La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2018 | CJUE | N°C-491/18

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Mennica Wrocławska sp. z o.o. contre Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu., 13/12/2018, C-491/18


ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 168, 178 et 226 – Refus du droit à déduction – Désignation erronée des marchandises sur les factures  »

Dans l’affaire C‑491/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administra

tif de voïvodie de Wrocław, Pologne), par décision du 25 avril 2018, parvenue à la Cour le 27 juillet 2018, dans la pro...

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 168, 178 et 226 – Refus du droit à déduction – Désignation erronée des marchandises sur les factures  »

Dans l’affaire C‑491/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne), par décision du 25 avril 2018, parvenue à la Cour le 27 juillet 2018, dans la procédure

Mennica Wrocławska sp. z o.o.

contre

Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 168, de l’article 178, sous a), et de l’article 226, point 6, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2010/45/UE du Conseil, du 13 juillet 2010 (JO 2010, L 189, p. 1) (ci-après la « directive TVA »), ainsi que des principes de neutralité fiscale et de proportionnalité.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mennica Wrocławska sp. z o.o au Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu (directeur de l’administration fiscale de Wrocław, Pologne) au sujet du droit de cette société de déduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due ou acquittée en amont.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 168 de la directive TVA dispose :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)      la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

4        L’article 178 de cette directive prévoit :

« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :

a)      pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux dispositions du titre XI, chapitre 3, sections 3 à 6 ;

[...] »

5        Aux termes de l’article 226 de ladite directive, qui figure au titre XI, chapitre 3, section 4, de celle-ci :

« Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221 :

[...]

6)      la quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus ;

[...] »

 Le droit polonais

6        L’article 86, paragraphe 1, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. n° 54, position 535), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« Dans la mesure où les biens et services sont utilisés aux fins d’opérations taxées, l’assujetti visé à l’article 15 bénéficie d’un droit de déduire la taxe en amont de la taxe due [...] »

7        L’article 86, paragraphe 2, point 1, sous a), de cette loi prévoit :

« Le montant de la taxe en amont est égal à la somme des montants de taxe indiqués dans les factures reçues par l’assujetti pour l’acquisition de biens et de services [...] »

8        L’article 86, paragraphe 10, point 1, de ladite loi est libellé comme suit :

« Le droit de déduire la taxe due est appliqué dans la déclaration effectuée pour la période au cours de laquelle l’assujetti a reçu la facture ou le document douanier [...] »

9        L’article 88, paragraphe 3a, point 4, sous a), de la loi relative à la taxe sur les biens et les services énonce :

« Lorsque les factures émises, les factures rectificatives ou les documents douaniers constatent des opérations qui n’ont pas été réalisées, les factures et documents douaniers ne peuvent pas servir de base, pour la partie relative à ces opérations, à la déduction de la taxe en amont, au remboursement du différentiel de taxe ou au remboursement de la taxe acquittée en amont. »

10      Aux termes de l’article 88, paragraphe 3a, point 4, sous b), de cette loi :

« Lorsque les factures émises, les factures rectificatives ou les documents douaniers indiquent des montants qui ne correspondent pas à la réalité, les factures et documents douaniers ne peuvent pas servir de base, pour la partie concernant les postes pour lesquels des montants non conformes à la réalité ont été indiqués, à la déduction de la taxe en amont, au remboursement du différentiel de taxe ou au remboursement de la taxe acquittée en amont. »

11      L’article 106, paragraphe 1, de ladite loi prévoit :

« Les assujettis visés à l’article 15 sont tenus d’établir des factures indiquant notamment la vente, la date de vente, le prix unitaire hors taxe, l’assiette, le taux et le montant de la taxe, le prix à payer et les données concernant l’assujetti et l’acquéreur [...] »

