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30/05/2018 | CJUE | N°C-390/17

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Irit Azoulay e.a. contre Parlement européen., 30/05/2018, C-390/17


ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

30 mai 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction Publique – Rémunération – Allocations familiales – Allocation scolaire – Refus de remboursement des frais de scolarité – Article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑390/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 juin 2017,

Irit Azoulay, demeurant à Bruxelles (Belgique),



Andrew Boreham, demeurant à Wansin-Hannut (Belgique),

Mirja Bouchard, demeurant à Villers-la-Ville (Belgique),

Dar...

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

30 mai 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction Publique – Rémunération – Allocations familiales – Allocation scolaire – Refus de remboursement des frais de scolarité – Article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑390/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 juin 2017,

Irit Azoulay, demeurant à Bruxelles (Belgique),

Andrew Boreham, demeurant à Wansin-Hannut (Belgique),

Mirja Bouchard, demeurant à Villers-la-Ville (Belgique),

Darren Neville, demeurant à Ohain (Belgique),

représentés par Me M. Casado García-Hirschfeld, avocate,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par Mmes L. Deneys et E. Taneva, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 mars 2018,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, Mme Irit Azoulay, M. Andrew Boreham, Mme Mirja Bouchard et M. Darren Neville demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 avril 2017, Azoulay e.a./Parlement (T‑580/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:291), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation des décisions individuelles du Parlement européen du 24 avril 2015 leur refusant l’octroi des allocations scolaires pour l’année 2014/2015 et, en tant que de besoin, à
l’annulation des décisions individuelles du Parlement des 17 et 19 novembre 2015 en tant qu’elles rejettent partiellement leurs réclamations du 20 juillet 2015.

Le cadre juridique

2 Aux termes de l’article 67, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut ») :

« Les allocations familiales comprennent :

[...]

c) l’allocation scolaire. »

3 L’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut dispose :

« Dans les conditions fixées par les dispositions générales d’exécution du présent article, le fonctionnaire bénéficie d’une allocation scolaire destinée à couvrir les frais de scolarité engagés par lui, dans la limite d’un plafond mensuel de 260,95 [euros], pour chaque enfant à charge [...], âgé de cinq ans au moins et fréquentant régulièrement et à plein temps un établissement d’enseignement primaire ou secondaire payant ou un établissement d’enseignement supérieur. [...]

[...] »

4 Conformément à l’article 110 du statut, le Parlement a adopté, le 18 mai 2004, les dispositions générales d’exécution relatives à l’octroi de l’allocation scolaire prévue à l’article 3 de l’annexe VII du statut (ci-après les « DGE »). L’article 3 des DGE prévoit :

« Dans la limite des plafonds prévus au paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de l’article 3 de l’annexe VII du statut, l’allocation scolaire B couvre :

a) les frais d’inscription et de fréquentation d’établissements d’enseignement ;

b) les frais de transport

à l’exclusion de tous autres frais, et notamment :

– des frais obligatoires tels que frais d’acquisition de livres, de matériel scolaire, d’un équipement sportif, couverture d’une assurance scolaire et de frais médicaux, frais d’examen, frais exposés pour des activités scolaires externes communes (telles que les excursions, visites et voyages scolaires, stages sportifs, etc.), ainsi que des autres frais relatifs à l’accomplissement du programme scolaire de l’établissement d’enseignement fréquenté,

– des frais résultant de la participation de l’enfant à des classes de neige, des classes de mer ou des classes de plein air, ainsi qu’à des activités similaires. »

Les antécédents du litige

5 Les antécédents du litige sont décrits comme suit dans l’arrêt attaqué :

« 1 La première requérante, Mme [...] Azoulay, a un enfant inscrit depuis septembre 2014 à l’Athénée Ganenou à Bruxelles (Belgique). Les trois autres requérants, M. [...] Boreham, Mme [...] Bouchard et M. [...] Neville, ont des enfants inscrits à l’École internationale Le Verseau à Bierges (Belgique). Les requérants qui avaient déjà des enfants inscrits dans ces établissements d’enseignement avant 2014 ont reçu, jusqu’à l’année scolaire 2014/2015, le remboursement des frais de scolarité de ceux-ci
dans les limites du plafond mensuel.

