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20/12/2017 | CJUE | N°C-255/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Procédure pénale contre Bent Falbert e.a., 20/12/2017, C-255/16


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

20 décembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques – Législation nationale précisant ou introduisant une interdiction d’offrir des jeux, loteries et paris sans disposer d’une autorisation et introduisant une interdiction des publicités pour des jeux, loteries et paris offerts sans disposer d’une autorisation »

Dans l’affaire C‑255/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’arti

cle 267 TFUE, introduite par le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague, Danemark), par décision ...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

20 décembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques – Législation nationale précisant ou introduisant une interdiction d’offrir des jeux, loteries et paris sans disposer d’une autorisation et introduisant une interdiction des publicités pour des jeux, loteries et paris offerts sans disposer d’une autorisation »

Dans l’affaire C‑255/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague, Danemark), par décision du 19 avril 2016, parvenue à la Cour le 2 mai 2016, dans la procédure pénale contre

Bent Falbert,

Poul Madsen,

JP/Politikens Hus A/S,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, S. Rodin (rapporteur) et E. Regan, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mai 2017,

considérant les observations présentées :

– pour MM. Madsen et Falbert ainsi que pour JP/Politikens Hus A/S, par Mes S. MacMahon Baldwin et M. Dittmer, advokater,

– pour le gouvernement danois, par Mme M. Wolff ainsi que par MM. M. N. Lyshøj, C. Thorning et J. Nymann-Lindegren, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo ainsi que par Mmes A. Silva Coelho et P. de Sousa Inês, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement roumain, par Mme L. Liţu et M. R. H. Radu, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes H. Tserepa-Lacombe, Y. Marinova et L. Grønfeldt ainsi que par MM. U. Nielsen et G. Braga da Cruz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 juillet 2017,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, points 1, 2, 5 et 11, et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet
1998 (JO 1998, L 217, p. 18) (ci-après la « directive 98/34 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre MM. Bent Falbert et Poul Madsen ainsi que contre JP/Politikens Hus A/S, auxquels il est reproché d’avoir publié des publicités en faveur de services de jeux en ligne offerts sans autorisation délivrée par l’autorité compétente, dans le quotidien danois Ekstra Bladet, ainsi que sur les sites Internet de ce quotidien.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er de la directive 98/34 dispose :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

1) “produit” : tout produit de fabrication industrielle et tout produit agricole, y compris les produits de la pêche ;

2) “service” : tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

Aux fins de la présente définition, on entend par :

– les termes “à distance” : un service fourni sans que les parties soient simultanément présentes,

– “par voie électronique” : un service envoyé à l’origine et reçu à destination au moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques,

– “à la demande individuelle d’un destinataire de services” : un service fourni par transmission de données sur demande individuelle.

Une liste indicative des services non visés par cette définition figure à l’annexe V.

[...]

5) “règle relative aux services” : une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services visées au point 2 et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis au même point.

[...]

Aux fins de la présente définition :

– une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services,

– une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou incidente.

[...]

11) “règle technique” : une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 10, les dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

Constituent notamment des règles techniques de facto :

– les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre qui renvoient soit à des spécifications techniques ou à d’autres exigences ou à des règles relatives aux services, soit à des codes professionnels ou de bonne pratique qui se réfèrent eux-mêmes à des spécifications techniques ou à d’autres exigences ou à des règles relatives aux services, dont le respect confère une présomption de conformité aux prescriptions fixées par lesdites dispositions législatives,
réglementaires ou administratives,

[...]

– les spécifications techniques ou d’autres exigences ou les règles relatives aux services liées à des mesures fiscales ou financières qui affectent la consommation de produits ou de services en encourageant le respect de ces spécifications techniques ou autres exigences ou règles relatives aux services ; ne sont pas concernées les spécifications techniques ou autres exigences ou les règles relatives aux services liées aux régimes nationaux de sécurité sociale.