12      Le paragraphe 5, premier alinéa, point 7, du rozporządzenie Ministra Finansów w sprawie zwrotu podatku niektórym podatnikom, wystawiania faktur, sposobu ich przechowywania oraz listy towarów i usług, do których nie mają zastosowania zwolnienia od podatku od towarów i usług (règlement du ministre des Finances relatif au remboursement de la taxe à certains assujettis, à l’établissement des factures, aux modalités de leur conservation ainsi qu’à la liste des biens et des services auxquels
l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s’applique pas), du 28 mars 2011 (Dz. U. de 2011, n° 68, position 360, ci-après le « règlement du ministre des Finances »), dispose :

« La facture comporte : la dénomination (le type) du bien ou service. »

13      Aux termes du paragraphe 15, premier alinéa, de ce règlement :

« L’acquéreur d’un bien ou d’un service qui a reçu une facture contenant des inexactitudes concernant n’importe quelle information relative notamment à la vente, à l’achat ou à la désignation du bien ou du service [...] peut émettre une facture appelée note rectificative. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

14      Par une décision du 27 juillet 2015, fixant les obligations de Mennica Wrocławska en matière de TVA pour les mois de février et de mars 2013, le Naczelnik Dolnośląskiego Urzędu Skarbowego we Wrocławiu (directeur pour la Basse-Silésie de l’office des impôts de Wrocław, Pologne) a considéré qu’elle n’était pas en droit de déduire la TVA due ou acquittée en amont sur certaines transactions conclues avec la société Mennica Wrocławska – Dystrybucja sp. z o.o. au motif que les marchandises faisant
l’objet de ces transactions n’étaient pas correctement identifiées sur les factures se rapportant auxdites transactions.

15      En effet, sur un premier groupe de factures, les marchandises concernées étaient erronément désignées sous la dénomination « débris d’or » alors qu’elles auraient dû être qualifiées de « granulés d’or », les « débris d’or » étant soumis au système de l’autoliquidation tandis que les « granulés d’or » relèvent du régime normal d’assujettissement à la TVA. Sur un second groupe de factures, les marchandises en cause étaient également identifiées comme étant des « débris d’or » alors qu’elles
consistaient pour partie en des « granulés d’or » et pour partie en des « débris d’or ».

16      Selon le directeur pour la Basse-Silésie de l’office des impôts de Wrocław, du fait de cette erreur, les factures en cause au principal ne reflètent pas les transactions réellement conclues, de sorte qu’elles ne sauraient servir de base à la déduction de la TVA. En outre, Mennica Wrocławska n’aurait entrepris aucune démarche afin d’obtenir des factures rectificatives de la part de son cocontractant.

17      La décision du directeur pour la Basse-Silésie de l’office des impôts de Wrocław, du 27 juillet 2015, a été confirmée par une décision du 11 mars 2016 du Dyrektor Izby Skarbowej we Wrocławiu (directeur de la chambre fiscale de Wroclaw, Pologne), devenu le directeur de l’administration fiscale de Wrocław.

18      Saisie par Mennica Wrocławska d’un recours contre cette dernière décision, la juridiction de renvoi a annulé celle-ci, par un arrêt du 20 février 2017. Selon cette juridiction, Mennica Wrocławska ne pouvait être privée de son droit de déduire la TVA due ou acquittée en amont en application de l’article 88, paragraphe 3a, point 4, sous a) et b), de la loi relative à la taxe sur les biens et les services, et ce nonobstant le fait qu’elle n’a pas émis de note rectificative des factures en cause
au principal afin de corriger l’erreur entachant celles-ci, conformément au paragraphe 15, premier alinéa, du règlement du ministre des Finances. En particulier, il serait, en l’occurrence, constant que les transactions faisant l’objet de ces factures ont réellement eu lieu et qu’elles portaient sur de l’or, l’erreur entachant lesdites factures concernant uniquement la désignation précise de la forme de l’or. Par ailleurs, les autorités fiscales auraient été en mesure de définir précisément la
valeur des transactions en cause au principal.

