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09/11/2017 | CJUE | N°C-217/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Dimos Zagoriou., 09/11/2017, C-217/16


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 novembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Décision de la Commission européenne portant restitution des sommes versées et formant titre exécutoire – Article 299 TFUE – Exécution forcée – Mesures d’exécution – Détermination de la juridiction nationale compétente en matière de contentieux de l’exécution – Détermination de la personne sur laquelle pèse l’obligation pécuniaire – Conditions d’application des modalités procédurales nationales – Autonomie procédurale des États membre

s – Principes d’équivalence et
d’effectivité »

Dans l’affaire C‑217/16,

ayant pour objet une demande de déc...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 novembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Décision de la Commission européenne portant restitution des sommes versées et formant titre exécutoire – Article 299 TFUE – Exécution forcée – Mesures d’exécution – Détermination de la juridiction nationale compétente en matière de contentieux de l’exécution – Détermination de la personne sur laquelle pèse l’obligation pécuniaire – Conditions d’application des modalités procédurales nationales – Autonomie procédurale des États membres – Principes d’équivalence et
d’effectivité »

Dans l’affaire C‑217/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce), par décision du 3 mars 2016, parvenue à la Cour le 18 avril 2016, dans la procédure

Commission européenne

contre

Dimos Zagoriou,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, D. Šváby et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mars 2017,

considérant les observations présentées :

– pour la Commission européenne, par MM. D. Triantafyllou et M. Konstantinidis ainsi que par Mme A. Katsimerou, en qualité d’agents,

– pour le Dimos Zagoriou, par Me G. Papadopoulos, dikigoros,

– pour le gouvernement hellénique, par Mme E. Tsaousi et M. K. Georgiadis, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 299 TFUE ainsi que du règlement (CEE) no 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO 1988, L 185, p. 9), du règlement (CEE) no 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions
d’application du règlement no 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents Fonds structurels, d’une part, et entre celles‑ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers, d’autre part (JO 1988, L 374, p. 1), et du règlement (CEE) no 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement no 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA),
section « orientation » (JO 1988, L 374, p. 25).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Commission européenne au Dimos Zagoriou (commune de Zagori, Grèce) au sujet du recouvrement, en vertu d’une décision de celle-ci portant sur la restitution de sommes précédemment versées et formant titre exécutoire, conformément à l’article 299 TFUE, d’une partie d’une aide octroyée par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA).

Le cadre juridique

3 L’article 24 du règlement no 4253/88 dispose :

« 1.   Si la réalisation d’une action ou d’une mesure ne semble justifier qu’une partie du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autres autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2.   Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité, et notamment d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3.   Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission. Les sommes non reversées sont susceptibles d’être majorées d’intérêts de retard [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

4 Par la décision C(2006) 4798, du 4 octobre 2006, formant titre exécutoire conformément à l’article 299 TFUE, la Commission a fixé à 284739,20 euros la somme dont était redevable à son égard la Dimotiki Epicheirisi Touristikis Anaptyxis tou Dimou Aristis Zagoriou Ioanninon (entreprise municipale pour le développement touristique de la commune d’Aristi Zagoriou Ioanninon, Grèce). Cette décision avait pour objet la récupération d’une aide octroyée à cette dernière au cours de l’année 1993.

5 Cette entreprise municipale ayant été placée en liquidation, la Commission a notifié à la commune de Kentriko Zagori (Grèce), laquelle avait entre-temps absorbé la commune d’Aristi Zagoriou Ioanninon et, par suite, était subrogée dans les droits et les obligations de cette dernière, une injonction de payer du 31 août 2008, puis, par acte du 7 octobre 2008, signifié à la commune de Kentriko Zagori le 15 octobre 2008, a fait pratiquer, à hauteur de 322213,54 euros, une saisie sur les comptes
bancaires de la commune de Kentriko Zagori auprès d’un établissement bancaire. Ce dernier a, en exécution de l’acte de saisie, versé l’intégralité de ce montant à la Commission.

6 Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le 23 octobre 2008, la commune de Kentriko Zagori (Grèce), pour laquelle la commune de Zagori poursuit la procédure au principal en qualité de successeur à titre universel, a formé, devant le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes, Grèce), opposition à l’injonction de payer qui lui avait été notifiée sur la base de cette décision de la Commission.

7 La commune de Kentriko Zagori a également demandé, dans le cadre de la même procédure, l’annulation de l’acte de saisie.

8 À l’appui de ses demandes, l’opposante a invoqué, d’une part, le fait qu’elle n’avait pas de légitimation passive et, par conséquent, ne pouvait pas faire l’objet d’une telle mesure d’exécution et, d’autre part, le fait que le montant litigieux portait sur des recettes insusceptibles d’être saisies.

