CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA
présentées le 27 juin 2018 ( 1 )
Affaire C‑219/17
Silvio Berlusconi,
Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest)
contre
Banca d’Italia,
Istituto per la Vigilanza sulle Assicurazioni (IVASS)
[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]
« Renvoi préjudiciel – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Mécanisme de surveillance unique – Acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit – Procédures administratives complexes de l’Union – Contrôle juridictionnel des procédures administratives complexes – Juridiction compétente pour examiner un recours dirigé contre des actes adoptés par une autorité nationale – Principe de la force de chose jugée »
1. L’union bancaire constitue l’un des jalons les plus importants du processus d’intégration européenne depuis l’introduction de la monnaie unique. Son encadrement juridique a été établi avec une extrême rapidité, malgré son extraordinaire complexité technique, en réponse à la grande crise financière de 2008.
2. Les États membres ont attribué aux institutions de l’Union européenne des compétences au regard de la surveillance prudentielle des établissements de crédit et de leur résolution lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes de solvabilité. La Banque centrale européenne (BCE) s’est vu conférer la plupart des pouvoirs en vue de l’exercice de ces compétences, dévolues par les États membres, dont les autorités nationales de surveillance demeurent toutefois un élément fondamental du mécanisme de
surveillance unique (ci-après le « MSU ») en matière bancaire.
3. Les dispositions du droit de l’Union qui régissent le MSU ont donné lieu à différentes procédures administratives dans lesquelles interviennent la BCE et les autorités nationales de surveillance. Ces procédures ne constituent pas une nouveauté en droit de l’Union : elles existaient déjà en matière de fonds structurels, dans le domaine agricole, ou pour la nomination des membres du Parlement européen, par exemple. Dans l’union bancaire, elles sont appliquées plus intensément et plus fréquemment
que dans d’autres domaines.
4. Le présent litige offre à la Cour la possibilité de se prononcer, pour la première fois (sauf erreur de ma part), sur l’une de ces nouvelles procédures, à savoir celle qui s’applique à l’autorisation de l’acquisition ou de l’augmentation de participations qualifiées dans des établissements de crédit.
5. Le problème soulevé par le présent renvoi consiste à clarifier à qui incombe l’exercice du contrôle juridictionnel des actes adoptés dans le cadre d’une telle procédure. Concrètement, il est demandé si des propositions ou des projets, soumis par les autorités nationales de surveillance à la BCE, peuvent faire l’objet de recours devant les juridictions nationales, ou bien si, au contraire, leur contenu et la décision finale de la BCE qui s’ensuit ne peuvent être contrôlés que par la Cour de
justice de l’Union européenne.
I. Le cadre juridique
A. Droit de l’Union
6. La procédure suivant laquelle ont été adoptées les décisions attaquées devant la juridiction de renvoi est régie par les dispositions suivantes du droit de l’Union :
– Les articles 22 et 23 de la directive 2013/36/UE ( 2 ), qui transpose en droit l’Union les accords de Bâle III, adoptés par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, agissant au sein de la Banque des règlements internationaux ( 3 ).
– Les articles 1er, paragraphe 5, et 15 du règlement (UE) no 1024/2013 ( 4 ).
– Les articles 85 à 87 du règlement (UE) no 468/2014 ( 5 ).
1. Directive CRD IV
7. Aux termes de l’article 22 de la directive CRD IV (« Notification et évaluation des acquisitions envisagées ») :
« 1. Les États membres exigent de toute personne physique ou morale, agissant seule ou de concert avec d’autres (ci-après dénommée “candidat acquéreur”), qui a pris la décision, soit d’acquérir, directement ou indirectement, une participation qualifiée dans un établissement de crédit, soit de procéder, directement ou indirectement, à une augmentation de cette participation qualifiée dans un établissement de crédit, de telle façon que la proportion de droits de vote ou de parts de capital
détenue atteigne ou dépasse les seuils de 20 %, de 30 % ou de 50 % ou que l’établissement de crédit devienne sa filiale (ci-après dénommée “acquisition envisagée”), qu’elle notifie, par écrit et préalablement à l’acquisition, aux autorités compétentes pour l’établissement de crédit dans lequel elle souhaite acquérir ou augmenter une participation qualifiée, le montant envisagé de sa participation et les informations pertinentes précisées conformément à l’article 23, paragraphe 4. […]
2. Les autorités compétentes accusent réception au candidat acquéreur, par écrit, de la notification effectuée en vertu du paragraphe 1 ou du complément d’informations effectué en vertu du paragraphe 3, rapidement, et en toute hypothèse dans un délai de deux jours ouvrables à compter de leur réception.
[…]
3. Les autorités compétentes peuvent, pendant la période d’évaluation, s’il y a lieu, et au plus tard le cinquantième jour ouvrable de la période d’évaluation, demander un complément d’information nécessaire pour mener à bien l’évaluation. Cette demande est faite par écrit et précise les informations complémentaires nécessaires.
[…] Les autorités compétentes ont la faculté de formuler d’autres demandes visant à recueillir des informations complémentaires ou des clarifications, mais ces demandes ne donnent pas lieu à une suspension de la période d’évaluation.
[…]
5. Si les autorités compétentes décident de s’opposer à l’acquisition envisagée, elles en informent par écrit le candidat acquéreur dans un délai de deux jours ouvrables au terme de l’évaluation et sans dépasser la période d’évaluation, en indiquant les motifs de cette décision. Sous réserve du droit national, un exposé approprié des motifs de la décision peut être rendu accessible au public à la demande du candidat acquéreur. Un État membre a néanmoins le droit d’autoriser l’autorité
compétente à publier cette information en l’absence d’une demande du candidat acquéreur.
6. Si, au cours de la période d’évaluation, les autorités compétentes ne s’opposent pas par écrit à l’acquisition envisagée, celle-ci est réputée approuvée.
7. Les autorités compétentes peuvent fixer un délai maximal pour la conclusion de l’acquisition envisagée et, le cas échéant, le proroger.
8. Les États membres n’imposent pas, pour la notification aux autorités compétentes ou l’approbation par ces autorités d’acquisitions directes ou indirectes de droits de vote ou de parts de capital, des exigences plus contraignantes que celles prévues par la présente directive.
[…] »
8. L’article 23 de la directive CRD IV (« Critères d’évaluation ») dispose :
« 1. En procédant à l’évaluation de la notification prévue à l’article 22, paragraphe 1, et des informations visées à l’article 22, paragraphe 3, les autorités compétentes évaluent, afin de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée et compte tenu de l’influence probable du candidat acquéreur sur cet établissement de crédit, le caractère approprié du candidat acquéreur et la solidité financière de l’acquisition envisagée conformément aux
critères suivants :
a) l’honorabilité du candidat acquéreur ;
b) l’honorabilité, les connaissances, les compétences et l’expérience, énoncées à l’article 91, paragraphe 1, de tout membre de l’organe de direction et de tout membre de la direction générale qui assureront la direction des activités de l’établissement de crédit à la suite de l’acquisition envisagée ;
c) la solidité financière du candidat acquéreur, compte tenu notamment du type d’activités exercées et envisagées au sein de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée ;
[…]
2. Les autorités compétentes ne peuvent s’opposer à l’acquisition envisagée que s’il existe des motifs raisonnables de le faire sur la base des critères énoncés au paragraphe 1 ou si les informations fournies par le candidat acquéreur sont incomplètes.
[…] »
9. En vertu de l’article 119 (« Inclusion des compagnies holding dans la surveillance sur base consolidée »), paragraphe 1, de la directive CRD IV :
« 1. Les États membres arrêtent les mesures nécessaires, le cas échéant, à l’inclusion des compagnies financières holding et des compagnies financières holding mixtes dans la surveillance sur base consolidée. »
2. Règlement MSU
10. Conformément au considérant 11 du règlement MSU :
« Il convient […] de créer une union bancaire au sein de l’Union, fondée sur un corpus réglementaire unique complet et détaillé pour les services financiers, qui vaille pour l’ensemble du marché intérieur et qui comprenne un mécanisme de surveillance unique et de nouveaux cadres pour la garantie des dépôts et la résolution des défaillances bancaires. […] »
Dans le cadre du MSU, ce règlement attribue à la BCE des compétences spécifiques pour la surveillance prudentielle des établissements de crédit.
11. L’article 1er du règlement MSU (« Objet et champ d’application ») dispose :
« Le présent règlement confie à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, en tenant pleinement compte de l’unité et de l’intégrité du marché intérieur et en remplissant à cet égard un devoir de diligence, un traitement égal étant réservé aux
établissements de crédit pour éviter les arbitrages réglementaires.
[…]
Le présent règlement est sans préjudice des responsabilités et pouvoirs correspondants dont sont investies les autorités compétentes des États membres participants pour l’exercice des missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE par le présent règlement. »
12. L’article 4 du règlement MSU dispose :
« 1. Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :
[…]
c) évaluer les notifications d’acquisitions et de cessions de participations qualifiées dans les établissements de crédit, sauf dans le cadre de la résolution des défaillances bancaires et sous réserve de l’article 15 ;
[…]
3. Aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le présent règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et que ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre d’options, la BCE applique
également la législation nationale faisant usage de ces options.
[…] »
13. L’article 6, paragraphe 2, du règlement MSU prévoit que tant la BCE que les autorités compétentes nationales (ci-après les « ACN ») sont tenues au devoir de coopération loyale et à l’obligation d’échanger des informations et que, sans préjudice du pouvoir de la BCE de recevoir directement les informations déclarées en continu par les établissements de crédit, ou d’y avoir accès directement, les ACN communiquent en particulier à la BCE toutes les informations nécessaires aux fins de
l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le règlement en cause.
14. L’article 15 du règlement MSU (« Évaluation d’acquisitions de participations qualifiées ») dispose, quant à lui :
« 1. Sans préjudice des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, point c), toute notification d’une acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit établi dans un État membre participant ou toute information y relative est déposée auprès des autorités compétentes nationales de l’État membre dans lequel l’établissement de crédit est établi, conformément aux conditions prévues dans les dispositions pertinentes du droit national fondé sur les actes visés à
l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa.
2. L’autorité compétente nationale évalue l’acquisition proposée et transmet à la BCE la notification et une proposition de décision, fondée sur les critères prévus dans les actes visés à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, visant à s’opposer ou à ne pas s’opposer à l’acquisition […] et prête assistance à la BCE conformément à l’article 6.
3. La BCE décide de s’opposer ou non à l’acquisition sur la base des critères d’évaluation énoncés dans les dispositions pertinentes du droit de l’Union, conformément à la procédure qui y est définie et dans les délais qui y sont prévus. »
3. Règlement-cadre MSU
15. Le règlement-cadre MSU, adopté conformément à l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU, établit le cadre de la coopération, au sein du MSU, entre la BCE et les ACN.
16. L’article 85 du règlement-cadre MSU (« Notification aux [ACN] de l’acquisition d’une participation qualifiée ») dispose :
« 1. L’[ACN] qui reçoit une notification d’une intention d’acquérir une participation qualifiée dans un établissement de crédit établi dans un État membre participant informe la BCE de cette notification, au plus tard cinq jours ouvrables à compter de l’accusé réception conformément à l’article 22, paragraphe 2, de la directive [CRD IV].
