La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2017 | CJUE | N°C-630/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Procédure engagée par Anstar Oy., 14/12/2017, C-630/16


ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

14 décembre 2017 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 20 mars 2018]

« Renvoi préjudiciel – Conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction – Norme harmonisée EN 1090‑1:2009+A1:2011 – Critères de détermination du champ d’application d’une norme adoptée par le Comité européen de normalisation (CEN) en vertu d’un mandat de la Commission européenne – Pièces d’ancrage destinées à être fixées dans le béton avant son durcissement et utilisées pour fixer l

es panneaux de façade et les supports de maçonnerie à l’ossature du bâtiment »

Dans l’affaire C‑630/16,

a...

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

14 décembre 2017 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 20 mars 2018]

« Renvoi préjudiciel – Conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction – Norme harmonisée EN 1090‑1:2009+A1:2011 – Critères de détermination du champ d’application d’une norme adoptée par le Comité européen de normalisation (CEN) en vertu d’un mandat de la Commission européenne – Pièces d’ancrage destinées à être fixées dans le béton avant son durcissement et utilisées pour fixer les panneaux de façade et les supports de maçonnerie à l’ossature du bâtiment »

Dans l’affaire C‑630/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki, Finlande), par décision du 1er décembre 2016, parvenue à la Cour le 7 décembre 2016, dans la procédure engagée par

Anstar Oy

en présence de :

Turvallisuus- ja kemikaalivirasto (Tukes),

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. D. Šváby (rapporteur) et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2017,

considérant les observations présentées :

– pour le Turvallisuus- ja kemikaalivirasto (Tukes), par MM. P. Kulmala et K. Siponen, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement finlandais, par M. S. Hartikainen, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par MM. G. Zavvos, P. Aalto et M. Huttunen, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (UE) no 305/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2011, établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant la directive 89/106/CEE du Conseil (JO 2011, L 88, p. 5) ainsi que de la norme harmonisée EN 1090-1:2009+A1:2011, intitulée « Exécution des structures en acier et des structures en aluminium – Partie 1 : Exigences pour l’évaluation de la conformité
des éléments structuraux » (ci-après la « norme EN 1090-1:2009+A1:2011 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée devant le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif d’Helsinki, Finlande) par Anstar Oy, société de droit finlandais, au sujet d’une décision de la Turvallisuus- ja kemikaalivirasto (Tukes) (Agence de la sécurité et des produits chimiques, Finlande) (ci-après l’« Agence ») au sujet d’une décision par laquelle cette dernière a, en substance, interdit à Anstar d’utiliser le marquage « CE » au titre de la norme
EN 1090‑1:2009+A1:2011, pour quatre catégories de produits fabriqués par cette dernière.

Le cadre juridique

Le règlement no 305/2011

3 Les considérants 6 et 10 du règlement no 305/2011 soulignent que l’objectif poursuivi par ce règlement consiste à supprimer les entraves techniques aux échanges des produits de construction en établissant des spécifications techniques harmonisées aux fins de l’évaluation des performances des produits de construction, afin de favoriser leur libre circulation sur le marché.

4 L’article 2 du règlement no 305/2011, intitulé « Définitions », précise qu’il est entendu par :

« 10)   “spécifications techniques harmonisées”, les normes harmonisées et les documents d’évaluation européens ;

11)   “norme harmonisée”, une norme adoptée par l’un des organismes européens de normalisation énumérés à l’annexe I de la directive 98/34/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO 1998, L 204, p. 37)], à la demande de la Commission conformément à l’article 6 de ladite directive

[...] »

5 L’article 4 de ce règlement, qui se rapporte à la « déclaration des performances », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’un produit de construction est couvert par une norme harmonisée ou est conforme à une évaluation technique européenne dont il a fait l’objet, le fabricant établit une déclaration des performances pour ce produit lors de sa mise sur le marché. »

6 L’article 17 de ce règlement, relatif aux « Normes harmonisées », prévoit, à ses paragraphes 1, 3 et 5 :

« 1.   Les normes harmonisées sont établies par les organismes européens de normalisation énumérés à l’annexe I de la directive 98/34/CE, sur la base de demandes (ci-après dénommées “mandats”) émanant de la Commission conformément à l’article 6 de ladite directive, après consultation du comité permanent de la construction visé à l’article 64 du présent règlement (ci-après dénommé “comité permanent de la construction”).

