ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
20 décembre 2017 ( *1 )
« Pourvoi – Marchés publics de services – Fourniture de services externes relatifs à la gestion de programmes et de projets ainsi que de conseils techniques dans le domaine des technologies de l’information – Procédure en cascade – Pondération de sous-critères au sein des critères d’attribution – Principes d’égalité des chances et de transparence – Erreurs manifestes d’appréciation – Défauts de motivation – Perte d’une chance – Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne – Demande
indemnitaire »
Dans l’affaire C‑677/15 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 décembre 2015,
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. N. Bambara, en qualité d’agent, assisté de Mes P. Wytinck et B. Hoorelbeke, avocats,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
European Dynamics Luxembourg SA, établie à Luxembourg,
Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce),
European Dynamics Belgium SA, établie à Bruxelles (Belgique),
représentées par Mes M. Sfyri, C.-N. Dede et D. Papadopoulou, dikigoroi,
parties demanderesses en première instance,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász (rapporteur), Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 mai 2017,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 octobre 2015, European Dynamics Luxembourg e.a./OHMI (T‑299/11, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:757), par lequel celui-ci a :
– annulé la décision de l’EUIPO (ci‑après la « décision litigieuse »), adoptée dans le cadre de la procédure ouverte d’appel d’offres AO/021/10, intitulée « Services externes relatifs à la gestion de programmes et de projets et conseils techniques dans le domaine des technologies de l’information » (ci-après le « marché en cause »), et communiquée à European Dynamics Luxembourg SA par lettre du 28 mars 2011 de classer son offre au troisième rang selon le mécanisme en cascade aux fins de l’octroi
d’un contrat-cadre ainsi que de classer les offres du consortium Unisys SLU et Charles Oakes & Co. Sàrl, d’une part, et d’ETIQ Consortium, d’autre part, aux premier et deuxième rangs respectivement, et
– condamné l’Union européenne à réparer le dommage subi par European Dynamics Luxembourg au titre de la perte d’une chance de se voir attribuer le contrat-cadre en tant que premier contractant en cascade.
Le cadre juridique
2 Le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1) (ci-après le « règlement financier »), énonce les règles de base régissant l’ensemble du domaine budgétaire pour des matières telles que la passation de marchés publics.
3 Aux termes de l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire. Le second alinéa de ce même paragraphe prévoit, toutefois, que la communication de certains
éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci.
4 L’article 149 du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1605/2002 (JO 2002, L 357, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 478/2007 de la Commission, du 23 avril 2007 (JO 2007, L 111, p. 13), précise les obligations incombant au pouvoir adjudicateur quant à l’information des candidats et des soumissionnaires au titre de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.
5 Conformément à l’article 115, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (ci-après le « règlement no 207/2009 »), l’EUIPO est une agence de l’Union et a la personnalité juridique. Dans chacun des États membres, il possède la capacité juridique la plus large reconnue aux
personnes morales par les législations nationales. Il peut notamment acquérir ou aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice.
6 Selon l’article 118, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009, en matière de responsabilité non contractuelle, l’EUIPO doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses services ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour connaître des litiges relatifs à la réparation de tels dommages.
Les faits du litige, la procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
7 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 28 de l’arrêt attaqué.
8 À la suite de ces faits, le 6 juin 2011, European Dynamics Luxembourg, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE et European Dynamics Belgium SA (ci‑après, ensemble, « European Dynamics Luxembourg e.a. ») ont introduit un recours en annulation de la décision litigieuse devant le Tribunal. Ayant renoncé à l’un de leurs chefs de conclusions lors de l’audience, ces dernières demandaient :
– l’annulation de la décision litigieuse, en ce qu’elle classe l’offre de European Dynamics Luxembourg au troisième rang selon le mécanisme en cascade ;
– l’annulation de toutes les autres décisions connexes de l’EUIPO, y compris celles qui attribuent le marché en cause aux soumissionnaires classés aux premier et deuxième rangs selon le mécanisme en cascade ;
– la condamnation de l’EUIPO à réparer, à hauteur de 650000 euros, le préjudice qu’elles ont subi en raison de la perte d’une chance et de l’atteinte portée à leur réputation et à leur crédibilité, et
– la condamnation de l’EUIPO aux dépens.
9 À l’appui de leur demande en annulation, European Dynamics Luxembourg e.a. invoquaient trois moyens. Par le premier moyen, elles faisaient grief à l’EUIPO d’avoir violé l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier et l’article 149 du règlement no 2342/2002, tel que modifié par le règlement no 478/2007, ainsi que l’obligation de motivation, au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, en refusant de leur fournir une explication ou une justification suffisantes à l’appui
de la décision d’adjudication. Le deuxième moyen était tiré d’un « manquement au cahier des charges », en ce que l’EUIPO aurait retenu, à leur détriment, un nouveau critère d’attribution et une nouvelle pondération de sous‑critères d’attribution ne figurant pas dans le cahier des charges. Aux termes du troisième moyen, European Dynamics Luxembourg e.a. reprochaient à l’EUIPO plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.
