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14/12/2017 | CJUE | N°C-577/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Trinseo Deutschland Anlagengesellschaft mbH contre Bundesrepublik Deutschland., 14/12/2017, C-577/16


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 14 décembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑577/16

Trinseo Deutschland Anlagengesellschaft mbH

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/87/CE – Environnement – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Article 2,

paragraphe 1 – Champ d’application – Émissions indirectes engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 14 décembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑577/16

Trinseo Deutschland Anlagengesellschaft mbH

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/87/CE – Environnement – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Article 2, paragraphe 1 – Champ d’application – Émissions indirectes engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce – Absence de prise en compte – Annexe I – Secteur chimique – Notion de production de produits chimiques organiques en vrac par craquage, reformage, oxydation partielle ou totale, ou par d’autres procédés
similaires – Production de polymères, notamment de polycarbonate – Inclusion – Article 10 bis – Décision 2011/278/UE – Allocation de quotas à titre gratuit – Absence d’effet direct »

I. Introduction

1. Par une décision du 3 novembre 2016, parvenue à la Cour le 16 novembre 2016, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne) a adressé à la Cour une demande tendant à obtenir une décision préjudicielle sur l’interprétation de l’article 1er et de l’annexe I de la directive 2003/87/CE ( 2 ) ainsi que de la décision 2011/278/UE ( 3 ).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Trinseo Deutschland Anlagengesellschaft mbH (ci‑après « Trinseo ») à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne), représentée par l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement, Allemagne), au sujet du refus du Deutsche Emissionshandelsstelle (service allemand de vente de droits d’émission, Allemagne, ci‑après le « DEHSt ») d’allouer des quotas d’émission à titre gratuit à une installation de production de
polycarbonate exploitée par Trinseo (ci‑après également « l’installation litigieuse »).

3. Ce refus était fondé sur les dispositions de la législation allemande transposant la directive 2009/29. Cette directive a étendu le champ d’application du système d’échange de quotas d’émission au secteur chimique à partir de la troisième période d’échange (2013‑2020). À cette fin, ladite directive a notamment inséré la disposition suivante à l’annexe I de la directive 2003/87, laquelle énumère les activités incluses dans ce système d’échange : « production de produits chimiques organiques en
vrac par craquage, reformage, oxydation partielle ou totale, ou par d’autres procédés similaires, avec une capacité de production supérieure à 100 tonnes par jour » (ci‑après la « disposition litigieuse »).

4. La disposition de la législation allemande transposant la disposition litigieuse a établi une liste limitative des produits chimiques pouvant relever de cette activité, liste dont ne relèvent pas les polymères tels que ceux produits par l’installation litigieuse ( 4 ). La production de polymères ne relevant pas du système d’échange au regard de cette législation, le DEHSt a refusé d’allouer des quotas à titre gratuit à cette installation.

5. Je souligne que la teneur de la législation allemande a suscité deux réactions de la part de la Commission européenne.

6. D’une part, la Commission a ouvert une procédure d’infraction contre la République fédérale d’Allemagne pour transposition incomplète de la directive 2003/87, fondée sur la non‑inclusion de la production de polymères dans le système d’échange de quotas d’émission ( 5 ).

7. D’autre part, la Commission a constaté, dans la décision 2013/448/UE, que la liste des installations figurant dans les mesures nationales d’exécution allemandes était incomplète en ce qu’elle n’incluait pas les installations produisant des polymères ( 6 ). En outre, en ce qui concerne la chaleur fournie à de telles installations, la Commission a considéré que ces mesures prévoyaient erronément l’allocation de quotas à titre gratuit non pas auxdites installations, mais aux fournisseurs de
chaleur ( 7 ). Dans cette mesure, la Commission a rejeté les allocations à titre gratuit projetées par les mesures d’exécution allemandes à ces fournisseurs de chaleur ( 8 ). Ce rejet de la Commission, couplé à la non‑inclusion dans les mesures d’exécution allemandes des installations produisant des polymères telles que l’installation litigieuse, a eu pour effet d’exclure toute allocation de quotas à titre gratuit pour la production de la chaleur fournie à ces installations.

8. Dans le litige au principal, il ressort ainsi des observations soumises par Trinseo que ni l’installation litigieuse ni la société Dow Deutschland Anlagengesellschaft mbH (ci-après « Dow ») qui lui fournit la chaleur nécessaire à la production de polymères, n’ont reçu de quotas à titre gratuit au titre de la production de cette chaleur.

9. C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi invite la Cour, par sa première question, à déterminer si la production de polymères, et notamment de polycarbonate, relève du champ d’application de la disposition litigieuse et, partant, de la directive 2003/87.

10. Je proposerai à la Cour de répondre en ce sens que cette activité relève bien de la disposition litigieuse, en précisant cependant qu’elle ne relève du champ d’application de la directive 2003/87 que si elle engendre, en soi, des émissions de dioxyde de carbone (CO2), et ce indépendamment des émissions indirectes telles que celles engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce.

11. Par sa seconde question, cette juridiction demande, en substance, si l’article 10 bis de la directive 2003/87 et les dispositions de la décision 2011/278, qui prévoient l’allocation à titre gratuit de quotas d’émission, ont un effet direct.

12. Je proposerai à la Cour de répondre à cette question par la négative.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

13. L’article 1er de la directive 2003/87, intitulé « Objet », énonce :

« La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté […] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performante.

[…] »

14. Sous l’intitulé « Champ d’application », l’article 2, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« La présente directive s’applique aux émissions résultant des activités indiquées à l’annexe I et aux gaz à effet de serre énumérés à l’annexe II. »

15. Au sein de l’annexe I de la directive 2003/87, intitulée « Catégories d’activités auxquelles s’applique la présente directive », figure, notamment, la disposition litigieuse.

16. Comme le précise son intitulé, la décision 2011/278 définit des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union européenne concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87.

