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06/07/2017 | CJUE | N°C-505/16

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Olga Stanislavivna Yanukovych contre Conseil de l'Union européenne., 06/07/2017, C-505/16


ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

6 juillet 2017 ( *1 )

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inclusion du nom du requérant – Adaptation des conclusions – Mémoire déposé au nom et pour le compte du requérant décédé »

Dans l’affaire C‑505/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article

56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 septembre 2016,

Olga Stanislavivna Yanuk...

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

6 juillet 2017 ( *1 )

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inclusion du nom du requérant – Adaptation des conclusions – Mémoire déposé au nom et pour le compte du requérant décédé »

Dans l’affaire C‑505/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 septembre 2016,

Olga Stanislavivna Yanukovych, en qualité d’héritière de Viktor Viktorovych Yanukovych, demeurant à Donetsk (Ukraine), représentée par M. T. Beazley, QC,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme P. Mahnič Bruni et M. J.-P. Hix, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée initialement par Mmes S. Bartelt et J. Norris-Usher, puis par M. E. Paasivirta ainsi que par Mme Norris-Usher, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre (rapporteur), MM. J. Malenovský et D. Šváby, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, Mme Olga Stanislavivna Yanukovych demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2016, Yanukovych/Conseil (T‑347/14, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2016:433), en tant que, par celle-ci, le Tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2015/143 du Conseil, du 29 janvier 2015, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines
entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2015, L 24, p. 16), de la décision (PESC) 2015/364 du Conseil, du 5 mars 2015, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2015, L 62, p. 25), du règlement (UE) 2015/138 du Conseil, du 29 janvier 2015, modifiant le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures
restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2015, L 24, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) 2015/357 du Conseil, du 5 mars 2015, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2015, L 62, p. 1), en tant qu’ils visent M. Viktor Viktorovych
Yanukovych (ci-après les « actes litigieux »).

Le cadre juridique

2 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/119/PESC du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26), dispose :

« 1.   Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et à des personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’à des personnes physiques ou morales, à des entités ou à des organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent,
détiennent ou contrôlent.

2.   Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

3 Au point 10 de l’annexe de la décision 2014/119, intitulée « Liste des personnes, entités et organismes visés à l’article 1er », figure le nom de Viktor Viktorovych Yanukovych, identifié comme « fils de l’ex-président Ianoukovitch ; membre de la Verkhovna Rada (Conseil suprême) », avec la motivation selon laquelle il s’agit d’une personne faisant l’objet d’une enquête en Ukraine pour participation à des infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors
d’Ukraine.

4 Le règlement (UE) no 208/2014 du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1), impose l’adoption des mesures restrictives en cause et définit leurs modalités en des termes identiques, en substance, à cette décision.

5 Au point 10 de l’annexe I de ce règlement, intitulé « Liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 2 », figure le nom de Viktor Viktorovych Yanukovych et les mêmes mentions que celles ressortant du point 10 de l’annexe de la décision 2014/119.

6 La décision 2014/119 a été modifiée, notamment, par la décision 2015/143 et la décision 2015/364, et le règlement no 208/2014 a été modifié, notamment, par le règlement 2015/138 et le règlement d’exécution 2015/357.

7 Par ces actes, les mesures restrictives prises à l’encontre de M. Yanukovych ont ainsi été prorogées jusqu’au 6 juin 2015 avec, néanmoins, la motivation suivante :

« Personne faisant l’objet d’une enquête de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics. Personne liée à une personne désignée (l’ancien président de l’Ukraine, Viktor Fedorovych Yanukovych) faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics. »

8 Par la décision (PESC) 2015/876 du Conseil, du 5 juin 2015, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 142, p. 30), et par le règlement d’exécution (UE) 2015/869 du Conseil, du 5 juin 2015, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 142, p. 1), le nom de M. Yanukovych a été supprimé de la liste des personnes soumises à des mesures restrictives en application de la décision 2014/119 et du règlement no 208/2014.

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

9 La procédure devant le Tribunal et la motivation en droit de l’ordonnance attaquée sont exposées, d’une part, aux points 17 à 34 et, d’autre part, aux points 38 à 95 de celle-ci. Pour les besoins de la présente procédure, elles peuvent être résumées de la manière suivante.

10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2014, M. Yanukovych a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2014/119 et du règlement no 208/2014, en tant qu’ils le visaient.