10 Le Tribunal a examiné, successivement, les deuxième, troisième et premier moyens à l’appui du recours en annulation.
11 Tout d’abord, dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, le Tribunal a relevé, au point 48 de l’arrêt attaqué, que le commentaire négatif porté par l’EUIPO sur l’offre de European Dynamics Luxembourg selon lequel les offres ayant obtenu un meilleur score que celle-ci au titre du première critère d’attribution « identifiaient la gestion du changement et la communication comme les deux tâches les plus essentielles de la réussite du projet », démontrait que l’EUIPO avait effectué une pondération
des différents sous-critères au sein du premier critère d’attribution. Au point 53 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que, dès lors que cette pondération n’était ni prévue par le cahier des charges ni préalablement communiquée aux soumissionnaires, l’EUIPO avait enfreint, au détriment de European Dynamics Luxembourg e.a., les principes d’égalité des chances et de transparence. Partant, le Tribunal a, au point 55 dudit arrêt, partiellement accueilli le deuxième moyen.
12 Ensuite, dans le cadre de l’examen du troisième moyen, le Tribunal a estimé que certains commentaires négatifs exposés par l’EUIPO en ce qui concerne l’appréciation de l’offre de European Dynamics Luxembourg au regard des premier et deuxième critères d’attribution procédaient d’une erreur manifeste d’appréciation. D’une part, il a constaté, au point 91 de l’arrêt attaqué, que, dès lors que le commentaire négatif exposé audit point était entaché d’une violation des principes d’égalité des chances
et de transparence, ce jugement comportait nécessairement lui-même également une erreur manifeste d’appréciation. D’autre part, le Tribunal a considéré, au point 102 de cet arrêt, que le commentaire négatif, selon lequel elle n’aurait présenté « aucun exemple de produit à livrer », procédait, lui aussi, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il ne trouvait aucun appui dans le cahier des charges. En conséquence, il a accueilli le troisième moyen s’agissant des griefs dirigés contre les
mêmes commentaires négatifs et l’a rejeté pour le surplus.
13 En outre, toujours dans le cadre de l’examen du troisième moyen, le Tribunal a constaté, aux points 86, 89 et 95 de l’arrêt attaqué, que plusieurs autres commentaires de l’EUIPO liés à l’évaluation de l’offre de European Dynamics Luxembourg au regard du premier critère d’attribution étaient entachés d’un défaut de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, si bien que le Tribunal n’était pas en mesure de
vérifier l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation relatives à ces commentaires.
14 Enfin, au terme de l’examen du premier moyen, après avoir fait référence, au point 134 de l’arrêt attaqué, aux appréciations, jugées comme ayant été insuffisamment motivées au terme de l’examen du troisième moyen, le Tribunal a, au point 135 de cet arrêt, décidé que la décision litigieuse recelait plusieurs défauts de motivation.
15 Dans ces conditions, le Tribunal a, au point 136 de l’arrêt attaqué, considéré qu’il y avait lieu d’annuler la décision litigieuse dans sa totalité.
16 Au soutien de leur demande indemnitaire, European Dynamics Luxembourg e.a. ont sollicité, ainsi qu’il ressort du point 137 de ce même arrêt, la compensation de la perte d’une chance de se voir attribuer le marché en cause en tant qu’adjudicataire classé au premier rang ainsi que du préjudice moral subi en raison de l’atteinte à leur réputation et à leur crédibilité.
17 Le Tribunal a constaté la réunion des conditions présidant à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, étant donné que les illégalités de fond qu’il avait constatées étaient de nature à affecter la chance pour European Dynamics Luxembourg de voir son offre classée en première ou en deuxième position dans le mécanisme en cascade.
18 Toutefois, il n’a pas jugé nécessaire de vérifier l’existence d’une atteinte à la réputation et à la crédibilité de European Dynamics Luxembourg e.a. au motif que l’annulation de la décision d’adjudication suffit en principe à réparer le préjudice causé par une telle atteinte. En conséquence, il a partiellement accueilli la demande indemnitaire et invité les parties à se mettre d’accord sur le montant de l’indemnité à verser.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
19 Par son pourvoi, l’EUIPO demande à la Cour :
– à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et de rejeter la demande d’annulation de la décision litigieuse ainsi que la demande d’indemnité présentée en première instance ;
– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;
– à titre plus subsidiaire encore, d’annuler l’arrêt attaqué, dans la mesure où il condamne l’Union à réparer le dommage subi par European Dynamics Luxembourg e.a., et
– de condamner European Dynamics Luxembourg e.a. aux dépens de l’instance.
20 European Dynamics Luxembourg e.a. demandent à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner l’EUIPO aux dépens des deux instances.
Sur le pourvoi
21 Au soutien de son pourvoi, l’EUIPO soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit dans l’application des principes d’égalité des chances et de transparence ainsi que d’un défaut de motivation, le deuxième, des erreurs de droit en ce que le Tribunal a annulé la décision litigieuse en raison d’erreurs manifestes d’appréciation, le troisième, d’une violation de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, lu en combinaison avec l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, le
quatrième, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation en ce que l’arrêt attaqué a accueilli la demande indemnitaire introduite par European Dynamics Luxembourg e.a.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
22 L’EUIPO soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’introduction présumée de nouveaux facteurs de pondération quant au premier critère d’attribution a conduit au non‑respect des principes d’égalité des chances et de transparence. Il fait valoir que le Tribunal a jugé à tort que la décision litigieuse viole ces principes en ce que l’évaluation de l’offre de European Dynamics Luxembourg a, s’agissant du premier critère d’attribution, été effectuée à l’aune de facteurs
de pondération de sous‑critères au sein dudit critère qui ne ressortent pas du cahier des charges et n’ont pas été communiqués aux soumissionnaires. Selon l’EUIPO, l’appréciation effectuée au point 53 de l’arrêt attaqué, qui établit un « lien de causalité automatique » entre l’introduction de ces facteurs de pondération et la violation desdits principes, est basée sur une interprétation erronée de la jurisprudence de la Cour et n’est, de surcroît, pas suffisamment motivée. En particulier, l’EUIPO
se réfère à cet égard à l’arrêt du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a. (C‑331/04, EU:C:2005:718).