B. Le droit allemand

17. L’article 2 du Gesetz über den Handel mit Berechtigungen zur Emission von Treibhausgasen (Treibhausgas-Emissionshandelsgesetz – TEHG) (loi relative à l’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre – TEHG), du 27 juillet 2011 (BGBl. I, p. 1475, ci-après le « TEHG »), intitulé « Champ d’application », dispose :

« 1)   La présente loi s’applique aux émissions de gaz à effet de serre visés à l’annexe 1, partie 2, lesquelles résultent des activités qui y sont visées. En ce qui concerne les installations visées à l’annexe 1, partie 2, la présente loi s’applique également lorsqu’elles constituent des parties ou des dispositifs auxiliaires d’une installation qui ne figure pas à l’annexe 1, partie 2.

[…] »

18. L’article 9 du TEHG, intitulé « Allocation à titre gratuit de droits d’émission aux exploitants d’installations », prévoit ce qui suit :

« 1)   Les exploitants d’installations reçoivent une allocation à titre gratuit de droits d’émission conformément aux principes énoncés à l’article 10 bis […] de la [directive 2003/87] dans sa version en vigueur et à ceux énoncés dans la décision [2011/278].

[…] »

19. L’annexe 1, partie 2, point 27, du TEHG vise les « installations de production de produits chimiques organiques de base (alcènes et alcènes chlorés ; alcalins ; aromates et aromates alcalisés ; phénols ; alcools ; aldéhydes ; cétones ; acides carboxyliques ; acides dicarboxylique ; anhydrides d’acide et téréphtalate de diméthyle ; époxydes ; acétate de vinyle ; acrylonitrile ; caprolactame et mélamine) ayant une capacité de production supérieure à 100 tonnes par jour ».

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

20. Trinseo exploite une installation de production de polycarbonate à Stade (Allemagne), dont la capacité de production autorisée est supérieure à 100 tonnes par jour. Cette installation se procure la vapeur nécessaire à cette production auprès d’une centrale soumise au système d’échange de quotas d’émission qui est exploitée par une autre société, Dow, établie sur le même site.

21. Le 23 janvier 2012, Trinseo a demandé au DEHSt l’allocation à titre gratuit de quotas d’émission pour l’installation litigieuse.

22. Par décision du 17 février 2014, le DEHSt a rejeté cette demande, au motif que le polycarbonate ne figure pas dans la liste de substances et de groupes de substances visée au point 27 de l’annexe 1, partie 2, du TEHG, et que, partant, l’installation litigieuse n’entre pas dans le champ d’application de cette loi.

23. Le recours administratif exercé par Trinseo contre cette décision a été rejeté par le DEHSt pour le même motif.

24. Le 2 octobre 2015, Trinseo a saisi le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin) d’un recours contre ladite décision.

25. À l’appui de ce recours, Trinseo a fait valoir que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87, lu en combinaison avec l’annexe I de celle–ci, toute activité de production de produits chimiques organiques en vrac par craquage, reformage, oxydation partielle ou totale, ou par d’autres procédés, sans limitation à des substances spécifiques, relève du champ d’application de cette directive.

26. En revanche, le DEHSt soutient que la directive 2003/87 n’impose pas l’obligation d’intégrer les installations de polymérisation dans le système d’échange de quotas d’émission. Par ailleurs, le fait que cette directive fasse globalement grief aux exploitants d’installations plaiderait contre une application directe de celle–ci.

27. Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 1er, lu en combinaison avec l’annexe I de la directive [2003/87], doit‑il être interprété en ce sens que la production de polymères, notamment de polycarbonate, dans des installations ayant une capacité de production supérieure à 100 tonnes par jour relève de l’activité de production de produits chimiques organiques en vrac par craquage, reformage, oxydation partielle ou totale, ou par d’autres procédés qui y est visée ?

2) En cas de réponse affirmative à la première question préjudicielle, l’exploitant d’une telle installation peut‑il prétendre à une allocation à titre gratuit de quotas d’émission par application directe des dispositions de la directive 2003/87 et de la décision [2011/278] lorsqu’une allocation à titre gratuit de quotas d’émission en vertu du droit national n’est pas envisageable en raison du seul fait que l’État membre concerné n’a pas fait entrer dans le champ d’application de la loi
nationale transposant la directive [2003/87] les installations de production de polymères et que ces installations ne peuvent de ce seul fait pas participer à l’échange de quotas d’émission ? »

IV. La procédure devant la Cour

28. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 16 novembre 2016.

29. Ont présenté des observations écrites Trinseo, les gouvernements allemand et néerlandais ainsi que la Commission.

30. Ont comparu à l’audience du 21 septembre 2017 pour y être entendus en leurs observations Trinseo, l’Office fédéral de l’environnement, les gouvernements allemand et néerlandais ainsi que la Commission.

V. Analyse

31. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande à la Cour si l’article 1er de la directive 2003/87, lu en combinaison avec l’annexe I de cette directive, doit être interprété en ce sens que relève du champ d’application de la disposition litigieuse la production de polymères, notamment de polycarbonate, dans des installations ayant une capacité de production supérieure à 100 tonnes par jour.

32. En substance, la juridiction de renvoi demande ainsi à la Cour si la production de polymères, notamment de polycarbonate, relève de la disposition litigieuse et, partant, du champ d’application de cette directive. Par conséquent, je propose de substituer, dans la question posée, la référence à l’article 1er par une référence à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, cette dernière disposition ayant pour objet de définir le champ d’application de cette même directive.

33. À cet égard, les gouvernements allemand et néerlandais ont soutenu que la production de polymères ne relève pas du champ d’application de la directive 2003/87 au motif que le processus de polymérisation n’émet pas, en soi, de CO2. J’étudierai cet argument, qui soulève à mes yeux une question de principe quant à l’éventuelle prise en compte des émissions indirectes dans le régime mis en place par cette directive, dans la section A.

34. J’examinerai ensuite le champ d’application de la disposition litigieuse. Je relève, comme Trinseo et le gouvernement néerlandais, que les termes apparaissant dans le libellé de cette disposition, et notamment les termes « en vrac » et « procédés similaires », ne sont pas définis par la directive 2003/87. Conformément à une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de
l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause ( 9 ).