11 Le 20 mars 2015, M. Yanukovych est décédé.

12 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2015, le représentant de M. Yanukovych a déposé, au nom de celui‑ci, un mémoire en adaptation pour tenir compte des actes litigieux.

13 Parallèlement, le représentant de M. Yanukovych a introduit, au nom de celui‑ci, un recours enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑172/15, tendant à l’annulation des mêmes actes (ci-après le « second recours en annulation »).

14 Dans le mémoire en adaptation comme dans le second recours en annulation, le représentant de M. Yanukovych précisait que ce dernier était décédé peu de temps avant leur dépôt. Il y indiquait que la procédure en Ukraine pour nommer son successeur légal était en cours et qu’il était probable que la veuve de M. Yanukovych lui succéderait dans ses droits. Il demandait dès lors une suspension de l’affaire pendant le temps nécessaire pour que le successeur légal soit nommé et pour prendre une décision
sur la poursuite de l’instance.

15 Par décision du président de la neuvième chambre du Tribunal, du 13 juillet 2015, adoptée au titre de l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la procédure a été suspendue jusqu’au 31 octobre 2015.

16 Par ordonnance du 16 juillet 2015, Yanukovych/Conseil (T‑172/15, non publiée, EU:T:2015:569), le Tribunal a rejeté le second recours en annulation comme étant manifestement irrecevable, au motif qu’il avait été introduit par le représentant de M. Yanukovych après le décès de ce dernier.

17 Par lettre du 30 octobre 2015, le représentant de M. Yanukovych a versé au dossier un certificat de décès de celui-ci et a indiqué que sa veuve et unique héritière, Mme Yanukovych, avait l’intention de continuer l’instance, en précisant les raisons justifiant la persistance de son intérêt à agir en dépit de la radiation du nom de M. Yanukovych de la liste des personnes soumises à des mesures restrictives en application de la décision 2014/119 et du règlement no 208/2014.

18 Par lettre du 17 mars 2016, le greffe du Tribunal a notamment demandé aux parties de prendre position sur les éventuelles conséquences à tirer sur le recours en annulation, d’une part, de l’adaptation des conclusions et, d’autre part, de l’ordonnance du 16 juillet 2015, Yanukovych/Conseil (T‑172/15, non publiée, EU:T:2015:569). Les parties y ont répondu dans les délais impartis.

19 Aux points 38 à 75 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré, en se fondant sur plusieurs arrêts prononcés par lui et portant sur les mêmes questions de droit que celles soulevées par le recours en annulation, que l’inscription du nom de M. Yanukovych sur la liste des personnes soumises à des mesures restrictives en application de la décision 2014/119 et du règlement no 208/2014 ne respectait pas les critères de désignation des personnes visées par ces mesures, fixés par cette décision.
Par conséquent, dans cette mesure, il a déclaré le recours manifestement fondé et a annulé la décision 2014/119 et le règlement no 208/2014.

20 Ces points de l’ordonnance attaquée ne font pas l’objet du présent pourvoi.

21 Aux points 76 à 95 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a examiné la recevabilité des conclusions en annulation des actes litigieux, contenues dans le mémoire en adaptation, déposé le 8 avril 2015.

22 Au point 82 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que, pour apprécier la recevabilité d’un tel mémoire, il convenait de se référer à la situation existante au moment où il a été déposé.

23 Au point 83 de cette ordonnance, il a constaté que le représentant de M. Yanukovych avait déposé, au nom de celui-ci, un mémoire en adaptation des conclusions initiales présentées dans la requête introductive d’instance et qu’il ne ressortait pas du dossier que ce mémoire avait été présenté pour le compte de la requérante.

24 Au point 84 de ladite ordonnance, il a constaté que, à la date de dépôt de ce mémoire, M. Yanukovych était décédé et il en a conclu que ce mémoire devait être rejeté comme étant irrecevable.

25 Aux points 85 à 92 de la même ordonnance, le Tribunal a écarté différents arguments présentés par la requérante.

26 Le Tribunal a donc conclu qu’il convenait de rejeter l’adaptation de la requête et, partant, le recours en annulation comme étant manifestement irrecevables, en ce qu’ils étaient dirigés contre les actes litigieux.