2. L’[ACN] indique à la BCE si elle doit interrompre la période d’examen en raison d’une demande d’informations supplémentaires. L’autorité compétente nationale envoie ces informations supplémentaires à la BCE dans les cinq jours suivant leur réception par l’[ACN].
3. L’[ACN] informe également la BCE de la date avant laquelle la décision de s’opposer ou de ne pas s’opposer à l’acquisition d’une participation qualifiée doit être notifiée au demandeur en vertu du droit national applicable. »
17. L’article 86 du règlement-cadre MSU (« Examen des acquisitions potentielles ») dispose :
« 1. L’[ACN] à laquelle est notifiée une intention d’acquérir une participation qualifiée dans un établissement de crédit examine si cette acquisition éventuelle satisfait à toutes les conditions prévues par les dispositions pertinentes du droit de l’Union et du droit national. À la suite de l’examen, l’[ACN] prépare un projet de décision proposant que la BCE s’oppose ou ne s’oppose pas à l’acquisition.
2. L’[ACN] présente la proposition de décision visant à s’opposer ou à ne pas s’opposer à l’acquisition à la BCE, au moins quinze jours ouvrables avant l’expiration de la période d’examen telle que définie par les dispositions applicables du droit de l’Union. »
18. L’article 87 du règlement-cadre MSU (« Décision de la BCE relative à une acquisition ») dispose :
« La BCE décide de s’opposer ou de ne pas s’opposer à une acquisition sur la base de son examen de l’acquisition envisagée et du projet de décision de l’[ACN]. Le droit d’être entendu prévu à l’article 31 est applicable. »
B. Droit italien
1. Législation sur la surveillance financière : Texte unique bancaire
19. L’article 19 du TUB ( 6 ) attribue la compétence à la Banca d’Italia (ci-après la « Banque d’Italie ») pour délivrer les autorisations d’acquisition de participations privilégiées dans des établissements financiers. Concrètement, son paragraphe 5 précise que lesdites autorisations sont délivrées « en présence de conditions propres à garantir une gestion saine et prudente de la banque, en appréciant la qualité de l’acquéreur potentiel et la solidité financière du projet d’acquisition sur la base
des critères suivants : la réputation de l’acquéreur potentiel au sens de l’article 25 […] ».
20. En vertu de l’article 25 (« Participation au capital »), paragraphe 1, du TUB, les titulaires des participations visées à l’article 19 du TUB doivent posséder des qualités d’honorabilité et satisfaire à des critères de compétence et d’intégrité en vue d’assurer la gestion saine et prudente de la banque ( 7 ).
21. À titre transitoire, l’article 2, paragraphe 8, du décret législatif no 72 de 2015 prévoit que les dispositions précédentes concernant les conditions d’honorabilité des titulaires des participations dans des établissements financiers continuent de s’appliquer.
22. Les dispositions en question ont été incluses dans le décret ministériel no 144, du 18 mars 1998 ( 8 ), dont l’article 1er précise les condamnations qui affectent négativement l’honorabilité entraînant ainsi la défaillance de la condition requise.
23. L’article 2 du décret no 144 de 1998 dispose, à titre transitoire, que « pour les titulaires d’une participation au capital d’une banque à la date d’entrée en vigueur du présent règlement, le manquement aux conditions prévues à l’article 1er du présent règlement qui ne figuraient pas dans la réglementation antérieure est sans incidence, pour les éléments qui se sont produits avant cette date, uniquement pour ce qui concerne les participations acquises antérieurement ».
24. Quant aux sociétés financières holding mixtes, l’article 63 du TUB a soumis leurs associés qualifiés aux mêmes obligations que celles imposées à ceux des établissements bancaires. L’article 67 bis, paragraphe 2, du TUB précise que la Banque d’Italie et l’Istituto per la Vigilanza sulle Assicurazioni (Institut pour la surveillance dans les assurances, ci-après l’« IVASS ») doivent assurer conjointement le respect de ces obligations lorsque les sociétés en question ont leur siège en Italie et sont
à la tête de conglomérats financiers, dans leur totalité ou en partie, italiens.
2. Réglementation concernant le contentieux administratif
25. La procédure administrative contentieuse italienne prévoit ce qu’on appelle le « giudizio di ottemperanza » (action en exécution), dans le cadre duquel le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a formulé les présentes questions préjudicielles.
26. Conformément à l’article 21 septies, paragraphe 1, de la legge no 241, du 7 août 1990 ( 9 ), « [e]st nulle toute décision administrative […] qui a été adoptée en violation ou contournement d’une décision passée en force de chose jugée […] ».
27. En vertu de l’article 112, paragraphe 1, du Codice del processo amministrativo (code de procédure administrative) ( 10 ), « [l]es décisions du juge administratif doivent être exécutées par l’administration publique et par les autres parties ».
28. Le paragraphe 2 de cette même disposition prévoit :
« L’azione di ottemperanza (action en exécution) peut être introduite en vue d’obtenir l’exécution :
[…] ;
c) des décisions ayant acquis force de chose jugée et des autres mesures équivalentes du juge ordinaire, afin d’obtenir le respect de l’obligation de l’administration publique de se conformer à la décision rendue dans l’affaire et ayant force de chose jugée.
[…]. »
29. En vertu de l’article 114, paragraphe 4, sous b), du code de procédure administrative, le juge saisi de l’action en exécution, s’il fait droit au recours, « déclare nuls les actes éventuellement pris en violation ou en contournement de la décision passée en force de chose jugée ».
30. L’article 2909 du Codice civile (code civil) dispose que les constatations contenues dans un jugement passé en force de chose jugée s’imposent à tous égards aux parties, à leurs héritiers ou à leurs ayants cause.
II. Le litige au principal et les questions préjudicielles
31. Depuis la moitié des années 1990, M. Berlusconi possédait, par l’intermédiaire de sa société Fininvest, une participation qualifiée de plus de 30 % dans Mediolanum SpA (ci-après la « société Mediolanum »). Cette dernière était une société financière holding mixte, cotée en bourse, qui contrôlait le groupe financier Mediolanum, dont faisait partie Banca Mediolanum SpA, dont la société Mediolanum détenait 100 % des participations.
32. Par l’arrêt no 35729/13, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) a condamné M. Berlusconi, en tant qu’auteur d’une infraction de fraude fiscale, à une peine privative de liberté de quatre ans (dont trois ont fait l’objet d’une exemption) et aux peines accessoires d’interdiction des fonctions publiques et de direction des personnes morales pour une période de deux ans. Cet arrêt est devenu définitif le 1er août 2013.
33. Suite à l’approbation du decreto legislativo no 53, du 4 mars 2014 ( 11 ), Fininvest (pour le compte de M. Berlusconi) a introduit une demande d’autorisation pour la possession d’une participation qualifiée dans la société Mediolanum.
34. La Banque d’Italie, conjointement avec l’IVASS, par la décision no 976145/14, du 7 octobre 2014, a rejeté cette demande, estimant que M. Berlusconi ne remplissait pas la condition d’honorabilité, prévue pour la possession de participations qualifiées dans des sociétés d’intermédiation financière.
35. En plus de rejeter la demande, la Banque d’Italie a ordonné la suspension des droits de vote et la vente de la participation (pour la part excédant la limite prévue par la loi, de 9,999 %) dans la société Mediolanum. Elle a toutefois accepté la proposition de Fininvest de créer un trust auquel transférer la participation en question, et a imparti à Fininvest un délai de vingt jours pour notifier son acceptation des conditions formulées aux fins d’incorporation dans le trust en question.
36. M. Berlusconi a attaqué cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie), lequel a rejeté le recours par son arrêt no 7966/2015, du 5 juin 2015.
37. M. Berlusconi a alors formé un pourvoi en appel contre cet arrêt de rejet (Fininvest a formé quant à elle un appel incident) devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État). La Banque d’Italie a excipé, dans cette procédure, de l’absence d’intérêt à agir des appelants, suite à la fusion par « absorption inversée » entre la société Mediolanum et la Banca Mediolanum.
38. En effet, alors que la procédure était toujours pendante, les conseils d’administration de ces entités ont décidé de procéder à une « absorption inversée » de la société Mediolanum par la Banca Mediolanum ( 12 ). Ledit projet de fusion a été communiqué à la Banque d’Italie le 26 mai 2015, afin d’obtenir son autorisation, conformément à l’article 57 du TUB. En conséquence de cela, Fininvest est devenue titulaire d’une participation qualifiée dans un établissement financier ( 13 ).
39. Par la décision no 7969932/21, du 21 juillet 2015, la Banque d’Italie a autorisé la fusion proposée. Dans la lettre du 23 juillet 2015, qui renvoie à cette décision, elle a confirmé la décision du 7 octobre 2014, précisant que l’obligation d’aliénation prévue par cette dernière s’entendait comme « portant sur les actions de Banca Mediolanum qui, à l’issue de la procédure civile de fusion, seront attribuées [à Fininvest] en échange des actions de [la société] Mediolanum ».
40. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État), par l’arrêt no 882/2016, du 3 mars 2016, a fait droit aux pourvois en appel de M. Berlusconi et de Fininvest et a annulé la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 ( 14 ).
41. Selon le Consiglio di Stato (Conseil d’État), la décision du 7 octobre 2014 était illicite en ce qu’elle violait le principe de non-rétroactivité, dans la mesure où elle étendait à des participations acquises antérieurement à son entrée en vigueur les dispositions sur l’évaluation des participations qualifiées que la directive 2007/44/CE ( 15 ) avait insérées dans la directive CRD IV. La directive 2007/44 s’appliquait aux participations futures, tandis que l’article 2 du décret no 144 de 1998
visait les « participations acquises antérieurement» ( 16 ). Du moment que les faits étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, les conditions d’honorabilité ne pouvaient s’appliquer à Fininvest.
42. Par la lettre no 491595/16, du 4 avril 2016, la Banque d’Italie a exposé à la BCE que, à la suite de la fusion de Banca Mediolanum avec la société Mediolanum, M. Berlusconi, par l’intermédiaire de sa filiale Fininvest, avait acquis la qualité d’actionnaire de l’établissement de crédit Banca Mediolanum. Elle a en outre précisé qu’à la suite de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, tant l’obligation de céder la quote-part de ses actions excédant 9,999 % du capital de
ladite banque que la suspension des droits de vote y afférents avaient cessé de produire leurs effets. Aussi la Banque d’Italie estimait-elle que Fininvest devait introduire une demande d’autorisation relative à sa participation qualifiée dans Banca Mediolanum, conformément aux articles 22 et suivants de la directive CRD IV et aux articles 19 et suivants du TUB.
