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06/09/2018 | CJUE | N°C-4/17

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, République tchèque contre Commission européenne., 06/09/2018, C-4/17


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 septembre 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et – Dépenses éligibles au financement de l’Union européenne – Dépenses effectuées par la République tchèque – Règlement (CE) no 479/2008 – Article 11, paragraphe 3 – Notion de “restructuration des vignobles” »

Dans l’affaire C‑4/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 janvier 2017,

Républiqu

e tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Pavliš et J. Vláčil, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 septembre 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et – Dépenses éligibles au financement de l’Union européenne – Dépenses effectuées par la République tchèque – Règlement (CE) no 479/2008 – Article 11, paragraphe 3 – Notion de “restructuration des vignobles” »

Dans l’affaire C‑4/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 janvier 2017,

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Pavliš et J. Vláčil, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par M. P. Ondrůšek et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, D. Šváby (rapporteur) et M. Vilaras, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er mars 2018,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 avril 2018,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la République tchèque demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 octobre 2016, République tchèque/Commission (T‑141/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:621), par lequel ce dernier a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2015/103 de la Commission, du 16 janvier 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole
de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 16, p. 33), en tant qu’elle écarte les dépenses effectuées par elle au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) en faveur de la mesure de protection des vignobles contre les dommages causés par les animaux et les oiseaux pour les années 2010 à 2012 (ci-après la « mesure de protection litigieuse ») pour un montant total de 2123199,04 euros (ci-après la « décision litigieuse »).

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 1493/1999

2 Sous le titre II du règlement (CE) no 1493/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune du marché vitivinicole (JO 1999, L 179, p. 1), au chapitre III, intitulé « Restructuration et reconversion », l’article 11 de ce règlement disposait :

« 1.   Il est institué un régime de restructuration et de reconversion des vignobles.

2.   Le régime a pour objectif d’adapter la production à la demande du marché.

3.   Le régime couvre une ou plusieurs des actions suivantes :

a) la reconversion variétale, y compris par surgreffage ;

b) la réimplantation de vignobles ;

c) les améliorations des techniques de gestion des vignobles liées à l’objectif du régime.

Il ne couvre pas le remplacement normal des vignobles parvenus au terme de leur cycle de vie naturel.

[...] »

Le règlement (CE) no 479/2008

3 Le règlement (CE) no 479/2008 du Conseil, du 29 avril 2008, portant organisation commune du marché vitivinicole, modifiant les règlements (CE) no 1493/1999, (CE) no 1782/2003, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 3/2008, et abrogeant les règlements (CEE) no 2392/86 et (CE) no 1493/1999 (JO 2008, L 148, p. 1), énonçait, à son considérant 11 :

« Il convient que la promotion et la commercialisation des vins de la Communauté dans les pays tiers figurent au nombre des mesures phares éligibles pour les programmes d’aide nationaux. Compte tenu des effets structurels positifs qu’elles exercent sur le secteur du vin, il convient de poursuivre l’aide aux actions de restructuration et de reconversion. Une aide devrait également être disponible pour les investissements dans le secteur du vin qui sont axés sur l’amélioration des performances
économiques des entreprises en tant que telles. [...] »

4 L’article 4 du règlement no 479/2008, intitulé « Compatibilité et cohérence », disposait, à son paragraphe 1 :

« Les programmes d’aide sont compatibles avec la législation communautaire et cohérents par rapport aux activités, politiques et priorités de la Communauté. »

5 Aux termes de l’article 5 de ce règlement, intitulé « Soumission des programmes d’aide » :

« 1.   Chaque État membre producteur visé à l’annexe II soumet à la Commission, pour la première fois au plus tard le 30 juin 2008, un projet de programme d’aide sur cinq ans contenant des mesures conformes aux dispositions du présent chapitre.

Les mesures d’aide dans le cadre des programmes d’aide sont établies au niveau géographique que l’État membre juge le plus approprié. Avant d’être soumis à la Commission, le programme d’aide fait l’objet d’une consultation avec les autorités et les organismes compétents au niveau territorial approprié.

Chaque État membre soumet un unique projet de programme d’aide, lequel peut prendre en compte des particularités régionales.