Les conclusions des parties devant la Cour

27 La requérante demande à la Cour :

– d’annuler les points 2 et 4 du dispositif de l’ordonnance attaquée ;

– d’annuler le point 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée dans la mesure où la Cour considère qu’il impose au Conseil de l’Union européenne de ne supporter que les dépens exposés par la requérante mais pas ceux exposé par le défunt ;

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal en vue d’une audience et aux fins de statuer ou, à titre subsidiaire :

– d’annuler les actes litigieux ;

– dans la mesure où la Cour considère que le Tribunal n’a pas procédé ainsi, de condamner le Conseil à supporter les dépens exposés par la requérante et ceux exposés par le défunt eu égard à sa demande en annulation présentée dans la requête ;

– de condamner le Conseil à supporter les dépens exposés par la requérante, ainsi que ceux exposés par le défunt, eu égard à sa demande en annulation présentée dans le mémoire en adaptation, et

– en tout état de cause, de condamner le Conseil à supporter les dépens afférents au pourvoi.

28 Le Conseil demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi ;

– de condamner la requérante aux dépens du pourvoi, et

– à titre subsidiaire, de rejeter la demande en annulation des actes litigieux.

29 La Commission européenne demande à la Cour :

– de rejeter le deuxième moyen du pourvoi comme étant irrecevable ;

– de rejeter les autres moyens du pourvoi comme étant manifestement non fondés, et

– de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

30 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de le rejeter, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

31 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

Argumentation des parties

32 Par son premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant, aux points 84, 89 et 92 de l’ordonnance attaquée, que le mémoire en adaptation était irrecevable du fait qu’il avait été formé au nom de M. Yanukovych après son décès, appréciant ainsi la recevabilité de ce mémoire par rapport à la situation à la date de son introduction.

33 Selon elle, le Tribunal aurait dû examiner la recevabilité dudit mémoire en considérant l’ensemble des circonstances pertinentes, à savoir que le recours en annulation était recevable, ayant été introduit du vivant de M. Yanukovych, que celui-ci souhaitait qu’un mémoire en adaptation soit introduit, qu’un tel mémoire a été introduit par et pour le compte de la requérante en tant que successeur et héritière de facto de ce dernier et que, lorsque la recevabilité dudit mémoire a été examinée, la
requérante avait été légalement confirmée comme héritière avec effet rétroactif.

34 Par son deuxième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a effectué des constatations de fait dont l’inexactitude matérielle résulte des pièces du dossier et qu’il a dénaturé les éléments de preuve qui lui avaient été soumis.

35 Ainsi, elle considère que les constatations selon lesquelles le mémoire en adaptation n’a pas été formé ou présenté pour son compte, figurant aux points 83 et 87 de l’ordonnance attaquée, sont matériellement et manifestement inexactes et résultent d’une dénaturation. Elle souligne que M. Yanukovych avait décidé de déposer un mémoire en adaptation et que, en application du droit ukrainien, la succession légale revient automatiquement à la veuve du défunt et aux parents de celui-ci, sous réserve de
l’écoulement d’une période de six mois.

36 Ces différents éléments ressortiraient du point 2 du mémoire en adaptation, d’un courriel du 7 avril 2015 qu’elle a adressé à l’avocat de M. Yanukovych, des observations présentées au Tribunal le 3 juillet 2015 et du courrier de son avocat, du 30 octobre 2015, signifiant au Tribunal sa désignation comme héritière et successeur du défunt et formulant des observations sur le maintien de son intérêt à agir.

37 En outre, la requérante soutient avoir approuvé le mémoire en adaptation et en avoir autorisé l’introduction, en qualité de successeur de facto de M. Yanukovych.

38 Par son troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en traitant de la même manière la recevabilité du mémoire en adaptation et celle du second recours en annulation. Elle estime qu’il existe une différence factuelle importante entre les deux recours, tenant à ce que le Tribunal a suivi une approche différenciée quant aux demandes de suspension. Le fait d’avoir octroyé une suspension après le dépôt du mémoire en adaptation alors que cela a été refusé dans
le second recours en annulation aurait créé une attente raisonnable, le Tribunal n’ayant ainsi pas considéré que ce mémoire était irrecevable parce qu’il avait été introduit après le décès de M. Yanukovych.

39 Par ailleurs, elle relève que, lorsque le Tribunal s’est prononcé sur la recevabilité du second recours en annulation, elle n’était pas encore successeur et héritière légalement désignée de M. Yanukovych, alors qu’elle l’était à la date de l’ordonnance attaquée. Elle en conclut que, pour le mémoire en adaptation, les conditions de recevabilité du traité FUE étaient respectées.

