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20/06/2017 | CJUE | N°C-425/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Hansruedi Raimund contre Michaela Aigner., 20/06/2017, C-425/16


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 20 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑425/16

Hansruedi Raimund

contre

Michaela Aigner

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Marque de l’Union européenne – Relation entre une action en contrefaçon et une demande reconventionnelle en nullité »

1. Le litige

à l’origine du présent renvoi préjudiciel oppose deux commerçants de produits (mélanges de plantes à ajouter à des alcools à titre élevé) si...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 20 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑425/16

Hansruedi Raimund

contre

Michaela Aigner

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Marque de l’Union européenne – Relation entre une action en contrefaçon et une demande reconventionnelle en nullité »

1. Le litige à l’origine du présent renvoi préjudiciel oppose deux commerçants de produits (mélanges de plantes à ajouter à des alcools à titre élevé) similaires, si ce n’est identiques, qui portent le même nom « Baucherlwärmer ». De surcroît, l’un des commerçants bénéficie de la protection d’une marque de l’Union européenne, enregistrée auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ( 2 ).

2. Le titulaire de cette marque distinctive, M. Hansruedi Raimund, a introduit un recours en contrefaçon de sa marque, considérant que Mme Michaela Aigner, qui vendait ses produits sous le même nom, portait atteinte aux droits inhérents à la protection de la marque enregistrée.

3. Mme Aigner a répondu à cette action en y opposant l’exception ( 3 ) de nullité de la marque et, deux ans plus tard ( 4 ), elle a présenté une demande reconventionnelle. Dans les deux cas, elle reprochait à M. Raimund d’avoir enregistré la marque « Baucherlwärmer » de mauvaise foi, car elle-même l’utilisait avant que M. Raimund n’obtienne ce droit de propriété industrielle.

4. Le litige a généré deux procédures traitées, en première instance, par le tribunal autrichien des marques de l’Union européenne (Handelsgericht Wien, tribunal de commerce de Vienne, Autriche), et en appel, par l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche). Si la demande reconventionnelle est toujours pendante en première instance, des arrêts ont été rendus dans la procédure en contrefaçon de la marque en première instance et en appel. L’Oberster Gerichtshof (Cour
suprême, Autriche) doit se prononcer en cassation sur l’arrêt rendu par la juridiction d’appel.

5. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) doit déterminer concrètement si l’arrêt rendu dans le cadre de la procédure pour contrefaçon de la marque pouvait être valablement adopté avant l’adoption d’un arrêt dans le cadre de la demande reconventionnelle. Partant, afin d’écarter tout doute à cet égard, il adresse deux questions préjudicielles à la Cour, qui doit se prononcer sur la portée du règlement (CE) no 207/2009 ( 5 ) à la lumière de deux facteurs pertinents : a) la présomption de validité des
marques de l’Union européenne ; et b) l’interaction entre les actions en contrefaçon des marques de l’Union européenne et les éventuelles demandes reconventionnelles en nullité que les parties défenderesses peuvent invoquer face aux premières.

I. Cadre juridique : le règlement no 207/2009

6. Aux termes de son considérant 16 :

« Il est indispensable que les décisions sur la validité et la contrefaçon des marques [de l’Union européenne] produisent effet et s’étendent à l’ensemble de [l’Union], seul moyen d’éviter des décisions contradictoires des tribunaux et de l’Office, et des atteintes au caractère unitaire des marques [de l’Union]. […] »

7. Le considérant 17 indique que :

« Il convient d’éviter que des jugements contradictoires soient rendus à la suite d’actions dans lesquelles sont impliquées les mêmes parties et qui sont formées pour les mêmes faits sur la base d’une marque [de l’Union européenne] et de marques nationales parallèles […] »

8. Parmi les règles générales du titre I, l’article 1er, paragraphe 2, dispose :

« La marque [de l’Union européenne] a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets dans l’ensemble de [l’Union] : elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit, que pour l’ensemble de [l’Union]. Ce principe s’applique sauf disposition contraire du présent règlement. »

9. Dans le titre VI, consacré à la renonciation, à la déchéance et à la nullité, la section 3 fixe les causes de nullité des marques de l’Union européenne et son article 52 énonce les motifs de nullité absolue, pour ce qui intéresse la présente affaire, dans les termes suivants :

« 1. La nullité de la marque [de l’Union européenne] est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a) lorsque la marque [de l’Union européenne] a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 ;

b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque […] »

10. L’article 53, paragraphe 1, expose les causes de nullité relative, en ce qui concerne la présente affaire, de la manière suivante :

« 1. La marque [de l’Union européenne] est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : […]

c) lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies. […] »

11. Le titre X (« compétence et procédure concernant les actions en justice relatives aux marques de l’Union européenne ») comprend dans sa section 2, qui porte sur les litiges en matière de contrefaçon et de validité des marques de l’Union européenne, l’article 95, dont le paragraphe 1, dispose :

« 1. Les États membres désignent sur leurs territoires un nombre aussi limité que possible de juridictions nationales de première et de deuxième instance, ci-après dénommées “tribunaux des marques [de l’Union européenne]”, chargées de remplir les fonctions qui leur sont attribuées par le présent règlement. »

12. Aux termes de l’article 96 (« compétence en matière de contrefaçon et de validité ») :

« Les tribunaux des marques [de l’Union européenne] ont compétence exclusive :

a) pour toutes les actions en contrefaçon et – si la loi nationale les admet – en menace de contrefaçon d’une marque [de l’Union européenne] ;

[…]

d) pour les demandes reconventionnelles en déchéance ou en nullité de la marque [de l’Union européenne] à l’article 100. »

13. L’article 99 (« présomption de validité – Défenses au fond ») dispose :

« 1. Les tribunaux des marques [de l’Union européenne] considèrent la marque [de l’Union européenne] comme valide, à moins que le défendeur n’en conteste la validité par une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité.

2. La validité d’une marque [de l’Union européenne] ne peut être contestée par une action en constatation de non-contrefaçon.

3. Dans les actions visées à l’article 96, points a) et c) ( 6 ), l’exception de déchéance ou de nullité de la marque [de l’Union européenne], présentée par une voie autre qu’une demande reconventionnelle, est recevable dans la mesure où le défendeur fait valoir que le titulaire de la marque [de l’Union européenne] pourrait être déchu de ses droits pour usage insuffisant ou que la marque pourrait être déclarée nulle en raison de l’existence d’un droit antérieur du défendeur. »

14. L’article 100 énonce :

« 1. La demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité ne peut être fondée que sur les causes de déchéance ou de nullité prévues par le présent règlement.