[...]

3.   Les normes harmonisées définissent les méthodes et critères d’évaluation des performances des produits de construction correspondant à leurs caractéristiques essentielles.

Lorsque le mandat correspondant le prévoit, une norme harmonisée fait référence à un usage prévu des produits qui relèveront de cette norme.

Les normes harmonisées prévoient, le cas échéant, et sans compromettre l’exactitude, la fiabilité ou la stabilité des résultats, des méthodes moins onéreuses que les essais pour l’évaluation des performances des produits de construction correspondant à leurs caractéristiques essentielles.

[...]

5.   La Commission évalue la conformité des normes harmonisées établies par les organismes européens de normalisation avec les mandats correspondants.

La Commission publie au Journal officiel de l’Union européenne la liste des références des normes harmonisées qui sont conformes aux mandats correspondants. »

7 L’article 19 dudit règlement, qui concerne le « [d]ocument d’évaluation européen », énonce notamment :

« 1.   À la suite d’une demande d’évaluation technique européenne présentée par un fabricant, un document d’évaluation européen est rédigé et adopté par l’organisation des [organismes d’évaluation technique] pour tout produit de construction qui n’est pas couvert ou qui n’est pas totalement couvert par une norme harmonisée, pour lequel les performances correspondant à ses caractéristiques essentielles ne peuvent être entièrement évaluées conformément à une norme harmonisée existante, notamment
pour les motifs suivants :

a) le produit n’entre dans le champ d’application d’aucune norme harmonisée existante ;

b) pour au moins une caractéristique essentielle de ce produit, la méthode d’évaluation prévue dans la norme harmonisée n’est pas appropriée ; ou

c) la norme harmonisée ne prévoit aucune méthode d’évaluation pour au moins une caractéristique essentielle de ce produit. »

8 L’article 21 du règlement no 305/2011, qui est consacré aux obligations de l’organisme d’évaluation technique (ci-après l’« OET ») qui reçoit une demande d’évaluation technique européenne, prévoit notamment :

« 1.   L’OET qui reçoit une demande d’évaluation technique européenne fournit au fabricant, au cas où le produit de construction est couvert, totalement ou partiellement, par une spécification technique harmonisée, les informations suivantes :

a) lorsque le produit est totalement couvert par une norme harmonisée, l’OET informe le fabricant que, conformément à l’article 19, paragraphe 1, une évaluation technique européenne ne peut être délivrée ;

b) lorsque le produit est totalement couvert par un document d’évaluation européen, l’OET informe le fabricant que ce document servira de base pour l’évaluation technique européenne qui sera délivrée ;

c) lorsque le produit n’est pas couvert ou n’est pas totalement couvert par une spécification technique harmonisée, l’OET applique les procédures prévues à l’annexe II ou établies en application de l’article 19, paragraphe 3. »

9 L’article 59 de ce règlement, intitulé « Non–conformité formelle », est libellé comme suit :

« 1.   Sans préjudice de l’article 56, lorsqu’un État membre fait l’une des constatations suivantes, il invite l’opérateur économique en cause à mettre un terme à la non-conformité en question :

a) le marquage CE a été apposé en violation de l’article 8 ou de l’article 9 ;

b) le marquage CE n’a pas été apposé, alors qu’il était requis conformément à l’article 8, paragraphe 2 ;

c) sans préjudice de l’article 5, la déclaration des performances n’a pas été établie, alors qu’elle était requise conformément à l’article 4 ;

d) la déclaration des performances n’a pas été établie conformément aux articles 4, 6 et 7 ;

e) la documentation technique n’est pas disponible ou n’est pas complète.

