ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
13 décembre 2018 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Droit au congé annuel payé – Article 7, paragraphe 1 – Réglementation d’un État membre permettant de prévoir, par convention collective, la prise en compte des périodes de chômage partiel aux fins du calcul de la rémunération versée au titre du congé annuel – Effets dans le temps des arrêts d’interprétation »
Dans l’affaire C‑385/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Arbeitsgericht Verden (tribunal du travail de Verden, Allemagne), par décision du 19 juin 2017, parvenue à la Cour le 26 juin 2017, dans la procédure
Torsten Hein
contre
Albert Holzkamm GmbH & Co. KG,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de la septième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos (rapporteur), E. Juhász et C. Vajda, juges,
avocat général : M. M. Bobek,
greffier : Mme R. Şereş, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juin 2018,
considérant les observations présentées :
– pour M. Hein, par Me S. Eidinger, Rechtsanwältin,
– pour Albert Holzkamm GmbH & Co. KG, par Mes C. Brehm et I. Witten, Rechtsanwältinnen,
– pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme L. Fiandaca, avvocato dello Stato,
– pour la Commission européenne, par MM. T. S. Bohr et M. van Beek, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), ainsi que de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Torsten Hein à Albert Holzkamm GmbH & Co. KG (ci-après « Holzkamm ») au sujet du calcul de l’indemnité de congés payés, à savoir la rémunération à laquelle il a droit au titre de ses congés payés.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 31 de la Charte, intitulé « Conditions de travail justes et équitables », prévoit :
« 1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité.
2. Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés. »
4 L’article 1er de la directive 2003/88, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit :
« 1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.
2. La présente directive s’applique :
a) aux périodes minimales [...] de congé annuel [...]
[...] »
5 Aux termes de l’article 2, point 1, de cette directive, on entend par « temps de travail », « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ». L’article 2, point 2, de ladite directive définit la « période de repos » comme « toute période qui n’est pas du temps de travail ».
6 L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé « Congé annuel », dispose :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.
2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »
7 L’article 15 de ladite directive est rédigé comme suit :
« La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l’application de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. »
Le droit allemand
La loi sur les congés
8 L’article 3, paragraphe 1, du Mindesturlaubsgesetz für Arbeitnehmer (loi sur le congé minimum des salariés), du 8 janvier 1963 (BGBl. I, 1963, p. 2), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi sur les congés »), énonce :
« Le congé est d’au moins 24 jours ouvrables par an. »
9 L’article 11 de la loi sur les congés, intitulé « Indemnité légale de congés payés », dispose, à son paragraphe 1 :
« L’indemnité légale de congés payés est fonction de la rémunération moyenne perçue par le salarié au cours des treize dernières semaines précédant le début du congé, à l’exception de la rémunération perçue au titre d’heures supplémentaires. [...] Les réductions de rémunération résultant au cours de la période de référence d’un chômage partiel, d’un chômage accidentel ou d’une absence non fautive du salarié ne sont pas prises en considération pour le calcul de l’indemnité légale de congés payés.
[...] »
10 L’article 13 de ladite loi prévoit :
« 1. Les conventions collectives peuvent déroger aux dispositions qui précèdent, à l’exception des articles 1er, 2 et 3, paragraphe 1. [...]
2. Dans le secteur du bâtiment et d’autres branches de l’économie dans lesquelles, en raison du changement fréquent de la localisation du travail à effectuer par les entreprises, il est courant que les relations de travail soient d’une durée inférieure à un an, les conventions collectives peuvent déroger aux dispositions qui précèdent, y compris à celles qui sont énumérées à la première phrase du paragraphe 1 ci-dessus, dans la mesure nécessaire pour assurer à tous les salariés un congé annuel
d’un seul tenant. [...]
[...] »
La convention collective du bâtiment
11 L’article 8 du Bundesrahmentarifvertrag für das Baugewerbe (convention collective-cadre fédérale du secteur du bâtiment), du 4 juillet 2002, dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « convention collective du bâtiment »), stipule :
« 1. Droit à congé et durée du congé
1.1 Le salarié a droit, chaque année civile (année de congé), à un congé de repos payé de 30 jours ouvrables.
[...]
1.3 Les samedis ne sont pas considérés comme des jours ouvrables.
1.4 La durée du congé est fonction du nombre de jours d’activité accomplis dans des entreprises du secteur du bâtiment.
[...]
2. Calcul de la durée du congé
[...]
2.2 Le salarié acquiert droit à un jour de congé après 12 jours d’activité –10,3 jours d’activité pour les salariés souffrant d’un handicap lourd.
