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27/04/2017 | CJUE | N°C-186/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Ruxandra Paula Andriciuc e.a. contre Banca Românească SA., 27/04/2017, C-186/16


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 27 avril 2017 (1)

Affaire C‑186/16

Ruxandra Paula Andriciuc e.a.

contre

Banca Românească SA

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Oradea (cour d’appel d’Oradea, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 3, paragraphe 1, et article 4, paragraphe 2 – Contrats de crédit libellés dans une devise étrangère – C

lauses soustraites à l’appréciation de leur caractère abusif – Clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal d...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 27 avril 2017 (1)

Affaire C‑186/16

Ruxandra Paula Andriciuc e.a.

contre

Banca Românească SA

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Oradea (cour d’appel d’Oradea, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 3, paragraphe 1, et article 4, paragraphe 2 – Contrats de crédit libellés dans une devise étrangère – Clauses soustraites à l’appréciation de leur caractère abusif – Clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation du prix qui sont rédigées de manière claire et compréhensible – Moment de l’appréciation de l’existence d’un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat – Portée et niveau d’information devant être fournis par la banque »

1.        Par la présente affaire, la Curtea de Apel Oradea (cour d’appel d’Oradea, Roumanie) nous interroge, dans le cadre d’un litige opposant un établissement bancaire à plusieurs particuliers emprunteurs, sur l’interprétation à donner de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE (2). Ce litige fait suite à des demandes en nullité de certaines clauses prétendument abusives, insérées dans des contrats de crédit à la consommation libellés en devises
étrangères, notamment celles concernant le « risque de change » et l’obligation de rembourser le crédit dans la devise étrangère dans laquelle il a été contracté.

2.        Si la Cour a déjà été appelée à fournir certaines clarifications sur l’interprétation des dispositions de la directive 93/13 dans le contexte très particulier des contrats de crédit libellés en devises étrangères, la présente demande de décision préjudicielle invite la Cour à apporter des précisions complémentaires, premièrement, quant au moment auquel il convient d’apprécier l’existence d’un « déséquilibre significatif » au détriment du consommateur au sens de l’article 3, paragraphe 1,
de cette directive et, deuxièmement, quant à la portée de l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive qui exclut notamment les clauses définissant « l’objet principal » d’un contrat de l’appréciation du caractère abusif. L’affaire offre plus fondamentalement l’occasion de se prononcer sur la conformité même du recours aux prêts en devises étrangères (3) dans un contexte particulièrement sensible (4).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3.        L’article 1^er de la directive 93/13 prévoit :

« 1.      La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2.      Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parties, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

4.        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, « [u]ne clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ».

5.        L’article 4 de la directive 93/13 est rédigé comme suit :

« 1.      Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

6.        L’article 5 de cette directive dispose :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible […] »

 Le droit roumain

 La loi n° 193/2000

7.        La Legea nr. 193/2000 privind clauzele abuzive din contractele încheiate între comercianţi şi consumatori (loi n° 193/2000 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre les commerçants et les consommateurs), du 10 novembre 2000, dans sa version republiée (5), vise à transposer la directive 93/13.

8.        Aux termes de l’article 4 de cette loi :

« 1.      Une clause contractuelle qui n’a pas été négociée directement avec le consommateur est considérée comme abusive si, prise isolément ou en combinaison avec d’autres dispositions du contrat, elle crée, au détriment du consommateur et contrairement aux exigences de bonne foi, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

[…]

6.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’aptitude à satisfaire les exigences de prix et de paiement, d’une part, ni sur les produits et services offerts en échange, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées dans un langage aisément compréhensible. »

9.        Le point 1, sous p), de l’annexe de la loi n° 193/2000 dispose que sont déclarées abusives les clauses contractuelles prévoyant que « le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou [accordant] au vendeur de biens ou au fournisseur de services d’augmenter ses prix sans que, dans les deux cas, le consommateur ait le droit correspondant de rompre le contrat si le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat ». Il est précisé que « [l]es
dispositions de ce point ne font pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit ».

10.      Le point 2 de cette annexe prévoit :

« Les dispositions du point 1, sous a), p) et t), ne sont pas applicables aux :

a)      transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est lié aux fluctuations d’un cours ou d’un indice boursier ou d’un taux de marché financier que le professionnel ne contrôle pas,

b)      contrats d’achat ou de vente de devises, de chèques de voyage ou de mandats poste internationaux libellés en devises ou autres instruments de paiement internationaux. »

11.      La juridiction de renvoi indique que l’article 4, paragraphe 6, et le point 2 de ladite annexe ont été introduits par la loi n° 363/2007, qui est entrée en vigueur le 31 décembre 2007, et que, avant l’entrée en vigueur de la loi n° 363/2007, le point 1, sous p), de l’annexe était rédigé comme suit :

« Sont considérées comme des clauses abusives les dispositions contractuelles permettant de déterminer le prix au moment de la livraison ou d’augmenter le prix au moment de la livraison par rapport à celui convenu lors de la conclusion du contrat, si le consommateur n’a pas le droit de résilier le contrat lorsqu’il considère que le prix est trop élevé par rapport à celui initialement convenu. »

 Le code civil

12.      L’article 1578 du code civil, dans sa version en vigueur à la date de conclusion des contrats, disposait :

« L’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme énoncée au contrat.

