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26/01/2017 | CJUE | N°C-373/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, République française contre Commission européenne., 26/01/2017, C-373/15


ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

26 janvier 2017 ( 1 )

«Pourvoi — Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) — Dépenses exclues du financement de l’Union européenne — Règlements (CE) no 1698/2005, (CE) no 1975/2006 et (CE) no 796/2004 — Mesures de soutien au développement rural — Zones de handicap naturel — Contrôles sur place — Coefficient de densité du bétail — Comptage des animaux»

Dans l’affaire C‑373/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de ju

stice de l’Union européenne, introduit le 15 juillet 2015,

République française, représentée initialement par MM...

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

26 janvier 2017 ( 1 )

«Pourvoi — Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) — Dépenses exclues du financement de l’Union européenne — Règlements (CE) no 1698/2005, (CE) no 1975/2006 et (CE) no 796/2004 — Mesures de soutien au développement rural — Zones de handicap naturel — Contrôles sur place — Coefficient de densité du bétail — Comptage des animaux»

Dans l’affaire C‑373/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 juillet 2015,

République française, représentée initialement par MM. F. Alabrune, G. de Bergues et D. Colas ainsi que par Mme C. Candat, puis par MM. de Bergues, Colas et F. Fize ainsi que par Mme A. Daly, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

partie intervenante en première instance,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. D. Bianchi et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Vilaras (rapporteur), président de chambre, MM. J. Malenovský et M. Safjan, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la République française demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 avril 2015, France/Commission (T‑259/13, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:250), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution 2013/123/UE de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation
et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2013, L 67, p. 20, ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 1698/2005

2 L’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1), prévoit :

« Le soutien en faveur d’un développement rural contribue à la réalisation des objectifs suivants :

[...]

b) l’amélioration de l’environnement et de l’espace rural par un soutien à la gestion des terres ».

3 Sous le titre IV du règlement no 1698/2005, intitulé « Aide au développement rural », le chapitre I de celui-ci, relatif aux « Axes », expose, dans chacune des quatre sections qui le composent, les différents domaines d’intervention et les mesures pouvant être employées. La section 2 de ce chapitre I, intitulée « Axe 2 Amélioration de l’environnement et de l’espace rural », comprend notamment l’article 36, qui dispose, à son point a), i) et ii):

« L’aide prévue au titre de la présente section concerne :

a) les mesures axées sur l’utilisation durable des terres agricoles grâce à :

i) des paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones de montagne qui visent à compenser les handicaps naturels,

ii) des paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones qui présentent des handicaps autres que ceux des zones de montagne ».

4 L’article 37, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005 est libellé comme suit :

« 1.   Les paiements prévus à l’article 36, [sous] a), i) et ii), sont accordés annuellement par hectare de superficie agricole utile [...] au sens de la décision 2000/115/CE de la Commission du 24 novembre 1999 concernant les définitions des caractéristiques, la liste des produits agricoles, les exceptions aux définitions ainsi que les régions et circonscriptions pour les enquêtes sur la structure des exploitations agricoles [(JO 2000, L 38, p. 1)].

Ils sont destinés à compenser les coûts supplémentaires supportés par les agriculteurs ainsi que la perte de revenus subie en raison du handicap de la zone concernée pour la production agricole.

2.   Les paiements sont accordés aux exploitants qui s’engagent à poursuivre leur activité agricole dans les zones délimitées conformément à l’article 50, paragraphes 2 et 3, pendant une période minimale de cinq ans à compter du premier paiement. »

5 L’article 71 du règlement no 1698/2005, intitulé « Éligibilité des dépenses », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Les dépenses ne sont éligibles pour la participation du Feader que si elles sont effectuées pour des opérations décidées par l’autorité de gestion du programme concerné ou sous sa responsabilité, selon les critères de sélection fixés par l’organe compétent. »

Le règlement (CE) no 1975/2006

6 L’article 5 du règlement (CE) no 1975/2006 de la Commission, du 7 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement no 1698/2005 en ce qui concerne l’application des procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2006, L 368, p. 74), intitulé « Principes de contrôle généraux », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Sans préjudice des dispositions particulières du présent règlement, les États membres s’assurent que tous les critères d’admissibilité fixés par la législation [de l’Union] ou nationale ou par les programmes de développement rural peuvent être contrôlés au moyen d’un ensemble d’indicateurs vérifiables qu’il leur appartient d’instituer.

2.   Dans la mesure du possible, les contrôles sur place, prévus aux articles 12, 20 et 27 et d’autres contrôles prévus dans la réglementation [de l’Union] sur les subventions agricoles seront effectués en même temps. »

7 Il résulte des articles 6 à 8 du règlement no 1975/2006 que, d’une part, le titre I de ce règlement s’applique aux aides accordées en application de l’article 36 du règlement no 1698/2005, dont celles fondées sur la taille de la surface déclarée sont dénommées « mesures “surfaces” ». D’autre part, ces articles prévoient que plusieurs dispositions du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système
intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO 2004, L 141, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 972/2007 de la Commission, du 20 août 2007 (JO 2007, L 216, p. 3) (ci-après le « règlement no 796/2004 »), s’appliquent mutatis mutandis aux
fins dudit titre I.

8 L’article 10, paragraphes 1 à 4, du règlement no 1975/2006 prévoit :

« 1.   Les demandes d’aide et les demandes de paiement sont contrôlées de façon à garantir la vérification efficace du respect des conditions d’octroi de l’aide.

