La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2017 | CJUE | N°C-245/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Nerea SpA contre Regione Marche., 06/07/2017, C-245/16


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 juillet 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Aides d’État — Règlement (CE) no 800/2008 — Exemption générale par catégorie — Champ d’application — Article 1er, paragraphe 6, sous c) — Article 1er, paragraphe 7, sous c) — Notion d’“entreprise en difficulté” — Notion de “procédure collective d’insolvabilité” — Société bénéficiaire d’une aide d’État au titre d’un programme opérationnel régional du Fonds européen de développement régional (FEDER) postérieurement admise au

concordat préventif en vue de la poursuite de
l’exploitation — Révocation de l’aide — Obligation de remboursement de l’avance ve...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 juillet 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Aides d’État — Règlement (CE) no 800/2008 — Exemption générale par catégorie — Champ d’application — Article 1er, paragraphe 6, sous c) — Article 1er, paragraphe 7, sous c) — Notion d’“entreprise en difficulté” — Notion de “procédure collective d’insolvabilité” — Société bénéficiaire d’une aide d’État au titre d’un programme opérationnel régional du Fonds européen de développement régional (FEDER) postérieurement admise au concordat préventif en vue de la poursuite de
l’exploitation — Révocation de l’aide — Obligation de remboursement de l’avance versée»

Dans l’affaire C‑245/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional des Marches, Italie), par décision du 4 mars 2016, parvenue à la Cour le 28 avril 2016, dans la procédure

Nerea SpA

contre

Regione Marche,

en présence de :

Banca del Mezzogiorno – Mediocredito Centrale SpA,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Vilaras (rapporteur), J. Malenovský, M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

— pour la Regione Marche, par Me L. Di Ianni, avvocato,

— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Colelli et de M. M. Capolupo, avvocati dello Stato,

— pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

— pour la Commission européenne, par Mme D. Recchia et M. A. Bouchagiar, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement (CE) no 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles [107 et 108 TFUE] (Règlement général d’exemption par catégorie) (JO 2008, L 214, p. 3).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Nerea SpA à la Regione Marche (région des Marches, Italie) au sujet de la révocation d’une aide d’État octroyée à Nerea, dans le cadre de la mise en œuvre d’un programme opérationnel régional (ci-après le « POR ») du Fonds européen de développement régional (FEDER), en raison du placement de cette société sous la protection du concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 15 et 36 du règlement no 800/2008 prévoient :

« (15) Les aides accordées aux entreprises en difficulté au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté [(JO 2004, C 244, p. 2)] doivent être appréciées à la lumière desdites lignes directrices afin d’éviter que ces dernières ne soient contournées. Les aides octroyées à ce type d’entreprises doivent donc être exclues du champ d’application du présent règlement. Pour réduire la charge administrative des
États membres lorsqu’ils accordent une aide couverte par le présent règlement à des [petites et moyennes entreprises (PME)], la définition de ce que l’on doit entendre par entreprise en difficulté doit être simplifiée par rapport à la définition utilisée dans lesdites lignes directrices. De plus, aux fins du présent règlement, une PME qui est constituée en société depuis moins de trois ans ne doit pas, aux fins du présent règlement, être considérée comme étant en difficulté en ce qui
concerne cette période, à moins qu’elle ne remplisse, selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité. Cette simplification ne doit pas avoir d’incidence sur la qualification de ces PME au regard desdites lignes directrices en ce qui concerne des aides qui ne sont pas couvertes par le présent règlement. Elle ne doit pas non plus avoir d’incidence sur la qualification d’entreprises en difficulté de grandes entreprises au
regard du présent règlement, qui restent soumises à la définition complète donnée dans lesdites lignes directrices.

[...]

(36) Conformément aux principes régissant les aides relevant de l’article [107, paragraphe 1, TFUE], les aides doivent être considérées comme étant accordées au moment où le droit légal de les recevoir est conféré au bénéficiaire en vertu de la réglementation nationale applicable. »

4 L’article 1er, paragraphes 6 et 7, du règlement no 800/2008 dispose :

« 6.   Le présent règlement ne s’applique pas aux aides suivantes :

[...]

c) les aides aux entreprises en difficulté.

7.   Aux fins du paragraphe 6, point c), une PME est considérée comme une entreprise en difficulté si elle remplit les conditions suivantes :

[...]

c) pour toutes les formes d’entreprises, lorsqu’elle remplit, selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité.

