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04/07/2018 | CJUE | N°C-626/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre République slovaque., 04/07/2018, C-626/16


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

4 juillet 2018 ( *1 )

« Manquement d’État – Environnement – Mise en décharge des déchets – Directive 1999/31/CE – Décharges existantes – Article 14 – Décision définitive quant à la poursuite ou non de l’exploitation – Article 13 – Procédure de désaffectation – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Astreinte et somme forfaitaire »

Dans l’affaire C‑626/16,

ayant pour objet

un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 30 novembre 2016,

Commission européenne, représentée ...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

4 juillet 2018 ( *1 )

« Manquement d’État – Environnement – Mise en décharge des déchets – Directive 1999/31/CE – Décharges existantes – Article 14 – Décision définitive quant à la poursuite ou non de l’exploitation – Article 13 – Procédure de désaffectation – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Astreinte et somme forfaitaire »

Dans l’affaire C‑626/16,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 30 novembre 2016,

Commission européenne, représentée par Mme E. Sanfrutos Cano et M. A. Tokár, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász (rapporteur), Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

– de constater que, en n’ayant pas pris les mesures pour se conformer à l’arrêt de la Cour du 25 avril 2013, Commission/Slovaquie (C‑331/11, non publié, ci-après l’ arrêt C‑331/11 , EU:C:2013:271), dans lequel la Cour a conclu que la République slovaque n’avait pas respecté les obligations qui découlent pour elle de l’article 14, sous a) à c), de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO 1999, L 182, p. 1), la République slovaque a manqué
aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ;

– de condamner la République slovaque à verser à la Commission, sur le compte « Ressources propres de l’Union européenne » :

– une astreinte s’élevant à 6793,80 euros par jour de retard pris dans l’adoption, par la République slovaque, des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt C‑331/11, et ce à compter du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire jusqu’à l’adoption, par la République slovaque, des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt C‑331/11 ;

– une somme forfaitaire s’élevant à 743,60 euros par jour, sous réserve d’une somme minimale totale de 939000 euros, par jour de retard pris dans l’adoption, par la République slovaque, des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt C‑331/11, et ce à compter du prononcé de cet arrêt, le 25 avril 2013 :

– jusqu’au prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, ou

– jusqu’à l’adoption, par la République slovaque, des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt C‑331/11, si cette date intervient avant le prononcé de l’arrêt en l’espèce ;

– de condamner la République slovaque aux dépens.

Le cadre juridique

2 Le considérant 18 de la directive 1999/31 énonce :

« [C]onsidérant que, en raison des caractéristiques du mode d’élimination des déchets que constitue la mise en décharge, il est nécessaire de mettre en place une procédure d’autorisation spécifique pour toutes les catégories de décharges, conformément aux exigences générales d’autorisation déjà énoncées dans la directive 75/442/CEE [du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO 1975, L 194, p. 39)] et aux dispositions générales de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996,
relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution [(JO 1996, L 257, p. 26)] ; qu’il est nécessaire de vérifier, dans le cadre d’une inspection par l’autorité compétente avant le début des opérations d’élimination, la conformité de la décharge à cette autorisation ».

3 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objectif général », dispose, à son paragraphe 2 :

« Pour ce qui est des caractéristiques techniques des décharges, la présente directive comporte, pour les décharges auxquelles s’applique la directive [96/61], les exigences techniques nécessaires pour traduire dans les faits les exigences générales de ladite directive. Les exigences pertinentes de ladite directive sont réputées satisfaites si les exigences de la présente directive le sont. »

4 Selon l’article 7, sous g), de la directive 1999/31, les États membres prennent des mesures pour que la demande d’autorisation pour l’exploitation d’une décharge contienne des données sur le plan proposé pour les procédures de désaffectation et de gestion après désaffectation.

5 Aux termes de l’article 8 de ladite directive, intitulé « Conditions d’autorisation » :

« Les États membres prennent des mesures pour que :

a) une autorisation de décharge ne soit délivrée par l’autorité compétente que si les conditions suivantes sont réunies :

i) sans préjudice de l’article 3, paragraphes 4 et 5, le projet de décharge est conforme à toutes les exigences pertinentes de la présente directive, y compris ses annexes ;

ii) la gestion du site de mise en décharge est confiée à une personne physique techniquement compétente pour gérer le site ; la formation professionnelle et technique des exploitants et du personnel de la décharge est assurée ;

iii) l’exploitation de la décharge comporte les mesures nécessaires pour éviter les accidents et en limiter les conséquences ;

b) le projet de décharge soit conforme au plan ou aux plans pertinents de gestion des déchets visés à l’article 7 de la directive [75/442] ;

c) avant le début des opérations d’élimination, l’autorité compétente inspecte le site pour s’assurer qu’il est conforme aux conditions fixées en la matière par l’autorisation, ce qui ne diminue en rien la responsabilité de l’exploitant en vertu de l’autorisation. »

6 Selon l’article 13 de la directive 1999/31, intitulé « Procédure de désaffectation et de gestion après désaffectation » :

« Les États membres prennent des mesures pour que, conformément, le cas échéant, à l’autorisation :

a) la procédure de désaffectation d’une décharge ou d’une partie de celle-ci soit engagée :

i) lorsque les conditions correspondantes indiquées dans l’autorisation sont réunies

ou

ii) après l’autorisation de l’autorité compétente, à la demande de l’exploitant

ou

iii) sur décision motivée de l’autorité compétente ;

b) une décharge ou une partie de celle-ci ne puisse être considérée comme définitivement désaffectée que lorsque l’autorité compétente a effectué une inspection finale sur place, a procédé à l’évaluation de tous les rapports présentés par l’exploitant et a donné à l’exploitant son autorisation pour la désaffectation. Cette procédure ne diminue en rien la responsabilité qui incombe à l’exploitant en vertu de l’autorisation ;

c) après la désaffectation définitive d’une décharge, son exploitant soit responsable de l’entretien, de la surveillance et du contrôle de la décharge pour toute la durée que l’autorité compétente aura jugée nécessaire compte tenu de la période pendant laquelle la décharge peut présenter des risques.