2.   Si la non-conformité visée au paragraphe 1 persiste, l’État membre prend toutes les mesures appropriées pour restreindre ou interdire la mise à disposition du produit de construction sur le marché ou pour assurer son rappel ou son retrait du marché. »

La norme EN 1090-1:2009+A1:2011

10 La norme EN 1090-1:2009+A1:2011 a été initialement adoptée, sous la forme de la norme EN 1090-1:2009, par le Comité européen de normalisation (CEN), le 15 juin 2008, conformément à un mandat de la Commission du 11 mars 1998 (M 120 – Mandat donné au CEN/Cenelec pour la réalisation de travaux de normalisation visant à établir des normes harmonisées pour les produits de construction métallique et produits connexes, ci-après le « mandat M 120 »), adopté sur le fondement de la directive 89/106/CEE du
Conseil, du 21 décembre 1988, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction (JO 1989, L 40, p. 12).

11 La norme EN 1090–1:2009+A1:2011 a fait l’objet d’une publication, sous la référence « EN 1090–1:2009 », au Journal officiel de l’Union européenne du 17 décembre 2010 (JO 2010, C 344, p. 1).

12 Après l’adoption par le CEN, le 3 octobre 2011, de l’amendement 1 à la norme EN 1090-1:2009+A1:2011, celle-ci a fait l’objet d’une nouvelle publication au Journal officiel de l’Union européenne du 19 juin 2012 (JO 2012, C 176, p. 1).

13 Le point 1 de cette norme, qui précise son « [d]omaine d’application », indique :

« La présente [n]orme européenne spécifie les exigences pour l’évaluation de la conformité aux caractéristiques de performance pour des éléments structuraux en acier et en aluminium ainsi que pour des kits mis sur le marché en tant que produits de construction. L’évaluation de la conformité couvre les caractéristiques de fabrication, et si nécessaire les caractéristiques de calcul structural.

La présente [n]orme européenne couvre également l’évaluation de la conformité des éléments en acier utilisés dans les structures mixtes acier-béton.

[...]

La présente [n]orme européenne ne couvre pas l’évaluation de la conformité d’éléments pour plafonds suspendus, de rails ou traverses pour usages ferroviaires.

[...] »

14 Le point 3.1.9 de la norme EN 1090-1:2009+A1:2011 définit les « éléments structuraux » comme suit :

« éléments utilisés en tant que pièces porteuses d’une construction destinés à assurer une résistance mécanique et une stabilité à la construction et/ou une résistance au feu, y compris les aspects de durabilité et d’aptitude au service ; ils peuvent être utilisés directement dans leur état de livraison ou être inclus dans un ouvrage ».

15 Le point 4.5 de cette norme, qui se rapporte aux « [c]aractéristiques structurales », comporte un point 4.5.1, intitulé « Généralités », qui dispose notamment :

« Les caractéristiques structurales d’un élément couvert par la présente [n]orme européenne se réfèrent à sa capacité portante, sa déformation à l’état limite de service, sa résistance à la fatigue et sa résistance au feu. »

La norme EN 845-1:2013

16 La norme harmonisée EN 845-1:2013, intitulée « Spécification pour composants accessoires de maçonnerie – Partie 1 : Attaches, brides de fixation, étriers de support et consoles » (ci-après la « norme EN 845‑1:2013 »), a été adoptée par le CEN le 21 mars 2013, conformément à un mandat de la Commission du 28 mai 1997 (M 116 – Mandat donné au CEN/Cenelec pour la réalisation de travaux de normalisation visant à établir des normes harmonisées pour les maçonnerie et produits connexes (ci–après le
« mandat M 116 »), adopté sur le fondement de la directive 89/106.