2.   Les États membres définissent les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide pour chaque mesure d’aide.

3.   Les États membres utilisent le système intégré de gestion et de contrôle [...]

4.   Les critères d’admissibilité sont vérifiés au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place. »

9 L’article 12 de ce règlement, intitulé « Contrôles sur place », dispose, à son paragraphe 2 :

« L’article 26, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 796/2004 s’appliquent aux contrôles sur place prévus au présent article. »

10 Aux termes de l’article 14 dudit règlement, intitulé « Principes généraux concernant les contrôles sur place » :

« 1.   Les contrôles sur place sont répartis sur l’année en fonction d’une analyse des risques présentés par les différents engagements pris au titre de chaque mesure de développement rural.

2.   Les contrôles portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite. »

11 L’article 15 du règlement no 1975/2006, intitulé « Éléments des contrôles sur place et détermination des superficies », prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.   En ce qui concerne les contrôles des mesures “surfaces”, les contrôles sur place sont effectués conformément aux articles 29, 30 et 32 du règlement (CE) no 796/2004.

[...]

3.   En ce qui concerne les contrôles des mesures “animaux”, les contrôles sur place sont effectués conformément à l’article 35 du règlement (CE) no 796/2004. »

Le règlement no 796/2004

12 La partie II du règlement no 796/2004, relative au système intégré de gestion et de contrôle, comprend un titre III portant sur les contrôles. Le chapitre II de ce titre, intitulé « Contrôles relatifs aux critères d’éligibilité », comporte une section II qui concerne les contrôles sur place. Cette section se divise en plusieurs sous-sections, dont notamment la sous-section I, intitulée « Dispositions communes », comprenant les articles 25 à 28 de ce règlement, la sous-section II, intitulée
« Contrôles sur place en rapport avec les demandes uniques concernant les régimes d’aides “surfaces” », comprenant les articles 29 à 33 dudit règlement, et la sous-section III, intitulée « Contrôles sur place relatifs aux demandes d’aide “animaux” », comprenant les articles 34 à 39 de celui-ci.

13 Les articles 29, 30 et 32 du règlement no 796/2004, applicables aux aides destinées à l’amélioration de l’environnement et de l’espace rural selon l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, fixent les modalités des contrôles sur place et de détermination des superficies pour les mesures « surfaces ».

14 L’article 35 du règlement no 796/2004 prévoit :

« 1.   Les contrôles sur place portent sur tous les animaux pour lesquels des demandes d’aide ont été introduites au titre des régimes à contrôler et, pour ce qui concerne les régimes d’aides aux bovins, sur les bovins ne faisant pas l’objet d’une demande d’aide.

2.   Les contrôles sur place comportent notamment :

a) des vérifications visant à déterminer si le nombre d’animaux présents dans l’exploitation, pour lesquels des demandes d’aide ont été introduites, et le nombre de bovins ne faisant pas l’objet d’une demande d’aide correspondent au nombre d’animaux inscrits dans les registres et, dans le cas des bovins, au nombre d’animaux enregistrés dans la base de données informatique ;

[...] »

Le règlement (CE) no 885/2006

15 L’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), dispose :

« L’État membre informe la Commission des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation communautaire, en précisant la date de leur mise en œuvre effective.

Après avoir examiné tout rapport éventuellement établi par l’organe de conciliation conformément au chapitre 3 du présent règlement, la Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions au titre de l’article 31 du règlement (CE) no 1290/2005 [du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1)], visant à exclure du financement communautaire les dépenses concernées par le non-respect de la réglementation communautaire jusqu’à la
mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives.

Lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement communautaire, la Commission peut prendre en compte toute information transmise par l’État membre après le terme de la période visée au paragraphe 2 si cela est nécessaire pour mieux estimer le préjudice financier causé au budget communautaire, dès lors que le retard dans la transmission desdites informations est justifié par des circonstances exceptionnelles. »

Le droit français

16 La circulaire DGPAAT/SDEA/C2008-3016 du 5 septembre 2008 expose les conditions réglementaires des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ci-après les « ICHN ») au titre de l’année 2008 (ci-après la « circulaire ICHN »).

17 Le point 7.2 de cette circulaire, intitulé « Les contrôles sur place », prévoit que ces contrôles comportent trois volets, le premier portant sur la réalité de la surface ayant fait l’objet d’une demande d’aide ICHN, le deuxième portant sur les engagements du bénéficiaire de l’aide autres que la surface et le troisième portant sur la télédéclaration. Dans le cadre du contrôle sur place des engagements autres que la surface, ce point 7.2 précise qu’il convient de procéder notamment au comptage des
animaux. En application du système intégré de gestion et de contrôle des aides, les bovins sont contrôlés au titre des aides animales et ne sont pas contrôlés spécifiquement pour l’ICHN. Les ovins utilisés pour le calcul du chargement sont ceux déclarés à la prime à la brebis par une demande ayant cet objet et déposée l’année du dépôt du dossier ICHN. Pour les nouveaux demandeurs, les ovins utilisés sont contrôlés par comptage des animaux présents le jour du contrôle.