43. Conformément aux indications fournies par la BCE (lettre du 24 juin 2016), la Banque d’Italie a invité Fininvest, le 14 juillet 2016, à présenter une demande d’autorisation dans un délai de quinze jours. Aucune suite n’ayant été donnée à ladite invitation, la Banque d’Italie a décidé, le 3 août 2016, d’ouvrir d’office la procédure administrative, en précisant que la compétence décisionnelle en la matière revenait à la BCE, en vertu de l’article 4 du règlement MSU.
44. Après avoir reçu la documentation de Fininvest, la Banque d’Italie a transmis à la BCE, en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement MSU, une proposition de décision contenant un avis défavorable sur l’honorabilité des acheteurs et invitant la BCE à s’opposer à l’acquisition.
45. Le conseil de surveillance prudentielle de la BCE s’est rangé aux arguments de la Banque d’Italie et a approuvé un projet de décision, qu’il a transmis à Fininvest et à M. Berlusconi afin qu’ils formulent des observations. Après cela, ledit conseil a adopté la décision du 25 octobre 2016 ( 17 ), sans que le conseil des gouverneurs de la BCE ne formule d’objections ultérieures.
46. Dans sa décision, la BCE a considéré qu’il existait des doutes fondés quant à l’honorabilité des acquéreurs de la participation dans Banca Mediolanum. Compte tenu de ce que M. Berlusconi, actionnaire majoritaire et propriétaire effectif de Fininvest, était l’acquéreur indirect de la participation dans Banca Mediolanum et qu’il avait été condamné définitivement à la peine de quatre ans d’emprisonnement pour fraude fiscale, la BCE a estimé que la condition d’honorabilité imposée par la législation
nationale aux détenteurs de participations qualifiées n’était pas satisfaite. En outre, M. Berlusconi avait commis d’autres irrégularités et avait fait l’objet d’autres condamnations, à l’instar d’autres membres des organes de direction de Fininvest.
47. Pour ces motifs, la BCE a conclu que les acquéreurs de la participation qualifiée dans Banca Mediolanum ne répondaient pas à la condition d’honorabilité et qu’il existait de sérieux doutes quant à leur capacité d’assurer à l’avenir une gestion saine et prudente de cet établissement financier. Par conséquent, la BCE s’est opposée à l’acquisition, par Fininvest et par M. Berlusconi, de la participation qualifiée dans Banca Mediolanum.
48. Fininvest et M. Berlusconi ont attaqué la décision de la BCE de 2016 au moyen de trois voies de droit :
– Ils ont formé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne ( 18 ), qui a été suspendu dans l’attente de l’issue du présent renvoi préjudiciel.
– Fininvest a également saisi le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium) en vue d’obtenir l’annulation des actes de la Banque d’Italie préparatoires de la décision de la BCE.
– Ils ont introduit devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État) une action « di ottemperanza » (en exécution), faisant valoir que les actes en cause étaient nuls en ce qu’ils violaient l’arrêt définitif no 882/2016, du 3 mars 2016.
49. La Banque d’Italie excipe de l’absence de compétence de la juridiction nationale pour statuer sur ce recours dirigé contre des actes préparatoires dépourvus de caractère décisoire et tendant à l’adoption d’une décision incombant à la BCE à titre exclusif. La décision finale de ladite institution de l’Union ne peut être soumise qu’au contrôle de la Cour.
50. Après avoir joint les recours de M. Berlusconi et de Fininvest, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a constaté qu’il n’existait pas de précédents concernant la répartition des compétences entre le juge national et le juge de l’Union dans des litiges visant les actes des ACN contestés dans le cadre de ce type de procédures. Il a considéré, en outre, que la question était objectivement sujette à discussion puisqu’elle présente à la fois des éléments propres à une procédure unique (selon la
thèse soutenue par la Banque d’Italie) et des éléments propres à une procédure complexe (selon la thèse de M. Berlusconi et de Fininvest). Il a souligné, en tout état de cause, que l’étape de la procédure qui se déroule devant l’autorité nationale ne se conclut pas par un acte contraignant pour l’autorité de l’Union qui doit adopter la décision définitive.
51. Dans ce contexte, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions combinées de l’article 263, premier, deuxième et cinquième alinéas, TFUE et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE doivent-elles être interprétées en ce sens que c’est le juge de l’Union ou le juge national qui est compétent pour connaître d’un recours formé contre des actes d’ouverture, préparatoires et de proposition non contraignante pris par l’autorité compétente nationale (tels que désignés au point 1 de la présente ordonnance) dans le cadre de la procédure prévue aux
articles 22 et 23 de la directive 2013/36, à l’article 1er, paragraphe 5, à l’article 4, paragraphe 1, sous c), et à l’article 15 du règlement no 1024/2013, aux articles 85 à 87 du règlement no 468/2014 ainsi qu’aux articles 19, 22 et 25 du TUB ?
2) Plus précisément, le juge de l’Union peut-il être compétent lorsque ces actes ne sont pas attaqués par un recours ordinaire en annulation mais font l’objet d’une demande de nullité pour violation ou contournement de la force de la chose jugée qui s’attache à l’arrêt no 882/2016 rendu le 3 mars 2016 par le Consiglio di Stato (Conseil d’État), demande formée dans le cadre d’un recours en exécution introduit en vertu des articles 112 et suivants du code de procédure administrative, c’est-à-dire
dans le cadre d’une procédure propre au régime de la procédure administrative nationale, la décision à rendre sur cette demande supposant d’interpréter et d’identifier, suivant les règles du droit national, les limites objectives de la force de la chose jugée qui s’attache à cet arrêt ? »
III. Analyse des questions préjudicielles
52. Comme l’a exposé la Commission européenne, il convient de reformuler légèrement les questions préjudicielles posées par le juge a quo, afin que la Cour puisse y répondre de manière adéquate.
53. En principe, selon une jurisprudence constante, la Cour n’est pas compétente pour contrôler, dans le cadre des recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, la légalité des actes adoptés par les autorités nationales ( 19 ).
54. C’est pourquoi il faut entendre la première question posée par la juridiction de renvoi dans le sens que celle-ci souhaite savoir si la compétence exclusive que l’article 263 TFUE confère à la Cour pour contrôler la légalité des actes de l’Union s’oppose à ce que les juridictions nationales exercent le contrôle de la légalité des actes nationaux d’ouverture, d’instruction et de proposition non contraignante, adoptés par une ACN dans le cadre de la procédure visée aux articles 4, paragraphe 1,
sous c), et 15 du règlement MSU et des articles 85, 86 et 87 du règlement-cadre MSU, procédure qui se conclut par une décision contraignante de la BCE.
55. Par la deuxième question préjudicielle, subsidiaire par rapport à la première, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la Cour est compétente pour contrôler la légalité des actes nationaux préparatoires de la décision finale de la BCE, lorsque lesdits actes sont attaqués non par « un recours ordinaire en annulation » mais par une action en nullité (spécifique) pour violation alléguée ou contournement d’une décision d’une juridiction nationale passée en force de chose jugée, exercée dans le
cadre d’un « giudizio di ottemperanza ».
56. Avant d’analyser les deux questions préjudicielles, je pense qu’il convient :
– de se pencher sur la jurisprudence de la Cour sur le contrôle juridictionnel des actes adoptés dans le cadre de procédures administratives complexes ou mixtes, dans lesquelles interviennent des institutions de l’Union et des autorités nationales des États membres ; et
– d’exposer les caractéristiques de la procédure administrative appliquée par la BCE et les ACN au regard des autorisations d’acquisitions ou d’augmentations de participations qualifiées dans des établissements de crédit.
A. Contrôle juridictionnel des actes adoptés dans le cadre de procédures administratives complexes ou mixtes en droit de l’Union
57. L’application du droit de l’Union relève, en règle générale, de la compétence des autorités des États membres. Lorsque celles-ci agissent au moyen des procédures administratives de droit interne, la révision de leurs actes incombe aux juges nationaux, lesquels ont la possibilité de saisir la Cour à titre préjudiciel. Dans un nombre limité de matières, relevant normalement de la compétence exclusive de l’Union, l’application administrative du droit de l’Union est directe et est exercée par des
institutions, organes ou organismes de celle-ci, qui suivent leurs propres procédures sous le contrôle juridictionnel du Tribunal et de la Cour.
58. Or, il y a de plus en plus de cas où le droit de l’Union s’applique à travers des procédures dans lesquelles interviennent des institutions, des organes ou des organismes tant de l’Union que des États membres ( 20 ). Ces procédures ne sont pas soumises à une réglementation à caractère général ( 21 ) en droit de l’Union, bien qu’elles aient été largement analysées par la doctrine ( 22 ).
59. La Cour s’est prononcée jusqu’à présent ( 23 ) au cas par cas et de manière non exhaustive sur le contrôle juridictionnel de ces procédures complexes ainsi que des actes qui y mettent fin, en abordant la question de la détermination de la juridiction compétente du point de vue des actes susceptibles d’être attaqués ( 24 ). Le traitement de ces procédures dans le cadre de l’union bancaire posera un jalon dans cette jurisprudence ( 25 ).
60. En règle générale, pour déterminer quelle juridiction est compétente, il faut établir quelle entité détient le pouvoir de décision réel dans la procédure administrative complexe. Conformément à cette règle, les juridictions nationales sont saisies du contrôle de la légalité des actes administratifs adoptés par les autorités nationales lorsque celles-ci résolvent de manière définitive ce type de procédures. De la même manière, la Cour de justice de l’Union européenne statue sur les actes
administratifs des institutions de l’UE qui mettent fin aux procédures complexes.
61. La clarté de cette règle peut, toutefois, être amoindrie dans deux hypothèses, lorsque dans ce type de procédures :
– un acte définitif des institutions de l’Union s’est basé sur des actes préalables ou préparatoires, émanant d’autorités nationales et dont la légalité est remise en cause ;
– à l’inverse, un acte définitif des autorités nationales peut avoir été contaminé par un agissement antérieur, supposément illicite, des institutions de l’Union duquel il découle.
62. Cette deuxième hypothèse ne présente pas de difficultés majeures : le contrôle juridictionnel demeure attribué aux juridictions nationales, lesquelles sont tenues cependant de saisir la Cour d’une question préjudicielle en vue d’apprécier la validité de l’acte de l’Union lorsqu’elles estiment qu’il pourrait ne pas être valide ( 26 ).
63. Au contraire, dans la première hypothèse, les problèmes sont plus sensibles. Le fait de savoir quelle juridiction (nationale ou de l’Union) est compétente pour exercer le contrôle juridictionnel dépend des caractéristiques de la procédure en cause. Plus concrètement, cela dépend de la répartition du pouvoir décisionnel au sein de ladite procédure. En utilisant ce critère, l’analyse de la jurisprudence de la Cour permet de distinguer deux cas :
– Les procédures administratives complexes de l’Union où le pouvoir décisionnel est dans les mains des autorités nationales (jurisprudence Borelli).
– Les procédures administratives complexes de l’Union où le pouvoir décisionnel appartient aux institutions de l’Union (jurisprudence Suède/Commission).