Une entreprise constituée en société depuis moins de trois ans n’est pas considérée, aux fins du présent règlement, comme étant en difficulté en ce qui concerne cette période, à moins qu’elle ne remplisse les conditions énoncées au premier alinéa, point c). »

5 Les points 9 à 11 des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci-après les « lignes directrices ») prévoient :

« 9. Il n’existe pas de définition communautaire de ce qui constitue une entreprise en difficulté. Toutefois, aux fins des présentes lignes directrices, la Commission considère qu’une entreprise est en difficulté lorsqu’elle est incapable, avec ses ressources propres ou avec les fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires/actionnaires ou ses créanciers, d’enrayer des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs publics, vers une mort économique quasi
certaine à court ou moyen terme.

10. Concrètement, une entreprise est, en principe et quelle que soit sa taille, considérée comme étant en difficulté aux fins des présentes lignes directrices dans les circonstances suivantes :

a) s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée, lorsque plus de la moitié de son capital social a disparu, plus du quart de ce capital ayant été perdu au cours des douze derniers mois, ou

b) s’il s’agit d’une société dont certains associés au moins ont une responsabilité illimitée pour les dettes de la société, lorsque plus de la moitié des fonds propres, tels qu’ils sont inscrits dans les comptes de la société, a disparu, plus du quart de ces fonds ayant été perdu au cours des douze derniers mois ; ou

c) pour toutes les formes d’entreprises, lorsqu’elle remplit selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité.

11. Même si aucune des conditions énoncées au point 10 n’est remplie, une entreprise peut néanmoins être considérée comme étant en difficulté, en particulier si l’on est en présence des indices habituels d’une entreprise en situation de difficulté, tels que le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d’affaires, le gonflement des stocks, la surcapacité, la diminution de la marge brute d’autofinancement, l’endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que
l’affaiblissement ou la disparition de la valeur de l’actif net. Dans les cas les plus graves, l’entreprise peut même être devenue insolvable ou faire l’objet d’une procédure collective relative à son insolvabilité en droit national. Dans ce dernier cas, les présentes lignes directrices s’appliquent aux aides éventuellement accordées dans le contexte d’une telle procédure en vue d’assurer le maintien en activité de l’entreprise. Dans tous les cas, l’entreprise en difficulté n’est éligible
qu’après mise en évidence de son incapacité à assurer son redressement avec ses ressources propres, ou avec des fonds obtenus auprès de ses propriétaires/actionnaires ou de sources du marché. »

Le droit italien

6 Le régime du concordat préventif, dont le concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation constitue une variante, est régi par les articles 160 à 186 bis du Regio Decreto n. 267 – Disciplina del fallimento, del concordato preventivo, dell’amministrazione controllata e della liquidazione coatta amministrativa (décret royal no 267 portant réglementation de la faillite, du concordat préventif, de l’administration contrôlée et de la liquidation administrative forcée), du 16 mars 1942
(GURI no 81, du 6 avril 1942), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi sur les faillites »).

7 L’article 160 de la loi sur les faillites, intitulé « Conditions d’admission à la procédure », dispose :

« L’entrepreneur se trouvant dans une situation de crise peut proposer à ses créanciers un concordat préventif sur la base d’un plan [...]

Aux fins énoncées au premier alinéa, la situation de crise comporte également l’état d’insolvabilité.»

8 L’article 161 de la loi sur les faillites, intitulé « Demande de concordat », énonce :

« La demande d’admission à la procédure du concordat préventif est proposée par requête, signée par le débiteur, au tribunal du lieu où l’entreprise a son siège principal [...] »

9 L’article 186 bis de la loi sur les faillites, intitulé « Concordat en vue de la poursuite de l’exploitation », prévoit :

« Lorsque le plan de concordat prévu à l’article 161, paragraphe 2, sous e), prévoit la poursuite de l’activité de l’entreprise par le débiteur, la cession de l’exploitation ou l’apport de l’exploitation à une ou à plusieurs sociétés, même nouvellement formées, les dispositions du présent article s’appliquent. Le plan peut aussi prévoir la liquidation d’actifs qui ne sont pas nécessaires à l’activité de l’entreprise.

