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25/01/2017 | CJUE | N°C-679/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Ultra-Brag AG contre Hauptzollamt Lörrach., 25/01/2017, C-679/15


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

25 janvier 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Naissance d’une dette douanière à la suite de l’introduction irrégulière de marchandises – Notion de débiteur – Salarié d’une personne morale à l’origine de l’introduction irrégulière – Détermination d’une manœuvre frauduleuse ou d’une négligence manifeste »

Dans l’affaire C‑679/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzger

icht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne), par décision du 1er décembre 2015, parvenue à la Cour ...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

25 janvier 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Naissance d’une dette douanière à la suite de l’introduction irrégulière de marchandises – Notion de débiteur – Salarié d’une personne morale à l’origine de l’introduction irrégulière – Détermination d’une manœuvre frauduleuse ou d’une négligence manifeste »

Dans l’affaire C‑679/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne), par décision du 1er décembre 2015, parvenue à la Cour le 17 décembre 2015, dans la procédure

Ultra-Brag AG

contre

Hauptzollamt Lörrach,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Vilaras (rapporteur), J. Malenovský, M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour la Commission européenne, par Mme L. Grønfeldt ainsi que M. M. Wasmeier, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 octobre 2016,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 202, paragraphe 3, premier et deuxième tirets, et de l’article 212 bis du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1791/2006 du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO 2006, L 363, p. 1) (ci-après le « code des douanes »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ultra-Brag AG, entreprise de logistique, offrant notamment des services de transport sur les eaux intérieures européennes, au Hauptzollamt Lörrach (bureau principal des douanes de Lörrach, Allemagne) au sujet du paiement d’une dette douanière née du fait de l’introduction irrégulière de marchandises dans le territoire douanier de l’Union européenne.

Le cadre juridique

3 Le code des douanes a été abrogé par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1).

4 L’article 38, paragraphe 1, du code des douanes énonçait :

« Les marchandises qui sont introduites dans le territoire douanier de la Communauté doivent être conduites sans délai par la personne qui a procédé à cette introduction, en utilisant, le cas échéant, la voie déterminée par les autorités douanières et selon les modalités fixées par ces autorités :

a) soit au bureau de douane désigné par les autorités douanières ou en tout autre lieu désigné ou agréé par ces autorités ;

[…] »

5 L’article 40 dudit code prévoyait :

« Les marchandises qui entrent sur le territoire douanier de la Communauté sont présentées en douane par la personne qui les a introduites sur ce territoire ou, le cas échéant, par la personne qui prend en charge le transport des marchandises après que cette introduction a eu lieu, sauf dans le cas de marchandises acheminées par des moyens de transport qui ne font que transiter, sans interruption, par les eaux territoriales ou l’espace aérien du territoire douanier de la Communauté. La personne
qui présente les marchandises fait mention de la déclaration sommaire ou de la déclaration en douane déposée au préalable pour ces marchandises. »

6 Aux termes de l’article 185, paragraphe 1, premier alinéa, du code des douanes :

« Les marchandises communautaires qui, après avoir été exportées hors du territoire douanier de la Communauté y sont réintroduites et mises en libre pratique dans un délai de trois ans sont, sur demande de l’intéressé, exonérées des droits à l’importation. »

7 L’article 202 du même code disposait :

« 1.   Fait naître une dette douanière à l’importation :

a) l’introduction irrégulière dans le territoire douanier de la Communauté d’une marchandise passible de droits à l’importation

[…]

Au sens du présent article, on entend par introduction irrégulière, toute introduction en violation des articles 38 à 41 et article 177, deuxième tiret.

