CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES BOT
présentées le 24 octobre 2017 ( 1 )
Affaire C‑353/16
MP
contre
Secretary of State for the Home Department
[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni)]
« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Normes minimales relatives à l’octroi du statut de réfugié – Conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire – Séquelles d’actes de torture subis dans le pays d’origine – Risque d’atteinte grave à la santé psychologique du demandeur en cas de renvoi vers son pays d’origine – Absence de traitement approprié des pathologies dans le pays d’origine »
I. Introduction
1. Le ressortissant d’un pays tiers, gardant des séquelles d’actes de torture perpétrés dans son pays d’origine, mais qui ne risque plus d’y subir de tels traitements s’il y retourne, peut-il bénéficier de la protection subsidiaire, au motif que ses pathologies psychologiques ne pourront être adéquatement prises en charge par le système de santé de ce pays tiers ?
2. C’est à cette question qu’il est demandé, en substance, à la Cour de répondre dans la présente affaire. Ce sera l’occasion pour elle de se prononcer, à nouveau, sur l’article 2, sous e), et sur l’article 15, sous b), de la directive 2004/83/CE ( 2 ) ainsi que, à titre subsidiaire, sur l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 3 ) et sur l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants ( 4 ).
3. À l’issue de notre analyse, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que l’article 2, sous e), et l’article 15, sous b), de la directive 2004/83 n’imposent pas aux États membres d’étendre le régime de la protection subsidiaire à un cas tel que celui de l’affaire au principal, et ce indépendamment de l’article 3 de la CEDH et de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture.
II. Le cadre juridique
A. Le droit international
4. L’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture, dispose :
« Tout État partie garantit, dans son système juridique, à la victime d’un acte de torture, le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible. En cas de mort de la victime résultant d’un acte de torture, les ayants cause de celle-ci ont droit à indemnisation. »
5. L’article 3 de la CEDH énonce :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
B. Le droit de l’Union
6. Les considérants 9, 25 et 26 de la directive 2004/83 énoncent :
« (9) Les ressortissants de pays tiers ou les apatrides qui sont autorisés à séjourner sur le territoire des États membres pour des raisons autres que le besoin de protection internationale, mais à titre discrétionnaire par bienveillance ou pour des raisons humanitaires, n’entrent pas dans le champ d’application de la présente directive.
[...]
(25) Il convient de fixer les critères que doivent remplir les demandeurs d’une protection internationale pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire. Ces critères devraient être définis sur la base des obligations internationales au titre des instruments relatifs aux droits de l’homme et des pratiques déjà existantes dans les États membres.
(26) Les risques auxquels la population d’un pays ou une partie de la population est généralement exposée ne constituent normalement pas en eux-mêmes des menaces individuelles à qualifier d’atteintes graves. »
7. L’article 2 de cette directive dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
e) “personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire”, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant
pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ;
[...] »
8. L’article 3 de ladite directive prévoit :
« Les États membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive. »
9. L’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83 dispose :
« Le fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas. »
10. L’article 6 de cette directive prévoit :
« Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’État ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 7. »
11. L’article 15 de ladite directive dispose :
« Les atteintes graves sont :
a) la peine de mort ou l’exécution, ou
b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou
c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. »
12. L’article 16 de la directive 2004/83 prévoit :
« 1. Un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride cesse d’être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire lorsque les circonstances qui ont justifié l’octroi de cette protection cessent d’exister ou ont évolué dans une mesure telle que cette protection n’est plus nécessaire.
2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, les États membres tiennent compte du changement de circonstances, en déterminant s’il est suffisamment important et non provisoire pour que la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ne coure plus de risque réel de subir des atteintes graves. »
III. Les faits du litige au principal et la question préjudicielle
13. MP, ressortissant sri-lankais, arrivé au Royaume-Uni au mois de janvier 2005, a été admis à y séjourner en qualité d’étudiant. La prolongation de cette autorisation de séjour lui a été refusée, le 11 décembre 2008.
14. Le 5 janvier 2009, l’intéressé a présenté une demande d’asile, en faisant valoir qu’il avait été membre de l’organisation des « Tigres de libération de l’Eelam tamoul » (ci-après les « LTTE »), avait été détenu et torturé par les forces de sécurité dans son pays d’origine et risquait de subir, de nouveau, de mauvais traitements en cas de retour dans cet État tiers.