Dans les cas prévus par le présent article :

a) le plan visé à l’article 161, paragraphe 2, sous e), doit contenir aussi une indication analytique des coûts et des revenus attendus de la poursuite de l’activité de l’entreprise prévue par le plan de concordat, des ressources financières nécessaires et des modalités de couverture des besoins ;

b) le rapport du professionnel visé à l’article 161, paragraphe 3, doit attester que la poursuite de l’activité de l’entreprise prévue par le plan de concordat est apte à assurer la meilleure satisfaction possible des créanciers ;

c) le plan peut prévoir, sous réserve des dispositions de l’article 160, paragraphe 2, un moratoire d’un an au maximum à partir de l’homologation pour le paiement des créanciers titulaires d’un privilège, d’un gage ou nantissement ou d’une hypothèque, sauf s’il prévoit la liquidation des actifs ou des droits sur lesquels portent les sûretés. Dans ce cas, les créanciers titulaires des sûretés visées à la phrase précédente n’ont pas droit de vote.

Sous réserve de ce qui est prévu à l’article 169 bis, les contrats en cours d’exécution à la date de dépôt de la requête, même conclus avec les administrations publiques, ne sont pas résolus par l’ouverture de la procédure. Les pactes contraires éventuellement conclus sont sans effet. L’admission au concordat préventif ne fait pas obstacle au maintien des contrats publics si le professionnel désigné par le débiteur prévu à l’article 67 a certifié qu’ils sont conformes au plan et peuvent
raisonnablement être exécutés. Peut bénéficier de cette continuation, à condition que les conditions de la loi soient remplies, la société cessionnaire ou la société qui reçoit l’apport d’exploitation ou de branches d’activité dont les contrats sont transférés. Le juge désigné prononce, au moment de la cession ou du transfert, l’annulation des enregistrements et des transcriptions.

Après le dépôt de la requête, la participation à des procédures de passation de marchés publics doit être autorisée par le tribunal, entendu le commissaire judiciaire s’il est nommé ; en l’absence d’une telle nomination, le tribunal statue.

L’admission au concordat préventif ne fait pas obstacle à la participation à des procédures d’attribution de marchés publics lorsque l’entreprise présente dans le cadre de l’appel d’offres :

a) un rapport d’un professionnel répondant aux conditions prévues à l’article 67, alinéa 3, sous d), attestant que la participation est conforme au plan et qu’un éventuel contrat pourrait raisonnablement être exécuté ;

b) une déclaration d’un autre opérateur répondant aux conditions de caractère général, de capacité financière, technique, économique ainsi que de certification exigées pour l’attribution du marché, celui-ci s’engageant vis-à-vis du soumissionnaire et du pouvoir adjudicateur à mettre à disposition pour la durée du contrat les ressources nécessaires à l’exécution du marché et à succéder à l’entreprise assistée au cas où elle ferait faillite au cours de l’appel d’offres ou après la signature du
contrat ou ne serait plus en mesure pour quelque raison que ce soit d’assurer l’exécution régulière du contrat. L’article 49 du [decreto legislativo n. 163 –Codice dei contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture in attuazione delle direttive 2004/17/CE e 2004/18/CE (décret législatif no 163, portant création du code des marchés publics de travaux, de services et de fournitures en application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE), du 12 avril 2006 (GURI no 100, du 2 mai 2006)]
s’applique.

Sans préjudice des dispositions de l’alinéa précédent, l’entreprise en concordat peut participer même au sein d’un groupement temporaire d’entreprises, à condition de ne pas endosser la qualité de mandataire et si les autres entreprises membres du groupement ne sont pas soumises à une procédure de concordat. Dans un tel cas, la déclaration prévue à l’alinéa 4, sous b) peut également provenir d’un opérateur faisant partie du groupement.

Si, au cours d’une procédure engagée en vertu du présent article, l’exercice de l’activité de l’entreprise cesse ou s’avère manifestement préjudiciable aux créanciers, le tribunal statue en application de l’article 173. Cela n’a pas d’incidence sur la possibilité pour le débiteur de modifier la proposition de concordat. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 Par décision du 9 novembre 2010, la région des Marches a approuvé l’appel à projets et les formulaires relatifs à la mise à exécution de l’intervention 1.2.1.05.01 du POR du FEDER concernant la région des Marches pour la période allant de l’année 2007 à l’année 2013, qui avait été approuvé par la décision no 3986 de la Commission du 17 août 2007.