2.   Les programmes d’aide deviennent applicables trois mois après la date de leur soumission à la Commission.

Si, toutefois, le programme d’aide soumis ne répond pas aux conditions établies au présent chapitre, la Commission en informe l’État membre concerné. Dans ce cas, l’État membre soumet à la Commission une version révisée de son programme d’aide. Ce programme d’aide révisé devient applicable deux mois après la date de sa notification, sauf s’il subsiste une incompatibilité, auquel cas le présent alinéa s’applique.

[...] »

6 Sous l’intitulé « Restructuration et reconversion des vignobles », l’article 11 dudit règlement prévoyait :

« 1.   L’objectif des mesures en matière de restructuration et de reconversion des vignobles est d’accroître la compétitivité des viticulteurs.

2.   La restructuration et la reconversion des vignobles ne sont soutenues conformément au présent article que si les États membres ont soumis un inventaire de leur potentiel de production conformément à l’article 109.

3.   L’aide à la restructuration et à la reconversion des vignobles ne peut porter que sur une ou plusieurs des actions suivantes :

a) la reconversion variétale, y compris par surgreffage ;

b) la réimplantation de vignobles ;

c) l’amélioration des techniques de gestion des vignobles.

Le remplacement normal des vignobles parvenus au terme de leur cycle de vie naturel est exclu de l’aide.

4.   L’aide à la restructuration et à la reconversion des vignobles ne peut prendre que les formes suivantes :

a) une indemnisation des producteurs pour les pertes de recettes consécutives à la mise en œuvre de la mesure ;

b) une participation aux coûts de la restructuration et de la reconversion.

[...] »

Les antécédents du litige

7 Les antécédents pertinents du litige ont été exposés comme suit aux points 1 à 17 de l’arrêt attaqué :

« 1 Le 9 juillet 2008, la République tchèque a soumis à la Commission des Communautés européennes un projet de programme d’aide pour les exercices 2009 à 2014, en application de l’article 5, paragraphe 1, du règlement [no 479/2008].

2 Parmi les mesures du projet de programme figurait [la mesure de protection litigieuse], qui était censée être mise en œuvre soit par des moyens mécaniques, à savoir la clôture des vignobles ou divers systèmes d’éloignement, soit par des moyens actifs impliquant la présence d’hommes émettant des sons [...]

3 Dans une lettre du 8 octobre 2008, la Commission a formulé des griefs contre le projet susmentionné, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 479/2008. Toutefois, les griefs de la Commission ne visaient pas la mesure de protection litigieuse.

4 La République tchèque a révisé le projet de programme en tenant compte des griefs de la Commission et lui a transmis un nouveau projet le 12 février 2009. Le second projet contenait à nouveau, dans sa forme non modifiée par rapport au projet initial, la mesure de protection litigieuse. La Commission n’a plus soulevé de griefs contre le second projet.

5 À l’occasion d’une enquête d’audit menée sous la référence VT/VI/2009/101/CZ, visant à vérifier la compatibilité des mesures adoptées par la République tchèque dans le cadre de la restructuration et de la reconversion des vignobles avec les conditions d’octroi des aides en la matière et portant sur la campagne viticole 2007/2008, la Commission a, en date du 20 février 2009, adressé à la République tchèque une communication au titre de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 885/2006 de
la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90). Cette communication se lit en partie comme suit :

“Ce résultat met néanmoins en lumière le fait que les travaux de restructuration se sont essentiellement limités à une protection du vignoble existant contre les animaux sans aucune autre intervention. Cette approche soulève un problème de conformité au regard de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1493/1999, lequel stipule que le régime a pour objectif d’adapter la production à la demande du marché. Si la restructuration en République tchèque s’est limitée à la seule protection
contre les animaux du vignoble existant, prima facie, la dépense n’est pas éligible car elle est sans rapport avec les exigences réglementaires requises”. Dans la même lettre, la Commission indiquait que les autorités tchèques devaient “mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires de façon à remédier aux carences et aux non-conformités.”

6 Par lettre du 22 septembre 2009, la Commission a notifié son intention de mener une autre enquête d’audit sous la référence VT/VI/2009/004/CZ. Cette enquête devait porter sur les mesures relatives à la restructuration et à la reconversion des vignobles en République tchèque au cours de la campagne viticole 2008/2009.