15. Le 23 février 2009, cette demande a été rejetée au motif qu’il n’était pas établi que le demandeur serait de nouveau menacé en cas de retour dans son pays d’origine.
16. MP a contesté cette décision, devant l’Upper Tribunal (tribunal supérieur, Royaume-Uni), en apportant des preuves médicales attestant qu’il présentait des séquelles d’actes de torture, était atteint d’un syndrome de stress post-traumatique ainsi que d’une dépression, présentait une tendance suicidaire et semblait être déterminé à mettre fin à ses jours en cas de retour dans son pays d’origine. Cette juridiction a néanmoins rejeté le recours de l’intéressé, d’une part, en ce qu’il était fondé sur
la convention relative au statut des réfugiés ( 5 ) ainsi que sur la directive 2004/83 et, d’autre part, en ce qu’il n’était pas établi que MP était toujours menacé dans son pays d’origine.
17. Toutefois, l’Upper Tribunal (tribunal supérieur) a admis le recours de MP, en ce qu’il était fondé sur les stipulations de l’article 3 de la CEDH, au motif que, en substance, si le requérant était renvoyé dans son pays d’origine il ne pourrait bénéficier des soins appropriés à la prise en charge de sa pathologie psychologique, en méconnaissance de cet article.
18. Cette décision a été confirmée par la Court of Appeal (England and Wales) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galle), Royaume-Uni], considérant que la directive 2004/83 n’incluait pas les cas relevant de l’article 3 de la CEDH dans lesquels le risque porte sur la santé ou le suicide et non sur la persécution.
19. MP a formé un pourvoi contre cette décision devant la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni), juridiction de renvoi. Il fait valoir que la directive 2004/83 ne peut revêtir un champ d’application aussi étroit que les interprétations qu’en ont données les juridictions de première instance et d’appel, qu’il aurait dû bénéficier de la protection subsidiaire compte tenu, d’une part, des mauvais traitements subis par le passé dans son pays d’origine qui sont la cause de sa
pathologie et, d’autre part, de l’absence d’infrastructures permettant une prise en charge adaptée de ses séquelles dans son pays d’origine. Selon le requérant au principal, l’absence de risques futurs de subir de mauvais traitements, en cas de retour dans son pays d’origine, ne devrait pas être prise en considération dans l’appréciation de son droit à bénéficier de la protection subsidiaire.
20. La juridiction de renvoi estime que cette question n’a pas encore été précisément appréhendée par la jurisprudence de la Cour ni par celle de la Cour européenne des droits de l’homme.
21. Dans ces conditions, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« La définition figurant à l’article 2, sous e), lu en combinaison avec l’article 15, sous b), de la directive 2004/83, inclut-elle un risque réel d’atteinte grave à la santé physique et psychologique du requérant au cas où celui-ci serait renvoyé dans son pays d’origine, lequel risque résulterait de la torture ou du traitement inhumain ou dégradant subi par le requérant dans le passé et dont le pays d’origine est responsable ? »
IV. Notre analyse
22. À titre liminaire, il y a lieu de relever que deux options s’offrent à la Cour pour traiter la présente demande de décision préjudicielle. La Cour peut se prononcer dans la limite de la question posée par la juridiction de renvoi, c’est-à-dire simplement sur l’interprétation de l’article 2, sous e), et de l’article 15, sous b), de la directive 2004/83, mais sa réponse peut également comporter une appréciation de ces dispositions au regard des stipulations de l’article 3 de la CEDH et de
l’article 14 de la convention contre la torture.
23. En premier lieu, s’agissant d’une réponse exclusivement ciblée sur les dispositions de la directive 2004/83, il convient de relever qu’une interprétation purement littérale de l’article 15 de cette directive, qui définit les atteintes graves de manière exhaustive, exclut du champ d’application de la protection subsidiaire l’absence de soins appropriés au traitement d’une pathologie dans le pays d’origine où il est envisagé de renvoyer la personne concernée.
24. En effet, les termes de l’article 15, sous b), de ladite directive sont clairs. Ils ne permettent l’octroi de la protection subsidiaire qu’en cas de risque d’atteintes graves résultant d’actes de torture ou de traitements ou sanctions inhumains ou dégradants qui seraient infligés, dans le futur, à un demandeur en cas de retour dans son pays d’origine.