[...] »

4 Cette directive prévoit, à son article 8, paragraphe 1 :

« Sous réserve de l’article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. »

Le droit danois

5 L’article 10 de la lov om visse spil, lotterier og væddemål (loi sur les jeux, les loteries et les paris, ci-après la « loi sur les jeux »), dans sa version applicable au litige au principal issue de la lov nr. 204 om ændring af lov om visse spil, lotterier og væddemål og andre love og om ophævelse af lov om væddemål i forbindelse med heste- og hundevæddeløb (loi no 204 modifiant la loi sur les jeux, les loteries et les paris ainsi que d’autres lois et abrogeant la loi sur les paris sur les
courses hippiques et de lévriers), du 26 mars 2003 (ci-après la « loi modificative »), est libellé comme suit :

« 1.   Est puni d’une peine d’amende ou d’emprisonnement de six mois au plus quiconque, délibérément ou par négligence grave :

1°) fait commerce de jeux, de loteries ou de paris sur le territoire national sans y être autorisé en application de l’article 1er,

2°) distribue des jeux, des loteries ou des paris ne bénéficiant pas d’une autorisation en application de l’article 1er.

[...]

3.   Est puni d’une peine d’amende quiconque, délibérément ou par négligence grave :

[...]

3°) fait de la publicité pour des jeux, des loteries ou des paris qui n’ont pas été autorisés en application de l’article 1er. »

6 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi sur les jeux, le ministre des Impôts est autorisé à délivrer un agrément pour des jeux, loteries et paris, lequel ne peut être accordé, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cette loi, qu’à une seule société.

7 L’exposé des motifs du projet de loi ayant conduit à l’adoption de la loi modificative présentait les objectifs poursuivis par l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux comme suit :

« Il est proposé d’instituer une interdiction de la publicité pour les jeux, les loteries et les paris non autorisés en application de la présente loi.

Cette modification correspond à l’interdiction figurant actuellement à l’article 12, paragraphe 3, de la loi sur les courses hippiques et apporte des précisions à l’actuel article 10, paragraphe 4, de la loi sur le loto sportif et les lotos.

Cette interdiction vise à protéger les opérateurs de jeux agréés par les autorités danoises contre la concurrence d’entreprises ne disposant pas d’un tel agrément et qui, légalement, ne peuvent donc pas faire commerce ou distribuer des jeux au Danemark.

Par publicité au sens de la présente loi, il faut entendre toute forme d’annonce ou de communication d’information sur les activités et les offres commerciales d’opérateurs de jeux.

Toutefois, cette interdiction ne vaut pas pour des mentions rédactionnelles dans des médias écrits ou numériques.

Cette interdiction s’applique quel que soit le média. La publicité est donc interdite tant dans la presse écrite qu’à la radio, la télévision et les médias numériques, par exemple sous forme de bandeaux publicitaires.

La publicité pour les activités des opérateurs de jeux, notamment pour leurs sites Internet, adresses etc., est également interdite en application de l’article 10, paragraphe 3, point 3 ».

Le litige au principal et la question préjudicielle

8 MM. Falbert et Madsen sont, respectivement, l’ancien et l’actuel responsables de la publication du quotidien danois Ekstra Bladet, dont le propriétaire est la société JP/Politikens Hus.

9 Les parties défenderesses au principal font l’objet de poursuites pénales devant la juridiction de renvoi pour avoir violé, notamment, l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux , en ayant publié des annonces publicitaires dans le quotidien Ekstra Bladet ainsi que sur les sites Internet de ce quotidien, tels que « www.ekstrabladet.dk » et « www.ekstrabladet.tv », au profit de sociétés de paris proposant des jeux et des paris au Danemark sans y avoir obtenu d’agrément.

10 La juridiction de renvoi se demande si la loi modificative doit être qualifiée de « règle technique » au sens de la directive 98/34 et si, partant, elle aurait dû être notifiée à la Commission en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive.