2. Un tribunal des marques [de l’Union européenne] rejette une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité, si une décision rendue par l’Office entre les mêmes parties sur une demande ayant le même objet et la même cause est déjà devenue définitive […] »

15. Dans les cas où il existe une certaine connexité entre les affaires présentées devant les tribunaux, ou devant un tribunal des marques de l’Union européenne et l’EUIPO, l’article 104 prévoit :

« 1. Sauf s’il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, un tribunal des marques [de l’Union européenne] saisi d’une action visée à l’article 96, à l’exception d’une action en constatation de non-contrefaçon, sursoit à statuer, de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l’une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité de la marque [de l’Union européenne] est déjà contestée devant un autre tribunal des marques [de l’Union
européenne] par une demande reconventionnelle ou qu’une demande en déchéance ou en nullité a déjà été introduite auprès de l’Office.

2. Sauf s’il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, l’Office saisi d’une demande en déchéance ou en nullité sursoit à statuer, de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l’une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité de la marque [de l’Union européenne] est déjà contestée devant un tribunal des marques [de l’Union européenne] par une demande reconventionnelle […] »

II. Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

A. Les faits ( 7 )

16. Dans les années 1980-1990, le père de Mme Aigner se livrait au commerce, entre autres produits, d’herbes et de préparations d’épices et d’herbes, qu’il proposait dans son établissement, ainsi que, de manière itinérante, dans des foires, sur les marchés et dans la rue.

17. En 2000, Mme Aigner a repris le commerce paternel sous le nom social « Kräuter Paul » (« Herboristerie Paul ») et vend notamment un mélange d’herbes à faire macérer dans de l’alcool de haute teneur, sous le nom de « Baucherlwärmer » ( 8 ).

18. M. Raimund a travaillé avec le père de Mme Aigner jusqu’en 1998, époque à laquelle il a commencé à lui faire concurrence. Sous la raison sociale « Bergmeister », il commercialise une préparation à base d’épices pour un usage identique et présentant les mêmes propriétés et effets que ceux de son rival, qu’il a également appelé, à peu près à partir de 2000, « Baucherlwärmer ».

19. Le 28 avril 2006, M. Raimund a obtenu l’enregistrement de la marque (verbale) de l’Union européenne « Baucherlwärmer » pour les classes 5, 29, 30 et 33 de l’arrangement de Nice ( 9 ), avec une priorité à compter du 17 mai 2005, date de la demande d’enregistrement, afin de s’assurer l’exclusivité des droits sur le signe.

20. À l’occasion d’une foire dans le Waldviertel (Basse-Autriche) et d’autres marchés dans la région de Haute-Autriche et à Salzbourg, en juillet 2006, M. Raimund a constaté que Mme Aigner proposait à la vente son produit sous le nom « Baucherlwärmer ».

21. Considérant que Mme Aigner enfreignait ses droits résultant de la marque de l’Union européenne, M. Raimund a engagé une action pour contrefaçon de la marque devant le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne), qui agit en Autriche en tant que tribunal des marques de l’Union européenne en première instance.

B. Procédure du litige

22. Dans le cadre de la procédure de l’action en contrefaçon de sa marque, M. Raimund a demandé que Mme Aigner soit condamnée à : i) cesser d’utiliser le signe « Baucherlwärmer » pour les produits et services des classes mentionnées (action en cessation) ; ii) retirer du commerce tout produit ou acte sur lequel serait matérialisée la contrefaçon de la marque (action en retrait) ( 10 ) ; et iii) publier la décision de justice (action en diffusion).

23. Mme Aigner a avancé pour se défendre, entre autres moyens, que M. Raimund avait acquis la marque de l’Union européenne de mauvaise foi et en contrevenant aux bons usages. Ces mêmes arguments lui ont servi pour introduire, quelque temps plus tard, une demande reconventionnelle en nullité de la marque enregistrée par M. Raimund.

24. En première instance, le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne) a suspendu la procédure de demande reconventionnelle, jusqu’à l’obtention d’un arrêt définitif sur l’action en contrefaçon.

25. Néanmoins, la suspension a été révoquée par l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne) après l’appel correspondant, de sorte que la demande reconventionnelle est toujours pendante en première instance ( 11 ), sans qu’aucune décision n’ait encore été adoptée aujourd’hui. L’action en contrefaçon a quant à elle été rejetée par l’arrêt du tribunal de première instance le 17 mai 2015, la juridiction considérant, ainsi que l’avait objecté Mme Aigner, qu’était établie la mauvaise
foi de M. Raimund à la date de la demande d’enregistrement de la marque.

26. Dans sa décision du 5 octobre 2015, la juridiction d’appel a confirmé l’arrêt d’instance. Elle a estimé que l’article 99 du règlement no 207/2009 admet que, dans les litiges pour contrefaçon de la marque, le défendeur peut opposer la mauvaise foi du titulaire (à l’époque le demandeur) de la marque, à condition de contester la validité de la marque enregistrée au moyen d’une demande reconventionnelle, même si celle-ci n’a pas encore été tranchée. Partant, la condition de l’article 99,
paragraphe 1, du règlement no 207/2009 aurait été remplie en l’espèce.

27. Selon la juridiction d’appel, lorsque M. Raimund a demandé l’enregistrement de la marque, il savait depuis longtemps que Mme Aigner, et son père avant elle, utilisait le signe « Baucherlwärmer » pour un produit très similaire au sien. Par sa demande, il a tenté d’empêcher Mme Aigner de continuer à utiliser ce nom distinctif.

28. En définitive, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne) a corroboré que la marque enregistrée par M. Raimund était entachée de nullité, conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en raison de la mauvaise foi de la demande. En conséquence, cette marque ne pouvait pas être invoquée face à Mme Aigner.

29. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) doit se prononcer dans le pourvoi engagé contre l’arrêt de la cour d’appel, à savoir l’arrêt rendu dans la procédure en contrefaçon de la marque. Le titulaire de cette dernière, M. Raimund, allègue devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) que les instances inférieures ne pouvaient pas se prononcer dans la procédure pour contrefaçon de la marque sur l’exception de la mauvaise foi, sans que les deux affaires n’aient été jointes au préalable (l’action en
contrefaçon et la demande reconventionnelle en nullité), ou avant qu’un arrêt définitif n’ait été prononcé dans la procédure relative à la demande reconventionnelle.

30. La juridiction de renvoi explique qu’aux termes de l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, l’objection de nullité ne peut prospérer que si le défendeur dans la procédure en contrefaçon a « contesté la validité » de la marque au moyen d’une demande reconventionnelle. Elle affirme que, dans une interprétation littérale de cet article, la condition exigée serait remplie par la simple formulation de la demande reconventionnelle. En revanche, si l’on considère la finalité de l’article,
il convient d’observer qu’il tente d’éviter les divergences entre les situations juridiques inter partes, qui résultent de la procédure en contrefaçon, et celles qui sont inhérentes à l’efficacité erga omnes propre à l’arrêt déclarant la nullité de la marque par voie reconventionnelle.