2 L’École internationale Le Verseau est une école non confessionnelle qui fait partie de la Fédération des établissements libres subventionnés indépendants (FELSI) et est subventionnée par la Communauté française. Les cours sont donnés en français et en anglais dès la maternelle par des professeurs dont c’est la langue maternelle. Cette école n’est toutefois pas financée dans sa totalité par cette subvention. Elle dispose de ressources propres, qui lui sont notamment fournies par l’association
sans but lucratif Les Amis du Verseau.

3 L’Athénée Ganenou est une école confessionnelle qui est subventionnée par la Communauté française dont elle applique le programme d’éducation officiel et complet, tout en ajoutant plusieurs heures par semaine pour enseigner la langue hébraïque, l’histoire du judaïsme, la bible et la langue anglaise dès la section primaire. Cette école n’est pas financée dans sa totalité par cette subvention. Elle dispose de ressources propres, qui lui sont notamment fournies par l’association sans but lucratif
Les Amis de Ganenou.

4 En octobre et en novembre 2014, les requérants ont introduit des demandes de remboursement des frais de scolarité qu’ils avaient engagés pour leurs enfants à charge assorties des documents justificatifs fournis par les écoles concernées, identiques à ceux qui avaient été joints à leurs précédentes demandes de remboursement de tels frais de scolarité qui avaient été acceptées.

5 Le 24 avril 2015, les requérants ont reçu notification du rejet définitif de leurs demandes de remboursement des frais de scolarité [...] au motif que les conditions visées à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du [statut] n’étaient pas satisfaites, puisque les deux écoles concernées n’étaient pas des établissements d’enseignement payants au sens de cette disposition, les contributions optionnelles des requérants aux associations sans but lucratif concernées se situant en dehors du cadre
de l’enseignement obligatoire gratuit et tel que prévu par la législation belge.

6 Les requérants ont chacun introduit, le 20 juillet 2015, une réclamation aux termes de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Par décisions [...] des 17 et 19 novembre 2015, ces réclamations ont été rejetées [...]. Toutefois, le secrétaire général du Parlement a décidé d’accorder aux requérants “de manière gracieuse et exceptionnelle” l’allocation scolaire pour l’année 2014/2015, mais de ne plus l’accorder pour les années scolaires à venir pour une scolarité à l’École internationale Le Verseau
et à l’Athénée Ganenou. »

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

6 Les requérants ont demandé au Tribunal d’annuler les décisions du 24 avril 2015, pour autant que de besoin, d’annuler les décisions des 17 et 19 novembre 2015« à l’exception toutefois de ce qui concerne la décision du secrétaire général du Parlement de leur accorder de manière gracieuse et exceptionnelle l’allocation scolaire pour l’année 2014/2015 », de condamner le Parlement à leur verser l’allocation scolaire pour l’année 2015/2016, majorée des intérêts calculés à compter des dates auxquelles
ces sommes étaient dues et de condamner le Parlement aux dépens.

7 À l’appui de leur recours, les requérants ont invoqué trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation, deuxièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, troisièmement, de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration. Le Tribunal a rejeté chacun de ces moyens ainsi que, par conséquent, les conclusions tendant à l’annulation des
décisions du 24 avril 2015. Compte tenu de ce rejet, il a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à condamner le Parlement à verser aux requérants l’allocation scolaire pour l’année 2015/2016.

Les conclusions des parties

8 Les requérants demandent à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de faire droit à leurs conclusions formulées en première instance, et

– de condamner le Parlement aux entiers dépens.

9 Le Parlement demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi comme non fondé et

– de condamner les requérants aux dépens.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

10 Par leur premier moyen, les requérants contestent les points 31 à 36 et 38 de l’arrêt attaqué. Ils soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant la notion de « frais de scolarité » à la lumière de la circulaire no 4516, du 29 août 2013, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, intitulée « Gratuité de l’accès à l’Enseignement obligatoire », qui est une circulaire informative destinée aux autorités nationales.

11 Selon les requérants, la notion statutaire de « frais de scolarité » est une notion autonome qui doit être interprétée en tenant compte des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie et de son contexte. Le but des allocations serait de bien prendre en compte la situation familiale du fonctionnaire, et en particulier de lui verser des « compléments » de rémunération afférents aux charges qu’il doit effectivement supporter, et ce quel que soit le système dans lequel son enfant
étudie. En l’espèce, les frais versés par les requérants seraient destinés à financer l’éducation de leurs enfants et seraient dûment justifiés.