Les antécédents du litige

18 Les antécédents du litige et le contenu de la décision litigieuse sont exposés aux points 24 à 39 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

19 En vertu de l’article 36, sous a), i) et ii), du règlement no 1698/2005, les autorités françaises ont adopté un programme de développement rural hexagonal pour la période 2007-2013, qui prévoit, notamment, l’octroi d’ICHN aux agriculteurs situés dans des zones de handicaps naturels. Ce programme a été approuvé par la décision C (2007) 3446 final de la Commission, du 19 juillet 2007. Il énonce ainsi que le versement des indemnités pour des surfaces fourragères aux agriculteurs situés dans des
zones de handicaps naturels est subordonné au respect par ceux-ci d’un critère de chargement. Ce critère, exprimé en unité de gros bétail par hectare (ci-après « UGB »), permet d’encadrer la densité de bétail présente sur des surfaces fourragères afin d’éviter les phénomènes de sous-pâturage ou de surpâturage. Le chargement est défini au niveau départemental et est compris entre des seuils définis par zone ou par sous-zone.

20 À l’issue du contrôle des dépenses effectuées en France au titre des mesures de développement rural, la Commission a, par la décision litigieuse, écarté du financement de l’Union certaines dépenses déclarées par cet État membre en raison, notamment, de déficiences concernant les contrôles sur place pour des montants de 21056869,75 euros et de 7898813,60 euros, estimant qu’il s’agissait d’une faiblesse d’un contrôle clé pour lequel une correction forfaitaire de 5 % était prévue.

21 Il ressort de l’ensemble de la procédure administrative que la Commission a fondé la correction financière appliquée aux dépenses effectuées au titre des mesures de développement rural sur le fait que l’audit conduit par ses services avait révélé des insuffisances en matière de contrôle de la densité du bétail, également dénommée « taux de chargement », dans les « secteurs » bovin et ovin, laquelle aurait dû être vérifiée sur place. Or, les services de la Commission avaient constaté que le taux
de chargement n’était pas vérifié lors des contrôles sur place, ce qui constituait un cas de non-respect de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

22 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2013, la République française a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse.

23 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2013, le Royaume d’Espagne a présenté une demande d’intervention au soutien des conclusions de la République française. Par ordonnance du 2 décembre 2013, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

24 La République française soulevait, à l’appui de son recours, trois moyens. Le premier moyen était tiré de la violation de l’article 10, paragraphes 2 et 4, ainsi que de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006. Le deuxième moyen portait sur la violation de l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1082/2003 de la Commission, du 23 juin 2003, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles
minimaux à effectuer dans le cadre du système d’identification et d’enregistrement des bovins (JO 2003, L 156, p. 9), et de l’article 26, paragraphe 2, sous b), du règlement no 796/2004. Enfin, le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, était tiré d’une extension illégale par la Commission de l’application de la correction forfaitaire aux exploitations ovines non éligibles à la prime à la brebis et aux exploitations bovines contrôlées dans le cadre de l’identification bovine ou des primes
bovines.

25 Aux points 59 à 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il y avait lieu d’examiner ensemble les deux branches du premier moyen, au motif qu’elles tendaient toutes deux à ce qu’il constate que la Commission avait violé l’article 10, paragraphes 2 et 4, ainsi que l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006. À cette fin, le Tribunal a examiné si ces dispositions imposaient à la République française de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place ou si des contrôles
administratifs mis en œuvre au regard d’une base de données, pour l’établissement de laquelle des contrôles sur place avaient été effectués, constituaient des méthodes et des moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide.

26 Le Tribunal a considéré, aux points 64 à 69 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressort pas expressément des articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 que les États membres ont l’obligation de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place. Toutefois, il a estimé que, en vertu de ces articles et de l’article 35 du règlement no 796/2004 qui prévoient des contrôles sur place, les États membres disposent d’une marge d’appréciation limitée quant aux méthodes et aux moyens adéquats pour
vérifier les conditions d’octroi de l’aide.

27 Poursuivant son raisonnement, il a souligné, au point 70 dudit arrêt, qu’aucune disposition du règlement no 1975/2006 ne peut être interprétée en ce sens que, dans l’hypothèse où des contrôles administratifs sont effectués en utilisant des informations issues d’une base de données fiable, les autorités nationales peuvent ne pas procéder au comptage des animaux lors de contrôles sur place. Selon lui, une telle interprétation méconnaît l’objectif des contrôles sur place, consistant notamment à
vérifier la conformité des informations contenues dans les bases de données établies par les États membres, conformément à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006 et à l’article 35 du règlement no 796/2004.

28 Le Tribunal a, en conséquence, considéré, au point 71 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait à juste titre estimé que les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 imposaient de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place effectués conformément à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006 et à l’article 35 du règlement no 796/2004.

29 Il a ensuite écarté, aux points 73 à 82 de l’arrêt attaqué, les arguments de la République française, tirés de la conformité aux prescriptions du règlement no 1975/2006 des contrôles mis en œuvre par les autorités nationales.

30 Ainsi, aux points 73 à 76 de cet arrêt, le Tribunal a écarté l’argument tenant au fait que l’existence de contrôles sur place effectués aux fins de l’établissement de bases de données dispensait les autorités françaises de procéder à des contrôles sur place ultérieurs au titre des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006. Selon lui, les arguments de la République française portant sur la fiabilité de la base de données nationale n’étaient à cet égard pas pertinents. D’une part, il a
estimé que les règles en matière de gestion et de contrôle prévues par ce règlement constituaient des mesures spécifiques en ces domaines. D’autre part, il a considéré que les vérifications menées pour l’établissement de cette base de données ne pouvaient être regardées comme étant des contrôles sur place au sens dudit règlement, ces vérifications étant destinées non pas à évaluer les conditions particulières des mesures au soutien du développement rural, mais à contrôler l’ensemble des animaux
d’une exploitation pour lesquels l’identification bovine est prévue, conformément au règlement (CE) no 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins et concernant l’étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement (CE) no 820/97 du Conseil (JO 2000, L 204, p. 1).