31. Pour la juridiction a quo, si le législateur de l’Union pose comme principe qu’une action en contrefaçon ne peut être rejetée qu’en raison de l’existence d’une cause de nullité de la marque dûment constatée, avec effet erga omnes, il n’en est pas exactement ainsi en droit interne. En effet, la réglementation des procédures pour contrefaçon de marques nationales ne prévoit pas de déclaration erga omnes de nullité qui résulterait de l’issue d’une demande reconventionnelle ( 12 ). Par ailleurs,
dans le cadre d’un recours en contrefaçon de cette même marque nationale, la déclaration de nullité n’est possible que comme « question liminaire » avec de simples effets inter partes.

32. Dans le cadre des marques de l’Union européenne, la juridiction de renvoi considère que, pour garantir que l’exception de nullité invoquée dans la procédure pour contrefaçon puisse prospérer, cette marque aurait dû être déclarée nulle de manière simultanée dans une autre procédure.

33. Les trois options – et les doutes afférents – qui sont présentées à l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) l’amènent à se demander, dans les termes suivants :

– « s’il suffit de former une demande reconventionnelle, de sorte que l’action en contrefaçon pourrait être rejetée avant même qu’il ne soit statué sur la demande reconventionnelle tirée de l’acquisition de mauvaise foi des droits sur la marque ; ou

– si l’action en contrefaçon ne peut être rejetée pour ce motif que si la marque est à tout le moins simultanément déclarée nulle sur le fondement de la demande reconventionnelle, ou

– si l’exception tirée de l’acquisition de mauvaise foi des droits sur la marque ne peut prospérer, dans le cadre de l’action en contrefaçon, que si la marque a été définitivement déclarée nulle au titre de la demande reconventionnelle » ( 13 ).

34. Dans ce contexte, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de suspendre la procédure et de saisir la Cour pour lui poser les questions préjudicielles suivantes :

« 1. Une demande en justice visant à voir prononcer une interdiction en raison d’une contrefaçon d’une marque de l’Union européenne [article 96, sous a), du règlement no 207/2009] peut-elle être rejetée au motif de la mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque [article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009] dans le cas où le défendeur a formé une demande reconventionnelle en nullité de la marque de l’Union européenne reposant sur ce motif [article 99, paragraphe 1, du
règlement no 207/2009] alors que la juridiction n’a pas encore statué sur cette demande reconventionnelle ?

2. Dans la négative, la juridiction peut-elle rejeter l’action en contrefaçon au motif de la mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque si au moins elle accueille simultanément la demande reconventionnelle, ou doit-elle attendre, pour statuer sur l’action en contrefaçon, que la décision sur la demande reconventionnelle soit devenue définitive ? »

III. Procédure devant la Cour et principaux arguments des parties

A. Procédure

35. L’ordonnance de renvoi a été enregistrée au greffe de la Cour le 1er août 2016.

36. Les deux parties à la procédure principale ont déposé des observations écrites.

37. En application de l’article 76, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, il a été jugé que la tenue d’une audience n’était pas indispensable.

B. Synthèse des observations présentées

38. Parmi les trois options présentées par la juridiction de renvoi, M. Raimund parraine la dernière, à savoir, celle selon laquelle il est nécessaire qu’une déclaration définitive de nullité de la marque ait été prononcée par la voie reconventionnelle (ou éventuellement, par voie administrative) pour pouvoir rejeter sur le fond une action en contrefaçon de la marque.

39. Il fonde son rejet de la première option (favorable à la thèse selon laquelle la simple introduction de la demande reconventionnelle est suffisante pour le respect de l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009) sur son caractère inconciliable avec la finalité de cet article. Il partage en effet l’avis de la juridiction de renvoi selon lequel, lorsqu’il s’agit de déclarer la nullité d’une marque de l’Union européenne, le système du règlement no 207/2009, considéré également à la lumière
de son article 104, privilégie les demandes reconventionnelles aux exceptions soulevées au sein des procédures en contrefaçon. Cette préférence résulte du caractère erga omnes des arrêts rendus à l’issue des procédures reconventionnelles en nullité, par opposition à la simple valeur inter partes des arrêts rendus dans le cadre des actions en contrefaçon.

40. M. Raimund estime aussi qu’il est impensable que le législateur de l’Union se satisfasse du simple acte formel d’introduction de la demande reconventionnelle. Accepter cette thèse pour considérer comme respecté l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 viderait de son sens l’article 100, paragraphe 7, de ce même règlement.

41. En ce qui concerne la deuxième option (la nécessaire existence d’arrêts simultanés dans les procédures en contrefaçon et reconventionnelle), M. Raimund l’écarte car elle n’éviterait pas le prononcé de décisions contradictoires, ainsi que l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) l’a elle-même reconnu dans l’ordonnance de renvoi ( 14 ).

42. M. Raimund défend donc la troisième option (selon laquelle il ne sera pas statué sur le recours en contrefaçon jusqu’à ce que soit prononcé un arrêt définitif dans le cadre de la procédure reconventionnelle en nullité), car cette option respecte l’efficacité erga omnes des arrêts déclarant la nullité de la marque par voie reconventionnelle. Il invoque des raisons d’économie procédurale en faveur de cette interprétation.

43. De son côté, Mme Aigner défend la première hypothèse exposée par la juridiction de renvoi. Elle fonde son opinion sur l’interprétation littérale de l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. Selon elle, cet article exige uniquement que la demande reconventionnelle ait été introduite (il suffit « d’attaquer » la validité de la marque) et non pas qu’elle ait été tranchée par un arrêt, et encore moins que ce dernier soit définitif.

44. En outre, selon l’article 99, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, il est possible d’invoquer la nullité de la marque, pour cause de mauvaise foi de son titulaire, lorsque l’on conteste l’action en contrefaçon, car cette marque « pourrait être déclarée nulle » lorsqu’il existe un droit antérieur du défendeur, l’article susmentionné ne faisant aucunement mention d’un arrêt définitif prononçant la nullité.

45. Mme Aigner souligne que ni le libellé ni la finalité de l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 ne valident le souci d’éviter des décisions divergentes dans les procédures engagées pour contrefaçon (avec effets inter partes) et en nullité (avec effets erga omnes) de la marque. La solution de ce problème incombe au droit national, sachant que le législateur de l’Union connaissait déjà ce problème et l’aurait accepté, comme en atteste le fait que le règlement ultérieur no 2015/2424
n’a pas modifié les dispositions pertinentes.

46. Enfin, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour n’accueillerait pas sa position, Mme Aigner propose de répondre à la seconde question préjudicielle en ce sens que le rejet de l’action en contrefaçon de la marque implique la déclaration, au moins de manière simultanée, de la nullité de la marque par voie reconventionnelle, ce qui exige la jonction des procédures. Dans le cas contraire, le risque de décisions divergentes sur le fond ne serait pas éliminé.

