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16/05/2018 | CJUE | N°C-124/17

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Vossloh Laeis GmbH contre Stadtwerke München GmbH., 16/05/2018, C-124/17


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 mai 2018 ( 1 )

Affaire C‑124/17

Vossloh Laeis GmbH

contre

Stadtwerke München GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par la Vergabekammer Südbayern (chambre des marchés publics de Bavière du Sud, Allemagne)]

« Recours préjudiciel – Marchés publics – Procédure – Directives 2014/24/UE et 2014/25/UE – Motifs d’exclusion – Obligation de l’opérateur économique de coopérer avec le pouvoi

r adjudicateur afin de démontrer sa fiabilité avant la fin de la période d’exclusion – Notion d’“autorités chargées de l’enquête” – Calcul de ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 mai 2018 ( 1 )

Affaire C‑124/17

Vossloh Laeis GmbH

contre

Stadtwerke München GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par la Vergabekammer Südbayern (chambre des marchés publics de Bavière du Sud, Allemagne)]

« Recours préjudiciel – Marchés publics – Procédure – Directives 2014/24/UE et 2014/25/UE – Motifs d’exclusion – Obligation de l’opérateur économique de coopérer avec le pouvoir adjudicateur afin de démontrer sa fiabilité avant la fin de la période d’exclusion – Notion d’“autorités chargées de l’enquête” – Calcul de la durée maximale de la période d’exclusion »

1.  Un opérateur économique peut être temporairement exclu des procédures de passation de marchés publics s’il s’est livré à un des comportements définis à l’article 57 de la directive 2014/24/UE ( 2 ). Cette période d’exclusion pourra cependant être réduite, si cet opérateur démontre au pouvoir adjudicateur qu’il est parvenu à se réhabiliter malgré son comportement infractionnel antérieur.

2.  L’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 prévoit que, pour démontrer à nouveau sa fiabilité, l’opérateur économique doit prouver qu’il a « clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête» ( 3 ). Une grande partie du litige porte sur l’exégèse de cette dernière notion.

3.  Lorsque le législateur allemand a transposé la directive 2014/24 dans le droit allemand, il a prévu que cette collaboration devait être apportée au pouvoir adjudicateur, en plus des autorités chargées de l’enquête.

4.  Dans ce contexte, la Vergabekammer Südbayern (chambre des marchés publics de Bavière du Sud, Allemagne) pose à la Cour deux questions préjudicielles inédites :

– d’une part, elle souhaite savoir si l’exigence de collaboration (avec le pouvoir adjudicateur) ajoutée par le législateur allemand est compatible avec le droit de l’Union ;

– d’autre part, elle souhaite connaître le dies a quo de la période maximale d’exclusion (trois ans) prévue à l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24, lorsque sa durée n’a pas été fixée par un jugement définitif et qu’il y a lieu de la calculer à compter de la « date de l’événement concerné ».

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive 2014/24

5. Le considérant 102 expose :

« Il convient cependant de laisser aux opérateurs économiques la possibilité de prendre des mesures de mise en conformité visant à remédier aux conséquences de toute infraction pénale ou faute et à empêcher effectivement que celles-ci ne se reproduisent. Il pourrait notamment s’agir de mesures concernant leur organisation et leur personnel, comme la rupture de toute relation avec des personnes ou des organisations impliquées dans ces agissements, des mesures appropriées de réorganisation du
personnel, la mise en œuvre de systèmes de déclaration et de contrôle, la création d’une structure d’audit interne pour assurer le suivi de la conformité et l’adoption de règles internes de responsabilité et de réparation. Lorsque ces mesures offrent des garanties suffisantes, l’opérateur économique concerné ne devrait plus être exclu pour ces seuls motifs. Les opérateurs économiques devraient avoir la possibilité de demander que soient examinées les mesures de mise en conformité prises en vue
d’une éventuelle admission à la procédure de passation de marché. Cependant, il convient de laisser aux États membres le pouvoir de déterminer les conditions procédurales et matérielles exactes qui seraient applicables dans ces cas. Ils devraient, en particulier, être libres de décider s’ils autorisent chaque pouvoir adjudicateur à effectuer les évaluations pertinentes ou s’ils confient cette tâche à d’autres pouvoirs à un niveau central ou décentralisé. »

6. L’article 57 (intitulé « Motifs d’exclusion ») dispose :

« 1.   Les pouvoirs adjudicateurs excluent un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché lorsqu’ils ont établi, en procédant à des vérifications conformément aux articles 59, 60 et 61, ou qu’ils sont informés de quelque autre manière que cet opérateur économique a fait l’objet d’une condamnation, prononcée par un jugement définitif, pour l’une des raisons suivantes :

a) participation à une organisation criminelle […] ;

b) corruption […] ;

c) fraude […] ;

d) infraction terroriste ou infraction liée aux activités terroristes […], ou incitation à commettre une infraction, complicité ou tentative d’infraction […] ;

e) blanchiment de capitaux ou financement du terrorisme […] ;

f) travail des enfants et autres formes de traite des êtres humains […] ;

[…]

2.   Un opérateur économique est exclu de la participation à une procédure de passation de marché si le pouvoir adjudicateur a connaissance d’un manquement […] à ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale lorsque celui‑ci a été établi par une décision judiciaire ayant force de chose jugée ou une décision administrative ayant un effet contraignant […]

En outre, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché si le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a manqué à ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale.

Le présent paragraphe ne s’applique plus lorsque l’opérateur économique a rempli ses obligations en payant ou en concluant un accord contraignant en vue de payer les impôts et taxes ou cotisations de sécurité sociale dues, y compris, le cas échéant, tout intérêt échu ou les éventuelles amendes.

[…]

4.   Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas suivants :

a) lorsque le pouvoir adjudicateur peut démontrer, par tout moyen approprié, un manquement aux obligations applicables visées à l’article 18, paragraphe 2 ;

b) l’opérateur économique est en état de faillite ou fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité ou de liquidation, ses biens sont administrés par un liquidateur ou sont placés sous administration judiciaire, il a conclu un concordat préventif, il se trouve en état de cessation d’activités, ou dans toute situation analogue résultant d’une procédure de même nature prévue par les législations ou réglementations nationales ;

c) le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité ;

d) le pouvoir adjudicateur dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure que l’opérateur économique a conclu des accords avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence ;

e) il ne peut être remédié à un conflit d’intérêts au sens de l’article 24 par d’autres mesures moins intrusives ;

f) il ne peut être remédié à une distorsion de la concurrence résultant de la participation préalable des opérateurs économiques à la préparation de la procédure de passation de marché, visée à l’article 41, par d’autres mesures moins intrusives ;

g) des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un marché public antérieur, d’un marché antérieur passé avec une entité adjudicatrice ou d’une concession antérieure, lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché ou de la concession, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable ;

h) l’opérateur économique s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou la satisfaction des critères de sélection, a caché ces informations ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs requis en vertu de l’article 59 ; ou

i) l’opérateur économique a entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors de la procédure de passation de marché, ou a fourni par négligence des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution.

