ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
31 mai 2018 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Services postaux dans l’Union européenne – Directive 97/67/CE – Articles 2, 7 et 9 – Directive 2008/6/CE – Notion de “prestataire de services postaux” – Entreprises de transport routier, du fret et du courrier exprès qui fournissent des services de levée, de tri, d’acheminement et de distribution des envois postaux – Autorisation requise pour la fourniture au public de services postaux – Contribution aux coûts du service universel »
Dans les affaires jointes C‑259/16 et C‑260/16,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), par décisions du 27 janvier 2016, parvenues à la Cour le 10 mai 2016 (C‑259/16) et le 11 mai 2016 (C‑260/16), dans les procédures
Confederazione Generale Italiana dei Trasporti e della Logistica (Confetra) (C‑259/16),
Associazione Nazionale Imprese Trasporti Automobilistici (C‑259/16),
Fercam SpA (C‑259/16),
Associazione non Riconosciuta Alsea (C‑259/16),
Associazione Fedit (C‑259/16),
Carioni Spedizioni Internazionali Srl (C‑259/16),
Federazione Nazionale delle Imprese di Spedizioni Internazionali – Fedespedi (C‑259/16),
Tnt Global Express SpA (C‑259/16),
Associazione Italiana dei Corrieri Aerei Internazionali (AICAI) (C‑260/16),
DHL Express (Italy) Srl (C‑260/16),
Federal Express Europe Inc. (C‑260/16),
United Parcel Service Italia Ups Srl (C‑260/16)
contre
Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni,
Ministero dello Sviluppo Economico,
en présence de :
Poste Italiane SpA (C‑260/16),
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), président de chambre, MM. E. Levits, A. Borg Barthet, Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 septembre 2017,
considérant les observations présentées :
– pour la Confederazione Generale Italiana dei Trasporti e della Logistica (Confetra), la Federazione Nazionale delle Imprese di Spedizioni Internazionali – Fedespedi, l’Associazione Nazionale Imprese Trasporti Automobilistici, l’Associazione non Riconosciuta Alsea et l’Associazione Fedit, ainsi que pour Fercam SpA, Tnt Global Express SpA et Carioni Spedizioni Internazionali Srl, par Mes S. Romano et A. Romano, avvocati,
– pour l’Associazione Italiana dei Corrieri Aerei Internazionali (AICAI) ainsi que pour DHL Express (Italy) Srl et Federal Express Europe Inc., par Mes M. Giordano et L. Daniele, avvocati,
– pour United Parcel Service Italia Ups Srl, par Me A. Boso Caretta, avvocato,
– pour Poste Italiane SpA, par Mes A. Sandulli, A. Fratini et G. Pandolfi, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement français, par M. R. Coesme, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme P. Costa de Oliveira et M. L. Malferrari, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 novembre 2017,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 2, points 1, 1 bis, 6 et 19, de l’article 7, paragraphe 4, ainsi que de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008 (JO 2008, L 52, p. 3) (ci-après la « directive 97/67 »).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, respectivement, la Confederazione Generale Italiana dei Trasporti e della Logistica (Confetra), la Federazione Nazionale delle Imprese di Spedizioni Internazionali – Fedespedi, l’Associazione Nazionale Imprese Trasporti Automobilistici, l’Associazione non Riconosciuta Alsea, l’Associazione Fedit, Fercam SpA, Tnt Global Express SpA et Carioni Spedizioni Internazionali Srl (C‑259/16), ainsi que l’Associazione Italiana dei Corrieri
Aerei Internazionali (AICAI), DHL Express (Italy) Srl, Federal Express Europe Inc. et United Parcel Service Italia Ups Srl (C‑260/16), associations d’entreprises et entreprises opérant dans le secteur du fret, du transport routier ou du courrier exprès, à l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (autorité de régulation des communications, Italie) (ci-après l’« AGCOM ») et au Ministero dello Sviluppo Economico (ministère du Développement économique, Italie) au sujet de la légalité d’actes
réglementaires adoptés aux fins de transposer la directive 97/67.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes des considérants 10, 18, 22 et 23 de la directive 97/67 :
« (10) considérant que, conformément au principe de subsidiarité, un cadre de principes généraux devrait être adopté au niveau communautaire, tandis que la fixation des procédures précises doit incomber aux États membres, qui devraient pouvoir choisir le régime le mieux adapté à leur situation propre ;
[...]
(18) considérant que, eu égard au fait que la différence essentielle entre le courrier exprès et le service postal universel réside dans la valeur ajoutée (quelle qu’en soit la forme) apportée par les services exprès aux clients et perçue par eux, la meilleure façon de déterminer la valeur ajoutée perçue étant d’examiner le surcoût que les clients sont disposés à payer, sans préjudice, toutefois, de la limite de prix du secteur réservé qui doit être respectée ;
[...]
(22) considérant que les États membres devraient avoir la faculté de réglementer, par des procédures d’autorisation appropriées, sur leur territoire, la prestation des services postaux qui ne sont pas réservés aux prestataires du service universel ; que ces procédures doivent être transparentes, non discriminatoires, proportionnées et fondées sur des critères objectifs ;
(23) considérant que les États membres doivent avoir la faculté de lier l’octroi des licences à des obligations de service universel ou à des contributions financières à un fonds de compensation destiné à dédommager le prestataire du service universel pour les charges financières inéquitables qui résultent pour lui de la prestation de ce service ; que les États membres doivent avoir la faculté d’inclure dans les autorisations une obligation prévoyant que les activités autorisées ne doivent pas
porter atteinte aux droits exclusifs ou spéciaux octroyés aux prestataires du service universel pour les services réservés ; que l’introduction d’un système d’identification du publipostage pour des raisons de contrôle peut être prévue lorsque le publipostage sera libéralisé ».
4 L’article 2 de cette directive énonce :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “services postaux” : des services qui consistent en la levée, le tri, l’acheminement et la distribution des envois postaux ;
1bis) “prestataire de services postaux” : une entreprise qui fournit un ou plusieurs services postaux ;
[...]