IV. Analyse

A. Observations liminaires

47. Les particularités de ce litige peuvent confondre les personnes habituées à un système de procédure civile dans lequel la demande reconventionnelle (sans se cantonner au seul contexte du droit des marques) est présentée dans la même procédure et devant le même juge ou tribunal que celui qui est saisi du recours principal, lequel se prononce simultanément sur les deux actions par un seul arrêt ( 15 ).

48. Il semble résulter de l’ordonnance de renvoi que le droit procédural civil autrichien n’obéirait pas nécessairement à ces voies, partant, j’estime qu’il convient d’avancer une réflexion contribuant à la meilleure compréhension des questions débattues.

49. En premier lieu, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) indique que, en vertu du code de procédure civil autrichien « dans le cadre de l’action en contrefaçon le juge devrait examiner [à titre liminaire] l’exception de nullité d’une marque nationale même si le défendeur n’a fait valoir aucune demande en nullité auprès de l’office des brevets et des marques autrichien (les demandes reconventionnelles ne sont pas prévues dans le cas des marques nationales) » ( 16 ). Néanmoins, il admet que ce n’est
pas le cas lorsque le litige porte sur des marques de l’Union européenne.

50. En deuxième lieu, si on comprend en général par demande reconventionnelle un contre-recours introduit par le défendeur dans une procédure engagée à son encontre par le requérant devant la même juridiction ( 17 ), du point de vue formel, Mme Aigner n’a commis aucune erreur en formant une demande reconventionnelle dans le litige, car elle a introduit celle-ci devant le tribunal des marques de l’Union européenne compétent en Autriche ( 18 ).

51. En troisième lieu, d’un autre point de vue, il y a lieu de tenir compte du fait que la juridiction a quo pose ses questions en se plaçant dans l’hypothèse que le recours en contrefaçon de la marque ne pouvait pas, dans cette affaire, être rejeté pour des motifs différents de la mauvaise foi du demandeur de la marque (comme l’absence de risque de confusion entre les produits des parties opposées). La juridiction de renvoi suppose que, dans le cas où ces autres circonstances seraient réunies, il
ne serait pas nécessairement obligatoire de se prononcer, à titre liminaire, sur la demande reconventionnelle.

B. Sur la première question préjudicielle

52. L’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 permet-il de rejeter une action en contrefaçon d’une marque, sur le fondement de la mauvaise foi du demandeur, lorsque le défendeur a formulé à son tour une demande reconventionnelle (fondée sur la même mauvaise foi) pour obtenir la nullité de la marque, et que cette demande reconventionnelle n’a pas encore été jugée ? Telle est en synthèse la question initiale de la juridiction de renvoi.

53. Je pense qu’il serait trop simpliste de répondre en considérant uniquement le libellé de l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. À défaut d’autres références jurisprudentielles (étant donné que, sauf erreur de ma part, cet article n’a pas jusqu’alors fait l’objet d’une interprétation par la Cour), la réponse doit se fonder sur deux éléments sous-jacents à l’article visé par l’exégèse, ainsi que sur d’autres éléments du même contexte réglementaire.

54. Le premier de ces éléments est le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne, dont il convient de ne pas ignorer l’importance. Selon son considérant 3, le règlement no 207/2009 a pour objet d’établir un régime attribuant aux marques de l’Union européenne une protection uniforme, de sorte qu’elles déploient leurs effets sur l’ensemble du territoire de l’Union.

55. Cet objectif figure à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, en vertu duquel la marque de l’Union européenne a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets sur l’ensemble du territoire de l’Union : elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit, que pour l’ensemble de l’Union ( 19 ).

56. Les considérants 16 et 17 du règlement no 207/2009 évoquent aussi le caractère unitaire du titre de propriété industrielle de l’Union. Selon ces derniers, d’une part, il est indispensable que les décisions sur la validité et la contrefaçon des marques [de l’Union européenne] produisent des effets sur l’ensemble du territoire de l’Union, afin d’éviter des décisions contradictoires des tribunaux et de l’Office qui porteraient atteinte au caractère unitaire de ces marques. D’autre part, ces mêmes
considérants soulignent la nécessité d’éviter que des jugements contradictoires soient rendus à la suite d’actions dans lesquelles sont impliquées les mêmes parties et qui sont formées pour les mêmes faits sur la base d’une marque de l’Union européenne et de marques nationales parallèles ( 20 ).

57. Le second élément pertinent est la présomption de validité dont jouissent les marques de l’Union européenne, après le contrôle réalisé par l’EUIPO au moment de l’examen de la demande d’enregistrement. Le respect du principe de légalité implique de reconnaître la pleine efficacité de ces marques (dans la mesure où leur enregistrement est un acte qui émane d’un organisme de l’Union), tant que leur invalidité n’a pas été prononcée par un autre acte opposé devenu définitif et émis par un organe
compétent ( 21 ).

58. La réglementation reprend cette présomption à l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, lequel enjoint à tous les intéressés, y compris aux juridictions nationales, de réputer en principe valides les marques de l’Union européenne.

59. Les mécanismes de contestation de cette validité figurent à l’article 52, paragraphe 1, du même règlement et se limitent à deux possibilités : a) la procédure administrative devant l’EUIPO, sur demande d’une partie ( 22 ) ; et b) la demande reconventionnelle qui est opposée à un recours en contrefaçon de la marque, autrement dit la voie juridictionnelle devant les tribunaux nationaux des marques de l’Union européenne.

60. Il résulte de ces dispositions lues conjointement, d’une part, qu’il est interdit aux tribunaux des marques de l’Union européenne d’enquêter d’office sur la nullité d’une marque et, d’autre part, que, dans les litiges dont ces tribunaux sont saisis, il incombe au défendeur, au moyen d’une demande reconventionnelle, d’invoquer la nullité ( 23 ) de la marque dont la violation lui est reprochée dans la procédure principale ( 24 ).

61. L’article 99, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 permet néanmoins que le défendeur dans une procédure en contrefaçon de marque ( 25 ) invoque l’exception de nullité, sans avoir à présenter de demande reconventionnelle, mais uniquement s’il invoque un droit antérieur propre sur le signe litigieux ( 26 ). Cela n’est pas le cas en l’espèce.

62. L’article 52, paragraphe 1, et l’article 53, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 lus en combinaison avec l’article 99, paragraphes 1 et 3, ainsi qu’avec l’article 100, paragraphe 1, de ce même règlement, révèlent que la nullité d’une marque de l’Union européenne ne peut être demandée par voie judiciaire qu’au moyen d’une demande reconventionnelle. Celle-ci devra être fondée sur une ou plusieurs des causes énumérées aux articles 52 (causes de nullité absolue) et 53 (causes de nullité relative)
du règlement susmentionné. La seule exception à cette règle, insérée à l’article 99, paragraphe 3, de ce règlement, et que j’ai évoquée au préalable, ne s’applique pas dans la présente affaire.

