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01/02/2017 | CJUE | N°C-144/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Município de Palmela contre Autoridade de Segurança Alimentar e Económica (ASAE) – Divisão de Gestão de Contraordenações., 01/02/2017, C-144/16


ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

1er février 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Procédures d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information — Directives 83/189/CEE et 98/34/CE — Projet de règle technique — Notification à la Commission européenne — Obligations des États membres — Violation — Conséquences»

Dans l’affaire C‑144/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, intr

oduite par le Tribunal Judicial da Comarca de Setúbal (tribunal d’arrondissement de Setúbal, Portugal), par décision d...

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

1er février 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Procédures d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information — Directives 83/189/CEE et 98/34/CE — Projet de règle technique — Notification à la Commission européenne — Obligations des États membres — Violation — Conséquences»

Dans l’affaire C‑144/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Judicial da Comarca de Setúbal (tribunal d’arrondissement de Setúbal, Portugal), par décision du 2 février 2016, parvenue à la Cour le 14 mars 2016, dans la procédure

Município de Palmela

contre

Autoridade de Segurança Alimentar e Económica (ASAE) – Divisão de Gestão de Contraordenações,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. A. Arabadjiev et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

— pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et T. Müller, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et C. S. Schillemans, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par MM. G. Braga da Cruz et D. Kukovec, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO 1983, L 109, p. 8), telle que modifiée par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994,
C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1) (ci-après la « directive 83/189 »), ainsi que de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO 1998, L 217,
p. 18) (ci-après la « directive 98/34 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Município de Palmela (municipalité de Palmela, Portugal) à l’Autoridade de Segurança Alimentar e Económica (ASAE) – Divisão de Gestão de Contraordenações [Autorité de sécurité alimentaire et économique (ASAE) –, Portugal], au sujet d’une amende infligée à la première en raison d’infractions aux règles relatives aux conditions de sécurité à observer dans la localisation, le déploiement, la conception et l’organisation fonctionnelle
des espaces de jeux et de loisirs ainsi que des équipements de loisirs et des zones d’impact.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 83/189

3 L’article 1er de la directive 83/189 était ainsi libellé :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

1) “produit” : tout produit de fabrication industrielle et tout produit agricole, y compris les produits de la pêche ;

2) “spécification technique” : une spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d’un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d’emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles, les essais et les méthodes d’essai, l’emballage, le marquage et l’étiquetage, ainsi que les procédures d’évaluation de la conformité.

[...]

3) “autre exigence” : une exigence, autre qu’une spécification technique, imposée à l’égard d’un produit pour des motifs de protection, notamment des consommateurs ou de l’environnement, et visant son cycle de vie après mise sur le marché, telle que ses conditions d’utilisation, de recyclage, de réemploi ou d’élimination lorsque ces conditions peuvent influencer de manière significative la composition ou la nature du produit ou sa commercialisation ;

[...]

9) “règle technique” : une spécification technique ou autre exigence, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 10, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres visant l’interdiction de fabrication, d’importation, de
commercialisation ou d’utilisation d’un produit ;

[...]

10) “projet de règle technique” : le texte d’une spécification technique ou d’une autre exigence, y compris de dispositions administratives, qui y est élaboré avec l’intention de l’établir ou de la faire finalement établir comme une règle technique et qui se trouve à un stade de préparation où il est encore possible d’y apporter des amendements substantiels.

[...] »

4 L’article 8, paragraphe 1, de cette directive prévoyait :

« Sous réserve de l’article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet.

Le cas échéant, et à moins qu’il n’ait été transmis en liaison avec une communication antérieure, les États membres communiquent en même temps le texte des dispositions législatives et réglementaires de base principalement et directement concernées, si la connaissance de ce texte est nécessaire pour l’appréciation de la portée du projet de règle technique.

Les États membres procèdent à une nouvelle communication dans les conditions énoncées ci-dessus s’ils apportent au projet de règle technique, d’une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier le champ d’application, d’en raccourcir le calendrier d’application initialement prévu, d’ajouter des spécifications ou exigences ou de rendre celles-ci plus strictes.

[...] »

La directive 98/34

5 La directive 98/34, qui a abrogé la directive 83/189, énonçait, à son article 1er :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

1) “produit” : tout produit de fabrication industrielle et tout produit agricole, y compris les produits de la pêche ;

2) “service” : tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

[...]

3) “spécification technique” : une spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d’un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d’emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles, les essais et les méthodes d’essai, l’emballage, le marquage et l’étiquetage, ainsi que les procédures d’évaluation de la conformité.

[...]