23 Selon European Dynamics Luxembourg e.a., dès lors que l’EUIPO n’a pas soutenu devant le Tribunal que des facteurs de pondération ne figurant pas dans le cahier des charges n’ont pas affecté la préparation des offres, un tel argument, reprochant au Tribunal de ne pas avoir vérifié si l’introduction de ces facteurs a altéré les droits de European Dynamics Luxembourg e.a., soulevé pour la première fois dans le cadre du présent pourvoi, revêt un caractère nouveau et est, à ce titre, irrecevable.
24 En tout état de cause, ce moyen serait non fondé. European Dynamics Luxembourg e.a. font valoir, en substance, que le Tribunal s’est en effet conformé à la jurisprudence de la Cour invoquée par l’EUIPO, dans la mesure où, même s’il ne l’a pas citée, il a constaté que l’introduction sans communication préalable desdits facteurs de pondération leur a porté préjudice.
25 Enfin, European Dynamics Luxembourg e.a. estiment que l’arrêt attaqué est motivé à suffisance de droit, car le Tribunal n’a pas été en mesure de procéder à un examen complet précisément parce que l’EUIPO s’est livré à des commentaires vagues et que la décision litigieuse ne contient pas d’arguments plausibles et de raisonnement valable.
Appréciation de la Cour
26 D’emblée, il y a lieu d’écarter l’exception d’irrecevabilité soulevée par European Dynamics Luxembourg e.a.
27 En effet, l’EUIPO est recevable à former un pourvoi comportant des moyens, nés de l’arrêt attaqué lui-même, qui visent à critiquer le bien-fondé de celui-ci.
28 Or, par ses arguments, dont l’irrecevabilité est alléguée par European Dynamics Luxembourg e.a., l’EUIPO critique, en droit, le bien-fondé de la solution retenue par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié, EU:C:2007:730, point 17).
29 En ce qui concerne l’examen au fond du premier moyen, par celui-ci, l’EUIPO fait, en substance, grief au Tribunal d’avoir appliqué de manière erronée la jurisprudence de la Cour, visée au point 48 de l’arrêt attaqué, et d’avoir jugé à tort, au point 53 dudit arrêt, que l’EUIPO avait introduit illégalement des facteurs de pondération des sous-critères au sein du premier critère d’attribution.
30 Force est de constater que, à cet égard, l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit.
31 Certes, les principes d’égalité de traitement et de transparence des procédures d’adjudication impliquent, pour les pouvoirs adjudicateurs, l’obligation de s’en tenir à la même interprétation des critères d’attribution tout au long de la procédure (arrêts du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, EU:C:2001:553, point 43, ainsi que du 18 novembre 2010, Commission/Irlande, C‑226/09, EU:C:2010:697, point 59 et jurisprudence citée).
32 Ainsi, un pouvoir adjudicateur ne saurait appliquer des règles de pondération ou des sous-critères pour les critères d’attribution qu’il n’a pas préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires (arrêt du 24 janvier 2008, Lianakis e.a., C‑532/06, EU:C:2008:40, point 38).
33 Néanmoins, il est possible pour un pouvoir adjudicateur de déterminer, après l’expiration du délai de présentation des offres, des coefficients de pondération pour les sous-critères qui correspondent en substance aux critères préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires. Cette détermination ex post doit cependant réunir trois conditions, à savoir, qu’elle ne doit pas, premièrement, modifier les critères d’attribution du marché définis dans le cahier des charges ou dans l’avis de
marché, deuxièmement, contenir d’éléments qui, s’ils avaient été connus lors de la préparation des offres, auraient pu influencer cette préparation et, troisièmement, avoir été adoptée en méconnaissance d’éléments susceptibles d’avoir un effet discriminatoire envers l’un des soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a.,C‑331/04, EU:C:2005:718, point 32 ; du 21 juillet 2011, Evropaïki Dynamiki/EMSA, C‑252/10 P, non publié, EU:C:2011:512, points 32
et 33, ainsi que du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, point 26).
34 En l’espèce, les constatations litigieuses concernaient l’introduction d’une pondération de sous-critères au sein de l’un des critères d’attribution qui n’était ni prévue par le cahier des charges ni préalablement communiquée aux soumissionnaires, ce que l’EUIPO ne conteste pas. Ainsi, eu égard à ce qui précède, le Tribunal n’a pas pu valablement constater la violation des principes d’égalité des chances et de transparence sans avoir examiné préalablement si le non-respect de ces trois conditions
avait été invoqué et établi devant lui.
35 Le Tribunal ayant omis de vérifier, avant de déclarer fondé le second grief du deuxième moyen du recours en première instance, si ces trois conditions, dégagées par la jurisprudence de la Cour, étaient réunies en l’espèce, il convient d’accueillir le premier moyen du pourvoi, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé de l’argument de l’EUIPO, selon lequel le Tribunal n’a pas respecté son obligation de motivation lorsqu’il a constaté qu’une violation des principes d’égalité des chances et de
transparence découlait de l’introduction de facteurs d’appréciation des sous‑critères en cause.
