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20/09/2018 | CJUE | N°C-555/17

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, 2M-Locatel A/S contre Skatteministeriet., 20/09/2018, C-555/17


ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

20 septembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CEE) no 2658/87 – Union douanière et tarif douanier commun – Classement tarifaire – Nomenclature combinée – Sous-positions 85287113 et 85287190 – Appareil permettant la réception, la mise au point et le traitement de signaux de télévision diffusés en direct sur protocole Internet »

Dans l’affaire C‑555/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Østre Lands

ret (cour d’appel de la région Est, Danemark), par décision du 18 septembre 2017, parvenue à la Cour le 22 septemb...

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

20 septembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CEE) no 2658/87 – Union douanière et tarif douanier commun – Classement tarifaire – Nomenclature combinée – Sous-positions 85287113 et 85287190 – Appareil permettant la réception, la mise au point et le traitement de signaux de télévision diffusés en direct sur protocole Internet »

Dans l’affaire C‑555/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark), par décision du 18 septembre 2017, parvenue à la Cour le 22 septembre 2017, dans la procédure

2M-Locatel A/S

contre

Skatteministeriet,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. E. Levits, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur) et F. Biltgen, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour 2M-Locatel A/S, par Mes T. Gønge et S. E. Holm, advokater,

– pour le gouvernement danois, par M. J. Nymann-Lindegren, en qualité d’agent, assisté de Me B. Søes Petersen, advokat,

– pour la Commission européenne, par M. A. Caeiros et Mme S. Maaløe, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la sous-position tarifaire 85287113 de la nomenclature combinée (ci-après la « NC ») figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1549/2006 de la Commission, du 17 octobre 2006 (JO 2006, L 301, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant 2M-Locatel A/S au Skatteministeriet (ministère des Impôts et Accises, Danemark) au sujet du classement tarifaire d’appareils permettant la réception, la mise au point et le traitement de signaux de télévision diffusés en direct sur protocole Internet (ci-après les « modules séparés IPTV »).

Le cadre juridique

Le GATT de 1994 et l’ATI

3 L’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 11, ci-après le « GATT de 1994 ») et, notamment, le mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article II, paragraphe 1, sous b), du GATT de 1994 font partie de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne
les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1).

4 L’accord sur le commerce des produits des technologies de l’information, constitué de la déclaration ministérielle sur le commerce des produits des technologies de l’information adoptée le 13 décembre 1996 lors de la première conférence de l’OMC à Singapour ainsi que des annexes et des appendices de celle-ci (ci-après l’« ATI »), et la communication sur la mise en œuvre de cet accord ont été approuvés, au nom de la Communauté, par la décision 97/359/CE du Conseil, du 24 mars 1997, concernant
l’élimination des droits de douane sur les produits des technologies de l’information (JO 1997, L 155, p. 1). L’ATI précise, à son paragraphe 1, que le régime commercial de chaque partie contractante devrait évoluer de manière à améliorer les possibilités d’accès aux marchés pour les produits des technologies de l’information.

5 En vertu du paragraphe 2 de l’ATI, chaque partie contractante consolidera et éliminera les droits de douane et les autres droits et impositions de toute nature, au sens de l’article II, paragraphe 1, sous b), du GATT de 1994, pour certains produits, dont les « modules séparés ayant une fonction de communication : dispositifs à microprocesseur comprenant un modem d’accès à Internet et ayant une fonction d’échange interactif d’informations ».

Le droit de l’Union

La NC

6 Le classement douanier des marchandises importées dans l’Union européenne est régi par la NC, laquelle est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui a été élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté,
par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1).

7 La NC reprend les positions et les sous-positions à six chiffres dudit système, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.

8 La première partie de la NC comporte un ensemble de dispositions préliminaires. Dans cette partie, sous le titre I, consacré aux règles générales, la section A, intitulée « Règles générales pour l’interprétation de la [NC] », dispose :

« Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.

1. Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

[...]

6. Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

9 La deuxième partie de la NC est divisée en 21 sections. La section XVI, intitulée « Machines et appareils, matériel électrique et leurs parties ; appareils d’enregistrement ou de reproduction du son, appareils d’enregistrement ou de reproduction des images et du son en télévision, et parties et accessoires de ces appareils », comprend les chapitres 84 et 85 de la NC. Ce chapitre 85, qui a pour titre « Machines, appareils et matériels électriques et leurs parties ; appareils d’enregistrement ou de
reproduction du son, appareils d’enregistrement ou de reproduction des images et du son en télévision, et parties et accessoires de ces appareils », concerne les positions 8501 à 8548 de la NC.

10 La position 8528 de la NC est structurée comme suit :

« 8528 Moniteurs et projecteurs, n’incorporant pas d’appareil de réception de télévision ; appareils récepteurs de télévision, même incorporant un appareil récepteur de radiodiffusion ou un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ou des images :  
  [...]  
  – Appareils récepteurs de télévision, même incorporant un appareil récepteur de radiodiffusion ou un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ou des images :  
8528 71 – – non conçus pour incorporer un dispositif d’affichage ou un écran vidéo :  
  – – – Récepteurs de signaux vidéophoniques (tuners) :  
8528 71 11 – – – – Assemblages électroniques destinés à être incorporés dans une machine automatique de traitement de l’information exemption
8528 71 13 – – – – Appareils à microprocesseurs incorporant un modem d’accès à Internet et assurant une fonction d’échange d’informations interactif, également susceptibles de recevoir des signaux de télévision (“modules séparés ayant une fonction de communication”) exemption
8528 71 19 – – – – autres 14
8528 71 90 – – – autres 14 »

Les notes explicatives de la NC

11 Conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement (CE) no 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (JO 2000, L 28, p. 16), la Commission européenne élabore des notes explicatives de la NC, qu’elle publie régulièrement au Journal officiel de l’Union européenne.

12 Celles publiées le 28 février 2006 (JO 2006, C 50, p. 1) précisent, au titre des sous-positions 85281290 à 85281295 de la NC, dans sa version résultant du règlement (CE) no 1810/2004 de la Commission, du 7 septembre 2004 (JO 2004, L 327, p. 1) :

« Récepteurs de signaux vidéophoniques (tuners)

Ces appareils (syntoniseurs de télévision) comprennent les circuits de sélection de canaux ou fréquences porteuses et les circuits de démodulation et sont généralement conçus pour fonctionner sur antenne ou antenne commune (distribution par câble à haute fréquence). Le signal obtenu à la sortie est tel qu’il peut servir de signal d’entrée pour les moniteurs vidéo ou pour les appareils d’enregistrement ou de reproduction vidéophoniques. Il s’agit en fait du signal original de la caméra, avant
modulation de l’émetteur.

Parfois aussi, ces appareils sont équipés de circuits de décodage (couleur) ou de circuits de séparation des signaux de synchronisation. »

13 Aux termes des notes explicatives de la NC publiées le 7 mai 2008 (JO 2008, C 112, p. 8), relatives aux sous-positions 85287113 à 85287190 de la NC :

« 85287113 [...]

– La présente sous-position couvre les appareils non munis d’écran (appelés “modules séparés ayant une fonction de communication”), comprenant les principaux éléments suivants :

[...]

– un récepteur de signaux vidéophoniques.

L’existence d’un connecteur RF témoigne de la présence éventuelle d’un récepteur de signaux vidéophoniques,

– un modem.

Les modems modulent et démodulent tant les signaux émis que les signaux arrivant, ce qui permet une communication bidirectionnelle pour accéder à Internet. Il s’agit notamment des modems suivants : V.34–, V.90–, V.92–, modems DSL ou modems par câble. [...]

Les dispositifs remplissant une fonction similaire à celle d’un modem, mais qui ne modulent ni ne démodulent des signaux, ne sont pas considérés comme des modems. Parmi ces appareils, on peut citer les dispositifs RNIS, WLAN ou Ethernet. [...]

[...]

Les modules séparés munis d’un dispositif ayant une fonction d’enregistrement ou de reproduction (de disque dur ou lecteur de DVD, par exemple) sont exclus de la présente sous–position, (sous‑position 85219090).

[...]

85287190 [...]