L’exploitant notifie à l’autorité compétente les effets néfastes sur l’environnement révélés par les procédures de contrôle et se conforme à la décision de l’autorité compétente concernant la nature et le calendrier des mesures correctives à prendre ;

d) aussi longtemps que l’autorité compétente estime qu’une décharge est susceptible d’entraîner un danger pour l’environnement et sans préjudice de toute législation communautaire ou nationale en matière de responsabilité du détenteur de déchets, l’exploitant du site soit responsable de la surveillance et de l’analyse des gaz de décharge et des lixiviats du site ainsi que des nappes d’eau souterraines situées à proximité, conformément à l’annexe III. »

7 L’article 14 de la directive 1999/31, intitulé « Décharges existantes », prévoit :

« Les États membres prennent des mesures pour que les décharges autorisées ou déjà en exploitation au moment de la transposition de la présente directive ne puissent continuer à fonctionner que si les mesures indiquées ci-après sont mises en œuvre dès que possible, et au plus tard dans les huit ans à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1.

a) Dans un délai d’un an à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1, l’exploitant d’une décharge prépare et présente, pour approbation, à l’autorité compétente un plan d’aménagement du site comprenant les éléments énumérés à l’article 8 ainsi que toute mesure corrective qu’il estime nécessaire pour se conformer aux exigences de la présente directive à l’exception de celles exposées à l’annexe I, point 1.

b) À la suite de la présentation du plan d’aménagement, l’autorité compétente prend une décision définitive quant à la poursuite de l’exploitation sur la base dudit plan d’aménagement et de la présente directive. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour qu’il soit procédé, dans les meilleurs délais, conformément à l’article 7, point g), et à l’article 13, à la désaffectation des sites qui n’ont pas obtenu, conformément à l’article 8, l’autorisation de poursuivre leurs opérations.

c) Sur la base du plan d’aménagement du site approuvé, l’autorité compétente autorise les travaux nécessaires et fixe une période transitoire pour l’exécution du plan. Toute décharge existante doit être conforme aux exigences de la présente directive à l’exception de celles énoncées à l’annexe I, point 1, dans un délai de huit ans à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1.

[...] »

L’arrêt C‑331/11

8 Dans l’arrêt C‑331/11, la Cour a jugé que, en autorisant l’exploitation de la décharge de Žilina – Považský Chlmec, sans plan d’aménagement et en l’absence d’une décision définitive quant à la poursuite de l’exploitation sur la base d’un plan d’aménagement approuvé, la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, sous a) à c), de la directive 1999/31.

La procédure précontentieuse au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE et la procédure devant la Cour

9 Dans le cadre du contrôle de l’exécution de l’arrêt C‑331/11, la Commission a demandé, par lettre du 30 avril 2013, à la République slovaque des informations sur les mesures prises aux fins de l’exécution de cet arrêt ainsi que le calendrier d’adoption d’éventuelles mesures supplémentaires.

10 Dans sa réponse du 7 juin 2013, la République slovaque a indiqué que l’autorité administrative compétente en matière d’environnement avait engagé, le 31 mai 2013, une nouvelle procédure en vue d’une modification de l’autorisation intégrée de la décharge en cause. Elle a également indiqué qu’elle entendait procéder à la désaffectation de la décharge et assurer le suivi de cette décharge à la suite de cette désaffectation, la décision finale à cet égard devant être adoptée au plus tard le
31 octobre 2013.

11 Le 21 novembre 2013, la Commission a adressé à la République slovaque une lettre de mise en demeure, en lui rappelant qu’elle ne s’était pas encore conformée aux obligations découlant de l’arrêt C‑331/11, et a invité cet État membre à présenter ses observations dans un délai de deux mois.

12 Le 13 janvier 2014, en réponse à cette invitation, la République slovaque a informé la Commission que, le 21 octobre 2013, une décision de désaffectation et de réhabilitation concernant les parties 2 a et 2 b de la décharge en cause avait été prise, mais que la procédure relative à la désaffectation et à la réhabilitation de la partie 2 c de cette décharge avait été suspendue en raison d’un litige relatif à la situation patrimoniale des terrains constituant cette partie de la décharge. En tout
état de cause, selon cette réponse, depuis le 7 janvier 2014, l’exploitation des activités sur le site était interdite.

13 Le 5 mai 2014, la Commission a reçu notification, de la part de la République slovaque, de deux décisions prises le 10 avril 2014 par la direction centrale de l’autorité administrative compétente en matière d’environnement. Par la première décision, celle-ci annulait ladite décision du 21 octobre 2013 et soumettait à nouveau l’affaire à examen. Par sa seconde décision, elle adoptait des mesures provisoires ordonnant à l’exploitant de s’abstenir de toute activité liée à la mise en décharge des
déchets sur le site.