35. En l’occurrence, quatre conditions peuvent être déduites du libellé de la disposition litigieuse.

36. En premier lieu, l’installation doit avoir une capacité de production supérieure à 100 tonnes par jour. Il est constant que cette condition est satisfaite par l’installation litigieuse, et la première question posée part d’ailleurs de cette prémisse.

37. En deuxième lieu, l’installation doit produire des produits chimiques « organiques ». Aucune des parties ayant soumis des observations à la Cour n’a contesté le fait que les polymères produits par l’installation litigieuse de Trinseo constituent des produits chimiques organiques. À cet égard, je me contente de relever que, selon sa définition usuelle, la notion de composé organique vise un composé comportant l’élément carbone ( 10 ), ce qui est évidemment le cas du polycarbonate produit dans
cette installation.

38. En troisième lieu, l’installation doit produire des produits chimiques « en vrac ». J’examinerai cette condition dans la section B ci‑après.

39. En quatrième lieu, les produits chimiques doivent être produits « par craquage, reformage, oxydation partielle ou totale, ou par d’autres procédés similaires ». Cette quatrième condition fera l’objet de la section C.

40. Au terme de cet examen, et en réponse à la première question posée, je résumerai dans la section D les motifs pour lesquels j’estime que la production de polymères relève du champ d’application de la disposition litigieuse. Cependant, cette activité ne pourra relever du champ d’application de la directive 2003/87, tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, de celle‑ci, que si cette activité engendre, en soi, des émissions de CO2, et ce indépendamment des émissions indirectes telles que celles
engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce.

41. En réponse à la seconde question posée, j’exposerai dans la section E les raisons pour lesquelles je considère que l’article 10 bis de cette directive et les dispositions de la décision 2011/278, lesquels prévoient l’allocation à titre gratuit de quotas d’émission, sont dépourvus d’effet direct.

A. Sur l’absence de prise en compte des émissions « indirectes » telles que celles engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce

42. Les gouvernements allemand et néerlandais ont soutenu que la production de polymères ne relève pas du champ d’application de la directive 2003/87 au motif que le processus de polymérisation n’émet pas, en soi, de CO2. Selon ces gouvernements, les seules émissions de CO2, dans ce contexte, trouvent leur source dans la production de la chaleur nécessaire à cette polymérisation, telle que celle acquise par l’installation litigieuse auprès d’une installation tierce, à savoir auprès de Dow.

43. Lesdits gouvernements en déduisent que, dans un tel contexte, seule l’activité de production de chaleur relève du champ d’application de cette directive, étant entendu que cette chaleur peut être produite par une installation tierce, comme c’est le cas en l’espèce, ou par l’installation de polymérisation elle‑même.

44. Selon Trinseo et la Commission, en revanche, les émissions résultant de la production de polymères devraient inclure les émissions « indirectes » engendrées par la production de la chaleur nécessaire à la polymérisation. Cette approche permettrait d’encourager les investissements visant à réduire la consommation d’énergie, conformément aux objectifs poursuivis par la directive 2003/87. Elle serait, en outre, corroborée par l’article 10 bis de cette directive et par la décision 2011/278, lesquels
prévoient l’allocation de quotas à titre gratuit à l’installation qui utilise la chaleur, et non à l’installation qui la produit ( 11 ).

45. Je souligne, à titre liminaire, que l’annexe I de la directive 2003/87 vise non pas la production de chaleur en tant que telle, mais bien la « combustion de combustibles dans des installations dont la puissance calorifique totale de combustion est supérieure à 20 MW ».

46. Par ailleurs, le CO2 est le seul gaz à effet de serre mentionné à l’annexe I, en ce qui concerne tant cette activité de combustion que la production de produits chimiques organiques visée à la disposition litigieuse.

47. Cela étant précisé, l’échange d’arguments décrit ci‑avant vise l’interprétation non pas de la disposition litigieuse, mais bien de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87. En substance, la question qui se pose est celle de savoir si les émissions « indirectes », c’est‑à‑dire les émissions qui ne sont pas engendrées en soi par l’activité considérée (lesquelles peuvent être qualifiées de « directes ») mais qui résultent de la production des « intrants» ( 12 ) nécessaires à cette
activité, doivent être considérées comme « résultant », au sens de cette disposition, des activités visées à l’annexe I de cette directive.

48. Dans le litige au principal, l’installation litigieuse s’est procuré la chaleur dont elle avait besoin auprès de Dow, de sorte que les émissions engendrées par la production de cette chaleur représentent des émissions indirectes pour son activité de production de polymères.

49. Aussi souhaitable que puisse être la prise en compte de telles émissions indirectes dans le système d’échange de quotas d’émission au regard de l’objectif de protection de l’environnement, cette prise en compte se heurte, à mon avis, à plusieurs obstacles rédhibitoires dans le régime présentement mis en place par cette directive.

50. En premier lieu, cette prise en compte créerait un risque de double comptabilisation de ces émissions, qui devraient être déclarées tant dans le chef du producteur (en tant qu’émissions directes) que dans le chef de l’utilisateur de l’intrant concerné (en tant qu’émissions indirectes). Ainsi, dans le cadre du litige au principal, aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet de douter du fait que Dow a bien déclaré les émissions résultant de la combustion dont est issue la chaleur fournie
à Trinseo. Or, la position soutenue par Trinseo et la Commission impliquerait que Trinseo doive déclarer ces mêmes émissions une seconde fois.

51. Ce risque de double comptabilisation serait, à mes yeux, incompatible tant avec l’article 5, premier alinéa, du règlement (UE) no 601/2012 ( 13 ) qu’avec la préservation de l’intégrité des conditions de concurrence, laquelle constitue l’un des sous‑objectifs du régime mis en place par la directive 2003/87 ( 14 ).

52. Je précise que le régime établi par cette directive ne comporte, à ma connaissance, pas de mécanisme général ( 15 ) permettant de « transférer » des émissions du producteur à l’utilisateur de l’intrant, en libérant le producteur des obligations de déclaration, de surveillance et de restitution à l’égard de celles‑ci ( 16 ). En ce qui concerne la chaleur, je trouve confirmation de cette interprétation au point 1, A, deuxième alinéa, de l’annexe IV du règlement no 601/2012, aux termes duquel
« [l]’exploitant attribue à l’installation toutes les émissions qui résultent de la combustion de combustibles dans cette installation, indépendamment de l’exportation de chaleur ou d’électricité vers d’autres installations. L’exploitant n’attribue pas à l’installation importatrice les émissions qui sont associées à la production de chaleur ou d’électricité importée d’autres installations ».

