CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. NILS WAHL
présentées le 21 septembre 2017 ( 1 )
Affaire C‑297/16
Colegiul Medicilor Veterinari din România
contre
Autoritatea Naţională Sanitară Veterinară şi pentru Siguranţa Alimentelor
[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie)]
« Renvoi préjudiciel – Article 49 TFUE – Directive 2001/82/CE – Médicaments vétérinaires – Directive 2005/36/CE – Formation des vétérinaires – Directive 2006/123/CE – Services dans le marché intérieur – Règles nationales réservant aux seuls vétérinaires le droit de vente au détail et l’utilisation de produits biologiques, antiparasitaires et de médicaments vétérinaires – Exigence que le capital des établissements pharmaceutiques vétérinaires soit détenu exclusivement ou principalement par des
vétérinaires – Protection de la santé et de la vie humaines et animales »
1. Par sa demande de décision préjudicielle, la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) demande s’il est permis, en vertu du droit de l’Union, de réserver aux seuls vétérinaires le droit de vente au détail, l’utilisation et l’administration de produits biologiques vétérinaires, de produits antiparasitaires à usage spécial et de médicaments vétérinaires en Roumanie (ci‑après les « produits en cause »). Elle demande également à la Cour à être éclairée sur l’interprétation du
droit de l’Union par rapport à la réglementation nationale régissant la structure économique des établissements de soins vétérinaires par l’intermédiaire desquels ces ventes ont lieu.
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, le Colegiul Medicilor Veterinari din România (ordre roumain des vétérinaires, ci-après l’« ordre des vétérinaires ») à, d’autre part, l’Autoritatea Națională Sanitară Veterinară și pentru Siguranța Alimentelor (autorité nationale de santé vétérinaire et de sécurité alimentaire, Roumanie, ci-après l’« autorité nationale »), soutenue par l’Asociația Națională a Distribuitorilor de Produse de Uz Veterinar din România
(association nationale des distributeurs de produits à usage vétérinaire de Roumanie, ci-après l’« association nationale des distributeurs »), au sujet de la légalité d’un arrêté pris par l’autorité nationale modifiant ses règles sanitaires vétérinaires. Cet arrêté a supprimé l’obligation de déposer une copie du certificat d’inscription au registre unique des cabinets vétérinaires de Roumanie (ci‑après le « registre unique ») en vue d’obtenir l’autorisation sanitaire vétérinaire de fonctionnement
des pharmacies vétérinaires et des points pharmaceutiques vétérinaires.
3. Les questions préjudicielles portent sur la délimitation de l’autonomie réglementaire des États membres en ce qui concerne les prérogatives de la profession de vétérinaire. J’expliquerai, dans les développements qui suivent, les raisons pour lesquelles je considère que la réglementation roumaine en cause, telle que présentée à la Cour, est incompatible avec la directive 2006/123/CE ( 2 ).
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
a) La directive 2001/82/CE ( 3 )
4. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2001/82, figurant au titre I de celle-ci (intitulé « Définitions »), la notion de « médicament vétérinaire » désigne, aux fins de cette directive, toute substance ou composition a) présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies animales, ou b) pouvant être utilisée chez l’animal ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en
exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical.
5. L’article 66, paragraphe 1, de la directive 2001/82, qui fait partie du titre VI de cette directive (intitulé « Détention, distribution et délivrance des médicaments vétérinaires »), impose aux États membres de prendre toutes dispositions utiles pour que la vente au détail de médicaments vétérinaires ne soit effectuée que par les personnes qui y sont habilitées en vertu de la législation de l’État membre concerné.
6. L’article 67 de la directive 2001/82 énonce que, sans préjudice de règles du droit de l’Union ou nationales plus strictes concernant la délivrance des médicaments vétérinaires et visant à protéger la santé humaine et animale, une ordonnance vétérinaire est exigée pour la délivrance au public des médicaments vétérinaires énumérés à cette disposition. En outre, en vertu de ladite disposition, les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que, dans le cas des
médicaments délivrés uniquement sur ordonnance, la quantité prescrite et délivrée soit limitée à ce qui est nécessaire pour le traitement ou la thérapie concernés.
7. L’article 68, paragraphe 1, de la directive 2001/82, dispose :
« Les États membres prennent toutes mesures utiles afin que seules les personnes habilitées par leur législation nationale en vigueur possèdent ou aient sous contrôle un médicament vétérinaire ou une substance susceptible d’être utilisée comme médicament vétérinaire et présentant des propriétés anabolisantes, anti‑infectieuses, antiparasitaires, anti-inflammatoires, hormonales ou psychotropes. »
b) La directive 2005/36/CE ( 4 )
8. Aux termes de l’article 38, paragraphe 3, de la directive 2005/36 (intitulé « Formation de vétérinaire» ( 5 )), la formation de vétérinaire vise à donner la garantie que le professionnel concerné a acquis les connaissances et les compétences énumérées dans cette disposition, notamment au point f), qui vise « les connaissances, aptitudes et compétences nécessaires pour une utilisation responsable et raisonnable des médicaments vétérinaires afin de traiter les animaux et d’assurer la sécurité de la
chaîne alimentaire et la protection de l’environnement ».
c) La directive 2006/123
9. Aux termes de son article 2, paragraphe 1 (intitulé « Champ d’application »), la directive 2006/123 s’applique « aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre» ( 6 ). Toutefois, l’article 2, paragraphe 2, sous f), de ladite directive exclut de son champ d’application les services de soins de santé.
10. L’article 3, paragraphe 3, de la directive 2006/123 (intitulé « Relation avec les autres dispositions du droit [de l’Union]) » prévoit que les États membres appliquent les dispositions de la directive conformément aux règles du traité régissant le droit d’établissement et la libre circulation des services.
11. L’article 15 de la directive 2006/123 (intitulé « Exigences à évaluer ») dispose :
« 1. Les États membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences [ ( 7 )] visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. Les États membres adaptent leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions.
2. Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes :
[…]
c) les exigences relatives à la détention du capital d’une société ;
d) les exigences autres que celles relatives aux matières couvertes par la [directive 2005/36] ou que celles prévues dans d’autres instruments [de l’Union], qui réservent l’accès à l’activité de service concernée à des prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l’activité ;
[…]
3. Les États membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes :
a) non-discrimination : les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire ;
b) nécessité : les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général ;
c) proportionnalité : les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat.
[…] »
B. Le droit roumain
a) La loi no 160/1998
12. L’article 2 de la Legea no 160/1998 pentru organizarea şi exercitarea profesiunii de medic veterinar (loi no 160/1998 relative à l’organisation et à l’exercice de la profession de vétérinaire, republiée ; ci-après la « loi no 160/1998 ») prévoit ( 8 ) :
« 1) La profession de vétérinaire peut être exercée en Roumanie par toute personne de nationalité roumaine possédant un diplôme de vétérinaire reconnu conformément à la loi ainsi que par les ressortissants des États membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse qui possèdent des diplômes, certificats ou autres documents établissant cette qualification prévue par la loi délivrés par un établissement d’enseignement situé dans l’un de ces États.
[…]
5) Les vétérinaires de nationalité roumaine domiciliés à l’étranger ainsi que les vétérinaires ressortissants des États membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse qui exercent la profession de vétérinaire en Roumanie ont les mêmes droits et obligations que les vétérinaires membres de l’ordre des vétérinaires en ce qui concerne l’exercice de cette profession. »
13. L’article 4, sous i), de la loi no 160/1998 prévoit que la profession de vétérinaire bénéficie d’une exclusivité en ce qui concerne le commerce de détail et l’utilisation des produits biologiques, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments à usage vétérinaire.
14. Au titre de l’article 9, sous b), de la loi no 160/1998, l’ordre des vétérinaires élabore, notamment, le statut des vétérinaires, dont les dispositions sont contraignantes dans l’exercice de la profession de vétérinaire.