2.   La dette douanière naît au moment de l’introduction irrégulière.

3.   Les débiteurs sont :

– la personne qui a procédé à cette introduction irrégulière,

– les personnes qui ont participé à cette introduction en sachant ou en devant raisonnablement savoir qu’elle était irrégulière,

– ainsi que celles qui ont acquis ou détenu la marchandise en cause et qui savaient ou devaient raisonnablement savoir au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise qu’il s’agissait d’une marchandise introduite irrégulièrement. »

8 L’article 212 bis du code des douanes était libellé comme suit :

« Lorsque la réglementation douanière prévoit un traitement tarifaire favorable d’une marchandise en raison de sa nature ou de sa destination particulière, une franchise ou une exonération totale ou partielle de droits à l’importation ou de droits à l’exportation en vertu des articles 21, 82, 145 ou 184 à 187, ce traitement favorable, cette franchise ou cette exonération s’applique également dans les cas de naissance d’une dette douanière en vertu des articles 202 à 205, 210 ou 211, lorsque le
comportement de l’intéressé n’implique ni manœuvre frauduleuse ni négligence manifeste et que ce dernier apporte la preuve que les autres conditions d’application du traitement favorable, de la franchise ou de l’exonération sont réunies. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Le 25 mai 2010, Ultra-Brag a exporté, par voie fluviale, du territoire douanier de l’Union vers Birsfelden (Suisse), deux transformateurs ainsi que deux lots de deux roues.

10 Informé ce même 25 mai 2010 de l’avarie du bateau qui devait effectuer, le lendemain, le chargement d’une turbine à Strasbourg (France) pour la transporter à Anvers (Belgique), un employé d’Ultra-Brag, spécialiste du transport des marchandises lourdes et occupant le poste de responsable d’affaires pour l’export, a envisagé d’y envoyer le bateau ayant transporté les deux transformateurs et les deux lots de deux roues sans que l’un des transformateurs ni ses deux roues n’aient été déchargés. À cet
effet, il s’était tout d’abord enquis, auprès des autorités douanières suisses, des formalités à effectuer pour ce faire. Ces autorités lui avaient fait savoir qu’une réexportation dans l’Union pour une courte durée ne posait pas de problème, mais qu’il convenait d’en informer les autorités douanières allemandes. À la suite d’une panne de voiture, cet employé n’a pu informer ces dernières avant l’heure de fermeture du bureau des douanes allemand compétent.

11 Afin de respecter l’horaire de chargement de la turbine à Strasbourg, ledit employé a, dans la soirée du 25 mai 2010, informé le pilote du bateau qu’il devait partir vers cette destination avec le transformateur et les deux roues. Ces marchandises n’ont pas été présentées aux autorités douanières allemandes lors du franchissement de la frontière.

12 Le 26 mai 2010, l’employé a contacté les autorités douanières allemandes.

13 Le 27 mai 2010, le bateau est arrivé au port de Bâle (Suisse) pour y décharger le transformateur et les deux roues, la turbine restant à bord pour être transportée à Anvers. Les autorités douanières allemandes ont alors constaté la présence du transformateur et des deux roues sur le bateau.

14 Par un avis de fixation des droits à l’importation du 9 août 2010, le bureau principal des douanes de Lörrach a réclamé à Ultra-Brag des droits de douane d’un montant de 122470,07 euros sans identifier d’autre débiteur que celle-ci.

15 Après le rejet de sa réclamation, Ultra-Brag a saisi le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne) d’un recours. Elle a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer de droits à l’importation puisque les conditions de l’exonération prévues à l’article 212 bis du code des douanes étaient réunies. Elle a affirmé n’avoir commis ni négligence manifeste, en ayant confié l’exécution des formalités douanières à un collaborateur qualifié, ni manquement aux
obligations de surveillance qui lui incombaient.

16 La juridiction de renvoi estime qu’un employeur peut être regardé comme débiteur d’une dette douanière au sens de l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, dudit code, s’il peut être considéré comme ayant été, par ses agissements, à l’origine de l’introduction irrégulière de la marchandise, à condition que ces agissements puissent être assimilés à une introduction irrégulière de son fait. Elle relève que la question de savoir sur quelles bases les agissements d’un employeur, personne morale,
doivent être examinés n’a pas encore été tranchée, notamment en ce qui concerne le point de savoir s’il faut prendre en considération les seuls agissements des organes de la personne morale ou s’il convient également de tenir compte des agissements de l’un de ses collaborateurs qui sont la cause directe de l’introduction irrégulière, dans la mesure où ce collaborateur est responsable du transport des marchandises au sein de la personne morale.