9 Par jugement du 14 mai 2013, le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes), après s’être déclaré compétent pour connaître du litige en raison de la nature privée de celui-ci, a partiellement fait droit aux demandes de l’opposante en annulant ledit acte de saisie, en raison de l’absence de légitimation passive de la commune de Kentriko Zagori.

10 La Commission a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, en estimant, notamment, que la juridiction de première instance avait interprété de façon erronée le droit de l’Union. Cette institution considère en substance que cette juridiction de première instance n’était pas compétente pour connaître du litige au principal, dans la mesure où celui-ci, de nature administrative, relevait des juridictions administratives. La Commission soutient en outre que l’exécution doit être
poursuivie contre la commune de Zagori.

11 Dans ces conditions, l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Quelle est la nature des actes de la [Commission], lorsqu’elle exerce les compétences qui découlent des règlements nos 205[2]/88, 4253/88 et 4256/88 et, plus précisément, ces actes de la Commission [sont-ils] des actes de droit public donnant lieu en tout état de cause à des litiges administratifs quant au fond, notamment lorsqu’une saisie effectuée entre les mains d’un tiers par la [Commission] a pour objet une créance privée, alors que la créance initiale, pour le recouvrement de laquelle
une procédure d’exécution a été mise en œuvre, trouve son origine dans un rapport juridique de droit public, né des actes précités de la [Commission], ou bien s’agit-il d’actes de droit privé donnant lieu à des litiges privés ?

2) Considérant que, selon l’article 299 TFUE, l’exécution forcée des actes de la [Commission] qui imposent une obligation pécuniaire à des personnes, excepté les États membres, est régie par les dispositions de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu et considérant que, selon le même article, le contrôle de la régularité des mesures d’exécution relève de la compétence des juridictions nationales, comment la compétence des juridictions nationales est-elle
déterminée concernant les litiges survenant à l’occasion de cette exécution, lorsqu’en application du droit national, ces litiges sont des litiges administratifs quant au fond, en d’autres termes, lorsque le rapport sous-jacent relève du droit public ?

3) En cas d’exécution forcée d’actes de la [Commission] adoptés en application des règlements nos 205[2]/88, 4253/88 et 4256/88 et imposant une obligation pécuniaire à une personne, excepté les États membres, la légitimation passive de la personne sur qui pèse l’obligation [doit‑elle être appréciée] en vertu du droit national ou du droit de l’Union ?

4) Lorsque la personne sur qui pèse l’obligation pécuniaire découlant d’un acte de la [Commission], adopté en application des règlements nos 205[2]/88, 4253/88 et 4256/88, est une entreprise communale qui a par la suite été dissoute, la commune à laquelle appartient cette entreprise est-elle responsable de l’exécution de cette obligation pécuniaire à l’égard de la [Commission], selon les règlements précités ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

12 Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 299 TFUE doit être interprété en ce sens que cet article détermine le choix de l’ordre juridictionnel national compétent s’agissant des recours liés à l’exécution forcée des actes de la Commission qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire formant titre exécutoire, conformément audit article.

13 À cet égard, il ressort du libellé de l’article 299, premier alinéa, TFUE que les actes, notamment de la Commission, qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire.

14 S’il est vrai que l’article 299, deuxième alinéa, TFUE précise que l’exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu, la référence aux règles de procédure civile doit être entendue comme visant les règles nationales qui régissent l’exécution forcée. En effet, il est prévu, à l’article 299, troisième alinéa, TFUE que, une fois que la formule exécutoire a été apposée, la poursuite de l’exécution forcée par l’intéressé
s’opère suivant la législation nationale et, à l’article 299, quatrième alinéa, TFUE, que le contrôle de la régularité des mesures d’exécution relève de la compétence des juridictions nationales.

15 Il résulte tant du libellé que de la structure de l’article 299 TFUE que celui‑ci ne contient pas de disposition expresse déterminant, en droit national, le choix de l’ordre juridictionnel compétent pour connaître des litiges liés à l’exécution forcée des actes de la Commission comportant une obligation pécuniaire et formant titre exécutoire.

16 Partant, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de celui‑ci, de procéder à une telle détermination et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Toutefois, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que l’application du droit national ne doit pas porter atteinte à l’application et à l’efficacité du droit de l’Union et
que tel serait notamment le cas si cette application rendait la récupération de fonds irrégulièrement octroyés pratiquement impossible. L’application du droit national doit également se faire de façon non discriminatoire par rapport aux procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et les juridictions nationales doivent procéder, en la matière, avec la même diligence et selon des modalités ne rendant pas plus difficile la récupération des sommes en question que dans des cas
comparables concernant la mise en œuvre de dispositions nationales correspondantes (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2008, Vereniging Nationaal Overlegorgaan Sociale Werkvoorziening e.a., C‑383/06 à C‑385/06, EU:C:2008:165, points 48 et 50 ainsi que jurisprudence citée).

