ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
28 novembre 2018 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 2008/48/CE – Procédure d’injonction de payer fondée sur un extrait de livres bancaires – Impossibilité pour le juge, en l’absence du recours du consommateur, d’apprécier le caractère abusif éventuel des clauses contractuelles »
Dans l’affaire C‑632/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy w Siemianowicach Śląskich (tribunal d’arrondissement de Siemianowice Śląskie, Pologne), par décision du 4 octobre 2017, parvenue à la Cour le 9 novembre 2017, dans la procédure
Powszechna Kasa Oszczędności (PKO) Bank Polski S.A.
contre
Jacek Michalski,
LA COUR (septième chambre),
composée de Mme A. Prechal, présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, Mme C. Toader (rapporteure) et M. A. Rosas, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Powszechna Kasa Oszczędności (PKO) Bank Polski S.A., par Me W. Sadowski, adwokat, et par Mme E. Buczkowska, radca prawny,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme K. Herbout-Borczak ainsi que par M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que de l’article 10 et de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la
directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66, et rectificatifs JO 2009, L 207, p. 14, JO 2010, L 199, p. 40, JO 2011, L 234, p. 46, et JO 2015, L 36, p. 15).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Powszechna Kasa Oszczędności (PKO) Bank Polski S.A. (ci-après « PKO »), établissement bancaire établi à Varsovie (Pologne), à M. Jacek Michalski au sujet d’une injonction de payer fondée sur un extrait des livres comptables de PKO et délivrée en raison d’un défaut de remboursement, par M. Michalski, des sommes empruntées au moyen d’une carte de crédit émise par PKO.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 93/13
3 Le vingt-quatrième considérant de la directive 93/13 précise que « les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».
4 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
5 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
La directive 2008/48
6 Le considérant 31 de la directive 2008/48 précise :
« Afin que le consommateur soit en mesure de connaître ses droits et obligations au titre du contrat de crédit, celui-ci devrait contenir de façon claire et concise toutes les informations nécessaires. »
7 L’article 10 de cette directive énumère notamment les éléments d’information devant être mentionnés de façon claire et concise dans les contrats de crédit.
8 L’article 22, paragraphe 1, de ladite directive dispose :
« Dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent maintenir ou introduire dans leur droit national d’autres dispositions que celles établies par la présente directive. »
Le droit polonais
9 Le kodeks postępowania cywilnego (code de procédure civile), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après « kpc »), régit la procédure d’injonction de payer.
10 L’article 484, paragraphes 2 et 3, du kpc prévoit :
« 2. Le juge statue selon la procédure d’injonction de payer sur demande écrite du demandeur formulée dans l’acte introductif d’instance.
3. L’affaire est examinée en chambre du conseil. »
11 Aux termes de l’article 485, paragraphes 1 et 3, du kpc :
« 1. Le juge délivre une ordonnance d’injonction de payer lorsque le demandeur fait valoir une créance pécuniaire [...] et que les circonstances justifiant ses prétentions sont établies par [les documents] joint[s] à la requête [...]
[...]
3. Le juge peut rendre une ordonnance d’injonction de payer lorsqu’une banque fait valoir une créance sur le fondement d’un extrait de ses livres comptables, signé par une personne habilitée à représenter la banque et portant le cachet de celle-ci, et de la preuve de la signification au débiteur d’une lettre de mise en demeure de payer. »
12 Aux termes de l’article 486, paragraphe 1, du kpc :
« Si aucun fondement ne justifie l’adoption d’une injonction de payer, le président fixe une audience, sauf si l’affaire peut être examinée en chambre du conseil. »
13 L’article 491, paragraphe 1, du kpc dispose :
« Par l’ordonnance portant injonction de payer, le juge enjoint au défendeur, dans un délai de deux semaines à compter de la signification de l’ordonnance, d’honorer l’intégralité de la créance, majorée des intérêts, ou de faire opposition à l’ordonnance dans ce même délai. »
14 L’article 492, paragraphe 1, du kpc énonce :
« L’ordonnance portant injonction de payer constitue, dès sa délivrance, un titre de garantie exécutoire qui ne requiert pas l’apposition de la formule exécutoire. [...] »