4) “autre exigence” : une exigence, autre qu’une spécification technique, imposée à l’égard d’un produit pour des motifs de protection, notamment des consommateurs ou de l’environnement, et visant son cycle de vie après mise sur le marché, telle que ses conditions d’utilisation, de recyclage, de réemploi ou d’élimination lorsque ces conditions peuvent influencer de manière significative la composition ou la nature du produit ou sa commercialisation ;

5) “règle relative aux services” : une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services visées au point 2 et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis au même point.

[...]

11) “règle technique” : une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 10, les dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[...] »

6 L’article 8, paragraphe 1, de cette directive était ainsi libellé :

« Sous réserve de l’article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet.

Le cas échéant, et à moins qu’il n’ait été transmis en liaison avec une communication antérieure, les États membres communiquent en même temps le texte des dispositions législatives et réglementaires de base principalement et directement concernées, si la connaissance de ce texte est nécessaire pour l’appréciation de la portée du projet de règle technique.

Les États membres procèdent à une nouvelle communication dans les conditions énoncées ci-dessus s’ils apportent au projet de règle technique, d’une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier le champ d’application, d’en raccourcir le calendrier d’application initialement prévu, d’ajouter des spécifications ou des exigences ou de rendre celles-ci plus strictes.

[...] »

Le droit portugais

7 Le Regulamento que estabelece as condições de segurança a observar na localização, implantação, conceção e organização funcional dos espaços de jogo e recreio, respetivamente, equipamento e superfícies de impacto (règlement sur les conditions de sécurité à observer dans la localisation, le déploiement, la conception et l’organisation fonctionnelle des espaces de jeux et de loisirs ainsi que des équipements de loisirs et des zones d’impact), annexé au Decreto-Lei no 379/97 (décret-loi no 379/97),
du 27 décembre 1997 (ci-après le « règlement EJR »), à son article 13, intitulé « Informations utiles », énonçait :

« Dans les espaces de jeux et de loisirs, les informations suivantes doivent être affichées en plusieurs endroits, de manière visible et lisible :

a) nom et numéro de téléphone de l’entité responsable de l’espace de jeux et de loisirs et de l’entité chargée du contrôle ;

b) localisation du téléphone le plus proche ;

c) adresse et numéro de téléphone du service hospitalier d’urgence ou d’un autre service d’urgence plus proche ;

d) numéro national d’urgence. »

8 L’article 16 du règlement EJR, intitulé « Conformité aux exigences de sécurité », prévoyait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1 –   La conformité aux exigences de sécurité sera attestée par le fabricant ou son mandataire, ou par l’importateur établi dans l’Union européenne, par l’affichage sur les équipements et leur emballage, de façon visible, lisible et indélébile, de la mention “Conforme aux exigences de sécurité”.

2 –   Le fabricant ou son mandataire, ou l’importateur établi dans l’Union européenne d’équipements destinés aux espaces de jeux de loisirs, devra également afficher, de façon visible, lisible et indélébile :

a) sur l’équipement et son emballage :

i) son nom, sa raison sociale ou sa marque, son adresse, la référence du modèle et l’année de fabrication ;

ii) la tranche d’âge des utilisateurs auxquels les équipements sont destinés ;

iii) le nombre maximum d’utilisateurs simultanés ;

b) sur l’équipement, les informations nécessaires à la prévention des risques inhérents à son utilisation.

[...] »

9 Le Decreto-Lei no 119/2009 (décret-loi no 119/2009), du 19 mai 2009, a modifié le règlement EJR, notamment les articles 13 et 16 de celui-ci.

10 L’article 13 du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, se lit comme suit :

« Dans les espaces de jeux et de loisirs, les informations suivantes doivent être affichées en plusieurs endroits, de manière visible et lisible :

a) nom et numéro de téléphone de l’entité responsable de l’espace de jeux et de loisirs et de l’entité chargée du contrôle ;

b) capacité maximale d’accueil de l’espace de jeux et de loisirs ;

c) localisation du téléphone le plus proche ;

d) adresse et numéro de téléphone du service hospitalier d’urgence ou d’un autre service d’urgence plus proche ;

e) numéro national d’urgence. »

11 L’article 16, paragraphe 2, du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, dispose :

« Le fabricant ou son mandataire, ou l’importateur établi dans l’Union européenne d’équipements destinés aux espaces de jeux de loisirs, devra également afficher, de façon visible, lisible et indélébile :

a) sur l’équipement et son emballage :

i) son nom, sa raison sociale ou sa marque, son adresse, la référence du modèle et l’année de fabrication ;

ii) la tranche d’âge des utilisateurs auxquels les équipements sont destinés ;

iii) le numéro et la date de la norme technique applicable ;

iv) le nombre maximum d’utilisateurs simultanés ;

v) la taille minimale et maximale des enfants ;

b) sur l’équipement, les informations nécessaires à la prévention des risques inhérents à son utilisation. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 Le 25 novembre 2010, l’ASAE a dressé un procès-verbal dont il ressort que la municipalité de Palmela avait commis des infractions prévues et sanctionnées par le règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009.