S’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement. »

13.      L’article 970 du code civil, dans sa version en vigueur à la date de conclusion des contrats, était ainsi libellé :

« Les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

Elles obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. »

 La loi n° 190/1999

14.      L’article 8 de la loi n° 190/1999 sur le crédit hypothécaire pour les investissements immobiliers (ci-après la « loi n° 190/1999 »), dans sa version en vigueur à la date de conclusion des contrats en cause, prévoyait :

« Avant la signature du contrat de crédit hypothécaire pour investissement immobilier, l’établissement agréé met à la disposition de l’emprunteur une offre écrite dans laquelle figurent toutes les conditions du contrat et la durée de validité de l’offre, qui ne saurait être inférieure à 10 jours à compter de la réception de l’offre par le débiteur potentiel. »

15.      L’article 14, paragraphe 1, de la loi n° 190/1999 est libellé comme suit :

« Dans le contrat de crédit hypothécaire pour investissement immobilier, la somme du crédit accordé peut être libellée en lei ou dans une devise convertible et est mise à la disposition de l’emprunteur en un ou plusieurs versements. »

 Le règlement n° 3

16.      La juridiction de renvoi indique que l’article 4 du règlement n° 3 de la Banca Naţională a Romaniei (Banque Nationale de Roumanie), du 12 mars 2007, relatif à la limitation du risque de crédit dans les crédits destinés aux personnes physiques, est entré en vigueur le 22 août 2008 et prévoit :

« Les prêteurs sont tenus d’informer les clients en mentionnant, dans le cadre des échéanciers afférents aux contrats de crédit ou, en l’absence d’échéancier, par une mention distincte dans le contrat de crédit, l’éventuelle majoration des sommes dues en cas de réalisation du risque de change, du risque de taux d’intérêt ou en cas d’augmentation du coût du crédit découlant des commissions et autres frais afférents à la gestion du crédit prévus dans le contrat. »

 Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

17.      Il ressort de l’exposé des faits au principal par la juridiction de renvoi que, entre le mois d’avril 2007 et le mois d’octobre 2008, M^me Ruxandra Paula Andriciuc et 68 autres personnes (ci-après les « emprunteurs ») ont conclu avec la banque Banca Românească SA (ci-après la « banque ») des contrats de crédit en francs suisses en vue de l’acquisition de biens immobiliers, du refinancement d’autres crédits ou afin de répondre à des besoins personnels.

18.      Aux termes de l’article 1, paragraphe 2, du contrat signé par chacun des emprunteurs, ces derniers étaient tenus de rembourser les mensualités du crédit en francs suisses. L’article 8, paragraphe 2, de ce contrat stipulait que « [t]out paiement effectué par l’emprunteur en vue de rembourser le crédit doit l’être dans la monnaie dans laquelle le crédit a été accordé ». En outre, les articles 9.1. et 10.3.9. dudit contrat comportaient deux clauses qui, une fois les mensualités arrivées à
échéance ou en cas de non-respect par l’emprunteur des obligations résultant desdits contrats, permettaient à la banque de débiter le compte de l’emprunteur et, si nécessaire, de procéder à toute conversion des liquidités disponibles sur son compte dans la devise du contrat, au taux de change pratiqué par la banque le jour de ladite opération. En application de ces clauses, toute différence dans le taux de change restait à la charge exclusive de l’emprunteur.

19.      Selon les emprunteurs, la banque était en mesure de prévoir l’évolution et les fluctuations du taux de change du franc suisse. Ils soutiennent que, à défaut de les avoir informés de manière transparente sur lesdites fluctuations, la banque a agi en violation de ses obligations d’information, de mise en garde et de conseil ainsi que de son devoir de rédaction de clauses contractuelles de façon claire et compréhensible afin que l’emprunteur puisse apprécier l’étendue des obligations résultant
du contrat qu’il a conclu.

20.      Estimant que les clauses établissant le remboursement du crédit en francs suisses et faisant peser le risque de change sur les emprunteurs constituaient des clauses abusives, les emprunteurs ont, dès lors, saisi, le 2 avril 2014, le Tribunalul Bihor (tribunal de grande instance de Bihor, Roumanie) d’une action tendant, en substance, à déclarer la nullité absolue desdites clauses ainsi qu’à condamner la banque à établir, pour chacun des contrat de crédit, un nouvel échéancier de
remboursement prévoyant la conversion du prêt en lei roumains, au taux de change en vigueur au moment de la conclusion du contrat de crédit.

21.      Par son arrêt n° 280/COM du 30 avril 2015, le Tribunalul Bihor (tribunal de grande instance de Bihor) a rejeté le recours.

22.      Les emprunteurs ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, qui, nourrissant des doutes quant à l’interprétation de certaines dispositions de la directive 93/13, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1.      L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens que le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat doit être analysé en se référant strictement au moment de la conclusion du contrat ou qu’il couvre également la situation dans laquelle, au cours de la vie d’un contrat à exécution successive, d’importantes variations du taux de change rendent les obligations du consommateur excessivement onéreuses par rapport
à ce qu’elles étaient au moment de la conclusion du contrat ?

2.      Le caractère clair et compréhensible d’une clause contractuelle visé à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit-il s’entendre en ce sens que la clause en question doit uniquement indiquer les raisons de son inclusion dans le contrat et la manière dont elle fonctionne, ou doit-elle également indiquer toutes les conséquences qu’elle peut avoir sur le prix payé par le consommateur, telles que le risque de change et, au regard de la directive 93/13, peut-on considérer que
l’obligation de la banque d’informer le client au moment de l’octroi du crédit vise exclusivement les conditions de crédit, à savoir les intérêts, commissions et garanties constituées à la charge de l’emprunteur, sans que l’éventuelle hausse ou dépréciation du cours d’une devise étrangère puisse relever de cette obligation ?

3.      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens que les expressions “l’objet principal du contrat” et “l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part”, couvrent une clause insérée dans un contrat de crédit conclu dans une devise étrangère entre un professionnel et un consommateur sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et aux termes de laquelle le crédit doit
être remboursé dans cette même devise ? »

23.      Des observations ont été déposées par les emprunteurs, la banque, les gouvernements roumain et polonais ainsi que par la Commission européenne.

24.      Une audience s’est tenue le 9 février 2017, à laquelle ont participé les emprunteurs, la banque, le gouvernement roumain et la Commission.

 Analyse

25.      Avant d’examiner une à une les questions posées par la juridiction de renvoi, je souhaiterais, tout d’abord, formuler quelques observations quant à la recevabilité du présent renvoi, recevabilité mise en cause par la banque.