15 Aux termes de l’article 493, paragraphe 1, du kpc :
« L’opposition est portée devant le juge ayant délivré l’ordonnance d’injonction de payer. Le défendeur précise, dans son acte d’opposition, s’il conteste l’ordonnance d’injonction en tout ou partie et fait état des moyens et exceptions soulevés, qui doivent être invoqués, à peine d’irrecevabilité, avant la comparution sur le fond, ainsi que des faits et éléments de preuve. Le juge ne tient pas compte des allégations et des preuves présentées tardivement, sauf si le défendeur démontre de manière
convaincante qu’il n’en a pas fait état dans son opposition, sans qu’une faute lui soit imputable, que la prise en compte des allégations et preuves tardives n’entraîne aucun retard dans l’examen de l’affaire ou que d’autres circonstances exceptionnelles doivent être prises en considération [...] »
16 Aux termes de l’article 494, paragraphe 1, du kpc :
« Le juge rejette l’opposition qui a été présentée après l’expiration du délai, dont les droits de timbre n’ont pas été acquittés, ou qui n’est pas recevable pour d’autres motifs, de même qu’une opposition dont les irrégularités n’ont pas été rectifiées par le demandeur dans le délai imparti. »
17 Aux termes de l’article 19, paragraphe 4, de l’ustawa o kosztach sądowych w sprawach cywilnych (loi relative aux frais de justice en matière civile), du 28 juillet 2005 (Dz. U. de 2005, no 167, position 1398, ci-après la « loi relative aux frais de justice ») :
« En cas d’opposition à l’ordonnance portant injonction de payer rendue selon la procédure d’injonction, le défendeur devra s’acquitter des trois quarts des frais de justice. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
18 Le 21 décembre 2015, PKO a conclu avec M. Michalski un contrat portant sur l’octroi et l’utilisation d’une carte de crédit.
19 Le 29 mars 2017, PKO a adressé à M. Michalski une mise en demeure de payer les sommes qu’elle estimait lui être dues. Celui-ci n’ayant pas réglé lesdits montants, PKO a déposé, le 26 mai 2017, conformément à l’article 485, paragraphe 3, du kpc, une requête aux fins d’obtention d’une injonction de payer devant le Sąd Rejonowy w Siemianowicach Śląskich (tribunal d’arrondissement de Siemianowice Śląskie, Pologne), portant sur la somme de 6788, 21 zlotys polonais (PLN) (environ 1580 euros), majorée
des intérêts contractuels. Cette requête était accompagnée par un extrait des livres comptables de PKO, signé par une personne habilitée à représenter la banque, portant le cachet de celle-ci, et accompagnée de la preuve de la notification à M. Michalski de la lettre de mise en demeure de payer.
20 La juridiction de renvoi précise que la procédure d’injonction de payer fondée sur un tel extrait est fréquemment utilisée par les banques polonaises, afin d’obtenir le recouvrement de leurs créances. Cette pratique consisterait à joindre à la requête l’extrait des livres comptables, conformément à l’article 485, paragraphe 3, du kpc, sans produire d’autres documents attestant l’existence d’un contrat de crédit à la consommation et des conditions de celui-ci.
21 La juridiction de renvoi rappelle également que la procédure d’injonction de payer comprend, selon le droit polonais, deux phases. Dans le cadre de la première de celles-ci et en présence d’une créance bancaire, le juge, afin de délivrer une ordonnance portant injonction de payer, n’examinerait d’office que la question de la régularité formelle de l’extrait produit, s’agissant du fondement essentiel justifiant la délivrance d’une telle ordonnance. Les critères susceptibles de justifier un refus
de délivrer cette ordonnance ressortiraient exclusivement du libellé de l’article 485, paragraphe 3, du kpc. Le créancier ne serait donc pas tenu d’établir concrètement les fondements de la créance invoquée, en produisant notamment le contrat de prêt à la consommation.
22 La seconde phase de la procédure présente un caractère éventuel. Elle est introduite par l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer formée par le débiteur de la banque, qui peut alors soulever des griefs éventuels visant le contrat qui le lie à la banque. En vertu de l’article 493, paragraphe 1, du kpc, lu en combinaison avec l’article 491, paragraphe 1, du kpc, le consommateur qui s’oppose à ladite ordonnance doit respecter un délai d’opposition de deux semaines et la forme requise pour
former une telle opposition. De plus, selon l’article 19, paragraphe 4, de la loi relative aux frais de justice, ledit consommateur est tenu d’acquitter les trois quarts des frais de justice.