13 Dans ses observations en défense présentées le 2 mars 2011, la municipalité de Palmela a fait valoir, à titre principal, que les infractions reprochées ne pouvaient lui être imputées en raison du manque de clarté des règles prétendument violées. À titre subsidiaire, compte tenu du faible degré de gravité de ces infractions, cette municipalité a souligné qu’un simple avertissement aurait été suffisant pour assurer la sanction desdites infractions.

14 Le 23 octobre 2013, la municipalité de Palmela a reçu notification de la décision de l’ASAE lui infligeant une amende unique d’un montant de 15500 euros, augmentée de 100 euros au titre des frais de justice. Le 14 novembre 2013, elle a introduit un recours contre cette décision.

15 Par jugement du 3 avril 2014, le Tribunal Judicial da Comarca de Setúbal (tribunal d’arrondissement de Setúbal, Portugal) a déclaré inapplicables les dispositions de l’article 13, sous b), et de l’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, et, par suite, a annulé la décision contestée en raison d’un défaut de motivation et d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de celle-ci. Le 30 janvier 2016, la municipalité de Palmela a reçu
notification d’une nouvelle décision, lui infligeant une amende unique de 10000 euros, augmentée de 100 euros au titre des frais de justice.

16 La municipalité de Palmela a introduit un recours contre cette nouvelle décision devant la juridiction de renvoi, en invitant celle-ci à présenter à la Cour une demande de décision préjudicielle au sujet des conséquences de la méconnaissance de l’obligation de notification des règles techniques instituée par la directive 98/34.

17 La juridiction de renvoi fait observer que les États membres sont soumis, en vertu de cette directive, à l’obligation de notifier tant les règles techniques et leurs modifications ultérieures que le texte des principales dispositions législatives et réglementaires de base qui leur sont le plus directement associées. Tout en partant de la prémisse, fondée sur la jurisprudence nationale, que l’article 13, sous b), et l’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement EJR, tel que modifié par le
décret-loi no 119/2009, constituent des règles techniques, cette juridiction interroge la Cour sur les conséquences de la méconnaissance de l’obligation de notification desdites règles à la Commission.

18 En outre, cette juridiction soulève la question de savoir si la méconnaissance de cette obligation est sanctionnée par l’inapplicabilité de ces seules règles ou par celle de l’ensemble du texte dans lequel elles s’insèrent.

19 Dans ces conditions, le Tribunal Judicial da Comarca de Setúbal (tribunal d’arrondissement de Setúbal) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le juge national doit-il déclarer entièrement inapplicable une loi nationale qui introduit des normes techniques et qui, en violation des dispositions de la directive 98/34, n’a pas été notifiée à la Commission européenne ou doit-il limiter la décision constatant l’inapplicabilité aux nouvelles règles techniques introduites par la loi nationale ? Ou,

2) Une loi nationale qui introduit des normes techniques et qui, en violation des dispositions de la directive 98/34, n’a pas été notifiée à la Commission doit-elle être frappée de la sanction de l’inapplicabilité intégrale ou la décision d’inapplicabilité doit-elle se limiter aux nouvelles règles techniques introduites par la loi nationale ?

3) Toutes les normes techniques figurant dans le règlement EJR sont-elles inapplicables ou seules le sont les normes techniques modifiées ou introduites par le décret-loi no 119/2009 ? »

Sur les questions préjudicielles

20 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 28 avril 2016, Oniors Bio, C‑233/15,
EU:C:2016:305, point 30 et jurisprudence citée). En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (ordonnance du 14 juillet 2016, BASF, C‑456/15, non publiée, EU:C:2016:567, point 15 et jurisprudence citée).

21 En l’occurrence, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir, dans le cas où des dispositions nationales, telles que l’article 13, sous b), ainsi que l’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, constitueraient des règles techniques au sens des directives 83/189 et 98/34, si l’article 8, paragraphe 1, de la directive 83/189 et l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34 doivent être interprétés en ce sens que la sanction de
l’inopposabilité des règles techniques non notifiées frappe uniquement lesdites règles ou l’intégralité de la législation dans laquelle elles figurent.