17 Les références de la norme EN 845-1:2013 ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 13 février 2015 (JO 2015, C 54, p. 80).

18 La norme EN 845-1:2013 énonce, à son point 1, intitulé « [d]omaine d’application » :

« La présente [n]orme européenne spécifie les exigences concernant les attaches murales, brides de fixation, brides de suspension et consoles utilisées pour assurer les liaisons entre des maçonneries et les liaisons entre la maçonnerie et d’autres parties de l’ouvrage ou de la construction, incluant les murs, planchers, poutres et poteaux. Lorsque des éléments d’ancrage ou de fixation sont fournis ou spécifiés comme partie intégrante d’un composant accessoire, les exigences, y compris les
exigences de performances, s’appliquent au produit complet.

Les produits suivants ne sont pas couverts par la présente [n]orme européenne :

a) éléments d’ancrage et de fixation autres que ceux qui font partie intégrante d’un composant accessoire ;

b) cornières supports ;

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

19 Par une décision du 18 février 2014, l’Agence a enjoint Anstar, sur le fondement de l’article 59 du règlement no 305/2011, de cesser de fournir et de vendre quatre catégories de produits revêtus du marquage « CE » au titre de la norme EN 1090-1:2009+A1:2011 et, à compter du 4 mars 2014, de cesser d’utiliser le marquage « CE » ainsi que la déclaration des performances, visée à l’article 4 du règlement no 305/2011, dans tous les contextes liés à ces quatre catégories de produits (ci‑après la
« décision litigieuse »).

20 Cette décision décrit les quatre catégories de produits concernées de la façon suivante :

« 1. Systèmes d’ancrage utilisés pour fixer des panneaux de façade et des supports de maçonnerie à l’ossature du bâtiment ; [...]

2. Boulons d’ancrage [...] ;

Platines d’ancrage et pièces standard en acier [...] ;

Systèmes de contreventement ; [...]

3. Sabots de poteaux et sabots de mur ; [...]

4. Raccords de balcon ».

21 Selon ladite décision, ces catégories de produits ne seraient pas mentionnées dans le mandat M 120 et ne relèveraient donc pas du champ d’application de la norme EN 1090‑1:2009+A1:2011.

22 En effet, selon l’Agence, les boulons d’ancrage, les platines de fixation, les pièces standard en acier, les systèmes de contreventement ainsi que les sabots de poteaux, destinés à des usages identiques ou analogues à ceux des produits fabriqués par Anstar, ont fait l’objet des agréments techniques européens ETA‑02/0006 et ETA-04/0056. Or, dans la mesure où, d’une part, ces agréments, délivrés sur la base de la directive 89/106 et correspondant aux documents d’évaluation européens au sens de
l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 305/2011, seraient toujours valables et où, d’autre part, de tels agréments ou documents ne pourraient être obtenus que pour un produit qui n’est pas couvert ou qui ne l’est pas totalement par une norme harmonisée, la norme EN 1090‑1:2009+A1:2011 serait inapplicable auxdits produits.

23 Quant aux systèmes d’ancrage utilisés pour fixer des panneaux de façade et des supports de maçonnerie à l’ossature du bâtiment, ils entreraient dans le champ d’application du mandat M 116. Partant, selon l’Agence, le marquage « CE » de ces systèmes d’ancrage ne se justifierait que si la norme harmonisée élaborée sur la base du mandat M 116 était respectée.

24 Estimant que les produits qu’elle fabrique sont couverts par la norme EN 1090-1:2009+A1:2011 et le mandat M 120, Anstar a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki, Finlande), tendant à obtenir l’annulation de la décision litigieuse.

25 Au soutien de ce recours, Anstar soutient que les catégories de produits mentionnées dans la décision litigieuse ne relèvent ni de la norme EN 845–1:2013 ni des agréments techniques européens ETA-02/0006 et ETA-04/0056.