6) “envoi postal” : un envoi portant une adresse sous la forme définitive dans laquelle il doit être acheminé par le prestataire de services postaux. Il s’agit, en plus des envois de correspondance, par exemple de livres, de catalogues, de journaux, de périodiques et de colis postaux contenant des marchandises avec ou sans valeur commerciale ;
[...]
13) “prestataire du service universel” : le prestataire de services postaux public ou privé qui assure la totalité ou une partie du service postal universel dans un État membre et dont l’identité a été communiquée à la Commission conformément à l’article 4 ;
14) “autorisations” : toute autorisation fixant les droits et les obligations spécifiques du secteur postal et permettant à des entreprises de prester des services postaux et, le cas échéant, d’établir et/ou d’exploiter leurs réseaux pour la prestation de ces services, sous la forme d’une autorisation générale ou d’une licence individuelle telles que définies ci-après :
– par “autorisation générale”, on entend une autorisation qui n’impose pas au prestataire de services postaux concerné d’obtenir une décision explicite de l’autorité réglementaire nationale avant d’exercer les droits qui découlent de l’autorisation, que celle-ci soit régie ou non par une “licence par catégorie” ou par le droit commun et que cette réglementation exige ou non des procédures d’enregistrement ou de déclaration,
– par “licence individuelle”, on entend une autorisation qui est octroyée par une autorité réglementaire nationale et qui donne au prestataire de services postaux des droits spécifiques ou soumet les activités dudit prestataire à des obligations spécifiques complémentaires de l’autorisation générale le cas échéant, lorsque le prestataire de services postaux n’est pas habilité à exercer les droits concernés avant d’avoir reçu la décision de l’autorité réglementaire nationale ;
[...]
19) “exigences essentielles” : les raisons générales de nature non économique qui peuvent amener un État membre à imposer des conditions pour la prestation de services postaux. Ces raisons sont la confidentialité de la correspondance, la sécurité du réseau en ce qui concerne le transport de matières dangereuses, le respect des conditions de travail et des régimes de sécurité sociale prévus par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives et/ou par les conventions collectives
négociées entre partenaires sociaux au niveau national, conformément au droit communautaire et à la législation nationale et, dans les cas justifiés, la protection des données, la protection de l’environnement et l’aménagement du territoire. La protection des données peut comprendre la protection des données à caractère personnel, la confidentialité des informations transmises ou stockées ainsi que la protection de la vie privée ;
[...] »
5 L’article 7 de ladite directive prévoit :
« 1. Les États membres n’accordent pas ou ne maintiennent pas en vigueur de droits exclusifs ou spéciaux pour la mise en place et la prestation de services postaux. Les États membres peuvent financer la prestation de services universels par un ou plusieurs des moyens prévus aux paragraphes 2, 3 et 4 ou par tout autre moyen compatible avec le traité.
[...]
3. Lorsqu’un État membre détermine que les obligations de service universel prévues par la présente directive font supporter un coût net, calculé en tenant compte des dispositions de l’annexe I, et constituent une charge financière inéquitable pour le ou les prestataires du service universel, il peut introduire :
a) un mécanisme de dédommagement des entreprises concernées par des fonds publics ; ou
b) un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel entre les prestataires de services et/ou les utilisateurs.
4. Lorsque le coût net est partagé conformément au paragraphe 3, point b), les États membres peuvent mettre en place un fonds de compensation qui peut être financé par une redevance imposée aux prestataires de services et/ou aux utilisateurs et administré à cette fin par un organisme indépendant du ou des bénéficiaires. Les États membres peuvent lier l’octroi des autorisations aux prestataires de services prévues à l’article 9, paragraphe 2, à l’obligation de contribuer financièrement à ce fonds
ou de se conformer aux obligations de service universel. Les obligations de service universel qui incombent au(x) prestataire(s) du service universel visée(s) à l’article 3 peuvent faire l’objet d’un financement de ce type.
5. Les États membres veillent à ce que les principes de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité soient respectés lors de l’établissement du fonds de compensation et de la fixation du niveau des contributions financières visées aux paragraphes 3 et 4. Les décisions prises en vertu des paragraphes 3 et 4 se fondent sur des critères objectifs et vérifiables et sont rendues publiques. »
6 L’article 9 de la même directive prévoit :
« 1. Pour ce qui est des services qui ne relèvent pas du service universel, les États membres peuvent introduire des autorisations générales dans la mesure où cela est nécessaire pour garantir le respect des exigences essentielles.
2. Pour ce qui est des services qui relèvent du service universel, les États membres peuvent introduire des procédures d’autorisation, y compris des licences individuelles, dans la mesure où cela est nécessaire pour garantir le respect des exigences essentielles et la prestation du service universel.
L’octroi d’autorisations peut :
– être subordonné à des obligations de service universel ;
– si cela est nécessaire et justifié, être assorti d’exigences concernant la qualité, la disponibilité et la réalisation des services correspondants,
– le cas échéant, être subordonné à l’obligation de contribuer financièrement aux mécanismes de partage des coûts visés à l’article 7, si la prestation du service universel entraîne un coût net et constitue une charge financière inéquitable pour le ou les prestataires du service universel désignés conformément à l’article 4,
– le cas échéant, être subordonné à l’obligation de contribuer financièrement aux coûts de fonctionnement de l’autorité réglementaire nationale visée à l’article 22,
– le cas échéant, être subordonné à l’obligation de respecter les conditions de travail prévues par la législation nationale ou imposer le respect de ces conditions.
Les obligations et exigences visées au premier tiret ainsi qu’à l’article 3 ne peuvent être imposées qu’aux prestataires du service universel désignés.
[...]