31 Au point 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’argument selon lequel l’interprétation de la Commission serait contraire au caractère de continuité du critère de taux de chargement. Selon lui, si le nombre requis d’UGB doit être présent sur une exploitation pendant toute l’année de référence, il n’en découle pas pour autant que les contrôles sur place prévus par le règlement no 1975/2006 ne doivent pas être effectués. Le Tribunal a exposé que l’objectif de ces contrôles est de vérifier que
les informations contenues dans les bases de données servant pour effectuer les contrôles administratifs sont correctes et que ces bases sont exactes. Il a ainsi relevé, au point 82 du même arrêt, que le comptage des animaux lors des contrôles sur place permettait d’effectuer les vérifications exigées au titre du règlement no 1975/2006 et de s’assurer de la conformité des bases de données pour calculer le taux de chargement, même si cela ne permettait pas de prendre en compte le paramètre relatif
au temps de présence des animaux sur une exploitation ni de manière exacte celui relatif à l’âge des bovins.

32 Aux points 84 à 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté le deuxième moyen du recours.

33 Aux points 92 à 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli la première branche du troisième moyen, selon laquelle l’application de la correction forfaitaire aux ovins qui ne sont pas éligibles aux primes ovines était dénuée de fondement dans la mesure où les prétendues insuffisances du système de contrôle sur place ne portaient que sur des ovins ayant fait l’objet d’une demande de prime ovine.

34 Aux points 111 à 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté la seconde branche du troisième moyen.

35 Par conséquent, le Tribunal a annulé partiellement la décision litigieuse en ce qu’elle appliquait une correction financière au regard des mesures de soutien au développement rural pour les ovins qui n’avaient pas fait l’objet de demandes de primes ovines pour les exercices financiers 2008 et 2009 et a rejeté le recours pour le surplus.

Les conclusions des parties devant la Cour

36 La République française demande à la Cour :

— d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette le premier moyen d’annulation dirigé contre la décision litigieuse ;

— de statuer définitivement sur le litige en annulant la décision litigieuse en tant qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par elle relatives à l’axe 2 du programme de développement rural hexagonal au titre des exercices financiers 2008 et 2009 ou de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le litige, et

— de réserver les dépens.

37 La Commission demande à la Cour :

— de rejeter le pourvoi comme partiellement irrecevable ou, du moins, le rejeter comme non fondé et

— de condamner la République française aux dépens de l’instance.

38 Le Royaume d’Espagne demande à la Cour d’accueillir le pourvoi.

Sur le pourvoi

39 À l’appui de son pourvoi, la République française soulève trois moyens.

40 Premièrement, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne soulevant pas d’office le moyen tiré de la violation par la Commission des formes substantielles pour défaut d’adoption de la décision litigieuse dans un délai raisonnable. Deuxièmement, à titre subsidiaire, elle fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’avait pas méconnu les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006, en imposant de procéder au comptage des animaux
lors des contrôles sur place. Troisièmement, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les vérifications sur place effectuées dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes ovines ne constituaient pas des contrôles sur place au sens du règlement no 1975/2006.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

41 Par son premier moyen, la République française, soutenue par le Royaume d’Espagne, fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne soulevant pas d’office le moyen tiré de la violation par la Commission des formes substantielles, cette dernière n’ayant pas, selon elle, adopté la décision litigieuse dans un délai raisonnable. À cet égard, elle rappelle que la Cour a déjà jugé, dans son arrêt du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), que le Tribunal avait
commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était tenue au respect d’aucun délai légal pour adopter des décisions portant correction financière. La République française estime que permettre à la Commission d’adopter de telles décisions en dehors de tout délai contreviendrait non seulement au principe général de bonne administration, mais également au principe de coopération loyale entre les parties, dans la mesure où les États membres sont, quant à eux, soumis au respect de
délais stricts.

42 Elle est d’avis que l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 885/2006 impose nécessairement à la Commission de se prononcer dans un délai raisonnable après l’établissement du rapport de l’organe de conciliation.

43 Elle estime que, pour respecter un délai raisonnable, la Commission devrait adopter une décision d’apurement dans un délai maximal de six mois à compter de la clôture de la procédure de conciliation.

44 La Commission conteste l’argumentation de la République française.

Appréciation de la Cour

45 La République française se réfère notamment à l’arrêt du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), pour considérer que le Tribunal aurait dû soulever d’office le moyen tiré de la violation des formes substantielles, au motif que la Commission n’aurait pas adopté la décision litigieuse dans un délai raisonnable.

46 Certes, selon la jurisprudence de la Cour, le non‑respect des règles de procédure relatives à l’adoption d’un acte faisant grief, tel le fait, pour la Commission, de ne pas avoir adopté une décision dans le délai fixé par le législateur de l’Union, constitue une violation des formes substantielles qu’il appartient au juge de l’Union de soulever d’office (voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 103, ainsi que du 24 juin 2015,
Allemagne/Commission, C‑549/12 P et C‑54/13 P, EU:C:2015:412, point 92).

47 Toutefois, force est de constater que, en l’occurrence, la réglementation de l’Union en matière d’apurement des fonds agricoles, en particulier l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 885/2006, ne fixe pas de délai dans lequel la Commission doit adopter une décision mettant fin à la procédure d’apurement des comptes, de sorte que la jurisprudence citée au point 45 du présent arrêt ne saurait trouver application.

