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25/01/2018 | CJUE | N°C-314/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre République tchèque., 25/01/2018, C-314/16


ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

25 janvier 2018 ( *1 )

« Manquement d’État – Transports – Directive 2006/126/CE – Permis de conduire – Définitions des catégories C1 et C ainsi que D1 »

Dans l’affaire C‑314/16,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 1er juin 2016,

Commission européenne, représentée par Mmes J. Hottiaux et Z. Malůšková, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République tchèque, représentée par

MM. M. Smolek, T. Müller et J. Vláčil, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. E. Juhá...

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

25 janvier 2018 ( *1 )

« Manquement d’État – Transports – Directive 2006/126/CE – Permis de conduire – Définitions des catégories C1 et C ainsi que D1 »

Dans l’affaire C‑314/16,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 1er juin 2016,

Commission européenne, représentée par Mmes J. Hottiaux et Z. Malůšková, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, T. Müller et J. Vláčil, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. E. Juhász (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juin 2017,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

– en ne satisfaisant pas à l’obligation de regrouper sous la définition des catégories C1 et C uniquement les automobiles autres que celles des catégories D1 ou D, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 4, sous d) et f), de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire (JO 2006, L 403, p. 18), et

– en restreignant la définition de la catégorie D1 aux automobiles conçues et construites pour le transport de plus de huit passagers, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 4, sous h), de cette directive.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2 La directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (JO 1991, L 237, p. 1), prévoyait, à son article 3, paragraphe 2 :

« Au sein des catégories A, B, B + E, C, C + E, D et D + E, un permis spécifique peut être délivré pour la conduite des véhicules des sous‑catégories suivantes :

[...]

sous-catégorie D1 :

– automobiles affectées au transport de personnes, ayant plus de huit places assises outre le siège du conducteur sans excéder seize places assises, outre le siège du conducteur ; aux automobiles de cette sous-catégorie peut être attelée une remorque dont la masse maximale autorisée n’excède pas 750 kilogrammes ;

[...] »

3 Aux termes des considérants 2 et 12 de la directive 2006/126 :

« (2) Les règles relatives aux permis de conduire sont un élément essentiel de la politique commune des transports, contribuent à améliorer la sécurité routière et facilitent la libre circulation des personnes qui transfèrent leur résidence dans un État membre autre que l’État de délivrance du permis. [...] Malgré les progrès accomplis en matière d’harmonisation des règles relatives au permis de conduire, des divergences significatives ont subsisté entre les États membres quant aux dispositions
concernant la périodicité du renouvellement des permis et les sous-catégories de véhicules, qui exigent une harmonisation plus poussée afin de contribuer à la mise en œuvre des politiques communautaires.

[...]

(12) Les définitions des catégories devraient refléter davantage les caractéristiques techniques des véhicules concernés ainsi que les aptitudes nécessaires à la conduite des véhicules. »

4 L’article 1er, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2006/126 dispose que « [l]es États membres établissent le permis de conduire national d’après le modèle communautaire figurant à l’annexe I conformément aux dispositions de la présente directive ».

5 Cette directive énonce, à son article 4, intitulé « Catégories, définitions et âges minimums » :

« 1.   Le permis de conduire prévu à l’article 1er autorise la conduite des véhicules à moteur des catégories définies ci-après. Il peut être délivré à partir de l’âge minimum indiqué pour chaque catégorie. Le terme “véhicule à moteur” désigne tout véhicule pourvu d’un moteur de propulsion et circulant sur route par ses moyens propres à l’exception des véhicules qui se déplacent sur rails.

[...]