63. Ce choix du législateur de l’Union est cohérent avec le caractère unitaire de la marque et avec l’objectif visant à éviter que deux arrêts contradictoires ne soient prononcés sur un même signe distinctif.

64. Les arrêts rendus dans des procédures en contrefaçon de marques de l’Union européenne jouissent d’une efficacité inter partes, de sorte que, une fois devenus définitifs, la force de la chose jugée ne lie que les parties qui sont intervenues dans la procédure en cause. En revanche, lorsque la demande reconventionnelle est accueillie, les arrêts prononçant la nullité de la marque déplient leurs effets erga omnes. C’est pourquoi le libellé de l’article 100, paragraphe 6, du règlement no 207/2009
prévoit que l’EUIPO doit inscrire au registre des marques de l’Union européenne « la mention de la décision » judiciaire (d’annulation), laquelle a des effets rétroactifs, autrement dit « ex tunc » ( 27 ).

65. Si l’on admettait que toute partie défenderesse dans une action en contrefaçon de marque puisse opposer sans plus, à titre d’exception, les motifs de nullité (absolus ou relatifs) de cette dernière, il y aurait un risque que des actions similaires engagées par le titulaire du droit dans divers fors puissent aboutir, dans certains cas, à une déclaration de nullité de la marque et dans d’autres, à la solution contraire. Il convient de tenir compte de ce que, en vertu de l’article 97, paragraphe 5,
du règlement no 207/2009, pour exercer l’action en contrefaçon, le titulaire de la marque peut choisir de saisir le tribunal du lieu de commission du délit plutôt que de saisir le tribunal du domicile du défendeur ( 28 ).

66. Le législateur de l’Union a donc souhaité que la validité de ce type de marque ne puisse être contestée par la voie judiciaire qu’au moyen de la demande reconventionnelle. Il a également instauré un mécanisme de sécurité pour faire face à une éventuelle pluralité de recours, qu’il s’agisse d’un recours en contrefaçon ou de demandes reconventionnelles, à savoir le sursis à statuer, prévu à l’article 104, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

67. Dans ce contexte, on ne saurait partager l’interprétation de l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 proposée par Mme Aigner. Selon celle-ci, l’exception de nullité de la marque pourrait être accueillie, dans le cadre d’une procédure en contrefaçon, dès lors qu’une demande reconventionnelle a été introduite (mais pas encore tranchée).

68. Ainsi que l’affirme à juste titre la juridiction de renvoi, cette solution est incompatible avec le dessein de l’article visé. On ne comprendrait pas pourquoi le législateur de l’Union obligerait à surseoir à statuer en cas de litispendance entre deux tribunaux des marques, afin d’éviter des arrêts différents sur un objet identique, alors qu’il n’impose pas cette obligation lorsque le recours en contrefaçon et le recours reconventionnel sont attribués à un même tribunal des marques de l’Union
européenne (bien qu’il agisse au travers de deux formations juridictionnelles différentes).

69. Il est vrai que, en vertu de l’autonomie procédurale ( 29 ), il incombe à chaque État membre de déterminer l’organisation de ses tribunaux des marques de l’Union européenne et de fixer leurs règles de procédure, sans porter atteinte au respect des règles qui figurent au règlement no 207/2009. Cependant, le système d’attribution de compétences (et, en ce sens, celui de répartition des affaires au sein d’un même tribunal ayant plusieurs formations juridictionnelles) des tribunaux nationaux des
marques de l’Union européenne ne saurait compromettre l’objectif visant à éviter que des arrêts contradictoires ne soient prononcés sur la même marque.

70. Le système de contestation par la voie juridictionnelle des marques de l’Union européenne distingue entre les arguments de défense au fond (exceptions) et les demandes reconventionnelles. Dans le cadre d’un recours en contrefaçon, le défendeur ne peut invoquer l’exception de nullité de la marque que s’il dispose d’un droit antérieur sur ce même signe (article 99, paragraphe 3, du règlement no 207/2009) ( 30 ).

71. En dehors de cette hypothèse, toute personne mise en cause pour contrefaçon d’une marque de l’Union européenne et soutenant que cette marque est nulle doit suivre la voie de la demande reconventionnelle. La demande de nullité ainsi formulée devient nécessairement préjudicielle comparée au recours en contrefaçon lui-même, car la présomption de validité de la marque est mise en cause. Avant d’analyser si les droits inhérents à la marque ont été violés, il convient de se prononcer sur la question
préalable sine qua non de la persistance de la validité de ce signe distinctif, ce que la partie défenderesse a précisément mis en cause au moyen de son action reconventionnelle.

72. Il serait illogique du point de vue de la procédure de rejeter le recours en contrefaçon (excepté dans le cas visé par la juridiction de renvoi) sans avoir écarté les doutes sur la nullité de la marque exposés dans la demande reconventionnelle. Ce défaut de logique survient aussi bien lorsque les litiges sont traités par divers tribunaux des marques de l’Union européenne, que lorsqu’ils sont traités par un seul tribunal (en l’espèce, le Handelsgericht Wien, tribunal de commerce de Vienne)
agissant par l’intermédiaire de formations juridictionnelles qui connaissent séparément de ces procédures.

73. Partant, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que l’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une demande reconventionnelle a été introduite pour demander la nullité de la marque de l’Union européenne au motif de la mauvaise foi de son titulaire lors du dépôt de la marque, la juridiction compétente pour statuer sur le recours principal en contrefaçon de ladite marque ne saurait accueillir ce motif de nullité, invoqué
par voie d’exception, tant que l’arrêt se prononçant sur la demande reconventionnelle n’a pas été rendu.

C. Sur la seconde question préjudicielle

74. La seconde question préjudicielle de l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) est posée dans l’hypothèse où la réponse à la première question serait, ainsi que je le propose, négative.

75. La question de la juridiction de renvoi a désormais comme prémisse que, dans les circonstances précédemment exposées, le tribunal des marques de l’Union européenne doit attendre la décision relative à la demande reconventionnelle pour se prononcer sur la contrefaçon de la marque. Cependant, la question qui se pose est de savoir s’il est suffisant que cet arrêt soit rendu ou s’il est nécessaire qu’il soit définitif.

76. Si la réponse à la demande reconventionnelle était favorable à la partie défenderesse (autrement dit, si le tribunal déclarait la nullité du signe distinctif), le tribunal des marques pourrait, ainsi que le prévoit son droit national ( 31 ), rejeter le recours en contrefaçon ou le déclarer comme dépourvu d’objet, car il est impossible de contrefaire une marque qui a perdu ex tunc la protection de l’enregistrement.