48 Il s’ensuit que, en l’occurrence, il n’appartenait pas au Tribunal de soulever d’office le moyen tiré de la violation des formes substantielles.

49 Par suite, il convient d’écarter le premier moyen du pourvoi.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

50 Par son deuxième moyen, la République française soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’avait pas méconnu les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 en imposant de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place.

51 Premièrement, elle estime que le Tribunal a dénaturé son argumentation en considérant qu’elle avait soutenu que les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 n’imposaient pas de procéder à des contrôles sur place, alors qu’elle considérait que ces dispositions n’imposaient pas de procéder au comptage des animaux lors de tels contrôles. Elle relève que la circulaire ICHN prévoit que les autorités françaises effectuent des contrôles sur place et que, lors de la procédure d’apurement, la
Commission n’a pas contesté que de tels contrôles avaient été effectués. En outre, elle soutient n’avoir pas allégué, contrairement au constat exposé au point 62 de l’arrêt attaqué, que le caractère complet des contrôles administratifs rendait superflu un comptage des animaux sur place.

52 Deuxièmement, la République française soutient que, aux points 65 à 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit. Il aurait, tout d’abord, dénaturé le contenu de la décision litigieuse, en substituant sa propre motivation à celle de la Commission. Ainsi, il ne ressortirait pas de cette décision que la Commission ait considéré que les modalités de contrôle mises en œuvre par les autorités françaises étaient régies par l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006
et l’article 35 du règlement no 796/2004. Ensuite, le Tribunal aurait interprété et appliqué de manière erronée l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006 et l’article 35 du règlement no 796/2004, en considérant que le système de contrôle au titre des ICHN devait respecter les modalités de contrôle prévues par ces dispositions, lesquelles s’appliquent au contrôle des mesures « animaux » et non à celui des mesures « surfaces ». Or, l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 1698/2005
et l’annexe de ce règlement prévoiraient que les ICHN sont des mesures « surfaces », au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1975/2006.

53 En conséquence, l’obligation de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place pour vérifier le critère de densité du bétail ne pourrait découler de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006 et de l’article 35 du règlement no 796/2004.

54 Troisièmement, la République française soutient que, aux points 66 et 69 à 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas répondu à suffisance de droit, en jugeant que la réalisation de contrôles administratifs sur le fondement de bases de données fiables ne dispensait pas les États membres de leur obligation de réaliser des contrôles sur place, et notamment de leur obligation de procéder alors au comptage des animaux lors de tels contrôles pour vérifier le critère de densité du bétail. Selon elle,
l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, sur lequel la décision litigieuse est fondée et que le Tribunal n’a pas examiné, prévoit que le contrôle sur place porte sur la totalité des engagements qu’il est possible de contrôler au moment de la visite. Or, un comptage des animaux lors d’une visite ne permettrait pas de vérifier le respect de ce critère qui est exprimé en UGB, dépend de l’âge des animaux et impose le respect de seuils moyens sur une année.

55 La République française fait valoir que la légalité de la décision litigieuse dépendait encore de la question de savoir si les autorités françaises avaient violé l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, qui prévoit que les États membres définissent les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de chaque mesure d’aide. La base de données utilisée pour calculer le taux de chargement présenterait des garanties suffisantes de fiabilité pour conclure que
l’utilisation des données qui en sont issues constitue un moyen adéquat pour vérifier les conditions d’octroi des ICHN. En conséquence, le Tribunal aurait dû considérer que, au sens dudit article 10, paragraphe 2, ces modalités de contrôle permettaient d’assurer de manière adéquate la vérification des conditions d’octroi des ICHN, le critère de chargement n’étant pas, de surcroît, un engagement qu’il était possible de contrôler par un comptage des animaux au moment de la visite.

56 La Commission conteste l’argumentation de la République française.

Appréciation de la Cour

57 À titre liminaire, il importe de constater que la République française conteste, en substance, l’existence d’une obligation de comptage des animaux lors des contrôles sur place des ICHN. Or, ainsi qu’il ressort des points 27 et 28 du présent arrêt, le Tribunal a estimé qu’une telle obligation découle notamment de l’application de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006 et de l’article 35 du règlement no 796/2004, une partie de l’argumentation de la République française étant
spécifiquement dirigée contre ce motif de l’arrêt attaqué.

58 En premier lieu, il convient de rappeler que, aux points 59 à 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné ensemble les deux branches du premier moyen du recours en annulation, en vue de déterminer si les dispositions du règlement no 1975/2006, plus particulièrement les articles 10 et suivants de celui-ci, imposaient de procéder à un comptage des animaux lors des contrôles sur place.

59 Le Tribunal a relevé, au point 64 de l’arrêt attaqué, que « les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 ne prévoient pas expressément l’obligation de procéder au comptage des animaux lors de contrôles sur place ». En revanche, il a constaté, aux points 65 à 67 de cet arrêt, que ces articles et l’article 35 du règlement no 796/2004 limitent la marge d’appréciation des États membres quant aux méthodes et aux moyens de contrôle sur place des conditions auxquelles doivent satisfaire les
bénéficiaires des aides ainsi qu’aux modalités de leur exécution.

