CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 30 mars 2017 ( 1 )
Affaire C‑73/16
Peter Puškár
contre
Finančné riaditeľstvo Slovenskej republiky et
Kriminálny úrad finančnej správy
[demande de décision préjudicielle formée par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque, Slovaquie)]
« Demande de décision préjudicielle – Traitement des données à caractère personnel – Protection des droits fondamentaux – Nécessité d’une procédure préalable – Liste des données à caractère personnel établie en vue de la répression de la fraude fiscale – Admissibilité de cette liste en tant que moyen de preuve – Principe de coopération loyale – Relation entre la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme »
I. Introduction
1. Ce n’est pas la première fois qu’un désaccord entre le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque, Slovaquie) et l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque, Slovaquie) conduit à un renvoi préjudiciel ( 2 ). Est cette fois sujette à controverse la question de savoir si les autorités fiscales ont le droit de tenir une liste confidentielle des personnes physiques qui exercent de manière fictive des fonctions de direction auprès
de certaines personnes morales. Ce différend soulève en même temps des questions relatives à la protection juridictionnelle effective, à savoir, d’une part, si l’épuisement d’une voie de recours administratif obligatoire peut conditionner l’introduction d’un recours juridictionnel et, d’autre part, si une liste peut être rejetée en tant que moyen de preuve irrecevable lorsqu’elle a été diffusée sans l’accord des autorités fiscales. Enfin, la Cour est appelée à indiquer à la juridiction nationale
si celle-ci doit suivre sa jurisprudence ou la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH ») lorsque ces deux cours se contredisent.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
2. Le droit fondamental à la protection des données, inscrit à l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), est précisé dans la directive 95/46/CE ( 3 ) qui est appelée à être remplacée prochainement par le règlement (UE) 2016/679 ( 4 ).
3. L’article 6, paragraphe 1, de la directive sur la protection des données contient certains principes concernant le traitement des données à caractère personnel :
« Les États membres prévoient que les données à caractère personnel doivent être :
a) traitées loyalement et licitement ;
[…]
d) exactes et, si nécessaire, mises à jour ; toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes, au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement, soient effacées ou rectifiées ;
[…]. »
4. L’article 7 de la directive sur la protection des données détermine les conditions dans lesquelles le traitement des données à caractère personnel est admis :
« Les États membres prévoient que le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que si :
a) la personne concernée a indubitablement donné son consentement
[…]
c) il est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis
[…]
e) il est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, dont est investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées
f) il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée, qui appellent une protection au titre de l’article 1er paragraphe 1. »
5. L’article 10 de la directive sur la protection des données exige de transmettre à la personne concernée certaines informations lorsque les données à caractère personnel sont collectées directement auprès d’elle. L’article 11 contient des règles correspondantes pour le cas où ces données ne sont pas collectées auprès de la personne concernée. En outre l’article 12 prévoit, pour la personne concernée, le droit d’avoir accès au traitement de ses données, ainsi que le droit à la rectification,
l’effacement ou le verrouillage des données dont le traitement n’est pas conforme à la directive.
6. L’article 13, paragraphe 1, aménage des exceptions à certaines règles de la directive sur la protection des données :
« Les États membres peuvent prendre des mesures législatives visant à limiter la portée des obligations et des droits prévus à l’article 6 paragraphe 1, à l’article 10, à l’article 11 paragraphe 1 et aux articles 12 et 21, lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder :
[…]
d) la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou de manquements à la déontologie dans le cas des professions réglementées ;
e) un intérêt économique ou financier important d’un État membre ou de l’Union européenne, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal ;
f) une mission de contrôle, d’inspection ou de réglementation relevant, même à titre occasionnel, de l’exercice de l’autorité publique, dans les cas visés aux points c), d) et e) ;
[…]. »
7. L’article 14 de la directive sur la protection des données contient un droit d’opposition de la personne concernée :
« Les États membres reconnaissent à la personne concernée le droit :
a) au moins dans les cas visés à l’article 7 points e) et f), de s’opposer à tout moment, pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que des données la concernant fassent l’objet d’un traitement, sauf en cas de disposition contraire du droit national. En cas d’opposition justifiée, le traitement mis en œuvre par le responsable du traitement ne peut plus porter sur ces données ;
[…]. »
8. L’article 22 de la directive sur la protection des données contient une règle relative aux recours :
« Sans préjudice du recours administratif qui peut être organisé, notamment devant l’autorité de contrôle visée à l’article 28, antérieurement à la saisine de l’autorité judiciaire, les États membres prévoient que toute personne dispose d’un recours juridictionnel en cas de violation des droits qui lui sont garantis par les dispositions nationales applicables au traitement en question. »
9. L’article 28, paragraphe 4, de la directive sur la protection des données prévoit un droit de réclamation auprès d’une autorité de contrôle :
« Chaque autorité de contrôle peut être saisie par toute personne, ou par une association la représentant, d’une demande relative à la protection de ses droits et libertés à l’égard du traitement de données à caractère personnel. La personne concernée est informée des suites données à sa demande.
Chaque autorité de contrôle peut, en particulier, être saisie par toute personne d’une demande de vérification de la licéité d’un traitement lorsque les dispositions nationales prises en vertu de l’article 13 de la présente directive sont d’application. La personne est à tout le moins informée de ce qu’une vérification a eu lieu. »
B. Le droit slovaque
10. L’article 250v, paragraphes 1 et 3, du Občiansky súdny poriadok (code de procédure civile), dans la version applicable au litige au principal, contient des règles relatives à la protection juridictionnelle :
« 1) Toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits ou intérêts juridiquement protégés par une ingérence illégale d’une autorité publique, qui ne constitue pas une décision, et qui considère être directement visée par l’ingérence en cause ou ses conséquences peut demander en justice une mesure de protection, dès lors que cette ingérence ou ses conséquences perdurent ou risquent de se reproduire.
[…]
3) Le recours n’est recevable que pour autant que le requérant a épuisé les voies de recours dont il dispose en vertu d’une réglementation spécifique […]. »
11. La zákon č. no 9/2010 Z. z o sťažnostiach (loi no 9/2010 sur les réclamations administratives) prévoit la possibilité d’une réclamation contre les actes ou l’inaction de l’administration.
12. L’article 164 de la zákon č. no 563/2009 Z. z o správe daní (daňový poriadok) [loi no 563/2009 sur l’administration fiscale (code des impôts)] dans la version applicable au litige au principal concerne le traitement des données à caractère personnel :
« Aux fins de la perception de l’impôt, l’administration fiscale, la direction des finances et le ministère (des Finances) sont habilités à traiter les données à caractère personnel des assujettis, de leurs représentants et de toute autre personne conformément à une disposition particulière (95) [ ( 5 )] ; les données à caractère personnel peuvent être divulguées uniquement à la commune en sa qualité d’administration fiscale, à l’administration financière et au ministère des Finances ainsi que,
dans le cadre de la perception de l’impôt et de l’exercice des missions en vertu d’une disposition particulière, à toute autre personne, juridiction ou autorité pénale. Le traitement informatique (95) peut porter sur le nom et le prénom, l’adresse de la résidence principale et le numéro d’identification personnel d’une personne physique, à moins que celle-ci ne dispose d’un numéro d’identification fiscale. »
13. L’article 4, paragraphe 3, sous d), e) et o), de la zákon č. no 333/2011 Z. z o orgánoch štátnej správy v oblasti daní, poplatkov a colníctva (loi no 333/2011 sur les autorités publiques compétentes en matière d’impôts, de taxes et de droits de douane) précise les tâches incombant à la direction des finances qui sont pertinentes pour la présente affaire :
« La direction des finances a pour fonctions de :
d) concevoir, développer et exploiter les systèmes informatiques de l’administration financière […] ; notifier au ministère des Finances son intention d’exercer des activités relatives à la conception et au développement des systèmes informatiques de l’administration financière ;
e) concevoir et gérer le registre central des opérateurs économiques et autres personnes qui exercent des activités régies par la réglementation douanière, et veiller à sa mise en conformité avec les registres concernés de la Commission européenne ; concevoir et gérer le registre central des assujettis ; maintenir et mettre à jour les bases de données ; concevoir et gérer ces registres au moyen des systèmes informatiques de l’administration financière ;
[…]
o) informer les personnes de leurs droits et obligations en matière d’impôts et de taxes ainsi que de leurs droits et obligations prévus par une réglementation particulière […]. »
14. Le traitement de données relatives aux infractions est régi par l’article 5, paragraphe 3, sous b), de la loi no 333/2011 :
« L’office de lutte contre la criminalité financière utilise les systèmes informatiques de l’administration financière au moyen desquels il collecte, traite, conserve, transmet, exploite, protège et supprime, d’une part, les informations et données à caractère personnel qui concernent les personnes ayant commis une infraction à la réglementation fiscale ou douanière ou que l’on peut raisonnablement soupçonner d’infractions à ladite réglementation, ou encore qui, dans le domaine de compétence de
l’administration financière, ont porté atteinte ou que l’on peut raisonnablement soupçonner d’avoir porté atteinte à l’ordre public, et, d’autre part, les autres informations se rapportant à ces infractions et atteintes ; il fournit ou rend accessibles ces informations et données à la direction des finances, au bureau des impôts ou au bureau de douane dans la mesure nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. »
III. Les faits du litige
15. Par un recours formé le 19 novembre 2014, M. Peter Puškár a demandé au Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) d’interdire à la Finančné riaditeľstvo Slovenskej republiky (direction des finances de la République slovaque, ci-après la « direction des finances ») et à tous les bureaux des impôts subordonnés à celle-ci, ainsi qu’à la Kriminálny úrad finančnej správy (office de lutte contre la criminalité financière), d’inscrire son nom sur la liste des personnes
physiques (au nombre de 1227 selon ses indications) que l’administration publique considère être des « biele kone » (une expression du langage courant signifiant « chevaux blancs », qui désigne les personnes occupant de manière fictive des fonctions de direction). Sur cette liste, chaque personne physique est généralement rattachée à une ou plusieurs personne(s) morale(s) (3369 personnes au total selon les indications du requérant) pour lesquelles elle est supposée avoir agi ; son nom y est
accompagné de son numéro d’identification personnel national, du numéro d’identification du contribuable pour lequel la personne agit, et de la durée de son mandat. Dans le même temps, le requérant a exigé que l’administration retire son nom de la liste litigieuse ou d’une liste correspondante, ainsi que du système informatique de la direction des finances.