11 Selon cette juridiction, il s’agit de déterminer, en particulier, ainsi que les parties défenderesses au principal le soutiennent devant elle, si la loi modificative est une « règle relative aux services » au sens de l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, en ce qu’elle vise spécifiquement les services de la société d’information.

12 À cet égard, ladite juridiction relève, que, avant l’entrée en vigueur de la loi modificative, seule l’organisation des jeux au Danemark par des opérateurs étrangers via des canaux de distribution physiques était interdite, et que cette loi avait pour finalité et pour objet, ainsi qu’il ressortirait de ses travaux préparatoires, d’étendre l’interdiction de l’organisation, par des opérateurs étrangers, des jeux au Danemark aux jeux proposés par le biais d’Internet.

13 Dès lors que la loi modificative visait à étendre l’interdiction préexistante à de nouveaux services, tels que les jeux en ligne, la juridiction de renvoi estime que cette loi ne concerne pas, d’une manière seulement « implicite ou incidente », les offres de jeux en ligne et la publicité correspondante. Il s’agirait, au contraire, d’une réglementation portant sur l’accès à de nouveaux services de la société de l’information pour laquelle la directive 98/34 exigerait, ainsi qu’il découlerait des
travaux préparatoires de celle-ci, la notification à la Commission. Serait, à cet égard, sans incidence le fait que, en raison de la loi modificative, la distribution de jeux, qu’elle fût proposée en ligne ou hors ligne, était interdite.

14 Dans ces conditions, le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague, Danemark) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Est-on en présence d’une règle soumise à l’obligation de notification en application de l’article 8, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 1er, points 1, 2, 5 et 11, de la [directive 98/34] dans la situation suivante :

a) doit être mise en œuvre une loi modifiant une loi relative à certains jeux, loteries et paris qui introduit une disposition prévoyant des sanctions pénales, notamment pour quiconque qui, délibérément ou par négligence grave, “fait commerce de jeux, de loteries ou de paris sur le territoire national sans y être autorisé en application de l’article 1er” ainsi que pour quiconque qui, délibérément ou par négligence grave, “fait de la publicité pour des jeux, des loteries ou des paris qui n’ont pas
été autorisés en application de l’article 1er” ;

et

b) il ressort des travaux préparatoires de cette loi modificative que l’objectif poursuivi par ces dispositions pénales est, d’une part, de préciser ou d’instituer une interdiction des jeux en ligne proposés par des entreprises étrangères de jeux qui s’adressent directement au marché danois et, d’autre part, d’interdire la publicité, notamment pour les jeux en ligne proposés par des entreprises étrangères de jeux, sachant qu’il ressort de ces mêmes travaux préparatoires que, suivant la
réglementation antérieure, il est incontestable que sont interdits les jeux d’une entreprise étrangère de jeux qui utilise des canaux de distribution par lesquels ils sont commercialisés physiquement sur le territoire national danois, mais qu’il est douteux que sont interdits les jeux étrangers qui s’adressent à des joueurs danois qui sont localisés physiquement en dehors du territoire national danois, et qu’il y a donc lieu de préciser que de tels jeux sont également visés. Il ressort
également des travaux préparatoires qu’il est proposé d’instituer une interdiction de la publicité pour les jeux, les loteries et les paris n’ayant pas obtenu un agrément en application de cette même loi, que la modification est conforme à l’interdiction en vigueur en application de l’article 12, troisième alinéa, de la loi sur les courses hippiques et qu’elle vient préciser les dispositions de l’article 10, quatrième alinéa, de la loi sur le loto sportif et sur les lotos alors en vigueur. Il
ressort également des travaux préparatoires que l’interdiction vise à protéger les opérateurs de jeux agréés par les autorités danoises contre la concurrence d’entreprises ne bénéficiant pas d’un tel agrément et qui ne sont donc pas légalement autorisées à proposer ou à distribuer des jeux au Danemark ? »

Sur la question préjudicielle

15 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 1er de la directive 98/34 doit être interprété en ce sens que constitue une règle technique, au sens de cette disposition, soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit des sanctions pénales dans le cas de commerce de jeux, de loteries, ou de paris sur le territoire national sans
autorisation, ainsi que dans le cas de publicité pour des jeux, des loteries ou des paris qui n’ont pas été autorisés.