25. La Cour a d’ailleurs jugé que les trois types d’atteintes graves, définies à l’article 15 de la directive 2004/83, constituent des conditions à remplir pour qu’une personne puisse être considérée comme susceptible de bénéficier de la protection subsidiaire, lorsque, conformément à l’article 2, sous e), de cette directive, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur court un risque réel de subir de telles atteintes en cas de renvoi dans son pays d’origine ( 6 ).
26. Cette lecture implique, en l’espèce, que MP ne peut prétendre au bénéfice de la protection subsidiaire, dans la mesure où il est constant qu’il ne risque plus de subir d’actes de torture en cas de retour dans son pays d’origine, même s’il ne pourra vraisemblablement pas bénéficier des traitements nécessaires pour faire face au syndrome de stress post-traumatique dont il est atteint, en raison des insuffisances du système de santé, et risque d’attenter à ses jours en cas de retour dans son pays
d’origine.
27. À cet égard, la Cour a jugé que les risques de détérioration de l’état de santé d’un ressortissant de pays tiers ne résultant pas d’une privation de soins infligée intentionnellement à ce ressortissant ne sont pas couverts par l’article 15 de la directive 2004/83. L’article 15, sous b), de cette directive définit une atteinte grave tenant à l’infliction à un ressortissant de pays tiers, dans son pays d’origine, d’actes de torture ou de traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ( 7 ).
28. Selon cette jurisprudence, il résulte de l’interprétation de l’article 6 de ladite directive que les atteintes graves dont il est question doivent être constituées par le comportement d’un tiers et ne peuvent résulter simplement des insuffisances générales du système de santé du pays d’origine ( 8 ).
29. Rappelons que, si, dans certaines circonstances particulières, la souffrance due à une maladie est susceptible de constituer un traitement inhumain ou dégradant ( 9 ), il n’en reste pas moins que l’un des critères essentiels à l’octroi de la protection subsidiaire, à savoir l’identification d’un acteur à l’origine de l’atteinte et contre lequel une protection s’impose, fait défaut en l’espèce.
30. En effet, pour qu’une personne puisse être considérée comme susceptible de bénéficier de la protection subsidiaire, il n’est pas suffisant de prouver que celle-ci courrait le risque d’être exposée à un traitement inhumain ou dégradant une fois de retour dans son pays d’origine. Encore faut-il démontrer que ce risque provient de facteurs qui sont directement ou indirectement, mais toujours intentionnellement, imputables aux autorités publiques de ce pays, soit que les menaces pesant
personnellement sur l’intéressé sont le fait des autorités du pays dont il a la nationalité ou sont tolérées par ces autorités, soit que ces menaces sont le fait de groupes indépendants contre lesquels lesdites autorités ne sont pas en mesure d’assurer une protection effective à leurs ressortissants.
31. Or, dans le cas d’un individu dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale et qui ne pourrait pas bénéficier d’un traitement adéquat dans son pays d’origine, le traitement inhumain ou dégradant qu’il risque de subir en cas de retour dans ce pays ne provient pas d’un acte ou d’une omission intentionnelle des autorités publiques ou d’organes indépendants de l’État et n’est pas dirigé contre une personne déterminée.
32. Ici, l’un des critères essentiels pour l’octroi de la protection subsidiaire, à savoir la responsabilité directe ou indirecte des autorités publiques du pays d’origine dans la commission de l’atteinte grave et contre laquelle une protection s’impose, manque en fait.
33. Dès lors, dans une situation telle que celle en cause au principal, la protection offerte par l’État membre ne répondrait pas à un besoin de protection internationale au sens de l’article 2, sous e), de la directive 2004/83 et ne pourrait donc pas s’inscrire dans le cadre du régime européen commun d’asile.
34. Il s’ensuit que le risque de détérioration de l’état de santé d’un ressortissant de pays tiers atteint d’une affection psychologique, résultant de l’inexistence de traitements appropriés dans son pays d’origine, sans que soit en cause une privation intentionnelle de soins, ne saurait suffire à impliquer l’octroi du bénéfice de la protection subsidiaire ( 10 ), alors même que la pathologie dont est atteint le demandeur résulte d’actes de torture subis, par le passé, dans son pays d’origine.
35. De cette façon, il n’y a nullement lieu de considérer, comme le suggère le requérant au principal ainsi que la République de Pologne, que l’unique différence avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 décembre 2014, M'Bodj ( 11 ), à savoir le fait que les pathologies de MP résultent de séquelles liées à des actes de torture dont l’intéressé a été victime par le passé dans son pays d’origine et non à une maladie survenue naturellement, soit de nature à infléchir les conditions d’octroi du
bénéfice de la protection subsidiaire telles qu’elles résultent des dispositions de la directive 2004/83 et telles qu’elles ont déjà été interprétées par la Cour ( 12 ).