16. L’existence d’une liste « biele kone » a été confirmée par l’office de lutte contre la criminalité financière, qui a cependant indiqué que la liste avait été établie par la direction des finances.
17. Selon le requérant, l’ingérence de la direction des finances et de l’office de lutte contre la criminalité financière est illégale en ce que, essentiellement, l’inscription de son nom sur la liste litigieuse a porté atteinte à ses droits de la personne, en particulier au droit à l’honneur, à la dignité et à la réputation.
18. Dans des procédures différentes, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a rejeté comme infondés – pour des raisons procédurales mais aussi pour des raisons liées au fond – ce recours, ainsi que les recours introduits par deux autres personnes figurant sur la liste.
19. Dans le cadre des recours constitutionnels du requérant et des autres personnes ci-dessus mentionnées, l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) a constaté que le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) avait, par ses arrêts, violé le droit fondamental des requérants à un procès équitable.
20. Aux termes de la décision de renvoi, l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) a, de surcroît, jugé dans l’une de ces affaires que, outre le droit au respect de la vie privée, c’est également le droit fondamental à la protection des données à caractère personnel contre la collecte non autorisée et contre tout autre abus qui avait été violé. En se fondant sur ces bases juridiques, l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la
République slovaque) a annulé l’ensemble des arrêts en cause du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) et a renvoyé les affaires devant ce dernier pour qu’il statue à nouveau. Concomitamment, il a rappelé au Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) que ce dernier était lié par la jurisprudence de la Cour EDH en matière de protection des données à caractère personnel.
21. Toujours aux termes de la décision de renvoi, l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) aurait, dans les autres arrêts, reproché au Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) d’avoir, dans les circonstances du litige au principal, suivi une approche purement formaliste concernant l’interprétation de la règle juridique applicable en matière de recevabilité des demandes de protection contre les ingérences illégales des
autorités publiques. Cette approche ne tiendrait pas compte de la dimension constitutionnelle du droit fondamental slovaque à une protection juridictionnelle. Ce dernier permettrait le contrôle juridictionnel des décisions et pratiques de l’administration publique qui restreignent les droits et les libertés fondamentaux. L’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) n’aurait, en revanche, pas pris en considération la jurisprudence de la Cour de justice de
l’Union européenne relative à l’application du droit de l’Union en matière de protection des données à caractère personnel.
22. La décision de renvoi indique que, ces dernières années, sous l’influence de la jurisprudence de la Cour EDH, l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) aurait abandonné l’idée selon laquelle une action, introduite au titre de la loi, portant sur des réclamations administratives serait toujours considérée comme un recours effectif pour lutter contre les ingérences illégales des autorités publiques ou, le cas échéant, contre leur inaction. L’obligation
pour le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), posée par l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque), de suivre sans réserve, dans le litige au principal, la jurisprudence en cause de la Cour EDH, s’imposerait, conformément au droit slovaque, pour la suite de la procédure au principal, sans qu’il soit tenu compte dans une mesure équivalente des effets du droit de l’Union et de la jurisprudence de la Cour de justice de
l’Union européenne.
IV. La demande de décision préjudicielle
23. Le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) adresse par conséquent les questions préjudicielles suivantes à la Cour :
« 1) L’article 47, premier alinéa, de la Charte, aux termes duquel toute personne dont les droits ont été violés, en l’occurrence le droit au respect de la vie privée à l’égard du traitement de données à caractère personnel, que consacrent l’article 1er, paragraphe 1, et les autres dispositions de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données, a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article 47, s’oppose-t-il à une disposition de droit national qui subordonne l’exercice d’un tel recours devant le juge administratif à une obligation imposant au requérant, pour défendre ses droits et libertés, d’avoir préalablement épuisé les voies de recours dont il dispose en vertu d’une réglementation spécifique, telle que la loi slovaque sur les réclamations
administratives ?
2) En cas de violation alléguée du droit à la protection des données à caractère personnel, lequel, pour l’Union européenne est principalement mis en œuvre par la directive 95/46, [et implique] notamment
– l’obligation des États membres de protéger le droit au respect de la vie privée à l’égard du traitement de données à caractère personnel (article [1er], paragraphe 1),
– le droit des États membres de traiter des données à caractère personnel si le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public [article 7, sous e)] ou à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées et
– un pouvoir [de limitation] exceptionnel des États membres [article 13, paragraphe 1, sous e) et sous f)] lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder un intérêt économique ou financier important d’un État membre ou de l’Union européenne, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal.
le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et des communications, consacré à l’article 7, et le droit à la protection des données à caractère personnel, consacré à l’article 8 de la Charte, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne permettent pas à un État membre de créer, sans le consentement de la personne concernée, des listes de données à caractère personnel aux fins de la perception de l’impôt, si bien que l’obtention de données à caractère personnel par les
autorités publiques en vue de la répression de la fraude fiscale présenterait un risque en soi ?
3) Peut-on considérer qu’une liste d’une institution financière d’un État membre, qui contient des données à caractère personnel du requérant et dont la non-disponibilité est garantie par les mesures techniques et d’organisation appropriées pour protéger ces données contre la diffusion ou l’accès non autorisés au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 95/46, constitue, dans la mesure où elle a été obtenue par le requérant sans le consentement légalement requis de ladite institution,
un moyen de preuve illégal dont la présentation doit être rejetée par le juge national conformément à l’exigence de procès équitable formulée, en droit de l’Union, à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ?
4) Une juridiction nationale agit-elle de manière conforme au droit à un recours effectif et à un procès équitable (figurant notamment à l’article 47 de la Charte) si, ayant constaté que, dans l’affaire dont elle est saisie, il existe des divergences entre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et une réponse qui lui a été adressée par la Cour de justice, elle privilégie la position de cette dernière conformément au principe de loyauté consacré à l’article 4, paragraphe 3,
TUE et à l’article 267 TFUE ? »
24. M. Puškár, la République tchèque, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Pologne, la République slovaque et la Commission européenne se sont exprimés par écrit. En sus de M. Puškár et de la République slovaque, le Royaume d’Espagne et la Commission ont participé à l’audience du 16 février 2017.
V. En droit
25. Les première et troisième questions du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) portent sur la procédure et concernent la protection juridictionnelle. Elles doivent donc être abordées l’une à la suite de l’autre (sous B et C), à savoir avant la deuxième question qui porte sur le droit matériel, relative à la compatibilité de la liste litigieuse avec la protection des données à caractère personnel (sous D). La quatrième question relative aux éventuelles
contradictions entre la jurisprudence de la Cour et de la Cour EDH sera examinée à la fin (sous E). Il convient toutefois en introduction de préciser dans quelle mesure le droit de l’Union de la protection des données est applicable à la liste litigieuse (sous A).
A. L’applicabilité du droit de l’Union relatif à la protection des données
26. C’est en particulier le Royaume d’Espagne qui défend la position selon laquelle le droit de l’Union relatif à la protection des données ne serait pas applicable au litige au principal.
27. À cet égard, il convient de distinguer la directive sur la protection des données de l’article 8 de la Charte.
28. Le champ d’application de la directive sur la protection des données est notamment limité à son article 3, paragraphe 2. Cette disposition précise que la directive ne s’applique pas, entre autres, aux poursuites pénales. Cela doit aussi valoir dans la mesure où la liste litigieuse sert des objectifs en matière pénale ( 6 ). En revanche, la directive sur la protection des données est en principe applicable au recouvrement de l’impôt et à l’utilisation de la liste dans ce contexte ( 7 ). Cela se
reflète également à l’article 13, paragraphe 1, sous e), de la directive sur la protection des données, qui autorise expressément une limitation de la protection des données à des fins fiscales.