14 Une année plus tard, le 6 mai 2015, la République slovaque a indiqué à la Commission que la date prévue pour la désaffectation de la décharge en cause était dorénavant fixée à la mi-décembre 2015.

15 Le 23 décembre 2015, cet État membre a notifié à la Commission le calendrier actualisé de la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement et a fixé au mois de mai 2016 la date de la décision relative à la désaffectation définitive de la décharge en cause.

16 Le 26 août 2016, la République slovaque a informé la Commission que, le 15 août 2016, l’autorité administrative compétente en matière d’environnement avait, de nouveau, décidé de désaffecter les parties 2 a et 2 b de la décharge ainsi que de cesser l’exploitation du site en cause.

17 Cette décision du 15 août 2016 a été confirmée par une décision de la direction centrale de l’autorité administrative compétente en matière d’environnement prise le 9 novembre 2016.

18 Les décisions des 15 août 2016 et 9 novembre 2016 ont fait l’objet d’un recours, mais la République slovaque indique que ce recours n’a pas d’effet suspensif sur lesdites décisions.

19 Considérant que la République slovaque n’avait pas pris, dans le délai requis, les mesures nécessaires en vue de se conformer à l’arrêt C‑331/11, la Commission a introduit le présent recours en application de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

20 Le 14 novembre 2017, postérieurement à la clôture de la procédure écrite, la République slovaque a fourni à la Cour des informations complémentaires relatives à la désaffectation et à la réhabilitation des parties 2 a et 2 b de la décharge en cause ainsi qu’à une procédure législative en cours.

21 Estimant que ces informations ne permettaient pas de conclure que cet État membre s’était conformé à l’arrêt C‑331/11, la Commission a maintenu l’intégralité des conclusions de son recours.

Sur la recevabilité du recours

Argumentation des parties

22 La République slovaque considère que le recours est irrecevable, étant donné la discordance entre l’arrêt C‑331/11, la lettre de mise en demeure du 21 novembre 2013 et la requête introduite dans la présente affaire.

23 Cet État membre fait en effet valoir que, dans la requête, la Commission lui reproche le fait que la décharge en cause n’a pas encore été complètement désaffectée conformément aux prescriptions de l’article 13 de la directive 1999/31. Or, le respect de cette disposition n’aurait pas fait l’objet de l’arrêt C‑331/11 et la violation de ladite disposition n’aurait pas non plus été alléguée dans la lettre de mise en demeure du 21 novembre 2013.

24 La Commission estime que son recours est recevable.

Appréciation de la Cour

25 En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue discordance entre l’arrêt C‑331/11 et la requête introduite dans la présente affaire, il convient de rappeler que, dans cet arrêt, la Cour a jugé que, en autorisant l’exploitation de la décharge en cause sans plan d’aménagement et en l’absence d’une décision définitive quant à la poursuite de l’exploitation sur la base d’un plan d’aménagement approuvé, la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14,
sous a) à c), de la directive 1999/31.

26 Or, l’article 14 de la directive 1999/31, qui, au point a), fait obligation à l’exploitant d’une décharge existante de préparer et de présenter, pour approbation, à l’autorité compétente un plan d’aménagement du siteconcerné, oblige, au point b), les États membres à prendre, suite à la présentation de ce plan d’aménagement, une décision définitive quant à la poursuite de l’exploitation sur la base dudit plan et de cette directive. À cet égard, ce point b) ouvre deux possibilités aux États
membres. En effet, ou bien l’autorité compétente nationale autorise la poursuite de l’exploitation, conformément à l’article 8 de ladite directive, ou bien l’État membre concerné prend les mesures nécessaires pour qu’il soit procédé, dans les meilleurs délais, conformément à l’article 7, sous g), et à l’article 13 de la même directive, à la désaffectation du site.

27 Ainsi, l’obligation de faire en sorte que seules les décharges satisfaisant aux exigences de la directive 1999/31 demeurent exploitées implique la désaffectation des décharges n’ayant pas obtenu l’autorisation de poursuivre leurs exploitations (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2015, Commission/Bulgarie, C‑145/14, non publié, EU:C:2015:502, point 30, et du 25 février 2016, Commission/Espagne, C‑454/14, non publié, EU:C:2016:117, point 59).

28 Il en découle que, dans le cas où un État membre met en œuvre l’article 14 de la directive 1999/31 non pas en autorisant la poursuite de l’exploitation d’une décharge, mais en décidant de la désaffecter, il est tenu de respecter les exigences de la procédure de désaffectation prévues à l’article 13 de cette directive.

29 Ainsi, le respect de l’article 13 de la directive 1999/31 s’imposait également lorsque, pour prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt C‑331/11, la République slovaque entendait désaffecter la décharge en cause. Il ne saurait dès lors être soutenu que, en fondant son recours sur cet article 13 de la directive 1999/31, la Commission a dépassé l’objet délimité par l’arrêt C‑331/11.

30 En second lieu, s’agissant de la discordance alléguée entre la lettre de mise en demeure du 21 novembre 2013 et la requête introduite dans la présente affaire, il convient de rappeler que, à la suite du prononcé de l’arrêt C‑331/11, la République slovaque n’a pas indiqué avec précision à la Commission si elle optait pour la poursuite de l’exploitation de la décharge en cause ou pour la désaffectation de celle-ci.