3. Les procédures, obligations et exigences visées aux paragraphes 1 et 2 sont transparentes, accessibles, non discriminatoires, proportionnées, précises et univoques ; elles sont publiées préalablement et se fondent sur des critères objectifs. Les États membres veillent à ce que les raisons pour lesquelles une autorisation est refusée ou retirée entièrement ou partiellement soient communiquées au demandeur et établissent une procédure de recours. »
7 En vertu des considérants 17, 27 et 28 de la directive 2008/6 :
« (17) Un service limité à l’acheminement ne devrait pas être considéré comme relevant des services postaux. [...]
[...]
(27) Les prestataires de services postaux peuvent être tenus de contribuer au financement du service universel lorsqu’un fonds de compensation est prévu. Afin de déterminer quelles entreprises pourraient être appelées à cotiser au fonds de compensation, les États membres devraient examiner si les services qu’elles fournissent peuvent, du point de vue de l’utilisateur, être considérés comme des services relevant du service universel du fait qu’ils présentent un degré suffisant d’interchangeabilité
avec celui-ci, compte tenu de leurs caractéristiques, y compris les aspects sur lesquels ils apportent une valeur ajoutée, ainsi que de l’usage et de la tarification qui leur sont réservés. Ces services ne doivent pas nécessairement réunir toutes les caractéristiques du service universel, comme la distribution quotidienne du courrier ou la couverture de l’ensemble du territoire national.
(28) Afin de se conformer au principe de proportionnalité pour déterminer dans un État membre la contribution aux coûts de la prestation du service universel demandée à ces entreprises, les États membres devraient utiliser des critères transparents et non discriminatoires, tels que la part de ces entreprises dans les activités qui relèvent du service universel dans cet État membre. Les États membres peuvent imposer aux prestataires qui sont tenus de contribuer à un fonds de compensation, de
prévoir une comptabilité séparée appropriée pour assurer le fonctionnement du fonds. »
Le droit italien
8 La directive 97/67 a été transposée en droit italien par le decreto legislativo n. 261 – Attuazione della direttiva 97/67/CE concernente regole comuni per lo sviluppo del mercato interno dei servizi postali comunitari e per il miglioramento della qualita’ del servizio (décret législatif no 261, portant transposition de la directive 97/67/CE concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service), du
22 juillet 1999 (GURI no 182, du 5 août 1999), tel que modifié par le decreto legislativo n. 58 – Attuazione della direttiva 2008/6/CE che modifica la direttiva 97/67/CE, per quanto riguarda il pieno completamento del mercato interno dei servizi postali della Comunita (décret législatif no 58, portant transposition de la directive 2008/6/CE modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Commission), du 31 mars 2011 (GURI no 98, du
24 avril 2011) (ci-après le « décret législatif no 261/99 »). Les termes utilisés par le décret législatif no 261/99 pour définir les notions de « services postaux », de « prestataires de services postaux » et d’« envoi postal » sont en substance les mêmes que ceux figurant dans la directive 97/67.
9 En vertu de l’article 6 du décret législatif no 261/99 :
« 1. L’offre au public de services qui ne relèvent pas du service universel, y compris celle de la fourniture de boîtes postales privées pour la distribution d’envois de correspondance, est soumise à [...] autorisation générale [...]
1bis. La délivrance de l’autorisation générale, y compris pour le prestataire du service universel, compte tenu de la situation du marché et de l’organisation des services postaux, peut être soumise à des obligations spécifiques du service universel, y compris en ce qui concerne la qualité, la disponibilité et la réalisation des services correspondants, ainsi qu’à des obligations de contribution financière aux mécanismes de partage des coûts visés à l’article 10 du présent décret. Ces
obligations sont déterminées par décision de l’autorité réglementaire.
2. L’autorité réglementaire détermine, par une décision adoptée dans les 180 jours suivant l’entrée en vigueur du décret législatif portant mise en œuvre de la directive 2008/6, les cas dans lesquels l’activité peut démarrer dès l’envoi au ministère du développement économique [...], d’une déclaration certifiée informant du début d’activité [...]
3. La décision visée au paragraphe 2 détermine les exigences et obligations imposées aux entités exerçant des activités soumises à autorisation générale, y compris les obligations en matière de conditions de travail visées à l’article 18bis, les modalités de contrôle dans les lieux d’exploitation ainsi que les procédures de mise en demeure, de suspension et d’interdiction de l’activité en cas de violation des obligations. »
10 Selon l’article 10, paragraphes 1 à 3, du décret législatif no 261/99 :
« 1. Le fonds de compensation des obligations du service universel est institué. Il est géré par le ministère des communications et vise à garantir l’accomplissement du service universel ; il est alimenté lorsque le prestataire du service universel ne tire pas de la prestation dudit service et des services exclusifs visés à l’article 4 des recettes suffisantes pour garantir l’exécution des obligations lui incombant.
2. Sont tenus de contribuer au fonds prévu au paragraphe 1 les titulaires de licences individuelles et d’autorisations générales, dans la limite maximale de 10 % des recettes brutes relatives aux services qui se substituent aux services relevant du service universel et qui découlent de l’activité autorisée.
3. La contribution est déterminée, selon les principes de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité, par l’autorité réglementaire sur la base des coûts d’une gestion efficace du service universel. »
11 En vertu de l’article 18 bis du décret législatif no 261/99, les prestataires de services postaux auxquels se réfère l’article 3, paragraphes 11, 5 et 6, de celui-ci doivent respecter les obligations en matière de conditions de travail prévues par la législation nationale et par les contrats collectifs applicables.
12 Par la décision no 129/15/CONS du 11 mars 2015 (ci-après la « décision no 129/15 »), l’AGCOM a approuvé le regolamento in materia di titoli abilitativi per l’offerta al pubblico di servizi postali (règlement en matière d’agrément pour l’offre au public de services postaux, ci-après le « règlement en matière d’agrément »), qui figure à son annexe A.
13 Selon l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, l’autorisation générale n’est pas requise pour exercer la seule activité d’acheminement.
14 Aux termes de l’article 10, paragraphe 4, sous c), dudit règlement, le demandeur d’une autorisation générale doit, au moment de présenter sa demande, respecter les obligations en matière de sécurité sociale de ses salariés. En vertu de l’article 10, paragraphe 8, sous f), de ce même règlement, le demandeur d’une autorisation générale doit, au moment de présenter sa demande, fournir la description des mesures adoptées pour garantir le respect des obligations de confidentialité de la
correspondance.