16 À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que ne constituent pas des règles techniques, au sens de l’article 1er, point 11, de la directive 98/34, des dispositions nationales qui se limitent à prévoir les conditions pour l’établissement ou la prestation de services par des entreprises, telles que des dispositions qui soumettent l’exercice d’une activité professionnelle à un agrément préalable (voir en ce sens, notamment, arrêts du 4 février 2016, Ince, C‑336/14,
EU:C:2016:72, point 76, et du 1er février 2017, Município de Palmela, C‑144/16, EU:C:2017:76, point 26).

17 En l’occurrence, il y a lieu de considérer, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 31 et 32 de ses conclusions, qu’une disposition nationale, telle que l’article 10, paragraphe 1, point 1, de la loi sur les jeux, en ce qu’elle sanctionne le fait de commercialiser des jeux de hasard sans autorisation préalable, doit être qualifiée de « disposition soumettant l’exercice de cette activité à un agrément préalable » au sens de la jurisprudence citée au point précédent.

18 Par conséquent, une telle disposition ne relève pas de la notion de « règle technique » visée à l’article 1er de la directive 98/34.

19 Quant à la question de savoir si l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux, qui sanctionne la publicité pour des services de jeux de hasard non autorisés, constitue une « règle technique » au sens de l’article 1er de la directive 98/34, soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, il convient de relever, tout d’abord, que, bien qu’il existe un lien étroit entre l’article 10, paragraphe 1, point 1, de la loi sur les jeux,
sanctionnant la commercialisation de jeux de hasard sans autorisation préalable, et l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux, en ce que cette disposition sanctionne des activités de publicité pour de tels jeux non autorisés, il ne s’ensuit pas pour autant que cette dernière disposition doive être qualifiée de « disposition soumettant l’exercice d’une activité à une autorisation préalable » au sens de la jurisprudence rappelée au point 16 du présent arrêt. En effet, de telles
dispositions ont, en dépit de l’existence d’un lien étroit entre elles, des fonctions et des champs d’application différents (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2016, M. et S., C‑303/15, EU:C:2016:771, point 28).

20 Il importe de relever, ensuite, qu’il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour si la loi modificative, par laquelle a été introduit l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux, sanctionnant la publicité pour des services de jeux de hasard non autorisés, a apporté une modification aux règles antérieures sur les jeux, notamment en élargissant leur champ d’application aux jeux en ligne offerts par des opérateurs étrangers de jeux, ou, au contraire, s’est bornée à préciser ou à
clarifier lesdites règles antérieures.

21 À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que la question de savoir si l’interdiction de la publicité pour des jeux non autorisés, telle que prévue à l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux, en particulier en ce qui concerne les jeux de hasard en ligne offerts par des opérateurs étrangers de jeux, était déjà prévue par les règles antérieures sur les jeux, de sorte que la loi modificative se serait bornée à clarifier cette interdiction, ou si, au contraire, ladite
interdiction a été introduite dans la loi sur les jeux par la loi modificative, constitue une question de droit national qui relève de la compétence de la juridiction de renvoi (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Lindberg, C‑267/03, EU:C:2005:246, point 83).

22 Deuxièmement, il convient de rappeler que ce n’est que dans l’hypothèse où la loi modificative aurait introduit, à l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux, l’interdiction de la publicité pour des jeux non autorisés, en particulier en ce qui concerne les jeux de hasard en ligne offerts par des opérateurs étrangers de jeux, que le projet de loi ayant conduit à l’adoption de la loi modificative aurait dû être soumis à l’obligation de notification en vertu de l’article 8,
paragraphe 1, de la directive 98/34.