31 Ainsi, dans une première phase de la procédure précontentieuse, soit avant l’envoi de ladite lettre de mise en demeure du 21 novembre 2013, cet État membre s’est limité à informer la Commission que l’autorité administrative compétente en matière d’environnement avait engagé une nouvelle procédure en vue d’une modification de l’autorisation intégrée de la décharge et qu’une future désaffectation de celle-ci était envisagée, pour laquelle une décision finale serait prise au plus tard le 31 octobre
2013.

32 Or, à la date du 21 novembre 2013, la République slovaque n’avait pas informé la Commission qu’une décision avait été prise à cet égard, de sorte que la Commission était, à cette date, dans l’impossibilité de savoir laquelle des solutions, parmi celles qui s’offraient à la République slovaque pour exécuter l’arrêt C‑331/11, cette dernière allait finalement retenir.

33 Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir, dans la lettre de mise en demeure, précisé davantage les points sur lesquels, selon cette institution, cet État membre ne s’était pas conformé à l’arrêt C‑331/11.

34 Ce n’est que dans une seconde phase de la procédure précontentieuse au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, à savoir après l’envoi de la lettre de mise en demeure du 21 novembre 2013, que la République slovaque a fourni des informations à la Commission portant, successivement, sur l’adoption d’une décision de désaffectation et de réhabilitation des parties 2 a et 2 b de la décharge, sur l’annulation de cette décision, et, enfin, sur l’adoption d’une nouvelle décision par l’autorité
administrative compétente et sur sa confirmation ultérieure par la direction centrale de cette autorité. De même, c’est dans cette seconde phase de la procédure précontentieuse que ledit État membre a communiqué la date fixée pour la désaffectation de la décharge avant d’informer la Commission du report de cette date.

35 Étant donné que l’objet du présent litige, tel que délimité par l’arrêt C‑331/11, couvre également l’article 13 de la directive 1999/31 et que les intentions de la République slovaque quant à l’exécution de cet arrêt, qui n’ont été portées, avec la clarté nécessaire, à la connaissance de la Commission que postérieurement à la notification de la lettre de mise en demeure du 21 novembre 2013, ont trait précisément à la désaffectation de la décharge concernée, la Commission est recevable à invoquer,
dans sa requête introduite dans la présente affaire, cet article 13 ainsi que les exigences qu’il prévoit.

Sur le manquement

Argumentation des parties

36 Par son premier grief, la Commission reproche à la République slovaque de ne pas avoir pris, conformément à l’article 14 de la directive 1999/31, une décision définitive relative à la poursuite ou à la désaffectation de la décharge en cause. En particulier, la Commission souligne que cet État membre, qui lui avait pourtant indiqué, les 7 juin 2013, 8 juillet 2014, 6 mai 2015 et 23 décembre 2015, son intention de fermer définitivement cette décharge, n’a toujours pas présenté une telle décision
définitive à ce sujet.

37 Dans sa réplique, la Commission ajoute que, en raison du fait que les autorités slovaques n’ont approuvé aucun plan d’aménagement relatif à la décharge en cause ni adopté de décision définitive autorisant la poursuite de son exploitation, il y aurait eu lieu de désaffecter ladite décharge conformément à l’article 7, sous g), et à l’article 13 de la directive 1999/31, en application de l’article 14, sous b), de cette directive. À cet égard, la décision du 9 novembre 2016 confirmant celle du
15 août 2016 de cesser l’exploitation de la décharge en cause ne constituerait pas une décision définitive au sens de l’article 14, sous b), de la directive 1999/31, étant donné qu’il n’y est pas fait référence à un quelconque plan d’aménagement de cette décharge et que cette décision fait l’objet d’un recours.

38 En réponse à ce grief, la République slovaque soutient qu’elle pouvait légalement satisfaire aux obligations découlant de l’arrêt C‑331/11 de deux manières différentes, à savoir en autorisant l’exploitation de la décharge en cause sur la base d’un plan d’aménagement et d’une décision définitive quant à la poursuite de l’exploitation de cette décharge, ou bien, au contraire, en n’autorisant pas son exploitation. Or, la République slovaque indique avoir suivi cette seconde voie, puisqu’elle a
décidé de ne pas autoriser la poursuite de l’exploitation de ladite décharge et de procéder à la désaffectation ainsi qu’à la réhabilitation de celle-ci.

39 Cet État membre relève que l’article 14 de la directive 1999/31 n’exige pas que l’adoption d’une décision définitive quant à la cessation de l’exploitation d’une décharge existante soit précédée de la présentation et de l’approbation d’un plan d’aménagement. En tout état de cause, à supposer qu’un plan d’aménagement était nécessaire en l’espèce, il fait valoir qu’un tel plan a été approuvé le 15 décembre 2015 par décision de l’autorité administrative compétente en matière d’environnement.

40 En outre, la République slovaque affirme qu’aucune activité d’élimination des déchets n’a été autorisée dans la décharge en cause après le 7 janvier 2014. De surcroît, une décision interdisant la poursuite de l’exploitation de cette décharge ainsi qu’ordonnant la désaffectation et la réhabilitation de celle-ci, à l’exception de sa partie 2 c, aurait été adoptée le 15 août 2016, avec effet au plus tard le 9 novembre 2016.

41 Par son second grief, la Commission reproche à la République slovaque de ne pas avoir pris, conformément à l’article 13 de la directive 1999/31, les mesures nécessaires à la désaffectation effective de la décharge. Selon la Commission, alors que cet État membre lui avait indiqué que l’autorité administrative compétente en matière d’environnement déterminerait les conditions et les mesures permettant d’assurer le suivi de la décharge après sa désaffectation, les mesures prises par cet État membre
à cet égard sont insuffisantes.