12 Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 32 de l’arrêt attaqué, les requérants n’ont pas contesté que le non-paiement des frais en cause ne peut pas entraîner l’exclusion de leurs enfants d’un établissement d’enseignement obligatoire belge. Toutefois, les enfants dont les parents ne paient pas les frais du programme éducatif spécifique pourraient être exclus de ce programme. Ils se verraient alors obligés de suivre des programmes d’enseignement nationaux, alors que la langue maternelle des
enfants des requérants, comme leur héritage culturel, sont distincts de ceux du peuple belge.

13 Les requérants font par ailleurs valoir que le Tribunal a dénaturé les faits lorsqu’il a considéré, aux points 31 et 36 de l’arrêt attaqué, que la facturation de frais de scolarité par une association sans but lucratif soutenue par les parents d’élèves ne serait pas conforme à la loi nationale, alors que les associations en question facturent non pas les prestations que l’école doit fournir gratuitement, mais plutôt les prestations d’enseignement en dehors du programme obligatoire belge. En
d’autres termes, ces contributions spécifiques serviraient exclusivement au financement des enseignements qui ne sont pas subventionnés par la Fédération Wallonie-Bruxelles et qui constituent la spécificité de l’école choisie et de son projet éducatif.

14 Enfin, les requérants contestent le point 40 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a jugé que « les cotisations versées aux associations sans but lucratif concernées ne pouvant être qualifiées de frais de scolarité, elles constituent des frais générés par des exigences et activités liées à l’accomplissement du programme scolaire, à savoir la participation des enfants au projet spécifique et de scolarité non subventionné des écoles en cause, et doivent être considérées comme des “autres
frais relatifs à l’accomplissement du programme scolaire de l’établissement d’enseignement fréquenté” au sens de l’article 3, deuxième alinéa, des DGE, qui, selon la même disposition, ne sont pas couverts par l’allocation scolaire B ».

15 Le Parlement conteste les arguments des requérants.

Appréciation de la Cour

16 Le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a rappelé, aux points 19 et 20 de l’arrêt attaqué, que l’allocation scolaire prévue à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut est destinée à couvrir les « frais de scolarité » engagés par un fonctionnaire pour chaque enfant à charge fréquentant régulièrement et à temps plein « un établissement d’enseignement primaire ou secondaire payant ».

17 Il n’est pas contesté par les requérants que la notion de « frais de scolarité » est une notion autonome du droit de l’Union. Afin d’interpréter cette notion, il convient de tenir compte, notamment, de son libellé et des objectifs poursuivis par la réglementation.

18 Le libellé de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut indique clairement que les frais exposés doivent permettre la fréquentation d’un établissement payant. Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 2 de ses conclusions, l’objectif de l’adoption de cette disposition était de rapprocher l’allocation scolaire du niveau réel des dépenses exposées par les fonctionnaires.

19 Interprété à la lumière de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, l’article 3 des DGE prévoit que l’allocation scolaire couvre les frais d’inscription et de fréquentation d’établissements d’enseignement payants et les frais de transport, à l’exclusion de tous autres frais.

20 Eu égard au caractère autonome de la notion de « frais de scolarité », la qualification de cette notion dépend de la nature même et des éléments constitutifs de la dépense à rembourser (arrêt du 8 septembre 2011, Bovagnet/Commission, F‑89/10, EU:F:2011:129, point 22).

21 C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a examiné la nature et les éléments constitutifs des frais invoqués par les requérants afin de déterminer si ceux-ci pouvaient être qualifiés de « frais d’inscription et de fréquentation d’établissements d’enseignement » payants.

22 C’est également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal s’est référé à la circulaire no 4516, qui contient des informations relatives à la législation applicable dans la Communauté française de Belgique en ce qui concerne la gratuité de l’enseignement obligatoire.

23 À cet égard, il n’a pas été contesté par les requérants que l’École internationale Le Verseau et l’Athénée Ganenou ne demandent pas de frais d’inscription ou de fréquentation. Un tel élément suffit pour exclure que ces écoles constituent des établissements d’enseignement payants, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, tel que précisé à l’article 3 des DGE. Le Tribunal n’a, dès lors, pas commis d’erreur de droit lorsqu’il en a déduit, au point 36 de l’arrêt attaqué, que
les cotisations demandées par des organismes tiers, telles des associations sans but lucratif, au titre de la participation des enfants au projet spécifique et de scolarité non subventionné desdites écoles, ne sont pas des frais d’inscription et de fréquentation de ces mêmes écoles et ne sauraient être qualifiées de « frais de scolarité », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, tel que précisé à l’article 3 des DGE.