36. Par conséquent, il y a lieu de proposer à la Cour de dire pour droit que la définition figurant à l’article 2, sous e), lu en combinaison avec l’article 15, sous b), de la directive 2004/83, n’inclut pas le risque réel d’atteinte grave à la santé physique et psychologique résultant de la torture ou du traitement inhumain ou dégradant subi par celui-ci dans le passé et dont le pays d’origine est responsable, au cas où le demandeur y serait renvoyé.
37. En second lieu, si la Cour voulait livrer une réponse, plus englobante, permettant de lire les dispositions de la directive 2004/83 en combinaison avec l’article 3 de la CEDH et l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture, il conviendrait d’émettre les observations qui suivent.
38. Concernant, d’une part, l’article 3 de la CEDH, la jurisprudence nous livre déjà d’importants repères.
39. À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé que le droit fondamental garanti par l’article 3 de la CEDH fait partie des principes généraux du droit de l’Union dont la Cour assure le respect et que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme doit être prise en considération pour l’interprétation de la portée de ce droit dans l’ordre juridique de l’Union, l’article 15, sous b), de la directive 2004/83 correspondant, en substance, à l’article 3 de la CEDH (
13 ).
40. Toutefois, la Cour a jugé qu’il ressortait des considérants 5, 6, 9 et 24 de la directive 2004/83 que, si cette directive tend à compléter, à travers la protection subsidiaire, la protection des réfugiés consacrée par la convention de Genève, en identifiant les personnes qui ont réellement besoin d’une protection internationale, son champ d’application ne s’étend pas aux personnes autorisées à séjourner sur le territoire des États membres pour d’autres raisons, c’est-à-dire à titre
discrétionnaire et par bienveillance ou pour des raisons humanitaires. L’obligation d’interpréter l’article 15, sous b), de la directive 2004/83 en prenant en considération l’article 3 de la CEDH, auquel il correspond en substance, n’est pas de nature à remettre en cause cette interprétation ( 14 ).
41. Il a néanmoins également été jugé ( 15 ) que l’interprétation de l’article 15 de la directive 2004/83 au regard de l’article 3 de la CEDH, peut permettre l’octroi du bénéfice de la protection subsidiaire, mais seulement dans des cas très exceptionnels et lorsque les considérations humanitaires militant contre l’éloignement sont impérieuses, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ( 16 ).
42. Cette Cour a jugé, à cet égard, que le fait qu’un ressortissant d’État tiers atteint d’une grave maladie ne puisse pas, dans des cas très exceptionnels, être éloigné vers un pays dans lequel les traitements adéquats à sa pathologie sont indisponibles n’implique pas nécessairement que l’intéressé doive être autorisé à séjourner dans un État partie ( 17 ).
43. Cette jurisprudence pourrait être transposée au cas d’espèce au principal et impliquerait que les États membres n’aient pas l’obligation de faire automatiquement bénéficier de la protection subsidiaire les personnes atteintes de pathologies contractées à la suite d’actes de torture subis par le passé dans leur pays d’origine. Il ne peut, en effet, être considéré que le cas de MP correspond à un cas exceptionnel au sein duquel des considérations humanitaires sont impérieuses.
44. En l’espèce, il n’est pas établi que l’insuffisance du système de santé soit, à elle seule, constitutive d’une méconnaissance des dispositions de l’article 3 de la CEDH. Néanmoins, si cette insuffisance entraînait une aggravation de l’état de santé de l’intéressé, alors il pourrait y avoir méconnaissance de cette disposition. Il appartient uniquement à la juridiction nationale d’apprécier l’existence d’une telle méconnaissance, même s’il apparaît vraisemblable que l’espèce se situe dans une
telle hypothèse compte tenu du stress post-traumatique dont est atteint MP et du risque suicidaire encouru par celui-ci, en cas de retour dans son pays d’origine. D’ailleurs, les juridictions internes, de première instance et d’appel, ont conclu à la méconnaissance de ces dispositions et il résulte des pièces du dossier, ce qui n’est pas contesté, que MP ne sera pas renvoyé dans son pays d’origine.