42 La Commission relève que, en vertu de l’article 14, sous b), de la directive 1999/31, les États membres prennent les mesures nécessaires pour qu’il soit procédé, dans les meilleurs délais, conformément à l’article 7, sous g), et à l’article 13 de cette directive, à la désaffectation des sites qui n’ont pas obtenu l’autorisation de poursuivre leurs opérations.

43 La Commission rappelle que, selon l’article 13, sous b), de la directive 1999/31, une décharge n’est considérée comme définitivement désaffectée que lorsque l’autorité compétente a effectué une inspection finale sur site, a procédé à l’évaluation de tous les rapports présentés par l’exploitant et a donné son autorisation pour la désaffectation. Ainsi, dans le cas d’espèce, la procédure globale de désaffectation définitive de la décharge en cause ne pourra être considérée comme arrivée à son terme
qu’après certification par l’autorité nationale chargée de la gestion des déchets, conformément à la réglementation slovaque transposant l’article 13 de la directive 1999/31.

44 Enfin, selon la Commission, la décision du 15 août 2016 ne saurait être considérée comme définitive, étant donné qu’elle fait l’objet d’un recours.

45 En réponse à ce grief, la République slovaque fait valoir que la chronologie des démarches à effectuer pour la désaffectation définitive de la décharge en cause met clairement en évidence que la fermeture effective de celle-ci exige objectivement une période de temps considérable.

46 Ainsi, en dépit d’efforts substantiels consentis par les autorités compétentes nationales, il n’aurait pas encore été possible de désaffecter complètement et définitivement ladite décharge.

Appréciation de la Cour

47 Il importe de rappeler que l’exécution de l’arrêt C‑331/11 exigeait que, conformément à l’article 14, sous b), de la directive 1999/31, les autorités compétentes slovaques ou bien autorisent la poursuite de l’exploitation de la décharge en cause sur la base d’un plan d’aménagement satisfaisant aux exigences de cette directive, ou bien ordonnent la cessation de l’exploitation et procèdent à la désaffectation définitive de cette décharge dans le respect de l’article 13 de ladite directive.

48 Il convient dès lors de vérifier si les autorités slovaques ont, dans le délai requis, adopté une décision définitive relative à la poursuite de l’exploitation de cette décharge ou à la désaffectation de celle–ci et, le cas échéant, si les mesures prises par ces autorités aux fins de la désaffectation effective doivent être considérées comme suffisantes, ce que conteste la Commission, respectivement, dans son premier et dans son second grief.

49 La date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement au titre de l’article 260, paragraphe 1, TFUE est celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition (arrêt du 13 juillet 2017, Commission/Espagne, C‑388/16, non publié, EU:C:2017:548, point 21 et jurisprudence citée).

50 Dans la présente affaire, la Commission ayant émis la lettre de mise en demeure le 21 novembre 2013, la date de référence pour apprécier l’existence du manquement est celle de l’expiration du délai fixé dans cette lettre, à savoir le 21 janvier 2014.

51 En ce qui concerne le premier grief, il y a lieu de rappeler que, dans sa réponse donnée le 13 janvier 2014 à la lettre de mise en demeure du 21 novembre 2013, la République slovaque a indiqué que l’exploitation des activités sur le site litigieux était interdite depuis le 7 janvier 2014 et qu’une décision de désaffectation et de réhabilitation concernant les parties 2 a et 2 b de la décharge en cause avait été adoptée dès le 21 octobre 2013.

52 Il convient toutefois de constater que l’existence de cette décision du 21 octobre 2013 n’est pas de nature à invalider le bien-fondé du premier grief de la Commission.

53 En effet, d’une part, la République slovaque admet elle-même que la partie 2 c de cette décharge n’était pas visée par la décision du 21 octobre 2013, la procédure relative à la désaffectation et à la réhabilitation de cette partie ayant été suspendue.

54 D’autre part, s’il est vrai que la décision du 21 octobre 2013 a ordonné la désaffectation et la réhabilitation des parties 2 a et 2 b de la décharge, cette décision a été annulée avec effet rétroactif, le 10 avril 2014, par la direction centrale de l’autorité administrative compétente en matière d’environnement, celle–ci ayant décidé de soumettre l’affaire à un nouvel examen.

55 Il en résulte que, à l’expiration du délai imparti dans la lettre de mise en demeure, à savoir le 21 janvier 2014, aucune décision définitive relative à la poursuite de l’exploitation de la décharge en cause ou à la désaffectation de cette décharge, au sens de l’article 14, sous b), de la directive 1999/31, n’avait encore été adoptée.

56 Dans ces conditions, le premier grief de la Commission est fondé.

57 S’agissant du second grief, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 14, sous b), seconde phrase, de la directive 1999/31, lorsqu’un État membre n’autorise pas la poursuite de l’exploitation d’une décharge, il est tenu de procéder à sa désaffectation définitive conformément à la procédure prévue à l’article 13 de la directive 1999/31.

58 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ne saurait suffire de mettre un terme à la mise en décharge de nouveaux déchets pour satisfaire à ladite obligation, mais que l’État membre est tenu d’assurer que les travaux de désaffectation nécessaires à la mise en conformité avec la directive 1999/31 de la décharge concernée soient exécutés (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2016, Commission/Espagne, C‑454/14, non publié, EU:C:2016:117, points 60 et 61).