4.   Automobiles :

– le terme “automobile” désigne tout véhicule à moteur servant normalement au transport sur route de personnes ou de marchandises ou à la traction sur route des véhicules utilisés pour le transport des personnes ou de marchandises. Ce terme englobe les trolleybus, c’est-à-dire les véhicules reliés à une ligne électrique et ne circulant pas sur rails. Il n’englobe pas les tracteurs agricoles ou forestiers ;

[...]

d) catégorie C1 :

automobiles autres que celles des catégories D1 ou D dont la masse maximale autorisée excède 3500 kg sans dépasser 7500 kg et qui sont conçues et construites pour le transport de huit passagers au maximum outre le conducteur ; aux automobiles de cette catégorie peut être attelée une remorque dont la masse maximale autorisée n’excède pas 750 kg ;

[...]

f) catégorie C :

automobiles autres que celles des catégories D1 ou D, dont la masse maximale autorisée excède 3500 kg et qui sont conçues et construites pour le transport de huit passagers au maximum outre le conducteur ; aux automobiles de la présente catégorie peut être attelée une remorque dont la masse maximale autorisée n’excède pas 750 kg ;

[...]

h) catégorie D1 :

automobiles conçues et construites pour le transport d’au maximum 16 passagers outre le conducteur et ayant une longueur maximale de huit mètres au maximum ; aux automobiles de cette catégorie peut être attelée une remorque dont la masse maximale autorisée n’excède pas 750 kg ;

[...]

j) catégorie D :

automobiles conçues et construites pour le transport de plus de huit passagers outre le conducteur ; aux automobiles que l’on peut conduire avec un permis de la catégorie D peut être attelée une remorque dont la masse maximale autorisée n’excède pas 750 kg ;

[...] »

6 L’article 16 de ladite directive, intitulé « Transposition », prévoit :

« 1.   Les États membres adoptent et publient, au plus tard le 19 janvier 2011, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 3, à l’article 4, paragraphes 1, 2 et 3, et paragraphe 4, points b) à k) [...]. Ils communiquent immédiatement le texte de ces dispositions à la Commission.

2.   Ils appliquent ces dispositions à partir du 19 janvier 2013.

[...] »

7 Sous le titre I, intitulé « Exigences minimales pour les examens de la conduite », A, intitulé « Épreuve de contrôle des connaissances », point 4, intitulé « Dispositions spécifiques concernant les catégories C, CE, C1, C1E, D, DE, D1 et D1E », de l’annexe II de la directive 2006/126, les points 4.1.9 et 4.1.10 de cette annexe disposent :

« 4.1.9. les facteurs de sécurité concernant le chargement de leur véhicule : contrôle de la charge (arrimage et fixation), difficultés liées à certains types de charges (par exemple liquides, charges suspendues…), chargement et déchargement de marchandises et utilisation de matériel de chargement (catégories C, CE, C1 et C1E uniquement) ;

4.1.10. la responsabilité du conducteur en ce qui concerne le transport de passagers ; confort et sécurité des passagers ; transport d’enfants ; contrôles nécessaires avant le départ ; tous les types d’autobus devraient être abordés dans l’épreuve de contrôle des connaissances (autobus et autocars des transports publics, autobus aux dimensions particulières, etc.) (catégories D, DE, D1 et D1E uniquement). »

8 Sous le même titre I, B, intitulé « Épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements », point 8, intitulé « Aptitudes et comportement à tester en ce qui concerne les catégories C, CE, C1, C1E, D, DE, D1 et D1E », les points 8.1.6, 8.1.8, 8.2.3 et 8.2.4 de ladite annexe prévoient :

« 8.1.6. contrôler les éléments de sécurité liés au chargement du véhicule : caisse, tôles, portes de chargement, mécanisme de chargement (le cas échéant), le verrouillage de la cabine, le mode de chargement, l’arrimage de la charge (catégories C, CE, C1 et C1E uniquement) ;

[...]

8.1.8. être capable de prendre des mesures particulières pour la sécurité du véhicule, contrôler la caisse, les portes de service, les issues de secours, le matériel de premiers secours, les extincteurs et d’autres équipements de sécurité (catégories D, DE, D1 et D1E uniquement) ;

[...]