1. Jurisprudence Borelli
64. L’arrêt Oleificio Borelli/Commission ( 27 ) portait sur une procédure administrative complexe dans laquelle le pouvoir décisionnel était attribué aux autorités nationales. La Cour a considéré qu’un projet ne pouvait bénéficier du concours du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) que s’il avait fait l’objet d’un avis favorable de l’État sur le territoire duquel il devait être exécuté. Par conséquent, en présence d’un avis négatif, la Commission ne pouvait ni poursuivre
l’examen du projet, ni, a fortiori, contrôler la régularité de l’avis en question.
65. La Cour a conclu qu’elle n’est pas compétente pour statuer sur la conformité au droit d’un acte adopté par une autorité nationale, y compris lorsque celui-ci s’intègre dans le cadre d’un processus de décision communautaire dans lequel les institutions de l’Union sont liées par l’acte en cause. Les irrégularités dont l’avis national est éventuellement entaché ne peuvent affecter la validité de la décision par laquelle la Commission refuse le concours demandé ( 28 ).
66. De cette façon, la Cour a écarté la possibilité qu’un acte de l’Union puisse être affecté par l’irrégularité d’un acte national dans une procédure complexe où le pouvoir décisionnel de l’autorité nationale serait prééminent. Cette solution, apparemment illogique, était justifiée par la nécessité d’empêcher que des actes administratifs de l’Union puissent être invalidés à la suite de l’annulation, par les juges nationaux, d’actes administratifs également nationaux, sur la base d’une violation de
dispositions elles aussi nationales.
67. Pour éviter des lacunes du contrôle juridictionnel, dans de tels cas, la Cour a affirmé qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer, le cas échéant après renvoi préjudiciel, sur la légalité de l’acte national en cause, dans les mêmes conditions que celles réservées à tout acte définitif qui, pris par la même autorité nationale, est susceptible de faire grief à des tiers ( 29 ).
68. La Cour a étendu cette même doctrine aux procédures complexes dans lesquelles c’est le pouvoir décisionnel des autorités nationales qui est prédominant, lorsqu’elles portent sur la gestion des fonds structurels, la protection des appellations géographiques ou la nomination ou destitution de membres du Parlement. Je reviendrai sur certains de ces cas plus loin.
69. Dans l’arrêt Liivimaa Lihaveis ( 30 ), la Cour a déclaré qu’un « manuel » de programme adopté par un comité de suivi dans le cadre d’un programme opérationnel relevant du règlement (CE) no 1083/2006 ( 31 ) et visant à promouvoir la coopération territoriale européenne entre deux États membres ne constitue pas un acte pris par une institution, un organe ou un organisme de l’Union et que, en conséquence, la Cour n’est pas compétente pour apprécier sa validité. L’acte administratif en question était
cependant susceptible d’être attaqué devant les juridictions nationales, lesquelles pouvaient soulever une question préjudicielle afin de vérifier sa compatibilité avec le droit de l’Union ( 32 ).
70. Le domaine de la protection des appellations géographiques offre également des exemples de procédures administratives complexes comportant une prédominance des autorités nationales ( 33 ). Dans l’arrêt Carl Kühne e.a. ( 34 ), la Cour a affirmé que le partage des compétences entre la Commission (qui enregistre l’appellation demandée) et les autorités nationales (qui se sont prononcées préalablement sur celle-ci, en appréciant si les conditions du règlement étaient satisfaites) entraîne que
l’éventuelle illégalité de l’acte administratif national n’affecte pas la légalité du règlement (CE) no 590/1999 ( 35 ).
71. La Cour a considéré, comme dans l’arrêt Borelli, qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer sur la légalité d’une demande d’enregistrement dans les mêmes conditions de contrôle que celles réservées à tout acte définitif qui, pris par la même autorité nationale, est susceptible de porter atteinte aux droits que les tiers tirent du droit de l’Union et, par conséquent, de considérer comme recevable le recours introduit à cette fin, même si les règles de procédure internes ne le
prévoient pas en pareil cas ( 36 ).
72. Pour l’élection des membres du Parlement également il est prévu des procédures complexes dans lesquelles la prédominance est accordée aux autorités nationales. La Cour, après avoir délimité les compétences respectives du Parlement et des autorités nationales pour la vérification des pouvoirs des eurodéputés, a déclaré qu’il incombe à ces dernières de proclamer les résultats conformément aux dispositions nationales en accord avec le droit de l’Union. Par conséquent, le Parlement, en vertu de
l’article 12 de l’acte de 1976, devait prendre acte de la proclamation effectuée sans avoir la compétence pour s’en écarter en raison des prétendues irrégularités affectant cet acte national ( 37 ).
2. Jurisprudence Suède/Commission
73. La Cour s’est également prononcée sur les procédures administratives complexes dans lesquelles le pouvoir décisionnel final est conféré aux institutions de l’Union et où les autorités nationales interviennent dans les phases préliminaires ou préparatoires.
74. Dans ces cas, la responsabilité d’adopter l’acte définitif, qui met fin à la procédure, incombe à l’institution de l’Union, et, de ce fait, il appartiendra forcément au Tribunal et à la Cour d’en assurer le contrôle juridictionnel. En outre, les actes des autorités nationales, dans ces procédures, ont un caractère purement préparatoire, de sorte que leur révision par les juges nationaux ou par la Cour ne sera, en général, pas nécessaire ( 38 ).
75. Dans son arrêt Pays Bas/Commission ( 39 ), la Cour a distingué les procédures complexes, où le pouvoir décisionnel appartient aux institutions de l’Union, de celles dans lesquelles l’intervention des autorités nationales est déterminante. Concrètement, la Cour a déclaré que l’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane n’est pas fondée sur une gestion décentralisée du contingent tarifaire impliquant un pouvoir décisionnel des États membres ( 40 ).
76. Une autre procédure complexe où le pouvoir décisionnel final appartient aux institutions de l’Union était celle examinée dans l’arrêt Greenpeace France e.a. ( 41 ) ; concrètement, il s’agissait de l’autorisation d’un type de maïs génétiquement modifié, en application de la directive 90/220/CEE ( 42 ). La Cour a estimé que si une juridiction nationale constate qu’en raison d’irrégularités dans le déroulement de l’examen de la notification par l’autorité nationale compétente prévu à l’article 12,
paragraphe 1, de la directive 90/220, celle-ci n’a pas pu valablement transmettre le dossier avec avis favorable à la Commission au sens du paragraphe 2 de cette disposition, la juridiction ne peut pas pour autant contrôler la validité de l’acte de la Commission, ce pouvoir étant réservé à la Cour par la voie indirecte de la question préjudicielle en appréciation de validité ( 43 ).
77. Enfin, dans l’arrêt Suède/Commission ( 44 ), la Cour s’est penchée sur un autre type de procédure complexe sous le contrôle des autorités de l’Union. Il s’agissait de la demande d’accès aux documents des institutions, lorsque ceux-ci proviennent des États membres, conformément aux articles 4 et 5 du règlement (CE) no 1049/2001 ( 45 ). L’institution de l’Union adopte la décision qui refuse ou accorde l’accès au document demandé, avec l’autorisation préalable de l’État membre d’origine.
78. La Cour a considéré qu’il s’agissait d’une procédure à laquelle participaient l’institution communautaire et l’État membre dans le but de déterminer si l’accès à un document devait être refusé en vertu de l’une des exceptions matérielles énoncées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement en cause.
79. Dans ces conditions, elle a affirmé qu’« il relève de la compétence du juge communautaire de contrôler, à la demande de l’intéressé auquel a été opposé un refus d’accès par l’institution sollicitée, si ce refus a pu être valablement fondé sur lesdites exceptions, et ce, que ce refus procède de l’appréciation de celles-ci par l’institution elle-même ou par l’État membre concerné. Il convient au demeurant de relever que, à l’égard dudit intéressé, l’intervention de l’État membre n’affecte pas le
caractère communautaire de la décision que lui adresse ultérieurement l’institution en réponse à la demande d’accès dont il l’a saisie en ce qui concerne un document qu’elle détient» ( 46 ).
B. Procédure administrative d’autorisation des participations qualifiées dans des établissements de crédit
80. L’objectif de l’autorisation (obligatoire) des participations qualifiées est d’assurer que seules des personnes physiques ou morales qui ne mettent pas en péril le bon fonctionnement du secteur bancaire puissent accéder à celui-ci. En particulier, l’évaluation tend à vérifier que le candidat acquéreur jouit d’une bonne réputation et de la solidité financière indispensable, de manière que l’établissement dont la participation va être acquise continue de satisfaire les exigences prudentielles.
L’évaluation contribue également à éviter que l’opération soit financée moyennant des fonds provenant d’activités illicites.
81. L’article 2, point 8, du règlement MSU renvoie à la définition de la « participation qualifiée » de l’article 4, paragraphe 1, point 36, du règlement (UE) no 575/2013 ( 47 ), à savoir « le fait de détenir dans une entreprise, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote, ou toute autre possibilité d’exercer une influence notable sur la gestion de cette entreprise ».
82. L’article 22 de la directive CRD IV impose la nécessité de l’autorisation préalable pour l’acquisition ou l’augmentation ( 48 ) des participations qualifiées. Toutes les autorités de surveillance de l’Union, tant des États qui sont parties à l’union bancaire que de ceux qui ne le sont pas, doivent respecter la procédure d’autorisation.
1. Critères pour accorder l’autorisation
83. L’article 23 de la directive CRD IV harmonise les critères substantiels pour évaluer l’acquisition ou l’augmentation d’une participation qualifiée ( 49 ). Cette harmonisation est, toutefois, partielle, du moment que la directive en cause ne précise pas quels sont les éléments concrets nécessaires pour satisfaire à chacun de ces critères, lesquels doivent être appréciés en application de la réglementation nationale.
84. Afin d’harmoniser les pratiques des États, les autorités européennes de surveillance ont adopté en 2016 des orientations communes relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier ( 50 ). En ce qui concerne les établissements bancaires, la base juridique de ces orientations se trouve à l’article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1093/2010 ( 51 ), conformément auquel l’Autorité bancaire européenne,
afin d’établir des pratiques de surveillance cohérentes, efficientes et effectives au sein du Système européen de surveillance financière (SESF) et d’assurer une application commune, uniforme et cohérente du droit de l’Union, émet des orientations et des recommandations à l’intention des autorités compétentes ou des établissements financiers.
85. Même si les orientations sont des actes juridiques non contraignants, les États s’engagent à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’y conformer (ainsi qu’aux recommandations) au moyen de la technique connue sous le nom de « comply or explain» ( 52 ). D’après les informations fournies à l’audience, les autorités italiennes ont accepté l’application de ces orientations de 2016 par une décision du Comitato Interministeriale per il Credito ed il Risparmio (comité interministériel pour le
crédit et l’épargne), adoptée en 2017.
2. Procédure d’autorisation
86. En ce qui concerne la procédure d’octroi de ce type d’autorisations, elle est régie par l’article 4, paragraphe 1, sous c), l’article 6, paragraphe 4, et l’article 15 du règlement MSU, en combinaison avec les articles 85 à 87 du règlement-cadre MSU.
87. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous c), lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 4, du règlement MSU, la BCE est seule compétente pour évaluer et rendre des décisions sur l’acquisition et l’augmentation de participations qualifiées dans tous les établissements financiers soumis au mécanisme de surveillance unique, qu’ils soient plus ou moins importants et qu’ils soient directement soumis à la surveillance de la BCE ou des ACN.
88. Cette circonstance met en évidence le fait que le règlement MSU a établi un « mécanisme de surveillance véritablement intégré », dans lequel les processus essentiels sont généralement les mêmes pour tous les établissements de crédit, qu’ils soient « importants » ou « moins importants », et qui impliquent à la fois la BCE et les ACN.
89. Les procédures administratives communes instaurées par le règlement MSU sont utilisées à l’égard des autorisations pour accéder à l’activité bancaire ou pour procéder à leur révocation, ainsi que pour évaluer les acquisitions et les augmentations de participations qualifiées.
90. Concrètement, la BCE exerce sa compétence de contrôle sur les acquisitions et augmentations de participations qualifiées dans les termes prévus par l’article 15 du règlement MSU, en combinaison avec les articles 85 à 87 du règlement-cadre MSU. Dans la procédure qui doit être suivie à cet effet, la BCE intervient en tant qu’institution titulaire du pouvoir de décision, et les ACN en tant qu’instances chargées de la préparation des décisions.
91. Cette procédure se déroule de la manière suivante ( 53 ) :
– L’entité requérante présente les notifications d’acquisition ou d’augmentation d’une participation qualifiée à l’ACN compétente, qui est celle de l’État membre dans lequel l’établissement visé par l’acquisition a son siège.
– L’ACN communique à la BCE la réception de la notification de l’intention d’acquérir ou d’augmenter une participation qualifiée, dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de l’accusé de réception au requérant. La procédure ne pourra être finalisée tant que les informations demandées n’auront pas été transmises. Partant, les requérants doivent s’assurer que leurs demandes sont complètes et bien structurées. Si le premier examen d’une demande révèle des omissions ou des incohérences, l’ACN
demande immédiatement au requérant d’effectuer les modifications nécessaires.
– Une fois que les demandes ont été transmises et que l’intégralité de leurs contenus a été vérifiée, elles sont soumises à une évaluation complémentaire par l’ACN destinataire, la BCE et les autres ACN éventuellement concernées. Cette évaluation vise à garantir que toutes les parties concernées comprennent parfaitement le modèle d’entreprise et sa viabilité, et, à cet effet, l’évaluation couvre tous les critères définis dans le droit national et européen.
– L’ACN propose à la BCE un projet de décision de refus ou d’acceptation de l’acquisition ou de l’augmentation de la participation qualifiée. La décision finale d’approbation ou de rejet de la demande relève ensuite exclusivement de la BCE. Dans le cas où une demande doit être rejetée ou si des conditions supplémentaires doivent être imposées, le dossier fera l’objet d’une procédure d’audition.
– La décision qui met fin à la procédure appartient à la BCE, laquelle suit les procédures habituelles pour l’adoption de décisions dans le domaine de l’union bancaire, telles qu’établies à l’article 26, paragraphes 6 à 8, du règlement MSU : le conseil de surveillance de la BCE soumet le projet complet au conseil des gouverneurs et la décision est réputée adoptée en l’absence d’opposition de ce dernier dans un délai de dix jours.
– Une fois qu’une décision finale a été adoptée, la BCE la notifie au requérant. Si l’acquisition est refusée ou si le candidat acquéreur s’estime lésé par cette décision d’une quelconque manière, il peut demander son réexamen à la commission administrative de réexamen de la BCE, prévue à l’article 24 du règlement MSU.
C. Première question préjudicielle : le contrôle juridictionnel des actes nationaux préparatoires dans la procédure d’autorisation d’acquisitions de participations qualifiées dans des établissements de crédit
92. La procédure pour autoriser l’acquisition ou l’augmentation de participations qualifiées dans des établissements financiers a, comme je viens de l’exposer, une nature complexe, car elle prévoit l’intervention de la BCE, en tant qu’autorité qui décide, et des ACN, en tant qu’instances chargées de la préparation des décisions. J’aborderai, en premier lieu, les questions liées à la compétence pour mettre fin à cette procédure et me pencherai, ensuite, sur le contrôle juridictionnel de la décision
finale qui relève de celle-ci.
1. Compétence pour adopter la décision finale
93. L’intervention des ACN après l’introduction de la demande se limite à vérifier le respect des conditions pour autoriser l’opération, fixées par le droit de l’Union et par le droit national. L’aboutissement de leur fonction consiste à présenter à la BCE un projet ou une proposition de décision qui ne lie en aucune façon ladite institution.
94. À partir de cette proposition commence la phase décisionnelle de la procédure complexe, sous la responsabilité intégrale de la BCE, à laquelle il appartient, au final, d’autoriser ou de rejeter la demande d’acquisition ou d’augmentation de la participation qualifiée. Il s’agit, d’après moi, d’une compétence décisionnelle exclusive de la BCE, pour les raisons suivantes.
95. En premier lieu, l’article 87 du règlement-cadre MSU prévoit que « [l]a BCE décide de s’opposer ou de ne pas s’opposer à une acquisition sur la base de son examen de l’acquisition envisagée et du projet de décision de l’[ACN] ». Comme l’affirme la Banque d’Italie, il découle de cette disposition que la BCE dispose d’un pouvoir d’appréciation total dans l’évaluation des éléments de fait et de droit à la base de la décision finale. La proposition qui lui est présentée par l’ACN constitue un
élément d’appréciation supplémentaire, mais ce n’est pas nécessairement le seul. Rien n’empêche la BCE de mettre en œuvre des mesures d’instruction et d’investigation autonomes ( 54 ) et de parvenir à une conclusion différente de la proposition de l’ACN, par laquelle elle n’est pas liée ( 55 ).
96. Le projet de l’ACN, il faut le redire, ne conditionne pas juridiquement la décision ultérieure de la BCE. Il pourra certes influencer plus ou moins cette dernière, en fonction de ses qualités, mais cette caractéristique est commune à d’autres actes (par exemple, un avis non contraignant) dans n’importe quelle procédure. L’ACN ne possède aucun pouvoir décisionnel spécifique, au-delà de l’instruction de la première phase de la procédure qui lui incombe une fois la demande d’autorisation
introduite. Il ne s’agit donc pas d’une procédure de codécision entre l’ACN et la BCE, comme semble l’entendre M. Berlusconi dans ses observations écrites.
97. En deuxième lieu, il est possible que la BCE décide de modifier sa décision finale, en s’écartant de la proposition de l’ACN à laquelle elle se serait rangée, à la suite de l’intervention de la commission administrative de réexamen ( 56 ) dans le cas où le recours de l’acquéreur potentiel serait accueilli ( 57 ). La BCE peut, en outre, assortir sa décision de conditions pour l’autorisation de l’acquisition ou de l’augmentation d’une participation qualifiée qui ne figuraient pas dans la
proposition de l’ACN.
98. En troisième lieu, le fait que la phase initiale de la procédure se déroule devant l’ACN ne signifie pas que la BCE y soit étrangère. L’article 85, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU prévoit que les ACN qui reçoivent une notification d’une intention d’acquérir une participation qualifiée dans un établissement de crédit en informent la BCE au plus tard cinq jours ouvrables à compter de l’accusé réception. En outre, l’article 6, paragraphe 2, du règlement MSU indique que tant la BCE que les ACN
sont tenues au devoir de coopération loyale et à l’obligation d’échanger des informations.
99. En quatrième lieu, le projet de décision soumis par l’ACN à la BCE n’est pas notifié par l’ACN au requérant, ce qui confirme son caractère de simple acte préparatoire interne de la décision finale de la BCE, dénué d’effets juridiques pour lui comme pour des tiers ( 58 ).
100. En cinquième lieu, la procédure d’autorisation de l’acquisition ou de l’augmentation de participations qualifiées se distingue d’autres procédures similaires, comme celle d’octroi de l’agrément pour l’exercice de l’activité bancaire. Dans cette dernière procédure, l’ACN peut, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du règlement MSU ( 59 ), adopter de manière autonome la décision de rejet de la demande d’agrément, décision qu’elle communique au demandeur et qui déploie ses effets à son égard
comme à l’égard de tiers. Il s’agit d’un acte définitif, dont le contrôle juridictionnel peut être effectué par les juges nationaux, avec la possibilité d’un renvoi préjudiciel devant la Cour. Au contraire, dans la procédure d’autorisation d’acquisitions de participations qualifiées, les ACN ne disposent pas de tels pouvoirs.
101. En sixième lieu, conformément à l’article 22, paragraphe 6, de la directive CRD IV, si, au cours de la période d’évaluation, les autorités compétentes ne s’opposent pas par écrit à l’acquisition envisagée, celle‑ci est réputée approuvée. En cas d’inertie des ACN, afin d’éviter qu’opère cette espèce de silence administratif positif, la BCE peut intervenir (en vertu de l’article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement MSU) ( 60 ) en invitant l’ACN à se prononcer sur la demande
d’autorisation d’acquisition ou d’augmentation d’une participation qualifiée. Cela met en évidence l’intervention de la BCE dans la procédure en cause depuis le début et le fait que c’est cette institution qui exerce le contrôle sur celle-ci.
2. Contrôle juridictionnel des décisions relevant de ces procédures
102. Une fois établi le fait que l’autorisation pour acquérir ou augmenter des participations qualifiées dans des établissements financiers suit une procédure complexe dont la résolution définitive relève de la compétence exclusive de la BCE, il reste à clarifier le contrôle juridictionnel des décisions qui sont adoptées à l’issue d’une telle procédure.
103. S’agissant de déterminer le régime de contrôle juridictionnel applicable, tant la jurisprudence Borelli que la jurisprudence Suède/Commission portent sur la répartition concrète des compétences entre les autorités nationales et les institutions de l’Union. Dès lors que le pouvoir décisionnel appartient aux autorités nationales, il y a lieu d’appliquer la jurisprudence Borelli ; si ce pouvoir appartient, en revanche, à l’autorité de l’Union, c’est la jurisprudence Suède/Commission qui entre en
jeu.
104. Le MSU est une structure complexe à plusieurs niveaux, formée par la BCE et les ACN, et dans laquelle la BCE occupe une position essentielle, assume la responsabilité du fonctionnement du système et contrôle l’ensemble des fonctions du mécanisme ( 61 ). La BCE dispose, pour atteindre ces objectifs, de pouvoirs exclusifs dans le cadre du MSU. L’intervention des ACN obéit à la logique de l’exercice décentralisé de ces pouvoirs et non à une répartition des compétences propres entre la BCE et les
autorités nationales ( 62 ).
105. Dans la procédure d’autorisation des participations qualifiées, la BCE concentre le pouvoir décisionnel final, de manière exclusive, au même titre que dans la plupart des procédures complexes de l’union bancaire. De manière symétrique, la compétence exclusive pour exercer le contrôle juridictionnel de ce pouvoir concentré doit être dévolue au Tribunal et à la Cour ( 63 ).
