:192, point 73).
101 Sur ce point, le Parlement ne saurait justifier son refus de fournir les documents demandés par le Tribunal dans le cadre de l’ordonnance du 18 mai 2018 en prétextant que, à l’instar de ce que le Tribunal a retenu dans l’arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement (T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, points 83 à 86), il lui appartiendrait de protéger l’anonymat des personnes, y compris des membres de cette institution, ayant accepté de livrer leurs témoignages, protection qui passerait nécessairement
par le maintien d’une confidentialité absolue à l’égard des travaux du comité consultatif spécial « APA » devant rester, selon lui, totalement secrets.
102 En effet, de telles considérations pouvaient certes être invoquées par le Parlement au titre de l’article 103 du règlement de procédure, lequel vise le traitement des renseignements et des pièces confidentiels.
103 Cependant, cette faculté d’invoquer l’article 103 du règlement de procédure devant le Tribunal ne dispensait pas le Parlement de son obligation, au nom du principe de coopération loyale visé à l’article 13, paragraphe 2, TUE, de respecter les prescriptions de l’ordonnance du 18 mai 2018, ayant force exécutoire au titre de l’article 280 TFUE.
104 En particulier, contrairement à ce que soutient le Parlement, il appartient au Tribunal et non aux parties au litige d’apprécier le caractère confidentiel des documents dont la production est ordonnée au titre de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure et, le cas échéant, d’apprécier si, en raison du caractère confidentiel éventuellement reconnu par le juge de l’Union auxdits documents, il serait approprié, en vue de protéger l’identité des témoins, de ne pas les transmettre en
l’état à la partie requérante, mais d’exiger au contraire de la partie défenderesse qu’elle produise soit une version non confidentielle de ces documents omettant le nom des témoins et les données permettant d’établir, sans doute raisonnable, leur identité (voir, s’agissant d’une telle mesure d’instruction, arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 44), soit un résumé non confidentiel de ces documents.
105 D’ailleurs, s’agissant de cette dernière possibilité, elle aurait pu permettre au Tribunal, le cas échéant, de répondre au souci du Parlement quant au fait que, compte tenu de la nature des faits allégués, une version anonymisée desdits documents n’aurait pas constitué une protection suffisante, puisque, selon lui, l’identité des témoins aurait pu aisément se déduire des faits rapportés ou des déclarations faites.
106 En tout état de cause, s’agissant de la critique du Parlement quant à la pratique du Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement (T‑275/17, EU:T:2018:479), et dans l’affaire pendante QH/Parlement (T‑748/16), il suffit de constater que ce type de décision ne saurait être qualifié d’anormal, étant donné que le Tribunal s’est contenté d’appliquer les dispositions de son règlement de procédure, en particulier l’article 103 de celui-ci [ordonnance du
vice-président de la Cour du 5 juillet 2018, Müller e.a./QH, C‑187/18 P(I), non publiée, EU:C:2018:543, point 41].
107 Par conséquent et sans qu’il soit besoin d’examiner davantage le premier moyen ni le second moyen, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en raison de la méconnaissance, par l’AHCC, du droit de la requérante d’être utilement entendue avant que cette autorité ne rejette sa demande d’assistance.
Sur les conclusions indemnitaires
108 À l’appui de ses conclusions indemnitaires, la requérante fait valoir que le Parlement devrait être condamné, d’une part, pour les illégalités exposées dans le cadre des deux moyens d’annulation et, d’autre part, pour les fautes commises par le comité consultatif spécial « APA », puis par l’AHCC, notamment la circonstance que ce comité lui a illégalement refusé le droit d’être assistée par son conseil lors de son audition le 28 janvier 2015, le fait qu’il serait inéquitable que le
médecin-conseil de l’institution n’ait qu’un rôle d’observateur au sein dudit comité et le fait que la présence d’un représentant de l’administration dans le comité consultatif spécial « APA » méconnaîtrait le principe d’impartialité. Ces éléments auraient contribué, en l’espèce, à une procédure déséquilibrée, partiale et manquant de transparence.
109 La requérante reproche encore au Parlement une méconnaissance du délai raisonnable en ce que la procédure de traitement de la demande d’assistance aurait duré plus de deux ans et trois mois entre la date de son audition par le comité consultatif spécial « APA » et la date à laquelle a été adoptée la décision attaquée. À cet égard, le Parlement aurait reconnu, dans la décision de rejet de la réclamation, qu’il n’y avait pas de justification objective concernant le délai pris entre cette audition
et la décision motivée. Or, la requérante relève qu’elle aurait encore dû attendre sept mois supplémentaires après l’adoption de la décision motivée pour que l’AHCC lui demande de présenter ses observations et que, en outre, cette démarche de l’AHCC n’aurait pas été spontanée, mais adoptée en réponse à une interpellation de sa part.