26.      La banque a, en effet, fait part de ses doutes quant à la recevabilité des questions posées. Elle estime que les questions préjudicielles n’étaient ni nécessaires – compte tenu de la jurisprudence existant en la matière – ni pertinentes – eu égard à la nature du litige au principal. Le renvoi préjudiciel tendrait, en réalité, à obtenir une solution individuelle en vue du règlement concret du litige au principal.

27.      À cet égard, il suffit de rappeler que, d’une part, les demandes de décision préjudicielle bénéficient d’une présomption de pertinence et, d’autre part, qu’il n’apparaît pas de manière manifeste que les questions posées en l’espèce ne présentent aucune utilité pour le juge de renvoi, qui est le mieux placé pour juger de l’opportunité du renvoi préjudiciel (6).

28.      Il est, à cet égard, bien établi que le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions
qui lui sont posées (7).

29.      S’agissant, ensuite, de la teneur des questions posées en l’espèce, elles concernent, premièrement, la manière d’appréhender, au regard de la directive 93/13, une évolution survenue postérieurement à la conclusion du contrat, deuxièmement, l’appréciation du caractère clair et compréhensible de clauses contractuelles dans un tel contexte et, troisièmement, la définition de ce qui relève de « l’objet principal du contrat » ou de « l’adéquation du prix » au sens de l’article 4, paragraphe 2,
de cette directive.

30.      À l’instar de ce qui a été suggéré par le gouvernement roumain, il me semble qu’il y a lieu d’examiner ces questions dans l’ordre inverse de leur présentation. La question de l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, qui exclut de l’appréciation du caractère abusif certaines clauses contractuelles, ainsi que celle de savoir si les clauses en cause ont été rédigées de manière « claire et compréhensible » se posent avant toute appréciation au fond du caractère
abusif de ces clauses (8).

31.      Dans ce contexte, il importe de rappeler que, s’il incombe à la seule juridiction de renvoi de se prononcer sur la qualification de ces clauses en fonction des circonstances propres au cas d’espèce, il n’en demeure pas moins que la Cour est compétente pour dégager des dispositions de la directive 93/13, en l’occurrence celles de son article 3, paragraphe 1, et de son article 4, paragraphe 2, les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen de clauses contractuelles
au regard de celles-ci (9).

 Sur la troisième question : applicabilité de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13

32.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, savoir si la clause contractuelle en vertu de laquelle le crédit est remboursé dans la même devise que celle de son octroi – et qui, de l’avis des emprunteurs, ferait donc supporter le « risque de change » sur le consommateur – relève de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

33.      Après avoir procédé à quelques rappels liminaires sur la portée de cette disposition à la lumière des enseignements de la jurisprudence, j’examinerai le cas des contrats de prêt tels que ceux visés dans l’affaire au principal.

 Rappels liminaires sur la portée de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13

34.      En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, sont soustraites à l’appréciation de leur caractère abusif les clauses se rapportant à l’« objet principal du contrat » et à l’« adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part ». Cette disposition repose sur l’idée que le cœur de la relation contractuelle (essentialia negotii) ne doit, en principe, pas être affecté par une intervention extérieure (10),
et notamment par l’intervention du juge.

35.      La Cour a, dans sa jurisprudence la plus récente, eu l’occasion de fournir certaines clarifications importantes sur la portée de cette disposition et sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen de clauses contractuelles au regard de celles-ci.

36.      Tout d’abord, elle a dit pour droit que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 devait nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte, dès lors que celle-ci édicte une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives prévu par la directive 93/13 (11).

37.      Ensuite, elle a souligné que les notions employées à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 devaient recevoir une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (12).

38.      En premier lieu, s’agissant de la notion d’« objet principal du contrat », elle renvoie aux clauses qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci. Les clauses qui revêtent un caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel ne sauraient donc relever de la notion d’« objet principal ». Il importe de souligner que, pour distinguer ce qui est « essentiel » de ce qui est « accessoire » dans un
contrat donné, il y a lieu de tenir compte de la nature, de l’économie générale et des stipulations du contrat de crédit en cause ainsi que de son contexte juridique et factuel (13).

39.      En second lieu, il a été précisé que les clauses relatives au prix et à la rémunération ont une portée réduite, puisqu’elles ne portent pas sur l’adéquation entre le prix et la rémunération. Dès lors qu’il n’existe pas de barème ou d’encadrement de nature à orienter le juge dans son appréciation, l’exclusion de l’appréciation du caractère abusif ne peut en effet jouer (14).

 Les clauses exigeant le remboursement d’un prêt dans une certaine devise se rapportent-elles à l’objet principal du contrat ou à l’adéquation du prix et de la rémunération ?

40.      En l’occurrence, il s’agit de déterminer si une clause insérée dans un contrat de crédit conclu dans une devise étrangère entre un professionnel et un consommateur sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et aux termes de laquelle le crédit doit être remboursé dans cette même devise relève d’une des deux hypothèses d’exclusion énoncée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

41.      Compte tenu de la portée réduite de l’exclusion relative aux clauses portant sur le prix et la rémunération, rappelée au point 39 ci-dessus, il me semble exclu que la clause exigeant le remboursement du prêt dans la devise de son octroi puisse se rapporter à la seconde cause d’exclusion.

42.      En revanche, je suis d’avis que cette clause se rapporte à l’objet principal du contrat. Il me semble, en effet, que la clause qui exige le remboursement d’un prêt dans la devise où elle a été accordée constitue un élément essentiel de la prestation du débiteur consistant dans le remboursement du montant mis à sa disposition par le prêteur.

43.      De manière générale, il convient de souligner que, dans le cas des contrats de crédit, d’une part, la prestation essentielle de la banque consiste en la mise à disposition de la somme prêtée et, d’autre part, celle de l’emprunteur est la restitution du capital et des intérêts (qui représentent le prix du crédit). Or, ces prestations sont indissociablement liées à la monnaie d’octroi du crédit, et on ne saurait considérer que seuls les montants chiffrés énoncés, à l’exclusion de la monnaie
de référence, relèvent de l’objet principal du contrat (15).