7 Du 26 au 29 janvier 2010, la Commission a mené cette dernière enquête en République tchèque.

8 Dans une communication du 22 mars 2010 effectuée en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006 [...], la Commission a, dans le cadre de l’enquête portant la référence VT/VI/2009/004/CZ, notamment relevé ce qui suit :

“Lors du contrôle sur place, l’équipe d’audit a eu des doutes quant à la question de savoir si la protection active et passive contre les oiseaux et les animaux sauvages constitu[ait] une activité admissible dans le cadre de la restructuration et de la reconversion.”

9 Par ailleurs, la Commission a, dans le même document, indiqué à l’adresse de la République tchèque que “[l]a protection active et passive contre les oiseaux et les animaux sauvages ne saurait être considérée comme une nouvelle mesure grâce à laquelle la gestion des vignobles s’améliorait de façon que la production s’adapte à la demande du marché”. Finalement, la communication rappelle que “[l]e règlement (CE) no 1493/1999 indique clairement que l’objectif [des opérations de restructuration] est
‘d’adapter la production à la demande du marché’”.

10 En date du 31 janvier 2011, la Commission a transmis à la République tchèque le procès-verbal d’une réunion bilatérale qui s’était tenue au titre de l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 885/2006 et qui avait eu lieu entre des représentants de la République tchèque et de ses propres services le 13 décembre 2010 au sujet des deux enquêtes susmentionnées. À partir du 31 janvier 2011, la référence aux deux enquêtes figurait au début de toute la correspondance de la
Commission dans la présente affaire.

11 Dans le procès-verbal, la Commission a considéré que les dépenses effectuées en République tchèque au titre de la mesure de protection litigieuse constituaient des opérations non admissibles et a demandé à la République tchèque le montant exact des dépenses déclarées pour les exercices 2008 à 2010.

12 Le 3 décembre 2012, la Commission a adressé à la République tchèque une communication au titre de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. Dans cette communication, la Commission a réitéré et précisé son opinion selon laquelle les modes de protection active et passive des vignobles prévus par la République tchèque n’étaient pas couverts par la notion de restructuration et de reconversion visée à l’article 11 du règlement
[no 1493/1999], ainsi qu’à l’article 11 du règlement no 479/2008. À cet égard, la Commission a proposé une correction financière de 52347157,43 couronnes tchèques (CZK) (environ 2040737 euros) et de 11984289,94 euros pour les exercices 2007 à 2010, en soumettant les exercices 2007 et 2008 à l’application du règlement no 1493/1999 et les autres exercices à l’application du règlement no 479/2008.

13 À la suite d’une demande du 17 janvier 2013 présentée par la République tchèque, l’organe de conciliation a organisé une réunion le 19 juin 2013 et rendu le 2 juillet 2013 un rapport final relatif à la procédure de conciliation portant la référence 13/CZ/552. Dans ce rapport, l’organe de conciliation a invité la Commission à ne pas proposer de correction financière pour les dépenses effectuées au titre du programme d’aide dans son ensemble pour la période 2009 à 2014 et à reconsidérer sa
décision d’imposer la correction financière proposée de 52347157,43 CZK (environ 2040737 euros) et de 11984289,94 euros.

14 Par lettre du 22 avril 2014, la Commission a transmis à la République tchèque un avis final après la présentation du rapport de l’organe de conciliation. Dans cet avis, la Commission a répété que, selon elle, la mesure de protection litigieuse ne saurait être considérée comme admissible dans le cadre du programme de restructuration et de reconversion des vignobles.

15 S’agissant des exercices 2007 à 2009, la Commission a relevé que l’absence de griefs de sa part contre le projet de programme d’aide à l’égard de la mesure de protection litigieuse avait permis à la République tchèque de croire légitimement que les aides en faveur de cette mesure étaient des opérations admissibles. Selon la Commission, la République tchèque ne pouvait cependant nourrir aucune confiance légitime à cet égard après avoir reçu sa lettre du 22 mars 2010. Pour cette raison, la
Commission a estimé qu’une correction financière était justifiée pour toutes les dépenses à l’égard desquelles un engagement avait été pris après le 22 mars 2010. Ensuite, elle a proposé une correction financière pour les exercices 2010 à 2012 pour un montant total de 2123199,04 euros.