59 En l’espèce, la République slovaque ne prétend pas que, à la date du 21 janvier 2014, la procédure de désaffectation visée à l’article 13 de la directive 1999/31 avait, s’agissant de la décharge en cause, été menée à son terme. Elle se borne à faire remarquer que la désaffectation définitive de cette décharge exige, compte tenu du nombre de démarches à effectuer, une période de temps considérable et que, en dépit d’efforts substantiels consentis par les autorités compétentes, il n’a pas encore
été possible de procéder à la désaffectation complète et définitive de ladite décharge.

60 Toutefois, une telle justification du retard dans l’exécution de l’arrêt C‑331/11 ne saurait être acceptée. Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (arrêt du 13 juillet 2017, Commission/Espagne, C‑388/16, non publié, EU:C:2017:548, point 41 et jurisprudence citée).

61 Dans ces conditions, le second grief de la Commission est également fondé.

62 En conséquence, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt C‑331/11, la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

Sur les sanctions pécuniaires

63 Après avoir expliqué qu’une inexécution prolongée d’un arrêt de la Cour représente en soi une atteinte grave au principe de légalité et de la sécurité juridique au sein de l’Union, la Commission conclut à la condamnation de la République slovaque au versement non seulement d’une astreinte mais également d’une somme forfaitaire.

64 S’agissant des montants de cette astreinte et de cette somme forfaitaire, la Commission se fonde sur sa communication du 13 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article 228 du traité CE » [SEC(2005) 1658], telle qu’actualisée par sa communication du 6 août 2015, intitulée « Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice dans le cadre de procédures d’infraction » (JO 2015, C 257, p. 1) (ci-après
la « communication de 2005 »).

Sur l’astreinte

Argumentation des parties

65 La Commission rappelle que, en vertu de la communication de 2005, la détermination d’une sanction doit être fondée sur trois critères fondamentaux, à savoir la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci et la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction elle-même.

66 S’agissant de la gravité de l’infraction constatée, la Commission souligne, en premier lieu, l’importance des règles de l’Union qui font l’objet de l’infraction, à savoir celles figurant dans la directive 1999/31, ainsi que, en deuxième lieu, les conséquences de cette infraction sur les intérêts généraux et particuliers, tels que, notamment, la protection de la santé humaine et de l’environnement. À cet égard, elle relève que cette protection nécessite que les déchets mis en décharge ne
comportent pas de risque pour la santé humaine et pour l’environnement. Ainsi, à cette fin, conformément à l’article 14 de cette directive, une décision définitive des autorités compétentes est indispensable quant à la poursuite de l’exploitation ou à la désaffectation des décharges existantes. De même, l’article 13 de ladite directive prescrit des exigences en ce qui concerne la procédure de désaffectation et la gestion des sites après désaffectation. En troisième lieu, la Commission propose que
soit toutefois pris en considération le fait qu’il ne s’agit que d’une seule décharge et que la zone géographique concernée est limitée aux abords du site en cause ainsi que la circonstance que la mise en décharge de déchets sur ce site est suspendue depuis le 30 décembre 2013. Il conviendrait également de tenir compte, au titre des circonstances atténuantes, des mesures que la République slovaque a prises pour donner suite à l’arrêt C‑331/11, même si ces mesures sont demeurées insuffisantes.

67 Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la Commission estime qu’il y a lieu de retenir un coefficient de gravité de 2 sur l’échelle de 1 à 20 établie dans la communication de 2005.

68 En ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission fait valoir qu’elle a décidé d’engager la présente procédure 65 mois après le prononcé de l’arrêt C‑331/11, ce qui justifie l’application d’un coefficient de 3.

69 Quant au coefficient afférent à la capacité de paiement de l’État membre poursuivi, appelé facteur « n », la Commission rappelle que la communication de 2005 fixe celui-ci à 1,69 pour la République slovaque.

70 La Commission en conclut que, par application de la formule mentionnée dans cette communication, l’astreinte journalière adéquate devrait s’élever à 6793,80 euros.

71 La République slovaque soutient, en ce qui concerne la durée de l’infraction, qu’aucune activité d’élimination de déchets n’a été autorisée dans la décharge en cause après le 7 janvier 2014. En outre, il s’agirait d’une affaire hautement complexe du point de vue factuel et juridique, dont le traitement aurait subi des retards importants en raison des recours introduits contre les différentes décisions relatives à ladite décharge et de l’obligation de réaliser, avant la décision du 9 novembre
2016, une évaluation des incidences sur l’environnement.

72 S’agissant de la gravité du manquement, la République slovaque, après avoir réitéré sa position selon laquelle les griefs tirés du non-respect des exigences matérielles découlant de l’article 13 de la directive 1999/31 sont irrecevables dans le contexte de l’exécution de l’arrêt C‑331/11, fait valoir que, en tout état de cause, les répercussions d’une exécution tardive de l’arrêt C‑331/11 sont minimales, car le territoire concerné est restreint et n’est contigu à aucune frontière d’autres États
membres. De même, devraient être pris en considération les efforts successivement accomplis pour assurer une mise en œuvre de l’arrêt C‑331/11, en particulier le fait que, le 9 novembre 2016, il a été décidé d’abandonner l’exploitation de la décharge en cause ainsi que de désaffecter et de réhabiliter celle-ci, à l’exception de sa partie 2 c. La République slovaque met également en exergue sa pleine coopération avec la Commission au cours de la phase précontentieuse et la circonstance qu’elle n’a
jamais encore été condamnée dans une affaire similaire.