60 Le Tribunal a considéré, au point 70 de l’arrêt attaqué, qu’aucune disposition du règlement no 1975/2006 ne peut être interprétée en ce sens qu’elle autorise les autorités nationales à ne pas recourir, dans certains cas, au comptage des animaux lors de contrôles sur place. L’obligation de comptage des animaux découlerait de l’application au contrôle des ICHN des dispositions de l’article 35 du règlement no 796/2004 par l’effet du renvoi opéré en ce sens par l’article 15, paragraphe 3, du
règlement no 1975/2006, dans le but, notamment, de vérifier « la conformité des informations contenues dans les bases de données après qu’elles ont été établies par l’État membre ».

61 En conséquence, le Tribunal a considéré, au point 71 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait à juste titre estimé que les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 imposaient de procéder au comptage des animaux lors de contrôles sur place.

62 En deuxième lieu, il convient de constater que l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 prévoit que les États membres définissent les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide pour chaque mesure d’aide. Le paragraphe 4 de cet article limite leur pouvoir à cet égard en prévoyant que les « critères d’admissibilité sont vérifiés au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place ».

63 Il en résulte que les États membres sont tenus d’organiser des contrôles sur place aux fins de vérifier que les bénéficiaires des aides en cause remplissent les conditions d’octroi prévues par la réglementation de l’Union et par la réglementation nationale auxquelles ces mesures de soutien au développement rural sont subordonnées.

64 Or, parmi les principes généraux régissant les contrôles sur place fixés par le règlement no 1975/2006 figure celui inscrit à l’article 14, paragraphe 2, dudit règlement, selon lequel les contrôles portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite.

65 Pour autant, le règlement no 1975/2006 ne prévoit pas les modalités précises des contrôles que les États membres sont tenus d’effectuer pour vérifier que les critères d’admissibilité des mesures de soutien au développement rural sont respectés.

66 Cependant, l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 précise que ceux-ci sont effectués conformément aux articles 29, 30 et 32 du règlement no 796/2004, lesquelles dispositions concernent uniquement les contrôles sur place en rapport avec les demandes uniques concernant les régimes d’aides « surfaces ».

67 Dès lors, l’article 35 du règlement no 796/2004, qui concernent les contrôles sur place relatifs aux mesures « animaux », ne peut, en tant que tel, trouver à s’appliquer pour les contrôles sur place de mesures « surfaces » comme les ICHN, l’appréciation du Tribunal à cet égard étant ainsi entachée d’une erreur de droit.

68 Il convient, cependant, de relever que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (arrêts du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 57, ainsi que du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑113/07 P, EU:C:2009:191, point 81).

69 Or, en l’occurrence, pour parvenir à la conclusion selon laquelle la République française avait l’obligation de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place, le Tribunal s’est également référé aux articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006.

70 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, même si la réglementation de l’Union relative à l’octroi des aides et des primes n’impose pas expressément aux États membres d’instaurer des mesures de surveillance et des modalités de contrôle spécifiques, il n’en demeure pas moins qu’une telle obligation peut découler, le cas échéant, implicitement du fait que, en vertu de la réglementation en question, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance (voir
arrêts du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, C‑8/88, EU:C:1990:241, point 16 ; du 14 avril 2005, Espagne/Commission, C‑468/02, non publié, EU:C:2005:221, point 35, et du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, EU:C:2008:247, point 70).

71 Or, ainsi que cela a été exposé aux points 63 et 64 du présent arrêt, il découle des articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 que les États membres sont tenus d’organiser des contrôles sur place pour vérifier si les conditions d’octroi des mesures de soutien au développement rural prévues par la réglementation de l’Union et par la réglementation nationale sont respectées par les bénéficiaires de ces mesures. Plus précisément, l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement impose aux États membres
d’effectuer des contrôles sur place qui portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire, y incluses celles découlant du droit national, qu’il est possible de contrôler au moment de la visite.

72 En l’occurrence, le programme de développement rural hexagonal, tel qu’il a été approuvé par la Commission, prévoyait, aux fins de l’admissibilité aux ICHN, un critère de chargement exprimé en UGB et visant à encadrer la densité du bétail présent sur des surfaces fourragères afin d’éviter des phénomènes de sous-pâturage et de surpâturage. Les autorités françaises étaient donc tenues, lors des contrôles sur place, de déterminer le critère de chargement au moyen d’un comptage des animaux présents
sur l’exploitation au moment de la visite d’inspection, comptage d’ailleurs prévu au point 7.2 de la circulaire ICHN, afin de vérifier si, ponctuellement, ce critère était respecté et, ainsi, de corroborer les données ressortant des contrôles administratifs.

73 Par conséquent, les autorités françaises étaient tenues de procéder, lors des contrôles sur place, au comptage des animaux.

74 Dès lors, il convient de constater que les autres arguments de la République française ne sont pas de nature à remettre en cause l’arrêt attaqué et doivent être déclarés inopérants. Il en va ainsi de celui par lequel elle estime que le Tribunal a dénaturé son argumentation en considérant qu’elle avait soutenu que les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 n’imposaient pas de procéder à des contrôles sur place, alors qu’elle considérait que ces dispositions n’imposaient pas de procéder au
comptage des animaux lors de tels contrôles. Il en va de même de celui par lequel elle soutient n’avoir pas allégué, contrairement au constat figurant au point 62 de l’arrêt attaqué, que le caractère complet des contrôles administratifs rendait superflu un comptage des animaux sur place.

75 Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

76 Par son troisième moyen, la République française fait valoir que le Tribunal, en jugeant, aux points 73 à 76 de l’arrêt attaqué, que les contrôles sur place déjà effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines et ovines ne constituaient pas des contrôles sur place au sens du règlement no 1975/2006, a commis des erreurs de droit.