23 La juridiction de renvoi précise également qu’une ordonnance d’injonction de payer devenue définitive bénéficie de l’autorité de la chose jugée et que, en vertu de l’article 492, paragraphe l, du kpc, dès sa délivrance, elle constitue un titre de garantie exécutoire, sans que l’apposition de la formule exécutoire soit requise.
24 Selon cette juridiction, le recours dont elle est saisie se distingue des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349), et du 18 février 2016, Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2016:98), dans lesquelles les juridictions nationales disposaient des documents contractuels établissant les droits et les obligations des cocontractants, de telle sorte qu’elles avaient la possibilité d’écarter l’application des clauses abusives contenues dans ces
documents.
25 La juridiction de renvoi, en se référant à l’arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283, point 50), éprouve des doutes quant au point de savoir si la procédure d’injonction de payer mise en œuvre sur le fondement d’un extrait des livres comptables d’une banque n’a pas pour effet de rendre excessivement difficile, voire impossible, l’exercice, par le consommateur, des droits que lui confère le régime de protection des consommateurs, en vertu, notamment, des
directives 93/13 et 2008/48, en raison, d’une part, de l’absence de communication au juge d’éléments relatifs au lien juridique existant entre le consommateur et la banque, et, d’autre part, du transfert au consommateur de l’intégralité de la charge de la preuve.
26 Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy w Siemianowicach Śląskich (tribunal d’arrondissement de Siemianowice Śląskie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les dispositions de la directive [93/13], en particulier l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, ainsi que les dispositions de la directive [2008/48], en particulier l’article 10 et l’article 22, paragraphe 1, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’une banque (le prêteur) fasse valoir une créance, à l’égard d’un consommateur (l’emprunteur), sur le fondement d’un extrait des livres comptables de ladite banque signé par une personne habilitée à
procéder aux déclarations relatives aux droits et obligations de nature patrimoniale de la banque et portant le cachet de celle-ci, et de la preuve de la notification au débiteur de la lettre de mise en demeure de payer, dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer telle que définie par les dispositions combinées des articles 485, paragraphe 3 et suivants, du kpc [...] ? »
Sur la question préjudicielle
27 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.
28 À cet égard, il convient de constater que, dans l’arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska (C‑176/17, EU:C:2018:711), la Cour a été amenée à répondre à des questions analogues, posées par la même juridiction de renvoi. Or, l’interprétation du droit de l’Union retenue dans cet arrêt est également pertinente aux fins de la réponse qu’il convient d’apporter à cette dernière question.
29 En effet, bien que l’affaire au principal se différencie de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska (C‑176/17, EU:C:2018:711), dans la mesure où l’ordonnance d’injonction de payer en cause au principal a été délivrée sur le fondement d’un extrait des livres comptables d’une banque, conformément à l’article 485, paragraphe 3, du kpc, et non pas sur le fondement d’un billet à ordre, en vertu de l’article 485, paragraphe 2, du kpc, ces deux affaires concernent les
mêmes modalités procédurales, relatives aux procédures d’injonction de payer.
30 Dans ces conditions, il y a lieu de faire application de l’article 99 du règlement de procédure dans la présente affaire.
31 La directive 2008/48 n’ayant pas procédé à une harmonisation dans le domaine des extraits de livres comptables des banques, en tant qu’élément permettant le recouvrement d’une créance découlant d’un contrat de crédit aux consommateurs, son article 22, paragraphe 1, n’est pas applicable dans des circonstances telles que celles en cause au principal (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, point 36).
32 Partant, il sera répondu à la question posée seulement au regard de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que de l’article 10 de la directive 2008/48.
33 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6 et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que l’article 10 de la directive 2008/48 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, permettant de délivrer une ordonnance d’injonction de payer, fondée sur un extrait des livres comptables d’une banque, en tant qu’élément attestant l’existence d’une créance née d’un contrat de
crédit à la consommation, lorsque le juge saisi d’une requête à fin d’injonction de payer ne dispose pas du pouvoir de procéder à un examen du caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat et de s’assurer de la présence, dans ce dernier, des informations visées audit article 10.
34 À titre liminaire, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux.
35 Étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, qui se trouvent dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de son article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec son vingt-quatrième considérant, de prévoir des moyens adéquats et efficaces « afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un
professionnel » (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, point 40 et jurisprudence citée).