29. L’article 3, paragraphe 2, de la directive sur la protection des données n’a, en revanche, pas d’incidence sur le champ d’application du droit fondamental relatif à la protection des données inscrit à l’article 8 de la Charte. Le champ d’application résulte notamment de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Aux termes de cette disposition, les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union européenne ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit
de l’Union ( 8 ). Ainsi qu’il a déjà été constaté, notamment dans l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, la Charte est, conformément à cette disposition, également applicable aux sanctions dans le domaine fiscal, pour autant qu’il s’agisse d’obligations de droit fiscal découlant du droit de l’Union ( 9 ). Entrent en considération à cet égard, notamment, les taxes sur le chiffre d’affaires et les droits d’accise. Néanmoins, certains pans des impôts directs sont également soumis au droit
de l’Union, par exemple, dans le champ d’application de mesures d’harmonisation ponctuelles ( 10 ) ou lorsque les libertés fondamentales font l’objet d’une restriction ( 11 ). C’est par conséquent souvent la juridiction nationale qui devra vérifier au cas par cas si la Charte est applicable. Du reste, dans les cas où le droit de l’Union et la Charte ne sont pas applicables, des exigences similaires découleront souvent de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH ».
30. Il en résulte pour la présente procédure que l’utilisation de la liste litigieuse lors du recouvrement de l’impôt est soumise à la directive sur la protection des données et à la Charte, alors que seule la Charte est applicable dans le domaine pénal pour autant qu’il s’agisse de questions régies par le droit de l’Union.
B. Sur la première question : recours administratif obligatoire
31. La première question porte sur les conditions requises pour que la protection juridictionnelle soit effective dans le cadre de l’exercice des droits relatifs aux données à caractère personnel. Le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) aimerait savoir si soumettre la recevabilité d’un recours juridictionnel à l’épuisement préalable par le requérant d’une voie de recours administratif est compatible avec le droit à une protection juridictionnelle effective
inscrit à l’article 47, premier alinéa, de la Charte.
32. Cette question trouve manifestement son origine dans le fait que l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) a remis en cause cette condition de recevabilité d’un recours.
33. En règle générale, la Cour répond à de telles questions en renvoyant à l’autonomie procédurale des États membres, qui doit être exercée dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité ( 12 ). L’autonomie procédurale ne trouve cependant à s’appliquer que pour autant que le droit de l’Union ne contient aucune disposition à cet égard. Il existe toutefois dans la directive sur la protection des données des dispositions qui, à tout le moins, abordent cette question. Indépendamment de la
possibilité d’appliquer de manière isolée les droits formulés à l’article 8 de la Charte ( 13 ), il convient, par conséquent, d’examiner les dispositions de la directive (sous 2) avant d’aborder la relation entre le principe d’effectivité et le droit à une protection juridictionnelle effective (sous 3). Les conséquences de ces prescriptions sur une voie de recours administratif obligatoire pourront être envisagées (sous 4). Néanmoins quelques remarques relatives à la recevabilité de cette
question s’imposent tout d’abord (sous 1).
1. Sur la recevabilité de la première question
34. M. Puškár conteste en particulier la recevabilité de la première question. Il affirme avoir introduit plusieurs recours dont aucun n’aurait abouti. Cette question serait donc hypothétique.
35. Toutefois, ainsi que M. Puškár le reconnaît, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit
de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 14 ).
36. La décision de renvoi ne précise malheureusement pas les voies de recours administratif que M. Puškár a épuisées. Elle indique cependant qu’il existe un désaccord entre le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) et l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) quant à la nécessité d’avoir épuisé les voies de recours administratif et ses conséquences sur la recevabilité du recours. Par conséquent, cette question n’est pas
manifestement hypothétique et doit obtenir une réponse.
2. Sur les dispositions de la directive sur la protection des données
37. La directive sur la protection des données traite des recours aux articles 22 et 28. L’article 22 prescrit que, sans préjudice du recours prévu à l’article 28, paragraphe 4, toute personne dispose d’un recours juridictionnel en cas de violation des droits qui lui sont garantis conformément aux dispositions nationales applicables au traitement de données à caractère personnel.
38. Conformément à l’article 28, paragraphe 4, de la directive sur la protection des données, toute personne peut saisir ce qui est appelé une « autorité de contrôle » d’une demande relative à la protection de ses droits et libertés à l’égard du traitement de données à caractère personnel. L’autorité de contrôle peut, en particulier, être saisie par toute personne d’une demande de vérification de la licéité d’un traitement.
39. À première vue, on pourrait identifier à l’article 22 et à l’article 28, paragraphe 4, de la directive sur la protection des données des dispositions concernant l’exercice, dans le domaine de la mise en œuvre du droit à la protection des données, du recours juridictionnel et du recours administratif par la personne concernée.
40. Un examen plus attentif révèle toutefois qu’au moins la réclamation visée à l’article 28, paragraphe 4, de la directive sur la protection des données ne fait pas l’objet du présent renvoi préjudiciel. La procédure de réclamation de la directive sur la protection des données est conduite par l’autorité de contrôle indépendante ( 15 ) qui y est prévue, alors que la réclamation administrative qui, conformément au droit slovaque, constitue la condition préalable à un recours juridictionnel, est
adressée aux autorités administratives compétentes.
41. La règle, plus large et qui s’appliquera à l’avenir, prévue à l’article 79 du règlement no 2016/679, lequel n’est pas encore entré en vigueur, illustre toutefois la place du recours juridictionnel en matière de protection des données au regard des autres recours. Selon cette règle, chaque personne concernée a droit à un recours juridictionnel effectif sans préjudice de tout recours administratif ou extrajudiciaire qui lui est ouvert, y compris le droit d’introduire une réclamation auprès d’une
autorité de contrôle.
42. Ainsi, au moins à l’avenir, le recours juridictionnel est garanti sans préjudice de tous les autres recours, ce qui signifie que le droit au recours juridictionnel est sans incidence sur les autres recours.
43. Cela ne répond toutefois pas encore à la question de savoir s’il est possible de soumettre un recours juridictionnel à la condition de l’épuisement préalable d’une autre voie de recours. À cet égard, il ressort uniquement de l’article 79 du règlement no 2016/679 que le recours juridictionnel doit être effectif. Une obligation d’épuiser une autre voie de recours avant d’introduire un recours juridictionnel sera par conséquent interdite si le recours juridictionnel est ineffectif pour cette
raison.
44. S’il est vrai que l’article 22 de la directive sur la protection des données ne se réfère qu’à un recours spécifique et n’exige pas non plus expressément l’effectivité du recours juridictionnel, au moins l’effectivité en tant que critère va de soi ( 16 ). En outre il est évident que le droit à un recours juridictionnel ne doit pas remettre en cause d’autres recours, ne serait-ce déjà que parce que l’article 22 ne contient aucune règle à cet égard.
45. Le droit à un recours juridictionnel figurant dans la directive sur la protection des données, applicable également dans l’affaire au principal, implique donc que l’épuisement d’une voie de recours préalable ne peut être exigé que s’il ne compromet pas l’effectivité du recours juridictionnel. Il s’agit de la même limitation que celle que pose le principe de l’effectivité à l’autonomie procédurale des États membres.
3. Sur le principe d’effectivité et le droit à une protection juridictionnelle effective
46. Le principe de l’autonomie procédurale des États membres signifie qu’il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, pour autant qu’il n’existe pas de réglementation de l’Union en la matière.
47. Cette autonomie est traditionnellement encadrée par les principes d’équivalence et d’effectivité. C’est seulement le dernier principe qui nous intéresse en l’espèce. Selon le principe d’effectivité, les modalités procédurales de droit national ne doivent pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union ( 17 ).
48. La Cour a jugé à plusieurs reprises que chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales ; dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, le cas échéant, les principes qui
sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure ( 18 ).
49. Depuis quelque temps, le principe d’effectivité est de plus en plus souvent associé au droit à un recours effectif inscrit à l’article 47, premier alinéa, de la Charte ( 19 ). Ces derniers mois ont même vu le prononcé de deux arrêts pertinents à cet égard qui s’appuient non plus sur le principe d’effectivité, mais uniquement sur l’article 47, premier alinéa, de la Charte ( 20 ).
50. S’appuyer sur l’article 47, premier alinéa, de la Charte permet de structurer l’examen nécessaire de la condition préalable au recours juridictionnel concernée, dans la mesure où les limites posées aux droits fondamentaux sont clairement énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ( 21 ). Aux termes de cette disposition, toute limitation de l’exercice des droits fondamentaux n’est justifiée que si elle est prévue par la loi et respecte le contenu essentiel du droit concerné. De surcroît,
dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui. Le principe de proportionnalité fait en outre également partie intégrante du principe d’effectivité. Il trouve son expression dans la limite que constitue la difficulté excessive.
51. Ainsi, le droit à un recours effectif inscrit à l’article 47, premier alinéa, de la Charte et le principe d’effectivité constituent finalement le même principe juridique et peuvent être examinés tous deux en appliquant les critères de l’article 47, premier alinéa, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
4. Sur la compatibilité avec la protection juridictionnelle effective d’un recours préalable obligatoire
52. Il convient donc d’examiner si le fait de soumettre l’introduction d’un recours juridictionnel à la condition de l’épuisement préalable des voies de recours administratif est compatible avec l’article 47, premier alinéa, de la Charte et avec le principe d’effectivité.