15. Aux termes de l’article 16 de la loi no 160/1998, la qualité de membre de l’ordre des vétérinaires peut être acquise par tout vétérinaire de nationalité roumaine ou ressortissant des États membres de l’Union qui i) exerce légalement la profession de vétérinaire en Roumanie, conformément aux dispositions visées à l’article 2 de cette loi, ii) ne se trouve pas dans l’un des cas d’indignité prévus par la législation en vigueur, et iii) est médicalement apte à l’exercice de la profession de
vétérinaire. Toutefois, aux termes de l’article 17 de la loi no 160/1998, les conditions de l’article 16 ne s’appliquent pas en cas d’exercice de la profession par des ressortissants des États membres de l’Union, de l’Espace économique européen et de la Suisse sous la forme de prestations de services. Dans un tel cas, les ressortissants des États mentionnés sont inscrits au registre unique, sans acquérir la qualité de membre.
16. Aux termes de l’article 28, paragraphe 1, de la loi no 160/1998 :
« Dans l’exercice de sa profession, un vétérinaire agréé est organisé et exerce dans le cadre :
a) d’un cabinet vétérinaire, qui peut prendre l’une des formes suivantes :
1. un cabinet vétérinaire ; ou
2. des cabinets vétérinaires associés.
b) d’une société ayant pour objet principal les activités vétérinaires […] »
17. Aux termes de l’article 32 de la loi no 160/1998 :
« 1) L’acte constitutif des cabinets vétérinaires est le certificat d’inscription au [registre unique] […] Le certificat d’inscription au registre unique est exigé pour obtenir l’autorisation de fonctionnement du cabinet ; une copie dudit certificat est délivrée au titulaire.
2) Le [registre unique] est tenu par [l’ordre des vétérinaires]. »
18. Aux termes de l’article 37 de la loi no 160/1998 :
« 1) Les médicaments et produits antiparasitaires à usage vétérinaire sont commercialisés uniquement par des entrepôts, points pharmaceutiques et pharmacies vétérinaires légalement autorisés.
2) Les produits biologiques à usage vétérinaire sont commercialisés uniquement par des entrepôts vétérinaires autorisés et sont utilisés seulement par des vétérinaires ou des personnes physiques ou morales autorisées, dans le cadre de l’acte médical vétérinaire. »
b) Le statut des vétérinaires
19. L’article 1er, sous m), du statut des vétérinaires, qui a été adopté par la décision no 3/2013 ( 9 ) de l’ordre des vétérinaires, comporte la définition suivante :
« [registre unique] – document officiel et public géré par le bureau exécutif du conseil national de l’ordre des vétérinaires, dans lequel figurent :
– tous les établissements de soins vétérinaires ayant ou non la personnalité morale autorisés à exercer en Roumanie ;
– les pharmacies vétérinaires et les points pharmaceutiques vétérinaires, si leur capital est détenu exclusivement par des vétérinaires ou s’il est constitué autrement à la suite de modifications législatives ultérieures […] »
20. L’article 37 du statut des vétérinaires dispose :
« 1) Dans le cas du commerce de détail des produits vétérinaires, les vétérinaires agréés sont organisés exclusivement sous la forme de personnes morales, dans le respect des conditions prévues par la [loi no 160/1998], et exercent leur activité dans les établissements vétérinaires autorisés suivants : a) points pharmaceutiques vétérinaires ; b) pharmacies vétérinaires.
[…]
3) Les vétérinaires ressortissants des États membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse qui possèdent des diplômes, certificats ou autres documents établissant la qualification de vétérinaire délivrés par des établissements d’enseignement vétérinaire de ces États ou d’États tiers et reconnus conformément à la loi peuvent être actionnaires des établissements vétérinaires sans obligation d’être membres de l’ordre des vétérinaires et de posséder un certificat
attestant leur droit d’exercer.
[…] »
21. Aux termes de l’article 38 du statut des vétérinaires :
« 1) Les médicaments et les produits antiparasitaires à usage vétérinaire sont commercialisés, dans les conditions prévues par la loi, uniquement par les entrepôts, les points pharmaceutiques et les pharmacies vétérinaires bénéficiant d’une autorisation sanitaire vétérinaire.
2) Les produits biologiques à usage vétérinaire sont commercialisés uniquement par les entrepôts vétérinaires autorisés.
3) Les médicaments, les produits antiparasitaires à usage vétérinaire et les produits biologiques à usage vétérinaire sont utilisés et administrés uniquement par les vétérinaires, titulaires ou employés des unités médicales vétérinaires de soins ou de consultation […] »
22. L’article 39 du statut des vétérinaires énonce :
« Le certificat attestant du droit d’exercer la médecine vétérinaire […] est le document délivré par le bureau exécutif du conseil départemental, ou du conseil de la ville de Bucarest, de l’ordre des vétérinaires, à la demande des vétérinaires, en vue d’obtenir l’autorisation d’exercer la médecine vétérinaire dans le cadre des établissements de soins vétérinaires et des pharmacies vétérinaires qui pratiquent le commerce de détail des médicaments vétérinaires. »
c) Les règles sanitaires vétérinaires
23. Par arrêté no 83/2014 du 22 juillet 2014 ( 10 ), l’autorité nationale a adopté les règles sanitaires vétérinaires concernant les conditions d’organisation et de fonctionnement des pharmacies vétérinaires ainsi que la procédure d’enregistrement sanitaire vétérinaire ou d’autorisation sanitaire vétérinaire des établissements et des activités relevant du domaine pharmaceutique vétérinaire.
24. L’article 3, sous a), des règles sanitaires vétérinaires prévoit que, par « pharmacie vétérinaire », l’on entend un établissement pharmaceutique vétérinaire qui détient et vend au détail des médicaments vétérinaires, de la nourriture pour animaux, des aliments médicamenteux et d’autres produits à usage vétérinaire, des instruments et appareils médicaux, des dispositifs médicaux et des accessoires pour animaux, dans le respect des dispositions légales. L’article 3, sous h), de ces mêmes règles
prévoit que, par « point pharmaceutique vétérinaire », l’on entend un établissement pharmaceutique vétérinaire dont l’activité consiste dans le commerce de détail des seuls médicaments vétérinaires délivrés sans prescription médicale vétérinaire, d’autres produits d’usage vétérinaire, d’instruments et appareils médicaux, de dispositifs médicaux, d’accessoires pour animaux ainsi que de nourriture pour animaux.
25. L’article 11 des règles sanitaires vétérinaires dispose :
« Le personnel spécialisé d’une pharmacie vétérinaire comprend :
a) le personnel ayant fait des études supérieures spécialisées dans le domaine de la médecine vétérinaire ;
b) le personnel ayant suivi une formation d’enseignement secondaire en médecine vétérinaire, médecine humaine, pharmacie, chimie ou biologie ;
c) le personnel administratif. »
26. Aux termes de l’article 12 des règles sanitaires vétérinaires :
« 1) Il n’est pas obligatoire d’employer dans une pharmacie vétérinaire du personnel ayant fait des études secondaires spécialisées.
2) Une pharmacie vétérinaire ne peut fonctionner qu’en présence d’un vétérinaire détenteur d’un certificat qui atteste son droit d’exercer, délivré par l’ordre des vétérinaires.
3) Les médicaments vétérinaires d’une pharmacie vétérinaire sont vendus uniquement au détail par le personnel prévu à l’article 11, sous a) et b). »
27. L’article 14 des règles sanitaires vétérinaires prévoit que le personnel visé à l’article 11, sous b), n’exerce ses activités qu’en présence et sous la direction d’un vétérinaire et qu’il doit connaître la législation sanitaire vétérinaire en vigueur.
28. L’article 23, paragraphes 1 et 2, des règles sanitaires vétérinaires correspond, en ce qui concerne le personnel des points pharmaceutiques vétérinaires, aux règles énoncées à l’article 11, sous a) à c), et à l’article 12, paragraphe 1. En outre, l’article 23, paragraphe 3, précise qu’un point pharmaceutique vétérinaire ne peut fonctionner qu’en présence du personnel prévu à l’article 11, sous b).