23 En effet, pour qu’une nouvelle réglementation nationale soit considérée comme étant une règle technique devant être notifiée en vertu de la directive 98/34, elle ne doit pas se limiter à reproduire ou à remplacer, sans y ajouter des spécifications techniques ni d’autres exigences nouvelles ou supplémentaires, des règles techniques existantes dûment notifiées à la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Lindberg, C‑267/03, EU:C:2005:246, point 85).

24 Pour le cas où la loi modificative aurait introduit, à l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux, l’interdiction de la publicité pour des jeux non autorisés, notamment en élargissant son champ d’application aux jeux en ligne offerts par des opérateurs étrangers, il y a lieu d’examiner si cette disposition constitue une « règle technique » au sens de la directive 98/34.

25 À cet égard, il convient de rappeler que la notion de « règle technique » recouvre quatre catégories de mesures, à savoir, premièrement, la « spécification technique », au sens de l’article 1er, point 3, de la directive 98/34, deuxièmement, l’« autre exigence », telle que définie à l’article 1er, point 4, de cette directive, troisièmement, la « règle relative aux services », visée à l’article 1er, point 5, de ladite directive et, quatrièmement, les « dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services », au sens de l’article 1er, point 11, de la même directive (arrêts du 4 février 2016, Ince, C‑336/14, EU:C:2016:72, point 70, et du 13 octobre 2016, M. et S., C‑303/15, EU:C:2016:771, point 18).

26 En l’occurrence, il convient d’examiner, en premier lieu, si l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux est susceptible d’être qualifié de « règle technique » au titre de son appartenance à la catégorie des « règles relatives aux services » au sens de l’article 1er, point 5, de la directive 98/34.

27 Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 1er, point 2, de cette directive, cette catégorie de « règle technique » couvre uniquement les règles relatives aux services de la société de l’information, c’est-à-dire à tout service effectué à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services (arrêts du 13 octobre 2016, M. et S., C‑303/15, EU:C:2016:771, point 21, ainsi que du 1er février 2017, Município de Palmela, C‑144/16, EU:C:2017:76, point 28).

28 À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux concerne, en principe, deux types de services, à savoir, d’une part, les services de publicité, qui font l’objet immédiat des sanctions prévues par cette disposition, et, d’autre part, les services de jeux auxquels l’interdiction de publicité se réfère et qui constituent l’objet principal de la loi sur les jeux, vue dans son ensemble.

29 Or, tant les services de publicité que les services de jeux, dans la mesure où ils sont prestés, notamment, par voie électronique (en ligne), constituent des « services de la société de l’information » au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 98/34 et les règles qui y sont relatives sont, dès lors, susceptibles d’être qualifiées de « règles relatives aux services » au sens de l’article 1er, point 5, de la directive 98/34.

30 Il importe de relever, toutefois, que, afin de pouvoir être qualifiée de « règle relative aux services », une règle doit, conformément à la définition figurant à l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, viser « spécifiquement » les services de la société de l’information.

31 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux peut être considéré comme visant « spécifiquement » les services de la société de l’information alors que, notamment, le libellé de cette disposition ne mentionne pas explicitement les services de la société de l’information et n’établit aucune distinction entre des services prestés hors ligne et des services prestés en ligne. Cette
juridiction indique, toutefois, qu’il semble ressortir des travaux préparatoires de la loi modificative que cette loi visait, notamment, à étendre ladite disposition aux services en ligne.

32 À cet égard, il convient de relever, premièrement, que la question de savoir si une règle vise spécifiquement des services de la société de l’information doit, aux termes de l’article 1er, point 5, premier tiret, de la directive 98/34, être déterminée au regard tant de la motivation que du texte du dispositif de cette règle. En outre, en vertu de cette même disposition, il n’est pas requis que la règle en cause ait dans sa totalité « pour finalité et pour objet spécifiques » de réglementer des
services de la société de l’information, dès lors qu’il est suffisant que cette règle poursuive cette finalité ou cet objet dans certaines de ses dispositions.