36 Le motif figurant au point 53 de l’arrêt attaqué étant entaché d’une erreur de droit, il y a lieu de relever que, par voie de conséquence, ainsi que l’a indiqué M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, l’arrêt attaqué est également entaché d’une autre erreur de droit, en ce que le Tribunal, en accueillant le neuvième grief de la première branche du troisième moyen du recours en première instance, a constaté une erreur manifeste d’appréciation à l’égard du premier critère d’attribution
en cause. En effet, à défaut de pouvoir s’appuyer sur ce motif, les points 91 et 96 de cet arrêt sont privés de motivation. Or, une telle insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public qu’il convient de soulever d’office (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2013, Mindo/Commission, C‑652/11 P, EU:C:2013:229, point 30 et jurisprudence citée).
Sur le deuxième moyen et sur la deuxième branche du troisième moyen
37 Il convient de traiter le deuxième moyen et la deuxième branche du troisième moyen de l’EUIPO conjointement.
Argumentation des parties
38 Par son deuxième moyen, l’EUIPO fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant décidé, au point 136 de l’arrêt attaqué, lu en combinaison avec le point 121 de celui-ci, que les prétendues erreurs manifestes d’appréciation, qu’il avait constatées aux points 91, 95, 96 et 97 à 103 de cet arrêt, justifiaient l’annulation de la décision litigieuse. Il fait valoir qu’il ressort de la propre jurisprudence du Tribunal qu’il incombe au requérant de démontrer qu’une erreur manifeste
d’appréciation a eu des incidences sur le résultat final de la procédure d’attribution, ce que le Tribunal devait donc examiner. L’EUIPO soutient que si cette jurisprudence était relative à un défaut de motivation, elle s’appliquerait également aux erreurs manifestes d’appréciation.
39 Ainsi, le Tribunal aurait dû examiner si les erreurs manifestes d’appréciation quant aux premier et deuxième critères d’attribution au titre de l’évaluation de l’offre de European Dynamics Luxembourg ont altéré de manière substantielle ou non le résultat de la procédure d’attribution du marché en cause et, partant, s’il convenait d’annuler ou non la décision litigieuse. Toutefois, selon l’EUIPO, le Tribunal a omis d’examiner si, en l’absence desdites erreurs d’appréciation, cette offre aurait pu
être classée en première ou en deuxième position dans le mécanisme en cascade. Ainsi, en considérant que les prétendues erreurs d’appréciation constituaient un motif suffisant pour annuler la décision litigieuse, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.
40 S’agissant de l’erreur manifeste d’appréciation relative au deuxième critère d’attribution, constatée au point 103 de l’arrêt attaqué, l’EUIPO reproche, en substance, au Tribunal de ne pas avoir vérifié si cette erreur a eu une incidence sur le résultat de la décision litigieuse en examinant le point de savoir si l’évaluation des critères d’attribution non entachés d’une erreur de droit suffisait à elle seule à justifier le classement attribué à l’offre de European Dynamics Luxembourg.
41 Par la deuxième branche de son troisième moyen, l’EUIPO reproche, en substance, au Tribunal d’avoir annulé la décision litigieuse, sans avoir vérifié si les défauts de motivation qu’il a constatés suffisaient, en eux‑mêmes ou en combinaison avec les erreurs manifestes d’appréciation qu’il a également relevées, à altérer le résultat de cette décision.
42 Afin d’étayer son deuxième moyen et la deuxième branche de son troisième moyen, l’EUIPO invoque deux arrêts rendus par le Tribunal.
43 D’une part, l’EUIPO allègue que, lorsque le Tribunal constate une insuffisance de motivation entachant une décision d’adjudication, cette décision ne peut être annulée pour ce motif que dans la mesure où les autres éléments de ladite décision, qui ne sont pas entachés d’une telle irrégularité, ne suffisent pas à justifier celle-ci (arrêt du 10 avril 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑340/09, non publié, EU:T:2014:208, points 115 et 116). Selon l’EUIPO, l’approche dégagée dans cet arrêt
devrait être appliquée par analogie lorsque le Tribunal constate une erreur manifeste d’appréciation viciant une décision d’adjudication.
44 D’autre part, l’EUIPO fait valoir que, lorsque la note octroyée à une offre au titre d’un critère d’attribution donné est fondée sur plusieurs commentaires négatifs, parmi lesquels un ou plusieurs sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation, cette note et l’évaluation qui la sous-tend ne sont pas viciées d’une telle erreur si ladite note repose également sur des commentaires exempts d’erreurs manifestes d’appréciation (arrêt du 26 septembre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑498/11,
non publié, EU:T:2014:831, points 196 et 197).
45 Selon l’EUIPO, en l’occurrence, la note octroyée au premier critère d’attribution et celle attribuée au deuxième critère d’attribution étaient fondées non pas sur un seul, mais sur plusieurs commentaires négatifs et positifs qui ont été considérés par le Tribunal comme étant exempts d’erreur manifeste d’appréciation ou qui, n’étant pas visés par le recours, n’ont pas été examinés. Il estime que le Tribunal aurait dû, par conséquent, vérifier si ces autres commentaires n’étaient pas, à eux seuls,
suffisants pour justifier la note octroyée par le pouvoir adjudicateur au critère d’attribution concerné.