2.3 On entend par “jours d’activité” tous les jours calendaires de l’année de congé pendant lesquels une relation de travail a existé avec des entreprises du secteur du bâtiment, à l’exception des jours d’absence non excusée du salarié et des jours de congé sans solde, si la durée de ce dernier était supérieure à 14 jours.
[...]
4. Indemnité de congés payés
4.1 Le salarié perçoit une indemnité de congés payés au titre du congé visé au point 1 ci-dessus.
L’indemnité de congés payés s’élève à 14,25 % – pour les personnes souffrant d’un handicap lourd, à 16,63 % – du salaire brut. L’indemnité de congés payés est composée de l’indemnité légale de congés payés s’élevant à 11,4 % – pour les personnes souffrant d’un handicap lourd, à 13,3 % – du salaire brut et de la prime conventionnelle de congés payés, versée en complément. La prime conventionnelle de congés payés s’élève à 25 % de l’indemnité légale de congés payés. Elle peut s’imputer sur une
prime de congés payés accordée par l’entreprise.
[...]
4.2 On entend par “salaire brut”
a) la rémunération brute du travail qui est retenue pour le calcul de l’impôt sur les salaires et qui est inscrite sur l’attestation d’impôt, y compris les avantages en nature qui ne sont pas imposés de manière forfaitaire au titre de l’article 40 de l’Einkommensteuergesetz (loi sur l’impôt sur le revenu),
[...]
Le salaire brut ne comprend pas la prime conventionnelle de treizième mois ou des primes de même type accordées par l’entreprise (par exemple prime de Noël, prime exceptionnelle annuelle), des indemnités financières de congé non pris en vertu du point 6 ainsi que des indemnités versées au titre de la cessation de la relation de travail.
[...]
4.3 L’indemnité de congés payés versée au titre d’un congé pris partiellement est calculée en divisant l’indemnité de congés payés calculée conformément au point 4.1 ci-dessus par le nombre de jours de congé calculé conformément au point 2 ci-dessus, avant de la multiplier par le nombre de jours de congé pris.
[...]
4.5 À la fin de l’année de congé, le solde de la créance d’indemnité de congés payés est reporté sur l’année civile suivante.
5. Indemnité minimum de congés payés
5.1 Par heure non travaillée en raison d’une incapacité de travail non fautive pour cause de maladie au titre de laquelle aucun salaire n’était dû, le montant de l’indemnité de congés payés calculée en application du point 4.1 ci-dessus est augmenté de 14,25 % du dernier salaire brut déclaré en application de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, point 1, [du Tarifvertrag über das Sozialkassenverfahren im Baugewerbe (convention collective relative au régime des caisses sociales du secteur
du bâtiment)].
5.2 Par heure non travaillée entre le 1er décembre et le 31 mars, au titre de laquelle le salarié perçoit une indemnité de chômage partiel saisonnier, le montant de l’indemnité de congés payés calculée en application du point 4.1 ci-dessus est augmenté de 14,25 % du dernier salaire brut déclaré en application de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, point 1, de la convention collective relative au régime des caisses sociales du secteur du bâtiment. Dans ce cadre, les 90 premières heures
non travaillées donnant lieu au versement de l’indemnité de chômage partiel saisonnier ne sont pas prises en compte.
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 M. Hein est employé par Holzkamm en qualité de coffreur. Leur relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective du bâtiment. Au cours de l’année civile 2015, M. Hein s’est trouvé au chômage partiel pour une période totale de 26 semaines. Pendant les années 2015 et 2016, il a pris 30 jours de congé dont il avait acquis les droits au cours de l’année 2015.
13 Ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, l’article 11, paragraphe 1, de la loi sur les congés prévoit que l’indemnité légale de congés payés est fonction de la rémunération moyenne perçue par le salarié au cours de la période de référence, à savoir les treize dernières semaines précédant le début du congé. Selon cette disposition, les réductions de rémunération résultant, au cours de la période de référence, d’un chômage partiel, d’un chômage accidentel ou d’une absence non
fautive du salarié ne sont pas prises en compte pour le calcul de l’indemnité légale de congés payés.
14 L’article 13, paragraphes 1 et 2, de la loi sur les congés permet de déroger par convention collective aux dispositions de cette loi. Les partenaires sociaux du secteur du bâtiment ont fait usage de cette possibilité et ont inséré, dans la convention collective du bâtiment, des dispositions particulières régissant, notamment, l’acquisition du droit à congé et la rémunération perçue pendant le congé, dite « indemnité de congés payés ».