33 Par conséquent, s’il ne ressort pas du seul libellé d’une règle nationale qu’elle vise, au moins en partie, à réglementer spécifiquement des services de la société de l’information – par exemple en ce que le libellé de la règle n’établit, comme en l’espèce, aucune distinction entre des services prestés hors ligne et des services prestés en ligne –, cet objet peut néanmoins clairement découler de la motivation de cette règle, telle qu’elle ressort, conformément aux règles d’interprétation
nationales pertinentes à cet égard, notamment des travaux préparatoires de ladite règle.

34 Deuxièmement, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 63 de ses conclusions, il ressort des considérants 7 et 8 de la directive 98/48, par laquelle la directive 98/34 a été modifiée, que celle-ci a pour objectif d’adapter les réglementations nationales existantes aux nouveaux services de la société de l’information et d’éviter les « restrictions à la libre circulation des services et à la liberté d’établissement conduisant à une refragmentation du marché intérieur ».

35 Or, il irait à l’encontre de cet objectif d’exclure une règle ayant, selon ses travaux préparatoires, clairement pour finalité et pour objet d’étendre une règle existante à des services de la société de l’information, de la qualification de règle visant spécifiquement de tels services au sens de l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, au seul motif que son dispositif ne fait pas mention expresse de ces services mais les englobe au titre d’une notion de services plus large, recouvrant tant
des services prestés en ligne que des services prestés hors ligne.

36 Partant, une disposition nationale, telle que l’article 10, paragraphe 3, point 3, de la loi sur les jeux, constitue une règle technique qui doit être notifiée à la Commission avant son adoption, dès lors qu’il ressort clairement des travaux préparatoires de cette disposition qu’elle avait pour objet et pour finalité d’étendre aux services de jeux en ligne une interdiction de la publicité préexistante, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de déterminer.

37 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 1er de la directive 98/34 doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit des sanctions pénales dans le cas de commerce de jeux, de loteries ou de paris sur le territoire national sans autorisation, ne constitue pas une règle technique, au sens de cette disposition, soumise à l’obligation de notification en vertu de
l’article 8, paragraphe 1, de cette directive. En revanche, une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit des sanctions pénales dans le cas de publicité pour des jeux, des loteries ou des paris qui n’ont pas été autorisés, constitue une règle technique, au sens de cette disposition, soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive, dès lors qu’il ressort clairement des travaux préparatoires de cette disposition de
droit national qu’elle avait pour objet et pour finalité d’étendre aux services de jeux en ligne une interdiction de la publicité préexistante, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de déterminer.

Sur les dépens

38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle–ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 1er de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit des sanctions pénales dans le
  cas de commerce de jeux, de loteries ou de paris sur le territoire national sans autorisation, ne constitue pas une règle technique, au sens de cette disposition, soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive. En revanche, une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit des sanctions pénales dans le cas de publicité pour des jeux, des loteries ou des paris qui n’ont pas été autorisés, constitue une règle technique, au
sens de cette disposition, soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive, dès lors qu’il ressort clairement des travaux préparatoires de cette disposition de droit national qu’elle avait pour objet et pour finalité d’étendre aux services de jeux en ligne une interdiction de la publicité préexistante, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de déterminer.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le danois.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-255/16
Date de la décision : 20/12/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Københavns byret.

Renvoi préjudiciel – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques – Législation nationale précisant ou introduisant une interdiction d’offrir des jeux, loteries et paris sans disposer d’une autorisation et introduisant une interdiction des publicités pour des jeux, loteries et paris offerts sans disposer d’une autorisation.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Procédure pénale
Défendeurs : Bent Falbert e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek
Rapporteur ?: Rodin

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:983

Source

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