Nonobstant le premier alinéa, point b), les États membres peuvent exiger ou prévoir la possibilité que le pouvoir adjudicateur n’exclue pas un opérateur économique qui se trouve dans l’un des cas visés audit point lorsque le pouvoir adjudicateur a établi que l’opérateur économique en question sera en mesure d’exécuter le marché, compte tenu des règles et des mesures nationales applicables en matière de continuation des activités dans le cadre des situations visées au point b).

[…]

6.   Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 1 et 4 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure de passation de marché.

À cette fin, l’opérateur économique prouve qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

Les mesures prises par les opérateurs économiques sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute ainsi que de ses circonstances particulières. Lorsque les mesures sont jugées insuffisantes, la motivation de la décision concernée est transmise à l’opérateur économique.

Un opérateur économique qui a été exclu par un jugement définitif de la participation à des procédures de passation de marché ou d’attribution de concession n’est pas autorisé à faire usage de la possibilité prévue au présent paragraphe pendant la période d’exclusion fixée par ledit jugement dans les États membres où le jugement produit ses effets.

7.   Par disposition législative, réglementaire ou administrative et dans le respect du droit de l’Union, les États membres arrêtent les conditions d’application du présent article. Ils déterminent notamment la durée maximale de la période d’exclusion si aucune des mesures visées au paragraphe 6 n’a été prise par l’opérateur économique pour démontrer sa fiabilité. Lorsque la durée de la période d’exclusion n’a pas été fixée par jugement définitif, elle ne peut dépasser cinq ans à compter de la
date de la condamnation par jugement définitif dans les cas visés au paragraphe 1 et trois ans à compter de la date de l’événement concerné dans les cas visés au paragraphe 4. »

2. La directive 2014/25/UE

7. L’article 77 de la directive 2014/25/UE ( 4 ) (intitulé « Systèmes de qualification ») dispose :

« 1.   Les entités adjudicatrices peuvent, si elles le souhaitent, établir et gérer un système de qualification d’opérateurs économiques.

Les entités qui établissent ou gèrent un système de qualification veillent à ce que les opérateurs économiques puissent à tout moment demander à être qualifiés.

2.   Le système prévu au paragraphe 1 peut comprendre plusieurs stades de qualification.

Les entités adjudicatrices établissent des règles et critères objectifs d’exclusion et de sélection des opérateurs économiques qui demandent à être qualifiés, et des critères et règles objectifs de fonctionnement du système de qualification, portant sur des aspects tels que l’inscription au système, la mise à jour périodique des qualifications, le cas échéant, et la durée du système.

Lorsque ces critères et règles comportent des spécifications techniques, les articles 60 à 62 s’appliquent. Ces critères et ces règles peuvent au besoin être mis à jour.

[…] »

8. L’article 80 (intitulé « Utilisation des motifs d’exclusion et des critères de sélection prévus par la directive 2014/24/UE ») dispose :

« 1.   Les règles et les critères objectifs d’exclusion et de sélection des opérateurs économiques qui demandent à être qualifiés dans le cadre d’un système de qualification et les règles et les critères objectifs d’exclusion et de sélection des candidats et des soumissionnaires dans des procédures ouvertes, restreintes ou négociées, dans des dialogues compétitifs ou dans des partenariats d’innovation peuvent inclure les motifs d’exclusion énumérés à l’article 57 de la directive 2014/24/UE, dans
les conditions qui y sont exposées.

Lorsque l’entité adjudicatrice est un pouvoir adjudicateur, ces critères et règles incluent les critères d’exclusion énumérés à l’article 57, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/24/UE, dans les conditions qui y sont exposées.

Si les États membres le demandent, ces critères et règles incluent en outre les critères d’exclusion énumérés à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24/UE, dans les conditions qui y sont exposées.

[…] »

B.   Le droit allemand

9. L’article 124 du Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen ( 5 ) dispose :

« (1)   Les pouvoirs adjudicateurs peuvent, en respectant le principe de proportionnalité, exclure une entreprise de la participation à une procédure de passation de marché à tout moment de cette procédure, lorsque :

[…]

3. L’entreprise a, dans le cadre de son activité, commis une faute lourde prouvée mettant en question l’intégrité de l’entreprise ; […]

4. Le pouvoir adjudicateur dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure que l’entreprise a conclu des accords avec d’autres entreprises dont le but ou l’effet est d’entraver, de restreindre ou de fausser la concurrence.

[…] »

10. L’article 125 GWB dispose :

« (1)   Les pouvoirs adjudicateurs n’excluent pas de la participation à des procédures de passation de marchés une entreprise présentant un motif d’exclusion conformément à l’article 123 ou à l’article 124, lorsque cette entreprise a prouvé que :

1. elle a versé ou s’est engagée à verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute,

2. clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et le pouvoir adjudicateur, et

3. pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

[…] »

11. L’article 126 GWB dispose :

« Lorsqu’une entreprise présentant un motif d’exclusion n’a pris aucune mesure ou pas de mesures suffisantes d’autoréhabilitation au sens de l’article 125, elle peut :

1. en cas de motif d’exclusion prévu à l’article 123, être exclue de la participation à des procédures de passation de marché pendant cinq ans au maximum à compter de la date de la condamnation par jugement définitif,

2. en cas de motif d’exclusion prévu à l’article 124, être exclue de la participation à des procédures de passation de marché pendant trois ans au maximum à compter de la date de l’événement concerné. »

II. Les faits

12. Stadtwerke München GmbH, ou le pouvoir adjudicateur, a instauré en 2011 un « système de qualification » au sens de l’article 77 de la directive 2014/25, visant à sélectionner des entreprises appelées à lui fournir des éléments pour voies ferrées ( 6 ).

13. Le 4 novembre 2016, Vossloh Laeis GmbH a été exclue de ce système, au motif que le Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes, Allemagne) lui avait infligé, le 9 mars 2016, une amende, pour avoir participé pendant plusieurs années à un cartel actif jusqu’au printemps 2011.

14. Stadtwerke München figurait parmi les parties lésées par le comportement collusoire des membres du cartel et a introduit, à ce titre, une action civile en réparation du dommage contre Vossloh Laeis.