16 Finalement, la Commission a adopté la [décision litigieuse], sur la base de l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549 ; rectifié par JO 2016 L 130, p. 13).

17 Dans la [décision litigieuse], la Commission a écarté les dépenses effectuées par la République tchèque au titre du [FEAGA] en faveur de la mesure de protection litigieuse dans le cadre du programme de restructuration et de reconversion des vignobles pour 2010 à 2012, pour un montant total de 2123199,04 euros. »

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mars 2015, la République tchèque a demandé l’annulation de la décision litigieuse ainsi que la condamnation de la Commission aux dépens.

9 À l’appui de son recours, la République tchèque a soulevé deux moyens tirés, d’une part, d’une violation de l’article 5 du règlement no 479/2008 ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime et, d’autre part, d’une violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), lu conjointement avec les articles 11 et 16 du règlement no 885/2006 et l’article 31 du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du
21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1).

10 Le Tribunal a rejeté ce recours et condamné la requérante aux dépens.

Les conclusions des parties

11 La République tchèque demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision litigieuse et

– de condamner la Commission aux dépens.

12 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la République tchèque aux dépens.

Sur le pourvoi

13 À l’appui de son pourvoi, la République tchèque invoque trois moyens tirés respectivement :

– d’une violation de l’article 11 du règlement no 479/2008 ;

– d’une violation de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 479/2008 ainsi que des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, et

– d’une violation de l’article 41 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 31 du règlement no 1290/2005 ou avec l’article 52 du règlement no 1306/2013, ainsi qu’avec les articles 11 et 16 du règlement no 885/2006.

Sur la recevabilité du premier moyen tiré d’une violation de l’article 11 du règlement no 479/2008

Argumentation des parties

14 Par son premier moyen, dirigé contre les points 83 à 90 de l’arrêt attaqué, la République tchèque reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 11 du règlement no 479/2008.

15 La Commission estime, à titre principal, que le premier moyen est à la fois irrecevable et inopérant.

16 D’une part, elle considère qu’il s’agit d’un moyen venant au soutien des conclusions en annulation de la décision litigieuse, qui n’a pas été invoqué de manière autonome devant le Tribunal. Il serait donc nouveau et, partant, irrecevable.

17 D’autre part, ce moyen serait, en outre, inopérant en ce qu’il ne concernerait qu’un élément partiel de l’analyse du Tribunal consacrée au moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique. Dans ces conditions, qu’il soit fondé ou non, ce moyen ne saurait remettre en cause la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu quant à l’absence de méconnaissance de ce principe.

18 La République tchèque rétorque que, bien que la méconnaissance de l’article 11 du règlement no 479/2008 n’ait pas été présentée en tant que moyen devant le Tribunal, le premier moyen du pourvoi est recevable parce que, en première instance, son argumentation reposait sur le postulat que la Commission avait admis, lors de l’évaluation préalable du programme d’aide, que la mesure de protection litigieuse était compatible avec cette disposition.

19 En outre, ledit moyen ne saurait être inopérant, car le Tribunal aurait considéré erronément que la mesure de protection litigieuse ne respectait pas les conditions de l’article 11 de ce règlement. Il serait, par conséquent, déterminant de constater que tel n’est pas le cas.

Appréciation de la Cour

20 À titre liminaire, bien que la République tchèque ait évoqué devant le Tribunal la conformité de la mesure de protection litigieuse avec l’article 11 du règlement no 479/2008, cet État membre n’a pas soulevé, dans son recours en annulation, le moyen tiré de la violation de cette disposition. Il ressort, en effet, du point 10 du mémoire en réplique déposé par cet État membre devant le Tribunal que, « [é]tant donné que la conformité du programme d’aide litigieux avec le droit de l’Union dans son
ensemble résulte de la présomption légale irréfragable au titre de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 479/2008, à laquelle la Commission elle-même a donné lieu par sa conduite, il n’y a plus lieu d’aborder l’article 11 du règlement no 479/2008 ».

21 Ledit recours reposait donc sur le postulat selon lequel la compatibilité de la mesure de protection litigieuse avec l’article 11 du règlement no 479/2008 avait été admise par la Commission, cette dernière n’ayant pas émis de critique contre la seconde version du projet de programme d’aide pour les années 2009 à 2014 que la République tchèque lui avait transmise le 12 février 2009.