17 La Commission soutient, dans ses observations écrites, que le droit de l’Union impose que les juridictions du même ordre juridictionnel soient compétentes pour connaître à la fois des recours relatifs à la récupération d’aides indûment versées à partir de ressources nationales et ceux relatifs à la récupération d’aides indûment versées à partir de ressources de l’Union européenne.

18 À cet égard, il résulte des considérations exposées au point 16 du présent arrêt que les recours afférents à l’exécution forcée des actes d’une autorité publique nationale et ceux afférents à l’exécution forcée d’un acte d’une institution de l’Union, visé à l’article 299 TFUE, doivent recevoir un traitement égal.

19 À cette fin, il convient, d’une part, d’identifier les procédures ou les recours comparables et, d’autre part, de déterminer si les recours ayant trait à l’exécution forcée d’un acte visé à l’article 299 TFUE sont traités d’une manière moins favorable que les recours comparables, ayant trait à l’exécution forcée d’un acte d’une autorité publique nationale.

20 S’agissant, en premier lieu, de la comparabilité des recours, il appartient à la juridiction nationale, qui a une connaissance directe des modalités procédurales applicables, de vérifier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels (arrêt du 27 juin 2013, Agrokonsulting-04, C‑93/12, EU:C:2013:432, point 39 et jurisprudence citée).

21 S’agissant, en second lieu, du traitement similaire des recours, il convient de rappeler que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale concernant les recours fondés sur le droit de l’Union est moins favorable que celles concernant des recours similaires de nature interne doit être analysé par la juridiction nationale en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités devant les
diverses instances nationales (arrêt du 1er décembre 1998, Levez, C‑326/96, EU:C:1998:577, point 44 et jurisprudence citée).

22 La juridiction nationale doit, dès lors, examiner si les règles procédurales applicables aux recours ayant trait à l’exécution forcée d’un acte visé à l’article 299 TFUE sont moins favorables que celles applicables aux recours afférents à l’exécution forcée d’un acte d’une autorité publique nationale. Ainsi, le droit de l’Union serait violé si l’application de règles différentes aux litiges similaires conduisait à un traitement moins favorable des recours ayant trait à l’exécution forcée d’un
acte visé à l’article 299 TFUE.

23 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une règle procédurale en vertu de laquelle des litiges similaires seraient jugés par des ordres juridictionnels nationaux différents, selon que ces litiges reposent sur le droit de l’Union ou sur le droit national, ne constituerait pas nécessairement une modalité procédurale pouvant être qualifiée de défavorable (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai, C‑567/13, EU:C:2015:88, point 46).

24 À cet égard, force est de constater, en l’occurrence, que, d’une part, aucun grief n’a été soulevé selon lequel les recours portés notamment devant les juridictions civiles seraient moins favorables à la Commission que ceux portés devant les juridictions administratives et, d’autre part, que le dossier dont dispose la Cour ne comporte aucun élément en ce sens. Dès lors, il appartient à la juridiction nationale de procéder à l’examen d’une éventuelle méconnaissance, en l’occurrence, du principe
d’équivalence.

25 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 299 TFUE doit être interprété en ce sens que cet article ne détermine pas le choix de l’ordre juridictionnel national compétent s’agissant des recours liés à l’exécution forcée des actes de la Commission qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire formant titre exécutoire, conformément audit article, cette détermination
relevant du droit national en vertu du principe de l’autonomie procédurale, sous réserve que cette détermination ne porte pas atteinte à l’application et à l’efficacité du droit de l’Union.

26 Il appartient à la juridiction nationale de déterminer si l’application des règles procédurales nationales aux recours afférents à l’exécution forcée des actes visés à l’article 299 TFUE se fait de façon non discriminatoire par rapport aux procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et selon des modalités ne rendant pas plus difficile la récupération des sommes visées par ces actes que dans des cas comparables concernant la mise en œuvre de dispositions nationales
correspondantes.

Sur les troisième et quatrième questions

27 Par ses troisième et quatrième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 299 TFUE ainsi que les règlements nos 2052/88, 4253/88 et 4256/88 doivent être interprétés en ce sens qu’ils déterminent, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, les personnes contre lesquelles l’exécution forcée peut être poursuivie en vertu d’une décision de la Commission portant restitution des sommes versées et formant titre exécutoire.

28 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 299, premier alinéa, TFUE, les actes du Conseil de l’Union européenne, de la Commission ou de la Banque centrale européenne qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire.

29 Il résulte de cette disposition que ces actes sont susceptibles de faire l’objet d’une exécution forcée contre les personnes, autres que les États, visées par eux.