73 Dès lors, selon la République slovaque, le montant de l’astreinte devrait être inférieur à celui proposé par la Commission.

Appréciation de la Cour

74 Selon une jurisprudence constante, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour (arrêt du 7 septembre 2016, Commission/Grèce, C‑584/14, EU:C:2016:636, point 70 et jurisprudence citée).

75 Tel est le cas en l’espèce.

76 En effet, il est constant entre les parties qu’aucune décision définitive relative à la désaffectation de la partie 2 c de la décharge en cause n’avait, jusqu’à l’examen des faits par la Cour, encore été prise en application de l’article 14, sous b), de la directive 1999/31.

77 Il est également constant entre les parties que la procédure de désaffectation de la décharge n’avait, jusqu’à cet examen, pas encore été menée à son terme conformément à l’article 13 de cette directive.

78 Il convient néanmoins de relever que, par la décision de la direction centrale de l’autorité administrative compétente prise le 9 novembre 2016, laquelle a confirmé la décision du 15 août 2016 de cette autorité, une décision définitive a bien été adoptée quant à la désaffectation et à la réhabilitation des parties 2 a et 2 b de la décharge en cause ainsi qu’à la cessation de l’exploitation du site.

79 Si la Commission met en cause le caractère définitif de cette décision, en invoquant le fait que celle-ci a fait l’objet d’un recours, cette institution ne conteste pas les indications de la République slovaque selon lesquelles un tel recours est dépourvu d’effet suspensif sur ladite décision.

80 De surcroît, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 64 de ses conclusions, dans une Union de droit, qui garantit une protection juridictionnelle effective, une décision administrative peut en principe être soumise à un contrôle juridictionnel et les autorités compétentes ne sauraient empêcher l’introduction d’un recours.

81 Étant donné néanmoins que l’exécution de l’arrêt C‑331/11 doit être regardée comme étant incomplète, car, jusqu’à l’examen des faits par la Cour, aucune décision définitive, au sens de l’article 14, sous b), de la directive 1999/31, relative à la désaffectation de la partie 2 c de la décharge en cause n’avait encore été adoptée et la procédure de désaffectation de la décharge n’avait pas encore été menée à son terme conformément à l’article 13 de cette directive, la Cour considère que la
condamnation de la République slovaque au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’assurer l’exécution complète de cet arrêt.

82 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer l’astreinte de sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (arrêt du 15 octobre 2015, Commission/Grèce, C‑167/14, non publié, EU:C:2015:684, point 52 et jurisprudence citée).

83 Les propositions de la Commission concernant l’astreinte ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. De même, des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour. En effet, dans le cadre d’une procédure fondée sur
l’article 260, paragraphe 2, TFUE, relative à un manquement qui persiste dans le chef d’un État membre nonobstant le fait que ce même manquement a déjà été constaté à l’occasion d’un premier arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE, la Cour doit demeurer libre de fixer l’astreinte infligée au montant et sous la forme qu’elle considère adéquats pour inciter cet État membre à mettre fin à l’inexécution des obligations découlant de ce premier arrêt de la Cour (arrêt du 22 juin 2016,
Commission/Portugal, C‑557/14, EU:C:2016:471, point 69).

84 Aux fins de la fixation du montant de l’astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité de l’infraction, sa durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics
ainsi que de l’urgence qu’il y a à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations (arrêt du 22 juin 2016, Commission/Portugal, C‑557/14, EU:C:2016:471, point 70).

85 En premier lieu, en ce qui concerne la gravité de l’infraction, il y a lieu de constater que, nonobstant le caractère localisé du manquement constaté, la méconnaissance par la République slovaque des obligations résultant des articles 13 et 14 de la directive 1999/31 est susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement et la santé humaine.

86 Toutefois, il convient de relever tout d’abord que, outre le fait que le présent recours en manquement ne concerne qu’une seule décharge, il a été décidé le 15 août 2016, et confirmé le 9 novembre 2016, en application de l’article 14, sous b), de la directive 1999/31, que les parties 2 a et 2 b de celle-ci seraient définitivement désaffectées.

87 Ensuite, bien que la procédure de désaffectation définitive n’ait pas encore été conduite à son terme conformément aux prescriptions de l’article 13 de cette directive, une telle procédure exigeant, dans le cas d’espèce, des travaux et des mesures importants, il doit être tenu compte du fait qu’il a été mis fin, dès le 7 janvier 2014, à l’exploitation du site.

88 Enfin, la République slovaquea coopéré avec la Commission pendant la procédure précontentieuse afférente à la présente affaire.

89 En deuxième lieu, s’agissant de la durée de l’infraction, celle-ci doit être évaluée en prenant en considération le moment auquel la Cour apprécie les faits.

90 Or, en l’espèce, la durée de l’infraction, à compter de la date du prononcé de l’arrêt C‑331/11, est considérable, à savoir environ cinq ans.

91 En troisième lieu, la République slovaque n’a soumis à la Cour aucun élément portant sur sa capacité de paiement.

92 Compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, la Cour considère que l’imposition d’une astreinte d’un montant de 5000 euros par jour est appropriée pour obtenir l’exécution de l’arrêt C‑331/11.

93 Il convient donc de condamner la République slovaque à verser à la Commission une astreinte de 5000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt C‑331/11, à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à la date d’exécution dudit arrêt.