45. Rappelons, en outre, que le système de la protection subsidiaire doit être déconnecté des considérations qui président à l’affaire au principal, dans laquelle il est constant que le demandeur ne risque plus de subir d’actes de torture en cas de retour dans son pays d’origine.
46. La Cour a jugé, à cet égard, qu’il serait contraire à l’économie générale et aux objectifs de la directive 2004/83 d’appliquer les protections qu’elle prévoit à des ressortissants de pays tiers placés dans des situations dénuées de tout lien avec la logique même de cette protection internationale ( 18 ).
47. En effet, et par suite des considérations déjà évoquées concernant l’interprétation de l’article 2, sous e), et de l’article 15, sous b), de cette directive, si une protection internationale était octroyée au demandeur, ce serait un autre type de protection, conformément aux termes de l’article 2, sous g), in fine, de ladite directive. Cette protection serait accordée pour une raison autre, à titre discrétionnaire et par bienveillance ou serait dictée par des considérations humanitaires, fondées
sur le respect de l’article 3 de la CEDH, notamment.
48. Or, le législateur a manifestement souhaité exclure les situations fondées sur des motifs d’humanité du champ d’application de la directive 2004/83, conformément à son considérant 9 ( 19 ).
49. Il résulte alors de ce qui précède que la lecture combinée des dispositions de la directive 2004/83 et de l’article 3 de la CEDH n’empêche pas les États membres d’exclure du champ d’application de la protection subsidiaire les personnes, se trouvant dans une situation telle que celle de MP, qui souffrent de séquelles liées à des actes de torture subis par le passé, mais qui ne risquent plus d’être confrontées à de tels traitements en cas de retour dans leur pays d’origine, quand bien même elles
sont sujettes à un risque suicidaire et ne pourront certainement pas bénéficier des traitements appropriés à la prise en charge de leurs pathologies. Dans ce contexte, il appartient exclusivement à la juridiction nationale, compte tenu des éléments dont elle dispose, d’apprécier l’existence d’une méconnaissance de l’article 3 de la CEDH.
50. Concernant, d’autre part, l’article 14 de la convention contre la torture, rappelons d’emblée que les dispositions de la directive 2004/83 et les autres textes fondant le régime européen commun d’asile ont été adoptés pour aider les autorités compétentes des États membres à appliquer la convention de Genève, ainsi que les autres traités pertinents en la matière, conformément à l’article 78, paragraphe 1, TFUE ( 20 ). Dès lors, l’interprétation des dispositions de cette directive doit être
effectuée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de ces textes ( 21 ).
51. Cependant, il est de jurisprudence constante que l’application du droit de l’Union doit être autonome de celle du droit international humanitaire ( 22 ). En outre, il y a lieu de souligner que la Cour a jugé que le droit international humanitaire et le régime de la protection subsidiaire, prévu par la directive 2004/83, poursuivaient des buts différents et instituaient des mécanismes de protection clairement séparés ( 23 ).
52. Partant, nous relèverons que la directive 2004/83 ne comporte aucune disposition s’apparentant, de près ou de loin, à celles de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture obligeant les États parties à prévoir les procédures et moyens permettant aux victimes d’actes de torture d’obtenir réparation.
53. C’est alors, dans cette mesure uniquement, que la Cour pourrait éventuellement s’interroger sur la question de savoir si la violation de l’article 14 de la convention contre la torture, par un État tiers dont le demandeur a la nationalité, est susceptible de déteindre sur les obligations des États membres de l’Union, en matière d’octroi de la protection subsidiaire, qui découlent de la directive 2004/83 permettant de prémunir les individus contre toutes atteintes graves.
54. Il résulte en effet d’une interprétation littérale de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture que c’est l’État responsable des actes de torture commis sur son territoire qui doit, en principe, prévoir les moyens et les procédures permettant aux personnes concernées d’obtenir réparation ou de bénéficier d’une réadaptation la plus complète possible ( 24 ).
55. Une lecture globale des stipulations de cette convention conforte effectivement cette interprétation littérale, en ce que ses articles 13 et suivants s’adressent, essentiellement, à l’État responsable de la violation ( 25 ). Dans cette mesure, il y a lieu de s’interroger sur la question de savoir si, dans le cas où le Sri Lanka ne respecterait pas les obligations découlant de la convention contre la torture, à laquelle il est partie, cela pourrait étendre les obligations des États membres en
matière de protection subsidiaire.