77. En subordonnant l’arrêt dans la procédure en contrefaçon à la décision préalable adoptée dans le cadre de l’action reconventionnelle, le tribunal satisfait l’objectif visant à éviter des arrêts contradictoires, qui auraient pu mettre en danger l’unité de la marque de l’Union européenne.

78. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) craint néanmoins que le comportement procédural des parties dans le cadre des actions en contrefaçon et des demandes reconventionnelles puisse compromettre à nouveau la cohérence atteinte par les arrêts simultanés, par exemple si elles n’attaquent que l’un de ces arrêts devant l’instance supérieure ( 32 ).

79. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si, précisément pour exclure cette éventuelle contradiction, il faudrait exiger du premier tribunal qu’il ne se prononce sur le litige portant sur la contrefaçon de la marque qu’après que l’arrêt faisant droit à la demande reconventionnelle a acquis force de chose jugée.

80. J’estime que le règlement no 207/2009 ne contient pas de règle certaine en vertu de laquelle le tribunal compétent doit attendre que l’arrêt accueillant la demande reconventionnelle soit définitif. Il ne contient pas non plus de règle l’interdisant.

81. Parmi les articles du règlement no 207/2009 qui font référence à l’efficacité de la « chose jugée » de la décision juridictionnelle ( 33 ), l’article 56, paragraphe 3, lie cette dernière au fait qu’un tribunal d’un État membre se soit prononcé entre les mêmes parties sur une demande portant sur le même objet et la même cause, et que cette décision juridictionnelle soit déjà définitive (à savoir, irrévocable et non susceptible d’un recours ultérieur) ( 34 ).

82. Néanmoins, ces articles ne précisent rien sur le sort des décisions juridictionnelles rendues dans les litiges respectifs, tant qu’elles n’ont pas acquis cette qualité définitive. L’explication de cette absence de réglementation résulte probablement du fait que le règlement no 207/2009 traite du caractère définitif des arrêts dans la perspective de la cohérence entre les décisions de l’Office et celles des tribunaux nationaux des marques de l’Union européenne. Il convient de s’arrêter un moment
sur cet aspect.

83. À la différence de la procédure d’enregistrement des marques de l’Union européenne qui, dans le système du règlement no 207/2009, a été conçue comme une fonction exclusive de l’EUIPO, imperméable à toute décision d’une juridiction nationale ( 35 ), la compétence pour déclarer la nullité d’une marque de l’Union européenne a été attribuée, de manière partagée, aux tribunaux nationaux des marques de l’Union européenne et à l’Office.

84. Toutefois, cette compétence doit être exercée de manière alternative et exclusive, c’est-à-dire que seul le premier des deux organismes saisis du litige ( 36 ) (qu’il s’agisse d’un tribunal des marques de l’Union européenne, devant lequel la demande reconventionnelle aurait été présentée, ou de l’EUIPO, si une demande de nullité a été présentée devant lui) pourra se prononcer sur la validité du titre de propriété industrielle. Par ailleurs, afin d’éviter des décisions contradictoires, l’autre
tribunal est tenu de surseoir à statuer jusqu’à l’issue de la première procédure, conformément aux termes de l’article 104 du règlement no 207/2009.

85. Ainsi, cette suspension ( 37 ) et l’obligation (article 100, paragraphe 6, du même règlement) pour le tribunal des marques de l’Union européenne d’informer l’EUIPO lorsque la décision de nullité de l’une de ces marques a acquis force de chose jugée par la voie reconventionnelle constituent les mécanismes grâce auxquels le législateur entend assurer la cohérence des décisions sur la nullité et la concordance du registre des marques de l’Union européenne avec la réalité des signes qui y sont
inscrits.

86. Lorsque c’est la même juridiction qui doit, à des époques différentes, se prononcer sur le recours en contrefaçon et la demande reconventionnelle en nullité du signe distinctif, la cohérence avec l’arrêt qu’elle aura elle-même rendu dans la demande reconventionnelle l’empêchera de prononcer un arrêt contradictoire dans le recours en contrefaçon. Cependant, je ne vois pas de base pour exiger de cette juridiction, au regard du règlement no 207/2009, qu’elle sursoie à statuer dans la deuxième
procédure pour tenir compte des éventuels avatars du litige devant des juridictions supérieures.

87. L’obligation du tribunal des marques de l’Union européenne que j’ai citée dans mon analyse de la première question préjudicielle doit le conduire à attendre le résultat de la demande reconventionnelle, pour se prononcer (simultanément ou a posteriori, selon ce que les règles procédurales internes permettent) sur le recours en contrefaçon. Une fois l’arrêt sur la demande reconventionnelle rendu, je ne pense pas que cette obligation soit nécessairement conditionnée par les stratégies procédurales
des parties, plus ou moins dépendantes de leurs chances de succès dans des recours ultérieurs.

88. Je partage l’avis de l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) selon lequel lier l’issue de la procédure en contrefaçon aux comportements des parties relatifs aux recours consécutifs contre la décision faisant droit à la demande reconventionnelle entraînerait, selon toute probabilité, des retards importants pour l’issue de la procédure. L’objectif visant à éviter des décisions contradictoires sur une même marque est déjà atteint en donnant priorité à la décision adoptée dans le cadre de la demande
reconventionnelle, en fonction de laquelle l’action en contrefaçon sera traitée.

89. Comme les parties dans les deux procédures sont les mêmes, bien que leur position procédurale soit inversée, elles disposent des mêmes armes de défense et doivent supporter les conséquences de leurs actions. N’importe laquelle d’entre elles peut assurément retarder, par des recours successifs, l’effet de la chose jugée des arrêts d’instance, mais cette éventualité ne doit pas prévaloir sur l’obligation du juge de trancher le litige dont il est saisi.

90. Cela étant, je souhaite préciser que, même si le règlement no 207/2009 n’exige pas du tribunal saisi du recours en contrefaçon qu’il attende que l’arrêt tranchant la demande reconventionnelle soit devenu définitif, aucun article dans le même règlement ne s’oppose non plus à ce sursis à statuer. Les règles procédurales de chaque État membre, selon l’interprétation qui en est faite par leurs juridictions suprêmes, peuvent opter pour l’une ou l’autre solution, face à l’absence de règle du droit de
l’Union sur ce point.

91. Il peut arriver que l’arrêt portant sur la demande reconventionnelle ne soit pas contesté, auquel cas il incombera au tribunal l’ayant rendu d’informer l’EUIPO de son arrêt ayant acquis force de chose jugée. Étant donné que le délai de contestation ne sera pas excessivement prolongé, je ne vois pas d’inconvénient à ce que la juridiction nationale attende, avant de se prononcer sur le recours en contrefaçon, que l’arrêt rendu sur la demande reconventionnelle soit devenu définitif. En revanche, si
cet arrêt était contesté, le tribunal serait tenu d’évaluer les particularités de la procédure en contrefaçon ( 38 ) et la pertinence de la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’arrêt rendu dans le cadre de l’action reconventionnelle soit devenu définitif.