15 L’article 11, paragraphe 1, sous b) et f), du règlement en matière d’agrément énonce que le bénéficiaire d’une autorisation générale est tenu, respectivement, de se conformer aux dispositions en matière de conditions de travail prévues par la législation nationale et les contrats collectifs de travail du secteur postal, et de « contribuer au financement du coût de la prestation du service universel lorsque les conditions visées au considérant 27 de la directive [2008/6] et à l’article 10,
paragraphe 2, du [décret législatif no 261/99] sont réunies ».
16 L’article 15, paragraphe 2, de ce règlement dispose que « le titulaire d’une autorisation générale est tenu de contribuer au fonds de compensation des obligations de service universel lorsque sont remplies les conditions prévues au considérant 27 de la directive [2008/6] et à l’article 10, paragraphe 2, du [décret 261/99]. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
17 Les requérantes au principal sont des associations d’entreprises et des entreprises opérant dans les secteurs du transport routier, du fret et du courrier exprès (affaire C‑259/16) ou seulement dans le secteur du courrier exprès (affaire C‑260/16).
18 Ces entreprises et ces associations d’entreprises sont titulaires d’une autorisation générale pour l’exercice du service postal, au sens de l’article 6 du décret législatif no 261/99.
19 Les requérantes au principal ont saisi la juridiction de renvoi d’un recours tendant à l’annulation de la décision no 129/15, du règlement en matière d’agrément ainsi que du decreto del Ministro dello Sviluppo Economico – Disciplinare delle procedure per il rilascio dei titoli abilitativi per l’offerta al pubblico dei servizi postali (décret du ministre du Développement économique, portant réglementation des procédures de délivrance des agréments pour l’offre au public de services postaux), du
29 juillet 2015 (ci-après le « décret du 29 juillet 2015 »). Elles ont fait valoir que ces actes interprétaient de manière excessivement large la notion de « service postal » visée à l’article 2, point 1, de la directive 97/67, en incluant au nombre de ces services les activités qu’elles exercent. De surcroît, elles ont souligné que lesdits actes leur imposaient des obligations disproportionnées par rapport aux exigences fixées par cette directive.
20 En ce qui concerne l’interprétation de la notion de « service postal », la juridiction de renvoi est d’avis que celle-ci ne devrait pas comprendre les activités de transport routier, de fret et de courrier exprès. En effet, seuls les colis gérés par des prestataires de service postal et selon les modalités propres à ce service postal pourraient être qualifiés d’« envois postaux », au sens de l’article 2, point 6, de la directive 97/67. Ainsi, cette juridiction doute de la conformité des actes en
cause au principal à cette directive dans la mesure où ces actes, d’une part, excluraient du champ d’application de ladite directive uniquement les activités qui ont pour objet le seul transport physique de marchandises et, d’autre part, incluraient dans le service également les « services postaux à valeur ajoutée », tels que les services de courrier exprès.
21 En ce qui concerne la violation alléguée du principe de proportionnalité, la juridiction de renvoi fait observer, en premier lieu, que l’article 6, paragraphe 1, du décret législatif no 261/99 impose, indistinctement et de manière automatique, aux prestataires de services postaux qui ne relèvent pas du service universel d’obtenir une autorisation générale. Or, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 97/67, les États membres sont autorisés à introduire des autorisations générales
uniquement « dans la mesure où cela est nécessaire pour garantir le respect des exigences essentielles ».
22 En deuxième lieu, les actes en cause au principal, notamment les articles 10 et 11 du règlement en matière d’agrément, imposeraient des conditions pour obtenir une autorisation générale qui ne seraient pas prévues par la directive 97/67. En tout état de cause, ces conditions seraient disproportionnées par rapport aux activités effectivement exercées par les requérantes au principal. En particulier, la juridiction de renvoi souligne qu’aucune réglementation ne serait nécessaire pour assurer le bon
fonctionnement des marchés dans lesquels opèrent les requérantes au principal. En effet, ces marchés, contrairement au marché de services qui relèvent du service universel, seraient en mesure de s’autoréguler de façon efficace.
23 En troisième lieu, la juridiction de renvoi exprime ses doutes en ce qui concerne la légalité de l’obligation faite aux titulaires d’une autorisation générale de contribuer aux coûts du service universel, prévue à l’article 6, paragraphe 1 bis, du décret législatif no 261/99. En effet, alors qu’il ressortirait de l’article 7, paragraphe 4, et de l’article 9, paragraphe 2, de la directive 97/67 que seuls les prestataires de services qui relèvent du service universel peuvent être soumis à une telle
obligation, les articles 6 et 10 du décret législatif no 261/99 imposeraient cette contribution également aux titulaires de l’autorisation visée à l’article 9, paragraphe 1, de cette directive.
24 En tout état de cause, il ressortirait de l’article 9, paragraphe 2, de la directive 97/67 qu’une obligation de contribuer aux coûts du service universel ne peut être imposée sans que soit au préalable appréciée l’opportunité d’instituer une telle obligation. Or, les actes en cause au principal ne prévoiraient aucune appréciation préalable à cet égard, de sorte qu’ils méconnaîtraient, également de ce point de vue, le principe de proportionnalité.
25 Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, formulées en des termes identiques dans les affaires C‑259/16 et C‑260/16 :
« 1) Le droit de l’[Union], notamment [l’article 2], points 1, 1 bis et 6, de la directive [97/67], s’oppose-t-il à l’application de normes nationales, telles que l’article [1er, paragraphe 2] , sous a) et f), du décret législatif [no 261/99], l’article 1er, paragraphe 1, sous g) et r) (dispositions combinées) et sous i), du [règlement en matière d’agrément], et la réglementation des procédures de délivrance des agréments pour l’offre au public de services postaux, contenue dans le décret [du
29 juillet 2015], dans la mesure où elles visent à inclure dans le champ d’application du service postal également les services de transport routier, de fret, et de courrier exprès ?