17 La juridiction de renvoi s’interroge également sur la participation d’Ultra-Brag à l’introduction irrégulière des marchandises, au sens de l’article 202, paragraphe 3, deuxième tiret, du code des douanes, plus particulièrement au regard de l’élément subjectif requis par cette disposition ainsi qu’il résulte de l’emploi des termes « en sachant ou en devant raisonnablement savoir qu[e l’introduction] était irrégulière ». Selon elle, pour apprécier cet élément subjectif, il est nécessaire de
déterminer s’il convient de se placer du point de vue de l’employé d’Ultra-Brag ou de ses organes.

18 Enfin, la juridiction de renvoi estime qu’il y a lieu d’examiner si la condition tenant à l’absence de négligence manifeste, pour bénéficier de l’exonération des droits à l’importation prévue à l’article 212 bis dudit code, est remplie, une telle appréciation devant être effectuée au regard des agissements de l’employé qui est effectivement intervenu dans l’opération en cause au principal.

19 Dans ces conditions, le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 202, paragraphe 3, premier tiret, du code des douanes doit-il être interprété en ce sens qu’une personne morale devient débitrice de la dette douanière en tant que personne ayant procédé à l’introduction, en application de l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, du code des douanes, lorsque l’un de ses salariés – lequel n’est pas son représentant légal – qui a agi dans le cadre de ses responsabilités est à l’origine de l’introduction irrégulière ?

2) En cas de réponse négative à la première question :

L’article 202, paragraphe 3, deuxième tiret, du code des douanes doit-il être interprété en ce sens que :

a) une personne morale a participé à l’introduction irrégulière (même) lorsque l’un de ses salariés – lequel n’est pas son représentant légal – qui a agi dans le cadre de ses responsabilités a pris part à cette introduction irrégulière et

b) dans le cas de personnes morales ayant participé à l’introduction irrégulière, l’élément subjectif qui conditionne l’application de cette disposition – “en sachant ou en devant raisonnablement savoir” – doit être apprécié par rapport à la personne physique chargée de l’opération en question dans l’entité que constitue la personne morale, même s’il ne s’agit pas du représentant légal de cette personne morale ?

3) En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question :

L’article 212 bis du code des douanes doit-il être interprété en ce sens que, pour déterminer si le comportement de la personne ayant participé à l’introduction irrégulière implique une manœuvre frauduleuse ou une négligence manifeste, il y a lieu, s’il s’agit d’une personne morale, de se référer uniquement à la personne morale ou à ses organes ou bien convient-il de lui imputer le comportement d’une personne physique qu’elle emploie et qui était chargée de l’opération en question dans le
cadre de ses fonctions ? »

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

20 Il importe de souligner que, conformément à l’article 202, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, une dette douanière naît en cas d’introduction irrégulière de marchandise. Selon cette même disposition, une introduction de marchandise est considérée comme irrégulière dès lors qu’elle n’a pas fait l’objet d’une présentation en douane conformément aux dispositions des articles 38 à 41 dudit code.

21 En outre, les dispositions de l’article 202, paragraphe 3, du même code ont pour objet de définir les débiteurs de la dette douanière née de l’introduction irrégulière de marchandises dans le territoire de l’Union, et ce dans l’intérêt général de protection des intérêts financiers de l’Union.