26 La juridiction de renvoi constate que le champ d’application du mandat M 120 et de la norme EN 1090-1:2009+A1:2011 est décrit en des termes larges et généraux qui n’excluraient pas nécessairement ou, en tout cas, pas dans leur totalité, les produits fabriqués par Anstar, lesquels seraient visés par la décision litigieuse, pour autant que ceux-ci sont utilisés conformément à la déclaration des performances visée à l’article 4 du règlement no 305/2011.

27 La juridiction de renvoi relève cependant que le même constat pourrait être dressé concernant le champ d’application du mandat M 116 et de la norme EN 845-1:2013. Or, si les produits fabriqués par Anstar relevaient du champ d’application de ce mandat et de cette norme, ils ne pourraient être couverts par le mandat M 120 et la norme EN 1090‑1:2009+A1:2011.

28 Enfin, la juridiction de renvoi n’exclut pas que tout ou partie des produits fabriqués par Anstar puissent relever des agréments techniques européens ETA‑02/0006 et ETA-04/0056.

29 La juridiction de renvoi estime nécessaire de saisir la Cour à titre préjudiciel, dans la mesure où le champ d’application de la norme EN 1090-1:2009+A1:2011 semble être diversement apprécié dans les États membres. Or, ces divergences d’appréciation seraient susceptibles d’affecter la libre circulation des produits de construction et, partant, de porter atteinte à l’un des objectifs explicites poursuivis par le règlement no 305/2011, énoncé notamment aux considérants 6 et 10 de ce dernier.

30 Dans ces conditions, le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter le mandat M 120 et la norme [...] EN 1090-1:2009+A1:2011, adoptée sur son fondement, en ce sens que les produits destinés à être fixés dans le béton avant qu’il durcisse, tels qu’énumérés aux points 1 à 4 de la décision [litigieuse] (systèmes d’ancrage utilisés pour fixer des panneaux de façade et des supports de maçonnerie à l’ossature du bâtiment et certains boulons d’ancrage, platines de fixation et pièces standard en acier, systèmes de contreventement, sabots de
poteaux, sabots de murs et raccords de balcon) ne relèvent pas de leur champ d’application ?

2) Le règlement no 305/2011, les mandats de la Commission cités dans la présente affaire ou le droit de l’Union font-ils par ailleurs obstacle à l’interprétation de [l’Agence], selon laquelle les produits susmentionnés restent en dehors du champ d’application du mandat M 120 et de la norme [EN] 1090-1:2009+A1:2011 ? »

Sur les questions préjudicielles

31 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la norme EN 1090-1:2009+A1:2011 doit être interprétée en ce sens que des produits, tels que ceux en cause au principal, destinés à être fixés dans le béton avant qu’il durcisse, relèvent de son champ d’application.

32 À titre liminaire, il convient de rappeler que la Cour est compétente pour interpréter à titre préjudiciel une norme harmonisée au sens de l’article 2, point 11, du règlement no 305/2011 et dont les références ont été publiées par la Commission au Journal officiel de l’Union européenne, série C (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2016, James Elliott Construction, C‑613/14, EU:C:2016:821, point 47).

33 Cela étant, lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en interprétation d’une telle norme harmonisée, c’est à la juridiction de renvoi qu’il revient, sur le fondement de l’interprétation dégagée par la Cour et au vu des éléments de fait à sa disposition, de déterminer la norme technique applicable à un produit donné (voir par analogie, en matière de classement tarifaire, arrêts du 7 novembre 2002, Lohmann et Medi Bayreuth, C‑260/00 à C‑263/00, EU:C:2002:637, point 26 ainsi que du
28 avril 2016, Oniors Bio, C‑233/15, EU:C:2016:305, point 28).

34 À cet effet, afin d’interpréter la norme EN 1090–1:2009+A1:2011, il faut, en premier lieu, se reporter au contenu de ladite norme, y compris à ses annexes, relatif à son champ d’application.