110 La requérante revendique ainsi la réparation de trois préjudices moraux, à savoir, premièrement, un préjudice lié au climat d’incertitude, d’insécurité juridique et de crainte de ne pas être traitée équitablement, et ce à hauteur de 5000 euros ; deuxièmement, un préjudice lié au manque de célérité de l’AHCC dans le traitement de la demande d’assistance, à hauteur de 13500 euros, et, troisièmement, un préjudice, lié aux illégalités faisant l’objet des deux moyens d’annulation, devant être fixé ex
æquo et bono à 50000 euros, compte tenu de sa difficulté à comprendre les raisons du rejet de la demande d’assistance et de l’attitude de l’AHCC, qui ne lui donnerait pas l’impression, au regard de son devoir d’assistance, qu’elle cherche réellement à la protéger.
111 Le Parlement conclut au rejet des conclusions indemnitaires.
112 S’agissant du souhait de la requérante d’être accompagnée de son conseil lors de son audition par le comité consultatif spécial « APA », le Parlement fait valoir que le rôle de la requérante dans la procédure d’enquête administrative est de donner sa version des faits, afin de permettre à ce comité d’établir si ces faits sont constitutifs de harcèlement moral, et non de s’engager dans une procédure accusatoire contre le harceleur présumé. En réalité, ce serait l’APA qui serait en position
d’accusateur devant le comité consultatif spécial « APA » et, inversement, le membre du Parlement en position de devoir se défendre. Ainsi, étant donné que la victime alléguée d’un harcèlement moral dispose de droits procéduraux plus limités que la personne mise en cause, la requérante n’aurait pas été fondée à requérir l’assistance de son avocat lors de son audition par le comité consultatif spécial « APA ». À cet égard, la circonstance que les règles internes « APA » en matière de harcèlement
n’auraient été modifiées que le 6 juillet 2015 en ce qui concerne le fait que la victime alléguée devait être auditionnée seule ne serait pas pertinente, car, d’une part, cette modification n’aurait été qu’une codification de la pratique antérieure et, d’autre part, selon la jurisprudence résultant de l’arrêt du 16 décembre 1976, Perinciolo/Conseil (124/75, EU:C:1976:186, points 35 à 37), un fonctionnaire ou un agent ne serait fondé à requérir l’assistance d’un avocat au cours d’une procédure
administrative qu’à la condition que la réglementation applicable le prévoit expressément. Quant à la présence du jurisconsulte du Parlement lors de l’audition de la requérante, elle n’aurait eu aucune conséquence, car celui-ci n’avait qu’un statut d’observateur. En outre, sa présence aurait été justifiée afin de veiller à la conduite de l’enquête administrative de manière conforme au droit statutaire. Cette présence n’aurait pas, en revanche, visé à la défense des intérêts de X contre ceux de
la requérante, car, de toute façon, la procédure devant le comité consultatif spécial « APA » ne serait pas de nature contentieuse.
113 S’agissant de la durée de la procédure, le Parlement souligne que, durant la période de seize mois évoquée par la requérante, le comité consultatif spécial « APA » aurait tenu sept réunions, entendu plusieurs témoins et examiné les faits allégués, ce qui aurait justifié une telle durée. Tout en révélant à cette occasion que ledit comité aurait rendu un rapport final le 7 avril 2016, le Parlement affirme que la réparation octroyée par l’AHCC, dans la réponse à la réclamation, ne visait que la
période de sept mois écoulée entre la décision motivée et la décision attaquée. En tout état de cause, le Parlement souligne qu’il lui a fallu du temps pour mettre en place une structure capable de connaître efficacement des situations de harcèlement imputées à des membres de cette institution.
114 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité, tel que la décision attaquée, constitue, en elle-même, la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé. Tel ne saurait toutefois être le cas lorsque la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette
annulation (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131, et du 16 mai 2017, CW/Parlement, T‑742/16 RENV, non publié, EU:T:2017:338, point 64).