56. La méconnaissance de la convention contre la torture, par un État tiers à l’Union, pourrait-elle permettre aux individus de se prévaloir d’un droit à la protection subsidiaire dans l’Union européenne ? Cette méconnaissance pourrait-elle être interprétée comme une preuve de l’existence d’un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour de la personne concernée dans son pays d’origine ? L’absence de procédure permettant réparation dans le pays d’origine pourrait-elle être considérée
comme un risque d’atteintes graves ? C’est sur ces questions que la Cour pourrait vouloir se prononcer.
57. Certains États pourraient accepter de prendre en charge les obligations que la convention contre la torture fait naître, alors même qu’ils ne sont pas responsables des actes de torture en cause. Une telle compétence universelle est admise en matière pénale, s’agissant de la poursuite et du jugement d’auteurs d’actes de torture. Ce texte admet, en effet, que l’unique lien entre l’État du for et la commission de l’infraction soit la présence de l’auteur présumé d’actes de torture sur le territoire
de l’État, auquel il revient d’extrader ou de poursuivre et de juger pénalement cet auteur présumé ( 26 ). Il n’est cependant pas courant que cette compétence universelle soit reconnue en matière de responsabilité civile et de droit à indemnisation des victimes d’actes dommageables ( 27 ). Le seul lien exigé entre l’infraction et l’État serait, dans ce contexte, la présence de la victime d’actes de torture, commis à l’étranger, sur le territoire de l’État qui prendra en charge l’action aux fins
de réparation. Cette extension de la compétence juridictionnelle des États parties à la convention contre la torture, si elle était admise par la Cour ( 28 ), permettrait aux victimes d’actes de torture d’exercer effectivement leurs droits à réparation et de faire pleinement écho au jus cogens ( 29 ), renforçant ainsi la lutte contre la torture au plan international ( 30 ).
58. C’est dans cette mesure, uniquement, qu’il pourrait être admis que l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture soit appliqué à l’espèce au principal, comme permettant d’étendre les obligations des États membres en matière de protection subsidiaire. Cela étant, reconnaître une telle compétence universelle irait au-delà de ce que la jurisprudence de l’Union a déjà admis et l’espèce au principal ne semble pas être la meilleure occasion de franchir ce pas, dans la mesure où deux
éléments font obstacle à l’applicabilité de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture.
59. D’une part, il ne résulte d’aucune pièce du dossier que le Sri Lanka méconnaîtrait intentionnellement les obligations qui découlent de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture à l’égard de MP si ce dernier y était renvoyé. Effectivement, il résulte de ce qui précède qu’aucune privation intentionnelle de soins ne peut être valablement alléguée par MP à l’encontre du Sri Lanka et ne pourrait, dès lors, constituer un risque d’atteintes graves telles que celles énumérées par
les dispositions de l’article 15 de la directive 2004/83 pour permettre l’octroi de la protection subsidiaire, et ce même si l’insuffisance du système de santé n’est pas contestée. Dès lors, il n’est pas possible de reconnaître a priori que le Sri Lanka méconnaît les obligations qui découlent de la convention contre la torture à l’encontre de MP.
60. D’autre part, pour que le droit à réparation soit admis, encore faut-il qu’il y ait dépôt de plainte ou demande en justice. Il revient, en effet, à la personne se disant victime d’actes de torture d’intenter une action afin d’obtenir réparation ou de bénéficier des conditions adéquates permettant sa réadaptation la plus complète possible, aux termes des dispositions mêmes de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture. Cependant, en l’espèce, le requérant au principal
n’établit pas, ni même n’allègue, avoir présenté de demande tendant à bénéficier d’une indemnisation ou des moyens de réadaptation, que ce soit auprès des autorités du Sri Lanka ou de celles d’un État membre, si tant est que ces dernières puissent se reconnaître compétentes. Il ne ressort d’aucune pièce du dossier que MP ait intenté une quelconque action sur le fondement des dispositions de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture.
61. Dès lors, et par hypothèse, l’unique manière d’inclure le cas d’espèce au principal dans le champ d’application de ces stipulations serait de considérer, d’une part, que les insuffisances du système de santé du Sri Lanka seraient à l’origine d’une méconnaissance intentionnelle des obligations de cet État au titre de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture à l’égard de MP et, d’autre part, que le dépôt d’une demande de protection subsidiaire, dans un État membre de l’Union,
vaudrait demande de droit à bénéficier d’une indemnisation ou des moyens nécessaires à une réadaptation la plus complète possible.