36 Dans ce contexte, il convient de souligner que, si, selon une jurisprudence constante, le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, c’est à la condition que celui-ci dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17,
EU:C:2018:711, point 42 et jurisprudence citée).
37 En l’occurrence, la juridiction de renvoi précise que son contrôle, lors de la première phase de la procédure d’injonction de payer, est limité à la vérification de la régularité formelle de l’extrait du livre comptable de la banque. Ainsi, cette juridiction indique qu’elle ne dispose pas de tous les éléments de fait et de droit résultant du contrat de prêt concerné.
38 Il s’ensuit que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une juridiction nationale n’est pas en mesure de procéder à l’examen du caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle tant qu’elle ne dispose pas de l’ensemble des éléments de fait et de droit à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, point 47).
39 Par ailleurs, quand bien même il ressort, ainsi que l’a souligné le gouvernement polonais dans ses observations devant la Cour, de l’article 486, paragraphe 1, du kpc que le président de la formation saisie pourrait fixer une date d’audience, sauf si l’affaire peut néanmoins être examinée en chambre du conseil, ce qui permettrait d’examiner le contrat de crédit à la consommation concerné, ce pouvoir du président de cette formation est subordonné à l’absence d’éléments suffisants pour fonder une
ordonnance portant injonction de payer. Or, selon les indications de la juridiction de renvoi, une telle condition ne serait pas remplie dans l’affaire au principal (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, points 48 à 50).
40 En tout état de cause, si, en vertu de l’article 267 TFUE, la Cour est compétente pour dégager de l’article 7 de la directive 93/13 les critères qui définissent le cadre permettant d’apprécier d’office le respect des obligations découlant de cette directive, c’est à la juridiction de renvoi qu’il importe de vérifier si une disposition telle que l’article 486, paragraphe 1, du kpc est susceptible de lui offrir, le cas échéant, un tel cadre (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska,
C‑176/17, EU:C:2018:711, point 52).
41 La juridiction de renvoi fait également observer que l’examen de la relation juridique résultant du contrat de crédit à la consommation n’a lieu que si le consommateur forme opposition à l’injonction de payer.
42 À cet égard, il convient de considérer que, si la procédure suivie devant la juridiction de renvoi ne porte que sur la première phase de celle-ci, cette procédure doit néanmoins être examinée dans son ensemble, en incluant tant la première phase précédant la formation de l’opposition que la seconde phase qui lui fait suite (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, point 54).
43 Or, en absence d’harmonisation par le droit de l’Union des procédures applicables à l’examen du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle, celles-ci relèvent de l’ordre juridique interne des États membres, à condition, toutefois, que le principe d’équivalence et le droit à un recours effectif, tel que prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, soient respectés (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17,
EU:C:2018:711, point 57).
44 S’agissant du principe d’équivalence, il y a lieu de constater que la Cour ne dispose pas d’éléments de nature à susciter un doute quant à la conformité à ce principe de la réglementation en cause au principal (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, point 58).
45 En ce qui concerne le droit à un recours effectif, il convient de relever que l’obligation, résultant de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, de prévoir des modalités procédurales permettant d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent de la directive 93/13 contre l’utilisation de clauses abusives implique une exigence de droit à un recours effectif, consacrée également à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Le droit à un recours effectif doit valoir tant
sur le plan de la désignation des juridictions compétentes pour connaître des actions fondées sur le droit de l’Union qu’en ce qui concerne les modalités procédurales relatives à de telles actions. Ainsi, afin de déterminer si une procédure, telle que celle en cause au principal, contrevient à un droit à un recours effectif, la juridiction de renvoi doit déterminer si les modalités de la procédure d’opposition que prévoit le droit national n’engendrent pas un risque non négligeable que les
consommateurs concernés ne forment pas l’opposition requise (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, points 59 et 61).
46 En l’occurrence, il résulte de l’article 491, paragraphe 1, du kpc que le délai pour former opposition est de deux semaines. En outre, selon l’article 493, paragraphe 1, de ce code, le défendeur doit, dans son opposition, préciser s’il conteste l’ordonnance d’injonction de payer en tout ou en partie et faire état, sous peine d’irrecevabilité de celle-ci, des moyens et des exceptions soulevés ainsi que des faits et des éléments de preuve. De telles modalités procédurales, qui doivent être
observées dans un délai aussi bref, entraînent le risque non négligeable que le consommateur ne forme pas opposition ou que celle-ci soit irrecevable (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, points 65 et 66).