8.2.3. se garer de manière sûre pour charger/décharger sur une rampe/un quai de déchargement ou installation similaire (catégories C, CE, C1 et C1E uniquement) ;

8.2.4. se garer pour laisser monter ou descendre en sécurité des passagers d’un autobus (catégories D, DE, D1 et D1E uniquement). »

Le droit tchèque

9 L’article 80a, paragraphe 1, sous g) à i), de la Zákon č. 361/2000 Sb. o provozu na pozemních komunikacích (loi no 361/2000 relative à la circulation sur les voies de communication terrestres), dans sa version applicable à la présente affaire, prévoit :

« Dans la catégorie

g) C1 sont classées les automobiles, à l’exception des tracteurs, dont la masse maximale autorisée excède 3500 kg sans dépasser 7500 kg, qui sont destinées au transport de huit personnes au maximum, outre le conducteur, et auxquelles peut être attelée une remorque dont la masse maximale autorisée n’excède pas 750 kg ;

h) C sont classées les automobiles, à l’exception des tracteurs et des véhicules visés au point g), dont la masse maximale autorisée excède 3500 kg, qui sont destinées au transport de huit personnes au maximum, outre le conducteur, et auxquelles peut être attelée une remorque dont la masse maximale autorisée n’excède pas 750 kg ;

i) D1 sont classées les automobiles dont la longueur n’excède pas 8 m, qui sont destinées au transport de plus de 8 personnes et au maximum 16, outre le conducteur, et auxquelles peut être attelée une remorque dont la masse maximale autorisée n’excède pas 750 kg. »

La procédure précontentieuse

10 Le 11 juillet 2014, la Commission a adressé à la République tchèque une lettre de mise en demeure, dans laquelle elle attirait l’attention de cet État membre sur le fait que certaines dispositions de sa législation relative à la définition des catégories de véhicules C1, C et D1 n’étaient pas conformes à la directive 2006/126.

11 Après avoir examiné les arguments avancés par la République tchèque, figurant dans la réponse à cette lettre en date du 8 octobre 2014, la Commission a, le 27 février 2015, émis un avis motivé, dans lequel elle a invité cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception. Sur demande de la République tchèque, ce délai a été prolongé jusqu’au 27 mai 2015.

12 Par lettre du 22 mai 2015, la République tchèque a répondu à l’avis motivé en indiquant, au sujet de la définition des catégories C, C1 et D1 des permis de conduire, que, « afin d’écarter tout risque d’équivoque et de ménager une plus grande certitude juridique, la République tchèque accept[ait] d’apporter aux dispositions juridiques en vigueur des modifications partielles qui devraient répondre aux exigences de la Commission ».

13 N’ayant reçu aucun élément quant à l’adoption des modifications ainsi envisagées et considérant que, en tout état de cause, le manquement reproché persistait à la date de l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Argumentation des parties

14 La Commission soulève deux griefs. Par son premier grief, elle fait valoir que, tandis que les définitions des catégories C1 et C prévoient expressément qu’il s’agit d’« automobiles autres que celles des catégories D1 ou D », le droit tchèque n’a pas repris ce critère. Ledit critère étant toutefois déterminant pour établir de manière correcte la nécessaire distinction entre les catégories C1/C et D1/D, l’omission ainsi commise aurait pour conséquence que, dans l’État membre en cause, le titulaire
d’un permis de conduire de catégorie C1 ou C serait autorisé à conduire un véhicule construit pour le transport de huit passagers au maximum, indépendamment du fait que ce véhicule a été conçu pour le transport de voyageurs ou de marchandises, alors que la directive 2006/126 exige un permis de conduire de catégorie D1 ou D si le véhicule est conçu et construit pour le transport de passagers.

15 Par son second grief, la Commission affirme que, tandis que l’article 4, paragraphe 4, sous h), de la directive 2006/126 définit la catégorie D1 comme comprenant les automobiles « conçues et construites pour le transport d’au maximum 16 passagers outre le conducteur », le droit tchèque, en imposant une limite inférieure de plus de huit personnes, a introduit une exigence contraire à l’article 4, paragraphe 4, sous h), de la directive 2006/126.

16 Par rapport à ces deux griefs, la Commission explique que, traditionnellement, la catégorie C regroupe des automobiles destinées au transport de marchandises, tandis que la catégorie D regroupe des automobiles destinées au transport de passagers. Cela n’empêcherait toutefois pas que les automobiles de la catégorie C puissent également transporter des passagers. Il s’agirait surtout, dans ce cas, de l’équipe véhiculée principalement en vue de la manutention de la charge et non de passagers
voyageant d’un point A à un point B.