44.      Le fait qu’un crédit doit être remboursé dans une certaine monnaie constitue, de toute évidence, un des piliers d’un contrat de prêt, en particulier d’un prêt libellé en devise étrangère. Par un contrat de crédit, le prêteur s’engage, principalement, à mettre à la disposition de l’emprunteur une certaine somme d’argent. Ce dernier s’engage, pour sa part, principalement à rembourser, généralement avec intérêts, cette somme selon les échéances prévues. Ces prestations essentielles se
rapportent donc à une somme d’argent qui doit nécessairement être définie par rapport à un étalon de valeur précis, à savoir la monnaie de paiement et de remboursement stipulée dans le contrat de crédit.

45.      Cette conclusion est, à mon sens, confortée par la circonstance que, en l’absence de précision quant à la devise dans laquelle un prêt est remboursé, il est présumé que celui-ci doit être effectué dans la même monnaie que celle dans laquelle le prêt a été accordé. En effet, en vertu du principe du nominalisme monétaire, qui est une règle de droit largement répandue notamment dans les systèmes juridiques de tradition civiliste, il est exigé que l’extinction d’une obligation pécuniaire se
fasse par un paiement de la somme numérique mentionnée dans la convention des parties, sans porter atteinte à ce montant par des considérations de valeur. Cette règle, qui a été notamment consacrée à l’article 1578 du code civil roumain (voir point 12 ci-dessus), prohibe en principe d’intervenir afin de tenir compte des fluctuations de la valeur monétaire, qu’elles soient à la hausse ou à la baisse, pour modifier le montant dû au jour du paiement. Interrogé lors de l’audience à cet égard, le
gouvernement roumain a confirmé que, en l’absence de précision figurant dans un contrat de prêt quant à la devise dans laquelle le prêt doit être remboursé, il doit être conclu que ce remboursement doit être effectué dans la même devise que celle dans laquelle le prêt a été débloqué.

46.      S’agissant, par ailleurs, des prêts litigieux dans l’affaire au principal, si l’on s’en tient à la nature, l’économie générale et aux dispositions du contrat, l’obligation de remboursement en francs suisses revêt, à mon sens, un caractère essentiel.

47.      Cette conclusion s’impose tant au regard du libellé des clauses contractuelles en cause (voir point 18 ci-dessus) que du contexte factuel et juridique dans lequel les contrats de prêt litigieux ont été conclus.

48.      Deux éléments de contexte, propres à l’affaire au principal, me semblent à cet égard déterminants.

49.      Le premier est que les contrats de prêt en devise étrangère en cause dans l’affaire au principal se voient généralement appliquer un taux d’intérêt plus bas que ceux en monnaie nationale, en contrepartie précisément du « risque de change » qu’ils peuvent induire en cas de dévaluation de la monnaie nationale (16).

50.      Le second élément qui mérite d’être mentionné est que la banque a concrètement accordé les prêts en francs suisses et qu’elle est en droit d’obtenir les remboursements de ces prêts dans la même devise. Elle ne procède à aucun moment, ainsi que la Commission semble le suggérer, à une opération de change, les emprunteurs restant libres de verser les mensualités de remboursement en francs suisses quelle qu’en soit la source. L’obligation de remboursement des mensualités en francs suisses est
loin de constituer un élément accessoire du contrat. Elle n’a pas trait à une modalité accessoire de paiement, mais bien à la nature même de l’obligation du débiteur.

51.      À cet égard, il y a lieu de relever que les circonstances ayant donné lieu à la présente affaire diffèrent de celles à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt  (17). Dans cette dernière affaire, non seulement le prêt avait été libellé en francs suisses et devait être remboursé dans la devise nationale (forint hongrois), mais les mensualités de remboursement étaient calculées en fonction du cours de vente de cette devise pratiqué par l’établissement bancaire en cause. Contrairement
à l’approche défendue par le gouvernement polonais, je suis d’avis qu’il existe une différence entre les contrats de crédit en devises étrangères et les crédits indexés sur des devises étrangères. En effet, dans ce dernier cas, le remboursement est toujours effectué en monnaie nationale. Il est, à mon sens, inexact d’assimiler la clause de remboursement dans une devise étrangère à une clause dite « monétaire ». Une requalification du contrat en cause de contrat de crédit simplement « indexé sur une
devise étrangère » méconnaîtrait le fait que la référence à la devise étrangère est un élément central des obligations réciproques des parties dans la conclusion du contrat de prêt.

52.      Aussi, contrairement à une clause portant sur un mécanisme de modification des frais de services à fournir aux consommateurs (tel que celui en cause dans l’affaire Invitel (18)) ou des prestations offertes par le professionnel, le « risque de change » fait bel et bien partie des éléments clefs du contrat de prêt en devises étrangères. De même, si, ainsi que l’a jugé la Cour dans l’affaire Matei (19), la notion de « coût total du crédit », au sens de l’article 3, sous g), de la directive
2008/48/CE (20), ne saurait être assimilée à celle d’« objet principal du contrat », la monnaie dans laquelle doit être remboursée un prêt est une prestation essentielle qui caractérise le contrat de prêt.

53.      Enfin, avant de conclure sur la troisième question posée par la juridiction de renvoi, il me semble important d’aborder brièvement la question de savoir si, dans le contexte particulier de la présente affaire, est susceptible d’être invoqué l’article 1^er, paragraphe 2, de la directive 93/13.

54.      Cette disposition prévoit que ne sont pas soumises aux dispositions de cette directive « [l]es clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou [l’Union] sont parties ». Cette exclusion est justifiée par le fait qu’il est légitime de présumer que le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des
parties à certains contrats (21).

55.      À cet égard, le fait que la juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ces questions. Il appartient à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la
juridiction nationale et, notamment, de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (22).