106. Je suis d’avis que cette affirmation est difficilement réfutable. De fait, Fininvest a introduit un recours en annulation, qui est pendant devant le Tribunal (T‑913/16), contre la décision de la BCE qui s’opposait à l’acquisition de la participation qualifiée dans la Banca Mediolanum.
107. Le caractère préparatoire des actes des ACN durant la phase initiale de la procédure confirme, si besoin était, le contrôle juridictionnel exclusif de la Cour tant sur les décisions d’autorisation d’acquisition ou d’augmentation de participations qualifiées dans des établissements bancaires, que sur les propositions qui précèdent ces décisions.
108. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, seule peut être attaquée la validité des actes adoptés par les institutions de l’Union, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, seuls sont attaquables les actes qui fixent
définitivement la position (généralement de la Commission ou du Conseil de l’Union européenne) au terme de cette procédure. Ne sont pas attaquables, en revanche, les mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale ( 64 ).
109. Cette jurisprudence peut être étendue aux procédures dans lesquelles l’intervention préparatoire, purement auxiliaire, provient d’une autorité nationale. Lorsque l’acte de cette autorité se limite à une proposition, qui par définition n’a pas de nature décisoire, cet acte est dépourvu de la capacité d’affecter la sphère juridique d’une personne, qu’elle soit physique ou morale. Il est donc dépourvu du caractère qui permettrait de l’attaquer de manière autonome. Les vices éventuels qui
entacheraient l’élaboration de la proposition pourront d’ailleurs être invoqués dans un recours dirigé contre la décision finale qui en reprendrait le contenu.
110. En somme, les organes juridictionnels nationaux ne peuvent pas statuer sur de simples actes préparatoires émanant des ACN et qui font partie d’une procédure complexe menant à une décision incombant exclusivement à la BCE. Autrement, les juges nationaux s’attribueraient, en réalité, le contrôle matériel de décisions qui n’incombent pas aux ACN, mais à la BCE, ce qui pourrait, par ailleurs conduire à des situations paradoxales ( 65 ).
111. J’estime, donc, qu’il y a lieu d’attribuer aux juridictions de l’Union, et non à celles nationales, le contrôle juridictionnel de tous les actes adoptés dans le cadre de la procédure d’autorisation des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans les établissements bancaires.
112. Cette attribution de compétence juridictionnelle n’est pas, évidemment, sans présenter des difficultés. Pour sauvegarder le droit à une protection juridictionnelle effective des personnes concernées, les juridictions de l’Union auront à clarifier, lorsque cette objection est soulevée devant eux, si les actes préparatoires des ACN, dont le contenu a été ultérieurement repris par la BCE, comportent des vices affectant leur validité et qui sont susceptibles de contaminer irrémédiablement
l’ensemble de la procédure.
113. De ce point de vue, l’éventuelle illicéité de la proposition de la Banque d’Italie devra être appréciée par le Tribunal dans le recours en annulation dirigé contre la décision finale de la BCE (affaire T‑913/16), puisque cette dernière disposait d’une marge d’appréciation pour accueillir ou non la proposition de l’ACN.
114. Cette solution est, en outre, cohérente avec la disposition de l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU ( 66 ). Celle-ci confie à la BCE l’application du droit national qui transpose des directives et, exceptionnellement, des règlements en matière d’union bancaire, en appuyant l’extension du contrôle juridictionnel de la Cour à ces cas de figure ( 67 ).
115. Eu égard aux arguments exposés ci-dessus, j’estime que l’article 263 TFUE :
– confère à la Cour une compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes adoptés dans le cadre de la procédure prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), et à l’article 15 du règlement MSU, ainsi qu’aux articles 85, 86 et 87 du règlement-cadre MSU ; et
– s’oppose à ce que les organes juridictionnels nationaux exercent le contrôle de la légalité des actes nationaux d’ouverture, d’instruction et de proposition adoptés par l’autorité compétente nationale dans le cadre de ladite procédure, qui aboutit à une décision finale de la BCE.
D. Deuxième question préjudicielle : incidence des décisions nationales ayant acquis force de chose jugée sur le contrôle juridictionnel des actes préparatoires nationaux
116. La réponse à la deuxième question découle, selon toute logique, de la réponse que je propose de donner à la première. Du moment qu’est reconnue la compétence exclusive du Tribunal et de la Cour pour exercer le contrôle juridictionnel sur les actes adoptés dans les procédures en cause, compétence qui n’est pas reconnue aux juridictions nationales, il est sans importance que ces dernières soient appelées à statuer dans le cadre d’un « giudizio di ottemperanza » ou de n’importe quelle autre
modalité procédurale de droit interne.
117. En effet, l’attribution de compétence est une condition incontournable de la validité de la décision juridictionnelle ultérieure. Si un tribunal n’est pas compétent, il ne peut simplement pas statuer, quelle que soit la voie de procédure. Le « giudizio di ottemperanza » est l’une de ces voies, par laquelle la réglementation procédurale italienne tend à faire respecter la force de chose jugée attachée à une décision juridictionnelle antérieure ( 68 ).
118. M. Berlusconi et Fininvest se prévalent de cette voie de droit, en renvoyant à l’arrêt rendu le 3 mars 2016 par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) à l’appui de la nullité de la proposition de décision transmise à la BCE par la Banque d’Italie au cours de la procédure d’autorisation. Toutefois, si, comme je le disais, les tribunaux italiens ne sont pas compétents pour statuer sur les actes préparatoires émanant des ACN, ce moyen devra être invoqué devant le Tribunal (comme cela a été fait
dans le recours qui a donné lieu à l’affaire T‑913/16), et non devant les juridictions nationales.
119. J’estime, donc, qu’il n’est pas possible d’invoquer l’autonomie procédurale de l’État italien pour justifier que la force de chose jugée (éventuelle) de l’arrêt du 3 mars 2016 confère à une juridiction nationale la compétence pour contrôler la légalité des actes de la Banque d’Italie tendant à la préparation de la décision finale de la BCE.
120. Partant, je ne crois pas que la Cour doive pousser plus loin son examen en se penchant sur la question, fût-elle non tranchée, de l’incidence de l’arrêt en question dans la présente espèce. À titre purement subsidiaire, toutefois, je préciserai pourquoi j’estime que l’on n’est en présence ni de l’identité subjective ni de celle objective (nécessaires à l’appréciation des effets attachés à une décision ayant force de chose jugée) entre le litige tranché par l’arrêt du 3 mars 2016 et la présente
affaire.
121. Quant à l’identité subjective :
– Le recours précédent portait sur la décision de la Banque d’Italie et de l’IVASS no 976145/14, du 7 octobre 2014, déclarant que M. Berlusconi ne remplissait pas la condition d’honorabilité prévue pour la possession de participations qualifiées dans des intermédiaires financiers.
– Le présent litige porte sur la légalité de la proposition de la Banque d’Italie (reprise ultérieurement par la décision de la BCE de 2016) d’opposition à l’acquisition de la participation qualifiée dans la Banca Mediolanum, réalisée indirectement par M. Berlusconi par l’intermédiaire de Fininvest. Le motif de ladite opposition est fondé sur la condamnation ferme à une peine de quatre ans d’emprisonnement pour fraude fiscale à laquelle faisait référence l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil
d’État). Cependant, tant la Banque d’Italie que la BCE ont apprécié également d’autres éléments supplémentaires, dont certains postérieurs à l’arrêt du 3 mars 2016, pour parvenir à la conclusion que la condition d’honorabilité des acquéreurs n’était pas satisfaite ( 69 ).
122. Quant à l’identité objective :
– La BCE n’a pas participé, et n’aurait pu le faire, à la procédure qui a donné lieu à l’arrêt du 3 mars 2016, tandis que, dans la présente affaire, sa participation est cruciale.
– La décision de la BCE de 2016 relève le défaut d’honorabilité des acquéreurs, qu’elle n’impute pas seulement à « l’actionnaire de contrôle et acquéreur indirect, M. Berlusconi, mais également à un autre membre du conseil d’administration et à un membre du conseil de contrôle de Fininvest SpA, ainsi qu’à la société Fininvest elle-même» ( 70 ).
123. De plus, les acquisitions de participations qualifiées sont différentes, la réglementation applicable n’est pas la même et la procédure a changé, la décision incombant à présent exclusivement à la BCE.
124. Ainsi, en l’absence d’identité objective ou subjective entre le litige ayant donné lieu à l’arrêt définitif du Consiglio di Stato (Conseil d’État) et celui pendant ici, l’application du principe de la force de chose jugée semble difficilement admissible.
125. En tout dernier ressort, et à titre encore plus subsidiaire, le principe de la force de chose jugée ne saurait être invoqué pour assurer l’exécution de décisions prononcées en violation manifeste des dispositions du droit de l’Union ( 71 ), comme ce serait le cas de celles susceptibles d’interférer avec la compétence exclusive de la BCE pour autoriser les acquisitions de participations qualifiées.
IV. Conclusion
126. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) dans les termes suivants :
1) L’article 263 TFUE, en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, sous c), et l’article 15 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, et avec les articles 85, 86 et 87 du règlement (UE) no 468/2014 de la Banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de
surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales :
– confère à la Cour de justice de l’Union européenne une compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes adoptés dans le cadre de la procédure prévue par les dispositions susmentionnées des deux règlements en cause en vue d’autoriser les acquisitions et augmentations de participations qualifiées dans les établissements bancaires ; et
– s’oppose à ce que les organes juridictionnels nationaux exercent le contrôle de la légalité des actes d’ouverture, d’instruction et de proposition adoptés par les autorités compétentes nationales dans le cadre de ladite procédure, qui aboutit à une décision finale de la Banque centrale européenne.
2) L’absence de compétence des organes juridictionnels nationaux pour contrôler la légalité des actes adoptés dans le cadre de la procédure en question ne peut être éludée par l’exercice d’une action en nullité (giudizio di ottemperanza) dans laquelle sont invoqués la violation alléguée ou le contournement d’une décision antérieure d’une juridiction nationale passée en force de chose jugée.
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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.
( 2 ) Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338, ci-après la « directive CRD IV »).
( 3 ) Les accords dits Bâle III sont un ensemble de mesures adoptées au niveau international, développées par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire en réponse à la crise financière. Leur objectif est de renforcer la réglementation, le contrôle et la gestion des risques des banques. Voir à cet égard les informations publiées sur le site Internet du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, https://www.bis.org/bcbs/basel3_fr.htm
( 4 ) Règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63, ci-après le « règlement MSU »).
( 5 ) Règlement (UE) no 468/2014 de la Banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (JO 2014, L 141, p. 1, ci-après le « règlement-cadre MSU »).
( 6 ) Decreto legislativo no 385 – Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia (Testo unico bancario) [décret législatif no 385, texte unique des lois en matière bancaire et de crédit (Texte unique bancaire, ci-après le « TUB »)], du 1er septembre 1993. Au moment où se sont produits les faits dans le litige au principal, les dispositions sur les participations qualifiées dans des établissements financiers étaient recueillies dans le titre II du TUB, dans sa version résultant du decreto
legislativo no 72 (décret législatif no 72), du 12 mai 2015, qui a transposé en droit italien le contenu de la directive CRD IV.