17 Certaines caractéristiques techniques des catégories C et C1 étant identiques à celles des catégories D1 et D, la Commission souligne la nécessité de délimiter avec précision les catégories C1 et C, d’une part, et les catégories D1 et D, d’autre part. La délimitation retenue à cet égard par la directive 2006/126, à savoir les termes « autres que celles des catégories D1 ou D » figurant dans la définition des catégories C1 et C, signifierait par conséquent que les automobiles qui répondent aux
critères techniques des catégories C1/C et D1/D, mais qui sont principalement destinées au transport de passagers, relèvent des catégories D1 et D, tandis que les véhicules qui n’appartiennent pas aux catégories D1 et D relèvent des catégories C1 et C.

18 La République tchèque estime que le recours n’est pas fondé.

19 Selon cet État membre, il n’est aucunement nécessaire de procéder à une transposition littérale des dispositions de la directive 2006/126, pourvu que l’objectif poursuivi par ces dispositions soit atteint. Or, tel serait le cas, étant donné que la délimitation, au niveau national, des catégories de véhicules C1, C et D1, tout en n’étant pas formulée en des termes identiques à ceux de cette directive, garantirait qu’aucun véhicule ne puisse relever de plusieurs catégories.

20 La limite inférieure de plus de huit passagers outre le conducteur figurant dans le droit tchèque serait nécessaire du fait que, selon ledit État membre, les véhicules relevant de la catégorie D1 représentent un sous-ensemble de la catégorie D.

21 En outre, en l’absence de cette limite, la catégorie D1, en ce qu’elle englobe les automobiles d’une longueur maximale de 8 mètres pouvant transporter seize passagers au maximum, absorberait de facto les catégories C1 et C.

Appréciation de la Cour

22 À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément au considérant 2 de la directive 2006/126, les règles relatives aux permis de conduire sont un élément essentiel de la politique commune des transports, contribuent à améliorer la sécurité routière et facilitent la libre circulation des personnes qui transfèrent leur résidence dans un État membre autre que l’État de délivrance du permis de conduire.

23 Eu égard à la subsistance de divergences significatives entre les États membres en la matière, la directive 2006/126, qui est la troisième directive relative au permis de conduire, vise, ainsi que le témoigne ce même considérant, à parvenir à une harmonisation plus poussée afin de contribuer à la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne.

24 Parmi les moyens qu’elle prévoit, pour réaliser cet objectif, figurent, notamment, des définitions des catégories de permis de conduire qui, aux termes du considérant 12 de cette directive, « devraient refléter davantage les caractéristiques techniques des véhicules concernés ainsi que les aptitudes nécessaires à la conduite des véhicules ».

25 En effet, alors que la première directive 80/1263/CEE du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire (JO 1980, L 375, p. 1), avait instauré une première catégorisation des véhicules aux fins de l’établissement du modèle communautaire de permis de conduire national, la directive 91/439, qui s’est substituée à cette première directive, a apporté diverses précisions aux définitions des catégories de véhicules et aux types de permis de conduire requis
pour la conduite de ces véhicules, y compris, notamment, une définition plus fine et une meilleure délimitation des différentes catégories de permis de conduire.

26 Tout en poursuivant l’harmonisation en la matière, la directive 2006/126 a précisé, pour ce qui est des catégories C et C1, que toutes les deux visent les automobiles conçues et construites pour le transport de huit passagers au maximum, ces deux catégories se distinguant par ailleurs par la masse maximale autorisée. S’agissant des catégories D et D1, tout en maintenant la limite inférieure de plus de huit passagers pour la catégorie D, la directive 2006/126 a supprimé cette même limite pour la
catégorie D1, de telle sorte que, pour cette dernière catégorie, la seule limite supérieure de seize passagers s’applique.

27 Ces précisions et ces modifications par rapport à la directive 91/439 ont permis, comme l’explique la Commission dans ses écritures, que certains véhicules relèvent désormais de la catégorie D1, et non plus de la catégorie C1. À titre d’exemple, la Commission mentionne les minibus de grand confort ainsi que les voitures particulières blindées. Ces véhicules, dans la mesure où ils sont conçus et construits pour le transport de huit passagers au maximum outre le conducteur et pour autant que leur
longueur maximale ne dépasse pas 8 mètres, rentreraient désormais dans une catégorie qui leur est appropriée, eu égard à leurs caractéristiques techniques et à leur utilisation typique, à savoir la catégorie D1.