53. Une telle modalité procédurale retarde à tout le moins l’accès à un recours juridictionnel. Elle peut de surcroît engendrer des coûts supplémentaires. Il est possible que les autorités administratives demandent le paiement d’une redevance pour l’introduction d’un recours. Il peut également être utile, voire nécessaire, de se faire assister par un avocat ou de produire un avis d’expert.
54. L’obligation d’épuiser les voies de recours administratif avant de pouvoir introduire un recours juridictionnel a donc des incidences sur le droit à un recours juridictionnel effectif.
55. Une telle modalité procédurale peut néanmoins être justifiée au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
56. Aux termes de la décision de renvoi, cette modalité est prévue en Slovaquie par la loi. Elle est loin de porter atteinte au contenu essentiel du droit à un recours effectif puisqu’elle ne limite pas le cercle de ceux qui peuvent en principe bénéficier d’un recours juridictionnel ( 22 ). Seule une étape procédurale supplémentaire leur est imposée.
57. C’est pourquoi le respect du principe de proportionnalité concernant le recours administratif obligatoire est décisif.
58. Le principe de proportionnalité exige qu’une mesure soit « adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit ( 23 )» ( 24 ). Comme l’article 52, paragraphe 1, de la Charte le souligne, ces objectifs doivent être reconnus par l’Union et servir l’intérêt général ou être nécessaires à la protection des droits et libertés d’autrui.
59. Selon le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), l’épuisement d’une voie de recours administratif permet de gagner en efficacité, car cela donne à l’administration l’occasion de cesser les ingérences illégales invoquées et lui évite des actions en justice inopinées dirigées contre elle. En outre, l’état du litige est précisé entre les parties à l’occasion de cette procédure préalable, ce qui facilite le traitement ultérieur du litige par les tribunaux. Il
convient d’ajouter que le recours administratif protège les tribunaux de procédures inutiles et peut également promouvoir la paix juridique en ce que la personne concernée accepte l’ingérence, par exemple sur le fondement d’une motivation plus convaincante, sans qu’une procédure juridictionnelle soit nécessaire. Enfin, un recours administratif est généralement bien moins coûteux pour toutes les parties impliquées qu’un recours juridictionnel.
60. Ces objectifs sont reconnus en droit de l’Union comme le montrent des procédures préalables comparables, par exemple en droit de la fonction publique ( 25 ) ou dans le droit d’accès aux documents ( 26 ). Les instances de recours qui ont par exemple été créées auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ( 27 ) ou de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ( 28 ) servent ces objectifs. Enfin, dernier exemple, et non des moindres, la plainte auprès du
Médiateur européen présuppose également une réclamation administrative préalable ( 29 ).
61. Nous aimerions ajouter que l’ordre juridique allemand reconnaît également ces objectifs. Dans la procédure administrative allemande, un recours administratif, conformément à l’article 68 de la Verwaltungsgerichtsordnung (code de procédure administrative), est généralement la condition préalable pour pouvoir introduire un recours juridictionnel. L’utilité de cette condition n’est, dans l’ensemble ( 30 ), pas contestée. Des juridictions ont au contraire déjà dû trancher la question de savoir si
l’abrogation partielle du recours administratif était compatible avec les normes supérieures ( 31 ).
62. Une procédure préalable obligatoire est incontestablement propre à atteindre les objectifs mentionnés au point 59 des présentes conclusions. Aucune autre mesure moins contraignante ne serait apte à réaliser ces objectifs de manière similaire.
63. La question de savoir si le recours administratif obligatoire est proportionnel et approprié à la finalité qu’il poursuit reste donc ouverte. La réponse dépend de la forme concrète que prend le recours administratif. Seules les juridictions nationales sont, en définitive, en mesure de procéder à cette appréciation finale.
64. Cela vaut notamment pour un aspect soulevé par M. Puškár, à savoir la prétendue incertitude quant au point de savoir si le délai pour introduire un recours juridictionnel commence à courir avant qu’une décision n’ait été prise dans le cadre du recours administratif. Si les juridictions nationales devaient constater qu’une telle incertitude existait effectivement au moment pertinent, il serait difficilement envisageable de faire dépendre la recevabilité d’un recours juridictionnel de l’épuisement
préalable d’une voie de recours administratif.
65. En outre, la Cour a jugé, dans le cadre du droit de la consommation, qu’une procédure de règlement des différends obligatoire avant la saisine d’un organe juridictionnel était admise, notamment parce qu’elle n’entraînait pas de retard substantiel dans l’introduction d’un recours juridictionnel et qu’elle ne générait pas de frais, ou des frais peu importants, pour le consommateur ( 32 ).
66. Ces deux aspects sont également importants pour l’appréciation d’un recours administratif obligatoire. Des retards substantiels dans l’introduction d’un recours juridictionnel ou des coûts excessifs pour le requérant remettraient sûrement en question le caractère approprié de cette modalité procédurale.
67. En ce qui concerne les retards dans l’introduction d’un recours juridictionnel, l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte accorde déjà à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. Si ce droit concerne la procédure devant une juridiction, il ne doit, évidemment, pas non plus être compromis par une condition posée à l’introduction d’un recours. Telle est la raison pour laquelle la Cour EDH, lorsqu’elle examine la durée de la procédure juridictionnelle,
prend en compte la durée des recours administratifs obligatoires ( 33 ). En outre même dans l’hypothèse où l’application de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte serait écartée, des exigences similaires résulteraient d’un principe général du droit de l’Union ( 34 ).
68. En ce qui concerne les coûts, l’article 47, troisième alinéa, de la Charte n’exige, certes, que l’aide juridictionnelle lorsqu’elle est nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. En outre, en principe, une redevance appropriée pour l’introduction d’un recours administratif n’appelle pas de critique ( 35 ).
69. La perception d’une redevance pour un recours administratif obligatoire doit cependant être soumise à des limitations plus strictes, car cette procédure préalable constitue un obstacle pour l’exercice du recours juridictionnel garanti à l’article 47 de la Charte, et ses coûts s’ajoutent à ceux de la procédure juridictionnelle ( 36 ). Le principe sur lequel repose le droit à l’aide juridictionnelle s’étend donc également aux coûts d’un recours administratif obligatoire. De surcroît, dans une
Union de droit, l’autocontrôle, inhérent au recours administratif, auquel se soumet l’administration va non pas seulement dans l’intérêt de la personne concernée, mais également dans l’intérêt public.
5. Conclusion intermédiaire
70. Le droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la Charte et le principe d’effectivité ne s’opposent donc pas à ce qu’un recours juridictionnel ne puisse être introduit qu’après épuisement d’une voie de recours administratif lorsque les modalités de ce recours administratif n’affectent pas de manière disproportionnée l’effectivité de la protection juridictionnelle. Par conséquent, le recours administratif obligatoire ne doit notamment ni retarder de manière
déraisonnable l’ensemble de la procédure de recours ni générer de frais excessifs.
71. Il convient néanmoins de préciser que la compatibilité d’un recours administratif obligatoire avec le droit de l’Union n’exclut pas qu’une telle modalité procédurale de la protection juridictionnelle ne soit pas compatible avec le droit constitutionnel national.
C. Sur la troisième question : exclusion de la liste en tant que moyen de preuve
72. Par sa troisième question, à laquelle il convient de répondre avant la deuxième, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) aimerait savoir si la liste litigieuse peut être exclue en tant que moyen de preuve du fait que M. Puškár est entré en sa possession sans le consentement de l’autorité compétente.
1. Sur la recevabilité de la question
73. La République slovaque et M. Puškár considèrent que cette question est irrecevable parce qu’en l’absence de dispositions correspondantes du droit de l’Union en la matière, elle ne relève que de l’interprétation du droit slovaque.
74. Cette objection méconnaît toutefois le fait que les règles de preuve constituent des modalités procédurales qui, à l’instar d’un recours administratif obligatoire, peuvent affecter l’effectivité de la protection juridictionnelle lors de l’exercice des droits garantis par le droit de l’Union. Le droit de l’Union peut donc limiter l’autonomie procédurale des États membres dans ce domaine également.
75. La République tchèque doute en revanche de la pertinence de cette question pour la solution du litige, dans la mesure où l’une des autorités administratives participant à la procédure au principal, l’office de lutte contre la criminalité financière, a admis que la liste existait et qu’elle avait été établie par la direction des finances. L’on pourrait donc supposer qu’il n’y a pas besoin d’autre preuve et que la question reste hypothétique.
76. Cependant, c’est notamment au cours de l’audience qu’il est apparu avec netteté que l’autre administration impliquée, la direction des finances, a nié dans la procédure au principal avoir établi la liste ou en avoir connaissance. De surcroît, il n’est en tout état de cause pas certain que les informations concernant M. Puškár figurent sur cette liste. Enfin, il n’est pas exclu qu’indépendamment de l’issue du litige, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque)
doive tout de même statuer sur la recevabilité de la liste en tant que moyen de preuve.
77. Partant, il convient de considérer que la réponse à cette question est nécessaire pour la solution du litige au principal.
2. Sur la réponse à la question
78. Comme dans le cadre de la première question, l’autonomie procédurale des États membres se manifeste également en ce qui concerne les règles régissant la preuve. En effet, en l’absence de réglementation du droit de l’Union, c’est aux États membres qu’il appartient de déterminer les moyens de preuve susceptibles d’être rapportés, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité ( 37 ).