115 Ainsi, en ce qui concerne la demande indemnitaire en lien avec les irrégularités faisant l’objet du premier moyen, l’annulation de la décision attaquée devrait en principe constituer une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral de la requérante découlant de l’illégalité constatée par le Tribunal. Cependant, dans certaines circonstances particulières, telles que celles reconnues aux points 26 à 29 de l’arrêt du 7 février 1990, Culin/Commission (C‑343/87, EU:C:1990:49), le sentiment
d’injustice et les tourments que peut occasionner le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus peut constituer un préjudice distinct de l’illégalité déjà réparée par l’annulation de l’acte contesté (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, CC/Parlement, T‑457/13 P, EU:T:2015:240, points 49 à 52). Or, en l’espèce, de telles circonstances particulières doivent être reconnues en ce qui concerne le refus du Parlement
d’obtempérer à la mesure d’instruction du Tribunal, puisque la posture de la partie défenderesse a empêché le Tribunal d’exercer pleinement son contrôle juridictionnel et renforcé chez la requérante un sentiment d’injustice et de désarroi, lequel constitue un préjudice moral qui n’a pas pu être adéquatement et suffisamment réparé par l’annulation de la décision attaquée sur le fondement du premier moyen.
116 S’agissant des prétentions indemnitaires relatives aux irrégularités soulevées dans le cadre du second moyen, celles-ci sont prématurées au regard de la circonstance que, en l’état, le Tribunal ne peut pas se prononcer sur les arguments invoqués à l’appui de ce moyen, puisque, en exécution du présent arrêt, il reviendra à l’AHCC d’entendre utilement la requérante et, le cas échéant, de statuer à nouveau sur la demande d’assistance.
117 S’agissant de la circonstance que la requérante n’a pas été autorisée à être assistée par son conseil lors de son audition par le comité consultatif spécial « APA », force est de constater que la règlementation applicable au sein du Parlement ne prévoit pas une telle faculté. En tout état de cause, ainsi qu’il a été rappelé aux points 71 à 73 ci-dessus, l’audition par ce comité ne s’inscrit pas dans le cadre d’une procédure contradictoire diligentée contre la personne sollicitant l’assistance au
titre de l’article 24 du statut. Par conséquent, même s’il n’est pas exclu qu’une AHCC décide de prévoir qu’une personne auditionnée dans le cadre d’une enquête administrative puisse se faire assistée d’un collègue, d’un représentant du personnel ou encore d’un conseil, la requérante ne saurait invoquer le principe d’égalité des armes ou le principe de bonne administration pour contraindre l’AHCC de prévoir une telle faculté s’agissant des auditions organisées par le comité consultatif spécial
« APA ». En outre, il n’apparaît pas que X aurait eu le droit d’être assistée d’un conseil pour sa propre audition. Quant au fait que le jurisconsulte du Parlement ait pu participer en tant qu’observateur aux travaux du comité consultatif spécial « APA », y compris lors des auditions, cette circonstance n’est pas de nature à vicier les travaux de cette instance.
118 S’agissant de la composition du comité consultatif spécial « APA », il a déjà été jugé, s’agissant du comité consultatif général, que, même s’il n’était pas prévu une parité complète entre les membres désignés par l’administration et ceux désignés par la représentation du personnel, la présence d’un médecin-conseil de l’institution au sein du comité consultatif, la circonstance que le comité consultatif « travaill[ait] dans la plus complète autonomie, indépendance et confidentialité » ainsi que
le caractère collégial des délibérations constituaient des garanties suffisantes d’impartialité et d’objectivité de l’avis que ce comité consultatif était amené à formuler et à adopter à l’intention de l’AHCC (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 103 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, EU:T:2002:135, point 132, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F‑73/13, EU:F:2015:9, point 150).
119 Ces considérations valent également mutatis mutandis pour le comité consultatif spécial « APA ». Ainsi, la requérante ne saurait revendiquer, au profit du médecin-conseil, un rôle davantage délibératif, de même qu’elle ne saurait reprocher à l’AHCC d’être représentée au sein de ce comité par le président du comité consultatif général.
120 S’agissant de la durée de la procédure de traitement de la demande d’assistance, il convient de constater que le statut ne prévoit ni une procédure particulière de traitement de ce type de demande, y compris lorsqu’une telle demande porte sur une méconnaissance alléguée de l’article 12 bis du statut, ni de délai particulier. Il en va de même des règles internes « APA » en matière de harcèlement, même si celles-ci prévoient plusieurs étapes, impliquant l’intervention du comité consultatif spécial
« APA » ainsi que celle du président du Parlement. Ainsi, l’AHCC est tenue en la matière au respect du principe du délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, points 59 et 62) et, par conséquent, l’institution ou l’organe de l’Union concerné doit, dans la conduite de l’enquête administrative et le traitement subséquent de la demande d’assistance, veiller à ce que chaque acte adopté intervienne dans un délai raisonnable par rapport au
précédent (arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 101). En outre, pour apprécier le caractère raisonnable du délai dans lequel ont été conduits à leur terme l’enquête administrative et le traitement de la demande d’assistance, il convient de prendre en compte l’enjeu du litige pour l’intéressé, la complexité de l’affaire et le comportement des parties en présence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127,
point 113 et jurisprudence citée).