11 Le 13 avril 2011, Nerea a présenté une demande d’aide au titre dudit POR. Par décision du 20 mars 2012, la région des Marches lui a octroyé un concours financier d’un montant de 144052,58 euros, pour une dépense éligible de 665262,91 euros. À la demande de Nerea, un acompte correspondant à 50 % du montant de ce concours, soit 72026,29 euros, lui a par ailleurs été versé par l’organisme intermédiaire MedioCredito centrale (MCC) SpA (ci-après « MCC »).

12 Le 18 novembre 2013, après avoir réalisé l’investissement faisant l’objet dudit concours financier, Nerea a produit un rapport sur les dépenses effectuées et demandé le versement du solde de ce même concours.

13 Le 24 décembre 2013, Nerea a saisi le Tribunale di Macerata (tribunal de Macerata, Italie) d’une demande de concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation. Par décision du 15 octobre 2014, publiée le 23 octobre 2014, ledit tribunal a ouvert la procédure de concordat préventif.

14 Par lettre du 11 février 2015, MCC a notifié à Nerea une décision portant ouverture de la procédure de révocation du concours financier qui lui avait été octroyé par la région des Marches. L’ouverture de cette procédure était justifiée par le fait que, ayant été admise à la procédure de concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation, Nerea ne remplissait plus les conditions d’admissibilité au financement prévues à l’article 1er ainsi qu’à l’article 20, sous h), de l’appel à projets.

15 Le 5 mars 2015, Nerea a présenté des observations et demandé l’annulation de la procédure de révocation.

16 Par lettre du 20 mars 2015, MCC a confirmé à Nerea que l’ouverture à son égard d’une procédure de concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation constituait, en vertu de l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008, l’un des cas faisant obstacle à son admissibilité au bénéfice d’un concours financier.

17 Le 11 mai 2015, la région des Marches a révoqué le concours financier octroyé à Nerea et lui a réclamé le remboursement de l’acompte de 72026,29 euros qui lui avait été versé, majoré d’intérêts d’un montant de 4997,93 euros.

18 Nerea a alors saisi la juridiction de renvoi d’un recours contre ces décisions, en invoquant, notamment, une violation du POR, de l’article 1er, paragraphe 7, du règlement no 800/2008 et du principe de bonne administration.

19 Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional des Marches, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) À titre liminaire, l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008 concerne-t-il uniquement les procédures que les autorités administratives et juridictionnelles des États membres peuvent ouvrir d’office (comme la procédure de faillite en Italie) ou également celles qui peuvent être lancées à la seule initiative de l’entrepreneur intéressé (comme le concordat préventif dans le droit national), étant donné que cet article mentionne la “soumission” à une procédure collective
d’insolvabilité ?

2) Si la Cour devait considérer que le règlement no 800/2008 concerne toutes les procédures collectives, en ce qui concerne en particulier le régime du concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation prévu à l’article 186 bis de la loi sur les faillites, faut-il interpréter l’article 1er, paragraphe 7, sous c), dudit règlement en ce sens que la réunion des conditions de soumission à une procédure collective par l’entrepreneur qui demande un financement à la charge des fonds
structurels est suffisante pour faire obstacle à l’octroi du financement ou pour imposer à l’autorité nationale de gestion de révoquer le financement déjà octroyé ou, au contraire, y a-t-il lieu d’établir concrètement la situation de difficulté en tenant compte, par exemple, de la durée de la phase d’ouverture de la procédure, du respect de ses engagements par l’entrepreneur et de toutes les autres circonstances pertinentes ? »

Sur les questions préjudicielles

20 Il convient de relever, à titre liminaire, que la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008, dans la mesure où elle est saisie d’un litige dans le cadre duquel Nerea, entreprise bénéficiaire d’une aide d’État dispensée dans le cadre d’un POR concernant la région des Marches, conteste devoir en rembourser le montant ainsi que les intérêts y afférents, en application de cette disposition, au motif que,
postérieurement à son octroi, elle a demandé à bénéficier du concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation.

Sur la première question

21 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008 doit être interprété en ce sens que la notion de « procédure collective d’insolvabilité » qu’il vise ne couvre que les procédures qui peuvent être ouvertes d’office par les autorités administratives et juridictionnelles des États membres ou si elle couvre également celles qui peuvent l’être à l’initiative de l’entreprise.