15. D’après la décision de renvoi, Vossloh Laeis n’aurait pas collaboré avec le pouvoir adjudicateur afin de clarifier les infractions aux dispositions en matière de pratiques restrictives de la concurrence. En particulier :

– après la découverte du cartel en 2011, Vossloh Laeis ne s’est pas tournée vers le pouvoir adjudicateur et n’a pris aucune initiative afin de clarifier totalement les faits ;

– devant le pouvoir adjudicateur, Vossloh Laeis n’a cessé de nier sa participation aux pratiques collusoires en cause qu’en 2016, non sans préciser qu’elle avait introduit un recours contre la décision de sanction et tout en décrivant les mesures organisationnelles et en matière de personnel prises afin de clarifier les faits et d’éviter qu’ils se reproduisent à l’avenir. En outre, Vossloh Laeis a ajouté qu’elle réparerait le préjudice causé par son comportement illicite.

16. Vossloh Laeis n’a cependant pas accepté de transmettre la décision de sanction au pouvoir adjudicateur pour que ce dernier puisse l’examiner. Elle n’a pas non plus accepté de coopérer avec ledit pouvoir adjudicateur afin de clarifier l’infraction commise, étant donné qu’elle considérait que sa coopération avec l’autorité de la concurrence était suffisante.

17. La juridiction de renvoi ne conteste pas (puisque cela ressort de la décision de sanction) que Vossloh Laeis a collaboré de manière continue et sans restriction avec l’autorité allemande de la concurrence au cours de la procédure suivie devant cette dernière.

18. Le pouvoir adjudicateur a considéré que les explications de Vossloh Laeis ne démontraient pas que celle‑ci aurait pris des mesures suffisantes d’autoréhabilitation, au sens de l’article 125 GWB. C’est pourquoi Stadtwerke München a informé Vossloh Laeis, le 4 novembre 2016, qu’elle était définitivement exclue, avec effet immédiat, de la procédure de qualification.

19. Vossloh Laeis a introduit un recours contre cette décision devant la Vergabekammer Südbayern (chambre des marchés publics de Bavière du Sud), qui pose les questions préjudicielles à la Cour.

III. Les questions préjudicielles

20. Les questions préjudicielles sont libellées comme suit :

« 1) Une disposition d’un État membre qui impose à un opérateur économique, afin d’obtenir une autoréhabilitation, de clarifier totalement les faits et circonstances ayant un lien avec l’infraction pénale ou la faute et le préjudice ainsi causé, en collaborant activement, non seulement avec les autorités chargées de l’enquête, mais aussi avec le pouvoir adjudicateur, est‑elle compatible avec les prescriptions de l’article 80 de la directive 2014/25/UE lu conjointement avec l’article 57,
paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24/UE ?

2) En cas de réponse par la négative à la première question, l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24/UE doit-il dans le contexte être interprété en ce sens que, afin d’obtenir une autoréhabilitation, l’opérateur économique concerné est en tout état de cause tenu d’instruire le pouvoir adjudicateur sur les faits dans une mesure permettant à celui-ci d’apprécier si les mesures d’autoréhabilitation prises (mesures techniques, organisationnelles et en matière de
personnel et réparation du préjudice) sont appropriées et suffisantes ?

3) Dans les cas d’exclusion facultative prévus à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24/UE, la durée maximale de la période d’exclusion ou le délai d’exclusion prévu à l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24/UE est de trois ans à compter de l’événement concerné. Doit-on déjà entendre par “événement concerné” la réalisation des motifs d’exclusion visés à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24/UE ou le moment déterminant est-il celui où le pouvoir adjudicateur
dispose d’informations sûres et solides relatives à l’existence du motif d’exclusion ?

4) Par conséquent, dans le cas d’exclusion prévu à l’article 57, paragraphe 4, sous d), de la directive 2014/24/UE, lorsqu’un opérateur économique participe à une entente, l’événement concerné au sens de l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24/UE est-il la fin de la participation à l’entente ou l’obtention par le pouvoir adjudicateur d’informations sûres et solides concernant la participation à une entente ? »

IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

21. Le renvoi préjudiciel a été enregistré au greffe de la Cour le 10 mars 2017.

22. Des observations écrites ont été déposées par Vossloh Laeis, par Stadtwerke München, par les gouvernements allemand, grec, hongrois et polonais, ainsi que par la Commission européenne, qui ont tous comparu lors de l’audience tenue le 21 février 2018, à l’exception de Stadtwerke München et du gouvernement polonais.

V. Analyse

23. À titre préliminaire, et bien qu’aucune des parties n’ait mis en doute que la Vergabekammer Südbayern (chambre des marchés publics de Bavière du Sud) soit une juridiction, il convient de rappeler que la Cour lui a reconnu cette qualité, au sens de l’article 267 TFUE, dans l’arrêt Hörmann Reisen ( 7 ).

24. Les quatre questions posées dans le cadre de cette procédure peuvent être regroupées par deux. Les première et deuxième questions visent à déterminer si la collaboration exigée par l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24 (afin de démontrer la fiabilité retrouvée d’un opérateur économique présentant un des motifs d’exclusion prévus aux paragraphes 1 et 4 de cet article) doit être apportée uniquement aux « autorités chargées de l’enquête » ou, également, au pouvoir
adjudicateur, lorsque le droit national d’un État membre prévoit cette dernière hypothèse.

25. Les deux autres questions portent sur la période d’exclusion qui peut être imposée à un opérateur économique n’ayant pas adopté les mesures d’autoréhabilitation visées à l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24. Concrètement, il s’agit de préciser quel est l’« événement concerné » que l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24, mentionne en tant que dies a quo de la période d’exclusion.

A.   La notion d’« autorités chargées de l’enquête » au sens de l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24 (première et deuxième questions)

1. Synthèse des arguments des parties

26. Vossloh Laeis soutient qu’en exigeant une collaboration active avec le pouvoir adjudicateur, la législation allemande aurait posé une condition supplémentaire à l’autoréhabilitation, puisque l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, ne se réfère qu’à la collaboration active avec les autorités chargées de l’enquête.

27. Elle considère qu’en droit de l’Union, les notions de « pouvoir adjudicateur » et d’« autorités chargées de l’enquête » renvoient à des entités différentes, aux fonctions distinctes : alors que le premier attribue des marchés publics, les secondes ont pour mission de rechercher des infractions pénales ou, de manière générale, d’éventuelles fautes.