79. Aucun élément ne permet non plus de penser que le principe d’équivalence aurait été enfreint en ce qui concerne cette question. Il s’ensuit qu’à nouveau, seul le principe d’effectivité joue un rôle, principe qui doit être appliqué en liaison avec le droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la Charte.
80. Une limitation des moyens de preuve recevables pour prouver la violation d’un droit conféré par le droit de l’Union porte atteinte au droit fondamental à une protection juridictionnelle effective. Elle doit donc être justifiée au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
81. Dans la mesure où un seul moyen de preuve envisageable est concerné, le contenu essentiel de la protection juridictionnelle effective est préservé. Partant, c’est à nouveau la proportionnalité qui doit être examinée.
82. L’objectif consistant à empêcher l’utilisation non autorisée de documents internes dans des procédures judiciaires a déjà été reconnu par la Cour dans son principe ( 38 ). Ainsi que le souligne à juste titre le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), cet objectif relève du principe du procès équitable et de son corollaire, le principe de l’égalité des armes, inscrits à l’article 47 de la Charte ( 39 ), puisque le recours illégal à des informations internes
peut porter un préjudice considérable à la partie concernée. Les autorités publiques peuvent également invoquer ces principes lorsqu’elles sont parties à un litige ( 40 ). Le rejet d’un document interne déposé illégalement en tant que preuve est propre à atteindre cet objectif.
83. Le rejet sans condition de tels moyens de preuve n’est cependant pas la mesure la moins contraignante. Il conviendrait plutôt de vérifier si la personne concernée bénéficie d’un droit d’accès aux informations en cause. Dans ce cas, l’intérêt d’empêcher une utilisation non autorisée ne serait plus digne de protection.
84. La Cour considère en effet qu’il lui est possible d’ordonner elle-même la production de documents rejetés en raison de leur utilisation non autorisée ( 41 ). Elle souligne de surcroît que la protection contre l’utilisation non autorisée s’appuierait sur l’absence de caractère public des documents en cause ( 42 ). Enfin, sa jurisprudence relative au droit d’accès aux documents montre que le refus de divulguer des documents internes peut appeler une justification ( 43 ). Telle est la raison pour
laquelle le droit d’accès aux documents revêt une valeur indicative en vue de la pondération des intérêts requise pour statuer sur le rejet de documents internes utilisés sans autorisation ( 44 ).
85. Il y a lieu de relever en l’espèce que toute personne a le droit, conformément à l’article 8, paragraphe 2, deuxième phrase, de la Charte et à l’article 12 de la directive sur la protection des données, d’accéder aux données collectées la concernant. Ces dispositions devraient s’appliquer, en principe, également à l’inscription sur la liste litigieuse. De surcroît, conformément à l’article 10 ou à l’article 11 de la directive sur la protection des données, les personnes concernées auraient dû
être informées sur l’utilisation réservée aux données à l’occasion de leur collecte.
86. Si l’article 13, paragraphe 1, de la directive sur la protection des données permet de limiter ce droit à l’information lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder, notamment, la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales [sous d)] ou un intérêt économique ou financier important d’un État membre, y compris dans le domaine fiscal [sous e)] ainsi qu’une mission de contrôle, d’inspection ou de réglementation [sous f)], il exige
toutefois expressément que de telles limitations soient prises au moyen de mesures législatives ( 45 ).
87. Dans l’hypothèse où de telles dispositions existent, il est envisageable qu’une limitation des droits à l’information de la personne concernée soit nécessaire. Si le nom des personnes figurant sur la liste est diffusé, il est probable que cela risque de réduire l’efficacité des activités de contrôle et d’inspection menées sur la base de cette liste.
88. Avant de pouvoir rejeter l’utilisation de la liste litigeuse comme moyen de preuve, les juridictions compétentes devront donc examiner si une telle limitation au droit à l’information est prévue et, le cas échéant, justifiée. Aucun élément relatif à ces aspects n’a cependant été présenté au cours de la procédure devant la Cour.
89. Même lorsqu’il existe des éléments plaidant en faveur d’un intérêt légitime à l’éventuelle confidentialité de la liste en cause prévue par la loi, les juridictions nationales doivent en outre vérifier au cas par cas si ceux-ci prévalent sur l’intérêt à la protection des droits du particulier.
90. En droit douanier, la Cour a jugé que l’exercice de ses droits par la personne concernée était rendu excessivement difficile lorsque celle‑ci devait produire des données dont elle ne pouvait pas disposer ( 46 ). Ce test de proportionnalité peut conduire à un autre résultat dans d’autres domaines, quand des intérêts plus importants que les recettes douanières sont affectés ( 47 ). Il n’apparaît toutefois pas de manière évidente que les recettes fiscales auraient nécessairement plus d’importance
que les recettes douanières.
91. Par ailleurs, l’intérêt à la confidentialité de la liste est restreint en l’espèce, puisque cette liste a déjà été diffusée auprès de tiers et que l’office de lutte contre la criminalité financière a confirmé son existence. Par conséquent, il est probable que l’éventuel préjudice soit déjà survenu.
92. Il serait bien sûr envisageable de refuser à la personne concernée le droit de se prévaloir de la liste si cette personne avait elle-même participé à sa diffusion publique non autorisée. En effet, l’on pourrait empêcher les parties à la procédure de tirer profit de leur propre comportement illégal. Il serait toutefois difficile de justifier le fait de reprocher à une personne en cause, telle que M. Puškár, un comportement imputable à des tiers.
93. Il convient donc de répondre à la troisième question que le principe du procès équitable, inscrit à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, permet en principe que des documents internes d’une autorité administrative partie à la procédure, documents qu’une autre partie à la procédure se procure sans l’autorisation de cette autorité, soient rejetés en tant que moyen de preuve irrecevable. Le rejet est toutefois exclu s’il s’agit d’une liste d’une autorité fiscale d’un État membre qui contient
des données à caractère personnel relatives au requérant, données que l’autorité administrative est tenue de communiquer au requérant conformément aux articles 12 et 13 de la directive sur la protection des données.
D. Sur la deuxième question : recevabilité de la liste au regard du droit à la protection des données
94. La deuxième question concerne le fond du litige au principal. Elle porte sur le point de savoir si les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données, ainsi que la directive sur la protection des données, interdisent à un État membre de créer, sans le consentement de la personne concernée, des listes de données à caractère personnel aux fins de la perception de l’impôt. Selon le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), l’obtention de données
à caractère personnel par les autorités publiques en vue de la répression de la fraude fiscale présenterait déjà, dans ce cas, un risque de violation des droits de la personne concernée.
95. Le litige au principal ne requiert toutefois pas de répondre à la question générale de savoir si les autorités fiscales peuvent, sans l’accord des personnes concernées, collecter des données à caractère personnel. Cela n’est mis en doute par aucune des parties. Il s’agit en revanche de clarifier si l’administration fiscale, en vue de lutter contre la fraude fiscale, peut tenir une liste de personnes qui occupent de manière fictive des postes de direction auprès de certaines personnes morales et
qui n’ont pas donné leur accord pour figurer sur cette liste. Il doit être répondu à cette question au regard de la directive sur la protection des données, puisque celle-ci précise les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données. Dans la mesure où, en particulier dans le domaine des poursuites pénales, seuls les droits fondamentaux sont applicables, il convient à nouveau de vérifier si des obligations divergentes en résultent.
96. Les parties s’accordent à juste titre pour considérer que l’inscription d’une personne sur une telle liste et son rattachement à certaines personnes morales constituent un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 2, sous b), de la directive sur la protection des données.
97. Conformément aux dispositions du chapitre II de la directive sur la protection des données, intitulé « Conditions générales de licéité des traitements de données à caractère personnel », sous réserve des dérogations admises au titre de l’article 13 de cette directive, tout traitement de données à caractère personnel doit, d’une part, être conforme aux principes relatifs à la qualité des données énoncés à l’article 6 de ladite directive et, d’autre part, répondre à l’un des principes relatifs à
la légitimation des traitements de données énumérés à l’article 7 de cette même directive ( 48 ).
98. Ainsi que la question préjudicielle le suggère, tant l’article 7 (voir ci‑dessous, sous 1) que l’article 13 (voir ci-dessous, sous 2) de la directive sur la protection des données doivent être pris en considération pour la création de la liste litigieuse.
1. Sur l’article 7 de la directive sur la protection des données
99. Aux termes de l’article 7 de la directive sur la protection des données, le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que si l’une des six conditions mentionnées dans cette disposition est remplie. La question préjudicielle se réfère aux cas mentionnés sous e) et f), à savoir quand le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par un tiers. L’on pourrait, en
complément, également songer au cas mentionné sous c), à savoir quand le traitement est nécessaire au respect d’une obligation légale.
100. Nous aimerions cependant signifier dès maintenant notre opinion selon laquelle l’examen de l’article 7, sous c) ou f), de la directive sur la protection des données est superflu en l’espèce. En effet, ainsi que toutes les parties le reconnaissent, la perception de l’impôt et la lutte contre la fraude fiscale sont des missions d’intérêt public au sens de l’article 7, sous e), de la directive sur la protection des données.