15 L’indemnité de congés payés est calculée sur la base du salaire brut reçu durant la période de référence, qui est calculé sur une base annuelle. Si, conformément à l’article 8, point 4.1, de la convention collective du bâtiment, l’indemnité de congés payés est supérieure de 25 % à l’« indemnité légale de congés payés », qui est prévue à l’article 11, paragraphe 1, de la loi sur les congés, s’élevant ainsi, pour les travailleurs non handicapés, à 14,25 % du salaire brut annuel, le calcul de
l’indemnité de congés payés sur la base du salaire brut reçu durant la période de référence conduit à une réduction de cette indemnité lorsque le salarié a eu des périodes de chômage partiel au cours de cette période de référence, la réduction de rémunération résultant de ces périodes de chômage partiel étant prise en compte pour le calcul de cette indemnité.
16 Eu égard aux périodes de chômage partiel de M. Hein au cours de l’année 2015, Holzkamm a calculé le montant de son indemnité de congés payés sur la base d’un salaire horaire brut inférieur au salaire horaire normal. Or, M. Hein considère que les périodes de chômage partiel au cours de la période de référence ne sauraient avoir pour effet de réduire le montant de l’indemnité de congés payés auquel il peut prétendre et il réclame, à cet égard, un montant total de 2260,27 euros.
17 Selon la juridiction de renvoi, la réponse de la Cour aux questions préjudicielles est nécessaire, car si le droit de l’Union fait obstacle au régime juridique national, en vertu duquel des réductions de rémunération, qui résultent d’un chômage partiel intervenu au cours de la période de référence, sont prises en considération lors du calcul de l’indemnité de congés payés, Holzkamm se serait fondée sur un taux horaire trop bas lors de son calcul de l’indemnité de congés payés due à M. Hein. Cette
juridiction précise que la créance invoquée par M. Hein concerne au moins partiellement l’indemnité de congés payés due au titre du congé minimum de quatre semaines prévu à l’article 7 de la directive 2003/88.
18 Selon ladite juridiction, il découle de la jurisprudence de la Cour qu’un travailleur doit percevoir la rémunération ordinaire pour la durée du congé annuel au sens de la directive 2003/88. Cette rémunération ordinaire devrait être appréciée en se basant sur une moyenne calculée sur une période de référence jugée représentative et à la lumière du principe selon lequel le droit au congé annuel et celui à l’obtention d’un paiement pendant ce congé constituent deux volets d’un droit unique.
19 La juridiction de renvoi considère que la question qui se pose en l’espèce, à savoir celle de la conformité au droit de l’Union d’une réglementation nationale permettant de prévoir, par convention collective, la prise en compte de pertes de salaire susceptibles de se produire au cours de la période de référence en raison d’un chômage partiel, ce qui entraîne une réduction de l’indemnité de congés payés, n’a pas été tranchée par la jurisprudence de la Cour.
20 Dans ces conditions, l’Arbeitsgericht Verden (tribunal du travail de Verden, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 31 de la [Charte] et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [2003/88] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition législative nationale permettant de prévoir par convention collective que des réductions de rémunération résultant au cours de la période de référence d’un chômage partiel sont prises en considération lors du calcul de l’indemnité légale de congés payés, ce qui a pour conséquence que le salarié perçoit, pour la durée du congé annuel
minimum de quatre semaines, une indemnité de congés payés – ou, en cas de cessation de la relation de travail, une indemnité financière de congé non pris – inférieure à celle qu’il aurait perçue si l’indemnité de congés payés avait été calculée sur la base de la rémunération moyenne dont il aurait bénéficié au cours de la période de référence sans ces réductions de rémunération ? Dans l’affirmative, quelle peut être au maximum, en pourcentage de la rémunération moyenne sans réductions, la
réduction de l’indemnité de congés payés résultant d’un chômage partiel au cours de la période de référence, pour qu’il puisse être considéré que la législation nationale permettant de prévoir une telle réduction par convention collective a été interprétée d’une manière conforme au droit de l’Union ?