22 Or, aux points 83 à 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a explicité les motifs pour lesquels une mesure telle que la mesure de protection litigieuse, dont il n’apparaissait pas clairement qu’elle contribuait à accroître la compétitivité des viticulteurs, ne relevait, à l’évidence, pas, selon lui, des actions énumérées à l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 479/2008.

23 Le Tribunal s’est ainsi fondé, comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 40 de ses conclusions, sur ces considérations pour écarter, dans l’arrêt attaqué, le premier moyen du recours en annulation.

24 À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que, selon une jurisprudence constante, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié, EU:C:2007:730, point 17, ainsi que du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 55).

25 D’autre part, il ressort également d’une jurisprudence constante qu’un argument qui n’a pas été soulevé en première instance ne constitue pas un moyen nouveau qui est irrecevable au stade du pourvoi s’il ne constitue que l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre d’un moyen présenté dans la requête devant le Tribunal (voir en ce sens, notamment, arrêts du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 287,
ainsi que du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 114).

26 Or, il y a lieu de relever que, dans son recours en annulation, la République tchèque avait soulevé, dans le cadre de son premier moyen, tiré notamment de la violation du principe de sécurité juridique, une argumentation selon laquelle la mesure de protection litigieuse était conforme aux conditions prévues à l’article 11 du règlement no 479/2008.

27 Il s’ensuit que, dans la mesure où la thèse soutenue par la République tchèque en première instance postulait nécessairement la compatibilité de la mesure de protection litigieuse avec l’article 11 du règlement no 479/2008 et où cette compatibilité a été remise en cause par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, le moyen tiré de la violation de cet article doit être considéré comme l’ampliation du premier moyen énoncé dans la requête introductive d’instance, tiré notamment de la violation du principe
de sécurité juridique. Ledit moyen doit, en conséquence, être considéré comme recevable.

Sur le fond

Argumentation des parties

28 La République tchèque conteste l’arrêt attaqué en ce que, dans cet arrêt, le Tribunal a considéré, d’une part, que, à l’évidence, l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 479/2008 ne couvrait pas les mesures nationales qui, à l’instar de la mesure de protection litigieuse, tendaient à la protection des vignobles contre les dommages causés par les animaux et les oiseaux et, d’autre part, qu’il n’apparaissait pas clairement que ladite mesure contribuerait à assurer un accroissement de la
compétitivité des viticulteurs, ce qui est, aux termes du paragraphe 1 de cet article, l’objectif des mesures en matière de restructuration et de reconversion des vignobles.

29 Or, pour la République tchèque, les mesures tendant à la protection des vignobles contre les dommages causés par les animaux et les oiseaux remplissent les trois conditions mentionnées à l’article 11 du règlement no 479/2008 et, partant, sont éligibles à une aide au sens de cet article.

30 En premier lieu, ces mesures constitueraient une amélioration des techniques de gestion des vignobles, au sens de l’article 11, paragraphe 3, sous c), du règlement no 479/2008, en ce qu’elles concourent à un meilleur rendement des récoltes en protégeant les vignes et les plants de raisins contre les infestations parasitaires. À cet égard, la requérante indique que, chaque année en République tchèque, les animaux et les oiseaux causent des dommages de grande ampleur dans les vignes. En effet, les
animaux grignoteraient les pieds de vigne qui, ainsi détériorés, produisent moins ou pas du tout. Quant aux oiseaux, en particulier l’étourneau sansonnet, ils se poseraient sur les raisins pendant la période de maturation, engendrant ainsi un problème spécifique aux vignobles d’Europe centrale où se trouve cet oiseau pendant cette période. Une telle circonstance pourrait entraîner la destruction totale des récoltes ou la détérioration complète des raisins rendus ainsi inutilisables pour produire
un vin de qualité. En outre, les raisins seraient plus vulnérables aux maladies, qui peuvent ensuite se propager.