28. Vossloh Laeis fait valoir que l’article 57 de la directive 2014/24 distingue les mesures d’autoréhabilitation prises par l’opérateur économique, d’une part, et la preuve de l’efficacité de ces mesures, d’autre part. La logique de cet article repose sur le fait que l’opérateur économique est tenu d’adopter les mesures d’autoréhabilitation nécessaires et que s’il participe ensuite à une procédure de passation de marchés (qu’il s’agisse d’une adjudication ou d’une procédure de préqualification), il
doit prouver au pouvoir adjudicateur que ces mesures ont porté leurs fruits. Le législateur allemand se serait écarté de ce système en dupliquant l’exigence de collaboration, contrevenant ainsi à la directive 2014/24.

29. La position défendue par Vossloh Laeis est, en substance, également celle préconisée par le gouvernement grec.

30. Stadtwerke München et les gouvernements allemand et hongrois estiment au contraire que la transposition non littérale, dans la législation allemande, du libellé de l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24, ne pose aucun problème. Par l’ajout de la référence au pouvoir adjudicateur, il aurait été tenu compte du fait qu’en droit allemand, l’expression « autorités chargées de l’enquête » aurait pu être interprétée comme se rapportant uniquement aux autorités chargées de poursuivre les
infractions pénales. Afin d’éviter une transposition insuffisante, il était indispensable que cette expression soit utilisée dans son sens le plus large, raison pour laquelle le législateur allemand a été amené à préciser que l’opérateur économique était tenu de collaborer à la fois avec les « autorités chargées de l’enquête » au sens strict et avec le pouvoir adjudicateur, considéré comme une « autorité chargée de l’enquête » dans une plus large acception. Le pouvoir adjudicateur « enquête »
également lorsque, conformément à l’article 57, paragraphes 5 et 6, de la directive 2014/24, il examine si un soumissionnaire présente un des motifs d’exclusion facultative ou s’il remplit les critères d’autoréhabilitation.

31. Cela étant, lors de l’audience, le gouvernement allemand a nuancé sa position initiale par l’intermédiaire de son agent, en ce sens que la référence conjointe aux autorités chargées de l’enquête et au pouvoir adjudicateur ne visait pas à dupliquer la même obligation.

32. Stadtwerke München estime que même s’il fallait considérer que l’extension de l’obligation de collaboration n’était pas couverte par l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24, le droit de l’Union ne s’opposerait pas à ce que les États membres adoptent des mesures plus strictes à cet égard. Cela découlerait de l’esprit, de la finalité, ainsi que de la fonction des motifs d’exclusion en matière de passations de marchés.

33. Dans cette perspective, Stadtwerke München souligne que la solution préconisée par le législateur allemand serait transparente et non discriminatoire. En outre, la directive 2014/24 n’interdit pas expressément l’adoption de mesures plus strictes. Enfin, la participation des pouvoirs adjudicateurs au processus d’autoréhabilitation serait également nécessaire, puisqu’il leur incombe de vérifier si les opérateurs économiques doivent être exclus de la procédure et, dans l’affirmative, de vérifier
également les mesures d’autoréhabilitation qu’ils auraient menées à bien.

34. La Commission estime qu’à la différence de la notion de « pouvoir adjudicateur » visée à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2014/24, la notion d’« autorités chargées de l’enquête » n’a été définie ni dans cette directive, ni dans la directive 2014/25. Elle est d’avis que même si la même autorité peut intervenir à la fois comme pouvoir adjudicateur et comme autorité chargée de l’enquête, il ne semble pas que la référence aux autorités chargées de l’enquête dans l’article 57, paragraphe 6,
de la directive 2014/24, renvoie au pouvoir adjudicateur.

35. La Commission considère qu’il ressort de l’interprétation systématique de cette disposition qu’au-delà de la collaboration avec les autorités chargées de l’enquête, il existe également un devoir de collaboration avec le pouvoir adjudicateur, dont la nature est néanmoins différente. En tout état de cause, la collaboration avec les deux autorités ne devrait pas aboutir à une duplication ou à une répétition des mêmes obligations.

36. La Commission considère également que la coopération exigible avec chaque autorité a ses propres caractéristiques ou, en d’autres termes, que ces coopérations ne seraient pas identiques. L’objectif poursuivi par les autorités chargées de l’enquête lorsqu’elles instruisent leurs procédures (qui visent à déceler les infractions) est différent de l’examen qui incombe aux pouvoirs adjudicateurs (qui vise à s’assurer de la fiabilité d’un opérateur économique). Dans le premier cas, il s’agit de
déterminer la culpabilité des parties impliquées dans des faits passés. Dans le second, il s’agit d’analyser les risques que pourrait entraîner, dans le futur, l’attribution d’un marché à un soumissionnaire déterminé.

2. Appréciation

37. L’article 57 de la directive 2014/24 énumère une série de motifs d’exclusion des opérateurs économiques dans les procédures de passation de marchés. Les motifs impératifs sont repris au paragraphe 1 (« les pouvoirs adjudicateurs excluent ») et les motifs facultatifs sont repris au paragraphe 4 (« les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure »).

38. Parmi les motifs facultatifs figurent les comportements collusoires visés au point d) lorsque « le pouvoir adjudicateur dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure que l’opérateur économique a conclu des accords avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence », il pourra refuser sa participation à une de ces procédures.

39. À moins que cette déchéance n’ait été prononcée par un jugement définitif – auquel cas elle se prolongera pendant la durée prévue par la décision judiciaire –, l’opérateur économique concerné peut invoquer la possibilité que lui offre l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24, de mettre fin à la durée normale ( 8 ) de la période d’exclusion avant que celle‑ci ne soit intégralement écoulée.

40. Pour bénéficier de cette possibilité, l’opérateur économique considéré devra démontrer que « malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent » (article 57, paragraphe 6, premier alinéa, de la directive 2014/24), sa conduite ultérieure l’a rendu « fiable ». Afin de « démontrer sa fiabilité » (ibid.), il « peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent » (ibid.) à cette fin.

41. La fiabilité mentionnée dans cette disposition est une qualité que le pouvoir adjudicateur doit obligatoirement apprécier en suivant les règles établies à l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24. Il ne pourra considérer la fiabilité établie que si l’opérateur économique : a) a versé – ou s’est engagé à verser – une indemnité en réparation du préjudice causé par l’infraction à l’origine de son exclusion ; b) a clarifié totalement les faits et circonstances, et c) a
pris des mesures (techniques, organisationnelles et en matière de personnel) concrètes propres à prévenir de nouvelles infractions.

42. Les doutes de la juridiction de renvoi concernent uniquement la deuxième de ces conditions et se basent sur la discordance entre l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24 (en vertu duquel l’opérateur économique doit prouver qu’il a « clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête ») et l’article 125, paragraphe 1, deuxième point, GWB (en vertu duquel la collaboration active doit intervenir avec « les
autorités chargées de l’enquête et le pouvoir adjudicateur »).