22 Il ressort de la décision de renvoi que cette question est posée en raison de la spécificité de la procédure collective d’insolvabilité en cause au principal, à savoir le concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation tel que prévu par la loi sur les faillites, qui est ouvert par la juridiction compétente sur demande de l’entreprise intéressée.

23 En effet, si la notion de « procédure collective d’insolvabilité » devait être interprétée comme ne visant que les procédures ouvertes d’office par le tribunal compétent, elle ne comprendrait pas le concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation, et l’article 1er, paragraphes 6 et 7, du règlement no 800/2008 ne trouverait, dès lors, pas à s’appliquer à la situation de Nerea.

24 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à son article 1er, paragraphe 6, sous c), le règlement no 800/2008 ne s’applique pas aux aides aux entreprises en difficulté. Le considérant 15 dudit règlement précise que les aides accordées aux entreprises en difficulté doivent être appréciées à la lumière des lignes directrices, afin d’éviter que ces dernières ne soient contournées.

25 L’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008 prévoit qu’une PME doit être considérée comme une entreprise en difficulté lorsqu’elle remplit, selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité.

26 Cette disposition renvoie ainsi au droit national pour ce qui est de la détermination des conditions dans lesquelles une PME est soumise à une procédure collective d’insolvabilité.

27 Il importe toutefois de relever que ni cette disposition ni aucune autre disposition du règlement no 800/2008 n’établissent de distinction entre les différentes procédures collectives d’insolvabilité existantes dans les différents ordres juridiques nationaux, selon que ces dernières sont ouvertes pas les autorités administratives et juridictionnelles des États membres ou qu’elles le sont à l’initiative de l’entreprise.

28 Ainsi, s’il est vrai que l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008 se réfère aux « conditions de soumission » à une procédure collective d’insolvabilité, cette disposition ne saurait pour autant être interprétée en ce sens qu’elle ne viserait que les procédures ouvertes d’office à l’encontre des entreprises, à l’exclusion des procédures ouvertes à l’initiative de ces dernières.

29 Par conséquent, l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008 doit être interprété en ce sens que la notion de « procédure collective d’insolvabilité » qu’il vise couvre toutes les procédures collectives d’insolvabilité des entreprises prévues par le droit national, que ces dernières soient ouvertes d’office par les autorités administratives ou juridictionnelles nationales ou qu’elles le soient à l’initiative de l’entreprise concernée.

Sur la seconde question

30 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008 doit être interprété en ce sens que le fait pour une entreprise de réunir les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité est suffisant pour faire obstacle à ce qu’une aide d’État lui soit octroyée en application dudit règlement ou pour imposer qu’elle soit révoquée si elle a déjà été octroyée, ou s’il doit être concrètement établi, à
ces fins, que l’entreprise est en difficulté.

31 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de son article 1er, paragraphe 6, sous c), le règlement no 800/2008 exclut de son champ d’application les aides aux entreprises en difficulté, c’est-à-dire, notamment, aux entreprises qui, conformément à l’article 1er, paragraphe 7, sous c), de ce règlement, remplissent, selon le droit national qui leur est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité.

32 Or, ainsi qu’il ressort du considérant 36 du règlement no 800/2008, les aides relevant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doivent être considérées comme étant accordées au moment où le droit légal de les recevoir est conféré au bénéficiaire en vertu de la réglementation nationale applicable.

33 Partant, comme M. l’avocat général l’a relevé en substance au point 71 de ses conclusions, c’est à ce même moment que doit être appréciée, au regard des conditions fixées par le règlement no 800/2008, l’éligibilité d’une entreprise à l’octroi d’une aide (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2013, Magdeburger Mühlenwerke, C‑129/12, EU:C:2013:200, point 40).

34 Il convient ensuite de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 15 du règlement no 800/2008, la définition de ce qu’il convient d’entendre par « entreprise en difficulté » doit être simplifiée par rapport à la définition utilisée dans les lignes directrices, afin de réduire la charge administrative des États membres lorsqu’ils accordent une aide couverte par ce règlement à une PME. L’article 1er, paragraphe 7, dudit règlement se borne, en conséquence, à reproduire les éléments de la
notion d’« entreprise en difficulté » visés au point 10 des lignes directrices, sans reprendre ceux énumérés au point 11 de ces dernières.