40 Elle estime enfin que la conclusion du Tribunal sur l’irrecevabilité du mémoire en adaptation a pour effet de la priver de son droit de recours en qualité de successeur légal et d’héritière du défunt, sans que, contrairement à la jurisprudence de la Cour, une telle privation ait été justifiée. Elle note que le raisonnement du Tribunal, au point 87 de l’ordonnance attaquée, conduit à obliger un requérant à introduire de multiples recours, sous différentes qualités, à titre préventif.

41 Le Conseil et la Commission considèrent que les premier et troisième moyens doivent être écartés comme manifestement non fondés et que le deuxième doit l’être comme irrecevable.

Appréciation de la Cour

42 Les trois moyens du pourvoi, qu’il convient d’examiner conjointement, tendent à contester, en substance, d’une part, l’identité de la personne au nom de laquelle le mémoire en adaptation a été déposé et, d’autre part, la date à laquelle la recevabilité de ce mémoire a été examinée.

43 En premier lieu, pour ce qui est de l’identité de la personne au nom de laquelle le mémoire en adaptation a été déposé, il convient de rappeler que, au point 83 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal, après avoir rappelé que M. Yanukovych était décédé le 20 mars 2015, a relevé que son représentant avait déposé, le 8 avril 2015, au nom de celui-ci, un mémoire en adaptation et qu’il ne ressortait pas du dossier que ce mémoire avait été formé pour le compte de la requérante.

44 Sur la base de cette constatation, le Tribunal a estimé, au point 84 de l’ordonnance attaquée, que ledit mémoire devait être rejeté comme étant irrecevable, dès lors que M. Yanukovych était décédé avant son dépôt.

45 Par ses arguments résumés aux points 35 à 37 de la présente ordonnance, la requérante fait valoir, en substance, que c’est à la suite d’une dénaturation du mémoire en adaptation lui-même ainsi que de certaines autres pièces du dossier et preuves que le Tribunal a effectué la constatation rappelée au point 43 de la présente ordonnance.

46 Or, il convient de constater, à la lecture du mémoire en adaptation qui figure dans le dossier de première instance, transmis à la Cour par le Tribunal conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, que ce mémoire indique formellement être introduit au nom de M. Yanukovych.

47 Certes, au point 2 du même mémoire, il était indiqué que M. Yanukovych était décédé le 20 mars 2015, que le processus d’identification de son successeur légal était en cours à la date du dépôt dudit mémoire, que la requérante était dans l’attente d’être confirmée dans ses droits par les autorités ukrainiennes et qu’elle escomptait pouvoir manifester son intérêt à poursuivre l’affaire, après sa désignation comme successeur légal de M. Yanukovych.

48 Toutefois, ces indications, que le Tribunal a, du reste, correctement résumées au point 86 de l’ordonnance attaquée, loin d’infirmer la conclusion selon laquelle le mémoire en adaptation avait été introduit au nom de M. Yanukovych, la confirme, dans la mesure où il en ressort que, à la date du dépôt dudit mémoire, aucun successeur légal de ce dernier n’avait été désigné et la requérante avait non pas encore repris l’instance, mais seulement envisagé de le faire dans le futur.

49 Dans ces conditions, en constatant, aux points 25 et 83 de l’ordonnance attaquée, que le mémoire en adaptation avait été introduit au nom de M. Yanukovych et qu’il ne ressortait pas du dossier que ce mémoire avait été formé au nom et pour le compte de la requérante, le Tribunal n’a pas dénaturé le contenu dudit mémoire. Les allégations en sens contraire de la requérante doivent, partant, être rejetées comme étant non fondées.

50 Il y a lieu de relever, à cet égard, que, dans la mesure où l’identité de la personne au nom de laquelle le mémoire en adaptation avait été déposé était clairement indiquée dans ce mémoire, il n’appartenait pas au Tribunal d’identifier une autre personne comme étant celle au nom de laquelle ledit mémoire avait été déposé (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, Elitaliana/Eulex Kosovo, C‑439/13 P, EU:C:2015:753, point 74).