35 Il convient, en deuxième lieu, d’interpréter une norme harmonisée à la lumière du mandat qui en est à l’origine. En effet, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 305/2011, les normes harmonisées sont établies par les organismes européens de normalisation énumérés à l’annexe I de la directive 98/34, sur la base de demandes émanant de la Commission. Or, en vertu de l’article 17, paragraphe 5, de ce règlement, la Commission est chargée d’évaluer la conformité des normes
harmonisées établies par ces organismes européens de normalisation avec les mandats correspondants.

36 Il s’ensuit que le champ d’application d’une norme harmonisée ne saurait être interprété plus largement que celui du mandat qui en est à la base.

37 En l’occurrence, il convient donc d’interpréter la norme EN 1090‑1:2009+A1:2011 à la lumière du mandat M 120.

38 En troisième lieu, lorsque, comme dans le cadre du litige au principal, un produit est susceptible de relever du champ d’application de plusieurs spécifications techniques harmonisées, il s’impose, tout d’abord, de rechercher si la norme la plus récente n’a pas eu pour effet d’abroger la plus ancienne.

39 À cet égard, conformément à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, sous a), du règlement no 305/2011, chaque norme harmonisée qui figure sur la liste, publiée au Journal officiel de l’Union européenne, des références des normes harmonisées qui sont conformes aux mandats correspondants, doit mentionner les références des « spécifications techniques harmonisées qui sont remplacées », ce qui, eu égard à l’article 2, point 10, de ce règlement, vise tant les normes harmonisées que les documents
d’évaluation européens.

40 Ainsi, dès lors qu’une norme harmonisée n’indique pas expressément qu’elle a vocation à remplacer une autre norme harmonisée ou une ou plusieurs évaluations techniques européennes, lesdites spécifications techniques harmonisées demeurent en vigueur et constituent une réglementation spéciale dérogatoire. En effet, conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 305/2011, un document d’évaluation européen ne peut être adopté que pour un produit de construction qui n’est pas couvert ou
qui n’est pas totalement couvert par une norme harmonisée, pour lequel les performances correspondant à ses caractéristiques essentielles ne peuvent être entièrement évaluées conformément à une norme harmonisée existante.

41 Cette interprétation de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 305/2011 est, en outre, corroborée par l’article 21, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, en vertu duquel, lorsqu’un OET reçoit une demande d’évaluation technique européenne qui concerne un produit totalement couvert par une norme harmonisée, ledit organisme informe le fabricant que, conformément audit article 19, paragraphe 1, une évaluation technique européenne ne peut être délivrée.

42 En outre, s’il est vrai que les documents d’évaluation européens, au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 305/2011, tout comme les agréments techniques européens, au sens de l’article 8 de la directive 89/106 abrogée par ce règlement, ne peuvent être rédigés que pour les produits de construction qui ne sont pas couverts, en tout ou en partie, par une norme harmonisée, il n’en demeure pas moins que, comme il a été indiqué au point 32 du présent arrêt, l’interprétation de ces normes
appartient, en définitive, à la Cour et non pas à l’auteur de tels documents ou agréments. Dès lors, lorsqu’elle est appelée à interpréter une norme harmonisée, la Cour peut tenir compte, comme un élément parmi d’autres, de l’existence d’un document d’évaluation européen ou d’un agrément technique européen, en tant qu’indice de ce que les produits couverts par ceux-ci, ainsi que des produits analogues, ne sont couverts par aucune norme harmonisée, sans toutefois qu’un tel élément puisse présenter
un caractère déterminant ni empêcher la Cour, le cas échéant, de parvenir à une interprétation de la norme harmonisée concernée différente de celle adoptée par l’auteur de ce document ou de cet agrément.