2) Le droit de l’[Union], notamment l’article 9, paragraphe 1, et l’article [2], point 19, de la directive [97/67] ainsi que le principe de proportionnalité et le principe du caractère raisonnable, s’oppose-t-il à l’application de normes nationales, telles que l’article 6, paragraphe 1, du décret législatif [no 261/99], l’article 8 du [règlement en matière d’agrément] et la réglementation des procédures de délivrance des agréments pour l’offre au public de services postaux, contenue dans le
décret [du 29 juillet 2015], dans la mesure où elles imposent aux prestataires de services de transport routier, de fret et de courrier exprès de se doter d’une autorisation générale également dans des situations autres que celles qui visent à garantir les exigences essentielles en matière de fourniture de services postaux ;
3) Le droit de l’[Union], notamment l’article 7, paragraphe 4, et l’article 9, paragraphe 2, de la directive [97/67], s’oppose-il à l’application de normes nationales, telles que l’article 6, paragraphe 1 bis, et l’article 10, paragraphe 2, du décret législatif [no 261/99], l’article 11, paragraphe 1, sous f), et l’article 15, paragraphe 2, du [règlement en matière d’agrément], ainsi que l’article 9 de la réglementation des procédures de délivrance des agréments pour l’offre au public de services
postaux, contenue dans le décret [du 29 juillet 2015], dans la mesure où elles imposent aux prestataires de services de transport routier, de fret et de courrier exprès l’obligation de contribuer au fonds de compensation du service universel ?
4) Le droit de l’[Union], notamment l’article 9, paragraphe 2, de la directive [97/67], s’oppose-t-il à l’application d’une norme nationale, telle que les articles 6 et 10 du décret législatif [no 261/99], l’article 11, paragraphe 1, sous f), et l’article 15, paragraphe 2, du [règlement en matière d’agrément], ainsi que l’article 9 de la réglementation des procédures de délivrance des agréments pour l’offre au public de services postaux, contenue dans le décret [du 29 juillet 2015], dans la
mesure où elles ne contiennent aucune appréciation des cas dans lesquels la contribution au fonds de compensation des coûts du service universel peut être considérée comme opportune et où elles ne prévoient aucune modalité d’application différente en fonction de la situation subjective des contributeurs et de celle des marchés ? »
26 Par décision du président de la Cour du 21 juin 2016, les affaires C‑259/16 et C‑260/16 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt.
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
27 Par la première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, points 1, 1 bis et 6, de la directive 97/67 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle les entreprises de transport routier, de fret ou de courrier exprès qui fournissent des services de levée, de tri, d’acheminement et de distribution des envois postaux constituent, sauf dans le cas où leur activité est limitée à
l’acheminement des envois postaux, des prestataires de services postaux, au sens de l’article 2, point 1 bis, de cette directive.
28 En l’occurrence, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 38 de ses conclusions, les doutes de la juridiction de renvoi portent sur l’éventuelle qualification en tant que prestataires de services postaux, au sens de l’article 2, point 1 bis, de la directive 97/67, de deux catégories d’entreprises, à savoir, d’une part, les entreprises qui offrent des services de transport routier et de fret et, d’autre part, les entreprises de courrier exprès.
29 S’agissant des services de transport routier et de fret, les requérantes au principal font valoir qu’une entreprise qui, à titre principal, exerce un service d’acheminement des envois postaux et n’offre qu’à titre accessoire l’un des autres services prévus à l’article 2, point 1, de la directive 97/67 ne saurait être qualifiée de « prestataire de services postaux ».
30 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon l’article 2, point 1, de la directive 97/67, la notion de « services postaux » vise les services qui consistent en la levée, en le tri, en l’acheminement et en la distribution des envois postaux.
31 En deuxième lieu, le considérant 17 de la directive 2008/6 énonce qu’un service limité à l’acheminement ne devrait pas être considéré comme relevant des services postaux. Par ailleurs, cette directive a inséré à l’article 2 de la directive 97/67 un point 1 bis, selon lequel un « prestataire de services postaux » est une entreprise qui fournit un ou plusieurs « services postaux ».
32 La directive 2008/6 n’a cependant introduit aucune modification dans le texte originel de la directive 97/67 en ce qui concerne une distinction qu’il conviendrait d’effectuer entre l’exercice à titre principal et l’exercice à titre accessoire des services postaux visés à l’article 2, point 1, de la directive 97/67.
33 En troisième lieu, une activité ne peut être considérée comme étant relative à un service postal qu’à la condition qu’elle concerne un « envoi postal », au sens de l’article 2, point 6, de la directive 97/67. À cet égard, cette disposition définit l’envoi postal comme étant un envoi portant une adresse sous la forme définitive dans laquelle il doit être acheminé par le prestataire de services postaux, et précise qu’un tel envoi peut concerner, notamment, des correspondances, des livres, des
catalogues, des journaux, des périodiques ainsi que des colis postaux concernant des marchandises avec ou sans valeur commerciale.
34 Dans ces conditions, une entreprise doit être qualifiée de « prestataire de services postaux », au sens de l’article 2, point 1 bis, de la directive 97/67, lorsqu’elle exerce au moins un des services énumérés à l’article 2, point 1, de cette directive et que le ou les services ainsi exercés concernent un envoi postal, son activité ne devant toutefois pas être limitée au seul service d’acheminement. Il s’ensuit que des entreprises de transport routier ou de fret qui offrent, à titre principal, un
service d’acheminement d’envois postaux et, à titre accessoire, des services de levée, de tri ou de distribution desdits envois ne sauraient être exclues du champ d’application de ladite directive.
35 Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, s’il devait être admis que des entreprises de transport routier ou de fret soient exclues du champ d’application de la directive 97/67, au seul motif qu’elles exercent à titre seulement accessoire les activités de levée, de tri ou de distribution d’envois postaux, il en résulterait de multiples difficultés d’interprétation de cette directive. En effet, il serait nécessaire, aux fins de déterminer le régime
juridique applicable, d’évaluer au cas par cas la proportion plus ou moins grande des services exercés à titre accessoire par rapport au service d’acheminement exercé à titre principal.