29. Selon l’article 24 des règles sanitaires vétérinaires, les médicaments vétérinaires délivrés sans prescription médicale, les autres produits à usage vétérinaire, ainsi que la nourriture et les accessoires pour animaux sont les seuls produits pouvant être commercialisés dans les points pharmaceutiques vétérinaires. En outre, en vertu de l’article 25 desdites règles, il est interdit de commercialiser dans les points pharmaceutiques vétérinaires des médicaments vétérinaires immunologiques, des
médicaments vétérinaires délivrés sur prescription médicale vétérinaire et des aliments médicamenteux.
30. L’article 43, sous j), des règles sanitaires vétérinaires prévoit :
« En vue d’obtenir l’autorisation sanitaire vétérinaire de fonctionnement des pharmacies vétérinaires, le représentant légal de l’entité doit déposer, auprès de l’autorité de santé vétérinaire et de sécurité alimentaire compétente, un dossier contenant les documents suivants :
[…]
j) une copie du certificat d’inscription au registre unique […] »
31. L’article 51, sous g), des règles sanitaires vétérinaires soumet les points pharmaceutiques vétérinaires à la même obligation que celle énoncée à l’article 43, sous j).
32. Par arrêté no 31/2015 du 26 mars 2015 (ci-après l’« arrêté litigieux ») ( 11 ), l’autorité nationale a abrogé l’article 43, sous j), et l’article 51, sous g), des règles sanitaires vétérinaires.
II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles
33. À la suite de l’adoption de l’arrêté litigieux, l’ordre des vétérinaires a introduit un recours devant la juridiction de renvoi tendant à l’annulation de cet arrêté, au motif, notamment, qu’il viole l’article 4, point i), de la loi no 160/1998.
34. Dans ce recours, l’ordre des vétérinaires soutient que, conformément à l’article 4, sous i), de la loi no 160/1998, l’exclusivité véritable dans le commerce de détail des médicaments à usage vétérinaire exige que les vétérinaires disposent d’un droit de décision et ne saurait exister s’ils ont la seule qualité d’associés minoritaires. Par conséquent, il fait valoir que les actions des sociétés commerciales qui demandent l’enregistrement ou l’autorisation de pharmacies et de points
pharmaceutiques vétérinaires doivent être détenues de façon exclusive ou du moins majoritaire par des vétérinaires agréés. Renvoyant à l’article 1er, sous m), du statut des vétérinaires, l’ordre des vétérinaires soutient que, dès lors qu’il tient le registre unique, il connaît le mieux la situation des vétérinaires roumains. En témoignerait le fait que l’ordre des vétérinaires dispose de moyens afin d’assurer le respect de l’article 4, sous i), de la loi no 160/1998. L’ordre des vétérinaires
affirme que, dans les faits, l’obligation d’exclusivité n’est pas respectée, puisque les autorités sanitaires vétérinaires compétentes délivrent désormais des autorisations à des sociétés dans lesquelles le vétérinaire non seulement n’est pas un actionnaire unique, mais n’est même pas un actionnaire majoritaire.
35. L’autorité nationale soutient, dans son mémoire en réponse, que le Ministerul Afacerilor Externe (ministère des Affaires étrangères, Roumanie) avait émis des doutes lorsqu’il avait été consulté au cours de la procédure ayant abouti à l’adoption des règles sanitaires vétérinaires. Ce ministère avait fait référence, en particulier, à un échange de points de vue avec la Commission européenne en ce qui concerne la compatibilité de la réglementation roumaine en cause avec la directive 2006/123,
notamment l’obligation selon laquelle les vétérinaires doivent détenir 100 % des actions des sociétés qui exploitent des pharmacies vétérinaires situées sur le territoire roumain. L’autorité nationale a également renvoyé à l’avis du Consiliul Concurenţei (Conseil de la concurrence, Roumanie), qui avait indiqué l’existence d’une éventuelle restriction de la concurrence sur le marché du commerce de détail des médicaments vétérinaires dans les pharmacies vétérinaires du fait des dispositions de
l’article 43, sous j), des règles sanitaires vétérinaires. Compte tenu des observations qu’elle a reçues, l’autorité nationale considère que l’exclusivité prévue à l’article 4, sous i), de la loi no 160/1998 concerne l’activité de vétérinaire et non pas l’activité de l’établissement dans lequel celui-ci travaille. La loi no 160/1998 n’impose pas aux sociétés d’être détenues exclusivement par des vétérinaires, étant donné qu’un vétérinaire peut travailler pour une telle société et garantir ainsi
le respect des règles en matière d’exclusivité de l’activité de commerce de détail, d’utilisation et d’administration des produits en cause.
36. L’association nationale des distributeurs, qui est intervenue au soutien de l’autorité nationale, fait valoir, notamment, que la réglementation roumaine en cause donne lieu à une compétence exclusive qui restreint les conditions dans lesquelles les établissements vétérinaires peuvent être créés et détenus ainsi que les conditions de transaction et de commercialisation des produits vétérinaires. L’association nationale des distributeurs soutient que ces restrictions constituent une distorsion de
concurrence, car la réglementation en question viole les libertés économiques inscrites dans les traités, aux articles 67 et 69 ( 12 ) de la directive 2001/82, ainsi que dans plusieurs autres dispositions.
37. Dans ces conditions, la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le droit de l’Union s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui prévoit, en faveur des vétérinaires, une exclusivité du commerce de détail et de l’utilisation des produits biologiques, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments à usage vétérinaire ?
2) Si une telle exclusivité est conforme au droit de l’Union, ce dernier s’oppose-t-il à ce qu’elle concerne également les établissements qui exercent un tel commerce, au sens d’une exigence qu’ils soient détenus majoritairement ou exclusivement par un ou plusieurs vétérinaires ? »
38. Des observations écrites ont été présentées par l’ordre des vétérinaires, l’association nationale des distributeurs, le gouvernement roumain, ainsi que la Commission. À l’exception de l’ordre des vétérinaires, ces parties sont intervenues lors de l’audience qui s’est tenue le 28 juin 2017.
III. Analyse
A. Sur les questions de forme
1. Sur les prétendues insuffisances de la décision de renvoi
39. Dans ses observations écrites, l’association nationale des distributeurs soutient que la présente demande de décision préjudicielle est irrecevable, car les questions posées supposeraient que la Cour choisisse la règle du droit de l’Union qui doit être interprétée. Les parties n’ont pas la possibilité de connaître ce choix ou de présenter des observations en ce sens.
40. L’association nationale des distributeurs considère également que la décision de renvoi ne contient pas les éléments de fait et de droit pertinents, ce qui l’amène à proposer de reformuler et compléter cette ordonnance.
41. Ces objections doivent toutefois être écartées.
42. La juridiction de renvoi indique bel et bien, dans le corps de la décision de renvoi, les dispositions du droit de l’Union qu’elle considère comme pertinentes ( 13 ). La décision de renvoi est ainsi conforme à l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour. De plus, le fait que la Cour devra probablement identifier les dispositions précises du droit de l’Union applicables dans l’affaire au principal n’entraîne pas l’irrecevabilité de la décision de renvoi. L’association nationale
des distributeurs a eu la possibilité d’indiquer quelles sont les règles qu’elle estime applicables ( 14 ).
43. En ce qui concerne la nécessité de reformuler ou de compléter les questions préjudicielles, j’y reviendrai au point 55 des présentes conclusions.
2. Sur la présence d’un élément transfrontalier
44. Dans ses observations, la Commission soulève la question de savoir si l’affaire au principal porte sur une situation purement interne, et considère que tel n’est pas le cas. En tout état de cause, elle estime que la directive 2006/123 s’applique également aux situations purement internes.