43. Stadtwerke München affirme que la référence au « pouvoir adjudicateur » aurait été ajoutée à la référence aux « autorités chargées de l’enquête », faite par le législateur de l’Union, afin d’éviter une interprétation restrictive de l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24, qui aurait réduit l’obligation imposée à l’opérateur économique à une collaboration uniquement avec des « autorités chargées de l’enquête » au sens strict (autrement dit, avec des institutions chargées de poursuivre
des infractions pénales ou des fautes), en oubliant qu’au sens large, le pouvoir adjudicateur procède également à une enquête lorsqu’il examine si un opérateur économique relève d’un motif d’exclusion ou si, malgré cela, il est parvenu à démontrer sa fiabilité.

44. Cependant, je ne pense pas que la supposée imprécision de l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, en fonction de ses différentes versions linguistiques, crée un risque de malentendu.

45. La version linguistique allemande utilise l’expression « Ermittlungsbehörden », qui correspond exactement à l’expression employée dans d’autres versions linguistiques, telles que les versions linguistiques espagnole (« autoridades investigadoras »), anglaise (« investigating authorities »), française (« autorités chargées de l’enquête »), italienne (« autorità investigative »), portugaise (« autoridades responsáveis pelo inquérito ») ou néerlandaise (« onderzoekende autoriteiten »). En outre,
les autorités et organismes attribuant des marchés publics ou organisant des procédures de passation de marché sont désignés, dans toutes les versions linguistiques, par des expressions également univoques : « poder adjudicador » dans la version linguistique espagnole et « öffentliche Auftraggeber » dans la version linguistique allemande.

46. Le problème ne réside dès lors pas dans l’imprécision des termes par lesquels l’article 57 de la directive 2014/24 désigne des organes de nature différente. Il se trouve que cette même disposition confie également aux pouvoirs adjudicateurs certaines fonctions aux connotations investigatrices. C’est ainsi qu’à titre d’exemple :

– en vertu de l’article 57, paragraphe 1, de la directive 2014/24, les pouvoirs adjudicateurs excluent un opérateur économique « lorsqu’ils ont établi […] ou qu’ils sont informés […] que cet opérateur économique a fait l’objet d’une condamnation, prononcée par un jugement définitif, pour [certaines] raisons » ;

– dans cette même logique, l’article 57, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, prévoit que « le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a manqué à ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale » ;

– enfin, d’autres cas énumérés à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24, requièrent une certaine activité inquisitrice ( 9 ) des pouvoirs adjudicateurs. Ceux‑ci peuvent par exemple, en vertu du point c) de cette disposition, « démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité ».

47. À mon sens, l’exercice de ces fonctions ne transforme pas le pouvoir adjudicateur en une des « autorités chargées de l’enquête » visées à l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24.

48. Le pouvoir adjudicateur devra certes déployer une inévitable activité inquisitrice (au sens précédemment décrit) pour déterminer si certains motifs d’exclusion visés à l’article 57, paragraphes 1 et 4, de la directive 2014/24, se vérifient. Cela étant, le dessein de l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24, n’est pas que le pouvoir adjudicateur détermine par lui‑même et dans tous les cas les faits susceptibles de provoquer l’exclusion, mais, une fois qu’un opérateur économique a été
exclu, qu’il apprécie les preuves fournies par quiconque déclare s’être réhabilité.

49. Le rôle du pouvoir adjudicateur dans cette appréciation des preuves est, par conséquent, passif, alors que celui qui incombe à l’opérateur économique est actif. L’opérateur économique doit fournir les éléments de preuve sur lesquels le pouvoir adjudicateur se prononcera, sans qu’il lui soit indispensable, je le répète, de déployer à chaque fois des activités d’instruction (ou d’enquête) pour ce faire.

50. L’opérateur économique souhaitant défendre sa réhabilitation doit notamment démontrer qu’« il a clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête ». En toute logique, il devra procéder à cette démonstration devant le pouvoir adjudicateur, c’est‑à‑dire devant l’organe qui, après avoir apprécié les preuves, décidera si le soumissionnaire a démontré à suffisance sa fiabilité et s’il peut, pour cette raison, être à nouveau admis aux
procédures de passation de marchés.

51. Par conséquent, de manière générale, les « autorités chargées de l’enquête » visées à l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, ne coïncideront pas avec les pouvoirs adjudicateurs. Devant ces derniers, le soumissionnaire (ou l’entreprise souhaitant intégrer un système de qualification, comme c’est le cas en l’espèce) doit démontrer qu’il a collaboré activement avec les autorités chargées de l’enquête afin de clarifier totalement les faits. Cependant, cette
collaboration doit nécessairement être celle apportée à une autre institution que le pouvoir adjudicateur proprement dit ; si ce n’était pas le cas, cette collaboration constituerait, pour ledit pouvoir, un fait notoire ne réclamant aucune preuve.

52. La chronologie des démarches visées par l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24, corrobore cette conclusion. Les faits que l’opérateur économique doit démontrer devant le pouvoir adjudicateur se situent dans le passé, c’est‑à‑dire à un moment antérieur à celui où il demande au pouvoir adjudicateur de le considérer comme étant réhabilité.

53. En effet, l’indemnisation du préjudice doit avoir été versée ou faire l’objet d’un engagement, tout comme les mesures concrètes propres à prévenir une nouvelle infraction doivent déjà avoir été adoptées. Pour les mêmes raisons, les éclaircissements (relatifs aux faits et aux circonstances de la conduite à l’origine de l’exclusion) doivent avoir été fournis, en leur temps, à une autorité qui ne saurait être le pouvoir adjudicateur, devant lequel il faut seulement démontrer que cette
clarification – tout comme le paiement de l’indemnité ou l’adoption des mesures appropriées – a déjà eu lieu.

54. Ce qui précède constitue, à mon sens, l’interprétation la plus plausible de l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24. De plus, c’est précisément celle qui correspond le mieux à une affaire comme celle qui nous occupe, dans laquelle la conduite à l’origine de l’exclusion (la participation de l’entreprise à un cartel) a été constatée et sanctionnée par une « autorité chargée de l’enquête », à savoir l’Office fédéral des ententes.

55. Dans ce contexte, il n’y a pas de sens à dupliquer l’obligation de collaboration en y ajoutant celle de collaborer avec le pouvoir adjudicateur, comme ce serait le cas si l’opérateur économique demandant sa réhabilitation après avoir été exclu se voyait forcé de clarifier les mêmes faits et les mêmes circonstances auprès de deux autorités différentes.