19      Par un arrêt du 19 décembre 2017, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), saisi sur pourvoi, a annulé l’arrêt de la juridiction de renvoi du 20 février 2017, aux motifs tirés, notamment, d’une violation de l’obligation de motivation, et a renvoyé l’affaire à cette dernière juridiction pour un nouvel examen au fond. Dans son arrêt, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a notamment souligné que les factures revêtent une importance
essentielle et qu’il n’appartient pas à l’administration fiscale de définir, indépendamment des indications figurant sur ces factures, l’objet réel de la transaction en cause, cette tâche incombant aux assujettis. Or, en l’occurrence, aucune note rectificative des factures en cause au principal n’aurait été établie.

20      La juridiction de renvoi, devant laquelle l’affaire a été renvoyée pour un nouvel examen, émet des doutes sur la compatibilité, avec la directive TVA, des décisions adoptées par les autorités fiscales dans cette affaire pour ce qui concerne le premier groupe de factures mentionné au point 15 de la présente ordonnance.

21      À cet égard, elle relève, tout d’abord, qu’il est constant entre les parties que ces factures comportent une erreur en ce qui concerne la désignation précise des marchandises en cause et que les transactions conclues ont pour objet réel des « granulés d’or ». En revanche, les autorités fiscales auraient confirmé que les autres données figurant sur lesdites factures, notamment les modalités de calcul de la TVA, étaient correctes.

22      Cette juridiction souligne, ensuite, que, bien que n’ayant pas rédigé de note rectificative de ces mêmes factures, Mennica Wrocławska a, avant que ces autorités ne prennent de décision à son égard, fourni à ces dernières les documents et explications nécessaires à la définition de l’objet réel des transactions en cause, que lesdites autorités ont elles-mêmes confirmé cet objet et que ces transactions ont réellement eu lieu.

23      Par ailleurs, malgré l’erreur d’identification des marchandises entachant les factures en cause au principal, la TVA aurait été correctement collectée auprès de l’émetteur de ces factures conformément au régime fiscal normal d’assujettissement à la TVA, applicable aux granulés d’or.

24      Enfin, ladite juridiction relève qu’aucune fraude ou tentative de dissimulation d’informations de la part de Mennica Wrocławska n’a été établie.

25      Dans ces conditions, le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions de la directive [TVA], en particulier l’article 168, l’article 178, sous a), l’article 226, point 6, ainsi que les principes du système de TVA, notamment les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité, ne s’opposent‑ils pas à une pratique nationale qui refuse le droit de déduire la TVA de factures sur lesquelles est indiqué le type erroné de marchandises même si, au cours de la procédure fiscale (avant l’adoption de la décision), l’assujetti avait présenté toutes les
explications nécessaires et les documents de référence confirmant l’existence et les caractéristiques spécifiques des biens faisant l’objet de la transaction, qui ont ensuite été acceptés par l’administration fiscale au cours de la procédure fiscale, et même si l’existence d’une fraude fiscale n’a pas été constatée ? »

 Sur la demande de procédure accélérée

26      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

27      Il convient de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

28      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la juridiction de renvoi de soumettre le traitement de cette affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 Sur la question préjudicielle

29      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 168, sous a), l’article 178, sous a), et l’article 226 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les autorités fiscales nationales refusent à l’assujetti le droit de déduire la TVA due ou acquittée en amont au seul motif que les factures établies comportent une erreur relative à l’identification des marchandises faisant l’objet des transactions concernées et ce alors même
que l’assujetti a, avant que les autorités fiscales ne prennent de décision à son égard, fourni à ces dernières les documents et explications nécessaires à la détermination de l’objet réel de ces transactions et attestant de la réalité de celles-ci.

30      Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis ou les services reçus par eux en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation de l’Union. Ce droit, prévu par les articles 167 et suivants de la directive TVA, qui fait partie intégrante du mécanisme de la TVA, ne peut, en principe, être limité et
s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (arrêts du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, points 37 et 38, ainsi que du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, points 35 et 36).

31      Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêts du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos
Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, point 39, et du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 37).