– La présente sous position comprend des appareils récepteurs de télévision sans écran qui ne sont pas équipés d’un récepteur de signaux vidéophoniques (par exemple les produits communément appelés “modules séparés IP”). »

14 Les notes explicatives de la NC publiées le 30 mai 2008 (JO 2008, C 133, p. 1) précisent, au titre des sous-positions 85287111 à 85287119 de la NC :

« Les présentes sous-positions comprennent les appareils incorporant un récepteur de signaux vidéophoniques qui convertit les signaux de télévision haute fréquence en signaux utilisables par les appareils d’enregistrement ou de reproduction vidéophoniques ou par les moniteurs.

Ces appareils (syntoniseurs de télévision) comprennent les circuits de sélection de canaux ou fréquences porteuses et les circuits de démodulation et sont généralement conçus pour fonctionner sur antenne ou antenne commune (distribution par câble à haute fréquence). Le signal obtenu à la sortie est tel qu’il peut servir de signal d’entrée pour les moniteurs ou pour les appareils d’enregistrement ou de reproduction vidéophoniques. Il s’agit en fait du signal original de la caméra, avant modulation
de l’émetteur.

Parfois aussi, ces appareils sont équipés de circuits de décodage (couleur) ou de circuits de séparation des signaux de synchronisation. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

15 2M-Locatel a, au cours de la période comprise entre le 21 octobre 2007 et le 8 juillet 2010, importé de Chine des modules séparés IPTV. Ces derniers ne permettent pas la réception, la mise au point et le traitement de signaux de télévision diffusés par voie hertzienne, par câble ou par satellite.

16 Les modules séparés IPTV comprennent un dispositif Ethernet et il est constant entre les parties au principal qu’ils sont équipés d’un « modem », au sens de la NC.

17 Lors de l’importation, la marchandise en cause au principal a été déclarée par 2M-Locatel comme relevant de la sous-position 85287113 de la NC et a donc été mise en libre pratique en exemption de droits de douane.

18 Considérant que ladite marchandise devait être classée dans la sous-position 85287190 de la NC au motif qu’elle ne comportait pas de « récepteur de signaux vidéophoniques (tuner) », au sens de la NC, l’autorité fiscale et douanière danoise a, le 20 octobre 2010, émis un avis de redressement prévoyant le recouvrement a posteriori de droits de douane sur l’importation des modules séparés IPTV en cause au principal au taux de 14 %, majorés des intérêts.

19 Saisie d’une réclamation par 2M-Locatel, la Landsskatteretten (commision fiscale nationale, Danemark) a, par une décision du 15 mai 2014, modifié la décision de l’autorité fiscale et douanière danoise et annulé l’ordre de recouvrement au motif que lesdits modules séparés IPTV relevaient de la sous-position 85287113 de la NC.

20 Le ministère des Impôts et Accises a introduit contre cette décision un recours qui a été accueilli par un jugement du byretten, Retten i Glostrup (tribunal municipal de Glostrup, Danemark) du 15 juillet 2015.

21 2M-Locatel a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

22 Il est constant entre les parties au principal que les modules séparés IPTV en cause au principal satisfont aux conditions descriptives de la sous-position 85287113 de la NC. Celles-ci s’accordent également sur le fait que, en application du GATT de 1994 et de l’ATI, l’Union est tenue d’exempter de droits de douane les modules séparés ayant une fonction de communication, tels que le produit en cause au principal.

23 Selon la juridiction de renvoi, leur différend porte sur la question de savoir si lesdits modules séparés IPTV doivent être considérés comme incorporant un « récepteur de signaux vidéophoniques (tuner) », au sens de la NC.

24 Considérant que cette notion n’est pas définie par la NC ni par les notes explicatives de celle-ci, l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Dans la [NC],

a) la subdivision “récepteurs de signaux vidéophoniques (tuners)” de la position tarifaire 8528,

b) la sous–position tarifaire 85287113 et

c) la sous–position tarifaire 85287190

doivent-elles être interprétées en ce sens qu’une marchandise correspondant à la description figurant au libellé de la sous-position tarifaire 85287113, permettant la réception, la mise au point et le traitement de signaux de télévision en direct diffusés sur Internet, mais non la réception, la mise au point et le traitement de tels signaux diffusés par voie hertzienne, par câble ou par satellite, doit faire l’objet d’un classement tarifaire dans la sous-position 85287113, la
sous‑position 85287190 ou dans une autre sous-position ? »

Sur la question préjudicielle

25 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la NC doit être interprétée en ce sens que des appareils, tels que les modules séparés IPTV en cause au principal, relèvent de la sous-position 85287113 ou de la sous-position 85287190 de celle-ci.