56. L’on pourrait cependant faire valoir (à l’instar de Stadtwerke München) que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les États membres introduisent des critères plus stricts pour la démonstration par les opérateurs économiques, pendant la période d’exclusion, de leur fiabilité retrouvée. Il serait par conséquent possible d’exiger d’eux qu’en plus de collaborer avec les autorités chargées de l’enquête, ils collaborent également avec le pouvoir adjudicateur.

57. Des arguments non négligeables plaident en faveur de cette thèse. D’une part, aux termes de l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24, « les États membres arrêtent les conditions d’application du présent article ». D’autre part, la Cour a jugé ( 10 ), en ce qui concerne les motifs d’exclusion facultatives ( 11 ), que la directive sur les marchés publics « n’envisage pas une uniformité d’application […] au niveau de l’Union, dans la mesure où les États membres ont la faculté de ne pas
appliquer ces causes d’exclusion, ou de les intégrer dans la réglementation nationale avec un degré de rigueur qui pourrait être variable selon les cas, en fonction de considérations d’ordre juridique, économique ou social prévalant au niveau national ».

58. À mon sens, cette exigence de collaboration avec le pouvoir adjudicateur ne serait possible que s’il s’agissait d’une collaboration différente de celle réclamée à l’égard des autorités chargées de l’enquête. L’on pourrait en effet considérer que la collaboration avec le pouvoir adjudicateur, établie à l’article 125, paragraphe 1, deuxième point, GWB, n’a pas le même objet que la collaboration avec les autorités chargées de l’enquête qui est demandée à l’opérateur économique, mais porte sur des
comportements dont il appartient au pouvoir adjudicateur lui‑même d’apprécier et de décider s’ils constituent un motif d’exclusion.

59. Sous cet angle, les dispositions de l’article 124, paragraphe 4, GBW ( 12 ), trouveraient un sens : l’opérateur économique devra collaborer activement avec le pouvoir adjudicateur pour : i) clarifier les faits et circonstances qui ont pu mener ce dernier à considérer que le motif d’exclusion était applicable, ce qui relève de son appréciation, et ii) persuader ledit pouvoir adjudicateur que, malgré cela, il peut être réhabilité.

60. À l’inverse, interpréter la règle de droit allemande en ce sens que l’opérateur économique doit coopérer de la même manière (et à deux reprises) avec le pouvoir adjudicateur et avec les autorités chargées de l’enquête, afin de clarifier les mêmes faits et circonstances en lien avec le même motif d’exclusion, aurait des conséquences qui ne me semblent pas compatibles avec l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 :

– d’une part, l’on aboutirait à une duplication des obligations exigibles à l’égard d’entités qui, comme les autorités chargées de l’enquête et le pouvoir adjudicateur, exercent des fonctions différentes ;

– d’autre part, l’opérateur économique pourrait se retrouver dans une situation proche de l’impossibilité de se défendre lorsque, dans des circonstances telles que celles de l’affaire qui nous occupe, le pouvoir adjudicateur soutient avoir subi un préjudice, pour lequel il demande réparation, en conséquence du comportement infractionnel à l’origine de l’exclusion dudit opérateur ( 13 ).

61. En effet, cette duplication des obligations fait abstraction des différences entre les fonctions propres aux autorités chargées de l’enquête en matière de protection de la concurrence et les fonctions des pouvoirs adjudicateurs. En outre, si un de ces pouvoirs adjudicateurs est placé en position de juger si les faits par lesquels il s’estime lésé ont ou non été dûment clarifiés et qu’il ne doit dès lors pas se limiter à constater si l’opérateur économique a totalement collaboré à cette fin avec
les autorités chargées de l’enquête, il se pourrait que ledit pouvoir adjudicateur ne se trouve pas dans les meilleurs conditions pour trancher la demande de réhabilitation avec la neutralité et l’impartialité requises.

B.   La notion d’« événement concerné » au sens de l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24 (troisième et quatrième questions)

62. Aux termes de l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24, les États membres « déterminent notamment la durée maximale de la période d’exclusion si aucune des mesures visées au paragraphe 6 n’a été prise par l’opérateur économique pour démontrer sa fiabilité ».

63. Les États membres ne disposent cependant pas d’une liberté absolue à cet égard, puisque cette disposition fixe certaines limites à la durée maximale de la période d’exclusion. Plus précisément :

– si la durée de la période d’exclusion a été fixée par un jugement définitif, il conviendra, dans tous les cas, de s’y tenir ;

– s’il existe un jugement définitif, mais que celui‑ci ne précise pas la durée de la période d’exclusion, celle‑ci ne peut dépasser cinq ans à compter de la date de la condamnation lorsqu’il s’agit de motifs d’exclusion impératifs (les cas visés au paragraphe 1 du même article) ;

– s’il n’y a pas de jugement définitif, ou que le jugement définitif rendu n’indique pas la durée maximale de la période d’exclusion, celle‑ci est limitée à « trois ans à compter de la date de l’événement concerné dans les cas visés au paragraphe 4 » (motifs d’exclusion facultatifs).

64. Les deux dernières questions de la juridiction de renvoi, qui cherche à dissiper les doutes entourant la notion d’« événement concerné », portent sur cette dernière précision.

1. Synthèse des arguments des parties

65. Vossloh Laeis allègue que la notion litigieuse se rapporte à l’existence objective du motif d’exclusion. Si le législateur avait voulu se référer à la connaissance subjective dudit motif par le pouvoir adjudicateur, il l’aurait formulé en conséquence. L’interprétation systématique de la disposition concernée aboutirait à cette même conclusion, puisque s’il en allait autrement, la date dépendrait de chaque pouvoir adjudicateur, ce qui porterait atteinte à la sécurité juridique.

66. Stadtwerke München estime que le moment déterminant n’est pas celui où se réalise (ou cesse) le comportement à l’origine de l’exclusion facultative, mais celui où les conditions de celle‑ci sont entièrement remplies, ce qui inclut la composante subjective (connaissance du motif par le pouvoir adjudicateur). Conformément à ce principe, l’événement concerné se situerait, normalement, au moment où le pouvoir adjudicateur dispose d’informations solides relatives à l’existence du motif d’exclusion.

67. Les gouvernements allemand et hongrois partagent, en substance, cette même approche. L’« événement concerné » serait déterminé par le moment où le pouvoir adjudicateur dispose d’informations sûres et solides relatives à l’existence du motif d’exclusion, c’est‑à‑dire, selon le gouvernement hongrois, le moment où il existe une décision ferme et définitive sur la question.