101. M. Puškár estime toutefois que c’est sans base juridique que la liste a été établie par la direction des finances, puisque seul l’office de lutte contre la criminalité financière serait autorisé à établir une telle liste. Ce point de vue s’appuie sur l’article 5, paragraphe 3, sous b), de la loi no 333/2011, qui autorise l’office de lutte contre la criminalité financière à collecter des informations relatives aux infractions ou aux soupçons d’infractions.
102. En examinant l’article 7, sous e), de la directive sur la protection des données, l’on pourrait comprendre cet argument en ce sens que, selon M. Puškár, la direction des finances ne s’est pas vu confier la mission d’agir à l’encontre des hommes de paille.
103. La République slovaque rétorque que l’article 164 de la loi no 563/2009 serait un fondement juridique déjà suffisant. Aux termes de cette disposition, l’administration fiscale, la direction des finances et le ministère (des Finances) sont habilités, aux fins de la perception de l’impôt, à traiter les données à caractère personnel des assujettis, de leurs représentants et de toute autre personne.
104. Seules les juridictions nationales sont en mesure de trancher la question de savoir quelles missions, aux termes de ces dispositions, reviennent en Slovaquie à quelles autorités administratives. Il en va de même pour la question de savoir si l’une de ces dispositions, ou les deux, doivent être interprétées en ce sens qu’elles autorisent chaque autorité administrative mentionnée à établir la liste litigieuse.
105. La Cour peut néanmoins se prononcer sur la question de savoir quelles conditions s’appliquent en droit de l’Union à l’attribution, requise à l’article 7, sous e), de la directive sur la protection des données, de la mission en cause.
106. Si l’article 7, sous e), de la directive sur la protection des données ne contient aucune indication à cet égard, il convient cependant de lire cette disposition en liaison avec les principes de l’article 6 de cette même directive. Conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive sur la protection des données, les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes. Dans le champ d’application de l’article 7, sous e),
l’objectif du traitement des données est indissociablement lié à la mission confiée. L’attribution de la mission doit, par conséquent, comprendre sans équivoque l’objectif du traitement concerné.
107. Dans la mesure où la décision de renvoi ne précise pas l’objectif de la liste litigieuse, il appartient au Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) de se pencher sur cette question. De prime abord, il ne semble toutefois pas exclu que la liste en cause soit utile « aux fins de la perception de l’impôt » mentionnées à l’article 164 de la loi no 563/2009. Bien qu’il ne fasse pas expressément référence au stockage de données à caractère personnel relatives à des
soupçons d’infractions, les personnes concernées doivent s’attendre à ce que les autorités fiscales stockent de telles données afin de savoir à quelles personnes elles doivent réserver une attention particulière. L’utilité de telles données est bien plus évidente pour l’exercice des missions de l’office de lutte contre la criminalité financière, conformément à l’article 5, paragraphe 3, sous b), de la loi no 333/2011. Par conséquent, leur stockage par cette autorité est en tout cas prévisible.
108. Dans une étape ultérieure, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) devra examiner si la création et l’utilisation de la liste en cause, et en particulier la mention de M. Puškár, sont nécessaires à l’intérêt public invoqué. La protection du droit fondamental à la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte exige en effet d’opérer les dérogations et les limitations de la protection des données à caractère personnel dans les limites du strict nécessaire (
49 ). Cela signifie que le principe de proportionnalité doit être observé ( 50 ), et que le traitement des données doit donc être « adapté, nécessaire et proportionné à la finalité qu’il poursuit ».
109. Le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) devra donc examiner en détail si la mention de M. Puškár est propre à réaliser les divers objectifs poursuivis par l’utilisation de la liste litigieuse, s’il existe éventuellement des moyens moins contraignants, mais tout aussi efficaces, et surtout si la mention de son nom est appropriée au regard de ces objectifs.
110. Si des indications précises quant à la finalité de la liste font défaut, il ne fait cependant aucun doute que, pour la personne concernée, être mentionnée sur la liste en cause porte sérieusement atteinte à ses droits. La mention de son nom sur la liste nuit à sa réputation et peut également entraîner des inconvénients pratiques majeurs dans ses relations avec les autorités fiscales. De même, la mention de son nom affecte la présomption d’innocence inscrite à l’article 48, paragraphe 1, de la
Charte ( 51 ). En outre, les personnes morales associées aux personnes concernées sont affectées dans leur liberté d’entreprise (inscrite à l’article 16 de la Charte).
111. Une atteinte d’une telle gravité ne peut être appropriée que s’il existe des indices suffisants pour soupçonner la personne concernée d’occuper de manière fictive des fonctions de direction auprès des personnes morales qui lui sont associées et de porter atteinte de cette manière à l’intérêt général, à la perception de l’impôt et à la lutte contre la fraude fiscale ( 52 ).
2. Sur l’article 13 de la directive sur la protection des données
112. L’article 13 de la directive sur la protection des données autorise les États membres à s’écarter de certaines dispositions de la directive pour des raisons déterminées. L’article 7 de la directive sur la protection des données n’y est toutefois pas mentionné. C’est la raison pour laquelle l’article 13 ne saurait remettre en cause la conclusion relative à l’interprétation de l’article 7, sous e).
113. En revanche, l’article 13 de la directive sur la protection des données est, comme nous l’avons déjà expliqué ( 53 ), pertinent pour répondre à la question de savoir si la liste litigieuse peut être établie de manière confidentielle, alors qu’il résulte des articles 10, 11 et 12 de cette même directive que les personnes concernées doivent, en règle générale, être informées sur le traitement des données. Cette information est la condition nécessaire pour que la personne concernée puisse exercer
les droits qu’elle tire de la directive sur la protection des données et des droits fondamentaux à la vie privée ainsi qu’à la protection des données personnelles ( 54 ). Néanmoins, la question de savoir si la liste litigieuse a été traitée à juste titre de manière confidentielle est finalement sans influence sur le point de savoir si c’est à juste titre que M. Puškár figure sur cette liste.
3. Sur les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données
114. Les droits fondamentaux à la vie privée (article 7 de la Charte), et à la protection des données (article 8 de la Charte), qui revêtent un intérêt particulier pour les mesures pénales dans le champ d’application du droit de l’Union, conduisent au même résultat que l’application de l’article 7, sous e), de la directive sur la protection des données.
115. La mention d’une personne sur la liste litigieuse affecterait ces deux droits fondamentaux. Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, ces atteintes ne sont justifiées que si elles reposent sur une base juridique suffisante, respectent le contenu essentiel des droits fondamentaux et observent le principe de proportionnalité.
116. De ces trois aspects, seul le respect du contenu essentiel des droits fondamentaux n’a pas encore été abordé. Néanmoins, en dépit du préjudice lié à l’inscription sur la liste litigieuse, ces atteintes n’atteignent pas le seuil d’une violation du contenu essentiel des droits fondamentaux si le principe de proportionnalité est respecté par ailleurs.
4. Conclusion intermédiaire
117. Par conséquent, il convient de répondre à la troisième question que l’administration fiscale peut, conformément à l’article 7, sous e), de la directive sur la protection des données, établir pour ses besoins une liste de personnes qui exercent de manière fictive des fonctions de direction auprès de certaines personnes morales et qui n’ont pas donné leur accord pour figurer sur cette liste. Cela suppose que l’administration fiscale ait été investie de cette mission par la loi, que l’utilisation
de cette liste soit effectivement adaptée et nécessaire aux buts poursuivis par l’administration fiscale et qu’il existe des indices suffisants pour présumer que ces personnes figurent à juste titre sur cette liste. Les droits fondamentaux à la vie privée, conformément à l’article 7 de la Charte, et à la protection des données, conformément à l’article 8 de la Charte, ne s’opposeraient pas non plus, dans ce cas, à la création et à l’utilisation de la liste.
E. Sur la quatrième question : relation entre la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour EDH
118. La quatrième question vise à clarifier le point de savoir si une juridiction nationale peut suivre la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne lorsque cette jurisprudence contredit celle de la Cour EDH.
119. Ainsi que diverses parties à la procédure le relèvent, la recevabilité de la question sous cette forme est discutable, en particulier parce que le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) ne précise pas le point sur lequel les deux juridictions européennes sont censées se contredire et dans quelle mesure une telle contradiction serait déterminante pour la résolution du litige au principal. En effet, la procédure de renvoi préjudiciel ne sert pas à solliciter
des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques ( 55 ).
120. La présente question contient toutefois un élément qui peut être important pour la décision définitive dans le litige au principal. En effet, aux termes de la décision de renvoi, il existe en l’espèce un différend entre l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) et le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), la première juridiction s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour EDH mais ne se prononçant pas sur la
jurisprudence de la Cour. En outre les autres questions préjudicielles montrent que la juridiction de renvoi n’est pas certaine que la jurisprudence de notre Cour conduise au même résultat que celui auquel parvient l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque). Il semble donc utile d’exposer ce qu’il y a lieu de faire lorsque la juridiction de renvoi – éventuellement à la lumière d’une décision de l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle
de la République slovaque) – considère que les deux juridictions européennes se contredisent sur un point important pour trancher le litige au principal.