26 À titre liminaire, il importe de souligner que, lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre doit permettre à cette dernière de classer correctement les produits en cause dans la NC qu’à procéder elle-même à ce classement, et ce d’autant plus qu’elle ne dispose pas nécessairement de tous les éléments indispensables à cet égard. Ainsi, la juridiction
de renvoi apparaît en tout état de cause mieux placée pour procéder au classement en question (arrêt du 12 avril 2018, Medtronic, C‑227/17, EU:C:2018:247, point 33).

27 En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, en vue de garantir la sécurité juridique et la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire de marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre de celle-ci (voir, notamment, arrêts du 14 avril 2011, British Sky Broadcasting Group et Pace, C‑288/09 et C‑289/09,
EU:C:2011:248, point 60, ainsi que du 22 novembre 2012, Digitalnet e.a., C‑320/11, C‑330/11, C‑382/11 et C‑383/11, EU:C:2012:745, point 27).

28 Conformément aux règles générales pour l’interprétation de la NC, le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions, de sections ou de chapitres, les libellés des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres étant considérés comme n’ayant qu’une valeur indicative.

29 En outre, les notes explicatives de la NC élaborées par la Commission contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires sans toutefois avoir force obligatoire de droit (voir, notamment, arrêts du 14 avril 2011, British Sky Broadcasting Group et Pace, C‑288/09 et C‑289/09, EU:C:2011:248, point 63, ainsi que du 22 novembre 2012, Digitalnet e.a., C‑320/11, C‑330/11, C‑382/11 et C‑383/11, EU:C:2012:745, point 33).

30 En l’occurrence, la sous-position 852871 de la NC vise les appareils récepteurs de télévision non conçus pour incorporer un dispositif d’affichage ou un écran vidéo.

31 Elle établit une distinction entre les « récepteurs de signaux vidéophoniques (tuners) », visés aux sous-positions 85287111, 85287113 et 85287119 de la NC, et les « autres », qui relèvent de la sous-position 85287190 de la NC. S’agissant d’une catégorie résiduelle, cette dernière sous-position vise par conséquent les appareils récepteurs de télévision dépourvus de « récepteur de signaux vidéophoniques (tuner) ».

32 À cet égard, il convient de préciser que les expressions « réception de signaux vidéophoniques » et « réception de signaux de télévision » recouvrent deux notions identiques (arrêt du 22 novembre 2012, Digitalnet e.a., C‑320/11, C‑330/11, C‑382/11 et C‑383/11, EU:C:2012:745, point 29).

33 Dans l’affaire au principal, il n’est pas contesté que les modules séparés IPTV sont aptes à recevoir des signaux de télévision. En revanche, 2M-Locatel et le ministère des Impôts et Accises s’opposent sur le point de savoir si ces appareils doivent être considérés comme incorporant un « récepteur de signaux vidéophoniques (tuners) », au sens de la sous-position 852871 de la NC.

34 Selon les constatations de la juridiction de renvoi, les modules séparés IPTV reçoivent des signaux numériques et séparent les chaînes en fonction des groupes d’adresses sur protocole Internet, tandis que les modules séparés pour la télévision diffusée par le réseau hertzien, par le câble ou par le satellite reçoivent des signaux analogiques et séparent les chaînes par le réglage de fréquences.

35 Afin de donner une réponse à la juridiction de renvoi, il y a lieu, dès lors, de déterminer ce que recouvre la notion de « récepteur de signaux vidéophoniques (tuner) », au sens de la sous-position 852871 de la NC.

36 En l’absence de définition de cette notion dans la NC, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (arrêt du 22 novembre 2012,
Digitalnet e.a., C‑320/11, C‑330/11, C‑382/11 et C‑383/11, EU:C:2012:745, point 38).