( 7 ) Le paragraphe 2 renvoyait, pour la détermination spécifique de ces exigences, à une disposition future [qui devait être adoptée par le Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances), avec l’avis préalable de la Banque d’Italie], qui n’a pas été adoptée.
( 8 ) Decreto no 144 – Regolamento recante norme per l’individuazione dei requisiti di onorabilità dei partecipanti al capitale sociale delle banche e fissazione della soglia rilevante (décret no 144, règlement portant les règles de définition des conditions d’honorabilité des titulaires de participations dans le capital des banques et fixation des seuils pertinents ; ci-après le « décret no 144 de 1998 »).
( 9 ) Legge no 241 – Nuove norme in materia di procedimento amministrativo e di diritto di accesso ai documenti amministrativi (loi no 241 portant nouvelles dispositions relatives à la procédure administrative et au droit d’accès aux documents administratifs), telle que modifiée par la legge no 15, du 11 février 2005.
( 10 ) Decreto legislativo no 104, du 2 juillet 2010.
( 11 ) Decreto legislativo no 53 – Attuazione della direttiva 2011/89/UE (décret législatif no 53, transposition de la directive 2011/89/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2011, modifiant les directives 98/78/CE, 2002/87/CE, 2006/48/CE et 2009/138/CE en ce qui concerne la surveillance complémentaire des entités financières des conglomérats financiers (JO 2011, L 326, p. 113)]) qui a étendu aux compagnies financières holding mixtes l’application des conditions d’honorabilité des
dirigeants qui étaient exigées pour les établissements bancaires.
( 12 ) Il s’agissait d’une « “fusion intra-groupe”, avec un rapport d’échange de 1 pour 1 », en vue de la simplification de la société et de la rationalisation de l’organisation du groupe bancaire, puisque la société Mediolanum détenait 100 % des actions de Banca Mediolanum.
( 13 ) Fininvest a ainsi acquis le contrôle d’environ 30,124 % du capital de Banca Mediolanum, mais elle ne disposait que du contrôle effectif de 9,999 % dudit capital, puisque les restants 20,125 % étaient soumis à la suspension des droits de vote et à l’obligation de cession imposée par la Banque d’Italie.
( 14 ) Concernant l’exception tirée de l’absence d’intérêt à agir, soulevée par la Banque d’Italie, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a considéré que la lettre du 23 juillet 2015 avait un caractère purement confirmatif, puisqu’elle étendait, sans une nouvelle appréciation autonome, l’obligation de cession d’actifs précédemment ordonnée à l’égard des actions de la société Mediolanum. Partant, l’éventuelle annulation de l’acte confirmé entraînait automatiquement celle de l’acte confirmatif.
( 15 ) Directive 2007/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, modifiant la directive 92/49/CEE du Conseil et les directives 2002/83/CE, 2004/39/CE, 2005/68/CE et 2006/48/CE en ce qui concerne les règles de procédure et les critères d’évaluation applicables à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participation dans des entités du secteur financier (JO 2007, L 247, p. 1).
( 16 ) Selon le Consiglio di Stato (Conseil d’État), il n’y avait pas eu d’abrogation tacite de la disposition réglementaire par l’effet de la directive 2007/44. En effet, une condition indispensable de l’abrogation tacite est que les règles en cause portent sur une même situation ; or, dans le cas d’espèce, les deux dispositions avaient des champs d’application totalement différents : la disposition de droit de l’Union concernait l’acquisition de la participation, tandis que le décret no 144 de
1998 visait les participations acquises antérieurement et, partant, effectivement détenues.
( 17 ) ECB/SSM/20016-7LVZJ6XRIE7VNZ4UBX81/4 (ci-après la « décision de la BCE de 2016 »).
( 18 ) Affaire Fininvest et Berlusconi/BCE (T‑913/16).
( 19 ) Arrêts du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission (C‑97/91, EU:C:1992:491, point 9) ; du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission (C‑407/04 P, EU:C:2007:53, point 62) ; du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 91), et du 17 septembre 2014, Liivimaa Lihaveis (C‑562/12, EU:C:2014:2229, point 48).
( 20 ) Ce type de procédures relève de ce que la doctrine appelle la coadministration ou l’administration intégrée. Voir Ziller, J., « Les concepts d’administration directe, d’administration indirecte et de coadministration et les fondements du droit administratif européen », in Auby, J.-B., et Dutheil de La Rochère, J. (éd.), Traité de droit administratif européen, Bruylant, Bruxelles, 2014, p. 327 et suiv. ; Hofmann, H. C. H., « Conclusions : Europe’s integrated administration », in Hofmann, H. C.
H., et Türk, A. (éd.), EU Administrative Governance, p. 583 ; Schmidt-Aßmann, E., « Introduction », in Jansen, O., et Schöndorf-Haubold, B. (éd.), The European Composite Administration, Intersentia, Bruxelles, 2011, p. 6 à 8.
( 21 ) Une proposition doctrinale ambitieuse de codification des procédures administratives de l’Union a été avancée par Mir, O., Hofmann, H. C. H., Schneider, J.-P., Ziller, J., et autres (éd.), Código ReNEUAL de procedimiento administrativo de la Unión Europea, INAP, Madrid, 2015. L’article I-4 (4) du code ReNEUAL définit la « procédure complexe » comme une procédure administrative dans laquelle les autorités de l’Union et celles d’un État membre ou de différents États membres se voient attribuer
des fonctions distinctes qui sont interdépendantes. Constitue également une procédure complexe la combinaison de deux procédures administratives directement liées.
( 22 ) Alonso de León, S., Composite Administrative Procedures in the European Union, Iustel, Madrid, 2017 ; Della Cananea, G., « I procedimenti amministrativi composti dell’Unione europea », in Bignami, F., et Cassese, S. (dir.), Il procedimento amministrativo nel diritto europeo, Giuffrè, Milan, 2004 ; Mastrodonato, G., Procedimenti amministrativi composti nel diritto comunitario, Cacucci, Bari, 2007 ; Hofmann, H. C. H., « Composite Decision-Making Procedures in EU Administrative Law », in
Hofmann, H. C. H., et Türk, A., Legal Challenges in EU Administrative Law. Towards an Integrated Administration, Edward Elgar, Cheltenham, 2009, p. 136.
( 23 ) Une étude récente a été publiée dans Brito Bastos, F., « Derivative Illegality in European Composite Administrative Procedures », Common Market Law Review, 2018, no 1, p. 101 à 134.
( 24 ) Alonso de León, S., Composite administratives procedures in the European Union, Iustel, Madrid, 2017, p. 273 à 318. Voir également les travaux de Eliantonio, M., « Judicial Review in an Integrated Administration : the Case of “Composite Procedures” », Review of European Administrative Law, 2014, no 2, p. 65 à 102 ; et de Türk, A., « Judicial Review of Integrated Administration in the EU », in Hofmann, H. C. H., et Türk, A., Legal Challenges in EU Administrative Law. Towards an Integrated
Administration, Edward Elgar, Cheltenham, 2009, p. 218 à 256, et, notamment, p. 222 à 224.
( 25 ) Voir Prechal, S., Widdershoven, R., Jans, J., « Introduction », in Jans, J., Prechal, S., Widdershoven, R. (éd.), Europeanisation of Public Law, Europa Law Publishing, Amsterdam, 2015, p. 33.
( 26 ) Arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, points 14 et 15). Voir également arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, points 27 et 30) ; et du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 95).
( 27 ) Arrêt du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission (C‑97/91, EU:C:1992:491).
( 28 ) Arrêt du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission (C‑97/91, EU:C:1992:491, points 9 à 12) ; et ordonnance du président la Cour du 13 janvier 2009, Occhetto et Parlement/Donnici [C‑512/07 P(R) et C‑15/08 P(R), EU:C:2009:3, point 50].
( 29 ) Arrêt du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission (C‑97/91, EU:C:1992:491, point 13). Selon cet arrêt, la juridiction nationale devait considérer comme recevable le recours introduit, même si les règles de procédure internes ne le prévoient pas en pareil cas.
( 30 ) Arrêt du 17 septembre 2014, Liivimaa Lihaveis (C‑562/12, EU:C:2014:2229, point 56).
( 31 ) Règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25).
( 32 ) La Cour a considéré que « le règlement no 1083/2006, lu en combinaison avec l’article 47 de la [charte des droits fondamentaux de l’Union européenne], doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’un manuel de programme adopté par un comité de suivi dans le cadre d’un programme opérationnel conclu entre deux États membres et visant à promouvoir la coopération territoriale européenne, en tant que cette disposition ne prévoit pas qu’une décision de ce comité de suivi
rejetant une demande de subvention puisse faire l’objet d’un recours devant une juridiction d’un État membre » (arrêt du 17 septembre 2014, Liivimaa Lihaveis, C‑562/12, EU:C:2014:2229, point 76).
( 33 ) Le règlement (CEE) no 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 1992, L 208, p. 1), a instauré une procédure complexe dans laquelle les associations de producteurs présentent les demandes d’enregistrement d’une DOP ou d’une IGP devant leurs autorités nationales. Ces dernières doivent vérifier que la demande est justifiée, et, quand elles estiment que les
conditions du règlement sont satisfaites, elles la transmettent à la Commission qui procède alors à un simple examen formel tendant à vérifier si ces conditions sont respectées.
( 34 ) Arrêt du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659, points 57 et 58). Voir également, arrêt du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, points 55 à 57).
( 35 ) Il s’agissait de l’enregistrement de la dénomination « Spreewälder Gurken » effectué en vertu du règlement (CE) no 590/1999 de la Commission, du 18 mars 1999, complétant l’annexe du règlement (CE) no 1107/96 relatif à l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine au titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement (CEE) no 2081/92 (JO 1999, L 74, p. 8).
( 36 ) Arrêt du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659, points 57 et 58). Voir, dans le même sens, arrêt du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, points 64 à 67).
( 37 ) Ce fut le cas des proclamations faites par le bureau électoral italien qui firent l’objet de l’arrêt du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement (C‑393/07 et C‑9/08, EU:C:2009:275, points 74 et 75) ; et de l’ordonnance du président de la Cour du 13 janvier 2009, Occhetto et Parlement/Donnici [C‑512/07 P(R) et C‑15/08 P(R), EU:C:2009:3]. En déclarant, contrairement à ladite proclamation, invalide le pouvoir de M. Beniamino Donnici et en confirmant le mandat de M. Achille Occhetto, la
décision attaquée avait enfreint l’article 12 dudit acte.
( 38 ) Arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 12), et du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission (C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656).
( 39 ) Arrêt du 17 octobre 1995, Pays Bas/Commission (C‑478/93, EU:C:1995:324, points 34 à 40).