121. La Cour a, en outre, également déjà statué de manière similaire lorsqu’elle a été appelée à préciser la portée de l’habilitation ou de l’obligation de procéder à un renvoi préjudiciel conformément à l’article 267 TFUE ( 56 ). Souvent, les renvois préjudiciels contiennent déjà les questions concrètes auxquelles il est nécessaire de répondre pour trancher le litige au principal concerné. La Cour répond néanmoins également aux questions plus générales portant sur l’article 267 TFUE. Dans le cas
contraire, il serait en effet très improbable que la Cour ait l’occasion de se prononcer sur de telles questions. En outre il serait en même temps à craindre que les juridictions nationales restent dans le flou quant à leur habilitation ou leur obligation d’utiliser la procédure de renvoi préjudiciel et qu’elles commettent ainsi des erreurs évitables en appliquant le droit de l’Union.
122. En ce qui concerne la question préjudicielle reformulée, l’article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte prescrit que les droits de la Charte correspondant à des droits garantis par la CEDH ont le même sens et la même portée que ceux que leur confère la CEDH. Aux termes des explications relatives à cette disposition, le sens et la portée des droits garantis sont déterminés non seulement par le texte de la CEDH, mais aussi, notamment, par la jurisprudence de la Cour EDH ( 57 ).
L’article 52, paragraphe 3, deuxième phrase, de la Charte permet cependant que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.
123. Il en résulte que le droit de l’Union ne permet à la Cour de s’écarter de la jurisprudence de la Cour EDH que si elle attribue à certains droits fondamentaux une protection plus étendue que ne le fait la Cour EDH. Même cet écart n’est autorisé que s’il ne conduit pas en même temps à ce qu’un autre droit fondamental de la Charte correspondant à un droit de la CEDH ne se voit attribuer une protection moindre que dans la jurisprudence de la Cour EDH. L’on songe à cet égard, par exemple, aux cas
dans lesquels un équilibre doit être trouvé entre certains droits fondamentaux ( 58 ).
124. Lorsqu’un droit fondamental jouissant valablement d’une protection plus étendue résulte de la jurisprudence de la Cour, la primauté du droit de l’Union oblige les juridictions nationales à suivre la jurisprudence de la Cour dans le champ d’application du droit de l’Union et à accorder cette protection.
125. Si la juridiction nationale estime toutefois que la jurisprudence de la Cour relative à un certain droit fondamental figurant tant dans la Charte que dans la CEDH accorde une protection moindre que ne le fait la jurisprudence de la Cour EDH, il en résulte nécessairement une question d’interprétation du droit de l’Union, plus précisément en ce qui concerne ce droit fondamental et l’article 52, paragraphe 3, de la Charte. En effet, cette position de la juridiction nationale aboutirait à ce que
l’interprétation par la Cour du droit fondamental en cause soit contraire à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte.
126. Pour autant qu’une telle question soit pertinente afin de trancher un litige pendant devant une juridiction nationale, celle-ci peut en saisir la Cour au titre de l’article 267, paragraphe 2, TFUE. Si la décision de la juridiction nationale ne peut plus faire l’objet d’un recours, celle-ci est même tenue de saisir la Cour, conformément à l’article 267, paragraphe 3, TFUE.
127. Dès lors, il convient de répondre comme suit à la quatrième question : lorsqu’une juridiction nationale estime que la décision dans la procédure pendante devant elle serait influencée par une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle des droits de la Charte correspondant à des droits garantis par la CEDH sont moins bien protégés que dans la jurisprudence de la Cour EDH, elle peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir comment doit être
interprété le droit de l’Union en ce cas. Si les décisions de la juridiction nationale ne peuvent plus faire l’objet d’un recours en vertu du droit national, elle est tenue de saisir la Cour.
VI. Conclusion
128. Nous proposons donc à la Cour de statuer comme suit :
1) L’utilisation de données à caractère personnel lors du recouvrement de l’impôt est soumise à la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, telle que modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003, ainsi qu’aux articles 7 et 8 de la charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, alors que seuls les articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sont applicables dans le domaine pénal pour autant qu’il s’agisse de questions régies par le droit de l’Union.
2) Le droit à la protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le principe d’effectivité ne s’opposent pas à ce qu’un recours juridictionnel ne puisse être introduit qu’après épuisement d’une voie de recours administratif lorsque les modalités de ce recours administratif n’affectent pas de manière disproportionnée l’effectivité de la protection juridictionnelle. Par conséquent, le recours administratif obligatoire ne
doit notamment ni retarder de manière déraisonnable l’ensemble de la procédure de recours ni générer de frais excessifs.
3) L’administration fiscale peut, conformément à l’article 7, sous e), de la directive 95/46, établir pour ses besoins une liste de personnes qui exercent de manière fictive des fonctions de direction auprès de certaines personnes morales et qui n’ont pas donné leur accord pour figurer sur cette liste. Cela suppose que l’administration fiscale ait été investie de cette mission par la loi, que l’utilisation de cette liste soit effectivement adaptée et nécessaire aux buts poursuivis par
l’administration fiscale et qu’il existe des indices suffisants pour présumer que ces personnes figurent à juste titre sur cette liste. Les droits fondamentaux à la vie privée, conformément à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et à la protection des données, conformément à l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne s’opposeraient pas non plus, dans ce cas, à la création et à l’utilisation de la liste.
4) Le principe du procès équitable inscrit à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne permet en principe que des documents internes d’une autorité administrative partie à la procédure, documents qu’une autre partie à la procédure se procure sans l’autorisation de cette autorité, soient rejetés en tant que moyen de preuve irrecevable. Le rejet est toutefois exclu s’il s’agit d’une liste d’une autorité fiscale d’un État membre qui contient des
données à caractère personnel relatives au requérant, données que l’autorité administrative est tenue de communiquer au requérant conformément aux articles 12 et 13 de la directive 95/46.
5) Lorsqu’une juridiction nationale estime que la décision dans la procédure pendante devant elle serait influencée par une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle des droits de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne correspondant à des droits garantis par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, sont moins bien protégés que dans la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme, elle peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir comment doit être interprété le droit de l’Union en ce cas. Si les décisions de la juridiction nationale elle-même ne peuvent plus faire l’objet d’un recours en vertu du droit national, elle est tenue de saisir la Cour.
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( 1 ) Langue originale : l’allemand.:
( 2 ) Voir arrêts du 8 novembre 2012, Profitube (C‑165/11, EU:C:2012:692, points 36 à 38), ainsi que du 15 janvier 2013, Križan e.a. (C‑416/10, EU:C:2013:8, points 38 à 46).
( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003 (JO 2003, L 284, p. 1) (ci-après la « directive sur la protection des données »).
( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (JO 2016, L 119, p. 1).
( 5 ) La note en bas de page no 95 fait référence à la zákon č. no 428/2002 Z. z o ochrane osobných údajov v znení neskorších predpisov (loi no 428/2002 sur la protection des données à caractère personnel), telle que modifiée.
( 6 ) Voir arrêts du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, EU:C:2003:596, point 43), ainsi que du 16 décembre 2008, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia (C‑73/07, EU:C:2008:727, point 41).
( 7 ) Voir arrêt du 16 décembre 2008, Huber (C‑524/06, EU:C:2008:724, point 45).
( 8 ) Arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 19), et du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 66).
( 9 ) Arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 27).
( 10 ) Voir, notamment, arrêt du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678, points 23 et suiv.).
( 11 ) Arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 74 et jurisprudence citée).
( 12 ) Voir, notamment, arrêt du 8 mai 2014, N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, point 41 et jurisprudence citée).
( 13 ) Voir point 29 des présentes conclusions.
( 14 ) Voir, notamment, arrêt du 17 juillet 2014, Y. S. (C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 63 ainsi que jurisprudence citée).
( 15 ) Voir arrêts du 9 mars 2010, Commission/Allemagne (C‑518/07, EU:C:2010:125, points 17 et suiv.) ; du 16 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑614/10, EU:C:2012:631, points 36 et suiv.), ainsi que du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, points 38 et suiv.).
( 16 ) Voir, notamment, arrêts du 9 juillet 1985, Bozzetti (179/84, EU:C:1985:306, point 17) ; du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 45) ; du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 47), et du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C‑243/15, EU:C:2016:838, point 65).
( 17 ) Voir, notamment, les arrêts du 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral (33/76, EU:C:1976:188, point 5) ; du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, EU:C:1983:318, point 12) ; du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C‑312/93, EU:C:1995:437, point 12) ; du 7 janvier 2004, Wells (C‑201/02, EU:C:2004:12, point 67) ; du 20 octobre 2016, Danqua (C‑429/15, EU:C:2016:789, point 29), et du 21 décembre 2016, TDC (C‑327/15, EU:C:2016:974).
( 18 ) Arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C‑312/93, EU:C:1995:437, point 14) ; du 10 avril 2003, Steffensen (C‑276/01, EU:C:2003:228, point 66), et du 20 octobre 2016, Danqua (C‑429/15, EU:C:2016:789, point 42).