46 Par la deuxième branche de son troisième moyen, l’EUIPO soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en annulant la décision litigieuse sans avoir vérifié si les défauts de motivation constatés aux points 86, 89, 95, 134 et 135 de l’arrêt attaqué suffisaient, à eux seuls ou en combinaison avec les erreurs manifestes d’appréciation qu’il a également relevées, à altérer effectivement le résultat final de la procédure d’adjudication.
47 European Dynamics Luxembourg e.a. sont d’avis que le deuxième moyen et la deuxième branche du troisième moyen de l’EUIPO ne sont pas fondés.
Appréciation de la Cour
48 Quant au deuxième moyen, il convient de constater, d’emblée, qu’il n’y a pas lieu d’examiner les incidences d’une erreur manifeste d’appréciation concernant le premier critère d’appréciation, car il résulte de l’examen du premier moyen du pourvoi qu’une telle erreur n’aurait pas dû être constatée par le Tribunal.
49 S’agissant de l’absence de prise en compte, par le Tribunal, des effets sur la validité de la décision d’attribution, d’une part, des défauts dans la motivation de ladite décision et, d’autre part, de l’erreur manifeste d’appréciation relative au deuxième critère d’attribution, constatée au point 103 de l’arrêt attaqué, il convient de relever qu’une insuffisance de motivation ou une erreur manifeste d’appréciation relative à un critère d’attribution ne justifient pas l’annulation d’une décision
d’attribution lorsqu’elle contient d’autres éléments qui suffisent, à eux seuls, à la fonder juridiquement.
50 Dans une telle hypothèse, les moyens tirés de ces irrégularités sont inopérants (voir, par analogie, arrêts du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, EU:C:2001:408, point 27, ainsi que du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 41).
51 À cet égard, il y a lieu de constater que, par son deuxième moyen et la deuxième branche de son troisième moyen, l’EUIPO se borne à soutenir que le Tribunal a appliqué de manière erronée sa propre jurisprudence et que les irrégularités qu’il a constatées n’auraient pas altéré le résultat de la décision litigieuse.
52 En particulier, l’EUIPO n’explicite et n’établit pas que, dans le cas d’espèce, la décision litigieuse n’aurait pas pu être plus favorable à European Dynamics Luxembourg en l’absence des différentes irrégularités constatées par le Tribunal.
53 Dans ces conditions, l’EUIPO n’est pas fondé à reprocher au Tribunal d’avoir omis d’examiner si l’erreur d’appréciation relative au deuxième critère d’attribution et les défauts de motivation qu’il a constatés à l’égard de la décision litigieuse pouvaient avoir une incidence sur le dispositif de cette décision.
54 Par conséquent, il convient d’écarter le deuxième moyen et la deuxième branche du troisième moyen de l’EUIPO.
Sur les première et troisième branches du troisième moyen
Sur la première branche du troisième moyen
– Argumentation des parties
55 Par la première branche de ce moyen, l’EUIPO fait valoir que le Tribunal a méconnu la portée de l’obligation de motivation qui incombe au pouvoir adjudicateur au titre de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. En examinant séparément chacun des commentaires du comité d’évaluation tout en ignorant le contexte plus large de l’évaluation dont ils font partie, le Tribunal aurait attribué à cette obligation un contenu plus strict que celui dégagé par la Cour au point 21 de l’arrêt du
4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission (C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617), arrêt visé au point 129 de l’arrêt attaqué. Selon cette jurisprudence, le pouvoir adjudicateur ne serait pas tenu de fournir au soumissionnaire évincé un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte ni une analyse comparative minutieuse de l’offre de celui‑ci et de l’offre retenue.
56 European Dynamics Luxembourg e.a. font valoir que cette branche du troisième moyen n’est pas fondée.
– Appréciation de la Cour
57 En ce qui concerne la première branche du troisième moyen du pourvoi, il y a lieu d’examiner si, par les motifs figurant respectivement aux points 81 à 86, 87 à 89 et 90 à 95 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas appliqué des exigences plus strictes que celles qui découlent de l’arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission (C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617).
58 Il convient de rappeler que, aux points 20 à 22 de cet arrêt, la Cour a jugé, en substance, que, aux termes de l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de
l’attributaire. Toutefois, il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière
et de l’offre du soumissionnaire évincé. De même, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de fournir à un soumissionnaire évincé, sur demande écrite de ce dernier, une copie complète du rapport d’évaluation.
59 En outre, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi du contexte
de celui-ci ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 29 et jurisprudence citée).
60 Tout d’abord, il n’y a pas lieu d’examiner les critiques formulées par l’EUIPO quant au raisonnement figurant aux points 90 à 95 de l’arrêt attaqué, relatif à l’examen du neuvième grief de la première branche du troisième moyen du recours en première instance.
61 En effet, il a été jugé, au point 36 du présent arrêt, que les points 48 à 55 de l’arrêt attaqué sont entachés d’une erreur de droit et que, sans pouvoir être fondés sur ces points, les points 91 et 96 de l’arrêt attaqué s’en trouvent privés de fondement. Par conséquent, il a été jugé à ce même point du présent arrêt que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal a accueilli le neuvième grief de la première branche du troisième moyen du recours en première instance,
en ayant constaté une erreur manifeste d’appréciation à l’égard du premier critère d’attribution en cause.
62 Ensuite, s’agissant des considérations figurant aux points 81 à 86 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler que, par le sixième grief de la première branche du troisième moyen de leur recours en première instance, European Dynamics Luxembourg e.a ont contesté l’appréciation de l’EUIPO selon laquelle chacun des projets ne nécessitait pas un gestionnaire de programme, un gestionnaire principal de projet et un gestionnaire de projet.