68. Le gouvernement grec est enclin à appliquer les dispositions de l’article 25, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 ( 14 ), dans le domaine de la passation de marchés publics, afin qu’il n’y ait pas d’écarts par rapport à la procédure administrative ou pénale correspondante. Il en déduit que l’« événement concerné » est le moment où s’est produit le fait à l’origine de l’exclusion, et non celui où le pouvoir adjudicateur en a eu connaissance.

69. Pour le gouvernement polonais, qui a présenté des observations ne portant que sur cette question, l’« événement concerné » serait la conclusion de l’accord visant à fausser la concurrence. En cas d’impossibilité d’établir la date dudit accord, il conviendrait de s’en tenir à la date de l’événement qui permette de considérer sa conclusion comme probable (cela pourrait être, par exemple, la date de fin de la procédure de passation du marché public lors de laquelle il a été constaté que les
opérateurs économiques participants avaient tenté de fausser la concurrence).

70. La Commission considère que trois dates différentes pourraient être prises en compte : 1) celle du comportement constituant un motif d’exclusion ; 2) le moment auquel les critères de l’un des motifs d’exclusion sont remplis, ce qui, dans les cas visés à l’article 57, paragraphe 4, points c) et d), de la directive 2014/24, correspondrait au moment auquel le pouvoir adjudicateur peut démontrer la faute de l’opérateur économique ou auquel il dispose d’éléments suffisamment plausibles, et 3) la date
à laquelle une autorité chargée de l’enquête a constaté le comportement fautif par une décision définitive.

71. La Commission estime que la sécurité juridique (qui inspire la limitation dans le temps des motifs d’exclusion) plaiderait en faveur de la première de ces trois options. Le risque de voir le marché public attribué à des opérateurs ayant commis des fautes professionnelles (qui justifie précisément les motifs d’exclusion établis par la directive 2014/24) pousserait cependant à privilégier la deuxième option.

72. Lors de l’audience, la Commission a produit, à l’appui de sa position, les normes réglementant les marchés publics conclus par les institutions de l’Union européenne, notamment l’article 106, paragraphes 14 et 15, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 ( 15 ). Elle estime que ces normes sont utiles pour l’interprétation de l’article 57 de la directive 2014/24, étant donné qu’il doit y avoir une certaine concordance entre cette directive et ces normes. La Commission en déduit qu’en définitive, la
durée maximale de la période pendant laquelle un opérateur économique peut être exclu est de trois ans à compter de l’adoption d’une décision finale de sanction par une autorité chargée de l’enquête.

2. Appréciation

73. Comme je l’ai déjà relevé, l’article 57, paragraphe 7, in fine, de la directive 2014/24, tient compte de « l’événement concerné dans les cas visés au paragraphe 4 » pour déterminer le début de la période maximale d’exclusion lorsque la durée de celle‑ci n’a pas été fixée par un jugement définitif ( 16 ). Par conséquent, cette notion comprend, en principe, le comportement ou les circonstances énoncés dans les différents hypothèses visées audit article 57, paragraphe 4.

74. Le point de savoir si le calcul de la période d’exclusion doit débuter au moment où se produit concrètement ce comportement ou cette circonstance ou au moment auquel le pouvoir adjudicateur dispose d’informations sûres et solides relatives à son existence constitue une autre question, qui est celle soulevée par la juridiction de renvoi.

75. Les parties à la présente procédure préjudicielle ont adopté des positions allant de la défense d’une interprétation objective, centrée sur la réalisation de l’« événement concerné », à la défense d’une interprétation subjective, basée sur la connaissance de ce fait par l’entité adjudicatrice.

76. Comme l’a indiqué la Commission, si la première approche fait primer la sécurité juridique, la seconde favorise la protection des procédures de passation de marchés contre le risque généré par l’admission de soumissionnaires présentant des motifs d’exclusion.

77. Pour répondre à la juridiction de renvoi, il n’est cependant pas indispensable d’analyser exhaustivement le régime temporel des périodes d’exclusion prévues par la directive 2014/24, il suffit de se référer au motif spécifique d’exclusion concerné par le débat.

78. S’agissant, plus précisément, de la participation de Vossloh Laeis a un cartel, qui a été constatée et sanctionnée par l’autorité allemande de la concurrence, la controverse s’articule autour du point de savoir si le délai de trois ans débute : i) lorsque cette participation a eu lieu ou a pris fin (approche objective), ou ii) lorsque les autorités, qu’il s’agisse de celles chargées de l’enquête ou du pouvoir adjudicateur, ont constaté de manière fiable le comportement fautif ou l’ont sanctionné
(approche subjective).

79. Le gouvernement grec estime pertinente la solution adoptée dans l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, en ce qui concerne le jour a quo du délai de prescription des comportements illicites dans le domaine de la concurrence. Ce délai « court à compter du jour où l’infraction a été commise. Toutefois, pour les infractions continues ou répétées, la prescription ne court qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin ».

80. L’on pourrait en effet penser que si le législateur de l’Union a choisi de privilégier la sécurité juridique du contrevenant à l’efficacité du pouvoir de sanction de la Commission, cette même approche serait transposable au jour initial de la période d’exclusion dans les procédures de passation de marchés publics.

81. J’estime cependant que ce point de vue est incomplet. Si l’analogie devait être effectuée, elle devrait l’être dans toute son étendue, si bien que – comme dans les cas de prescription des comportements restrictifs de la concurrence – la période maximale d’exclusion, une fois entamée, pourrait être interrompue ( 17 ). La durée de la période d’exclusion serait alors susceptible de s’étendre au-delà des trois années impérativement fixées par l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24 ( 18
).

82. J’estime, pour cette raison, qu’il est possible de parvenir à la solution par la voie de l’analogie, mais en appliquant cette technique d’adaptation de la norme au reste du contenu de cette disposition. Il ressort de celui‑ci que lorsque le motif d’exclusion obligatoire est un comportement illicite constaté par un jugement ne fixant pas la durée de la période d’exclusion, c’est précisément la date de la condamnation qui déclenche le calcul des cinq années d’exclusion.

83. Ce même critère peut, à mon sens, être appliqué sans difficultés d’interprétation lorsqu’il s’agit de comportements restrictifs de la concurrence, dont l’existence ne peut être tenue pour établie (compte tenu de la présomption d’innocence) que dans une décision, qu’elle soit judiciaire ou administrative. Dans cette hypothèse, qui est celle de l’affaire qui nous occupe, ce sera la date de la décision (qui a valeur de condamnation au sens figuré) qui servira d’« événement concerné » pour
déclencher le calcul des trois années d’exclusion.