53. En deuxième lieu, l’obligation pour une installation de déclarer ses émissions indirectes impliquerait des problèmes administratifs inextricables dans l’état actuel du régime mis en place. En cas de production de chaleur par une installation tierce, comme dans les circonstances du litige au principal, se poserait notamment la question de la répartition des émissions indirectes entre les différents clients de cette installation. Le même problème de répartition se poserait à l’égard des
utilisateurs successifs d’un intrant, comme par exemple dans le cas de la production d’aluminium successivement transformé par différentes installations.

54. Par ailleurs, il est permis de s’interroger sur la capacité d’une installation à surveiller ses émissions indirectes, conformément à l’article 14 de la directive 2003/87, alors que celles‑ci surviennent, par hypothèse, dans une installation tierce.

55. En troisième lieu, la prise en considération des émissions indirectes, telle que celles résultant de la production de la chaleur nécessaire à la production de polymères, soulèverait des questions fondamentales quant au champ d’application de cette directive. D’une part, incomberait‑il à chaque installation de déclarer l’ensemble de ses émissions indirectes, c’est‑à‑dire les émissions résultant de la production de l’ensemble de ses intrants tels que la chaleur, l’électricité, l’acier ou encore
l’aluminium ? D’autre part, une entreprise devraitelle être incluse dans le système d’échange pour le simple motif qu’elle utilise des intrants dont la production engendre des émissions relevant de la directive ?

56. En quatrième lieu, les considérants et les dispositions de la décision 2011/278, invoqués par la Commission ( 17 ), ne sont pas pertinents pour déterminer le champ d’application de la directive 2003/87. La portée de cette décision est limitée, en effet, au mécanisme d’allocation de quotas à titre gratuit prévu à l’article 10 bis de cette directive. Or, par hypothèse, seules les installations relevant du champ d’application de ladite directive peuvent bénéficier d’une telle allocation. Ainsi, le
principe selon lequel les quotas gratuits doivent être alloués au consommateur de chaleur ne peut concerner, par hypothèse, que des installations déjà incluses dans le système d’échange.

57. Selon moi, il découle de ce qui précède que les émissions indirectes ne peuvent pas être considérées comme « résultant », au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, des activités mentionnées à l’annexe I de ladite directive. Partant, dans le cadre du litige au principal, les émissions engendrées par la production de chaleur acquise par l’installation litigieuse auprès de Dow ne « résultent pas » de l’activité de production de polymères au sein de cette installation, conformément à
la position soutenue par les gouvernements allemand et néerlandais. En revanche, ces émissions « résultent », en tant qu’émissions directes, de l’activité de combustion au sein de l’installation exploitée par Dow.

58. Par conséquent, l’installation litigieuse ne pourra relever du champ d’application de la directive 2003/87, tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, de celle‑ci, que dans l’hypothèse où des émissions de CO2 résultent, en soi, de la production de polymères, et ce indépendamment des émissions indirectes telles que celles engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce.

59. Certes, dans l’hypothèse où la production de polymères n’émet pas, en soi, de CO2, cette interprétation pourrait impliquer une différence de traitement entre une installation de production de polymères produisant elle‑même la chaleur dont elle a besoin (installation « intégrée »), laquelle sera en principe incluse dans le système d’échange au titre de l’activité de combustion, et une autre installation se procurant cette chaleur auprès d’une installation tierce et qui, partant, ne sera pas
incluse dans ce système. Cette différence de traitement n’est cependant pas discriminatoire dès lors qu’elle est fondée sur une différence objective au regard du régime mis en place par la directive, à savoir l’émission de gaz à effet de serre par la première installation (« intégrée ») et l’absence d’émission par la seconde installation.

60. Cette interprétation me paraît, en outre, corroborée par l’arrêt Schaefer Kalk, dans lequel la Cour a constaté qu’une activité ne pouvait relever du champ d’application de la directive 2003/87, conformément à l’article 2, paragraphe 1, et aux annexes I et II de celle‑ci, que si cette activité conduit à un rejet de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ( 18 ). Dans le même ordre d’idées, la définition de la notion d’« émission », établie à l’article 3, sous b), de cette directive, vise le rejet
dans l’atmosphère de gaz à effet de serre « à partir de sources situées dans une installation ».

61. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la production de polymères dans l’installation litigieuse engendre, en soi, des émissions de CO2, et ce indépendamment des émissions indirectes telles que celles engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce.

62. Si tel n’est pas le cas, cette juridiction devra en conclure que l’installation litigieuse ne relève pas du champ d’application de la directive 2003/87 tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci et, partant, qu’elle n’a pas le droit de bénéficier d’une allocation de quotas à titre gratuit en application de l’article 10 bis de cette directive et de la décision 2011/278.

63. En revanche, si tel est le cas, l’installation litigieuse pourra relever du champ d’application de ladite directive à condition que l’activité de polymères relève de la disposition litigieuse. J’examinerai cette question dans les sections B à D.

B. Sur la notion de production « en vrac » dans le cadre de la disposition litigieuse

64. À titre liminaire, il me faut relever l’existence d’une divergence entre les versions linguistiques de la disposition litigieuse.

65. La notion de production « en vrac », utilisée dans la version en langue française, est également évoquée dans les versions en langues anglaise (« production of bulk organic chemicals »), espagnole (« fabricación de productos químicos orgánicos en bruto »), néerlandaise (« productie van organische bulkchemicaliën ») et portugaise (« produção de produtos químicos orgânicos a granel »). La version en langue italienne, quant à elle, vise la production à grande échelle (« produzione di prodotti
chimici organici su larga scala »).