47 En outre, il résulte de l’article 19, paragraphe 4, de la loi relative aux frais de justice que le défendeur doit s’acquitter des trois quarts des frais de justice lorsqu’il forme opposition à l’ordonnance portant injonction de payer, de sorte que le professionnel ne doit s’acquitter que du quart de ces frais. De tels frais sont en eux-mêmes de nature à dissuader un consommateur de former opposition. Ce dernier est d’autant plus pénalisé s’il doit, en tout état de cause, s’acquitter de frais
trois fois plus élevés que ceux de la partie adverse (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, points 67 et 68).
48 Dès lors, des modalités procédurales, telles que celles en cause au principal, en ce que, d’une part, elles exigent du consommateur qu’il produise, dans un délai de deux semaines à compter de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer, les éléments de fait et de preuve permettant au juge de procéder à son appréciation, et, d’autre part, elles le pénalisent dans la manière dont les frais de justice sont calculés, engendrent un risque non négligeable que les consommateurs concernés ne
forment pas l’opposition requise (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, points 69 et 70).
49 Il découle de tout ce qui précède que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une procédure qui permet de délivrer une injonction de payer, lorsque le juge saisi d’une requête à fin d’injonction de payer ne dispose pas du pouvoir de procéder à un examen du caractère éventuellement abusif des clauses du contrat concerné, dès lors que les modalités d’exercice du droit de former opposition à une telle ordonnance ne permettent pas d’assurer le
respect des droits que le consommateur tire de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C‑176/17, EU:C:2018:711, point 71).
50 S’agissant de l’article 10 de la directive 2008/48, il y a lieu de rappeler que cet article énumère les informations à mentionner dans les contrats de crédit afin que le consommateur puisse prendre sa décision en connaissance de cause.
51 À cet égard, la Cour a jugé que l’examen d’office par le juge national du respect des exigences découlant de la directive 2008/48 constitue un moyen propre à atteindre le résultat fixé à l’article 10 de cette directive et à contribuer à la réalisation des objectifs visés au considérant 31 de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14, EU:C:2016:283, point 68, et, par analogie, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 41
ainsi que jurisprudence citée). Selon la jurisprudence de la Cour, cette obligation du juge national d’examiner d’office le respect des exigences découlant de la directive 2008/48 présuppose qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14, EU:C:2016:283, point 70, et, par analogie, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, EU:C:2009:350, point 32).
52 Dès lors que, dans le cadre de la première étape de la procédure, la juridiction nationale ne dispose pas des éléments qui lui permettraient de s’assurer du respect des obligations d’information du consommateur, au sens de l’article 10 de la directive 2008/48, l’ordonnance d’injonction de payer étant délivrée sur la seule base de l’examen de la régularité formelle de l’extrait des livres comptables de la banque, et étant donné que les modalités d’exercice du droit de former opposition à une telle
ordonnance ne permettent pas, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 46 à 48 de la présente ordonnance, d’assurer le respect des droits que le consommateur tire de cette directive, l’article 10 de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.
53 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que l’article 10 de la directive 2008/48 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, permettant de délivrer une ordonnance d’injonction de payer, fondée sur un extrait des livres comptables d’une banque, en tant qu’élément attestant l’existence d’une créance
née d’un contrat de crédit à la consommation, lorsque le juge saisi d’une requête à fin d’injonction de payer ne dispose pas du pouvoir de procéder à un examen du caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat et de s’assurer de la présence, dans ce dernier, des informations visées audit article 10, dès lors que les modalités d’exercice du droit de former opposition à une telle ordonnance ne permettent pas de garantir le respect des droits que le consommateur tire de ces directives.
Sur les dépens
54 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :
L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que l’article 10 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal,
permettant de délivrer une ordonnance d’injonction de payer, fondée sur un extrait des livres comptables d’une banque, en tant qu’élément attestant l’existence d’une créance née d’un contrat de crédit à la consommation, lorsque le juge saisi d’une requête à fin d’injonction de payer ne dispose pas du pouvoir de procéder à un examen du caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat et de s’assurer de la présence, dans ce dernier, des informations visées audit article 10, dès lors que les
modalités d’exercice du droit de former opposition à une telle ordonnance ne permettent pas de garantir le respect des droits que le consommateur tire de ces directives.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.