37 Un « tuner vidéo », ou un « syntoniseur de télévision », dans le sens courant de ces termes, est un appareil qui convertit les signaux de télévision haute fréquence en signaux utilisables par les appareils d’enregistrement ou de reproduction vidéophoniques ou par les moniteurs. Il permet, en outre, de sélectionner les signaux de télévision émis sur une fréquence spécifique.

38 Cette définition est corroborée par les notes explicatives de la NC en vigueur à la date des importations en cause au principal.

39 En effet, aux termes des notes explicatives de la NC publiées le 28 février 2006, « [c]es appareils (syntoniseurs de télévision) comprennent les circuits de sélection de canaux ou fréquences porteuses et les circuits de démodulation et sont généralement conçus pour fonctionner sur antenne ou antenne commune (distribution par câble à haute fréquence). Le signal obtenu à la sortie est tel qu’il peut servir de signal d’entrée pour les moniteurs ou pour les appareils d’enregistrement ou de
reproduction vidéophoniques. Il s’agit en fait du signal original de la caméra, avant modulation de l’émetteur ».

40 Selon les notes explicatives de la NC publiées le 7 mai 2008, la sous-position 85287113 de la NC « couvre les appareils non munis d’écran (appelés “modules séparés ayant une fonction de communication”), comprenant les principaux éléments suivants : [...] un récepteur de signaux vidéophoniques. L’existence d’un connecteur RF [fréquence radio] témoigne de la présence éventuelle d’un récepteur de signaux vidéophoniques ».

41 Enfin, les notes explicatives de la NC publiées le 30 mai 2008 disposent que les sous-positions 85287111 à 85287119 de la NC « comprennent les appareils incorporant un récepteur de signaux vidéophoniques qui convertit les signaux de télévision haute fréquence en signaux utilisables par les appareils d’enregistrement ou de reproduction vidéophoniques ou par les moniteurs. Ces appareils (syntoniseurs de télévision) comprennent les circuits de sélection de canaux ou fréquences porteuses et les
circuits de démodulation et sont généralement conçus pour fonctionner sur antenne ou antenne commune (distribution par câble à haute fréquence). Le signal obtenu à la sortie est tel qu’il peut servir de signal d’entrée pour les moniteurs ou pour les appareils d’enregistrement ou de reproduction vidéophoniques. Il s’agit en fait du signal original de la caméra, avant modulation de l’émetteur ».

42 Il découle des considérations qui précèdent que, pour relever des sous-positions 85287111 à 85287119 de la NC, un appareil doit incorporer un récepteur de signaux vidéophoniques (tuner), ou un « syntoniseur de télévision », c’est-à-dire un appareil permettant la sélection de canaux ou de fréquences porteuses et la conversion des signaux de télévision à haute fréquence en signaux utilisables par les appareils d’enregistrement ou de reproduction vidéophoniques ou par les moniteurs.

43 Conformément à la jurisprudence rappelée au point 26 du présent arrêt, il appartiendra, dès lors, à la juridiction de renvoi d’apprécier si les modules séparés IPTV en cause au principal présentent ces caractéristiques. À défaut, ceux-ci devront être classés dans la sous-position résiduelle 85287190 de la NC et, en conséquence, être soumis à des droits de douane au taux de 14 %.

44 Cette interprétation n’est pas remise en cause par le paragraphe 2 de l’ATI, aux termes duquel chaque partie contractante est tenue d’éliminer les droits de douane applicables, notamment, aux « modules séparés ayant une fonction de communication : dispositifs à microprocesseur comprenant un modem d’accès à Internet et ayant une fonction d’échange interactif d’informations », indépendamment de la question de savoir si lesdits modules incorporent ou non un syntoniseur de télévision.

45 Certes, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour que la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur les textes de droit dérivé commande d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (arrêts du 14 avril 2011, British Sky Broadcasting Group et Pace, C‑288/09 et C‑289/09, EU:C:2011:248, point 83, ainsi que du 22 novembre 2012, Digitalnet e.a., C‑320/11, C‑330/11, C‑382/11 et C‑383/11, EU:C:2012:745, point 39).