36 S’agissant des services de courrier exprès, les requérantes au principal font valoir que ces services ne devraient pas relever du champ d’application de la directive 97/67 en raison de la valeur ajoutée qu’ils apportent.
37 À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que la directive 97/67 ne définit pas ce qu’il convient d’entendre par « service de courrier exprès », se bornant à prévoir, à son considérant 18, que « la différence essentielle entre le courrier exprès et le service postal universel réside dans la valeur ajoutée (quelle qu’en soit la forme) apportée par les services exprès aux clients et perçue par eux ».
38 En deuxième lieu, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les services de courrier exprès se distinguent du service postal universel par leur valeur ajoutée apportée aux clients, pour laquelle les clients acceptent de payer une somme plus élevée. De telles prestations correspondent à des services spécifiques, dissociables du service d’intérêt général, qui répondent à des besoins particuliers d’opérateurs économiques et qui exigent certaines prestations supplémentaires que le service postal
traditionnel n’offre pas (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2017, Ilves Jakelu, C‑368/15, EU:C:2017:462, point 24 et jurisprudence citée).
39 En troisième lieu, dans les arrêts du 13 octobre 2011, DHL International (C‑148/10, EU:C:2011:654, points 30 et 52), du 16 novembre 2016, DHL Express (Austria) (C‑2/15, EU:C:2016:880, point 31), ainsi que du 15 juin 2017, Ilves Jakelu (C‑368/15, EU:C:2017:462, point 29), la Cour a considéré que des entreprises fournissant des services de courrier exprès relevaient du champ d’application de la directive 97/67 et leur a appliqué certaines dispositions de cette directive. Or, ainsi que l’a relevé
M. l’avocat général au point 46 de ses conclusions, ces arrêts seraient dépourvus de sens si la Cour n’avait pas accepté implicitement comme condition préalable que le courrier exprès relève de la notion de « services postaux », au sens de l’article 2, point 1, de cette directive.
40 Dans ces conditions, s’il est possible d’opérer une distinction entre le service universel et le service de courrier exprès, fondée sur l’existence ou non d’une valeur ajoutée apportée par le service, force est de relever qu’un tel critère de distinction est dépourvu de toute pertinence quant à la nature des services énumérés à l’article 2, point 1, de la directive 97/67. Ainsi, la circonstance que de tels services apportent, le cas échéant, une valeur ajoutée n’est pas susceptible de leur
retirer leur qualité de « services postaux », au sens de cette disposition.
41 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question préjudicielle que l’article 2, points 1, 1 bis et 6, de la directive 97/67 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle les entreprises de transport routier, de fret ou de courrier exprès qui fournissent des services de levée, de tri, d’acheminement et de distribution des envois postaux constituent, sauf dans le
cas où leur activité est limitée à l’acheminement des envois postaux, des prestataires de services postaux, au sens de l’article 2, point 1 bis, de cette directive.
Sur la deuxième question
42 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, point 19, et l’article 9, paragraphe 1, de la directive 97/67 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui impose à toute entreprise de transport routier, de fret et de courrier exprès de disposer d’une autorisation générale pour la fourniture de services postaux sans que soit vérifié au préalable qu’une telle autorisation est nécessaire pour garantir le respect de
l’une des exigences essentielles.
43 À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 9, paragraphe 1, de la directive 97/67, pour ce qui est des services qui ne relèvent pas du service universel, les États membres peuvent introduire des autorisations générales dans la mesure où cela est nécessaire pour garantir le respect des exigences essentielles.
44 L’article 2, point 19, de cette directive, avant d’énumérer ces exigences de manière exhaustive, les définit comme étant des raisons générales de nature non économique qui peuvent amener un État membre à imposer des conditions pour la prestation de services postaux.
45 Il résulte des considérations qui précèdent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 58 de ses conclusions, que l’État membre qui décide de soumettre l’accès au marché de services postaux à l’obtention d’une autorisation générale doit le justifier par rapport à une ou à plusieurs desdites exigences essentielles.
46 En l’occurrence, la juridiction de renvoi relève que l’article 6 du décret législatif no 261/99 impose indistinctement et de manière automatique aux entreprises offrant des services postaux qui ne relèvent pas du service universel de disposer d’une autorisation générale sans que soit au préalable vérifiée la nécessité d’une telle autorisation pour garantir le respect de l’une au moins des exigences essentielles. Cette juridiction ajoute que les obligations imposées auxdites entreprises afin
d’obtenir une telle autorisation générale sont disproportionnées.
47 Dans ces circonstances, afin de répondre à la deuxième question préjudicielle, il convient de vérifier si une réglementation telle que celle en cause au principal, premièrement, est susceptible d’être justifiée par l’une des exigences essentielles énumérées à l’article 2, point 19, de la directive 97/67, et, deuxièmement, est proportionnée, en ce qu’elle est apte à garantir l’objectif qu’elle poursuit et, dans l’affirmative, si cet objectif ne pourrait être atteint par des interdictions d’une
moindre ampleur.
48 À cet égard, pour ce qui est de la question de savoir si une réglementation telle que celle en cause est susceptible d’être justifiée par l’une des exigences essentielles énumérées à l’article 2, point 19, de la directive 97/67, il ressort du dossier dont dispose la Cour que cette réglementation justifie l’instauration d’un régime d’autorisation générale pour des entreprises pouvant être qualifiées de « prestataires de services postaux » par deux de ces exigences essentielles, à savoir le respect
des conditions de travail et des régimes de sécurité sociale ainsi que la confidentialité de la correspondance.