84. En l’espèce, la notion d’« événement concerné » visée à l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24, ne renvoie donc pas au comportement collusoire proprement dit, mais à la constatation judiciaire de sa matérialité ou, si l’on préfère, à la qualification juridique d’un acte que l’autorité a déjà sanctionné en tant que comportement illicite.

85. En d’autres termes, s’il y a eu une décision constatant explicitement la participation d’un opérateur économique à un cartel, l’« événement concerné » qui permet au pouvoir adjudicateur – investi de la mission ou, le cas échéant, de la compétence d’exclure l’opérateur économique concerné – de calculer la durée maximale de la période de déchéance n’est pas le comportement matériel proprement dit de l’entreprise contrevenante, mais la qualification de ce comportement et sa sanction en tant que
comportement restrictif de la concurrence.

86. De mon point de vue, qui rejoint celui défendu par le gouvernement hongrois ainsi que celui finalement adopté par la Commission lors de l’audience, cet élément doit être, pour le pouvoir adjudicateur, l’« événement concerné » aux fins de la détermination de la durée maximale de la période d’exclusion de l’opérateur économique considéré. Compte tenu de la sanction infligée par l’autorité de la concurrence, le pouvoir adjudicateur n’a besoin de rien de plus, puisque l’existence d’un comportement
de nature à entraîner l’exclusion a déjà été juridiquement constatée. La période d’exclusion commence à partir de cet instant, c’est‑à‑dire à compter du jour où la décision de sanction considérée a été rendue.

VI. Conclusion

87. Eu égard à ce qui a été exposé, je suggère à la Cour de répondre à la Vergabekammer Südbayern (chambre des marchés publics de Bavière du Sud, Allemagne) dans les termes suivants :

1) L’article 80 de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE, lu conjointement avec l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive
2004/18/CE :

– s’oppose à ce qu’un opérateur économique, souhaitant démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent, soit tenu de collaborer activement avec le pouvoir adjudicateur pour clarifier totalement les faits et circonstances auxquels il a participé en tant que coauteur d’accords visant à fausser la concurrence, lorsque ce même opérateur a déjà collaboré activement, en clarifiant totalement ses circonstances, avec l’autorité de la concurrence qui a enquêté sur ces faits
et les a sanctionnés ;

– ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose à un opérateur économique une condition de collaboration active avec le pouvoir adjudicateur quand ledit opérateur souhaite démontrer sa fiabilité et ne pas demeurer exclu de la procédure d’adjudication, lorsqu’il est question de comportements infractionnels dont il appartient au pouvoir adjudicateur lui‑même de déterminer les faits et circonstances.

2) Lorsqu’un opérateur économique s’est livré à un comportement relevant du motif d’exclusion prévu à l’article 57, paragraphe 4, sous d), de la directive 2014/24, en concluant des accords visant à fausser la concurrence qui ont déjà fait l’objet d’une sanction, la durée maximale de la période d’exclusion se calcule à compter de la date de cette sanction.

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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65).

( 3 ) Sans italique dans le texte original.

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243).

( 5 ) Loi contre les restrictions de concurrence du 26 juin 2013 (BGBl. I, p. 1750, 3245), telle que modifiée par la loi du 13 octobre 2016 (BGBl., I, p. 2258) (ci‑après le « GWB »).

( 6 ) Une décision du 28 décembre 2016 a postérieurement mis un terme au système de qualification litigieux.

( 7 ) Arrêt du 27 octobre 2016, Hörmann Reisen (C‑292/15, EU:C:2016:817, point 29).

( 8 ) Conformément à l’article 57, paragraphe 7, de la directive 2014/24, en l’absence de jugement définitif fixant la durée de la période d’exclusion, celle‑ci sera de trois ou cinq ans, selon les cas prévus par cette disposition.

( 9 ) J’emploie cet adjectif dans son acception procédurale, à savoir celle renvoyant à une procédure dont le magistrat instructeur suscite la progression de sa propre initiative, en réunissant des preuves à charge et à décharge quant à un comportement.

( 10 ) Arrêt du 20 décembre 2017, Impresa di Costruzioni Ing. E. Mantovani et Guerrato (C‑178/16, EU:C:2017:1000, point 31).

( 11 ) La Cour se réfère aux motifs d’exclusion visés à l’article 45, paragraphe 2, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114). Je dois cependant rappeler que l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24, renvoie aux « situations visées aux paragraphes 1 et 4 [du même article] », c’est‑à‑dire aux motifs d’exclusion
tant impératifs que facultatifs.

( 12 ) En vertu de cette disposition, il est possible d’exclure une entreprise lorsque le pouvoir adjudicateur dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure que l’entreprise a conclu des accords collusoires.

( 13 ) La collaboration avec le pouvoir adjudicateur réclamée à l’opérateur économique pourrait nuire à ce dernier lorsque, comme en l’espèce, l’un et l’autre sont parties à une procédure civile initiée par le premier cité, qui prétend avoir été lésé par le comportement de l’entreprise soumissionnaire (sa participation à un cartel) à l’origine de l’exclusion, comportement par rapport auquel le second cité souhaite être réhabilité.

( 14 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).

( 15 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015 (JO 2015, L 286, p. 1).

( 16 ) Il y aura des cas dans lesquels il sera possible de disposer d’une certaine forme de décision judiciaire [par exemple en cas de procédure d’insolvabilité ou de liquidation, hypothèse visée sous b)], mais dans d’autres cas, l’existence d’un motif d’exclusion pourra être constatée sans qu’une telle décision soit nécessaire [par exemple, lorsque l’opérateur économique a entrepris d’obtenir des informations confidentielles, hypothèse visée sous i)].

( 17 ) L’article 25, paragraphes 3 et 5, du règlement no 1/2003, dispose : « [l]a prescription en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est interrompue par tout acte de la Commission ou d’une autorité de concurrence d’un État membre visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction. L’interruption de la prescription prend effet le jour où l’acte est notifié à au moins une entreprise ou association d’entreprises ayant participé à l’infraction. […] La prescription court à nouveau à
partir de chaque interruption ».

( 18 ) Disposition qui, à la différence de l’article 106 du règlement no 966/2012, ne prévoit pas spécifiquement un délai de prescription de l’exclusion.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-124/17
Date de la décision : 16/05/2018
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Directive 2014/24/UE – Article 57 – Directive 2014/25/UE – Article 80 – Passation de marchés publics – Procédure – Motifs d’exclusion – Durée maximale de la période d’exclusion – Obligation pour l’opérateur économique de coopérer avec le pouvoir adjudicateur afin de démontrer sa fiabilité.

Rapprochement des législations

Libre prestation des services

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : Vossloh Laeis GmbH
Défendeurs : Stadtwerke München GmbH.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:316

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