121 En l’espèce, le Tribunal constate que, d’une manière générale, le comité consultatif spécial « APA » a pris plus de quatorze mois pour terminer son enquête entre la date de l’audition de la requérante, soit le 28 janvier 2015, et la date à laquelle il aurait conclu ses travaux, soit le 7 avril 2016. Par ailleurs, à partir du prononcé de l’arrêt CH/Parlement (F‑132/14, EU:F:2015:115), soit le 6 octobre 2015, plus de sept mois se sont écoulés avant que le président du Parlement, après avoir pris
connaissance des conclusions du comité consultatif spécial « APA », n’adopte, le 18 mai 2016, la décision motivée. En outre, la requérante a encore dû attendre près de huit mois avant d’être finalement invitée, à sa demande, à présenter des observations sur cette décision motivée avant que, à son tour, l’AHCC ne statue sur la demande d’assistance.
122 En outre, en raison du refus du Parlement d’obtempérer à la mesure d’instruction du Tribunal, ce dernier ne peut appréhender de quelle manière se sont déroulés les travaux du comité consultatif spécial « APA », notamment le nombre de réunions tenues et d’auditions menées ainsi que l’ampleur des conclusions qui ont dû être collégialement rédigées et adoptées par ledit comité. En effet, en l’absence de preuves tangibles, le Tribunal ne saurait se fonder, à cet égard, sur les seules affirmations du
Parlement.
123 Enfin, s’agissant des difficultés évoquées par le Parlement dans la conception de la procédure de traitement d’une demande d’assistance émanant d’APA et visant des comportements de membres de cette institution, celui-ci ne saurait utilement évoquer de telles difficultés pour échapper à ses obligations, tant au titre de l’article 31 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 85) qu’au titre des articles 12 bis et 24 du statut (voir,
par analogie, arrêt du 5 février 2016, GV/SEAE, F‑137/14, EU:F:2016:14, point 77), de garantir à ses fonctionnaires et à ses agents des conditions de travail qui respectent leur santé, leur sécurité et leur dignité et, par conséquent, de mettre à leur disposition en temps utile des procédures permettant d’assurer que leurs conditions de travail répondent à ces exigences. Au demeurant, étant donné que l’article 12 bis du statut est entré en vigueur le 1er mai 2004 et que l’arrêt CH/Parlement
(F‑129/12, EU:F:2013:203) avait été rendu le 12 décembre 2013, le Parlement ne peut pas raisonnablement soutenir qu’il lui a fallu autant d’années pour concevoir et mettre en place une instance telle que le comité consultatif spécial « APA ». En outre, ledit comité consultatif a été créé le 14 avril 2014 et n’a rendu son avis que quatorze mois après l’audition de la requérante, de X et de CN.
124 Ainsi, le Tribunal ne peut que constater que la durée de traitement de la demande d’assistance a été relativement longue sans réelle justification, ainsi, d’ailleurs, qu’en a partiellement convenu le secrétaire général du Parlement dans la décision de rejet de la réclamation. Par conséquent, au regard de l’enjeu tout particulier d’une telle procédure pour la victime supposée, de même que du comportement dilatoire de l’AHCC dans le traitement de celle-ci, le Tribunal ne peut que constater une
violation du principe du délai raisonnable.
125 Au regard de ces circonstances, qui ont engendré chez la requérante un préjudice moral n’ayant été réparé par l’AHCC, à ce stade, qu’à hauteur de 1500 euros, et de la circonstance, invoquée par la requérante dans ses observations du 10 juillet 2018, que le refus du Parlement d’exécuter la mesure d’instruction ordonnée par le Tribunal a aggravé ce préjudice moral, le Tribunal, évaluant ex æquo et bono l’ensemble des préjudices moraux subis par la requérante, considère qu’un montant de 8500 euros
constitue une réparation appropriée de la partie du préjudice moral qui se distingue de l’illégalité constatée dans le cadre du premier moyen et qui ne serait pas adéquatement et intégralement réparée par l’annulation de la décision attaquée.
Sur les dépens
126 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
127 Le Parlement devant être considéré comme la partie ayant succombé pour l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de décider qu’il devra supporter ses propres dépens et être condamné à supporter les dépens exposés par la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du Parlement européen du 20 mars 2017, par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de cette institution a rejeté la demande d’assistance introduite par CH le 22 décembre 2011, est annulée.
2) Le Parlement est condamné à verser à CH, au titre du préjudice moral subi, un montant de 8500 euros.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) Le Parlement est condamné aux dépens.
Pelikánová
Nihoul
Svenningsen
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le français.