45. Dans ces circonstances, la Cour doit vérifier sa propre compétence pour se prononcer sur l’interprétation demandée, puisqu’elle n’est pas compétente lorsqu’il est manifeste que la disposition du droit de l’Union soumise à son interprétation ne peut pas s’appliquer. Cela peut, en principe, être le cas lorsque l’ensemble des éléments pertinents du litige au principal se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre ( 15 ).
46. Je partage l’avis de la Commission selon lequel la présente demande de décision préjudicielle ne concerne pas une situation purement interne. Dans l’affaire au principal, l’ordre des vétérinaires demande l’annulation de l’arrêté litigieux, qui simplifie certaines formalités pour la création de cabinets vétérinaires. La décision de renvoi indique les raisons pour lesquelles il ne s’agit pas d’une situation purement interne. Elle résume l’échange de points de vue entre la Roumanie et la Commission
concernant les effets que la réglementation roumaine en cause est susceptible d’avoir sur les opérateurs économiques d’autres États membres dans l’exercice de l’activité de vétérinaire, notamment par l’intermédiaire de la détention d’actions dans des sociétés établies en Roumanie, créées à cet effet.
47. Dans ces conditions, j’estime que la décision de renvoi contient suffisamment de précisions sur les raisons pour lesquelles une décision de la Cour interprétant les règles du traité relatives à la libre circulation est nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de statuer sur le litige pendant devant elle ( 16 ).
48. Compte tenu de ces éléments, il n’y a, a fortiori, pas lieu pour la Cour de se prononcer sur l’argument avancé par la Commission à titre subsidiaire, selon lequel la directive 2006/123 pourrait s’appliquer même dans un litige dont tous les éléments se cantonneraient à l’intérieur d’un seul État membre ( 17 ).
B. Sur le fond
1. Les dispositions applicables
49. Dans la mesure où le libellé des deux questions préjudicielles fait simplement mention du « droit de l’Union », il convient de déterminer si la réglementation roumaine en cause doit être examinée au regard des règles relatives à la libre circulation consacrées dans le traité FUE ou bien au regard de la directive 2006/123 ( 18 ).
50. Dans l’arrêt Rina Services e.a. ( 19 ), la Cour n’a pas explicitement dit pour droit que les règles nationales qui entrent dans le champ d’application tant de la directive 2006/123 que des articles 49 et 56 TFUE devaient uniquement être examinées au regard de ces dernières dispositions ( 20 ). Toutefois, quand bien même cela pourrait surprendre, cet arrêt semble avoir précisément cet effet. Selon cet arrêt, nonobstant l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2006/123, les États membres ne
peuvent invoquer les raisons énoncées à l’article 52, paragraphe 1, TFUE, pour déroger à la directive 2006/123 ( 21 ).
51. Il peut donc être déduit de cet arrêt que les questions préjudicielles doivent être examinées au regard de la directive 2006/123.
52. Il convient d’ajouter que, bien que les « services de soins de santé » soient exclus du champ d’application de la directive 2006/123 au titre de son article 2, paragraphe 2, sous f), comme l’a relevé la Commission, les « services de soins de santé » sont, aux termes du considérant 22 de ladite directive, des services fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé ( 22 ). Étant donné que ce n’est pas le cas pour la fourniture de
services de soins vétérinaires, la directive 2006/123 demeure applicable dans l’affaire au principal, conformément à son article 2, paragraphe 1.
53. Je tiens également à préciser qu’il ne découle pas des points précédents que l’application concomitante de l’article 63 TFUE soit exclue. Relèvent de cette disposition les investissements directs sous forme de participation à une entreprise par la détention d’actions qui confère la possibilité de participer effectivement à sa gestion et à son contrôle, ainsi que les investissements de portefeuille ( 23 ). Toutefois, si la réglementation roumaine en cause produit des effets restrictifs sur la
libre circulation des capitaux, ceux-ci seraient la conséquence inéluctable d’une éventuelle entrave à la liberté d’établissement et ne justifieraient pas un examen autonome au regard de l’article 63 TFUE ( 24 ). Il va de soi que, compte tenu des enseignements tirés de l’arrêt Rina Services e.a. ( 25 ), il doit également en aller ainsi en ce qui concerne les restrictions identifiées, non pas directement au titre de l’article 49 TFUE, mais plutôt au titre de la directive 2006/123.
54. Par conséquent, mon analyse sera uniquement fondée sur la directive 2006/123.
2. Sur la première question
55. Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, savoir si la directive 2006/123 s’oppose à des règles nationales, telles que celles en cause dans l’affaire au principal, qui prévoient, en faveur des vétérinaires, une exclusivité du commerce de détail, de l’utilisation et de l’administration des produits biologiques vétérinaires, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments à usage vétérinaire.
a) Sur l’existence d’une exigence à évaluer : article 15, paragraphe 2, de la directive 2006/123
56. En réservant aux vétérinaires le commerce de détail et l’utilisation des produits biologiques, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments à usage vétérinaire, la réglementation roumaine en cause, en particulier l’article 4, sous i), de la loi no 160/1998, relève très clairement du type d’exigence qui doit être évaluée au titre de l’article 15, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 ( 26 ). Le gouvernement roumain ne le conteste pas.
57. Cette réglementation confère tout simplement aux vétérinaires un monopole légal sur la commercialisation au détail, l’utilisation et l’administration des produits concernés.
58. À l’article 15, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123, la référence à, premièrement, la directive 2005/36 et, secondement, d’autres instruments de l’Union, tels que la directive 2001/82, modifie‑t‑elle cette appréciation ? L’ordre des vétérinaires semble être de cet avis.
59. Pour ma part, je ne le pense pas.
60. Tout d’abord, aucune des règles de la directive 2005/36 mentionnées dans la décision de renvoi ne justifient un traitement exclusif. L’article 38, paragraphe 3, de la directive 2005/36 ne fait qu’harmoniser les exigences relatives à la formation de vétérinaire et, notamment, les connaissances que ces professionnels doivent détenir. Il ne limite pas le commerce de détail, l’utilisation et l’administration des produits en cause aux vétérinaires.
61. Ensuite, bien que l’article 66 de la directive 2001/82 oblige les États membres à prendre toutes dispositions utiles pour que la vente au détail de médicaments vétérinaires ne soit effectuée que par les personnes qui y sont habilitées en vertu de la législation de l’État membre concerné, cette disposition ne prévoit pas que ces personnes puissent uniquement être des vétérinaires.
62. En outre, le fait que l’article 67 de la directive 2001/82 fait référence à des règles nationales plus strictes concernant la délivrance des médicaments vétérinaires est sans incidence. En effet, cette disposition vise l’acquisition de tels produits par l’utilisateur final, et non pas la faculté de limiter l’activité en cause aux vétérinaires.
63. J’en conclus donc que la réglementation roumaine en cause constitue une exigence d’être évaluée au titre de l’article 15, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123. Il reste à déterminer si cette exigence remplit les conditions énumérées à l’article 15, paragraphe 3, de ladite directive.
b) Motifs de justification : article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123
64. En vertu de l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123, les États membres doivent vérifier que toute exigence visée à l’article 15, paragraphe 2, de cette directive, prévue dans leur système juridique, est a) non discriminatoire, b) nécessaire, et c) proportionnée.
65. Bien que, à première vue, cette disposition tente de codifier la jurisprudence Gebhard ( 27 ), il semblerait découler du libellé de l’article 15, paragraphe 3, sous a), de la directive 2006/123 que les exigences qui sont indirectement discriminatoires ne sauraient être justifiées. Cela irait au-delà des exigences posées par cette jurisprudence ( 28 ). Quoi qu’il en soit, les ressortissants des autres États membres sont autorisés à s’établir en Roumanie en tant que vétérinaires, obtenant ainsi le
droit de commercialiser au détail, d’utiliser et d’administrer les produits en cause. De plus, il n’a pas été avancé dans l’affaire au principal que la réglementation roumaine en cause, bien qu’indistinctement applicable, ait tendance à favoriser les ressortissants roumains.