62. Cette interprétation semble cependant étendre, à outrance, le champ d’application tant des dispositions de la directive 2004/83, que des stipulations de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture.
63. De surcroît, il est indispensable de mesurer les conséquences pratiques d’une lecture aussi extensive. Si celle-ci permettait à toute personne ayant subi, par le passé, de mauvais traitements de bénéficier d’un droit à la protection subsidiaire, et ce tant que son pays d’origine ne prévoirait pas les moyens et les procédures permettant une indemnisation ou une réadaptation des victimes, y compris par la mise en place d’un système de santé suffisant, cela amplifierait considérablement les
obligations des États membres en matière de protection subsidiaire et poserait des difficultés tant procédurales que matérielles. Une telle interprétation irait bien au-delà de ce qu’a voulu le législateur de l’Union en adoptant la directive 2004/83 et le régime européen commun d’asile et risquerait d’entraîner un accroissement des demandes de protection internationale ainsi que des difficultés pour mettre fin à ces régimes de protection, conformément à l’article 16 de la directive 2004/83, en
cas de stress post-traumatique ou de risque suicidaire. En outre, la jurisprudence de la Cour s’applique sans préjudice du pouvoir discrétionnaire des États membres d’admettre au séjour, pour des raisons humanitaires, les personnes atteintes de telles pathologies.
64. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de proposer à la Cour de juger que les stipulations de l’article 14, paragraphe 1, de la convention contre la torture ne s’opposent pas à ce que la protection subsidiaire ne soit pas accordée à un demandeur se trouvant dans une situation telle que celle en cause au principal.
65. Par conséquent, il y a lieu de proposer à la Cour de dire pour droit que la définition figurant à l’article 2, sous e), lu en combinaison avec l’article 15, sous b), de la directive 2004/83, n’inclut pas le risque réel d’atteinte grave à la santé physique et psychologique résultant de la torture subie par le demandeur dans le passé et dont le pays d’origine est responsable, au cas où celui-ci y serait renvoyé, sans qu’y fassent obstacle l’article 3 de la CEDH et l’article 14, paragraphe 1, de la
convention contre la torture.
V. Conclusion
66. À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) :
La définition figurant à l’article 2, sous e), lu en combinaison avec l’article 15, sous b), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, n’inclut pas le risque réel d’atteinte grave à la
santé physique et psychologique résultant de la torture ou du traitement inhumain ou dégradant subi par le demandeur dans le passé et dont le pays d’origine est responsable, au cas où celui-ci y serait renvoyé.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Directive du Conseil du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12).
( 3 ) Signée à Rome le 4 novembre 1950, ci-après la « CEDH ».
( 4 ) Adoptée à New York le 10 décembre 1984, ci-après la « convention contre la torture ».
( 5 ) Signée à Genève le 28 juillet 1951, ci-après la « convention de Genève ».
( 6 ) Arrêts du 17 février 2009, Elgafaji (C‑465/07, EU:C:2009:94, point 31), du 30 janvier 2014, Diakité (C‑285/12, EU:C:2014:39, point 18), et du 18 décembre 2014, M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, point 30).
( 7 ) Arrêt du 18 décembre 2014, M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, points 31 et 32).
( 8 ) Arrêt du 18 décembre 2014, M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, point 35).
( 9 ) Voir nos conclusions dans l’affaire M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2113, points 44 à 46 et jurisprudence de la Cour EDH citée). Voir, également, Cour EDH, 29 avril 2002, Pretty c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2002:0429JUD000234602, § 52).
( 10 ) Arrêt du 18 décembre 2014, M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, point 36).
( 11 ) C‑542/13, EU:C:2014:2452.
( 12 ) Arrêt du 18 décembre 2014, M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452).
( 13 ) Arrêt du 17 février 2009, Elgafaji (C‑465/07, EU:C:2009:94, point 28). Pour un rappel de l’interprétation de l’article 3 de la CEDH par la Cour européenne des droits de l’homme, voir Cour EDH, 28 février 2008, Saadi c. Italie (CE:ECHR:2008:0228JUD003720106, § 134 et 135), ainsi que 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce (CE:ECHR:2011:0121JUD003069609, § 219 et suiv.). Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle que le traitement proscrit par l’article 3 de la CEDH
doit notamment présenter un minimum de gravité, être infligé avec préméditation, être humiliant et avilissant.