56.      Or, dans le cadre de la présente affaire, il a été fait observer, en particulier par le gouvernement roumain et la banque, que se posait la question de savoir si les clauses en cause n’étaient que le reflet du principe du nominalisme monétaire consacré à l’article 1578 du code civil roumain (voir point 12 ci-dessus).

57.      La Cour a confirmé que l’article 1^er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, est exclue du champ d’application de cette directive uniquement si ladite clause contractuelle reflète le contenu d’une disposition législative ou réglementaire impérative, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier (23).

58.      En l’occurrence, il est permis de nourrir des doutes, d’une part, quant au point de savoir si le principe de nominalisme monétaire était d’application absolue à la date de la conclusion des contrats en cause et, d’autre part, pour déterminer si l’effet abusif présumé résulte du droit national uniquement ou de l’effet combiné de celui-ci et des clauses en cause. Compte tenu de la portée restrictive de l’exclusion prévue par l’article 1^er, paragraphe 2, de la directive 93/13, il n’est pas
certain que celle-ci soit d’application, puisque l’article 1578 du code civil peut être considéré comme une règle de nature supplétive. En tout état de cause, il incombe au seul juge national de faire les vérifications à cet égard.

59.      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il est proposé à la Cour de répondre que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations des contrats de prêt concernés ainsi qu’au contexte juridique et factuel dans lequel ces derniers s’inscrivent, si la clause concernée, aux termes de laquelle le crédit doit être remboursé dans la même devise
que celle dans laquelle il a été accordé, reflète des dispositions législatives du droit national, au sens de l’article 1^er, paragraphe 2, de cette directive. À défaut, le juge national doit considérer que cette clause relève de la notion d’« objet principal du contrat », ce qui exclut ladite clause de l’examen de son caractère potentiellement abusif. Tel peut être le cas s’agissant d’une clause insérée dans un contrat de prêt aux termes de laquelle l’emprunteur doit rembourser la somme dans la
même devise que celle de son octroi.

 Sur la deuxième question préjudicielle : notion de caractère « clair et compréhensible » des clauses contractuelles

60.      La juridiction de renvoi demande à la Cour de déterminer si l’inclusion d’une clause contractuelle, en l’occurrence celle qui prévoit l’obligation pour le consommateur de rembourser le crédit qui lui a été octroyé dans la même devise, doit être accompagnée d’une information exhaustive quant aux conséquences économiques qui peuvent découler de cette clause.

61.      À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de souligner que l’exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses contractuelles liant un consommateur et un professionnel doit être respectée même lorsque la clause relève de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 (24). Les clauses visées par cette disposition, tout en relevant du domaine régi par la directive, échappent seulement à l’appréciation de leur caractère abusif, dans la mesure où la juridiction nationale compétente
devait estimer, à la suite d’un examen au cas par cas, qu’elles ont été rédigées par le professionnel de façon claire et compréhensible (25). En d’autres termes, quelle que soit la conclusion à laquelle le juge a quo aboutira quant à l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 aux clauses litigieuses, l’exigence de rédaction « claire et compréhensible » de celles-ci s’impose.

62.      Ensuite, il est désormais bien acquis que l’exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses des contrats conclus avec les consommateurs, qui doit être analysée à la lumière du vingtième considérant de la directive 93/13 (26) et qui a la même portée que celle visée à l’article 5 de cette directive, revêt une importance fondamentale et implique que le consommateur prenne effectivement connaissance de toutes les clauses. C’est en effet sur la base de l’information fournie par le
professionnel que le consommateur décidera de se lier contractuellement à celui-ci (27).

63.      Enfin, il est également constant que cette exigence doit être comprise extensivement : elle ne saurait se résumer à un aspect formel et grammatical, mais impliquerait que le consommateur puisse prévoir, sur la base de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découleraient pour lui, telle l’éventuelle modification des frais qu’il aurait à supporter (28). Dans ce contexte, il convient de tenir compte du niveau d’attention pouvant être attendu d’un consommateur
moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (29).

64.      À cet égard, il me semble crucial, en particulier en présence d’obligations financières particulièrement pesantes, telles que celles qui peuvent caractériser les prêts souscrits pour une longue durée, que les professionnels fournissent aux consommateurs des informations suffisantes pour leur permettre de s’engager en toute connaissance de cause.

65.      Plus précisément, dès lors qu’il est amené à proposer à un consommateur une formule de contrat de prêt, le professionnel doit en exposer, au moyen d’une information aisément compréhensible, les conséquences potentielles sur la situation économique de ce consommateur. Ce dernier doit, notamment, être à même de comprendre qu’il s’engage, en contrepartie de certains avantages financiers (tels que par exemple un taux d’intérêt bas), à assumer un certain niveau de risque. Il y a lieu de préciser
que, dans le cas des crédits qui ne sont pas immobiliers, s’ajoutent à l’obligation générale d’information découlant de la directive 93/13 des obligations plus précises prévues par les directives sur les contrats de crédit aux consommateurs (30).

66.      Pour en revenir au cas d’espèce, si le consommateur moyen, raisonnablement attentif et avisé est, en principe, en mesure de saisir qu’un taux de change monétaire est sujet à fluctuation, il doit, en revanche, être clairement informé du fait que, en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s’expose à un certain risque de change qu’il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d’assumer en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses
revenus (31).

67.      Dans un tel contexte, il doit être exigé du professionnel, en l’occurrence la banque, qu’il expose, compte tenu de son expertise et de ses connaissances en la matière, les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, notamment dans l’hypothèse où le consommateur emprunteur ne perçoit pas ses revenus dans cette devise.

68.      Cependant, il me semble déraisonnable que soit exigé du professionnel qu’il informe, au stade de la conclusion du contrat de crédit, le consommateur de la survenance d’événements ou d’évolutions postérieures à la conclusion du contrat qu’il ne pouvait être en mesure d’anticiper. On ne saurait demander à des professionnels de fournir aux consommateurs des informations autres que celles dont ils ont ou devraient avoir objectivement connaissance au moment de la conclusion de ce contrat.