2) En cas de réponse affirmative à la première question : le principe de sécurité juridique, principe général du droit de l’Union, et le principe de non–rétroactivité imposent-ils de limiter dans le temps la possibilité pour tous les intéressés de se prévaloir de l’interprétation que la Cour fera dans son arrêt préjudiciel des dispositions de l’article 31 de la [Charte] et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, dans la mesure où les plus hautes juridictions nationales ont
précédemment jugé que les dispositions nationales en cause, d’origine législative et conventionnelle, ne pouvaient pas être interprétées d’une manière conforme au droit de l’Union ? Dans la négative, est-il compatible avec le droit de l’Union que les juridictions nationales protègent, sur le fondement du droit national, la confiance légitime des employeurs qui ont compté sur le maintien de la jurisprudence des plus hautes juridictions nationales, ou la protection de la confiance légitime
est-elle réservée à la Cour ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
21 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ainsi que l’article 31, paragraphe 2, de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, aux fins du calcul de l’indemnité de congés payés, permet de prévoir par convention collective la prise en compte des réductions de rémunération résultant de l’existence, au cours de la
période de référence, de jours où, en raison d’un chômage partiel, aucun travail effectif n’est fourni, ce qui a pour conséquence que le salarié perçoit, pour la durée du congé annuel minimum dont il bénéficie au titre de cet article 7, paragraphe 1, une indemnité de congés payés inférieure à celle qu’il aurait perçue si cette dernière avait été calculée sur la base de la rémunération moyenne dont il a bénéficié au cours de la période de référence sans la prise en compte de ces réductions de
rémunération. Dans l’affirmative, cette juridiction s’interroge, dans le cadre de l’interprétation conforme de la législation nationale à laquelle elle pourrait être amenée à procéder, sur le niveau auquel l’indemnité de congés payés peut être réduite sans enfreindre le droit de l’Union.
22 Il importe, à titre liminaire, de rappeler, d’une part, que, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, disposition à laquelle cette directive ne permet pas de déroger, tout travailleur bénéficie d’un droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines, droit qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, doit être considéré comme un principe de droit social de l’Union revêtant une importance particulière (arrêt du 20 juillet 2016, Maschek,
C‑341/15, EU:C:2016:576, point 25 et jurisprudence citée).
23 Ce droit, conféré à tout travailleur, est expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêts du 8 novembre 2012, Heimann et Toltschin, C‑229/11 et C‑230/11, EU:C:2012:693, point 22 ; du 29 novembre 2017, King, C‑214/16, EU:C:2017:914, point 33, ainsi que du 4 octobre 2018, Dicu, C‑12/17, EU:C:2018:799, point 25).
24 D’autre part, il y a lieu de relever que la directive 2003/88 traite le droit au congé annuel et celui à l’obtention d’un paiement à ce titre comme constituant deux volets d’un droit unique (arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 60, ainsi que du 15 septembre 2011, Williams e.a., C‑155/10, EU:C:2011:588, point 26).
25 Aussi, afin d’apporter une réponse utile à la première partie de la première question, il convient d’examiner, en premier lieu, la durée du congé annuel minimum qui, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, est conféré par le droit de l’Union et, en second lieu, la rémunération à laquelle le travailleur a droit durant ce congé.
26 S’agissant, en premier lieu, de la durée du congé annuel minimum, il y a lieu de rappeler que la finalité du droit au congé annuel payé, conféré à chaque travailleur par l’article 7 de la directive 2003/88, est de permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d’une part, et de disposer d’une période de détente et de loisirs, d’autre part (voir, notamment, arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06,
EU:C:2009:18, point 25, ainsi que du 4 octobre 2018, Dicu, C‑12/17, EU:C:2018:799, point 27).
27 Cette finalité, qui distingue le droit au congé annuel payé d’autres types de congés poursuivant des finalités différentes, est basée sur la prémisse que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence. En effet, l’objectif de permettre au travailleur de se reposer suppose que ce travailleur ait exercé une activité justifiant, pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé visée par la directive 2003/88, le bénéfice d’une période de repos, de détente et de
loisirs. Partant, les droits au congé annuel payé doivent en principe être calculés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu du contrat de travail (arrêt du 4 octobre 2018, Dicu, C‑12/17, EU:C:2018:799, point 28).
28 En l’occurrence, il résulte des éléments du dossier dont la Cour dispose ainsi que des observations présentées lors de l’audience devant la Cour que, dans une situation telle que celle de M. Hein dans l’affaire au principal, durant les périodes de chômage partiel, la relation de travail entre l’employeur et le travailleur se poursuit, mais le travailleur ne fournit pas de travail effectif pour les besoins de son employeur.
29 Or, il découle de la jurisprudence citée au point 27 du présent arrêt qu’un travailleur se trouvant dans une telle situation ne saurait acquérir des droits à congés annuels payés, au titre de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, que pour les périodes durant lesquelles il a fourni un travail effectif, aucun droit à congé n’étant ainsi acquis, au titre de cette disposition, pour les périodes de chômage partiel au cours desquelles il n’a pas fourni un tel travail. Ainsi, en
l’occurrence, étant donné que, au cours de l’année 2015, M. Hein n’a pas fourni de travail effectif pendant 26 semaines, il apparait que seules, en principe, deux semaines de congés soient régies par cet article 7, paragraphe 1, la durée exacte de cette période de congé devant être toutefois déterminée par la juridiction de renvoi.