63 Le Tribunal, à l’issue de l’examen de ce grief, a considéré, aux points 85 et 86 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’un défaut de motivation sur ce point au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, doit être constatée, compte tenu du manque de précision du cahier des charges et du caractère succinct et vague du jugement du comité d’évaluation, qui rendent impossible la vérification de la plausibilité de la critique
de l’EUIPO, avancée quant à l’inclusion d’un gestionnaire principal de projet et également d’un gestionnaire de projet dans l’offre de European Dynamics Luxembourg.
64 Or, l’EUIPO n’explicite pas en quoi le Tribunal aurait appliqué, pour parvenir à une telle conclusion, un test plus strict que celui qui découle de la jurisprudence indiquée aux points 57 à 59 du présent arrêt.
65 Enfin, dans le cadre du raisonnement figurant aux points 87 à 89 de l’arrêt attaqué, consacré à l’examen du huitième grief de la première branche du troisième moyen soulevé en première instance, le Tribunal a considéré, au point 88 de l’arrêt attaqué, que le commentaire final du comité d’évaluation, selon lequel « [l]a globalité de l’offre est très opérationnelle au lieu d’être stratégique et se focalise sur un autre type de gestionnaire de projet que celui envisagé par l’[EUIPO] », était
incompréhensible et que, en particulier, l’affirmation selon laquelle l’EUIPO envisageait un « autre type de gestionnaire de projet » constituait une critique vague et, partant, non vérifiable.
66 À cet égard, il suffit de relever, d’une part, que l’EUIPO ne conteste pas qu’il s’est borné à avancer, seulement en cours d’instance devant le Tribunal, un argument à ce sujet, ainsi qu’il ressort du point 88 de l’arrêt attaqué.
67 D’autre part, l’EUIPO ne conteste pas non plus les constatations du Tribunal quant à l’absence de critères suffisamment clairs et précis exposés dans le cahier des charges ainsi qu’au caractère succinct et vague des jugements du comité d’évaluation.
68 Il n’a donc pas été établi devant la Cour que le Tribunal aurait commis une erreur de droit.
69 Ainsi que le relève M. l’avocat général aux points 77 et 78 de ses conclusions, les éléments apportés à l’appui du présent pourvoi ne remettent pas en cause le fait que le Tribunal a examiné les commentaires du comité d’évaluation, contestés dans la requête en première instance, tant séparément que dans le contexte global de l’évaluation de l’offre concernée, et que celui-ci n’a pas exigé de l’EUIPO qu’il fournisse un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de cette offre a été pris en
compte ni une analyse comparative minutieuse de celle-ci et des offres mieux classées.
70 Dans ces conditions, la première branche du troisième moyen du pourvoi doit être écartée comme non fondée.
Sur la troisième branche du troisième moyen
– Argumentation des parties
71 Par la troisième branche de son troisième moyen, l’EUIPO fait valoir que l’arrêt attaqué contient une contradiction dans la mesure où, d’une part, dans le cadre de l’examen du troisième moyen du recours en annulation, le Tribunal, aux points 112 à 115 et 121 de cet arrêt, n’a constaté aucune erreur manifeste d’appréciation ni de défaut de motivation entachant l’évaluation de l’offre de European Dynamics Luxembourg au regard du quatrième critère d’attribution et, d’autre part, au terme de l’examen
du premier moyen de ce recours, le Tribunal a considéré, aux points 134 et 135 dudit arrêt, qu’il n’était pas en mesure de contrôler la légalité au fond de la décision litigieuse concernant cette évaluation, de telle sorte que cette décision était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
72 European Dynamics Luxembourg e.a. sont d’avis que cette branche du troisième moyen n’est pas fondée.
– Appréciation de la Cour
73 Certes, le Tribunal fait mention, dans la première phrase du point 134 de l’arrêt attaqué, du quatrième critère d’attribution, alors même qu’il a jugé, aux points 112 à 115 et 121 de cet arrêt, que l’EUIPO n’avait pas commis d’erreur d’appréciation à cet égard.
74 Cependant, les points 134 et 135 de l’arrêt attaqué ne contiennent qu’une conclusion tirée des points 81 à 86, 87 à 89 et 90 à 95 de l’arrêt attaqué, lesquels portent sur l’examen des griefs liés au premier critère d’attribution.
75 Ainsi, le grief de l’EUIPO relatif au raisonnement du Tribunal développé aux points 112 à 115 et 121 de l’arrêt attaqué, d’une part, et aux points 134 et 135 de cet arrêt, d’autre part, n’a pas d’incidence sur le dispositif dudit arrêt, de telle sorte que la troisième branche du troisième moyen doit être considérée comme inopérante.
76 Il en résulte que les première et troisième branches du troisième moyen doivent être écartées.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
77 Par la première branche de son quatrième moyen, l’EUIPO fait valoir que l’une des conditions nécessaires à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie en l’espèce, car le constat selon lequel la décision litigieuse est entachée d’illégalités repose sur des erreurs de droit commises par le Tribunal. La responsabilité non contractuelle de l’Union aurait donc été constatée de manière erronée par le Tribunal.