24 Eu égard à ces éléments, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé, au point 40 de l’arrêt attaqué, que les cotisations versées aux associations sans but lucratif concernées ne peuvent être qualifiées de « frais de scolarité ». En effet, elles constituent des frais générés par des exigences et des activités liées au projet spécifique et de scolarité non subventionné des écoles en cause, et doivent être considérées comme des « autres frais relatifs à l’accomplissement du programme scolaire de
l’établissement d’enseignement fréquenté », au sens de l’article 3, deuxième alinéa, des DGE, qui, selon la même disposition, ne sont pas couverts par l’allocation scolaire B.

25 Par conséquent, le premier moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

26 Par leur deuxième moyen, les requérants contestent les points 45 et 46 de l’arrêt attaqué, par lesquels, en premier lieu, le Tribunal a rappelé qu’aucune violation du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être constatée lorsque des assurances précises, inconditionnelles et concordantes données par une institution ne respectent pas les dispositions du statut et, en second lieu, a indiqué à titre surabondant qu’il ne ressort aucunement des pièces du dossier et, plus
particulièrement, d’un formulaire préparé par l’administration du Parlement pour les écoles, que cette administration aurait donné des assurances précises, inconditionnelles et concordantes aux requérants.

27 Les requérants font valoir qu’une inexactitude matérielle affecte les constatations opérées dans l’arrêt attaqué, car il s’agissait non pas, en l’occurrence, de savoir si le formulaire en question pouvait démontrer l’existence de frais d’inscription, mais de vérifier si la pratique établie depuis tant d’années par le Parlement, et non contestée par les autres institutions de l’Union, n’était pas plutôt une assurance claire, concordante et inconditionnelle de la part de l’administration.

28 Le Parlement conteste l’existence d’une inexactitude matérielle.

Appréciation de la Cour

29 Il y a lieu de relever que les requérants contestent un motif surabondant de l’arrêt attaqué, sans remettre en cause la jurisprudence selon laquelle des promesses faites par l’administration d’une institution à un fonctionnaire, qui ne tiendraient pas compte des dispositions statutaires, ne peuvent pas créer une confiance légitime dans le chef de celui auquel elles s’adressent (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 1983, Thyssen/Commission, 188/82, EU:C:1983:329, point 11, et du 6 février 1986,
Vlachou/Cour des comptes, 162/84, EU:C:1986:56, point 6).

30 Il s’ensuit que le deuxième moyen, même s’il était fondé, ne permettrait pas d’aboutir à l’annulation de l’arrêt attaqué. Ce moyen est donc inopérant et doit, dès lors, être rejeté.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

31 Par leur troisième moyen, les requérants contestent les points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a déclaré irrecevable leur argumentation selon laquelle le changement de pratique administrative est contraire au principe de sécurité juridique au motif que cette argumentation n’a pas été soulevée dans la réclamation et qu’elle n’est donc pas conforme à la règle de concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours. Les requérants font valoir que leur
argument était une réponse à une motivation qui avait été avancée pour la première fois par le Parlement dans la réponse à leur réclamation.

32 Selon le Parlement, le moyen soulevé par les requérants dans la réclamation par lequel ils invoquaient le changement de pratique administrative était tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime. Les décisions des 17 et 19 novembre 2015, dans lesquelles il a été répondu à ce moyen, seraient fondées sur une jurisprudence constante selon laquelle la simple circonstance qu’une allocation scolaire a été payée durant plusieurs années ne saurait suffire au personnel pour se
réclamer de ce principe. En effet, les dispositions qui encadrent l’attribution de cette allocation prévoiraient expressément qu’elle fait l’objet d’une évaluation annuelle et donc qu’elle est susceptible d’être modifiée d’une année à l’autre ou même supprimée. Par conséquent, le rappel du caractère annuel de l’évaluation de l’allocation scolaire serait non pas un motif nouveau, mais un argument en réponse aux contestations des requérants qui disposaient des informations à ce sujet, si bien qu’il
leur était possible d’invoquer un moyen tiré de la violation de la sécurité juridique dans leur réclamation.