69.      En l’occurrence, à défaut d’éléments attestant que la banque a été en mesure d’anticiper une évolution, somme toute historique, du taux de change entre le leu roumain et le franc suisse de l’ampleur de celle qui a été observée depuis l’année 2007 et qu’elle a délibérément omis d’en informer les emprunteurs, il me semble clairement déraisonnable que soit exigé du professionnel qu’il supporte à lui seul le risque de change. Toutefois, il appartient à la juridiction nationale de vérifier que
le professionnel s’est effectivement assuré que les consommateurs concernés avaient bien compris le contenu des clauses du contrat de prêt et ainsi qu’ils avaient été pleinement en mesure d’en évaluer les conséquences économiques.

70.      À cet égard, la problématique qui nous est ici soumise doit être distinguée de celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282).

71.      Dans cette dernière affaire, il était déterminant de savoir si, eu égard à l’ensemble des éléments de fait pertinents, dont la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation d’un contrat de prêt, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, pouvait non seulement connaître l’existence de la différence, généralement observée sur le marché des valeurs mobilières, entre le taux de change de vente et le taux de change
d’achat d’une devise étrangère, mais également évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, pour lui du fait de l’application du taux de change de vente pour le calcul des remboursements dont il sera en définitive redevable et, partant, le coût total de son emprunt (32). Je rappelle que, dans ladite affaire, ce n’était pas la fluctuation des taux de change qui était directement en cause, mais le fait que les mensualités de remboursement des prêts étaient calculées en
fonction du cours de vente de la devise pratiqué par la banque.

72.      En conclusion, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que la clause relative au remboursement du crédit dans la même monnaie soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de
la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières. Cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu’à imposer au professionnel que ce dernier anticipe et informe le consommateur d’évolutions postérieures non prévisibles, telles que celles qui caractérisent les fluctuations des taux de change des devises en cause dans l’affaire au principal, et que ce
professionnel en assume les conséquences.

 Sur la première question : moment de l’évaluation de l’existence d’un « déséquilibre significatif »

73.      La juridiction de renvoi souhaite savoir si le « déséquilibre significatif » entre les droits et les obligations des parties au contrat, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, doit être analysé en se référant uniquement à la situation au moment de la conclusion du contrat ou s’il peut être tenu compte d’une évolution postérieure à la conclusion de ce contrat qui a rendu les obligations financières du consommateur excessivement lourdes par rapport à celles qu’elles
étaient au moment de la conclusion du contrat.

74.      À titre liminaire, il me semble opportun de souligner que, ainsi que cela ressort de l’économie de la directive 93/13 et du système de protection qu’elle prévoit, cette question n’a de sens que si on venait à conclure que la clause en cause ne relève pas de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive – en ce qu’elle ne se rapporte ni à l’objet ni au prix du service ou encore en ce qu’elle n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible – et qu’elle se prête donc à un examen au fond
de son caractère abusif. Dans le cas contraire, cette question apparaît comme étant dénuée de pertinence.

75.      Pour l’hypothèse où la Cour serait amenée à apporter des précisions quant au moment auquel il convient d’apprécier l’existence d’un « déséquilibre significatif » entre les droits et les obligations des parties au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 (33), je suis d’avis qu’il ressort clairement tant du libellé des dispositions de cette directive que de la nature de la protection qu’elle confère au consommateur que l’appréciation de l’existence d’un tel déséquilibre doit
être effectuée en fonction des circonstances et des éléments d’information disponibles à la date de la conclusion du contrat en cause.

76.      Premièrement, s’agissant du libellé des dispositions pertinentes de cette directive, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié par référence à l’existence d’« un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations découlant du contrat ». Cette disposition exclut a priori toute référence à des évènements ou développements postérieurs à la conclusion du contrat en cause.

77.      De même, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, « le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend » (34).

78.      Ces dispositions indiquent assez clairement que l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doit se faire par référence au moment de la conclusion du contrat en cause.

79.      En ce qui concerne, deuxièmement, l’objectif poursuivi par la directive 93/13, il tend à garantir au consommateur une protection contre l’insertion par les professionnels de clauses contractuelles dont il est avéré, eu égard aux circonstances entourant la conclusion du contrat en cause ainsi que des autres clauses de celui-ci (35), qu’elles aboutissaient à créer un déséquilibre significatif entre les parties au contrat. Il importe dans ce contexte de vérifier que le professionnel, en
traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte la conclusion du contrat (36).

80.      Si, en application de la directive 93/13, il va de soi que l’appréciation du caractère abusif d’une clause – et donc de l’existence d’un déséquilibre significatif entre les parties au détriment du consommateur – doit tenir compte de l’ensemble des circonstances dont le professionnel pouvait avoir connaissance à la conclusion du contrat et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure de celui-ci, cette appréciation ne saurait en aucun cas dépendre de la survenance d’évènements
postérieurs à la conclusion du contrat qui sont indépendants de la volonté des parties.

81.      À mon sens, si doivent être censurées sous l’angle de la directive 93/13 des clauses contractuelles qui instaurent un déséquilibre au profit du professionnel, ce dernier ne saurait, en revanche, être tenu pour responsable d’évolutions postérieures à la conclusion du contrat qui sont indépendantes de sa volonté. S’il devait en être autrement, non seulement seraient mises à la charge du professionnel des obligations disproportionnées, mais serait également compromis le principe de sécurité
juridique.

82.      À cet égard, il faut bien distinguer le cas dans lequel une clause contractuelle est porteuse d’un déséquilibre entre les parties qui ne se manifeste qu’en cours d’exécution du contrat de celui où, bien qu’il n’existe pas de clause abusive, les obligations pesant sur le consommateur sont, en raison d’une modification des circonstances postérieurement à la conclusion d’un contrat et qui est indépendante de la volonté des parties, perçues par ce dernier comme étant plus lourdes.