66. En revanche, les versions en langues allemande (« Grundchemikalien ») et suédoise (« baskemikalier ») visent la production de produits chimiques « de base ». Par ailleurs, la version en langue danoise ne comporte aucune précision à cet égard (« produktion af organiske kemikalier »).

67. Conformément à une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent en effet être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de
disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément ( 19 ).

68. Trinseo et la Commission ont fait valoir que la notion de production « en vrac » et/ou de produits chimiques « de base » utilisée dans la disposition litigieuse vise la production de matières chimiques en grande quantité, ce qui exclurait notamment la production à l’unité.

69. À mes yeux, ce critère découle effectivement de la terminologie utilisée dans les différentes versions linguistiques, et en particulier de la version en langue italienne mentionnée ci‑avant. Ce critère ne revêt toutefois qu’une importance relative puisque la disposition litigieuse précise par ailleurs que l’installation doit avoir une capacité de production supérieure à 100 tonnes par jour, laquelle implique nécessairement une production en grande quantité.

70. Par ailleurs, toutes les parties ayant soumis des observations à la Cour conviennent du fait que cette disposition vise non pas des produits finis mais bien des produits chimiques intermédiaires, c’est‑à‑dire des produits chimiques destinés à être utilisés pour produire d’autres produits.

71. Cependant, les gouvernements allemand et néerlandais ont défendu à cet égard une approche restrictive, limitée aux produits chimiques utilisés pour produire d’autres produits chimiques. Selon ces gouvernements, cette approche aboutit à l’exclusion de la production de polymères du champ d’application de la disposition litigieuse dès lors que ceux‑ci ne sont pas utilisés pour produire d’autres produits chimiques.

72. À l’inverse, Trinseo et la Commission ont proposé une interprétation large, incluant les produits chimiques intermédiaires utilisés pour produire d’autres produits indépendamment de leur nature, et notamment des produits de nature chimique ou industrielle. Cette approche conduirait à l’inclusion de la production de polymères dans le champ d’application de cette disposition, ceux‑ci étant utilisés pour produire d’autres produits tels que des bouteilles en plastique, des panneaux solaires ou des
projecteurs.

73. J’estime qu’il a lieu d’adopter l’interprétation large proposée par Trinseo et par la Commission pour les raisons suivantes.

74. La première raison tient au libellé de la disposition litigieuse dans ses différentes versions linguistiques. Certes, les expressions de production « en vrac » et de « produits chimiques de base » indiquent que l’activité visée conduit à la production non pas de produits finis, mais de produits intermédiaires.

75. Cependant, aucun élément de ce libellé ne suggère que ces produits chimiques intermédiaires devraient être destinés à la production d’autres produits chimiques, à l’exclusion des produits chimiques destinés à la production de produits industriels.

76. La deuxième raison découle des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union lors de l’adoption de la directive 2009/29. En effet, l’un de ces objectifs était l’inclusion de l’industrie chimique dans le système d’échange de quotas d’émission établi par la directive 2003/87 ( 20 ).

77. À cette fin, l’annexe I de cette directive énumère huit activités, en ce compris la production de produits chimiques organiques visée par la disposition litigieuse. Or, cette disposition revêt selon moi une importance stratégique considérable au regard de l’objectif d’inclusion de l’industrie chimique, dès lors qu’elle vise la seule activité qui n’est pas circonscrite à une substance chimique spécifique ( 21 ). En d’autres termes, la production de produits chimiques organiques en vrac est la
seule activité de l’industrie chimique dont la portée est générale au sein des activités mentionnées à cette annexe I.

78. Dans ce contexte, l’interprétation restrictive de la disposition litigieuse, proposée par les gouvernements allemand et néerlandais, aurait pour effet d’exclure du champ d’application de la directive 2003/87 toute activité de l’industrie chimique ne relevant pas des activités spécifiques mentionnées à l’annexe I et conduisant à la production de produits chimiques qui ne sont pas utilisés pour produire d’autres produits chimiques. Une telle exclusion serait, selon moi, contraire à la volonté du
législateur de l’Union d’étendre le système d’échange de quotas à l’industrie chimique dans son ensemble à partir de la troisième période d’échange, sans restriction tenant à la destination des produits chimiques concernés ( 22 ).

79. La troisième raison tient au respect du principe de non‑discrimination, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. ( 23 ). En effet, dans le régime mis en place par la directive 2003/87, il serait selon moi discriminatoire de traiter les activités de production chimique différemment en fonction de la destination des produits, alors même que les émissions de gaz à effet de serre engendrées par ces activités sont toutes également susceptibles de contribuer à une
perturbation dangereuse du système climatique.

80. Il résulte de ce qui précède que la notion de production de produits chimiques « en vrac » et/ou « de base », utilisée dans le libellé de la disposition litigieuse, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise la production en grande quantité de produits chimiques destinés à être utilisés pour produire d’autres produits, et notamment des produits de nature chimique ou industrielle.

C. Sur la notion de production par « craquage, reformage, oxydation partielle ou totale, ou d’autres procédés similaires » dans le cadre de la disposition litigieuse

81. Dans le cadre du litige au principal, il est constant que la production de polymères au sein de l’installation litigieuse ne s’effectue pas selon un procédé de craquage, de reformage ou d’oxydation. Par conséquent, la solution du litige au principal dépend notamment de l’interprétation de la notion de « procédés similaires ».

82. Tout comme l’exigence de production « en vrac », examinée dans la section précédente, la notion de « procédés similaires » peut faire l’objet d’une interprétation large ou restrictive.

83. L’interprétation large revient à interpréter la notion de « similarité » à la lumière de la finalité des procédés mentionnés ci‑avant, à savoir la production de produits chimiques organiques en vrac. Selon cette interprétation, l’expression « procédés similaires » englobe tout procédé permettant de produire de tels produits, tout comme le permettent les procédés de craquage, de reformage et d’oxydation.

84. En revanche, l’interprétation restrictive consisterait à interpréter la notion de « procédés similaires » à la lumière des caractéristiques techniques communes aux procédés de craquage, de reformage et d’oxydation. Cette approche exigerait, dans un premier temps, d’identifier ces caractéristiques techniques communes et, dans un second temps, de ne qualifier de « procédés similaires » que les procédés présentant ces caractéristiques.