31 C’est la raison pour laquelle auraient été mises en place durant la période concernée une protection collective, par l’installation de clôtures autour des vignobles, et une protection individuelle, au moyen de poteaux pour éviter que les différents pieds de vigne ne soient grignotés. La grande majorité des fonds concernés par la correction financière litigieuse aurait été allouée à la protection contre les animaux, puisque seuls 4 millions de CZK environ (environ 155938 euros) auraient été
affectés à la protection contre les oiseaux, sous la forme d’une protection active, par la présence physique de personnes sur les vignobles, des rondes et l’effarouchement des oiseaux, et passive, au moyen de dispositifs de dissuasion fonctionnant sur un principe mécanique, optique ou acoustique.

32 En deuxième lieu, aucune des mesures tendant à la protection des vignobles contre les dommages causés par les animaux et les oiseaux ne saurait être assimilée à une mesure de remplacement normal d’un vignoble au terme de son cycle de vie naturel, au sens de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 479/2008.

33 En troisième lieu, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 479/2008, les mesures tendant à la protection des vignobles contre les dommages causés par les animaux et les oiseaux accroîtraient la compétitivité des viticulteurs. Elles permettraient, en effet, de répondre à une demande élevée de vins de qualité surmaturés en limitant le désavantage concurrentiel causé par les étourneaux sansonnets. La mesure de protection litigieuse aurait en effet renforcé la compétitivité des
viticulteurs tchèques sur le marché vitivinicole de l’Union en permettant de tripler la production tchèque de vins de qualité surmaturés, celle-ci étant passée de 51000 hectolitres pour l’année 2005 à 121000 hectolitres dès l’année 2008, pour atteindre 161000 hectolitres pour l’année 2012, dernière année d’application de cette mesure.

34 Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit en jugeant que la mesure de protection litigieuse n’était pas admissible à un financement, au sens de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 479/2008.

35 La Commission soutient que le premier moyen n’est pas fondé, car l’objectif de la mesure de protection litigieuse est uniquement de préserver le volume de production et non d’adapter la production à la demande du marché ou d’accroître la compétitivité des viticulteurs.

36 En outre, ladite mesure ne saurait avoir pour objet de compenser le désavantage concurrentiel subi par les viticulteurs d’Europe centrale en raison de la présence d’étourneaux sansonnets au moment de la récolte. En effet, l’objectif de l’aide à la restructuration et à la reconversion des vignobles serait non pas, comme dans le cas des Fonds de cohésion, de compenser les désavantages résultant de la situation géographique et des conditions naturelles ni de réduire les disparités régionales, mais,
bien au contraire, de soutenir et d’accroître la compétitivité des viticulteurs de toute l’Union, indépendamment de la région dans laquelle ils exercent leurs activités.

37 De surcroît, les mesures de restructuration et de reconversion de vignobles devraient contribuer à la reconversion variétale et à l’amélioration des techniques de gestion des vignobles. Or, à supposer même que la protection de la production contre les nuisibles permette de produire du vin en plus grande quantité et de qualité supérieure, cette protection se bornerait, malgré tout, à maintenir le volume de la production existante. Dès lors, les techniques d’effarouchement des oiseaux, qui sont
utilisées depuis des siècles, ou de protection contre les animaux ne constitueraient aucunement une évolution qualitative de la gestion des vignobles.

38 Enfin, afin de protéger la production contre les animaux, le règlement no 479/2008 prévoirait une participation financière au coût des primes d’assurance payées par les producteurs, dans la limite de 50 % de ce coût, conformément à l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement. Dans ces conditions, l’article 11 dudit règlement témoignerait de la volonté du législateur de l’Union de soutenir financièrement l’accroissement de la compétitivité des viticulteurs, ce qui va au-delà d’une hausse ou d’une
préservation de leurs volumes de production. Les règles énoncées à l’article 14 du même règlement montreraient que le législateur de l’Union n’a pas négligé les mesures qui se limitent à protéger la production contre les nuisibles.

39 Dans son mémoire en réplique, la République tchèque rétorque que l’argumentation de la Commission revient à ajouter à l’article 11 du règlement no 479/2008 des conditions qui ne ressortent pas du libellé de cet article. En particulier, cet article ne subordonnerait aucunement l’éligibilité à une aide à l’utilisation d’une nouvelle technique de gestion des vignobles. Seul compterait le fait que la technique employée, qu’elle soit récente ou ancestrale, permette d’améliorer la gestion du vignoble
en cause. En outre, l’existence d’une autre mesure de protection de la production contre les animaux, telle que celle prévue à l’article 14 de ce règlement, ne saurait influencer les conditions d’octroi d’une aide couverte par l’article 11 dudit règlement.