30 Cependant, il ressort de manière explicite du libellé de l’article 1er, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de l’article 7, paragraphe 1, ainsi que de l’article 15 de la directive 2003/88 que cette dernière se borne à fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail et qu’elle ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer des dispositions nationales plus favorables à la protection des travailleurs.
31 Il en résulte que ladite directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale ou une convention collective octroie aux salariés un droit au congé annuel payé d’une durée supérieure à ce que garantit cette même directive, et ce indépendamment du fait que le temps de travail des salariés ait été réduit pour cause de chômage partiel (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, points 47 et 48).
32 S’agissant, en second lieu, de la rémunération qui doit être versée au travailleur au titre de la période de congé annuel minimum garantie par le droit de l’Union, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que l’expression « congé annuel payé », figurant à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, signifie que, pour la durée du « congé annuel », au sens de cette directive, la rémunération doit être maintenue et que, en d’autres termes, le travailleur doit percevoir la rémunération
ordinaire pour cette période de repos (arrêts du 16 mars 2006, Robinson-Steele e.a., C‑131/04 et C‑257/04, EU:C:2006:177, point 50, ainsi que du 15 septembre 2011, Williams e.a., C‑155/10, EU:C:2011:588, point 19).
33 En effet, l’objectif de l’exigence de payer ce congé est de placer le travailleur, lors dudit congé, dans une situation qui est, s’agissant du salaire, comparable aux périodes de travail (arrêts du 16 mars 2006, Robinson-Steele e.a., C‑131/04 et C‑257/04, EU:C:2006:177, point 58, ainsi que du 15 septembre 2011, Williams e.a., C‑155/10, EU:C:2011:588, point 20).
34 Si la structure de la rémunération ordinaire d’un travailleur relève, en tant que telle, des dispositions et des pratiques régies par le droit des États membres, celle-ci ne saurait avoir un impact sur le droit du travailleur de jouir, durant sa période de repos et de détente, de conditions économiques comparables à celles concernant l’exercice de son travail (arrêt du 15 septembre 2011, Williams e.a., C‑155/10, EU:C:2011:588, point 23).
35 En l’occurrence, il ressort de l’article 8, points 4.1, 4.2 et 5.2, de la convention collective du bâtiment que celle-ci tient compte, ne serait-ce que partiellement, des périodes de chômage partiel aux fins du calcul de la rémunération versée au titre du congé annuel. Dans le cas de M. Hein, la juridiction de renvoi indique qu’il en résulte une réduction importante de cette rémunération par rapport à celle qu’il aurait obtenue en l’absence de prise en compte de ces périodes. En effet, durant
l’année 2015, qui, selon la juridiction de renvoi, est la période de référence pendant laquelle M. Hein a acquis les droits au congé annuel en cause au principal, ce travailleur a été en chômage partiel durant 26 semaines, ce qui représente la moitié de cette période de référence.
36 Une telle réglementation implique que des périodes de chômage partiel, durant lesquelles le salarié n’a pas fourni un travail effectif sont comptabilisées aux fins du calcul de la rémunération due, notamment, pour les jours de congé annuel découlant de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88.
37 Il en résulte qu’un travailleur se trouvant dans une situation telle que celle de M. Hein obtient, pour ses jours de congé annuel, une rémunération qui ne correspond pas à la rémunération ordinaire qu’il perçoit lors des périodes de travail effectif, en contradiction avec les exigences rappelées aux points 33 et 34 du présent arrêt, selon lesquelles le travailleur doit jouir, durant les périodes de repos et de détente qui lui sont garanties par l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88,
de conditions économiques comparables à celles concernant l’exercice de son travail.
38 Holzkamm et le gouvernement allemand indiquent, à cet égard, en substance, que l’objectif poursuivi par la convention collective du bâtiment est de permettre une plus grande flexibilité aux entreprises du secteur du bâtiment afin qu’elles puissent éviter de licencier leurs salariés pour des raisons économiques lors des périodes de faible demande en faisant appel au chômage partiel. Un tel avantage pour les salariés risquerait d’être remis en cause si les entreprises devaient payer la totalité de
l’indemnité de congés payés à laquelle les salariés auraient droit s’ils avaient travaillé tous les jours de l’année. Selon Holzkamm, un éventuel licenciement aurait pour les salariés concernés des conséquences négatives nettement plus marquées que celles susceptibles de résulter d’une réduction de l’indemnité de congés payés.