85. Aucun élément dans le libellé de l’annexe I ne permet de rejeter l’interprétation large ou l’interprétation restrictive de cette notion. Conformément à la jurisprudence rappelée au point 34 des présentes conclusions, il y a lieu de trancher cette question en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause.

86. À mes yeux, le contexte de la disposition litigieuse et l’objectif poursuivi par la directive 2003/87 plaident en faveur de l’interprétation large de la notion de « procédés similaires ».

87. En premier lieu, l’interprétation restrictive de cette notion conduirait à exclure du champ d’application de cette directive les installations produisant des produits chimiques organiques en ayant recours à des procédés ne présentant pas les caractéristiques techniques communes aux procédés de craquage, de reformage et d’oxydation. Selon moi, une telle exclusion ne serait pas conforme à l’intention du législateur de l’Union d’étendre le système d’échange de quotas à l’industrie chimique dans son
ensemble ( 24 ).

88. En deuxième lieu, une interprétation restrictive serait contraire au principe de non-discrimination en ce qu’elle impliquerait un traitement différent des activités de production chimique en fonction des procédés mis en œuvre, alors même que les émissions de gaz à effet de serre engendrées par ces activités sont toutes également susceptibles de contribuer à une perturbation dangereuse du système climatique ( 25 ).

89. En troisième lieu, l’interprétation large me semble plus respectueuse de la sécurité juridique qui doit être garantie aux exploitants d’installations. En effet, comme je l’ai expliqué ci‑avant, l’interprétation restrictive exigerait de définir, de manière abstraite, les caractéristiques techniques communes aux procédés de craquage, de reformage et d’oxydation pour ensuite déterminer, au cas par cas, si les procédés mis en œuvre dans chaque installation concernée présentent ces caractéristiques.

90. À mes yeux, une telle démarche serait empreinte d’insécurité juridique, tant dans l’identification des caractéristiques communes que dans la vérification de leur présence au sein de l’installation concernée. Les observations soumises à la Cour illustrent ce risque d’insécurité dès lors que chacune des parties a proposé une liste différente de caractéristiques techniques qui seraient communes aux procédés de craquage, de reformage et d’oxydation ( 26 ).

91. Pour ces motifs, j’estime qu’il y a lieu d’interpréter de manière large la notion de « procédés similaires » utilisée dans le libellé de la disposition litigieuse, de manière à y inclure tout procédé permettant la production de produits chimiques en vrac.

D. Sur l’inclusion de la production de polymères dans le champ d’application de la disposition litigieuse et dans celui de la directive 2003/87

92. Il résulte des sections B et C que la disposition litigieuse doit être interprétée de manière large en ce sens qu’elle vise la production en grande quantité de produits chimiques organiques destinés à être utilisés pour produire d’autres produits, notamment des produits de nature chimique ou industrielle, et ce indépendamment des procédés mis en œuvre à cet effet.

93. Dans le contexte du litige au principal, aucune des parties n’a contesté le fait que les polymères sont utilisés pour produire d’autres produits, tels que des bouteilles en plastique, des panneaux solaires ou des écrans ( 27 ). Par conséquent, la production de polymères relève du champ d’application de cette disposition.

94. Comme l’a souligné Trinseo, cette inclusion est corroborée par la classification opérée dans d’autres instruments de droit dérivé, dont il résulte également que les polymères constituent des « produits chimiques organiques de base» ( 28 ).

95. Cependant, le régime établi par la directive 2003/87 ne vise que les émissions de gaz à effet de serre ( 29 ). À cet égard, j’ai précisé dans la section A les raisons pour lesquelles les émissions indirectes, telles que celles engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce, ne peuvent pas être considérées comme « résultant », au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, des activités mentionnées à l’annexe I de ladite directive.

96. Par conséquent, la production de polymères, telle que celle en cause dans le litige au principal, ne pourra relever du champ d’application de la directive 2003/87, tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, de celle‑ci, que dans l’hypothèse où des émissions de CO2 résultent, en soi, de cette production, et ce indépendamment des émissions indirectes telles que celles engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce.

97. Pour l’ensemble de ces motifs, et en réponse à la première question posée, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87, lu en combinaison avec l’annexe I de cette directive, doit être interprété en ce sens que relève du champ d’application de ladite directive la production de polymères, notamment de polycarbonate, dans des installations ayant une capacité de production supérieure à 100 tonnes par jour, à condition que cette production engendre, en soi, des émissions de CO2, et ce
indépendamment des émissions indirectes telles que celles engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce.

E. Sur l’absence d’effet direct de l’article 10 bis de la directive 2003/87 et des dispositions de la décision 2011/278

98. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10 bis de la directive 2003/87 et les dispositions de la décision 2011/278, qui prévoient l’allocation à titre gratuit de quotas d’émission, ont un effet direct.

99. Selon une jurisprudence constante, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsque celui‑ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte ( 30 ).

100. Il en va de même pour les dispositions des décisions dont les États membres sont destinataires ( 31 ), telles que la décision 2011/278.

101. Toujours selon une jurisprudence constante, une disposition du droit de l’Union est inconditionnelle lorsqu’elle énonce une obligation qui n’est assortie d’aucune condition ni subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte, soit des institutions de l’Union, soit des États membres ( 32 ).

102. Or, en l’occurrence, l’obligation d’allouer des quotas d’émission à titre gratuit, qui est régie par l’article 10 bis de la directive 2003/87 et par la décision 2011/278, est subordonnée, tant dans son exécution que dans ses effets, à l’intervention de plusieurs actes de la part des États membres et de la Commission.

103. En effet, comme je l’ai expliqué dans mes conclusions dans l’affaire INEOS ( 33 ), cette allocation requiert notamment la communication à la Commission par chaque État membre d’une liste des installations se trouvant sur son territoire et pouvant bénéficier de quotas à titre gratuit, indiquant pour chaque installation le montant de l’allocation de base et celui de l’allocation provisoire ( 34 ).