Appréciation de la Cour

33 À cet égard, il y a lieu de constater, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 60 de ses conclusions, que l’affirmation du Parlement selon laquelle l’allocation scolaire fait l’objet d’une évaluation annuelle est venue au soutien de son argumentation selon laquelle il n’aurait pas donné d’assurances précises et inconditionnelles aux requérants quant au bénéfice de l’allocation scolaire.

34 Cette affirmation était donc une réponse au moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, soulevé par les requérants dans leur réclamation, et ne constituait pas un motif des décisions des 17 et 19 novembre 2015 qui ne serait apparu qu’au stade de la réponse aux réclamations.

35 Il s’ensuit que le troisième moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

36 Par leur quatrième moyen, les requérants contestent le point 56 de l’arrêt attaqué. Ils estiment que le Tribunal a violé l’obligation de motivation en déclarant inopérante la première branche de leur troisième moyen, par laquelle ils invoquaient le fait que des parents fonctionnaires d’autres institutions avaient reçu le remboursement de frais de scolarité pour des enfants inscrits dans les mêmes écoles que les leurs, mais également en ne se prononçant pas sur la violation de l’article 22 de la
charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, pourtant invoquée devant le Tribunal. Ils font valoir que, conformément à l’article 1er bis du statut, les fonctionnaires ont droit à l’égalité de traitement dans l’application du statut, ce qui nécessite que le statut soit interprété, en règle générale, de manière autonome et uniforme dans toute l’Union. Or, le Parlement aurait indiqué, dans les décisions des 17 et 19 novembre 2015, que la circonstance que des parents travaillant à la
Commission européenne reçoivent toujours le remboursement pour les frais de scolarité de leurs enfants inscrits à l’École internationale Le Verseau et à l’Athénée Ganenou relevait non pas d’une inégalité de traitement, mais plutôt du fait que « chaque institution dispose d’un pouvoir d’auto-organisation qui lui permet d’user de façon autonome de sa marge d’interprétation des dispositions statutaires ».

37 Les requérants soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en s’abstenant d’examiner si la motivation donnée par le Parlement sur son pouvoir discrétionnaire dans l’interprétation d’une disposition législative était prévue par le statut et en conformité avec le principe d’égalité de traitement.

38 Le Parlement conteste le bien-fondé du quatrième moyen.

Appréciation de la Cour

39 Il y a lieu de constater que les requérants contestent la conclusion du Tribunal figurant au point 56 de l’arrêt attaqué, mais ne remettent pas en cause la jurisprudence sur laquelle le Tribunal a fondé sa conclusion, exposée comme suit au point 55 de l’arrêt attaqué :

« Cependant, il est de jurisprudence constante qu’un fonctionnaire ou un agent temporaire ne saurait invoquer une illégalité pour obtenir un avantage. En effet, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêts du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, EU:C:1985:297, point 14 ; du 2 juin 1994, de Compte/Parlement, C‑326/91 P,
EU:C:1994:218, points 51 et 52, et du 1er juillet 2010, Časta/Commission, F‑40/09, EU:F:2010:74, point 88). »

40 Or, la citation de cette jurisprudence était suffisante pour répondre de manière motivée au moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement.

41 Elle justifiait également les décisions des 17 et 19 novembre 2015, dès lors que cette institution estimait que le paiement de l’allocation scolaire demandée par les requérants violerait l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, position par ailleurs confortée par le présent arrêt.

42 S’agissant de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il y a lieu de constater que, dans leur requête en annulation, les requérants y ont fait une simple allusion, mais n’ont pas présenté un moyen fondé sur la violation de cette disposition auquel le Tribunal aurait été tenu de répondre.

43 Il s’ensuit que le quatrième moyen n’est pas fondé.

44 Tous les moyens ayant été jugés non fondés, le pourvoi doit être rejeté.

Sur les dépens

45 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

46 Le Parlement ayant conclu à la condamnation des requérants et ces derniers ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Mme Irit Azoulay, M. Andrew Boreham, Mme Mirja Bouchard et M. Darren Neville sont condamnés aux dépens.

Rosas

Toader

Jarašiūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mai 2018.
 
Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de la VIIème chambre

A. Rosas

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-390/17
Date de la décision : 30/05/2018
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi – Fonction Publique – Rémunération – Allocations familiales – Allocation scolaire – Refus de remboursement des frais de scolarité – Article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Irit Azoulay e.a.
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Rosas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:347

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