49 S’agissant de la proportionnalité de la réglementation en cause au principal, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, lors d’une appréciation globale de toutes les circonstances de droit et de fait pertinentes, si une telle réglementation est apte à garantir la réalisation des objectifs poursuivis et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre. Il revient toutefois à la Cour de lui fournir à cet effet tous les éléments d’interprétation du
droit de l’Union qui lui permettront de se prononcer (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Global Starnet, C‑322/16, EU:C:2017:985, points 51 et 52).
50 En ce qui concerne, en premier lieu, l’aptitude de ladite réglementation à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, une législation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique (arrêt du 10 mars 2009, Hartlauer, C‑169/07, EU:C:2009:141, point 55).
51 Or, s’agissant de la première des exigences essentielles rappelées au point 48 du présent arrêt, à savoir le respect des conditions de travail et des régimes de sécurité sociale, l’article 10, paragraphe 4, sous c), du règlement en matière d’agrément prévoit que l’octroi de l’autorisation générale au prestataire de services postaux est subordonné au respect par celui-ci, au moment de la présentation de la demande, des exigences en matière de sécurité sociale de ses salariés.
52 À cet égard, il découle tant des articles 6, paragraphe 3, et 18 bis du décret législatif no 261/99 que de l’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement en matière d’agrément que le titulaire d’une autorisation générale est tenu de respecter les dispositions en matière de conditions de travail prévues par la législation nationale et les contrats collectifs de travail applicables au secteur postal. À cette fin, l’article 10, paragraphe 8, du règlement en matière d’agrément impose aux
demandeurs d’une autorisation générale de fournir, au moment de la présentation de la demande, des informations relatives aux contrats collectifs applicables à leurs salariés ainsi que d’autres informations relatives à ces travailleurs.
53 Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, dans la décision no 129/15, l’AGCOM a exposé les éléments expliquant comment les obligations prévues par la réglementation en cause permettent de garantir le respect des conditions de travail.
54 Quant à la seconde des exigences essentielles rappelées au point 48 du présent arrêt, à savoir la confidentialité de la correspondance, l’article 10, paragraphe 8, du règlement en matière d’agrément énonce que les entreprises qui demandent l’octroi d’une autorisation doivent transmettre aux autorités compétentes, au moment de la demande, une description des mesures adoptées pour garantir le respect des obligations de confidentialité de la correspondance.
55 Dans ces conditions, la réglementation litigieuse au principal apparaît apte à assurer le respect de certaines des exigences essentielles énumérées à l’article 2, point 19, de la directive 97/67.
56 En second lieu, il y a lieu de vérifier si les obligations auxquelles la réglementation en cause au principal subordonne l’octroi de l’autorisation générale requise pour la fourniture de services postaux ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.
57 Or, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 64 de ses conclusions, la juridiction de renvoi n’indique pas précisément quelles sont les obligations imposées par la réglementation en cause au principal qui seraient susceptibles de présenter un caractère disproportionné, hormis celle relative au financement du service universel, qui constitue l’objet des troisième et quatrième questions préjudicielles.
58 De même, la décision de renvoi se limite à relever que de telles obligations sont contraignantes en ce qui concerne tant la délivrance de l’autorisation générale que l’exercice de ces activités.
59 Enfin, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’autorisation générale est considérée comme octroyée 45 jours après la réception, par les autorités compétentes, de la demande de l’entreprise concernée.
60 Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, notamment des modalités d’octroi de l’autorisation générale, il convient de constater, ainsi que l’a considéré M. l’avocat général aux points 65 et 66 de ses conclusions, que les obligations imposées par la réglementation nationale en cause au principal ne sauraient être regardées comme allant au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir le respect des exigences essentielles énumérées à l’article 2, point 19, de la directive 97/67.
61 Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’article 2, point 19, et l’article 9, paragraphe 1, de la directive 97/67 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose à toute entreprise de transport routier, de fret et de courrier exprès de disposer d’une autorisation générale pour la fourniture de services postaux, pour autant que cette
réglementation est justifiée par l’une des exigences essentielles énumérées à l’article 2, point 19, de cette directive et qu’elle respecte le principe de proportionnalité, en ce sens qu’elle est apte à garantir l’objectif poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Sur les troisième et quatrième questions
Sur la recevabilité
62 Dans ses observations écrites, la Commission émet des doutes quant à la recevabilité des troisième et quatrième questions. Elle explique que, si l’obligation de contribuer au fonds de compensation des obligations du service universel est effectivement prévue à l’article 10, paragraphe 2, du décret législatif no 261/99 et à l’article 11, paragraphe 1, sous f), du règlement en matière d’agrément, aucune décision de l’AGCOM n’a encore rendu applicable cette obligation aux requérantes au principal.
Ainsi, ces questions auraient un caractère hypothétique.
63 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’une demande de décision préjudicielle n’a pas pour objectif la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais vise à satisfaire le besoin inhérent à la solution effective d’un litige portant sur le droit de l’Union (arrêt du 26 octobre 2017, Balgarska energiyna borsa, C‑347/16, EU:C:2017:816, point 31).
64 Il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 7, paragraphe 4, de la directive 97/67, les États membres peuvent mettre en place un fonds de compensation qui peut être financé par une redevance imposée, notamment, aux prestataires de services postaux. En outre, les États membres peuvent lier l’octroi des autorisations aux prestataires de services prévues à l’article 9, paragraphe 2, de cette directive à l’obligation de contribuer financièrement à ce fonds.
65 En l’occurrence, d’une part, selon l’article 10, paragraphe 2, du décret législatif no 261/99, sont tenus de contribuer au fonds de compensation des obligations du service universel, notamment, les titulaires d’autorisations générales, dans la limite maximale de 10 % des recettes brutes relatives aux services qui se substituent aux services relevant du service universel et qui découlent de l’activité autorisée. D’autre part, aux termes de l’article 11, paragraphe 1, sous f), du règlement en
matière d’agrément, le bénéficiaire d’une autorisation générale doit contribuer au financement du coût de la prestation du service universel lorsque les conditions visées au considérant 27 de la directive 2008/6 et à l’article 10, paragraphe 2, du décret législatif no 261/99 sont remplies.