104. Après avoir rejeté les allocations provisoires qui ne sont pas conformes aux dispositions de la directive 2003/87 et de la décision 2011/278 ( 35 ), la Commission est tenue de s’assurer que la somme totale des allocations de base calculées pour toutes les installations sur le territoire de l’Union ne dépasse pas le plafond défini à l’article 10 bis, paragraphe 5, de cette directive. Si ce plafond est dépassé, la Commission est alors tenue de procéder à une réduction proportionnelle en
appliquant un « facteur de correction transsectoriel » aux allocations prévues par les États membres, lequel correspond au rapport entre ledit plafond et la somme des allocations de base.

105. Ce n’est qu’au terme de cette procédure que les États membres procèdent aux allocations définitives en appliquant le facteur de correction éventuel aux allocations provisoires qui n’ont pas été rejetées par la Commission.

106. À mes yeux, il ressort à l’évidence des explications qui précèdent que l’article 10 bis de la directive 2003/87 et les dispositions de la décision 2011/278 ne sont pas inconditionnelles au sens de la jurisprudence précitée et, partant, qu’elles sont dépourvues d’effet direct.

VI. Conclusion

107. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles du Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne):

1) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, lu en combinaison avec l’annexe I de cette directive, doit être interprété en ce sens que relève du champ d’application de ladite directive
la production de polymères, notamment de polycarbonate, dans des installations ayant une capacité de production supérieure à 100 tonnes par jour, à condition que cette activité engendre, en soi, des émissions de CO2, et ce indépendamment des émissions indirectes telles que celles engendrées par la production de chaleur acquise auprès d’une installation tierce.

2) L’article 10 bis de la directive 2003/87, telle que modifiée par la directive 2009/29, et les dispositions de la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87, telle que modifiée par la décision 2012/498/UE de la Commission du 17 août 2012, sont dépourvus d’effet direct.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 63, ci‑après la « directive 2003/87 »).

( 3 ) Décision de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87 (JO 2011, L 130, p. 1), telle que modifiée par la décision 2012/498/UE de la Commission du 17 août 2012 (JO 2012, L 241, p. 52, ci‑après la « décision 2011/278 »).

( 4 ) Voir point 19 des présentes conclusions.

( 5 ) Procédure INFR 2013/2240, avec mise en demeure datée du 20 novembre 2013 et avis motivé daté du 16 avril 2014.

( 6 ) Voir considérant 16 de cette décision de la Commission, du 5 septembre 2013, concernant les mesures nationales d’exécution pour l’allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87 (JO 2013, L 240, p. 27).

( 7 ) Lorsque de la chaleur est échangée entre deux installations incluses dans le système d’échange, l’allocation de quotas à titre gratuit doit être effectuée dans le chef du consommateur de chaleur. Voir considérant 17 de la décision 2013/448 ainsi que considérants 6 et 21 de la décision 2011/278.

( 8 ) Voir article 1er, paragraphe 1, et article 1er, paragraphe 2, cinquième alinéa, de la décision 2013/448.

( 9 ) Voir, notamment, arrêts du 19 décembre 2013, Fish Legal et Shirley (C‑279/12, EU:C:2013:853, point 42) ; du 29 septembre 2015, Gmina Wrocław (C‑276/14, EU:C:2015:635, point 25), ainsi que du 18 octobre 2016, Nikiforidis (C‑135/15, EU:C:2016:774, point 28).

( 10 ) La notion de « composé organique » est définie comme suit à l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2004/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils dues à l’utilisation de solvants organiques dans certains vernis et peintures et dans les produits de retouche de véhicules, et modifiant la directive 1999/13/CE (JO 2004, L 143, p. 87) : « tout composé contenant au moins l’élément de carbone et un ou
plusieurs des éléments suivants : hydrogène, oxygène, soufre, phosphore, silicium, azote, ou un halogène, à l’exception des oxydes de carbone et des carbonates et bicarbonates inorganiques ». Voir également article 3, paragraphe 44, de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17).

( 11 ) Voir point 7 des présentes conclusions ainsi que considérants 6 et 21 de la décision 2011/278.

( 12 ) J’utilise la notion d’intrant dans son acception économique, comme visant tous les biens et services utilisés dans un processus de production.

( 13 ) Règlement de la Commission, du 21 juin 2012, relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87 (JO 2012, L 181, p. 30).

( 14 ) Voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2012, Commission/Pologne (C‑504/09 P, EU:C:2012:178, point 77) ; du 29 mars 2012, Commission/Estonie (C‑505/09 P, EU:C:2012:179, point 79), ainsi que du 17 octobre 2013, Iberdrola e.a. (C‑566/11, C‑567/11, C‑580/11, C‑591/11, C‑620/11 et C‑640/11, EU:C:2013:660, point 43). À titre illustratif, ce risque de double comptabilisation créerait une distorsion de concurrence au détriment des installations qui se procurent leurs intrants auprès d’installations
tierces et qui, partant, seraient tenues de déclarer des émissions indirectes déjà déclarées en tant qu’émissions directes par ces installations tierces. Dans les installations « intégrées », qui produisent elles-mêmes les intrants nécessaires à leur activité principale, telle que la chaleur nécessaire au processus de polymérisation, les émissions liées à la production de ces intrants seraient déclarées une seule fois, en tant qu’émissions directes.

( 15 ) L’article 49 du règlement no 601/2012 établit certes un tel mécanisme de transfert, mais dont la portée est limitée au transfert de CO2 dans les trois cas de figure énumérés au paragraphe 1 de cet article. Voir, à ce sujet, arrêt du 19 janvier 2017, Schaefer Kalk (C‑460/15, EU:C:2017:29).

( 16 ) Les obligations de déclaration, de surveillance et de restitution sont prévues à l’article 12, paragraphe 3, et à l’article 14 de la directive 2003/87.

( 17 ) Voir point 7 des présentes conclusions ainsi que considérants 6 et 21 de la décision 2011/278. La Commission a également invoqué l’existence de référentiels établis à annexe I de la décision 2011/278 pour la production de polymères tels que le E‑PVC (E-polychlorure de vinyle) et le S‑PVC (S-polychlorure de vinyle). Cependant, l’existence de ces référentiels, dont le seul objet est de servir de base au calcul des allocations à titre gratuit, ne saurait entraîner l’inclusion dans le système
d’échange d’une installation de polymérisation si cette installation n’émet pas de CO2.