( 14 ) Arrêt du 18 décembre 2014, M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, points 37 et 38).
( 15 ) Arrêt du 18 décembre 2014, M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, points 39 et 40).
( 16 ) Voir, notamment, Cour EDH, 27 mai 2008, N. c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2008:0527JUD002656505, § 42 à 45). Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme indique que sa jurisprudence a principalement concerné des personnes séropositives, mais que d’autres cas peuvent très exceptionnellement empêcher l’éloignement de personnes atteintes de maladie physique ou mentale survenant naturellement.
( 17 ) Cour EDH, 27 février 2014, S.J. c. Belgique (CE:ECHR:2015:0319JUD007005510, § 118 à 120). La Cour européenne des droits de l’homme rappelait dans cet arrêt que, aux termes de sa jurisprudence, les ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement ne peuvent en principe pas revendiquer un droit de rester sur le territoire d’un État contractant afin de continuer à bénéficier de l’assistance et des services médicaux, sociaux ou autres fournis par l’État qui expulse. Le fait
que, en cas d’expulsion de l’État contractant, le requérant puisse connaître une dégradation importante de sa situation, et, notamment, une réduction significative de son espérance de vie, n’est pas, en soi, suffisant pour emporter une violation de l’article 3 de la CEDH.
( 18 ) Arrêt du 18 décembre 2014, M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, point 44).
( 19 ) Voir nos conclusions dans l’affaire M'Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2113, points 60 à 63).
( 20 ) Voir, notamment, nos conclusions dans l’affaire Danqua (C‑429/15, EU:C:2016:485, point 55).
( 21 ) Arrêt du 7 novembre 2013, X e.a. (C‑199/12 à C‑201/12, EU:C:2013:720, points 39 et 40 et jurisprudence citée).
( 22 ) Arrêts du 30 janvier 2014, Diakité (C‑285/12, EU:C:2014:39, points 24 à 26), et du 14 mars 2017, A e.a. (C‑158/14, EU:C:2017:202, point 91).
( 23 ) Arrêt du 30 janvier 2014, Diakité (C‑285/12, EU:C:2014:39, point 24).
( 24 ) Voir, en ce sens, Chanet, C., « La Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », Annuaire français de droit international, volume 30, Persée, Paris, 1984, p. 625 à 636.
( 25 ) Voir, en ce sens, Ponroy, E., et Jacq, C., « Étude comparative des Conventions des Nations Unies et du Conseil de l'Europe relatives à la torture et aux peines ou traitements inhumains ou dégradants », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, Dalloz, Paris, 1990, p. 317.
( 26 ) Voir article 5, paragraphe 2, de la convention contre la torture, selon le principe aut dedere aut judicare. Voir, en ce sens, Vandermeersch, D., « La compétence universelle », Juridictions nationales et crimes internationaux, Presses universitaires de France, Paris, 2002, p. 590 à 594.
( 27 ) Cour EDH, 21 juin 2016, Nait-Liman c. Suisse (CE:ECHR:2016:0621JUD005135707, § 49 et suiv. ainsi que § 115 et suiv.). Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme refuse de considérer que l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH oblige les États parties à prévoir des mécanismes de réparation civile pour des actes de torture commis dans des États tiers. La Cour y précise que l’acceptation d’une compétence universelle en la matière aurait provoqué un afflux massif de recours. Après un
examen exhaustif des systèmes juridictionnels européens (§ 49), la Cour en conclut que, si l’interdiction de la torture relève bien du jus cogens et bénéficie de la compétence universelle, les actions civiles qui sont la conséquence d’actes de torture doivent néanmoins respecter les règles de territorialité de la compétence juridictionnelle. Voir, également, Cour EDH, 21 novembre 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2001:1121JUD003576397, § 61 et 115 et suiv.).
( 28 ) Sachant que cette question est loin de faire l’unanimité au sein des ordres juridiques européens et de la doctrine, comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’homme dans ses arrêts du 21 novembre 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2001:1121JUD003576397, § 61 et 62), et du 21 juin 2016, Nait-Liman c. Suisse (CE:ECHR:2016:0621JUD005135707, § 115 et suiv.).
( 29 ) Pour une définition, voir arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 87) : « entendu comme un ordre public international qui s’impose à tous les sujets du droit international [...] et auquel il est impossible de déroger ».
( 30 ) Voir arrêt du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, du 10 décembre 1998, Anto Furundzija (IT-95-17, § 156).