83.      La première hypothèse, qui correspond notamment à celle dont la Cour a eu à connaître dans l’affaire ayant donné à l’arrêt du 21 mars 2013, (C‑92/11, EU:C:2013:180), et qui concernait la possibilité pour le professionnel de modifier, du fait de l’insertion d’une clause standardisée, unilatéralement le prix d’une prestation de services (fourniture de gaz), l’« évolution postérieure » au contrat dont il était question concernait effectivement la mise en œuvre d’une clause contractuelle qui
était, dès le départ, abusive car porteuse d’un déséquilibre significatif entre les parties.

84.      La seconde hypothèse, à savoir celle où il n’existe pas de clause abusive mais où, du fait de l’évolution des circonstances, les obligations pesant sur le consommateur sont perçues par celui-ci comme étant excessives, n’est pas en revanche visée par la protection conférée par la directive 93/13 (37).

85.      Tel me semble être le cas de la clause qui, dans le cas d’un contrat de prêt dans une devise étrangère, impose que les mensualités de remboursement du prêt doivent être effectuées dans cette même devise et, dès lors, « fait supporter » en cas de dévaluation de la monnaie nationale par rapport à cette même devise le risque de change sur le consommateur.

86.      Il n’apparaît pas qu’une telle clause soit en tant que telle porteuse d’un déséquilibre. En effet, force est de constater que la variation du taux de change, qui, je le rappelle, peut être appréhendée tant à la hausse qu’à la baisse, est une circonstance qui ne dépend pas de la volonté d’une des parties au contrat de prêt. Le fait que la prestation dont l’emprunteur est redevable soit, en raison de l’évolution des taux de change, devenue lourde, lorsqu’elle est convertie en monnaie
nationale ne saurait conduire à déplacer le risque de change sur le prêteur.

87.      Par ailleurs, pour qu’il soit constaté l’existence d’un déséquilibre significatif, il faudrait constater une différence entre le montant prêté et le montant remboursé. Or, une telle différence n’existe pas : l’institution bancaire a prêté un certain nombre d’unités monétaires et elle est en droit d’obtenir la restitution de ce même nombre d’unités.

88.      En d’autres termes, le fait de faire peser sur le consommateur un risque de change ne crée pas, en soi, de déséquilibre significatif, dès lors que le professionnel (en l’occurrence la banque) n’a pas la maîtrise du taux de change qui sera en vigueur postérieurement à la conclusion du contrat.

89.      Si l’existence d’un déséquilibre significatif devait également s’apprécier par rapport à des évènements que le professionnel créancier connaissait ou pouvait prévoir au moment de la conclusion du contrat, il ne saurait en être de même s’agissant d’événements survenant au cours de la vie du contrat en cause, et cela indépendamment de la volonté des parties.

90.      En conclusion et pour l’éventualité où il serait jugé nécessaire de répondre à la première question, je propose à la Cour de répondre que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat doit être apprécié par référence à toutes les circonstances que le professionnel aurait pu raisonnablement envisager lors de la conclusion du contrat. Ce déséquilibre ne
saurait, en revanche, être apprécié en fonction d’évolutions postérieures à la conclusion du contrat, telles que des variations du taux de change, dont le professionnel n’avait pas la maîtrise et qu’il ne pouvait pas anticiper.

 Conclusion

91.      Eu égard aux développements qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par la Curtea de Apel Oradea (cour d’appel de Oradea, Roumanie) de la manière suivante :

1)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations des contrats de prêt concernés ainsi qu’au contexte juridique et factuel dans lequel ces derniers s’inscrivent, si la clause en cause, aux termes de laquelle le crédit doit être
remboursé dans la même devise dans laquelle il a été accordé, reflète des dispositions législatives du droit national, au sens de l’article 1^er, paragraphe 2, de cette directive. À défaut, le juge national doit considérer que cette clause relève de la notion d’« objet principal du contrat », ce qui exclut ladite clause de l’examen de son caractère potentiellement abusif. Tel peut être le cas s’agissant d’une clause insérée dans un contrat de prêt aux termes de laquelle l’emprunteur doit rembourser
la somme dans la même devise que celle de son octroi.

2)      L’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que la clause relative au remboursement du crédit dans la même monnaie soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, pouvait non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise
étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières. Cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu’à imposer au professionnel que ce dernier anticipe et informe le consommateur d’évolutions postérieures non prévisibles, telles que celles qui caractérisent les fluctuations des taux de change des devises en cause dans l’affaire au principal, et que ce professionnel en
assume les conséquences.

3)      L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat doit être apprécié par référence à toutes les circonstances que le professionnel aurait pu raisonnablement envisager lors de la conclusion du contrat. Ce déséquilibre ne saurait, en revanche, être apprécié en fonction d’évolutions postérieures à la conclusion du contrat, telles que des variations du taux de
change, dont le professionnel n’avait pas la maîtrise et qu’il ne pouvait pas anticiper.

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1      Langue originale : le français.

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2      Directive du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

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3      La présente affaire se singularise ainsi tant de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282), qui visait les clauses contractuelles déterminant les cours applicables respectivement au déblocage et au remboursement du prêt, que de celle à l’origine de l’arrêt du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127), qui portait sur les clauses, d’une part, permettant, dans certaines conditions, au préteur de modifier le taux d’intérêt et, d’autre part, prévoyant la
perception par celui-ci d’une commission de risque.

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4      Voir point 1 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire (C‑26/13, EU:C:2014:85). Selon les informations dont j’ai pu disposer, les prêts en francs suisses auraient été souscrits par plus de 50 000 ménages en Roumanie. Il ressort en outre des informations communiquées dans le cadre de la présente affaire que le taux de change entre le franc suisse et le leu roumain aurait, entre l’année 2007 et l’année 2014, plus ou moins doublé. Il importe également de relever que, par décision datée
du 7 février 2017, la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle, Roumanie), siégeant en assemblée plénière, a invalidé une législation roumaine qui avait revu à la baisse le taux de change devant être appliqué lors du remboursement des prêts en francs suisses, aux fins, selon toute vraisemblance, de prévenir et de remédier aux situations de surendettement. Cette Cour a notamment estimé que, en procédant de la sorte, le législateur avait méconnu le principe de sécurité juridique et, partant, agi
en violation des règles d’ordre constitutionnel. Enfin, il est fait observer que d’autres affaires, actuellement pendantes (voir notamment affaires C‑627/15, Gavrilescu ; C‑483/16, Sziber ; C‑38/17, GT, C‑51/17, Ilyés et Kiss, C‑118/17, Dunai, C‑119/17, Lupean et Lupean ainsi que C‑126/17, Czakó), se rapportent également à la pratique des prêts en devises étrangères.