78 À titre subsidiaire, l’EUIPO allègue que, dans l’hypothèse où l’arrêt attaqué serait annulé uniquement en ce que le Tribunal a conclu à la violation des principes d’égalité des chances et de transparence, la Cour devrait annuler cet arrêt également en ce qui concerne la réparation du prétendu préjudice subi par European Dynamics Luxembourg e.a. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressortirait des points 142 et 143 de l’arrêt attaqué, il n’existerait pas de lien de causalité entre les défauts de
motivation constatés par le Tribunal et ce préjudice allégué. D’autre part, dans la mesure où le Tribunal n’a pas examiné l’incidence des erreurs manifestes d’appréciation constatées aux points 91 et 102 de l’arrêt attaqué sur le résultat final de la procédure d’adjudication, il n’aurait pas suffisamment motivé la conclusion, figurant au point 144 de cet arrêt, selon laquelle il existe un lien de causalité entre ces erreurs et ledit préjudice.
79 Par la deuxième branche de son quatrième moyen, l’EUIPO soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation en ce qu’il contient une contradiction entre, d’une part, les motifs exposés aux points 144, 146 et 150 de cet arrêt et, d’autre part, le point 2 du dispositif dudit arrêt. En effet, alors que ces motifs identifient le préjudice subi par European Dynamics Luxembourg comme la perte d’une chance d’être classée en première ou en deuxième position dans le mécanisme en cascade, le
dispositif condamne l’Union à réparer le dommage subi au titre de la perte d’une chance de se voir attribuer le contrat‑cadre en tant que premier contractant.
80 Par la troisième branche de son quatrième moyen, l’EUIPO fait valoir que le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué contient une erreur matérielle, en ce qu’il condamne non pas l’EUIPO, mais l’Union à réparer le préjudice subi par European Dynamics Luxembourg. Cependant, en vertu de l’article 115 et de l’article 118, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, une telle condamnation aurait dû viser l’EUIPO.
81 European Dynamics Luxembourg e.a. font tout d’abord valoir que l’arrêt attaqué a établi à suffisance de droit la réunion des conditions permettant d’engager la responsabilité de l’Union. Ensuite, elles affirment qu’il n’existe aucune contradiction entre, d’une part, les points 144, 146 et 150 de l’arrêt attaqué et, d’autre part, le deuxième point de son dispositif, car, aux fins de la réparation du dommage qu’elles ont subi au titre de la perte d’une chance, il convient de prendre en
considération la portée complète que cette perte de chance pourrait avoir, à savoir la chance de European Dynamics Luxembourg d’être le premier contractant en cascade. Enfin, la référence à l’Union, au point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, ne serait pas erronée, dans la mesure où l’Union serait globalement responsable pour les comportements illicites de ses institutions et organes.
Appréciation de la Cour
82 Il convient d’examiner, en premier lieu, l’argument de l’EUIPO soulevé, à titre subsidiaire, dans le cadre de la première branche de son quatrième moyen.
83 Par son argument, l’EUIPO fait en substance valoir que l’existence d’un lien de causalité n’a été ni démontrée ni motivée dans l’arrêt attaqué entre les erreurs manifestes d’appréciation constatées par le Tribunal à l’égard du deuxième critère d’attribution et le préjudice subi par European Dynamics Luxembourg résultant d’une perte de chance.
84 Cet argument doit être considéré comme fondé dans les circonstances de l’espèce.
85 En effet, d’une part, ainsi qu’il a été constaté au point 36 du présent arrêt, les points 53, 91 et 96 de l’arrêt attaqué sont entachés d’une erreur de droit, de sorte qu’aucune illégalité résultant d’une violation des principes d’égalité des chances et de transparence ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation à l’égard du premier critère d’attribution n’aurait dû être établie par le Tribunal.
86 D’autre part, le Tribunal a jugé, au point 143 de l’arrêt attaqué, qu’il n’a pas été possible de reconnaître l’existence d’un lien de causalité entre les défauts de motivation qu’il avait constatés et les préjudices invoqués par European Dynamics Luxembourg e.a.
87 Ainsi, l’engagement de la responsabilité de l’Union supposerait l’existence d’un lien de causalité entre la seule illégalité de fond entachant l’évaluation de l’offre de European Dynamics Luxembourg, constatée au point 102 de cet arrêt, et la perte de chance.
88 Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’établit pas à suffisance de droit l’existence d’un tel lien de causalité. Notamment, le Tribunal n’a pas constaté si et dans quelle mesure European Dynamics Luxembourg aurait, au regard des faits de l’espèce et en l’absence de fautes commises par l’EUIPO, été classée en première position et aurait obtenu le marché en cause.
89 Il en découle que l’une des conditions nécessaires à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’ayant pas été remplie, la demande indemnitaire invoquée par European Dynamics Luxembourg e.a. n’aurait pas dû être accueillie par le Tribunal.
90 La première branche du quatrième moyen de l’EUIPO est, par conséquent, fondée.
91 Étant donné que cette branche du quatrième moyen est fondée, il n’y a pas lieu d’examiner les deuxième et troisième branches de celui-ci.
Sur l’annulation partielle de l’arrêt attaqué
92 Il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit à ses points 53, 91 et 96, dans la mesure où le Tribunal a accueilli le second grief du deuxième moyen du recours introduit en première instance relatif au premier critère d’attribution et le neuvième grief de la première branche du troisième moyen de ce recours relatif audit critère d’attribution.