30 Quant aux règles nationales relatives à l’exécution forcée, il ressort du même article 299 TFUE, deuxième et troisième alinéas, que ces règles régissent les modalités de l’exécution forcée et non pas l’identité de la personne susceptible d’être concernée par cette exécution.

31 Partant, en l’absence de règles de droit de l’Union spécifiant lesdites personnes et permettant de déterminer notamment si l’exécution peut être poursuivie contre une personne autre que le destinataire de la décision de la Commission, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre d’établir les personnes contre lesquelles l’exécution forcée peut être poursuivie, à condition toutefois que les règles nationales ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations
similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai, C‑567/13, EU:C:2015:88, points 41 et 42 ainsi que jurisprudence citée).

32 C’est sur cette base qu’il appartient à la juridiction de renvoi, en cas de disparition de la personne visée par une décision comportant, à sa charge, une obligation pécuniaire, de déterminer ces personnes.

33 À cet égard, la Commission soutient que les règles de succession nationales pertinentes excluent totalement ou rendent excessivement difficile l’exécution des décisions adoptées en vertu de l’article 299 TFUE en ce qui concerne une catégorie de débiteurs de l’Union, et rendent, en tout état de cause, plus difficile le remboursement des créances de l’Union que celui des créances analogues de l’État grec. En effet, selon la Commission, ces règles permettraient à une autorité publique qui contrôle
une société ayant indûment perçu une aide de l’Union de liquider cette société et, en substance, de s’approprier tous ses actifs, y compris cette aide, tout en ayant le pouvoir discrétionnaire de renoncer à ses passifs. Ainsi, dans l’affaire en cause au principal, la commune de Zagori aurait hérité des dettes de la commune de Kentriko Zagori envers l’État grec et les organismes de sécurité sociale, mais pas de celles envers l’Union.

34 Toutefois, les troisième et quatrième questions posées par la juridiction de renvoi ne portent pas sur la conformité, avec le droit de l’Union, des règles du droit national relatives à la succession d’une entreprise municipale liquidée. Au demeurant, la décision de renvoi ne contient pas de cadre juridique pertinent relatif aux règles de succession en droit national et ne permet donc pas à la Cour d’assister la juridiction de renvoi dans la solution du litige concret pendant devant elle.

35 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 299 TFUE ainsi que les règlements nos 2052/88, 4253/88 et 4256/188 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne déterminent pas, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, les personnes contre lesquelles l’exécution forcée peut être poursuivie en vertu d’une décision de la Commission portant restitution des sommes versées et formant titre
exécutoire. Il appartient au droit national de déterminer ces personnes, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

Sur les dépens

36 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 299 TFUE doit être interprété en ce sens que cet article ne détermine pas le choix de l’ordre juridictionnel national compétent s’agissant des recours liés à l’exécution forcée des actes de la Commission européenne qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire formant titre exécutoire, conformément audit article, cette détermination relevant du droit national en vertu du principe de l’autonomie procédurale, sous réserve que cette
détermination ne porte pas atteinte à l’application et à l’efficacité du droit de l’Union.

Il appartient à la juridiction nationale de déterminer si l’application des règles procédurales nationales aux recours afférents à l’exécution forcée des actes visés à l’article 299 TFUE se fait de façon non discriminatoire par rapport aux procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et selon des modalités ne rendant pas plus difficile la récupération des sommes visées par ces actes que dans des cas comparables concernant la mise en œuvre de dispositions nationales
correspondantes.

  2) L’article 299 TFUE ainsi que le règlement (CEE) no 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, le règlement (CEE) no 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement no 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les
interventions des différents Fonds structurels, d’une part, et entre celles‑ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers, d’autre part, et le règlement (CEE) no 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement no 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « orientation », doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne déterminent pas, dans des
circonstances telles que celles en cause au principal, les personnes contre lesquelles l’exécution forcée peut être poursuivie en vertu d’une décision de la Commission européenne portant restitution des sommes versées et formant titre exécutoire.

Il appartient au droit national de déterminer ces personnes, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le grec.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-217/16
Date de la décision : 09/11/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Efeteio Athinon.

Renvoi préjudiciel – Décision de la Commission européenne portant restitution des sommes versées et formant titre exécutoire – Article 299 TFUE – Exécution forcée – Mesures d’exécution – Détermination de la juridiction nationale compétente en matière de contentieux de l’exécution – Détermination de la personne sur laquelle pèse l’obligation pécuniaire – Conditions d’application des modalités procédurales nationales – Autonomie procédurale des États membres – Principes d’équivalence et d’effectivité.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Dimos Zagoriou.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek
Rapporteur ?: Bay Larsen

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:841

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