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5      Republiée en dernier lieu au Monitorul Oficial al României, partie I, n° 543 du 3 août 2012.

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6      Même en présence d’une jurisprudence de la Cour résolvant le point de droit en cause, les juridictions nationales conservent l’entière liberté de saisir la Cour si elles l’estiment opportun (voir, notamment, arrêt du 17 juillet 2014, (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 32 et jurisprudence citée).

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7      Pour une application récente de ces principes, il est renvoyé notamment à l’arrêt du 26 janvier 2017, (C‑421/14, EU:C:2017:60, points 29 à 34).

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8      Voir, pour une démarche similaire, arrêt du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, points 41 et 42).

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9      Voir, notamment, arrêts du 21 mars 2013, (C‑92/11, EU:C:2013:180, point 48) ; du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 45), et du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127, point 53).

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10      Voir les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire (C‑26/13, EU:C:2014:85, point 33).

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11      Voir, notamment, arrêts du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 42) ; du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127, point 49), et du 23 avril 2015, (C‑96/14, EU:C:2015:262, point 31).

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12      Voir arrêt du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127, point 50 et jurisprudence citée).

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13      Voir, notamment, arrêts du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, points 49 et 50) ; du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127, points 53 et 54), et du 23 avril 2015, (C‑96/14, EU:C:2015:262, point 33).

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14      Voir arrêts du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, points 54 et 55), et du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127, points 55 et 56).

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15      Pour un examen plus détaillé des « prestations essentielles » caractérisant un contrat de crédit, je me permets de renvoyer à mes conclusions dans l’affaire (C‑26/13, EU:C:2014:85, points 56 à 65).

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16      Voir, notamment, décision n^o 2/2014 PJE de la Kúria (Cour suprême, Hongrie), rendue dans l’intérêt d’une interprétation uniforme des dispositions de droit civil, à laquelle l’arrêt du 3 décembre 2015, (C‑312/14, EU:C:2015:794, points 43 à 45) fait explicitement référence. Dans cette décision, la Kúria (Cour suprême) a jugé que, en principe, les clauses d’un contrat de prêt libellé en devise, ayant pour effet que, en contrepartie d’un taux d’intérêt plus favorable que celui offert pour les
prêts libellés en monnaie nationale, le risque d’une appréciation de la devise incombe entièrement au consommateur, portent sur l’objet principal du contrat.

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17      Voir arrêt du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282).

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18      Voir arrêt du 26 avril 2012, (C‑472/10, EU:C:2012:242).

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19      Arrêt du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127).

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20      Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66).

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21      Voir, notamment, arrêt du 21 mars 2013, (C‑92/11, EU:C:2013:180, point 28) et treizième considérant de la directive 93/13.

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22      Voir, notamment, arrêts du 27 octobre 2009, ČEZ (C‑115/08, EU:C:2009:660, point 81 et jurisprudence citée), et du 10 septembre 2014, Kušionová (C‑34/13, EU:C:2014:2189, point 71 et jurisprudence citée).

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23      Voir, notamment, arrêt du 10 septembre 2014, Kušionová (C‑34/13, EU:C:2014:2189, point 80).

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24      Arrêt du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 68).

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25      Voir arrêt du 3 juin 2010, (C‑484/08, EU:C:2010:309, point 32).

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26      Ce considérant exige « que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et que, en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur ».

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27      Voir arrêt du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, points 66 à 70 et jurisprudence citée).

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28      Voir arrêts du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, points 71 et 72) ; du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127, point 73), et du 9 juillet 2015, (C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447, points 51, 52, 55 et 60).

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29      Voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 74), et du 26 février 2015, (C‑143/13, EU:C:2015:127, point 75).

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30      Voir, notamment, articles 4 à 6 de la directive 2008/48.

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31      Voir, à cet égard, la Recommandation du Comité européen du risque systémique du 21 septembre 2011, concernant les prêts en devises (CERS/2011/1) (JO 2011, C 342, p. 1), Recommandation A – Sensibilisation des emprunteurs aux risques, point 1.

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32      Voir arrêt du 30 avril 2014, (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 74).

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33      Voir, notamment, arrêts du 14 mars 2013, (C‑415/11, EU:C:2013:164), et du 16 janvier 2014, (C‑226/12, EU:C:2014:10).

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34      Italique ajouté par mes soins.

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35      Voir, notamment, arrêt du 16 janvier 2014, (C‑226/12, EU:C:2014:10, point 24 et jurisprudence citée).

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36      Voir, notamment, arrêt du 14 mars 2013, (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 69).

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37      La directive 93/13 vise uniquement à dissuader et à sanctionner l’emploi par les professionnels de clauses qui sont porteuses d’un déséquilibre significatif et non à régir des situations juridiques d’« imprévision », qui peuvent éventuellement être appréhendées par le droit national.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-186/16
Date de la décision : 27/04/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 3, paragraphe 1, et article 4, paragraphe 2 – Appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles – Contrat de crédit conclu dans une devise étrangère – Risque de change entièrement à la charge du consommateur – Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat – Moment auquel le déséquilibre doit être apprécié – Portée de la notion de clauses “rédigées de façon claire et compréhensible” – Niveau d’information devant être procuré par la banque.

Protection des consommateurs

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Ruxandra Paula Andriciuc e.a.
Défendeurs : Banca Românească SA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:313

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