32      Les conditions de fond requises pour la naissance du droit à déduction sont énumérées à l’article 168, sous a), de la directive TVA. Ainsi, pour pouvoir bénéficier de ce droit, il faut, d’une part, que l’intéressé soit un assujetti au sens de cette directive et, d’autre part, que les biens ou les services invoqués pour fonder le droit à déduction soient utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et que, en amont, ces biens soient livrés ou ces services
soient rendus par un autre assujetti (arrêts du 15 septembre 2016, Senatex, C‑518/14, EU:C:2016:691, point 28, et du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 39).

33      En ce qui concerne les conditions formelles relatives à l’exercice dudit droit, il ressort de l’article 178, sous a), de ladite directive que l’exercice de celui-ci est subordonné à la détention d’une facture établie conformément notamment à l’article 226 de cette même directive (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, point 41, du 15 septembre 2016, Senatex, C‑518/14, EU:C:2016:691, point 29, ainsi que du
19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 40).

34      À cet égard, l’article 226, point 6, de la directive TVA prévoit que doivent, aux fins de la TVA, figurer obligatoirement sur la facture la quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus.

35      En vertu d’une jurisprudence bien établie, le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de la taxe versée en amont soit accordée si les conditions de fond énoncées au point 32 de la présente ordonnance sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis (arrêts du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, point 42 ; du 15 septembre 2016, Senatex, C‑518/14, EU:C:2016:691,
point 38, ainsi que du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 41).

36      En outre, la Cour a itérativement jugé que le fait de sanctionner le non-respect par l’assujetti de ces conditions formelles par un refus du droit à déduction va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’assurer l’application correcte desdites conditions, dès lors que le droit de l’Union n’empêche pas les États membres d’infliger, le cas échéant, une amende ou une sanction pécuniaire proportionnée à la gravité de l’infraction afin de sanctionner la méconnaissance de ces
mêmes conditions (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2018, Dobre, C‑159/17, EU:C:2018:161, point 34, et du 12 septembre 2018, Siemens Gamesa Renewable Energy România, C‑69/17, EU:C:2018:703, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

37      Il peut cependant en aller autrement si la méconnaissance de telles conditions formelles a pour effet d’empêcher d’apporter la preuve certaine que les conditions de fond énoncées au point 32 de la présente ordonnance sont remplies (arrêts du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 42, ainsi que du 12 septembre 2018, Siemens Gamesa Renewable Energy România, C‑69/17, EU:C:2018:703, point 38 et jurisprudence citée).

38      La Cour en a déduit que les autorités fiscales ne sauraient refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif qu’une facture ne remplit pas les conditions requises notamment par l’article 226, point 6, de la directive TVA si ces autorités disposent de toutes les données afin de vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites (arrêts du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, point 43, et du 21 novembre
2018, Vădan, C‑664/16, EU:C:2018:933, point 41).

39      À cet égard, s’il incombe à l’assujetti qui demande la déduction de la TVA d’établir qu’il répond aux conditions prévues pour en bénéficier et d’apporter les preuves nécessaires afin de permettre aux autorités fiscales d’apprécier s’il y a lieu d’accorder la déduction sollicitée, ces autorités ne sauraient se limiter à l’examen de la facture elle-même, mais doivent également tenir compte des informations complémentaires fournies par cet assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre
2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, points 44 à 46).

40      Par ailleurs, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le droit à déduction peut être refusé s’il est démontré, au vu d’éléments objectifs, qu’il est invoqué frauduleusement ou abusivement (arrêts du 28 juillet 2016, Astone, C‑332/15, EU:C:2016:614, point 50, ainsi que du 12 septembre 2018, Siemens Gamesa Renewable Energy România, C‑69/17, EU:C:2018:703, point 39 et jurisprudence citée).