28 Ainsi, en l’état actuel du droit de l’Union, les catégories C et C1, définies, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/126, respectivement au paragraphe 4, sous d) et f), de cet article, visent les automobiles autres que celles des catégories D1 ou D, dont la masse maximale autorisée excède 3500 kg, en ce qui concerne les véhicules de la catégorie C, ou excède 3500 kg sans dépasser 7500 kg, en ce qui concerne les véhicules de la catégorie C1, et qui sont conçues et
construites pour le transport de huit passagers au maximum outre le conducteur. La catégorie D1, définie au paragraphe 4, sous h), du même article, vise les automobiles conçues et construites pour le transport d’au maximum seize passagers outre le conducteur et ayant une longueur maximale de 8 mètres au maximum.

29 Or, en droit tchèque, la définition des catégories C et C1 ne reprend pas la délimitation des catégories C/C1 et D/D1 prévue par le droit de l’Union et exprimée par les termes « autres que celles des catégories D1 ou D ». Il apparaît ainsi que le droit tchèque n’a pas repris la suppression de la limite inférieure de plus de huit passagers que le législateur de l’Union a entendu introduire avec l’adoption de la directive 2006/126 dans le cadre de l’évolution réglementaire susmentionnée.

30 L’existence de telles disparités de définition a pour conséquence que des véhicules relevant de la catégorie D1 peuvent être conduits, en vertu du droit tchèque, par les titulaires d’un permis C1, ce qui est contraire à l’objectif de la directive 2006/126.

31 Les exemples présentés par la Commission, à savoir les minibus de grand confort ainsi que les voitures particulières blindées ayant les spécifications techniques mentionnées au point 27 du présent arrêt, illustrent l’existence de telles divergences. En effet, alors que, conformément à l’article 4, paragraphe 4, sous h), de la directive 2006/126, de tels véhicules rentrent dans la catégorie D1, ces mêmes véhicules relèvent, selon la réglementation tchèque transposant cette directive, de la
catégorie C1. En outre, en vertu des termes « autres que celles des catégories D1 ou D », par lesquels ladite directive délimite les catégories C/C1 et D/D1 respectivement, de tels véhicules, dès lors qu’ils relèvent de la catégorie D1, ne sauraient en aucun cas relever, en droit de l’Union, de la catégorie C1.

32 Ainsi, pour un même type de véhicule, la catégorie de permis de conduire requise en République tchèque diffère de celle dont doit disposer le conducteur dans les autres États membres. Une telle situation est contraire aux objectifs primordiaux que poursuit la directive 2006/126.

33 Les arguments avancés par la République tchèque ne sauraient remettre en cause ce constat et la réalité du manquement qui en découle.

34 Premièrement, cet État membre fait valoir que le droit de l’Union n’exige pas que les États membres procèdent à une transposition littérale des définitions prévues par la directive 2006/126, pourvu que l’objectif poursuivi par les dispositions de cette directive soit atteint.

35 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la transposition d’une directive en droit interne n’exige certes pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale ou réglementaire expresse et spécifique, mais peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de cette directive d’une manière suffisamment claire et précise (arrêt du 30 juin 2016,
Commission/Pologne, C‑648/13, EU:C:2016:490, point 73 et jurisprudence citée).

36 Toutefois, ainsi qu’il résulte des points 29 à 32 du présent arrêt, les dispositions nationales invoquées par la République tchèque ne permettent pas d’atteindre le résultat poursuivi par l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 4, sous d), f) et h), de la directive 2006/126. Dans ces conditions, l’argument selon lequel une transposition littérale ne serait pas obligatoire est inopérant dans le cadre de la présente affaire.