39 Par ailleurs, cette société indique que les règles prévues par la convention collective du bâtiment sont nécessaires pour assurer à tous les salariés un congé annuel payé d’un seul tenant, même si leurs relations de travail sont de courte durée, garantissant ainsi que les jours de congé non encore pris sont transférés et accordés au salarié également dans le cadre de la nouvelle relation de travail. En outre, Holzkamm fait valoir que le nombre de jours de congé auquel les salariés ont droit n’est
pas réduit si un chômage partiel a été précédemment décidé. Aussi, Holzkamm soutient que la réglementation en cause au principal n’entraîne pas de réduction de l’indemnité totale de congés payés, reçue par les travailleurs annuellement, à un niveau inférieur au montant minimum exigé à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, dans la mesure où les travailleurs bénéficient d’un plus grand nombre de jours de congés.
40 Enfin, lors du calcul de l’indemnité de congés payés, la rémunération versée au titre des heures supplémentaires accomplies par les salariés serait pleinement prise en compte.
41 À cet égard, il y a lieu de souligner, tout d’abord, que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 n’exige pas que la rémunération ordinaire visée par la jurisprudence citée aux points 32 à 34 du présent arrêt soit octroyée pour la totalité de la durée du congé annuel dont le salarié bénéficie en vertu du droit national. L’employeur n’est requis d’octroyer cette rémunération, en vertu de cet article 7, paragraphe 1, que pour la durée du congé annuel minimum prévu à cette disposition, ce
congé n’étant acquis par le salarié, ainsi qu’il est rappelé au point 29 du présent arrêt, que pour les périodes de travail effectif.
42 Ensuite, si, ainsi qu’il ressort des points 30 et 31 du présent arrêt, la directive 2003/88 ne s’oppose pas à ce que les partenaires sociaux adoptent, par convention collective en vertu d’une réglementation nationale, des règles visant à contribuer de manière générale à l’amélioration des conditions de travail des salariés, les modalités d’application de ces règles doivent, toutefois, respecter les limites découlant de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2006, Robinson-Steele
e.a., C‑131/04 et C‑257/04, EU:C:2006:177, point 57).
43 À cet égard, une augmentation des droits au congé annuel payé au-delà du minimum requis à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ou la possibilité d’obtenir un droit au congé annuel payé d’un seul tenant sont des mesures favorables aux travailleurs qui vont au-delà des exigences minimales prévues à cette disposition et, dès lors, ne sont pas régies par celle-ci. Ces mesures ne peuvent servir à compenser l’effet négatif, pour le travailleur, d’une réduction de la rémunération due au
titre de ce congé, sous peine de remettre en cause le droit au congé annuel payé au titre de ladite disposition, dont fait partie intégrante le droit pour le travailleur de jouir, durant sa période de repos et de détente, de conditions économiques comparables à celles concernant l’exercice de son travail.
44 Il convient de rappeler à ce propos que l’obtention de la rémunération ordinaire durant la période de congé annuel payé vise à permettre au travailleur de prendre effectivement les jours de congé auxquels il a droit (voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 2006, Robinson-Steele e.a., C‑131/04 et C‑257/04, EU:C:2006:177, point 49, ainsi que du 22 mai 2014, Lock, C‑539/12, EU:C:2014:351, point 20). Or, lorsque la rémunération versée au titre du droit au congé annuel payé prévu à l’article 7,
paragraphe 1, de la directive 2003/88 est, comme dans la situation en cause au principal, inférieure à la rémunération ordinaire que le travailleur reçoit pendant les périodes de travail effectif, celui-ci risque d’être incité à ne pas prendre son congé annuel payé, du moins pendant les périodes de tel travail, dans la mesure où cela conduirait, pendant ces périodes, à une diminution de sa rémunération.
45 Il convient d’ajouter, à cet égard, que, si l’article 8, point 1.1, de la convention collective du bâtiment fixe la durée du congé annuel de repos à 30 jours, indépendamment des périodes de chômage partiel au cours desquelles le travailleur n’a pas fourni de travail effectif, il ressort de l’article 8, point 4.3, de cette convention que, en cas de congé pris partiellement, l’indemnité de congés payés est proportionnellement réduite. Ainsi, la convention collective du bâtiment a pour effet qu’un
travailleur qui ne prend pas l’intégralité des jours de congé auxquels il a droit au titre de cette convention, mais uniquement les jours de congé auxquels il a droit en vertu de l’article 7 de la directive 2003/88, compte tenu des périodes de chômage partiel, se voit accorder une indemnité de congé payé inférieure à celle à laquelle il a droit en vertu de cet article 7.