92. Eu égard aux explications qui précèdent, j’estime qu’il y a lieu de répondre à la seconde question préjudicielle en ce sens que le tribunal des marques de l’Union européenne peut rejeter l’action en contrefaçon d’une marque au motif de la mauvaise foi de la personne demandant son enregistrement, lorsque, au moins concomitamment, il est fait droit à l’action reconventionnelle demandant la nullité de la marque pour le même motif. Le droit de l’Union n’oblige pas le tribunal des marques à attendre,
pour se prononcer sur l’action en contrefaçon, que l’arrêt rendu sur la demande reconventionnelle soit devenu définitif, mais il ne s’oppose pas non plus à ce qu’il le fasse.

V. Conclusion

93. En vertu des considérations précédemment exposées, je conclus qu’il plaise à la Cour répondre aux questions posées par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) comme suit :

« 1) L’article 99, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 de Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire, doit être interprété en ce sens que, après l’introduction d’une demande reconventionnelle en nullité de la marque de l’Union européenne au motif de la mauvaise foi du titulaire lors de l’enregistrement de la marque, le tribunal saisi du recours principal en contrefaçon de ladite marque ne saurait accueillir ce motif de nullité, invoqué par le biais de l’exception, jusqu’à
l’adoption de la décision dans la procédure de demande reconventionnelle.

2) Le tribunal des marques de l’Union européenne peut rejeter le recours en contrefaçon d’une marque au motif de la mauvaise foi de la personne demandant son enregistrement lorsque, au moins concomitamment, il est fait droit à la demande reconventionnelle demandant la nullité de cette marque pour le même motif. Pour se prononcer sur l’action en contrefaçon, le droit de l’Union n’oblige pas le tribunal des marques à attendre que l’arrêt rendu sur la demande reconventionnelle soit devenu
définitif, mais il ne s’oppose pas non plus à ce qu’il le fasse. »

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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Ci-après également désigné par l’« Office ».

( 3 ) J’utiliserai le terme « exception » dans son sens procédural, tiré de l’« exceptio » romaine par laquelle le défendeur s’opposait à l’« actio » de la partie requérante.

( 4 ) Ainsi que l’affirme M. Raimund.

( 5 ) Règlement du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1). Ce règlement a été modifié par le règlement (UE) no 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil sur la marque communautaire et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission,
relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21, ci-après le « règlement no 2015/2424 »). Le règlement no 2015/2424 ne s’applique cependant pas rationae temporis à ce litige, sans préjudice de son utilité interprétative.

( 6 ) L’alinéa c), de cet article concerne l’action d’indemnisation de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, sans intérêt dans ce litige.

( 7 ) L’exposé des faits résulte de l’ordonnance de renvoi et des documents présentés dans le cas d’espèce. Partant, il incombe logiquement à la juridiction nationale de déclarer à titre définitif ceux qu’elle considère comme étant suffisamment établis.

( 8 ) La préparation est mélangée avec ce type de boissons alcooliques, ce qui provoque une sensation de chaleur dans l’estomac, qui donne son nom au produit, car la traduction littérale de la marque serait « chauffe estomac ».

( 9 ) Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, sous sa version révisée et modifiée.

( 10 ) Bien que l’ordonnance de renvoi mentionne l’action en retrait (« Beseitigung »), il résulte des documents pertinents remis par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême), notamment de l’arrêt attaqué devant cette juridiction, que M. Raimund a également introduit une action en destruction (« Vernichtung »).

( 11 ) Il semble résulter des documents remis par la juridiction de renvoi que l’action en contrefaçon de la marque et la demande reconventionnelle sont réparties devant des formations juridictionnelles distinctes, au sein du Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne). Cela résulte probablement du décalage de deux années entre le recours en contrefaçon et la demande reconventionnelle, ainsi que l’écrit dans son mémoire M. Raimund. En tout état de cause, il ne semble pas que ces deux
affaires soient jointes.

( 12 ) Ainsi que l’indique l’ordonnance de renvoi, en droit des marques autrichien, la déclaration de nullité avec effet erga omnes des marques nationales relève de la compétence exclusive du Patentamt (office national des brevets et des marques).

( 13 ) Passages soulignés dans l’original.

( 14 ) Cette juridiction développe un catalogue de situations dans lesquelles, après la déclaration de la nullité de la marque par l’intermédiaire de la demande reconventionnelle et le rejet du recours en contrefaçon, les recours consécutifs (celui introduit par le requérant uniquement à l’encontre de l’arrêt accueillant la demande reconventionnelle, ou celui introduit par le défendeur contre seulement un de ces arrêts) pourraient, s’ils prospéraient, aboutir à des décisions juridictionnelles
inconciliables.

( 15 ) La demande reconventionnelle n’est autre chose qu’une demande autonome, qui résulte de la même procédure, que le défendeur exerce à l’encontre du requérant, profitant de l’action de ce dernier, lorsqu’il existe entre les deux actions certains éléments qui les relient et que le juge est compétent pour se prononcer sur les deux actions par une seule décision. Dans un litige donné, le défendeur peut soit se défendre (à savoir, soulever des exceptions à l’action du requérant) soit contre-attaquer
(c’est-à-dire, formuler ses propres demandes de condamnation du requérant) par la voie reconventionnelle. Bien que certains ordres juridiques admettent les « exceptions reconventionnelles » ou les actions reconventionnelles implicites (par exemple, l’action relative à la compensation de crédits ou la nullité de certains actes juridiques), il n’est pas nécessaire de les invoquer dans le contexte de la présente affaire préjudicielle.

( 16 ) Point 3.2 de l’ordonnance de renvoi préjudiciel. J’ignore si cette circonstance pourrait être liée au caractère tardif de la demande reconventionnelle de Mme Aigner et avec le fait que celle-ci invoque la mauvaise foi comme exception de fond dans son mémoire en défense dans la procédure engagée par M. Raimund.

( 17 ) On admet communément comme objectifs de la demande reconventionnelle l’économie procédurale et la prévention du risque d’arrêts contradictoires. Voir Okońska, A., Die Widerklage im Zivilprozesrecht der Europäischen Union und ihrer Mitgliedstaaten, éd. Mohr Siebeck, Tubinga, 2015, p. 269 et 270.

( 18 ) La raison pour laquelle ce dernier n’a pas joint les deux procédures pour les trancher simultanément n’est pas claire. De fait, il ne semble pas que la pratique générale soit d’attribuer la demande reconventionnelle à un autre juge ou à une autre formation juridictionnelle : dans le litige ayant donné lieu à l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361, points 3 et 4), la même formation du Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne), dans ses
fonctions de tribunal des marques de l’Union européenne en première instance, a traité tant le recours en contrefaçon de la marque de l’Union européenne que la demande reconventionnelle.