66. S’agissant de la question de savoir si la réglementation roumaine en cause est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, le gouvernement roumain soutient que cette réglementation est nécessaire afin de protéger la santé publique, qui constitue une telle raison ( 29 ). En outre, ce même gouvernement cite le considérant 2 de la directive 2001/82, où il est précisé que « [t]oute réglementation en matière de production et de distribution des médicaments vétérinaires doit avoir comme
objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique ».
67. Le gouvernement roumain peut-il toutefois véritablement invoquer la protection de la santé publique, alors même que les produits en cause ne sont peut-être pas destinés à la consommation humaine ? C’est là une question essentielle, étant donné que la fourniture de services vétérinaires ne constitue pas des « services de soins de santé » au titre de l’article 2, paragraphe 2, sous f), de la directive 2006/123.
68. J’aurais cependant tendance à considérer que tel est le cas.
69. En effet, la question de savoir quels sont les services qui relèvent du champ d’application de la directive 2006/123 doit être distinguée de celle visant à savoir quelles sont les raisons impérieuses qu’un État membre peut invoquer pour justifier une exigence au titre de l’article 15, paragraphe 3, de ladite directive. Par ailleurs, l’article 15, paragraphe 3, sous b), de cette même directive ne limite pas les raisons impérieuses qui peuvent être invoquées par un État membre. Partant, il n’y a
aucune incompatibilité avec l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Rina Services e.a. ( 30 ).
70. De surcroît, comme le gouvernement roumain l’a démontré, de nombreux instruments du droit de l’Union confirment, pour des raisons qui sont évidentes, qu’il existe un lien entre la santé ou le bien-être des animaux et la santé publique. C’est particulièrement le cas dans le domaine de la sécurité alimentaire, où le lien entre la santé des animaux et la santé publique est probablement le plus fort ( 31 ). Assurer un approvisionnement sûr et de qualité des médicaments vétérinaires sur tout le
territoire national me semble être un objectif légitime ( 32 ).
71. Il reste à examiner la question de savoir si ces règles i) sont propres à assurer la réalisation de l’objectif visant à protéger la santé publique, ii) ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, et iii) ne peuvent pas être remplacées par d’autres mesures moins restrictives permettant d’obtenir le même résultat.
72. À cet égard, d’une part, il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il convient dès lors de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation ( 33 ).
73. D’autre part, l’État membre concerné doit apporter les preuves nécessaires, à l’aide des données statistiques, ponctuelles ou par d’autres moyens, permettant raisonnablement d’estimer que les moyens choisis sont aptes à réaliser les objectifs poursuivis et que des mesures moins restrictives de la liberté fondamentale de libre circulation et, de la même façon, de la directive 2006/123 ne permettent pas de les atteindre ( 34 ).
74. Il semble évident que la réglementation roumaine en cause, qui transpose l’article 66 de la directive 2001/82, est propre à assurer la réalisation de l’objectif visant à protéger la santé publique. Le fait de réserver aux vétérinaires le droit de commercialiser au détail, d’utiliser et d’administrer les produits en cause est une façon de veiller à ce que la quantité de médicaments vétérinaires prescrite et délivrée soit limitée à ce qui est nécessaire pour le traitement ou la thérapie concernés,
conformément à l’article 67 de la directive 2001/82. À cet égard, ainsi que l’ordre des vétérinaires le soutient en substance, la prescription de doses trop élevées de médicaments vétérinaires pour lesquels une ordonnance est exigée, tels que les antibiotiques, soulève de graves préoccupations pour la santé publique ( 35 ). Cette préoccupation se retrouve au niveau de l’Union ( 36 ).
75. Cela ne répond cependant pas à la question de savoir si la réglementation roumaine en cause va au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger la santé publique et si elle peut être remplacée par d’autres mesures moins restrictives qui permettent d’obtenir le même résultat.
76. La juridiction de renvoi est évidemment la mieux placée pour répondre à cette question ( 37 ).
77. Cela étant, je vais à présent expliquer pourquoi je considère que le monopole légal en cause dans l’affaire au principal ne satisfait pas aux exigences découlant du principe de proportionnalité.
78. Lors de l’audience, le gouvernement roumain a précisé que les produits en cause exigent une prescription médicale d’un vétérinaire comme condition préalable à leur acquisition. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier cette affirmation, en gardant à l’esprit que les arguments présentés dans le cadre de l’affaire au principal ne justifient pas le maintien d’un monopole légal en ce qui concerne des produits pour lesquels une telle prescription n’est pas obligatoire ( 38 ).
79. Indépendamment de cela, il n’apparaît pas clairement pour quelle raison il serait absolument nécessaire qu’un vétérinaire ait l’exclusivité de la commercialisation au détail des produits en cause tout en conservant la compétence exclusive pour les prescrire. Plus précisément, ainsi que la Commission l’a relevé lors de l’audience, il est envisageable que d’autres personnes dûment qualifiées puissent également commercialiser les produits en cause, telles que des pharmaciens ou d’autres personnes
ayant une formation professionnelle avancée dans le domaine pharmaceutique. En réponse à la Commission, le gouvernement roumain a indiqué, lors de l’audience, que la profession de pharmacien vétérinaire n’est pas réglementée en Roumanie. Il a en outre constaté, à juste titre, que, conformément au programme d’études que les vétérinaires doivent suivre au titre de l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2005/36, tel qu’il est défini au point 5.4.1 de l’annexe V de ladite directive, les
vétérinaires suivent une formation en pharmacie et possèdent donc les compétences requises pour commercialiser les produits concernés. Or, le gouvernement roumain n’a pas expliqué de quelle manière cette formation différencierait les vétérinaires des pharmaciens « conventionnels » qui ont également fait des études de pharmacie. À cet égard, même si les pharmaciens auraient tout autant un intérêt privé à réaliser des bénéfices lors de la commercialisation au détail de médicaments vétérinaires, le
fait d’autoriser un tiers indépendant à commercialiser également au détail ces produits sur présentation d’une prescription médicale vétérinaire permettrait de tempérer cet intérêt ( 39 ).
80. Par ailleurs, il n’apparaît pas que la surconsommation ou l’utilisation incorrecte de médicaments vétérinaires risque d’entraîner un gaspillage de ressources financières pour les organismes d’assurance maladie concernés ( 40 ). Au contraire, puisque ce sont les utilisateurs finaux qui doivent normalement financer l’acquisition de ces produits (que ce soit en souscrivant à une assurance santé privée pour les animaux ou par leurs propres moyens), ces utilisateurs finaux devraient pouvoir librement
choisir d’acheter ces produits auprès d’un vétérinaire ou par l’intermédiaire d’un autre canal de vente au détail approprié.
81. Au vu de ce qui précède, le gouvernement roumain ne s’est, selon moi, pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombe conformément à la jurisprudence visée au point 73 des présentes conclusions.
82. Dès lors, je propose à la Cour de répondre à la première question que l’article 15 de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui prévoit, en faveur des vétérinaires, une exclusivité du commerce de détail, de l’utilisation et de l’administration des produits biologiques vétérinaires, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments à usage vétérinaire ne remplit pas l’obligation de proportionnalité énoncée à l’article 15,
paragraphe 3, sous c), de cette directive, dans la mesure où cette réglementation :
– couvre également les produits pour lesquels une prescription médicale d’un vétérinaire n’est pas obligatoire ; ou bien
– n’autorise pas les personnes ayant reçu une formation professionnelle en pharmacie, qui ne sont pas des vétérinaires, à commercialiser au détail ces produits, le cas échéant conformément aux instructions figurant dans une prescription médicale vétérinaire délivrée par un vétérinaire si ces produits peuvent uniquement être achetés sur prescription médicale vétérinaire.
Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal.