46 Enfin, quant à la règle selon laquelle les heures supplémentaires accomplies par le travailleur sont prises en compte aux fins du calcul de la rémunération due au titre des droits au congé annuel payé, il y a lieu de relever que, en raison de son caractère extraordinaire et imprévisible, la rémunération reçue pour des heures supplémentaires accomplies ne fait pas, en principe, partie de la rémunération ordinaire à laquelle le travailleur peut prétendre au titre du congé annuel payé prévu à
l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88.
47 Toutefois, lorsque les obligations découlant du contrat de travail exigent du travailleur qu’il effectue des heures supplémentaires ayant un caractère largement prévisible et habituel, et dont la rémunération constitue un élément important de la rémunération totale que le travailleur perçoit dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle, la rémunération reçue pour ces heures supplémentaires devrait être incluse dans la rémunération ordinaire au titre du droit au congé annuel payé
prévu à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, afin que le travailleur jouisse, lors de ce congé, de conditions économiques comparables à celles dont il bénéficie lors de l’exercice de son travail. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans le cadre du litige au principal.
48 S’agissant du rôle du juge national lorsqu’il doit trancher un litige entre particuliers dans lequel il apparaît que la réglementation nationale en cause est contraire au droit de l’Union, il convient encore de rappeler qu’il incombe audit juge national d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celles-ci (arrêts du 19 janvier 2010, Kücükdeveci, C‑555/07, EU:C:2010:21, point 45, et du 19 avril 2016, DI,
C‑441/14, EU:C:2016:278, point 29).
49 À cet égard, l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles (arrêt du 19 avril 2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, point 30 et jurisprudence citée).
50 Il s’ensuit que, en appliquant le droit national, les juridictions nationales appelées à l’interpréter sont tenues de prendre en considération l’ensemble des règles de ce droit et de faire application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci afin de l’interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat fixé par celle-ci et de se conformer ainsi à l’article 288, troisième alinéa, TFUE (arrêt
du 19 avril 2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, point 31 et jurisprudence citée).
51 Si l’obligation pour le juge national de se référer au droit de l’Union lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et si elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national, l’exigence d’une interprétation conforme inclut, cependant, l’obligation, pour les juridictions nationales, de modifier, le cas échéant, une jurisprudence établie si celle-ci repose sur une interprétation du
droit national incompatible avec les objectifs d’une directive (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, points 32 et 33 ainsi que jurisprudence citée).
52 En l’occurrence, dans un litige tel que celui au principal, qui oppose des personnes privées, à savoir M. Hein et Holzkamm, la juridiction de renvoi est tenue d’interpréter sa réglementation nationale de manière conforme à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88. À cet égard, il y a lieu de préciser qu’une telle interprétation devrait aboutir à ce que l’indemnité de congés payés versée aux travailleurs, au titre du congé minimum prévu par cette disposition, ne soit pas inférieure à la
moyenne de la rémunération ordinaire perçue par ceux-ci pendant les périodes de travail effectif. En revanche, ladite disposition n’oblige pas à interpréter la réglementation nationale comme donnant droit à une prime conventionnelle qui s’additionne à cette moyenne de la rémunération ordinaire, ni à ce que la rémunération reçue pour des heures supplémentaires soit prise en compte, à moins que les conditions énoncées au point 47 du présent arrêt ne soient remplies.
53 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la première partie de la première question que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ainsi que l’article 31, paragraphe 2, de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, aux fins du calcul de l’indemnité de congés payés, permet de prévoir par convention collective la prise en compte des réductions de rémunération
résultant de l’existence, au cours de la période de référence, de jours où, en raison d’un chômage partiel, aucun travail effectif n’est fourni, ce qui a pour conséquence que le salarié perçoit, pour la durée du congé annuel minimum dont il bénéficie au titre de cet article 7, paragraphe 1, une indemnité de congés payés inférieure à la rémunération ordinaire qu’il reçoit pendant les périodes de travail. Il appartient à la juridiction de renvoi d’interpréter la réglementation nationale, dans toute
la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive 2003/88, de manière à ce que l’indemnité de congés payés versée aux travailleurs, au titre du congé minimum prévu audit article 7, paragraphe 1, ne soit pas inférieure à la moyenne de la rémunération ordinaire perçue par ceux-ci pendant les périodes de travail effectif.