( 19 ) Voir, notamment, arrêts du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811, points 28 et 31) ; du 11 avril 2013, Edwards et Pallikaropoulos (C‑260/11, EU:C:2013:221, point 33) ; du 6 octobre 2015, East Sussex County Council (C‑71/14, EU:C:2015:656, point 52), ainsi que du 13 octobre 2016, Polkomtel (C‑231/15, EU:C:2016:769, points 23 et 24). Voir également les conclusions que nous avons présentées dans les affaires Mellor (C‑75/08, EU:C:2009:32, point 28) ; Alassini (C‑317/08 à C‑320/08,
EU:C:2009:720, point 42), et Lesoochranárske zoskupenie VLK (C‑243/15, EU:C:2016:491, point 99).
( 20 ) Arrêts du 15 septembre 2016, Star Storage e.a. (C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, point 46), ainsi que du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C‑243/15, EU:C:2016:838, point 65).
( 21 ) Voir, à titre d’illustration, arrêts du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 51) ; du 17 septembre 2014, Liivimaa Lihaveis (C‑562/12, EU:C:2014:2229, points 67 et suiv.), ainsi que du 15 septembre 2016, Star Storage e.a. (C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, points 49 et suiv.).
( 22 ) Voir arrêts du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 95), et du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324, point 161).
( 23 ) Voir, pour la formulation, les conclusions que nous avons présentées dans l’affaire G 4S Secure Solutions (C‑157/15, EU:C:2016:382, point 98), qui s’appuie sur le Conseil constitutionnel (France), décisions no 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 (FR:CC:2015:2015.527.QPC, points 4 et 12) et no 2016-536 QPC du 19 février 2016 (FR:CC:2016:2016.536.QPC, points 3 et 10) ; et, de manière similaire, voir Conseil d’État (France), décision no 317827 du 26 octobre 2011 (FR :CEASS :2011 :317827.20111026).
Voir également Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne), BVerfGE 120, 274, p. 318 et suiv. (DE:BVerfG:2008:rs20080227.1bvr037007, point 218).
( 24 ) Voir, notamment, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324, point 48 et jurisprudence citée).
( 25 ) Voir articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.
( 26 ) Règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).
( 27 ) Articles 58 et suiv. du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 226).
( 28 ) Articles 89 et suiv. du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) (JO 2006, L 396, p. 1).
( 29 ) Article 2, paragraphe 4, deuxième phrase, de la décision du Parlement européen, du 9 mars 1994, concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du médiateur (JO 1994, L 113, p. 15).
( 30 ) Voir, néanmoins, décision du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) du 28 octobre 1975 (2 BvR 883/73, 379/74, 497/74, 526/74, Neue Juristische Wochenschrift 1976, p. 34 [p. 36 et 37]).
( 31 ) Décision du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) du 9 mai 1973 (2 BvL 43 et 44/71, Neue Juristische Wochenschrift 1973, 1683) ; et décisions du Bayrischer Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle bavaroise, Allemagne) du 15 novembre 2006, R. R. et K. N. (6–VII–05 et 12–VII–05, VerfGHE 59, p. 219), ainsi que du 23 octobre 2008, A.D.–G. (10–VII–07, VerfGHE 61, p. 248).
( 32 ) Arrêt du 18 mars 2010, Alassini e.a. (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, points 55 et 57).
( 33 ) Cour EDH, 28 juin 1978, König c. Allemagne (CE:ECHR:1980:0310JUD000623273, § 98), 20 décembre 2001, Janssen c. Allemagne (CE:ECHR:2001:1220JUD002395994, § 13 et 40), et 2 décembre 2014, Siermiński c. Pologne (CE:ECHR:2014:1202JUD005333909, § 65).
( 34 ) Arrêt du 8 mai 2014, N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, point 50).
( 35 ) Arrêt du 9 novembre 2006, Commission/Irlande (C‑216/05, EU:C:2006:706, point 33). Voir également Cour EDH, 19 juin 2001, Kreuz c. Pologne (CE:ECHR:2001:0619JUD002824995, § 59), et 24 mai 2006, Weissman e.a. c. Roumanie (CE:ECHR:2006:0524JUD006394500, § 35).
( 36 ) Voir arrêt du 12 décembre 2013, X (C‑486/12, EU:C:2013:836, point 29), relatif aux coûts pour obtenir des renseignements sur le traitement d’informations à caractère personnel.
( 37 ) Arrêts du 9 février 1999, Dilexport (C‑343/96, EU:C:1999:59, point 48 [où la Cour ne mentionne que le principe d’effectivité]) ; du 10 avril 2003, Steffensen (C‑276/01, EU:C:2003:228, point 63) ; du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C‑264/08, EU:C:2010:43, points 33 et 34) ; du 23 octobre 2014, Unitrading (C‑437/13, EU:C:2014:2318, point 27) ; du 4 juin 2015, Faber (C‑497/13, EU:C:2015:357, point 64) ; du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands (C‑310/14,
EU:C:2015:690, points 27 et 28), ainsi que du 6 octobre 2015, Capoda Import-Export (C‑354/14, EU:C:2015:658, point 44).
( 38 ) Ordonnances du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil (C‑445/00, EU:C:2002:607, point 12) ; du 23 mars 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten (C‑221/06, EU:C:2007:185, point 19), et du 29 janvier 2009, Donnici/Parlement (C‑9/08, non publiée, EU:C:2009:40, point 13).
( 39 ) Arrêts du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 48), ainsi que du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horațiu-Vasile Cruduleci (C‑205/15, EU:C:2016:499, points 36 et 47).
( 40 ) Arrêts du 9 juin 2005, Espagne/Commission (C‑287/02, EU:C:2005:368, point 37, relatif aux droits de la défense des États membres) ; du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 53, relatif aux institutions de l’Union), ainsi que du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C‑176/13 P, EU:C:2016:96, point 49, relatif à un organisme de la République islamique d’Iran).
( 41 ) Ordonnances du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil (C‑445/00, EU:C:2002:607, point 12) ; du 23 mars 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten (C‑221/06, EU:C:2007:185, point 19), et du 19 janvier 2009, Donnici/Parlement (C‑9/08, non publiée, EU:C:2009:40, point 13).
( 42 ) Ordonnance du 23 mars 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten (C‑221/06, EU:C:2007:185, point 19).
( 43 ) Voir arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374), ainsi que du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission (C‑506/08 P, EU:C:2011:496, points 77 et suiv.).
( 44 ) Ordonnance du 19 janvier 2009, Donnici/Parlement (C‑9/08, non publiée, EU:C:2009:40, point 17).
( 45 ) Arrêt du 1er octobre 2015, Bara e.a. (C‑201/14, EU:C:2015:638, point 39)
( 46 ) Arrêt du 23 octobre 2014, Unitrading (C‑437/13, EU:C:2014:2318, point 28).
( 47 ) Voir, à titre d’illustration, arrêts du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, points 64 à 68), ainsi que du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 128 et 129).
( 48 ) Arrêts du 16 décembre 2008, Huber (C‑524/06, EU:C:2008:724, point 48), ainsi que du 1er octobre 2015, Bara e.a. (C‑201/14, EU:C:2015:638, point 30).
( 49 ) Arrêts du 16 décembre 2008, Satakunnan Markkinapörssi und Satamedia (C‑73/07, EU:C:2008:727, point 56) ; du 7 novembre 2013, IPI (C‑473/12, EU:C:2013:715, point 39) ; du 11 décembre 2014, Ryneš (C‑212/13, EU:C:2014:2428, point 28), et du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 92).
( 50 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige et Watson e.a. (C‑203/15 et C‑698/15, EU:C:2016:970, point 96).
( 51 ) Cour EDH, 4 décembre 2008, S. et Marper c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2008:1204JUD003056204, § 122), ainsi que 18 octobre 2011, Khelili c. Suisse (CE:ECHR:2011:1018JUD001618807, § 68).
( 52 ) Voir arrêts du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland e.a. (C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, points 58 et 59), ainsi que du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige et Watson e.a. (C‑203/15 et C‑698/15, EU:C:2016:970, points 105 et 106). Voir également Cour EDH, arrêt du 18 octobre 2011, Khelili c. Suisse (16188/07, CE :ECHR :2011 :1018JUD 001618807, § 66 à 68).
( 53 ) Voir points 86 et suivants des présentes conclusions.
( 54 ) Arrêt du 7 mai 2009, Rijkeboer (C‑553/07, EU:C:2009:293, point 49), et du 17 juillet 2014, Y. S. (C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 44).
( 55 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige et Watson e.a. (C‑203/15 et C‑698/15, EU:C:2016:970, point 130 ainsi que jurisprudence citée).
( 56 ) Voir arrêts du 27 juin 1991, Mecanarte (C‑348/89, EU:C:1991:278, points 42 et suiv.) ; du 16 décembre 2008, Cartesio (C‑210/06, EU:C:2008:723, points 80 et suiv.), ainsi que du 18 juillet 2013, Consiglio nazionale dei Geologi (C‑136/12, EU:C:2013:489, points 21 et suiv.).
( 57 ) Arrêts du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811, points 35 et 37), ainsi que du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horațiu-Vasile Cruduleci (C‑205/15, EU:C:2016:499, point 41).
( 58 ) Voir, notamment, arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C‑275/06, EU:C:2008:54, point 68).