37 Deuxièmement, la République tchèque soutient qu’elle a procédé à une délimitation, au niveau national, des catégories de véhicules C1, C et D1, qui est précise, compréhensible et dans la pratique impropre à susciter tout litige. En effet, partant du principe qu’aucun véhicule ne devrait relever de plusieurs catégories, cet État membre considère que cet objectif peut être atteint de deux manières, à savoir soit en établissant la définition d’une catégorie de manière négative par rapport aux autres
catégories, solution retenue dans la directive 2006/126, soit en définissant individuellement les catégories de manière à ce qu’elles ne se chevauchent pas, solution que le législateur tchèque a retenue en fixant une limite inférieure pour le nombre de passagers que les véhicules relevant de la catégorie D1 peuvent transporter.

38 À cet égard, il suffit de relever que, ainsi que la République tchèque l’admet elle‑même, afin de mettre en œuvre ladite délimitation, elle a prévu, dans la définition nationale de la catégorie D1, une condition qui ne figure cependant pas à l’article 4, paragraphe 4, sous h), de la directive 2006/126, dans lequel le droit de l’Union définit cette catégorie. Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 29 à 32 du présent arrêt, l’existence de cette condition supplémentaire conduit à des divergences
d’application de cette directive en République tchèque par rapport aux autres États membres lorsqu’il s’agit de déterminer de quelle catégorie relève un véhicule et, par voie de conséquence, quel est le type de permis de conduire requis pour ce véhicule.

39 Partant, le choix d’une méthode de délimitation qui produit de telles divergences par rapport à ce que le droit de l’Union exige ne saurait, en tout état de cause, contribuer à une transposition complète et correcte de la directive 2006/126.

40 Troisièmement, la République tchèque fait valoir que les véhicules relevant de la catégorie D1 représentent un sous-ensemble de la catégorie D, comme cela ressort de la dénomination de cette catégorie D1 et de l’historique législatif de la définition des catégories au niveau de l’Union. Il s’agirait d’une version « allégée » de la catégorie D et les véhicules relevant de la catégorie D1 formeraient donc une partie déterminée des véhicules relevant de la catégorie D, de sorte que, au vu de leurs
caractéristiques, la détention d’une version allégée du permis de conduire de catégorie D suffirait. Dès lors que la limite inférieure relative au nombre de personnes pouvant être transportées figure dans la définition de la catégorie D, elle devrait être reprise dans la catégorie D1.

41 À cet égard, il convient d’observer que, si l’article 3, paragraphe 2, de la directive 91/439 avait conçu la catégorie D1 en tant que sous-catégorie de la catégorie D, comme le témoignent les termes « [a]u sein des catégories A, B, B + E, C, C + E, D et D + E, un permis spécifique peut être délivré pour la conduite des véhicules des sous-catégories suivantes », ces termes ne figurent toutefois pas dans la définition des catégories de permis de conduire établies à l’article 4, paragraphe 4, de la
directive 2006/126. Le fait que, ainsi, la catégorie D1 englobe également des véhicules ne rentrant pas dans la catégorie D, tout comme les conséquences qui en découlent pour la catégorisation des différents permis de conduire, constitue donc un choix que le législateur de l’Union a opéré et dont l’utilité ne se prête pas à être remise en cause dans le cadre de la présente procédure de manquement.

42 Quatrièmement, la République tchèque soutient que, en l’absence de la limite inférieure de plus de huit passagers que prévoit le droit tchèque, la catégorie D1, en ce qu’elle englobe les automobiles d’une longueur maximale de 8 mètres pouvant transporter seize passagers au maximum, absorberait de facto les catégories C1 et C. Il pourrait même être considéré que la conduite d’un camion de moins de 8 mètres requiert un permis de conduire de la catégorie D1, et seulement lorsque la longueur d’un tel
camion dépasserait 8 mètres, relève du permis de conduire de la catégorie C1.

43 À cet égard, il convient de constater que, en ce qui concerne les catégories C/C1 et D1, la définition de l’automobile, mis à part les facteurs du nombre de passagers, de la masse et de la longueur, est identique pour lesdites catégories, notamment en ce que ces automobiles sont « conçues et construites pour le transport de [...] passagers ».

44 Il résulte de la délimitation des catégories C/C1 et D1 par les termes « automobiles autres que celles des catégories D1 ou D » que, dans la détermination de la catégorie de permis de conduire, les autorités compétentes des États membres seraient tenues d’examiner tout d’abord l’applicabilité de la catégorie D1 et, si cela est le cas, elles devraient délivrer le permis de conduire pour cette catégorie.