54 Compte tenu de la réponse apportée à la première partie de la première question, il n’y a pas lieu de répondre séparément à la deuxième partie de cette question.
Sur la seconde question
55 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur la possibilité de limiter les effets dans le temps du présent arrêt dans l’hypothèse où la Cour estimerait que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ainsi que l’article 31 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal. Au cas où une telle limitation serait refusée, cette juridiction demande, en substance, à la Cour
si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les juridictions nationales protègent, sur le fondement du droit national, la confiance légitime des employeurs quant au maintien de la jurisprudence des plus hautes juridictions nationales qui confirmait la légalité des dispositions en matière de congés payés de la convention collective du bâtiment.
56 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’interprétation que cette dernière donne d’une règle de droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques
nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies (arrêts du 6 mars 2007, Meilicke e.a., C‑292/04, EU:C:2007:132, point 34, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 59).
57 Ce n’est qu’à titre tout à fait exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour qu’une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés
et le risque de troubles graves (arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 60 ainsi que jurisprudence citée).
58 Plus spécifiquement, la Cour n’a eu recours à cette solution que dans des circonstances bien précises, notamment lorsqu’il existait un risque de répercussions économiques graves dues en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur et qu’il apparaissait que les particuliers et les autorités nationales avaient été incités à adopter un comportement non conforme au droit de l’Union en raison
d’une incertitude objective et importante quant à la portée des dispositions du droit de l’Union, incertitude à laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par d’autres États membres ou par la Commission européenne (arrêts du 15 mars 2005, Bidar, C‑209/03, EU:C:2005:169, point 69 ; du 13 avril 2010, Bressol e.a., C‑73/08, EU:C:2010:181, point 93, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 61).
59 En l’occurrence, aucun élément du dossier ne permet de considérer que la condition relative aux répercussions économiques graves serait remplie.
60 Il résulte de ces considérations qu’il n’y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.
61 Quant à la question de savoir si le droit de l’Union permet que les juridictions nationales protègent, sur le fondement du droit national, la confiance légitime des employeurs quant au maintien de la jurisprudence des plus hautes juridictions nationales ayant confirmé la légalité des dispositions en matière de congés payés de la convention collective du bâtiment, il y a lieu de relever que l’application du principe de protection de la confiance légitime, telle qu’envisagée par la juridiction de
renvoi, reviendrait, en réalité, à limiter les effets dans le temps de l’interprétation retenue par la Cour des dispositions du droit de l’Union, dès lors que, par ce moyen, cette interprétation ne trouverait pas à s’appliquer dans l’affaire au principal (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, point 39).
62 Or, hormis les circonstances exceptionnelles, dont l’existence, ainsi qu’il résulte de l’appréciation contenue au point 59 du présent arrêt, n’a pas été établie, le droit de l’Union ainsi interprété doit être appliqué par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation, si, par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 56 du présent arrêt, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à
l’application de ce droit se trouvent réunies (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, point 40 et jurisprudence citée).
63 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la seconde question qu’il n’y a pas lieu de limiter les effets dans le temps du présent arrêt et que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les juridictions nationales protègent, sur le fondement du droit national, la confiance légitime des employeurs quant au maintien de la jurisprudence des plus hautes juridictions nationales qui confirmait la légalité des dispositions en matière de
congés payés de la convention collective du bâtiment.
Sur les dépens
64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, ainsi que l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, aux fins du calcul de l’indemnité de congés payés, permet de prévoir par convention collective
la prise en compte des réductions de rémunération résultant de l’existence, au cours de la période de référence, de jours où, en raison d’un chômage partiel, aucun travail effectif n’est fourni, ce qui a pour conséquence que le salarié perçoit, pour la durée du congé annuel minimum dont il bénéficie au titre de cet article 7, paragraphe 1, une indemnité de congés payés inférieure à la rémunération ordinaire qu’il reçoit pendant les périodes de travail. Il appartient à la juridiction de renvoi
d’interpréter la réglementation nationale, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive 2003/88, de manière à ce que l’indemnité de congés payés versée aux travailleurs, au titre du congé minimum prévu audit article 7, paragraphe 1, ne soit pas inférieure à la moyenne de la rémunération ordinaire perçue par ceux-ci pendant les périodes de travail effectif.
2) Il n’y a pas lieu de limiter les effets dans le temps du présent arrêt et le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les juridictions nationales protègent, sur le fondement du droit national, la confiance légitime des employeurs quant au maintien de la jurisprudence des plus hautes juridictions nationales qui confirmait la légalité des dispositions en matière de congés payés de la convention collective du bâtiment.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.