3. Sur la seconde question
83. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir si la directive 2006/123 s’oppose à des règles nationales, telles que la réglementation roumaine en cause dans l’affaire au principal, qui prévoient non seulement que les vétérinaires ont l’exclusivité du commerce de détail, de l’utilisation et de l’administration des produits en cause, mais également que les établissements qui commercialisent ces produits doivent être majoritairement ou exclusivement détenus par un
ou plusieurs vétérinaires.
84. Il découle du libellé de cette question, qui est posée à titre subsidiaire, que la Cour ne devra y répondre que si elle ne répond pas par l’affirmative à la première question préjudicielle. À mon sens, la réglementation roumaine en cause, telle qu’elle a été présentée à la Cour, n’est pas compatible avec la directive 2006/123. Toutefois, par souci d’exhaustivité, je donnerai mon avis sur la seconde question, en gardant à l’esprit que les observations formulées aux points 55 à 82 des présentes
conclusions restent pertinentes dans le cadre de l’examen de cette question.
85. Dans ses observations, la Commission identifie deux exigences découlant de la réglementation roumaine en cause. Premièrement, l’exigence selon laquelle les pharmacies vétérinaires et les points pharmaceutiques vétérinaires peuvent uniquement être reconnus en tant que personnes morales. Secondement, l’exigence que leur capital soit détenu exclusivement (et non majoritairement) par des vétérinaires.
86. Or, la seconde question préjudicielle ne vise pas la nature de la personnalité – qu’elle soit morale ou physique – des établissements qui commercialisent ces produits. Je n’examinerai donc pas ce point, dès lors qu’il n’entre pas dans le périmètre de cette question ( 41 ).
87. Sur le fond, l’exigence que les produits en cause doivent être vendus dans des pharmacies vétérinaires ou des points pharmaceutiques vétérinaires détenus majoritairement ou exclusivement par des vétérinaires ( 42 ) concerne l’actionnariat des « sociétés » ou, en l’espèce, des établissements de commerce de détail. Cette exigence est contestable au titre de l’article 15, paragraphe 2, sous c), de la directive 2006/123.
88. S’agissant de la question de savoir si cette exigence remplit les conditions prévues à l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123, les observations que j’ai formulées au titre de la première question préjudicielle répondent dans une certaine mesure à cette question – avant tout sur le point de savoir s’il existe une raison impérieuse d’intérêt général.
89. Toutefois, comme j’ai eu l’occasion de conclure dans une autre affaire, la jurisprudence montre que la Cour demeure à juste titre sceptique à l’égard des atteintes que les États membres portent à la liberté d’établissement en réglementant de manière détaillée une structure de marché ou une situation concurrentielle donnée, sous prétexte, notamment, d’assurer un service de haute qualité aux clients et aux consommateurs ( 43 ). Il me semble que les restrictions à la propriété ou à la structure
économique d’un établissement relèvent de la même catégorie et doivent être traitées avec une certaine dose de méfiance.
90. Dans ses observations, la Commission prône le point de vue de base selon lequel la protection de la santé et de la vie des animaux ne saurait justifier l’exigence litigieuse relative à la détention du capital dans la même mesure que la protection de la santé et de la vie des personnes.
91. Cette affirmation semble avoir une portée plus philosophique que pratique. Certes, la Cour a constamment reconnu que la vie et la santé des personnes occupent le premier rang parmi les intérêts protégés par le traité ( 44 ). Pour autant, il n’est pas nécessaire, me semble-t-il, que la Cour précise dans quelle mesure la santé et la vie des personnes « priment » sur la santé et la vie des animaux. Cette proposition laisse également quelque peu perplexe compte tenu de la déclaration politique
récente faite par la Commission elle-même ( 45 ).
92. En effet, premièrement, comme indiqué aux points 70 et 74 des présentes conclusions, il existe un lien entre la protection de la vie et de la santé des personnes et la protection de la vie et de la santé des animaux.
93. Deuxièmement, en affirmant que les effets thérapeutiques des médicaments à usage vétérinaire visent « en premier lieu » les animaux, et que leur utilisation incorrecte ou sans nécessité ne nuit « pas directement » à la santé humaine, la Commission reconnaît que ces médicaments ont des effets secondaires et indirects sur les personnes. En d’autres termes, il est constant que la protection de la santé publique (des personnes) demeure pertinente.
94. Troisièmement, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé des personnes, les États membres peuvent être autorisés, en vertu du principe de précaution, à prendre des mesures de protection à l’égard des pratiques médicales vétérinaires sans avoir à attendre que la réalité des risques pour les personnes soit pleinement démontrée.
95. Partant, au lieu de répondre à cette question somme toute académique, la Cour devrait simplement se concentrer sur la question de savoir si la fin invoquée justifie les moyens, c’est-à-dire si la protection de la santé publique justifie une restriction liée à la détention du capital des établissements qui commercialisent au détail les produits en cause.
96. Sans préciser clairement le seuil applicable, la décision de renvoi indique que la Commission et le gouvernement roumain ont eu des échanges de vue sur la possibilité de diminuer la proportion du capital d’une pharmacie vétérinaire ou d’un point pharmaceutique vétérinaire qui doit être détenue par des vétérinaires en vertu de la réglementation roumaine en cause ( 46 ). Toutefois, il convient d’admettre que, lors de l’audience, il n’a aucunement été clairement indiqué en quoi consistait
réellement ce seuil, dans la mesure où les avis des parties divergeaient sur la manière dont le droit national devait être interprété. C’est de toute évidence une question qu’il appartient à la juridiction de renvoi de trancher et il convient de garder cela à l’esprit en lisant les observations qui suivent.
97. Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l’arrêt Commission/France (C‑89/09, EU:C:2010:772), par lequel la Cour a partiellement rejeté un recours visant à faire constater que, en maintenant en vigueur des règles limitant à un maximum de 25 % des parts sociales, et donc des droits de vote, d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) exploitant des laboratoires d’analyses de biologie médicale, la participation qui peut être détenue par des
non-biologistes, la République française avait violé (ce qui est désormais) l’article 49 TFUE. En particulier, la Cour a jugé que le caractère restrictif de ces règles était justifié par des raisons de santé publique et remplissait les exigences liées à la proportionnalité ( 47 ). Le fait que le plafond de détention de 25 % des parts sociales applicable aux non-biologistes permettait aux biologistes d’avoir une influence certaine sur les décisions les plus importantes prises au sein de la
société – autrement dit, de garder la maîtrise de ces décisions – a été déterminant dans l’appréciation de la Cour ( 48 ).
98. Cela dit, il me semble que, dans cet arrêt, en ne constatant pas une violation de l’article 49 TFUE, la Cour a fait preuve d’une retenue singulière. Cela pourrait s’expliquer par le rôle apparemment unique et central qu’occupent les biologistes dans le secteur des soins de santé français ( 49 ). Je ne suis pas convaincu qu’il en aille de même pour les vétérinaires. En effet, même le gouvernement roumain ne propose pas une interprétation aussi stricte de son propre droit ( 50 ).
99. Par conséquent, j’estime que la réglementation roumaine en cause va au‑delà de ce qui est nécessaire, même si l’exigence relative à la détention du capital est interprétée en ce sens que seule une détention majoritaire des pharmacies vétérinaires et des points vétérinaires pharmaceutiques par les vétérinaires est requise.
100. En effet, d’une part, cette exigence ne saurait être justifiée par la nécessité de sauvegarder l’indépendance professionnelle des vétérinaires ( 51 ). Certes, la Cour a reconnu qu’il existe un véritable risque que des personnes qui ne sont pas membres d’une certaine profession du secteur des soins de santé puissent prendre le contrôle d’une société, dès lors qu’elles pourraient être tentées de renoncer à réaliser des tâches moins rentables ou plus compliquées ou de réduire leur activité de
conseil ( 52 ). Toutefois, comme je l’ai mentionné au point 79 des présentes conclusions, en l’espèce, rien n’empêche les vétérinaires d’en faire de même, étant donné qu’ils ont, à eux seuls, la compétence pour prescrire des médicaments vétérinaires. La simple perspective d’une procédure disciplinaire professionnelle, bien qu’elle constitue indéniablement une sorte de garde-fou, ne supprime pas ce risque.