93 Ainsi qu’il ressort du point 136 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a justifié l’annulation de la décision litigieuse, figurant au point 1 du dispositif de celui-ci, sur la base de l’ensemble des irrégularités qu’il a constatées, lesquelles entachent l’évaluation de l’offre en cause au regard des premier et deuxième critères d’attribution. Néanmoins, même si les constatations du Tribunal aux points 53, 91 et 96 de l’arrêt attaqué ne peuvent pas servir de justification à l’annulation de la décision
litigieuse, les irrégularités constatées par le Tribunal aux points 86, 89, 95, 102 et 135 de l’arrêt attaqué suffisent à justifier, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 111 de ses conclusions, l’annulation de cette décision par le Tribunal. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué.
94 En revanche, il y a lieu d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, portant condamnation de l’Union à réparer le dommage subi par European Dynamics Luxembourg au titre de la perte d’une chance de cette dernière de se voir attribuer le contrat en cause en tant que premier contractant en cascade, dans la mesure où la première branche du quatrième moyen a été déclarée fondée.
95 Eu égard à cette annulation de l’arrêt attaqué, les points 4 et 5 du dispositif de celui-ci portant sur la détermination du montant chiffré de l’indemnisation doivent également être annulés.
96 Dans ces conditions, le point 6 du dispositif de l’arrêt attaqué portant sur les dépens doit également être annulé.
Sur les recours devant le Tribunal
97 Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.
98 Tel est le cas dans la présente affaire. Il convient dès lors d’examiner la demande indemnitaire présentée par European Dynamics Luxembourg e.a. dans le cadre de ce recours, visant la réparation du dommage qu’elles auraient subi au titre de la perte d’une chance de European Dynamics Luxembourg de se voir attribuer le contrat-cadre en tant que premier contractant en cascade.
99 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’EUIPO est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité de son comportement, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Nikolaou/Cour des comptes, C‑220/13 P, EU:C:2014:2057, point 52 et jurisprudence
citée). De même, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, afin que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit susceptible d’être engagée, le préjudice doit être réel et certain et doit découler de façon suffisamment directe du comportement illégal des institutions (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 61 et jurisprudence citée).
100 En toute circonstance, selon la jurisprudence constante de la Cour, il incombe à la partie mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque ainsi que de l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement de l’institution en question et le dommage allégué (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 62 et
jurisprudence citée).
101 À cet égard, il convient de constater qu’il apparaît, à la lecture de la requête introduite devant le Tribunal, que celle-ci ne répond manifestement pas aux exigences posées par cette jurisprudence. En effet, European Dynamics Luxembourg e.a. ont, entre autres, réclamé un dédommagement du bénéfice brut estimé que European Dynamics Luxembourg aurait pu obtenir si le marché en cause lui avait été attribué, tout en se limitant à la simple allégation que celle-ci s’est vu « refuser de manière
irrémédiable l’attribution des marchés en cause ». Elles n’ont toutefois pas étayé si et dans quelle mesure, au regard des faits de l’espèce et en l’absence de fautes commises par l’EUIPO, European Dynamics Luxembourg aurait été classée en première position et aurait obtenu le marché en cause. Elles n’ont donc établi ni la réalité du dommage ni le lien de causalité entre le comportement reproché et le dommage allégué.
102 En tout état de cause, une telle demande indemnitaire ne pourrait s’appuyer que sur l’illégalité commise par l’EUIPO dans l’évaluation du deuxième critère d’attribution, constatée au point 102 de l’arrêt attaqué. Or, quand bien même l’offre de European Dynamics Luxembourg aurait obtenu la totalité des points disponibles au titre de ce deuxième critère d’attribution, elle n’aurait pas été mieux classée. En effet, dans la mesure où cette offre avait recueilli le score maximal attribuable au titre
du deuxième critère d’attribution, celle-ci aurait récolté un score final inférieur aux scores finaux attribués aux offres classées aux premier et deuxième rangs.
103 Dans ces conditions, la demande indemnitaire présentée par European Dynamics Luxembourg e.a. est rejetée.
Sur les dépens
104 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.
105 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 138, paragraphe 3, du même règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.
106 Dès lors qu’il est partiellement fait droit au pourvoi de l’EUIPO et que ce pourvoi est partiellement rejeté, il convient de condamner l’EUIPO ainsi que European Dynamics Luxembourg e.a. à supporter leurs propres dépens afférents au présent pourvoi.
107 Quant aux dépens de première instance, étant donné que le recours est partiellement accueilli et partiellement rejeté, il y a également lieu de condamner European Dynamics Luxembourg e.a. ainsi que l’EUIPO à supporter leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 octobre 2015, European Dynamics Luxembourg e.a./OHMI (T-299/11, EU:T:2015:757), est annulé en tant que,
— au point 2 du dispositif, il condamne l’Union européenne à réparer le dommage subi par European Dynamics Luxembourg SA au titre de la perte d’une chance de se voir attribuer le contrat-cadre en tant que premier contractant en cascade, et
— aux points 4 et 5 du dispositif, il décide que les parties transmettront au Tribunal le montant chiffré de l’indemnisation, établi d’un commun accord, ou, à défaut d’accord, celles-ci feront parvenir au Tribunal leurs conclusions chiffrées.
2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
3) La demande indemnitaire introduite par European Dynamics Luxembourg SA, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE et European Dynamics Belgium SA dans l’affaire T-299/11 est rejetée.
4) L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ainsi que European Dynamics Luxembourg SA, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE et European Dynamics Belgium SA supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de pourvoi et à la procédure de première instance.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.