22 Il ressort de la décision de renvoi que le décret-loi no 119/2009 a modifié l’article 13, sous b), ainsi que l’article 16, paragraphe 2, du règlement EJR, tout en laissant inchangé l’article 16, paragraphe 1, de ce règlement. La juridiction de renvoi part de la prémisse que lesdites règles nationales constituent des règles techniques.

23 En ce qui concerne l’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, il y a lieu de constater, à l’instar de la juridiction de renvoi, que celui-ci constitue effectivement une règle technique au sens des directives 83/189 et 98/34, dans la mesure où cette disposition prescrit des exigences imposées à l’égard d’un produit pour des motifs de protection des consommateurs qui visent son cycle de vie après mise sur le marché et influencent de manière
significative la composition et la commercialisation d’un tel produit. Partant, cette disposition relève de la catégorie des « autres exigences » au sens tant de l’article 1er, point 3, de la directive 83/189 que de l’article 1er, point 4, de la directive 98/34.

24 Il convient d’examiner si une même conclusion peut être tirée s’agissant de l’article 13, sous b), du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, étant donné que ce décret-loi a été adopté à une date où la directive 98/34 était déjà en vigueur.

25 Il importe de rappeler dans ce contexte que la notion de « règle technique » recouvre quatre catégories de mesures, à savoir, premièrement, la « spécification technique », au sens de l’article 1er, point 3, de la directive 98/34, deuxièmement, l’« autre exigence », telle que définie à l’article 1er, point 4, de cette directive, troisièmement, la « règle relative aux services », visée à l’article 1er, point 5, de ladite directive, et, quatrièmement, les « dispositions législatives, réglementaires
et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services », au sens de l’article 1er, point 11, de la même directive (arrêt du 4 février 2016, Ince, C‑336/14, EU:C:2016:72, point 70).

26 À cet égard, il y a lieu de préciser, en premier lieu, que la notion de « spécification technique » présuppose que la mesure nationale se réfère nécessairement au produit ou à son emballage en tant que tels et fixe dès lors l’une des caractéristiques requises d’un produit. En revanche, lorsqu’une mesure nationale prévoit des conditions pour l’établissement des entreprises, telles que des dispositions qui soumettent l’exercice d’une activité professionnelle à un agrément préalable, ces conditions
ne constituent pas des spécifications techniques (arrêt du 13 octobre 2016, M. et S., C‑303/15, EU:C:2016:771, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

27 En deuxième lieu, afin de pouvoir être qualifiée d’« autre exigence », au sens de l’article 1er, point 4, de la directive 98/34, une mesure nationale doit constituer une « condition » pouvant influencer de manière significative la composition, la nature ou la commercialisation du produit concerné. Toutefois, il convient de vérifier si une telle mesure doit être qualifiée de « condition » relative à l’utilisation du produit concerné ou s’il s’agit au contraire d’une mesure nationale appartenant à
la catégorie des règles techniques mentionnée à l’article 1er, point 11, de cette directive. L’appartenance à l’une ou à l’autre de ces deux catégories de règles techniques d’une mesure nationale dépend de la portée de l’interdiction qu’édicte cette mesure (arrêt du 13 octobre 2016, M. et S., C‑303/15, EU:C:2016:771, point 20 ainsi que jurisprudence citée).

28 En troisième lieu, la notion de « règle relative aux services », visée à l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, couvre uniquement les règles relatives aux services de la société de l’information, c’est-à-dire à tout service effectué à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2016, M. et S., C‑303/15, EU:C:2016:771, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

29 En l’occurrence, l’article 13, sous b), du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, a rendu obligatoire l’affichage, en plusieurs endroits de l’espace de jeux et de loisirs, de l’information sur la capacité maximale d’accueil de cet espace.

30 Tout d’abord, il convient de constater qu’une telle disposition ne relève pas de la catégorie des spécifications techniques au sens de l’article 1er, point 3, de la directive 98/34, dans la mesure où il est constant que les dispositions qui prescrivent des exigences et des objectifs généraux en matière de sécurité et de protection, sans se référer nécessairement au produit concerné ou à son emballage en tant que tels et, dès lors, sans fixer les caractéristiques de ce produit, ne constituent pas
des spécifications techniques (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Intercommunale Intermosane et Fédération de l’industrie et du gaz, C‑361/10, EU:C:2011:382, points 17 et 18).

31 Ensuite, ladite disposition ne relève pas non plus de la catégorie des règles relatives aux services, visée à l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, dès lors qu’elle ne concerne pas des services de la société de l’information, au sens de l’article 1er, point 2, de cette directive.