40 Dans son mémoire en duplique, la Commission affirme qu’elle n’a jamais prétendu que seule une invention puisse être considérée comme une « amélioration des techniques de gestion des vignobles ». Ainsi, des techniques existantes ou même ancestrales pourraient, en combinaison avec des technologies et des conceptions nouvelles, conduire à une compétitivité accrue. Cependant, la mesure de protection litigieuse, en particulier l’effarouchement des oiseaux présents dans les vignobles par l’émission de
sons ou l’installation d’épouvantails, ne ferait que reproduire des méthodes connues depuis des siècles et ne changerait rien à la variété des cépages ni aux techniques de gestion des vignobles.

Appréciation de la Cour

41 Par son premier moyen, la République tchèque critique les points 83 à 90 de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal y a considéré que le libellé de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 479/2008 ne couvre, à l’évidence, pas les mesures tendant à la protection des vignobles contre les dommages causés par les animaux et les oiseaux, telles que la mesure de protection litigieuse, et qu’il n’apparaît pas clairement en quoi ces mesures pourraient servir à assurer un accroissement de la
compétitivité des viticulteurs.

42 À titre liminaire, il convient d’observer que la mesure de protection litigieuse ne saurait être qualifiée de mesure visant à la « reconversion des vignobles », au sens de l’article 11 du règlement no 479/2008. Il s’ensuit que l’examen du bien-fondé du premier moyen suppose uniquement d’évaluer si cette mesure est susceptible d’être qualifiée de mesure de « restructuration des vignobles », au sens de cette disposition.

43 À cet égard, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte de la disposition et de l’objectif
poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêts du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, EU:C:1984:11, point 11, et du 18 mai 2017, Hummel Holding, C‑617/15, EU:C:2017:390, point 22).

44 L’interprétation littérale du terme « restructuration » met en exergue l’ambiguïté de ce terme. En effet, dans le langage courant, une restructuration désigne l’action de réorganiser selon de nouveaux principes ou avec de nouvelles structures, un ensemble qui n’est pas jugé suffisamment performant. Une restructuration d’un vignoble peut ainsi découler de modifications affectant tant les principes de gestion de celui-ci que les terrains sur lesquels l’activité viticole s’exerce.

45 Lorsque, comme en l’espèce, une disposition de droit de l’Union est ambiguë et, partant, susceptible de plusieurs interprétations, il faut donner la priorité à celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile en l’interprétant, à cette fin, à la lumière des finalités de la réglementation dont cette disposition fait partie (voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 1980, Roudolff, 803/79, EU:C:1980:166, point 7, et du 24 février 2000, Commission/France, C‑434/97, EU:C:2000:98, point 21).

46 À cet égard, il résulte de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 479/2008 que l’objectif des mesures de restructuration des vignobles est d’accroître la compétitivité des viticulteurs.

47 Au regard de cet objectif, une mesure relativement modeste, se limitant à mieux gérer la vigne en protégeant les ceps par divers moyens, qui aboutit à un gain de compétitivité significatif en faveur des agriculteurs est susceptible de se voir qualifiée de mesure de restructuration. En particulier, et contrairement à ce qu’allègue la Commission, il ne ressort nullement du libellé de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 479/2008 que des mesures faisant appel à des techniques existantes ou
même ancestrales ne pourraient être éligibles à une aide à la restructuration des vignobles qu’à la condition d’être combinées avec des technologies et des conceptions nouvelles.

48 Il convient, au contraire, d’évaluer concrètement l’amélioration des techniques de gestion du vignoble, cette exigence devant s’apprécier à l’aune des conditions de gestion d’un vignoble ayant cours au moment où l’aide est sollicitée.