( 19 ) Arrêt du 12 avril 2011, DHL Express France (C‑235/09, EU:C:2011:238, points 40 et 41).

( 20 ) Arrêt du 12 avril 2011, DHL Express France (C‑235/09, EU:C:2011:238, point 42).

( 21 ) Voir, en ce sens, arrêts du 13 février 1979, Granaria (101/78, EU:C:1979:38, point 5), et du 28 janvier 2016, Éditions Odile Jacob/Commission (C‑514/14 P, non publié, EU:C:2016:55, point 40).

( 22 ) Pour contester la décision de l’Office, accueillant ou rejetant la demande de nullité, il faut saisir ses chambres de recours ; les décisions de celles-ci peuvent, à leur tour, être contestées devant le Tribunal, dont les arrêts sont susceptibles de pourvoi devant la Cour. Néanmoins, à proprement parler, la nullité est déclarée par voie administrative, car le contrôle juridictionnel ultérieur (de l’Union) se limite à l’examen de la légalité de cette déclaration. La nullité ne sera examinée
par la voie judiciaire qu’en cas de contestation du rejet d’une demande de nullité et si l’une des juridictions de l’Union accueille cette action.

( 23 ) Le défendeur peut également invoquer la déchéance de la marque en tant qu’éventuel fondement de sa demande reconventionnelle. Je ne renverrai pas à cette hypothèse, étrangère à l’objet du présent litige.

( 24 ) Dans le cadre de la voie administrative, l’EUIPO n’a pas non plus la capacité d’enquêter d’office sur la nullité. Aux termes de l’article 56, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, les opérateurs économiques concurrents des titulaires de marques sont chargés, ainsi qu’indiqué par l’un de mes prédécesseurs, d’assurer le caractère immaculé du registre, alors que l’Office doit observer une neutralité complète. Voir à cet égard les conclusions de l’avocat général Ruiz‑Jarabo Colomer dans
l’affaire Silberquelle (C‑495/07, EU:C:2008:633, point 46). Bien que cette affaire concerne la déchéance, la réflexion qui y a été menée est transposable au domaine de la nullité.

( 25 ) Par renvoi direct à l’article 96, sous a), du même règlement.

( 26 ) La réforme introduite par le règlement no 2015/2424 a supprimé cette possibilité. En effet, elle engendrait des doutes sur sa compatibilité avec le principe de priorité, en ce qu’elle exigeait du titulaire d’un droit antérieur qu’il obtienne une déclaration d’invalidité du signe postérieur pour s’opposer avec succès à ce dernier. Le nouveau libellé de l’article 9 du règlement no 207/2009 devrait écarter ces doutes. Voir Max Planck Institute for Intellectual Property and Competition Law, Study
on the Overall Functionning of the European Trade Mark System, Munich, 2011, p. 108.

( 27 ) Selon l’article 55, paragraphe 2, du même règlement, et sans préjudice du respect des situations juridiques consolidées mentionnées à l’article 55, paragraphe 3.

( 28 ) Dans ces hypothèses, l’article 98, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 limite la compétence des décisions des tribunaux des marques de l’Union européenne aux faits survenus sur le territoire de l’État membre où se trouvent ces tribunaux. Bien que cette disposition ne soit pas très cohérente avec le principe d’unité de la marque de l’Union européenne, elle tente de contourner l’indésirable forum shopping, voir Sosnita, O., « Der Grundsatz der Einheitlichkeit im Verletzungsverfahren der
Gemeinschaftsmarke – zugleich Besprechung von EuGH, urt. v. 12.4.2011 – C‑235/09 – DHL/Chronopost », GRUR, 2011, p. 468.

( 29 ) Voir, notamment, arrêts du 11 septembre 2003, Safalero (C‑13/01, EU:C:2003:447, point 49) ; du 2 octobre 2003, Weber’s Wine World e.a. (C‑147/01, EU:C:2003:533, point 103) ; du 7 janvier 2004, Wells (C‑201/02, EU:C:2004:12, point 67), et du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, EU:C:2007:163, point 43).

( 30 ) Cette conclusion est validée par Huet, A., « La marque communautaire : la compétence des juridictions des États membres pour connaître de sa validité et de sa contrefaçon [règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993] », Journal du Droit International, no 3, 1994, p. 630, et Gallego Sánchez, F., « Artículo 96 - Demanda de reconvención », dans Casado Cerviño, A., et Llobregat Hurtado, M. L. (coord.), Comentarios a los reglamentos sobre la marca comunitaria, La Ley, Madrid, 2000,
p. 874.

( 31 ) Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 « […] les atteintes à une marque [de l’Union européenne] sont régies par le droit national concernant les atteintes à une marque nationale conformément aux dispositions du titre X ».

( 32 ) Pour plus de détails, voir la note 14 des présentes conclusions.

( 33 ) Article 55, paragraphe 3, sous a) ; article 56, paragraphe 3 ; article 84, paragraphe 3 ; article 100, paragraphe 6 ; et article 112, paragraphe 6.

( 34 ) L’article 100, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 étend ce même effet (mais sans parler de « chose jugée », compte tenu de la nature administrative de l’organisme) aux décisions « définitives » de l’EUIPO qui trancheraient « entre les mêmes parties […] une demande ayant le même objet et la même cause ».

( 35 ) Arrêt du 21 juillet 2016, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO (C‑226/15 P, EU:C:2016:582, point 50).

( 36 ) À l’exception de la possibilité prévue par l’article 100, paragraphe 7, du règlement no 207/2009, selon laquelle le tribunal national des marques suspend la procédure en contrefaçon et défère à l’EUIPO la décision sur la nullité sur demande de l’une des parties.

( 37 ) Le nouveau libellé de l’article 100, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, qui résulte du règlement no 2015/2424, oblige le tribunal des marques de l’Union européenne devant lequel une demande reconventionnelle en nullité a été déposée à suspendre la procédure, conformément à l’article 104, paragraphe 1, jusqu’à ce que la décision de l’EUIPO concernant la demande de nullité soit définitive.

( 38 ) Il y a lieu d’observer, par comparaison, que l’obligation de suspension de l’article 104, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 n’est pas absolue, car elle est conditionnée à l’absence de motifs spéciaux pour poursuivre la procédure.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-425/16
Date de la décision : 20/06/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 96, sous a) – Action en contrefaçon – Article 99, paragraphe 1 – Présomption de validité – Article 100 – Demande reconventionnelle en nullité – Relation entre une action en contrefaçon et une demande reconventionnelle en nullité – Autonomie procédurale.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Marques


Parties
Demandeurs : Hansruedi Raimund
Défendeurs : Michaela Aigner.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:479

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