( 40 ) Les États membres n’ont pas été investis, ni par le Conseil ni par la Commission, d’un pouvoir de décision pour gérer le contingent d’importation, mais sont appelés à assumer certaines fonctions techniques pour le compte et sous le contrôle de la Commission (par exemple, établir la liste des opérateurs ainsi que la quantité moyenne de bananes que chaque opérateur a vendue dans les trois dernières années pour lesquelles des chiffres sont disponibles). Ce rôle des États membres dans la collecte
et la transmission des données ne saurait cependant empêcher la Commission, appelée à assurer la gestion quotidienne de l’organisation commune des marchés, de contrôler l’exactitude de ces données et de les redresser s’il s’avère que des doubles comptages risquent de fausser la base du régime d’importation.
( 41 ) Arrêt du 21 mars 2000, Greenpeace France e.a. (C‑6/99, EU:C:2000:148).
( 42 ) Directive 90/220/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (JO 1990, L 117, p. 15), telle que modifiée par la directive 97/35/CE de la Commission, du 18 juin 1997, portant deuxième adaptation au progrès technique de la directive 90/220/CEE (JO 1997, L 169, p. 72). L’autorisation de semences génétiquement modifiées devait faire l’objet d’une demande présentée devant l’autorité compétente nationale. Cette
dernière, après avoir analysé son impact sur la santé humaine et l’environnement, transmettait la demande à la Commission avec un avis favorable. La Commission communiquait à son tour à tous les États membres ladite demande, afin qu’ils formulent d’éventuelles objections. Si la Commission a pris une « décision favorable » en application de l’article 13, paragraphe 4, de la directive en question, l’autorité compétente est tenue de délivrer le « consentement écrit » permettant la mise sur le marché du
produit.
( 43 ) Arrêt du 21 mars 2000, Greenpeace France e.a. (C‑6/99, EU:C:2000:148, point 57).
( 44 ) Arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802).
( 45 ) Règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).
( 46 ) Arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 94) ; voir, dans le même sens, ordonnance du président de la Cour du 13 janvier 2009, Occhetto et Parlement/Donnici [C‑512/07 P(R) et C‑15/08 P(R), EU:C:2009:3, point 53].
( 47 ) Règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).
( 48 ) L’article 22 de la directive CRD IV assimile, quant à son traitement, l’acquisition d’une participation qualifiée à son augmentation, directe ou indirecte, qui se produit lorsque la proportion des droits de vote ou de parts de capital détenue par la personne concernée atteint ou dépasse les seuils de 20 %, de 30 % ou de 50 % ou que l’établissement de crédit devient sa filiale.
( 49 ) Il s’agit de l’honorabilité du candidat acquéreur ; la réputation et l’expérience des dirigeants proposés ; la solidité financière du candidat acquéreur ; l’influence exercée sur l’établissement et le risque de liens avec des opérations de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
( 50 ) Orientations communes de l’ABE (Autorité bancaire européenne), de l’AEAPP (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) et de l’AEMF (Autorité européenne des marchés financiers) relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier (JC/GL/2016/01), p. 15 à 24. Leurs différentes versions linguistiques sont disponibles sur le site Internet du Joint Committee of the European
Supervisory Authorities à l’adresse https://esas-joint-committee.europa.eu/Pages/Guidelines/Joint-Guidelines-on-the-prudential-assessment-of-acquisitions-and-increases-of-qualifying-holdings-in-the-banking,-insuranc.aspx.
( 51 ) Règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 12).
( 52 ) En vertu de l’article 16, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 1093/2010, « [d]ans un délai de deux mois suivant l’émission d’une orientation ou d’une recommandation, chaque autorité compétente indique si elle respecte ou entend respecter cette orientation ou recommandation. Si une autorité compétente ne la respecte pas ou n’entend pas la respecter, elle en informe l’Autorité en motivant sa décision ».
( 53 ) BCE, Guide relatif à la surveillance bancaire, 2014, p. 27 à 30.
( 54 ) Dans la présente espèce, la BCE a modifié certains points du projet de décision présenté par la Banque d’Italie, à la suite des observations de Fininvest à l’audition devant la BCE. Cela confirme, si besoin était, l’indépendance de la BCE s’agissant de décider à titre définitif dans ce type de procédures.
( 55 ) Voir, dans le même sens, Lackhoff, K., Single Supervisory Mechanism. A Practitioner’s Guide, Beck, Hart, Nomos, Munich, 2017, p. 172 : la procédure d’autorisation de participations qualifiées « does not consist in a two-step procedure (with a national and an ECB part) as the authorization procedure but is in its entirety an ECB supervisory procedure » [ne consiste pas en une procédure en deux étapes (avec une partie nationale et une partie devant la BCE) constitutives de la procédure
d’autorisation, mais constitue dans son intégralité une procédure de surveillance prudentielle de la BCE].
( 56 ) Décision de la Banque centrale européenne, du 14 avril 2014, concernant la mise en place d’une commission administrative de réexamen et ses règles de fonctionnement (BCE/2014/16) (JO 2014, L 175, p. 47). Sur le rôle de cet organe interne de contrôle administratif, voir Brescia Morra, C., Smits, R., et Magliari, A., « The Administrative Board of Review of the European Central Bank: Experience After 2 Years », European Business Organisation Law Review, 2017, p. 567 à 589.
( 57 ) Lors de l’audience, la BCE a affirmé que cette hypothèse n’est pas habituelle.
( 58 ) Le projet de décision de l’ACN est rédigé en langue anglaise dans tous les cas, en vue de sa transmission à la BCE, puisque celle-ci est la langue de communication entre les ACN et la BCE au sein du MSU (article 23 du règlement-cadre MSU). La décision finale de la BCE est, quant à elle, traduite dans la langue du requérant.
( 59 ) En vertu de cette disposition, « [s]i le demandeur satisfait à toutes les conditions d’agrément prévues par le droit national de [l’] État membre, l’autorité compétente nationale arrête, dans le délai prévu par le droit national, un projet de décision proposant à la BCE d’octroyer l’agrément. Ce projet de décision est notifié à la BCE et au demandeur. Dans les autres cas, l’autorité compétente nationale rejette la demande d’agrément ».
( 60 ) Selon la lettre de cette disposition : « Dans la mesure nécessaire pour accomplir les tâches qui lui incombent en vertu du présent règlement, la BCE peut demander, par voie d’instructions, que les autorités nationales précitées fassent usage de leurs pouvoirs, conformément aux dispositions nationales en vigueur, lorsque le présent règlement ne confère pas de tels pouvoirs à la BCE. Lesdites autorités nationales informent dûment la BCE de l’exercice de ces pouvoirs. »
( 61 ) Voir les analyses de Chiti, E., et Recine, F., « The Single Supervisory Mechanism in Action : Institutional Adjustment and the Reinforcement of the ECB Position », European Public Law, 2018, no 24, p. 103 à 108 ; et de Lamandini, M., et Ramos Muñoz, D., EU Financial Law, CEDAM Legal Studies, Wolters Kluwer, 2016, p. 183 à 212.
( 62 ) Cette idée a été mise en relief par le Tribunal dans son arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE (T‑122/15, EU:T:2017:337, point 54), contre lequel un pourvoi est pendant (affaire C‑450/17 P). Voir commentaires de D’Ambrosio, R., et Lamandini, M., « La “prima volta” del Tribunale dell’Unione europea in materia di Meccanismo di Vigilanza Unico », Giurisprudenza commerciale, 2017, p. 594 à 599 ; et de Adalid, S., « Le MSU, nouveau sous‑système de droit de l’Union
européenne », Revue des affaires européennes, 2017, no 2, p. 373 à 370.
( 63 ) Arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 93 et 94) ; voir, dans le même sens, ordonnance du président de la Cour du 13 janvier 2009, Occhetto et Parlement/Donnici [C‑512/07 P(R) et C‑15/08 P(R), EU:C:2009:3, point 53].
( 64 ) Voir, en particulier, arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, points 9 et 10) ; du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 16), et du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, point 51).
( 65 ) Face à un acte d’une ACN qui aurait le même contenu que celui de la BCE, les arrêts de la juridiction nationale et de la Cour pourraient être divergents. Ce serait le cas, en l’espèce, en présence d’un arrêt du tribunal italien et d’un autre du Tribunal qui présenteraient des solutions contradictoires.
( 66 ) Aux termes de cette disposition : « Aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le présent règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et que ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre
d’options, la BCE applique également la législation nationale faisant usage de ces options. »
( 67 ) La BCE se considère compétente pour exercer la fonction de surveillance prudentielle et pratique une application exhaustive des dispositions nationales, y compris dans des domaines de la surveillance bancaire régis par des dispositions de droit interne des États membres et qui ne sont pas prévus expressément par le droit de l’Union. Cela est précisé dans une communication aux ANC : BCE, Additional Clarification Regarding the ECB’s Competence to exercise Supervisory Powers Granted under
National Law, lettre SSM/2017/0140, du 31 mars 2017, disponible à l’adresse Internet https://www.bankingsupervision.europa.eu/banking/letterstobanks/shared/pdf/2017/Letter_to_SI_Entry_point_information_letter.pdf?abdf436e51b6ba34d4c53334f0197612
Voir commentaires de Smits, R., « Competences and Alignment in an Emerging Future. After L-Bank : How the Eurosystem and the Single Supervisory Mechanism May Develop », ADEMU Working Papers Series 2017/077, p. 16 à 24.
( 68 ) Comme l’a relevé la Commission lors de l’audience, en réponse à la défense résolue de la singularité de cet instrument procédural italien par les avocats de M. Berlusconi, il est certain que dans de nombreux autres États membres il existe des mécanismes juridictionnels tendant à garantir les effets des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée.
( 69 ) Au point 2.2.1 de sa décision de 2016, la BCE a pris en compte les procédures pénales ou de sanction, pendantes ou ayant donné lieu à une condamnation, définitive ou non, à l’encontre de MM. Ubaldo Livolsi, Ferdinando Superti Furga et Silvio Berlusconi, ainsi qu’à l’encontre de Fininvest, pour déclarer que les acquéreurs de la participation qualifiée ne satisfaisaient pas la condition d’honorabilité au sens des dispositions de droit italien et de droit de l’Union, appliquées conformément aux
orientations communes de l’ABE (Autorité bancaire européenne), de l’AEAPP (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) et de l’AEMF (Autorité européenne des marchés financiers) relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier.
( 70 ) Point 2.2.2 in fine de la décision de la BCE de 2016.
( 71 ) Dans l’arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434), la Cour a jugé, en substance, que le droit de l’Union s’oppose à l’application d’une disposition nationale, telle que l’article 2909 du code civil italien, qui vise à consacrer le principe de la force de chose jugée, en tant que son application ferait obstacle à la récupération d’une aide d’État qui a été octroyée en violation du droit de l’Union et dont l’incompatibilité avec le marché commun avait été constatée par une
décision de la Commission devenue définitive (arrêts du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, EU:C:2009:506, point 25 ; du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti, C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 61 ; et du 11 novembre 2015, Klausner Holz Niedersachsen, C‑505/14, EU:C:2015:742, point 45).