77 Premièrement, elle soutient que son argument soulevé devant le Tribunal, selon lequel les contrôles sur place qui ont déjà été effectués au titre de cette gestion de l’identification ou de ces primes dispensaient les autorités françaises de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place, trouve son fondement dans les règlements (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique
agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO 2003, L 270, p. 1), et no 1975/2006. D’une part, l’article 26, deuxième alinéa, du règlement no 1782/2003 prévoirait que les États membres peuvent intégrer un ou plusieurs éléments du système
intégré de gestion et de contrôle dans leurs procédures de gestion et de contrôle en vue d’appliquer des régimes de l’Union ou des régimes nationaux, afin d’éviter des cumuls de contrôles sectoriels de même type. D’autre part, il ressortirait de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 que, dans la mesure du possible, les contrôles sur place prévus aux articles 12, 20 et 27 de ce règlement ainsi que d’autres contrôles prévus dans la réglementation sur les subventions agricoles sont
effectués en même temps.

78 La République française en déduit que les autorités françaises étaient en droit de contrôler le respect du critère de densité du bétail des aides ICHN en même temps que le respect des conditions d’éligibilité des primes bovines ou des dispositions relatives à l’identification bovine. Partant, elle considère que le Tribunal, en jugeant que le contrôle sur place au titre des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006 et le contrôle sur place aux fins de l’établissement de la base de données
ne pouvaient être réalisés en même temps, a commis une erreur de droit.

79 Deuxièmement, elle estime que le Tribunal a également commis une telle erreur en considérant, aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, que, eu égard aux conditions prévues aux articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006, le système de contrôle sur place des aides ICHN était autonome et indépendant du système de contrôle sur place effectué dans le cadre de l’identification bovine et des primes bovines.

80 La République française ne conteste nullement que ces articles, qui régissent les contrôles sur place des mesures d’aides ICHN, constituent des règles spécifiques. Toutefois, elle estime qu’il ne ressort pas des considérants 2 et 5 du règlement no 1975/2006 que les deux types de système de contrôles sur place sont indépendants l’un de l’autre. Selon elle, ces considérants énoncent qu’il y a lieu de fixer des règles spécifiques de gestion et de contrôle afin de tenir compte des caractéristiques
particulières des régimes de soutien relevant de l’axe 2. Or, le contenu et les critères d’éligibilité de ces régimes seraient définis par les États membres. Dans ces conditions, la Commission ne pourrait pas fixer, dans ce règlement, les mesures de contrôle précises que ceux-ci devraient mettre en œuvre pour vérifier les conditions d’éligibilité de chaque mesure d’aide définie dans l’axe 2.

81 La République française est d’avis que le seul objet desdits considérants 2 et 5 est d’indiquer que les règles de gestion et de contrôle prévues dans le cadre du premier pilier de la politique agricole commune doivent faire l’objet d’une adaptation, qui ne saurait être interprétée comme imposant aux États membres de dupliquer des mesures de contrôle déjà effectuées dans le cadre du contrôle des conditions d’éligibilité d’une autre mesure d’aide. La mise en œuvre de contrôles complémentaires ne
serait nécessaire que si les contrôles déjà effectués au titre d’une autre mesure d’aide ne suffisaient pas à vérifier toutes les conditions d’éligibilité de la mesure relevant de l’axe 2.

82 La République française considère que les contrôles effectués dans le cadre de l’identification bovine et des primes bovines permettent de vérifier le taux de chargement des mesures d’aides ICHN. S’agissant des ovins, des mesures de contrôle complémentaires auraient été mises en œuvre, à savoir un comptage des animaux lors des contrôles sur place.

83 La Commission considère que la première branche du moyen est irrecevable, l’article 26, premier alinéa, du règlement no 1782/2003 et l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 étant mentionnés pour la première fois par la République française au stade du pourvoi.

84 De plus, elle estime que la République française procède à une interprétation erronée de ces dispositions. L’article 26, premier alinéa, du règlement no 1782/2003 disposerait uniquement que les États membres veillent à ce que les procédures de gestion et de contrôle utilisées pour les régimes d’aide énumérés à l’annexe V de ce règlement sont compatibles avec le système intégré et à en tirer certaines conséquences. Pour sa part, l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, en faisant état
des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, ne concernerait pas les contrôles sur place effectués pour l’identification et l’enregistrement des bovins. Il prévoirait que ces contrôles doivent avoir lieu en même temps, ce qui ne serait pas le cas en l’occurrence.

85 La Commission conteste la seconde branche du moyen, en considérant que la République française soutient que les mesures d’aide adoptées dans le cadre du développement rural ne seraient pas assujetties à l’obligation de respecter des dispositions spécifiques du droit de l’Union, au motif que leurs critères d’éligibilité relèveraient du domaine réservé des États membres. Elle relève que les modalités de contrôle sur place effectuées en l’occurrence ne répondraient pas aux exigences du règlement
no 1975/2006. En outre, une partie de l’argumentation soulevée constituerait un moyen nouveau.