51 Le Tribunal n’a pas non plus dénaturé les autres pièces du dossier et preuves, mentionnées par la requérante. S’agissant des observations présentées par la requérante au Tribunal le 3 juillet 2015, il convient de constater que celle-ci n’a pas précisé en quoi exactement consisterait leur dénaturation par le Tribunal. En tout état de cause, il ressort de la lecture des points 86, 88 et 91 de l’ordonnance attaquée que le Tribunal les a correctement résumées, sans les dénaturer. Quant au courriel de
la requérante du 7 avril 2015 et au courrier de l’avocat de la requérante du 30 octobre 2015, également évoqués par celle-ci, il suffit de relever que le Tribunal ne les mentionne aucunement dans l’ordonnance attaquée et, partant, il ne saurait lui être reproché de les avoir dénaturés.

52 En deuxième lieu, s’agissant des différents arguments avancés par la requérante pour contester la conclusion du Tribunal, selon laquelle le juge de l’Union doit se placer à la date de dépôt du mémoire en adaptation pour en apprécier la recevabilité, il y a lieu de relever que, dans la mesure où le Tribunal a, correctement et sans le dénaturer, constaté que ledit mémoire a été déposé au nom de M. Yanukovych, ce mémoire ne saurait être jugé recevable que s’il avait été déposé avant le décès de
celui-ci.

53 Or, la requérante ne conteste pas que le mémoire en adaptation a été déposé au greffe du Tribunal à la date mentionnée au point 43 de la présente ordonnance, laquelle est postérieure au décès de M. Yanukovych. Ce mémoire ne saurait, dès lors, être jugé recevable que si sa recevabilité était appréciée à une date antérieure à son dépôt et au décès de M. Yanukovych. Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la recevabilité d’un recours est à apprécier en se référant à la situation au moment où la requête
ou le mémoire en adaptation est déposé (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50/84, EU:C:1984:365, point 8).

54 Par ailleurs, les arguments de la requérante selon lesquels l’appréciation de la recevabilité du mémoire en adaptation aurait dû être effectuée à une date postérieure à son dépôt doivent être écartés comme étant inopérants. En effet, à supposer qu’une telle date puisse être retenue, il demeure que M. Yanukovych était déjà décédé à la date de l’appréciation de la recevabilité du mémoire en adaptation déposé en son nom.

55 Il convient d’ajouter que l’irrecevabilité du mémoire en adaptation déposé au nom de M. Yanukovych n’a pas eu pour effet de priver la requérante de son droit de recours en qualité de successeur légal et d’héritière du défunt.

56 Ainsi que le Tribunal l’a mentionné, au point 87 de l’ordonnance attaquée, la requérante aurait pu soit introduire un recours, en son propre nom et pour son compte, tendant à l’annulation des actes litigieux, soit manifester son intention de poursuivre la procédure entamée par son époux, en adaptant les conclusions à ces actes, c’est-à-dire en déposant un mémoire en adaptation en son propre nom et pour son compte.

57 En troisième lieu, l’argumentation selon laquelle le Tribunal a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte la circonstance qu’une suspension de la procédure a été accordée après le dépôt du mémoire en adaptation alors que tel n’a pas été le cas dans le second recours en annulation doit être écartée comme étant inopérante. En effet, la requérante ne saurait tirer de conséquence du bénéfice pour elle de la suspension de la procédure de première instance.

58 En quatrième et dernier lieu, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans l’hypothèse où tous les autres moyens d’un pourvoi ont été rejetés, les conclusions concernant la prétendue irrégularité de la décision du Tribunal sur les dépens doivent être rejetées comme étant irrecevables, en application de l’article 58, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, aux termes duquel un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des
dépens (arrêt du 9 juin 2016, PROAS/Commission, C‑616/13 P, EU:C:2016:415, point 88, ainsi que ordonnance du 12 janvier 2017, Europäischer Tier- und Naturschutz et Giesen/Commission, C‑343/16 P, non publiée, EU:C:2017:10, point 24).

59 La requérante ayant succombé en ses moyens, l’argumentation relative à la répartition des dépens doit, dès lors, être déclarée irrecevable.

60 Il résulte de tout ce qui précède que le présent pourvoi doit être rejeté dans son ensemble, en application de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour.

Sur les dépens

61 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

62 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63 Le Conseil ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

64 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, la Commission supporte ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Mme Olga Stanislavivna Yanukovych est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

  3) La Commission européenne supporte ses propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-505/16
Date de la décision : 06/07/2017
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inclusion du nom du requérant – Adaptation des conclusions – Mémoire déposé au nom et pour le compte du requérant décédé.

Politique étrangère et de sécurité commune

Relations extérieures


Parties
Demandeurs : Olga Stanislavivna Yanukovych
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Vilaras

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:525

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