101. D’autre part, l’obligation pour les vétérinaires de détenir la totalité ou la majorité du capital des pharmacies vétérinaires et des points pharmaceutiques vétérinaires ne permet pas de conclure, notamment, que des médicaments vétérinaires plus efficaces et en moindres quantités pourraient être prescrits, ou que les clients et patients seraient mieux conseillés. À cet égard, il découle de la seule lecture combinée de l’article 12, paragraphe 2, et des articles 24 et 25 des règles sanitaires
vétérinaires que les produits pharmaceutiques vétérinaires délivrés sur prescription médicale vétérinaire peuvent uniquement être vendus dans des pharmacies vétérinaires, en présence et sous la supervision d’un vétérinaire. En ce qui concerne les produits vétérinaires pour lesquels une telle prescription n’est pas requise – qui peuvent également être vendus dans des points pharmaceutiques vétérinaires – l’article 23, paragraphe 3, des règles sanitaires vétérinaires exige, au minimum, la
présence d’un personnel ayant fait des études supérieures spécialisées. Rien ne permet donc de supposer que l’exigence litigieuse relative à la détention du capital a une quelconque valeur ajoutée par rapport aux règles autrement applicables.
102. Par conséquent, je propose de répondre à la seconde question en ce sens qu’il convient d’interpréter l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123 comme s’opposant à une réglementation d’un État membre qui non seulement prévoit que les vétérinaires ont, d’une part, le droit de prescrire les médicaments pour lesquels une prescription médicale vétérinaire est exigée et, d’autre part, une exclusivité du commerce de détail, de l’utilisation et de l’administration de ces produits, mais qui
dispose également que les établissements qui vendent ces produits doivent être détenus exclusivement ou majoritairement par un ou plusieurs vétérinaires. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal.
IV. Conclusion
103. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées dans l’affaire C‑297/16 par la Curtea de Appel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) comme suit :
1) Il convient d’interpréter l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, en ce sens qu’une réglementation nationale qui prévoit, en faveur des vétérinaires, une exclusivité du commerce de détail, de l’utilisation et de l’administration des produits biologiques vétérinaires, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments à usage vétérinaire ne remplit pas
l’obligation de proportionnalité énoncée à l’article 15, paragraphe 3, sous c), de cette directive, dans la mesure où cette réglementation :
– couvre également les produits pour lesquels une prescription médicale vétérinaire n’est pas obligatoire ; ou bien
– n’autorise pas les personnes ayant reçu une formation professionnelle en pharmacie, qui ne sont pas des vétérinaires, à commercialiser au détail ces produits, le cas échéant conformément aux instructions figurant dans une prescription médicale vétérinaire délivrée par un vétérinaire si ces produits peuvent uniquement être achetés sur prescription médicale vétérinaire.
Il appartient au juge national de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal.
2) Il convient d’interpréter l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123 comme s’opposant à une réglementation d’un État membre qui non seulement prévoit que les vétérinaires ont, d’une part, le droit de prescrire les médicaments pour lesquels une prescription médicale vétérinaire est exigée et, d’autre part, une exclusivité du commerce de détail, de l’utilisation et de l’administration de ces produits, mais qui dispose également que les établissements qui vendent ces produits doivent
être détenus exclusivement ou majoritairement par un ou plusieurs vétérinaires. Il appartient au juge national de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).
( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (JO 2001, L 311, p. 1), telle que modifiée par la directive 2009/53/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2009 (JO 2009, L 168, p. 33) (ci-après la « directive 2001/82 »).
( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22), telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 (JO 2013, L 354, p. 132) .
( 5 ) Note sans objet dans la version en langue française des présentes conclusions.
( 6 ) Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123 (intitulé « Définitions »), on entend par « service », toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 57 TFUE, et par « prestataire », toute personne physique ressortissante d’un État membre, ou toute personne morale visée à l’article 54 TFUE et établie dans un État membre, qui offre ou fournit un service.
( 7 ) Aux termes de l’article 4, paragraphe 7, de la directive 2006/123 (intitulé « Définitions »), on entend par « exigence », « toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou autres organisations professionnelles adoptées dans l’exercice
de leur autonomie juridique ; les normes issues de conventions collectives négociées par les partenaires sociaux ne sont pas, en tant que telles, considérées comme des exigences au sens de la présente directive ».
( 8 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 289, du 6 août 1998.
( 9 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 676, du 16 septembre 2014.
( 10 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 541A, du 22 juillet 2014.
( 11 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 235, du 7 avril 2015.
( 12 ) Aux termes de l’article 69, paragraphe 1, de la directive 2001/82 : « Les États membres veillent à ce que les propriétaires ou les responsables d’animaux producteurs de denrées alimentaires puissent justifier de l’acquisition, de la détention et de l’administration de médicaments vétérinaires à de tels animaux pendant une période de cinq ans à compter de l’administration, y compris lorsque l’animal est abattu durant la période de cinq ans. »
( 13 ) Outre le fait qu’elle cite, notamment, les articles 49, 54 et 55 TFUE, la juridiction de renvoi mentionne les articles 1er, 66, 67 et 69 de la directive 2001/82, l’article 38 de la directive 2005/36 ainsi que les articles 3, 14 et 15 de la directive 2006/123.
( 14 ) Voir, à titre de comparaison, arrêt du 19 janvier 1994, SAT Fluggesellschaft (C‑364/92, EU:C:1994:7, point 9).
( 15 ) Voir arrêt du 10 septembre 2015, Wojciechowski (C‑408/14, EU:C:2015:591, points 25 et 26 et jurisprudence citée).
( 16 ) Voir arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, points 50, 51 et 54, et jurisprudence citée). Dans cet arrêt, la Cour, estimant qu’elle était compétente, s’était par la suite prononcée sur le fond, plutôt que de déclarer l’affaire irrecevable.
( 17 ) Dans les conclusions qu’il a présentées dans les affaires jointes Trijber et Harmsen (C‑340/14 et C‑341/14, EU:C:2015:505, points 51 à 57), l’avocat général Szpunar a estimé que la directive 2006/123 s’applique à des situations dont tous les éléments se confinent à l’intérieur d’un seul État membre. La Cour n’a pas examiné cette question, considérant que les faits de l’affaire n’étaient pas purement internes, voir arrêt du 1er octobre 2015, Trijber et Harmsen (C‑340/14 et C‑341/14,
EU:C:2015:641, points 40 à 42). Sur cette question, voir également les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Grupo Itevelesa e.a. (C‑168/14, EU:C:2015:351, point 36).
( 18 ) Aux termes de son article 1er, paragraphe 1 (intitulé « Objet »), la directive 2006/123 établit « les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services ». Elle énonce ensuite les règles, aux chapitres III et IV, régissant la liberté d’établissement des prestataires et la libre circulation des services.
( 19 ) Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399).
( 20 ) Voir, toutefois, conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:159, point 23), qui a considéré que tel était le cas.
( 21 ) Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399, points 23, 24 et 36 à 40).
( 22 ) Voir, à cet égard, arrêt du 11 juillet 2013, Femarbel (C‑57/12, EU:C:2013:517, points 34 à 39).
( 23 ) Voir arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis (C‑201/15, EU:C:2016:972, point 58 et jurisprudence citée). Les investissements de portefeuille sont l’acquisition de titres sur le marché des capitaux effectuée dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise.
( 24 ) Arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis (C‑201/15, EU:C:2016:972, point 59 et jurisprudence citée).
( 25 ) Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399).
( 26 ) Voir, en ce qui concerne l’article 49 TFUE s’agissant de règles similaires relatives aux pharmacies, arrêts du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, point 24) et Commission/Italie (C‑531/06, EU:C:2009:315, points 45 et 47).