Sur la somme forfaitaire

Argumentation des parties

94 La Commission demande à la Cour de condamner la République slovaque à verser une somme forfaitaire journalière d’un montant de 743,60 euros, résultant de la multiplication du forfait de base uniforme, fixé à 220 euros, par le coefficient de gravité de 2 et par le facteur « n » de 1,69, à compter de la date de prononcé de l’arrêt C‑331/11 jusqu’à la date de prononcé du présent arrêt ou jusqu’à la date d’adoption par la République slovaque des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt
C‑331/11 si cette date est intervenue avant le prononcé du présent arrêt, sous réserve néanmoins que la somme forfaitaire totale soit au moins égale à 939000 euros.

95 La République slovaque a soumis à l’appréciation de la Cour un ensemble d’éléments concernant les différentes sanctions pécuniaires proposées par la Commission dans la présente affaire, à savoir l’astreinte et la somme forfaitaire, éléments dont la substance a été reprise aux points 71 à 73 du présent arrêt.

Appréciation de la Cour

96 La Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire (arrêt du 22 février 2018, Commission/Grèce, C‑328/16, EU:C:2018:98, point 116 et jurisprudence citée).

97 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire repose essentiellement sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période, postérieurement au prononcé de l’arrêt qui l’a initialement constaté (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2014, Commission/Espagne, C‑184/11, EU:C:2014:316, point 59).

98 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, celui-ci investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non d’une telle sanction et de
déterminer, le cas échéant, son montant (arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 114).

99 En l’espèce, les éléments à l’origine du manquement constaté par le présent arrêt, à savoir, d’une part, le fait qu’aucune décision définitive, au sens de l’article 14, sous b), de la directive 1999/31, relative à la désaffectation de la décharge en cause, n’a été adoptée dans le délai requis et, d’autre part, le fait qu’il n’a pas été procédé à la désaffectation définitive de cette décharge conformément à l’article 13 de cette directive, justifient, compte tenu de ce que ces éléments présentent
un danger pour l’environnement et la santé humaine, et eu égard à la nécessité de prévenir de manière effective la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union, l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire.

100 Dans ces circonstances, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de cette somme forfaitaire de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction commise (arrêt du 15 octobre 2015, Commission/Grèce, C‑167/14, non publié, EU:C:2015:684, point 75).

101 Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité de l’infraction constatée et la période durant laquelle celle-ci a persisté depuis le prononcé de l’arrêt l’ayant constatée (arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 76).

102 Les circonstances de l’espèce devant être prises en compte ressortent notamment des considérations figurant aux points 85 à 91 du présent arrêt, relatives à la gravité et à la durée de l’infraction ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre en cause.

103 À cet égard, il convient, en premier lieu, de rappeler que, malgré les efforts successivement accomplis par les autorités slovaques pour assurer une mise en œuvre de l’arrêt C‑331/11et en prenant également en compte le fait qu’il a été mis fin, dès le 7 janvier 2014, à l’exploitation de la décharge en cause, la décision définitive relative à la désaffectation et à la réhabilitation des parties 2 a et 2 b de la décharge ainsi qu’à la cessation de l’exploitation de celles-ci n’a été adoptée que le
15 août 2016, et confirmée le 9 novembre 2016, soit plus de trois ans après le prononcé dudit arrêt, sans pour autant que la procédure de désaffectation de ladite décharge n’ait été achevée jusqu’à l’examen des faits par la Cour. Quant à la partie 2 c, jusqu’à cet examen, aucune décision définitive relative à sa désaffectation n’avait été prise et la procédure de désaffectation n’avait même pas commencé. Partant, il convient de constater que l’infraction en cause a persisté pendant une période
de temps significative.

104 En ce qui concerne, en second lieu, la gravité de l’infraction, il convient de tenir compte, nonobstant le caractère localisé de l’infraction et la coopération de la République slovaque avec la Commission pendant la procédure précontentieuse afférente à la présente procédure, des incidences que la méconnaissance par cet État membre des obligations résultant des articles 13 et 14 de la directive 1999/31 est susceptible d’avoir sur l’environnement et la santé humaine.

105 Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la Cour considère qu’il sera fait une juste appréciation de ces circonstances de l’espèce en fixant à 1000000 euros le montant de la somme forfaitaire que la République slovaque devra acquitter.

106 Il convient, par conséquent, de condamner la République slovaque à payer à la Commission la somme forfaitaire de 1000000 euros.

Sur les dépens

107 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République slovaque et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

  1) En n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 25 avril 2013, Commission/Slovaquie (C‑331/11, non publié, EU:C:2013:271), la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

  2) Dans le cas où le manquement constaté au point 1 persiste au jour du prononcé du présent arrêt, la République slovaque est condamnée à payer à la Commission européenne une astreinte de 5000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 25 avril 2013, Commission/Slovaquie (C‑331/11, non publié, EU:C:2013:271), à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt du 25 avril 2013, Commission/Slovaquie
(C‑331/11, non publié, EU:C:2013:271).

  3) La République slovaque est condamnée à payer à la Commission européenne la somme forfaitaire de 1000000 euros.

  4) La République slovaque est condamnée aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le slovaque.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-626/16
Date de la décision : 04/07/2018
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État – Environnement – Mise en décharge des déchets – Directive 1999/31/CE – Décharges existantes – Article 14 – Décision définitive quant à la poursuite ou non de l’exploitation – Article 13 – Procédure de désaffectation – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Astreinte et somme forfaitaire.

Déchets

Dispositions institutionnelles

Environnement


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République slovaque.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:525

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