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2017 (C‑460/15, EU:C:2017:29, point 37).

( 19 ) Voir, notamment, arrêts du 26 février 2015, Christie’s France (C‑41/14, EU:C:2015:119, point 26) ; du 1er mars 2016, Alo et Osso (C‑443/14 et C‑444/14, EU:C:2016:127, point 27), ainsi que du 26 juillet 2017, Mengesteab (C‑670/16, EU:C:2017:587, point 82).

( 20 ) Les motifs exposés par la Commission dans sa proposition de directive visaient plus particulièrement les « émissions de CO2 liées aux produits pétrochimiques » : voir proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87 afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre [COM(2008) 16 final, p. 4]. Toutefois, la proposition de modification de l’annexe I visait de manière générale « l’industrie
chimique » (ibid., p. 41). De même, dans l’étude d’impact accompagnant cette proposition [SEC(2008) 53], la Commission évoque l’inclusion des « émissions de CO2 des produits pétrochimiques et autres produits chimiques » (« CO2 emissions from petrochemicals production and other chemicals »). Dans cette étude, la Commission souligne la prépondérance du secteur pétrochimique dans les émissions de CO2 de l’industrie chimique (ibid., note en bas de page 45 : « This is only a very small part of all
chemical industry regarding the number of substances produced, but still the major part regarding CO2 emissions »).

( 21 ) En effet, les sept autres activités visent des substances chimiques spécifiques : 1. production de noir de carbone ; 2. production d’acide nitrique ; 3. production d’acide adipique ; 4. production de glyoxal et d’acide glyoxylique ; 5. production d’ammoniac ; 6. production d’hydrogène (H2) et de gaz de synthèse par reformage ou oxydation partielle ; 7. production de soude (Na2CO3) et de bicarbonate de sodium (NaHCO3).

( 22 ) Voir, notamment, « EU ETS Handbook », publié par la Commission, disponible à l’adresse https ://ec.europa.eu/clima/sites/clima/files/docs/ets_handbook_en.pdf : « From phase 3 the sectoral scope was expanded to include the sectors aluminium, carbon capture and storage, petrochemicals and other chemicals. »

( 23 ) Arrêt du 16 décembre 2008 (C‑127/07, EU:C:2008:728). Sur l’examen de la comparabilité, voir, en particulier, points 34 à 38 de cet arrêt.

( 24 ) Voir points 76 à 78 des présentes conclusions.

( 25 ) Voir point 79 des présentes conclusions.

( 26 ) Selon ces observations, les caractéristiques techniques communes à ces trois procédés consisteraient dans la production et l’utilisation de chaleur de grande intensité (selon Trinseo), dans la division de grosses molécules, un fort dégagement de chaleur et le rejet de CO2 (selon le gouvernement allemand), dans la division de molécules sous l’effet d’une forte chaleur ou d’une réaction à l’oxygène ainsi que le rejet de CO2 (selon le gouvernement néerlandais), et dans la modification de la
structure moléculaire, l’utilisation d’un catalyseur et des conditions de pression et de température élevées (selon la Commission).

( 27 ) Les gouvernements allemand et néerlandais ont soutenu que les polymères ne sont pas utilisés pour produire d’autres produits chimiques. Voir point 71 des présentes conclusions.

( 28 ) Voir, notamment, point 4, sous a), viii), de l’annexe I du règlement (CE) no 166/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 janvier 2006, concernant la création d’un registre européen des rejets et des transferts de polluants, et modifiant les directives 91/689/CEE et 96/61/CE du Conseil (JO 2006, L 33, p. 1).

( 29 ) Pour être plus précis, ce régime ne vise que certains types de gaz à effet de serre, mentionnés à l’annexe II de cette directive, lorsque leur émission résulte des activités visées à l’annexe I de ladite directive. Voir article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87.

( 30 ) Voir, notamment, arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 33) ; du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, point 31), ainsi que du 12 octobre 2017, Lombard Ingatlan Lízing (C‑404/16, EU:C:2017:759, point 36).

( 31 ) Voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 1970, Grad (9/70, EU:C:1970:78, points 5 à 10) ; du 10 novembre 1992, Hansa Fleisch Ernst Mundt (C‑156/91, EU:C:1992:423, points 13 et 19) ; du 7 juin 2007, Carp (C‑80/06, EU:C:2007:327, point 21), ainsi que du 20 novembre 2008, Foselev Sud–Ouest (C‑18/08, EU:C:2008:647, point 11).

( 32 ) Voir, notamment, arrêts du 1er juillet 2010, Gassmayr (C‑194/08, EU:C:2010:386, point 45) ; du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, point 95), ainsi que du 12 octobre 2017, Lombard Ingatlan Lízing (C‑404/16, EU:C:2017:759, point 36).

( 33 ) Voir mes conclusions présentées le 23 novembre 2017 dans l’affaire INEOS (C‑572/16, EU:C:2017:896, points 57 à 65).

( 34 ) Voir article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 et article 15, paragraphes 1 et 2, de la décision 2011/278.

( 35 ) Dans le contexte du litige au principal, la Commission a effectivement rejeté les allocations à titre gratuit projetées par les mesures d’exécution allemandes aux installations ayant fourni de la chaleur aux installations produisant des polymères telles que l’installation litigieuse. Voir point 7 des présentes conclusions.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-577/16
Date de la décision : 14/12/2017
Type de recours : Recours préjudiciel - non-lieu à statuer, Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Environnement – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Directive 2003/87/CE – Champ d’application – Article 2, paragraphe 1 – Annexe I – Activités soumises au système d’échange – Production de polymères – Utilisation de chaleur fournie par une installation tierce – Demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit – Période 2013‑2020.

Environnement

Pollution


Parties
Demandeurs : Trinseo Deutschland Anlagengesellschaft mbH
Défendeurs : Bundesrepublik Deutschland.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:975

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