49 Certes, l’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) no 555/2008 de la Commission, du 27 juin 2008, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d’aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole (JO 2008, L 170, p. 1)], dans sa rédaction issue du règlement d’exécution (UE) no 202/2013 de la Commission, du 8 mars 2013
(JO 2013, L 67, p. 10), exclut des aides à la restructuration des vignobles une mesure destinée à assurer la protection des vignobles contre les dommages causés par du gibier, les oiseaux ou la grêle. Il échet toutefois de constater que le règlement d’exécution no 202/2013, qui est entré en vigueur le 12 mars 2013, est inapplicable ratione temporis aux faits à l’origine du litige. Il ne saurait donc fournir une quelconque indication pour interpréter l’article 11 du règlement no 479/2008.

50 En l’occurrence, ainsi que cela a été avancé par la République tchèque dans ses écritures, la mesure de protection litigieuse aurait permis de tripler la production tchèque de vins de qualité surmaturés, celle-ci passant de 51000 hectolitres pour l’année 2005 à 161000 hectolitres pour l’année 2012, dernière année d’application de cette mesure.

51 Or, la Commission n’ayant pas contesté ces affirmations ni démontré l’absence de demande pour de tels vins de la part des consommateurs, il convient de considérer que la mesure de protection litigieuse a contribué à l’amélioration de la compétitivité des viticulteurs tchèques, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 76, 77 et 81 de ses conclusions.

52 Ainsi, dans le silence du règlement no 479/2008 quant au caractère éligible à une aide de mesures protégeant les vignobles notamment contre les dommages provoqués par du gibier ou les oiseaux, il apparaît qu’il n’existait pas de fondement légal pour refuser à la République tchèque d’inclure la mesure de protection litigieuse parmi les mesures de restructuration et de reconversion des vignobles.

53 Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le libellé de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 479/2008 ne couvrait pas les mesures tendant à la protection des vignobles contre les dommages causés par les animaux et les oiseaux, telles que la mesure de protection litigieuse.

54 Il y a donc lieu de déclarer le premier moyen fondé.

55 Ce moyen ayant été déclaré fondé, il convient d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième et troisième moyens.

Sur le recours devant le Tribunal

56 L’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit que, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que ce dernier statue.

57 En l’espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur le litige, qui est en état d’être jugé.

58 À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 65 des conclusions de Mme l’avocat général, le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose, notamment en cas de risque de conséquences financières. La Commission ne peut dès lors opter, au moment de l’apurement des comptes du FEAGA, pour une interprétation qui, s’écartant du sens habituel des mots employés, ne s’impose pas (voir, en ce sens,
arrêt du 1er octobre 1998, Irlande/Commission, C‑238/96, EU:C:1998:451, point 81 et jurisprudence citée). Or, il découle des considérations énoncées aux points 42 à 52 du présent arrêt que l’interprétation de la Commission en l’espèce s’écarte du sens habituel des termes de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 479/2008, dès lors que cette institution a considéré que la mesure de protection litigieuse n’était pas admissible dans le cadre du programme notamment de restructuration des
vignobles.

59 Partant, il y a lieu d’accueillir le premier moyen invoqué par la République tchèque en première instance, tiré notamment de la violation du principe de sécurité juridique, et d’annuler la décision litigieuse.

Sur les dépens

60 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

61 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République tchèque ayant obtenu gain de cause dans le cadre du pourvoi et le recours devant le Tribunal étant accueilli, il y a lieu, conformément aux conclusions de la République tchèque, de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux
exposés par la République tchèque, tant en première instance que dans le cadre du pourvoi.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 octobre 2016, République tchèque/Commission (T‑141/15, non publié, EU:T:2016:621), est annulé.

  2) La décision d’exécution (UE) 2015/103 de la Commission, du 16 janvier 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), en tant qu’elle écarte les dépenses effectuées par la République tchèque au titre du FEAGA en faveur de la mesure de protection des vignobles contre les dommages causés par les animaux et les oiseaux
pour les années 2010 à 2012 pour un montant total de 2123199,04 euros, est annulée.

  3) La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la République tchèque exposés au titre tant de la procédure de première instance que du présent pourvoi.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-4/17
Date de la décision : 06/09/2018
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et – Dépenses éligibles au financement de l’Union européenne – Dépenses effectuées par la République tchèque – Règlement (CE) no 479/2008 – Article 11, paragraphe 3 – Notion de “restructuration des vignobles”.

Agriculture et Pêche

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)


Parties
Demandeurs : République tchèque
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Šváby

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:678

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