43 Toutefois, en l’occurrence, si la juridiction de renvoi a mentionné, dans sa demande, les agréments techniques européens ETA-02/0006 et ETA‑04/0056, ceux-ci ne figurent pas dans le dossier soumis à la Cour, si bien que la Cour ne peut les prendre en considération aux fins de l’interprétation de la norme EN 1090-1:2009+A1:2011.

44 En quatrième lieu, s’agissant de documents d’orientation publiés par des organismes nationaux ou internationaux de normalisation, il convient de relever que, quand bien même de tels documents entendent préciser le champ d’application des normes harmonisées dont les références sont publiées par la Commission, il n’en reste pas moins qu’ils ne sauraient constituer des actes juridiquement contraignants dans l’ordre juridique de l’Union. Il s’ensuit que ces documents n’ont pas d’incidence sur
l’interprétation d’une norme harmonisée et ne lient pas non plus les juridictions nationales, même s’ils peuvent constituer un guide utile aux fins de la mise en œuvre de cette norme.

45 En l’occurrence, s’agissant des produits visés par la décision litigieuse, il résulte, tout d’abord, du point 1 de la norme EN 1090‑1:2009+A1:2011, qui précise son « [d]omaine d’application », que cette norme harmonisée, d’une part, spécifie les exigences pour l’évaluation de la conformité aux caractéristiques de performance des éléments structuraux en acier et en aluminium ainsi que des kits mis sur le marché en tant que produits de construction et, d’autre part, couvre l’évaluation de la
conformité des éléments en acier utilisés dans les structures mixtes acier-béton.

46 En outre, aux termes du point 3.1.9 de ladite norme, les « éléments structuraux » désignent les éléments utilisés en tant que pièces porteuses d’une construction destinés à assurer une résistance mécanique et une stabilité à la construction et/ou une résistance au feu.

47 Par ailleurs, le point 4.5.1 de la norme EN 1090-12009+A1:2011 précise que les caractéristiques structurales d’un élément couvert par cette norme se réfèrent notamment à sa capacité portante.

48 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la norme EN 1090‑1:2009+A1:2011 a vocation à s’appliquer aux produits de construction qui ont une fonction structurale, c’est-à-dire aux produits dont le retrait d’une construction diminuerait immédiatement la résistance de celle-ci. La fonction de la pièce porteuse dans la structure d’ensemble de l’ouvrage de construction doit donc être essentielle.

49 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi que la norme EN 1090-1:2009+A1:2011 doit être interprétée en ce sens que des produits, tels que ceux en cause au principal, destinés à être fixés dans le béton avant qu’il durcisse, relèvent de son champ d’application s’ils ont une fonction structurale, en ce sens que leur retrait d’une construction diminuerait immédiatement la résistance de celle-ci.

[Tel que rectifié par ordonnance du 20 mars 2018] Sur les dépens

50 [Tel que rectifié par ordonnance du 20 mars 2018] La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

  La norme EN 1090–1:2009+A1:2011, intitulée « Exécution des structures en acier et des structures en aluminium – Partie 1 : Exigences pour l’évaluation de la conformité des éléments structuraux », doit être interprétée en ce sens que des produits, tels que ceux en cause au principal, destinés à être fixés dans le béton avant qu’il durcisse, relèvent de son champ d’application s’ils ont une fonction structurale, en ce sens que leur retrait d’une construction diminuerait immédiatement la résistance
de celle-ci.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : le finnois.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-630/16
Date de la décision : 14/12/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Helsingin hallinto-oikeus.

Renvoi préjudiciel – Conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction – Norme harmonisée EN 1090‑1:2009+A1:2011 – Critères de détermination du champ d’application d’une norme adoptée par le Comité européen de normalisation (CEN) en vertu d’un mandat de la Commission européenne – Pièces d’ancrage destinées à être fixées dans le béton avant son durcissement et utilisées pour fixer les panneaux de façade et les supports de maçonnerie à l’ossature du bâtiment.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Procédure engagée par Anstar Oy.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Šváby

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:971

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award