32 Enfin, aux fins de déterminer si, le cas échéant, une disposition nationale telle que l’article 13, sous b), du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, relève de l’article 1er, point 4, de la directive 98/34 ou de l’article 1er, point 11, de cette directive, il y a lieu de vérifier si elle est susceptible d’influencer de manière significative la composition, la nature ou la commercialisation du produit concerné, à savoir les installations figurant dans les espaces de jeux et
de loisirs, en tant que « condition » relative à l’utilisation des produits concernés, ou si elle appartient à la catégorie des interdictions mentionnées à l’article 1er, point 11, de ladite directive.

33 D’une part, il est constant qu’une disposition telle que celle en cause au principal ne constitue pas une « autre exigence » au sens de l’article 1er, point 4, de la directive 98/34, compte tenu du caractère général des prescriptions qu’elle prévoit (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Intercommunale Intermosane et Fédération de l’industrie et du gaz, C‑361/10, EU:C:2011:382, point 21). D’autre part, elle ne comporte pas d’interdictions susceptibles de la faire entrer dans la catégorie des
interdictions figurant à l’article 1er, point 11, de ladite directive.

34 Dans de telles circonstances, force est de constater qu’une disposition, telle que l’article 13, sous b), du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, ne constitue pas une règle technique au sens de la directive 98/34.

35 En ce qui concerne la sanction de l’inopposabilité des règles techniques qui n’ont pas été communiquées à la Commission, il convient de rappeler au préalable que l’article 8, paragraphe 1, de la directive 83/189 prévoyait l’obligation pour les États membres de communiquer à la Commission tout projet de règle technique et que cette obligation a été reprise à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34.

36 Par ailleurs, la méconnaissance d’une telle obligation de notification est sanctionnée par l’inapplicabilité des règles techniques non notifiées (voir, en ce sens, en ce qui concerne la directive 83/189, arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International, C‑194/94, EU:C:1996:172, point 54, ainsi que, en ce qui concerne la directive 98/34, arrêt du 4 février 2016, Ince, C‑336/14, EU:C:2016:72, point 67 et jurisprudence citée).

37 S’agissant de l’étendue d’une telle sanction, bien que l’article 8, paragraphe 1, de la directive 83/189 et l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34 exigent la communication à la Commission de l’intégralité d’un projet de loi contenant des règles techniques, l’inapplicabilité qui résulte de la méconnaissance de ladite obligation s’étend non pas à l’ensemble des dispositions d’une telle loi, mais aux seules règles techniques y figurant (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, Ince,
C‑336/14, EU:C:2016:72, point 68).

38 Dans ces conditions, il convient de répondre aux questions posées que l’article 8, paragraphe 1, de la directive 83/189 et l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34 doivent être interprétés en ce sens que la sanction de l’inopposabilité d’une règle technique non notifiée, telle que l’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement EJR, tel que modifié par le décret-loi no 119/2009, frappe uniquement ladite règle technique et non pas l’intégralité de la législation dans laquelle elle figure.

Sur les dépens

39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

L’article 8, paragraphe 1, de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques, telle que modifiée par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, et l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin
  1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, doivent être interprétés en ce sens que la sanction de l’inopposabilité d’une règle technique non notifiée, telle que l’article 16, paragraphes 1 et 2, du Regulamento que estabelece as condições de segurança a observar na
localização, implantação, conceção e organização funcional dos espaços de jogo e recreio, respetivamente, equipamento e superfícies de impacto (règlement sur les conditions de sécurité à observer dans la localisation, le déploiement, la conception et l’organisation fonctionnelle des espaces de jeux et de loisirs ainsi que des équipements de loisirs et des zones d’impact), annexé au Decreto-Lei no 379/97 (décret-loi no 379/97), du 27 décembre 1997, tel que modifié par le Decreto-Lei no 119/2009
(décret-loi no 119/2009), du 19 mai 2009, frappe uniquement ladite règle technique et non pas l’intégralité de la législation dans laquelle elle figure.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le portugais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-144/16
Date de la décision : 01/02/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Judicial da Comarca de Setúbal.

Renvoi préjudiciel – Procédures d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information – Directives 83/189/CEE et 98/34/CE – Projet de règle technique – Notification à la Commission européenne – Obligations des États membres – Violation – Conséquences.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Município de Palmela
Défendeurs : Autoridade de Segurança Alimentar e Económica (ASAE) – Divisão de Gestão de Contraordenações.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Rodin

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:76

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