66 Or, il ressort des observations des parties lors de l’audience que l’AGCOM n’a pas encore adopté la décision portant création du fonds de compensation des obligations du service universel. Ainsi, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, cette autorité nationale ne paraît pas avoir établi les cas dans lesquels les prestataires de services postaux ne relevant pas du service universel seront appelés à contribuer audit fonds ni les modalités concrètes d’une telle contribution.
67 Dans ces conditions, en ce qui concerne la troisième question, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des considérations exposées au point 65 du présent arrêt, l’article 7, paragraphe 4, de la directive 97/67, en tant qu’il permet aux États membres d’imposer une obligation de contribuer au fonds de compensation, a été transposé dans l’ordre juridique italien. Ainsi, ladite question, qui ne saurait être considérée comme hypothétique, est recevable.
68 En revanche, dès lors que la quatrième question porte, en substance, sur les modalités concrètes dans lesquelles l’obligation des titulaires d’une autorisation générale de contribuer au fonds de compensation des obligations du service universel devra être mise en œuvre, force est de constater, au regard des considérations exposées au point 66 du présent arrêt, que répondre à cette question reviendrait à formuler un avis destiné à l’AGCOM sur une question qui, à ce stade, ne présente qu’un
caractère hypothétique. Par conséquent, la quatrième question est irrecevable.
Sur le fond
69 Par la troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 4, et l’article 9, paragraphe 2, de la directive 97/67 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux titulaires d’une autorisation générale pour la prestation de services postaux de contribuer à un fonds de compensation des obligations du service universel.
70 À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’article 9, paragraphe 1, de la directive 97/67 permet aux États membres de soumettre les entreprises du secteur postal à des autorisations générales pour ce qui est des services ne relevant pas du service universel, tandis que l’article 9, paragraphe 2, premier alinéa, de cette directive prévoit la faculté pour les États membres d’introduire des procédures d’autorisation pour ce qui est des services relevant du service universel [arrêt du
16 novembre 2016, DHL Express (Austria), C‑2/15, EU:C:2016:880, point 20].
71 Ensuite, l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ladite directive énumère les obligations auxquelles l’octroi d’autorisations peut être subordonné, sans qu’il soit possible d’inférer de son libellé à quelle catégorie d’autorisations – celles relatives à l’ensemble des services postaux ou celles qui ne concernent que les services relevant du service universel – cette disposition se réfère [voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2016, DHL Express (Austria), C‑2/15, EU:C:2016:880, point 21].
72 Enfin, ainsi que le prévoit le considérant 27 de la directive 2008/6, afin de déterminer si des prestataires de services postaux ne relevant pas du service universel peuvent être appelés à contribuer au fonds de compensation, les États membres doivent examiner si les services que ces prestataires fournissent peuvent, du point de vue de l’utilisateur, être considérés comme étant des services relevant du service universel du fait qu’ils présentent un degré suffisant d’interchangeabilité avec
celui-ci, compte tenu de leurs caractéristiques.
73 À cet égard, il convient de constater, d’une part, qu’il résulte de l’analyse de la structure d’ensemble de l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 97/67 que le terme « autorisations », employé à cette disposition, désigne tant les autorisations visées au paragraphe 2, premier alinéa, de cet article que celles visées au paragraphe 1 dudit article [arrêt du 16 novembre 2016, DHL Express (Austria), C‑2/15, EU:C:2016:880, point 28].
74 D’autre part, outre que la condition relative au degré suffisant d’interchangeabilité prévue au considérant 27 de la directive 2008/6 a été reprise à l’article 10, paragraphe 2, du décret législatif no 261/99, l’article 11, paragraphe 1, sous f), du règlement en matière d’agrément impose expressément au bénéficiaire d’une autorisation générale de « contribuer au financement du coût de la prestation du service universel lorsque les conditions visées au considérant 27 de la directive [2008/6] et à
l’article 10, paragraphe 2, du [décret législatif no 261/99] sont réunies », de sorte que la possibilité d’imposer à ce bénéficiaire l’obligation de contribuer au fonds de compensation des obligations du service universel est subordonnée à cette condition relative au degré suffisant d’interchangeabilité.
75 Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de répondre à la troisième question que l’article 7, paragraphe 4, et l’article 9, paragraphe 2, de la directive 97/67 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux titulaires d’une autorisation générale pour la prestation de services postaux de contribuer à un fonds de compensation des obligations du service universel, lorsque ces services
peuvent, du point de vue de l’utilisateur, être considérés comme relevant du service universel du fait qu’ils présentent un degré suffisant d’interchangeabilité avec celui-ci.
Sur les dépens
76 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
1) L’article 2, points 1, 1 bis et 6, de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service, telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au
principal, selon laquelle les entreprises de transport routier, de fret ou de courrier exprès qui fournissent des services de levée, de tri, d’acheminement et de distribution des envois postaux constituent, sauf dans le cas où leur activité est limitée à l’acheminement des envois postaux, des prestataires de services postaux, au sens de l’article 2, point 1 bis, de cette directive.
2) L’article 2, point 19, et l’article 9, paragraphe 1, de la directive 97/67, telle que modifiée par la directive 2008/6, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose à toute entreprise de transport routier, de fret et de courrier exprès de disposer d’une autorisation générale pour la fourniture de services postaux, pour autant que cette réglementation est justifiée par l’une des exigences
essentielles énumérées à l’article 2, point 19, de cette directive et qu’elle respecte le principe de proportionnalité, en ce sens qu’elle est apte à garantir l’objectif poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
3) L’article 7, paragraphe 4, et l’article 9, paragraphe 2, de la directive 97/67, telle que modifiée par la directive 2008/6, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux titulaires d’une autorisation générale pour la prestation de services postaux de contribuer à un fonds de compensation des obligations du service universel, lorsque ces services peuvent, du point de vue de l’utilisateur, être
considérés comme relevant du service universel du fait qu’ils présentent un degré suffisant d’interchangeabilité avec celui-ci.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.