45 Ainsi, sur le fondement de la seule interprétation littérale des dispositions en cause de la directive 2006/126, pour les automobiles dont la longueur ne dépasse pas 8 mètres, la catégorie D1 engloberait totalement les catégories C/C1.

46 Par conséquent, la définition des catégories C/C1 et D1 figurant à l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2006/126 semble ne pas assurer une délimitation adéquate de ces catégories.

47 Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 12 octobre 2017, Kamin und Grill Shop, C‑289/16, EU:C:2017:758, point 22 et jurisprudence citée).

48 Ainsi, afin d’arriver à une interprétation correcte desdites catégories, il convient de prendre en considération l’ensemble du texte de la directive 2006/126, y compris les annexes de celle-ci, qui démontrent que l’affectation des automobiles joue un rôle déterminant.

49 Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 47 de ses conclusions, le modèle de permis de conduire prévu à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2006/126 et figurant à l’annexe I de celle-ci fait une illustration claire, au moyen d’un pictogramme, de l’affectation du véhicule de chaque catégorie, notamment la destination de celui-ci à transporter des marchandises ou des passagers.

50 De même, les dispositions de l’annexe II de ladite directive, citées aux points 7 et 8 du présent arrêt, démontrent que les exigences concernant l’obtention d’un permis de conduire sont différentes selon les affectations du véhicule concerné.

51 Il en découle qu’il ne saurait être admis que le non-respect de la délimitation entre les catégories C/C1 et D/D1 aboutisse à un résultat contraire à celui visé par la directive 2006/126, à savoir celui de la sécurité routière. Comme M. l’avocat l’a relevé au point 56 de ses conclusions, tel serait le cas si le transport exclusif de personnes était assuré par des chauffeurs, autorisés à conduire des véhicules de catégorie C ou C1, auxquels il a été demandé de justifier principalement des
connaissances en ce qui concerne la réception, le chargement, le transport, la livraison et le déchargement des marchandises.

52 Certes, dans le domaine des permis de conduire, dans lequel les administrations nationales doivent traiter des demandes très nombreuses et dans un délai raisonnablement bref, la solution législative, qui exige de recourir à des éléments qui ne figurent pas directement dans les définitions des catégories de permis de conduire, ne paraît pas optimale.

53 Néanmoins, un État membre n’est pas autorisé à adopter une réglementation nationale de transposition de la directive 2006/126 qui introduirait des conditions non prévues par cette directive ou supprimerait des conditions prévues par ladite directive, ce qui impliquerait que soient modifiées les catégories de véhicules définies par la directive 2006/126, au détriment de la sécurité routière. D’éventuelles imprécisions rédactionnelles de cette directive appelleraient, le cas échéant, une réaction
de la part du législateur de l’Union, mais ne sauraient amener la Cour à rejeter un recours en manquement qui doit être constaté.

54 Dans ces conditions, les arguments avancés par la République tchèque doivent être rejetés.

55 Par conséquent, il convient de constater que :

– en ne satisfaisant pas à l’obligation de regrouper sous la définition des catégories C1 et C uniquement les automobiles autres que celles des catégories D1 ou D, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 4, sous d) et f), de la directive 2006/126, et

– en restreignant la définition de la catégorie D1 aux automobiles conçues et construites pour le transport de plus de huit passagers, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 4, sous h), de cette directive.

Sur les dépens

56 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République tchèque et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de la condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

  1) En ne satisfaisant pas à l’obligation de regrouper sous la définition des catégories C1 et C uniquement les automobiles autres que celles des catégories D1 ou D, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 4, sous d) et f), de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire.

  2) En restreignant la définition de la catégorie D1 aux automobiles conçues et construites pour le transport de plus de huit passagers, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 4, sous h), de cette directive.

  3) La République tchèque est condamnée aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-314/16
Date de la décision : 25/01/2018
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État – Transports – Directive 2006/126/CE – Permis de conduire – Définitions des catégories C1 et C ainsi que D1.

Transports


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République tchèque.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2018:42

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