46 Cependant, force est de constater qu’une telle interprétation, laquelle impliquerait d’affirmer que les modules séparés ayant une fonction de communication doivent être classés dans la sous-position 85287113 de la NC, y compris lorsqu’ils ne permettent pas la sélection de canaux ou de fréquences porteuses, ni la conversion des signaux de télévision à haute fréquence en signaux utilisables par les appareils d’enregistrement ou de reproduction vidéophoniques ou par les moniteurs, n’est pas possible
dès lors que, ainsi qu’il découle du point 42 du présent arrêt, elle irait à l’encontre du libellé de la NC et, partant, de la volonté du législateur de l’Union.

47 Au demeurant, il convient de rappeler que le juge de l’Union ne saurait exercer un contrôle de la légalité des actes de l’Union au regard des règles de l’OMC pour la période antérieure à la date d’expiration du délai raisonnable accordé à l’Union, conformément au mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, pour se conformer aux recommandations ou aux décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC, sous peine de priver d’effet l’octroi d’un
tel délai (arrêt du 17 janvier 2013, Hewlett-Packard Europe, C‑361/11, EU:C:2013:18, point 58 et jurisprudence citée).

48 À cet égard, il convient de préciser que, dans le cadre de l’ATI, un groupe spécial de l’OMC a, le 16 août 2010, publié ses rapports dans les affaires WT/DS375/R, WT/DS376/R et WT/DS377/R (Communautés européennes et leurs États membres – Traitement tarifaire de certains produits des technologies de l’information), lesquels ont été adoptés parl’organe de règlement des différends de l’OMC le 21 septembre 2010.

49 Ces rapports indiquent, notamment, ce qu’il faut entendre par « module séparé ». Il s’agit d’un « appareil ou dispositif qui trait[e] un signal entrant émis par une source de signaux externe de façon qu’il puisse être affiché sur une unité de visualisation, telle qu’un moniteur vidéo ou un poste de télévision ». Ils précisent que cet appareil « peut assurer une ou plusieurs fonctionnalités, y compris la réception et le décodage des émissions de télévision, qu’elles soient diffusées par satellite,
par câble ou par Internet ».

50 Or, le délai raisonnable imparti à l’Union pour mettre en œuvre lesdits rapports adoptés par l’organe de règlement des différends de l’OMC est venu à expiration le 30 juin 2011 et la Commission les a pris en compte en adoptant le règlement d’exécution (UE) no 620/2011, du 24 juin 2011, modifiant le règlement no 2658/87 (JO 2011, L 166, p. 16). Conformément à son article 2, ce règlement est entré en vigueur le 1er juillet 2011 et il est dépourvu de tout effet rétroactif.

51 Il s’ensuit que le règlement no 1549/2006 ne saurait, en tout état de cause, voir sa validité remise en question au motif qu’il classe les modules séparés ayant une fonction de communication dépourvus d’un syntoniseur de télévision dans la sous-position 85287190 de la NC.

52 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que la NC doit être interprétée en ce sens que des appareils, tels que les modules séparés IPTV en cause au principal, permettant la réception, la mise au point et le traitement de signaux de télévision diffusés en direct sur protocole Internet doivent être classés dans la sous-position 85287190 de celle-ci, sous réserve qu’ils soient dépourvus d’un récepteur de signaux vidéophoniques (tuner), ou
d’un « syntoniseur de télévision », ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

53 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  La nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, telle que modifiée par le règlement (CE) no 1549/2006 de la Commission, du 17 octobre 2006, doit être interprétée en ce sens que des appareils permettant la réception, la mise au point et le traitement de signaux de télévision diffusés en direct sur protocole Internet, tels que ceux en cause au principal,
doivent être classés dans la sous-position 85287190 de celle-ci, sous réserve qu’ils soient dépourvus d’un récepteur de signaux vidéophoniques (tuner), ou d’un « syntoniseur de télévision », ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le danois.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-555/17
Date de la décision : 20/09/2018
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Østre Landsret.

Renvoi préjudiciel – Règlement (CEE) no 2658/87 – Union douanière et tarif douanier commun – Classement tarifaire – Nomenclature combinée – Sous‑positions 8528 71 13 et 8528 71 90 – Appareil permettant la réception, la mise au point et le traitement de signaux de télévision diffusés en direct sur protocole Internet.

Union douanière

Tarif douanier commun

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : 2M-Locatel A/S
Défendeurs : Skatteministeriet.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sharpston
Rapporteur ?: Borg Barthet

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:746

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