35 Or, il serait contraire à cet objectif de simplification d’imposer aux autorités compétentes des États membres pour décider de l’octroi, en application du règlement no 800/2008, d’une aide d’État à une entreprise qu’elles apprécient elles-mêmes concrètement, au moment où elles examinent l’éligibilité de celle-ci au bénéfice de l’aide, si elle est en difficulté.

36 Au demeurant, l’article 1er, paragraphe 7, sous c), dudit règlement impose auxdites autorités l’obligation non pas de procéder à un examen autonome de la situation concrète de l’entreprise, mais simplement de veiller à ne pas octroyer, en application de ce même règlement, une aide à une entreprise qui remplit les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité.

37 Il s’ensuit qu’une entreprise, telle que Nerea, qui, à la date à laquelle une aide lui a été octroyée, ne remplissait pas les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité prévues par le droit national qui lui était applicable, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de constater, ne saurait être considérée comme une entreprise en difficulté relevant de l’article 1er, paragraphe 6, du règlement no 800/2008.

38 Il s’ensuit également qu’une aide octroyée à une entreprise dans le respect du règlement no 800/2008, et notamment de la condition négative posée à l’article 1er, paragraphe 6, de ce règlement, ne saurait être révoquée au seul motif que cette entreprise a été soumise à une procédure collective d’insolvabilité postérieurement à la date à laquelle elle lui a été octroyée.

39 Par conséquent, l’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008 doit être interprété en ce sens que le fait pour une entreprise de réunir les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité selon le droit national, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de constater, est suffisant pour faire obstacle à ce qu’une aide d’État lui soit octroyée en application de ce règlement ou, si une telle aide lui a déjà été octroyée, pour constater qu’elle ne pouvait
l’être en application dudit règlement, pour autant que ces conditions aient été réunies à la date à laquelle ladite aide a été octroyée. En revanche, une aide octroyée à une entreprise dans le respect du règlement no 800/2008, et notamment de son article 1er, paragraphe 6, ne saurait être révoquée au seul motif que cette entreprise a été soumise à une procédure collective d’insolvabilité postérieurement à la date à laquelle elle lui a été octroyée.

Sur les dépens

40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement (CE) no 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles [107 et 108 TFUE] (Règlement général d’exemption par catégorie), doit être interprété en ce sens que la notion de « procédure collective d’insolvabilité » qu’il vise couvre toutes les procédures collectives d’insolvabilité des entreprises prévues par le droit national, que ces dernières soient
ouvertes d’office par les autorités administratives ou juridictionnelles nationales ou qu’elles le soient à l’initiative de l’entreprise concernée.

  2) L’article 1er, paragraphe 7, sous c), du règlement no 800/2008 doit être interprété en ce sens que le fait pour une entreprise de réunir les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité selon le droit national, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de constater, est suffisant pour faire obstacle à ce qu’une aide d’État lui soit octroyée en application dudit règlement ou, si une telle aide lui a déjà été octroyée, pour constater qu’elle ne pouvait l’être en
application dudit règlement, pour autant que ces conditions aient été réunies à la date à laquelle ladite aide a été octroyée. En revanche, une aide octroyée à une entreprise dans le respect du règlement no 800/2008, et notamment de son article 1er, paragraphe 6, ne saurait être révoquée au seul motif que cette entreprise a été soumise à une procédure collective d’insolvabilité postérieurement à la date à laquelle elle lui a été octroyée.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-245/16
Date de la décision : 06/07/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per le Marche.

Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Règlement (CE) no 800/2008 – Exemption générale par catégorie – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 6, sous c) – Article 1er, paragraphe 7, sous c) – Notion d’“entreprise en difficulté” – Notion de “procédure collective d’insolvabilité” – Société bénéficiaire d’une aide d’État au titre d’un programme opérationnel régional du Fonds européen de développement régional (FEDER) postérieurement admise au concordat préventif en vue de la poursuite de l’exploitation – Révocation de l’aide – Obligation de remboursement de l’avance versée.

Cohésion économique, sociale et territoriale

Aides accordées par les États

Concurrence

Fonds européen de développement régional (FEDER)


Parties
Demandeurs : Nerea SpA
Défendeurs : Regione Marche.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Vilaras

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:521

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award