41      En l’occurrence, les autorités fiscales nationales ont refusé à Mennica Wrocławska le droit de déduire la TVA due ou acquittée en amont sur certaines transactions au motif que les marchandises faisant l’objet de ces transactions n’étaient pas correctement identifiées sur les factures se rapportant auxdites transactions. Ainsi, sur les factures en cause au principal, des marchandises concernées étaient erronément désignées sous la dénomination « débris d’or » alors qu’elles auraient dû être
qualifiées de « granulés d’or ».

42      Toutefois, il ressort de la décision de renvoi que, malgré cette erreur dans l’identification des marchandises livrées, premièrement, Mennica Wrocławska a fourni aux autorités fiscales les documents et explications nécessaires à la définition de l’objet réel desdites transactions et attestant de la réalité de celles-ci, deuxièmement, cet objet a été confirmé par ces autorités et, troisièmement, les autres données figurant sur les factures en cause au principal, notamment celles relatives aux
modalités de calcul de la TVA, sont correctes. Il s’ensuit que lesdites autorités disposaient des informations nécessaires pour établir que les conditions de fond du droit à déduction étaient satisfaites.

43      En outre, la juridiction de renvoi indique que, bien que des marchandises aient été erronément identifiées sur les factures en cause au principal comme étant des « débris d’or », lesquels sont soumis au système de l’autoliquidation, en l’occurrence, la TVA a été correctement collectée auprès de l’émetteur de ces factures en application du régime fiscal normal d’assujettissement à la TVA applicable aux granulés d’or.

44      Dans de telles conditions, l’erreur entachant les factures en cause au principal quant à la dénomination précise des marchandises concernées n’est, eu égard à la jurisprudence citée aux points 35 à 39 de la présente ordonnance, pas susceptible de priver Mennica Wrocławska de son droit à déduction.

45      À la lumière de cette jurisprudence, n’est pas davantage de nature à la priver de ce droit le fait, relevé par la juridiction de renvoi, que, en l’occurrence, Mennica Wrocławska n’a pas émis de note rectificative des factures en cause au principal afin de corriger l’erreur entachant celles-ci, conformément à la possibilité prévue à cet effet au paragraphe 15 du règlement du ministre des Finances, ni sollicité de factures rectificatives de la part de son cocontractant dès lors qu’elle a
fourni aux autorités fiscales les explications et documents nécessaires à la détermination de l’objet réel des transactions en cause au principal.

46      Enfin, si, comme il a été exposé au point 40 de la présente ordonnance, le droit à déduction peut être refusé lorsqu’il est démontré qu’il est invoqué frauduleusement ou abusivement, la juridiction de renvoi a indiqué qu’aucune fraude de la part de Mennica Wrocławska n’avait été établie.

47      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 168, sous a), l’article 178, sous a), et l’article 226 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les autorités fiscales nationales refusent à l’assujetti le droit de déduire la TVA due ou acquittée en amont au seul motif que les factures établies comportent une erreur relative à l’identification des marchandises faisant l’objet des transactions
concernées, et ce alors même que l’assujetti a, avant que les autorités fiscales ne prennent de décision à son égard, fourni à ces dernières les documents et explications nécessaires à la détermination de l’objet réel de ces transactions et attestant de la réalité de celles-ci.

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 168, sous a), l’article 178, sous a), et l’article 226 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2010/45/UE du Conseil, du 13 juillet 2010, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les autorités fiscales nationales refusent à l’assujetti le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée en amont au seul motif que les factures établies
comportent une erreur relative à l’identification des marchandises faisant l’objet des transactions concernées, et ce alors même que l’assujetti a, avant que les autorités fiscales ne prennent de décision à son égard, fourni à ces dernières les documents et explications nécessaires à la détermination de l’objet réel de ces transactions et attestant de la réalité de celles-ci.

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

*      Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-491/18
Date de la décision : 13/12/2018
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 168, 178 et 226 – Refus du droit à déduction – Désignation erronée des marchandises sur les factures.

Fiscalité

Taxe sur la valeur ajoutée


Parties
Demandeurs : Mennica Wrocławska sp. z o.o.
Défendeurs : Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek
Rapporteur ?: Lycourgos

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:1042

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award