( 27 ) Arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard (C‑55/94, EU:C:1995:411, point 37).
( 28 ) Le considérant 65 de la directive 2006/123 ne permet pas de conclure dans un sens ou dans l’autre sur ce point.
( 29 ) Voir arrêt du 16 décembre 2010, Commission/France (C‑89/09, EU:C:2010:772, point 52 et jurisprudence citée). Le gouvernement roumain établit un lien implicite, à un autre endroit de ses observations écrites, entre la protection de la santé publique et la protection de la santé des animaux.
( 30 ) Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399, point 40).
( 31 ) Voir, notamment, considérant 5 du règlement (CE) no 882/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relatif aux contrôles officiels effectués pour s’assurer de la conformité avec la législation sur les aliments pour animaux et les denrées alimentaires et avec les dispositions relatives à la santé animale et au bien-être des animaux (JO 2004, L 191, p. 1), qui énonce que « [l]a santé animale et le bien-être des animaux sont des facteurs importants qui contribuent à la qualité
et à la sécurité des denrées alimentaires, à la prévention de la propagation de maladies animales et au traitement humain des animaux ». De plus, au titre de l’article 67, sous aa), de la directive 2001/82, une ordonnance médicale vétérinaire est exigée pour la délivrance au public des médicaments vétérinaires destinés aux animaux producteurs de denrées alimentaires. En effet, conformément au considérant 17 de la directive 2004/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, instituant
un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (JO 2004, L 136, p. 58), ces « médicaments ne devraient être utilisés que dans des conditions qui garantissent l’innocuité de ces denrées […] pour le consommateur en ce qui concerne d’éventuels résidus de [ces] médicaments ».
( 32 ) Voir, en ce qui concerne les médicaments à usage humain, arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung (C‑148/15, EU:C:2016:776, point 34).
( 33 ) Voir arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, point 19 et jurisprudence citée).
( 34 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung (C‑148/15, EU:C:2016:776, points 35 et 36, ainsi que jurisprudence citée).
( 35 ) Voir, notamment, le rapport 2013 sur les risques mondiaux du Forum économique mondial, huitième édition (World Economic Forum, Global Risks 2013, Eighth Edition), p. 28 et suiv. où il est indiqué (p. 31) que « dans le monde entier, les antibiotiques sont surutilisés dans l’élevage du bétail et la pisciculture (par exemple, en tant que facteurs de croissance). Des bactéries résistantes peuvent être transmises aux humains par le contact avec le bétail, à travers la chaîne alimentaire et par les
eaux usées provenant de ces exploitations, ainsi que par les eaux usées provenant des hôpitaux et des installations pharmaceutiques » [traduction non officielle, document disponible uniquement en langue anglaise].
( 36 ) Voir, notamment, la résolution du Parlement européen, du 11 décembre 2012, sur le défi microbien – menaces croissantes de la résistance aux antimicrobiens [2012/2041(INI)] où, après avoir affirmé, au point K, qu’« il existe un lien entre l’utilisation des antimicrobiens chez les animaux et l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens chez l’homme », le Parlement appelle la Commission, au point 19, « à examiner les conditions de prescription et de vente des agents antimicrobiens afin de
déterminer si les pratiques en matière de soins de santé humaine et animale peuvent conduire à une prescription excessive, à une utilisation excessive ou à une mauvaise utilisation des agents antimicrobiens ».
( 37 ) Voir, à titre d’exemple, arrêt du 21 juin 2012, Susisalo e.a. (C‑84/11, EU:C:2012:374, point 42).
( 38 ) Voir, par analogie, arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband (C‑322/01, EU:C:2003:664, point 112).
( 39 ) Voir, par analogie, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, point 37).
( 40 ) À l’inverse de ce qui est le cas pour les médicaments délivrés sur prescription et destinés à la consommation humaine directe, voir arrêts du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, point 33) et Commission/Italie (C‑531/06, EU:C:2009:315, point 57).
( 41 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Consiglio Nazionale dei Geologi (C‑136/12, EU:C:2013:489, point 31).
( 42 ) Tel que cela semble résulter d’une lecture combinée de l’article 32 et de l’article 37, paragraphe 1, de la loi no 160/1998 ; de l’article 1er, sous m), et de l’article 37, paragraphe 1, du statut des vétérinaires ; ainsi que de l’article 43, sous j), et de l’article 51, sous g), des règles sanitaires vétérinaires avant leur abrogation par l’arrêté litigieux.
( 43 ) Voir les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Grupo Itevelesa e.a. (C‑168/14, EU:C:2015:351, points 73 et 74, ainsi que jurisprudence citée).
( 44 ) Voir arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung (C‑148/15, EU:C:2016:776, point 30 et jurisprudence citée).
( 45 ) Voir la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, du 29 juin 2017, relative à un plan d’action européen fondé sur le principe « Une seule santé » pour combattre la résistance aux antimicrobiens [COM(2017) 339 final], où la Commission indique (p. 3) que l’approche « Une seule santé » est un « terme utilisé pour décrire le principe selon lequel la santé humaine et la santé animale sont liées entre elles, que l’homme transmet des maladies aux animaux et inversement, de
sorte que les mesures de lutte doivent concerner tant l’homme que les animaux. La perspective “Une seule santé” suppose de prendre également en compte l’environnement – autre lien entre l’homme et l’animal –, qui peut lui aussi être une source de nouveaux micro-organismes résistants. Ce terme est reconnu dans le monde entier car il a été largement utilisé dans l’Union, de même que dans la déclaration politique des Nations unies de 2016 sur la résistance aux agents antimicrobiens ».
( 46 ) Il est également fait allusion à cette possibilité à l’article 1er, sous m), du statut des vétérinaires, qui exige que les pharmacies vétérinaires et les points pharmaceutiques vétérinaires précisent « si leur capital est détenu exclusivement par des vétérinaires ou s’il est constitué autrement à la suite des modifications législatives ultérieures » (souligné par mes soins).
( 47 ) Arrêt du 16 décembre 2010, Commission/France (C‑89/09, EU:C:2010:772). Il ressort également du point 78 de cet arrêt qu’une participation au capital supérieure à 25 % par des non-biologistes était autorisée dans les sociétés en commandite par actions exploitant des laboratoires d’analyses de biologie médicale.
( 48 ) Arrêt du 16 décembre 2010, Commission/France (C‑89/09, EU:C:2010:772, points 68 et 78).
( 49 ) Arrêt du 16 décembre 2010, Commission/France (C‑89/09, EU:C:2010:772, points 29 et 56). Les opticiens ne bénéficient pas du même statut, voir arrêt du 21 avril 2005, Commission/Grèce (C‑140/03, EU:C:2005:242, points 35 et 36).
( 50 ) Il y a lieu d’ajouter que, à la suite de questions posées lors de l’audience, le gouvernement roumain a précisé que sa position sur la seconde question partait de la prémisse que la première question préjudicielle appelait une réponse affirmative. Toutefois, il n’a pas expliqué en quoi la possibilité de supprimer l’exigence relative à la détention du capital est liée au maintien, en faveur des vétérinaires, de l’exclusivité du commerce de détail, de l’utilisation et de l’administration des
produits en cause.
( 51 ) L’ordre des vétérinaires se contente d’indiquer que, en 2014, l’autorité nationale a effectué des contrôles dans 543 pharmacies vétérinaires et a infligé des sanctions à 112 d’entre elles pour violation des règles, sans expliquer quels seraient les risques que poseraient des règles de détention multidisciplinaires pour l’indépendance des vétérinaires. Le fait que l’ordre des vétérinaires indique ensuite qu’aucun de ces 112 cas n’a donné lieu à des procédures disciplinaires semble étayer le
manque de pertinence de cette circonstance.
( 52 ) Arrêt du 16 décembre 2010, Commission/France (C‑89/09, EU:C:2010:772, point 82).