Appréciation de la Cour

86 Par son troisième moyen, la République française conteste les motifs du Tribunal figurant aux points 73 à 76 de l’arrêt attaqué, par lesquels celui-ci a considéré que l’existence de contrôles sur place effectués aux fins de l’établissement de bases de données, notamment dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines, ne dispensait pas les autorités françaises de procéder à de nouveaux contrôles. Selon lui, les règles en matière de gestion et de contrôle prévues par
le règlement no 1975/2006 constituaient des mesures spécifiques en ces domaines et les vérifications menées pour l’établissement des bases de données ne constituaient pas de tels contrôles, puisqu’elles étaient destinées non pas « à évaluer les conditions particulières des mesures au soutien du développement rural », mais à contrôler l’ensemble des animaux d’une exploitation pour lesquels l’identification bovine est prévue par le règlement no 1760/2000.

87 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, si la République française mentionne les primes ovines dans le libellé de son troisième moyen, le Tribunal, au point 74 de l’arrêt attaqué, a fait état des contrôles sur place effectués dans le cadre de la gestion des primes bovines, que le pourvoi vise d’ailleurs dans l’argumentation venant au soutien de ce moyen. Partant, ce moyen, en tant qu’il vise les primes ovines, doit être déclaré irrecevable pour défaut de précision.

88 Cela étant, tout comme la Commission, il convient de constater que, par la première branche de ce moyen, la République française se réfère pour la première fois, au stade du pourvoi, à l’article 26, premier alinéa, du règlement no 1782/2003 et à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 pour soutenir que les contrôles sur place déjà effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines dispensaient les autorités françaises de procéder au comptage des
animaux lors des contrôles sur place prévus par ce dernier règlement.

89 Il convient cependant de relever que, dans son recours en annulation, la République française avait fait valoir que les contrôles sur place déjà effectués aux fins de l’établissement de la base de données en vue de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines dispensaient les autorités françaises de procéder à des contrôles sur place au titre des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006.

90 Ainsi, en invoquant, au stade du pourvoi, l’applicabilité en l’espèce de l’article 26, premier alinéa, du règlement no 1782/2003 et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, la République française indique les bases juridiques susceptibles de fonder l’argumentation qu’elle avait présentée en première instance.

91 Or, dans un litige opposant, comme en l’espèce, les parties en ce qui concerne l’interprétation et l’application de dispositions du droit de l’Union, il incombe au juge de l’Union d’appliquer les règles de droit pertinentes pour la solution du litige, en première instance, aux faits qui lui sont présentés par les parties et, au stade du pourvoi, aux motifs par lesquels le Tribunal a répondu à l’argumentation présentée devant lui.

92 Puisque le pourvoi conteste l’appréciation à laquelle le Tribunal est parvenu aux points 73 à 76 de l’arrêt attaqué, l’argument tiré de la violation par la Commission de l’article 26, premier alinéa, du règlement no 1782/2003 et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 ne saurait être regardé comme nouveau et doit être examiné au fond.

93 À cet égard, il convient de relever que, en raison du caractère très général des obligations imposées aux États membres par l’article 26, premier alinéa, du règlement no 1782/2003, cette disposition est dénuée de toute pertinence pour déterminer si les contrôles sur place déjà effectués au titre de la gestion de l’identification ou des primes bovines dispensaient les autorités françaises de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place prévus aux articles 10 et 14 du règlement
no 1975/2006.

94 En revanche, l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 prévoit expressément que, dans la mesure du possible, les contrôles sur place, prévus aux articles 12, 20 et 27 de ce règlement et d’autres contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, seront effectués en même temps.

95 Il est constant que les contrôles sur place devant être effectués au titre des ICHN relèvent de l’article 12 du règlement no 1975/2006.

96 Dès lors, l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 permet, en principe, aux États membres de conduire des contrôles sur place au titre des mesures portant sur l’utilisation durable des terres agricoles, prévues à l’article 36, sous a), du règlement no 1698/2005, telles les ICHN, en même temps que d’autres contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles.

97 Il en résulte que, en ayant considéré, au point 74 de l’arrêt attaqué, que le système de contrôles sur place à effectuer en vertu des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006 était autonome et indépendant des contrôles effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines, sans avoir déterminé, d’une part, si ces derniers contrôles constituaient des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 5,
paragraphe 2, dudit règlement, et, d’autre part, s’ils pouvaient être effectués en même temps que les contrôles prévus aux articles 12 et suivants de ce règlement, le Tribunal a commis une erreur de droit.

98 Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre branche du troisième moyen, il convient d’accueillir la première branche de ce moyen et, partant, d’annuler l’arrêt attaqué.

Sur le recours devant le Tribunal

99 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut statuer elle‑même définitivement sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé.

100 Tel n’est pas le cas en l’espèce.

101 En effet, la réponse à apporter à la question de savoir si les contrôles effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines constituent des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, pourrait conduire, le cas échéant, à ce que le Tribunal doive examiner à nouveau la seconde branche du troisième moyen du recours en annulation, alors que les motifs de l’arrêt
attaqué relatifs à cette seconde branche n’ont pas été contestés dans le cadre du présent pourvoi.

102 Par conséquent, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 avril 2015, France/Commission (T‑259/13, non publié, EU:T:2015:250), est annulé.

  2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

  3) Les dépens sont réservés.

Vilaras

Malenovský

Safjan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 janvier 2017.
 
Le greffier

A.Calot Escobar

Le président de la XIIIème chambre

M. Vilaras

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( 1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-373/15
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Dépenses exclues du financement de l’Union européenne – Règlements (CE) no 1698/2005, (CE) no 1975/2006 et (CE) no 796/2004 – Mesures de soutien au développement rural – Zones de handicap naturel – Contrôles sur place – Coefficient de densité du bétail – Comptage des animaux.

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : République française
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl
Rapporteur ?: Vilaras

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:55

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