22 À cette fin, les trois tirets de l’article 202, paragraphe 3, de ce code décrivent l’implication de la personne devant être reconnue comme débitrice à raison de sa participation à l’introduction irrégulière de marchandises. Le premier tiret désigne ainsi comme débiteur la personne qui a procédé à l’introduction irrégulière, c’est-à-dire celle qui aurait normalement dû mener les opérations de dédouanement et remplir les obligations du déclarant en douane. Les deuxième et troisième tirets visent
les personnes qui, bien que n’étant pas tenues de procéder aux opérations de dédouanement en vertu des dispositions dudit code, ont néanmoins été impliquées dans l’introduction irrégulière soit avant, soit immédiatement après celle-ci.

23 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de répondre aux questions posées.

Sur la première question

24 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’une personne morale, dont un salarié, qui n’est pas son représentant légal, est à l’origine de l’introduction irrégulière d’une marchandise dans le territoire douanier de l’Union, peut être considérée comme débitrice de la dette douanière née de cette introduction.

25 Tout d’abord, il ressort du libellé de l’article 202, paragraphe 3, de ce code que le législateur de l’Union a entendu définir de façon large les personnes susceptibles d’être reconnues débitrices de la dette douanière, en cas d’introduction irrégulière d’une marchandise passible de droits à l’importation et qu’il a également entendu fixer de façon complète les conditions de détermination des personnes débitrices de la dette douanière (voir arrêts du 23 septembre 2004, Spedition Ulustrans,
C‑414/02, EU:C:2004:551, points 25 et 39 ; du 3 mars 2005, Papismedov e.a., C‑195/03, EU:C:2005:131, point 38, ainsi que du 17 novembre 2011, Jestel, C‑454/10, EU:C:2011:752, points 12 et 13).

26 La Cour a, en outre, déjà jugé que l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, dudit code vise la « personne » qui a procédé à l’introduction irrégulière, sans préciser s’il s’agit d’une personne physique ou d’une personne morale. Peut, donc, être regardée comme débitrice de la dette douanière toute « personne » au sens de ladite disposition, c’est-à-dire celle qui est à considérer comme ayant été, par ses agissements, à l’origine de l’introduction irrégulière de la marchandise (voir arrêts du
23 septembre 2004, Spedition Ulustrans, C‑414/02, EU:C:2004:551, point 26, ainsi que du 3 mars 2005, Papismedov e.a., C‑195/03, EU:C:2005:131, point 39).

27 En l’occurrence, selon les informations contenues dans la demande de décision préjudicielle, l’introduction de marchandises dans le territoire de l’Union a été effectuée par le pilote du bateau qui les transportait vers un port fluvial situé sur ce territoire, sur ordre de la personne responsable d’affaires pour l’export au sein de l’entreprise qui les emploie tous les deux. Ce pilote est la personne qui aurait dû, conformément à l’article 40 du code des douanes, présenter les marchandises en
douane en mentionnant la déclaration sommaire ou la déclaration en douane prévue à cet article.

28 À défaut d’avoir procédé de la sorte, le pilote du bateau a effectué une introduction irrégulière de marchandises dans le territoire douanier de l’Union, ce qui, sur le fondement de l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, dudit code, le rend débiteur de la dette douanière qui en est née.

29 Pour autant, la circonstance qu’un salarié introduise irrégulièrement des marchandises dans le territoire douanier de l’Union ne saurait suffire à exclure que la personne physique ou morale qui l’emploie ne puisse être considérée comme débitrice de la dette douanière née de cette introduction irrégulière en vertu de l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, du même code.

30 À cet égard, il importe de relever que, lorsque, dans une situation telle que celle en cause au principal, un salarié effectue une introduction irrégulière en respectant le cadre de la mission qui lui a été confiée par son employeur et en exécutant les ordres qui lui ont été donnés, à cette fin, par un autre salarié de ce dernier, habilité à cet égard dans le cadre de ses propres fonctions, le premier salarié se borne à agir dans le cadre de ses attributions, au nom et pour le compte de son
employeur.

31 Or, lorsque l’introduction irrégulière de marchandises dans le territoire douanier de l’Union est effectuée par un salarié au nom et pour le compte de l’employeur, ce dernier doit être regardé comme étant la personne qui, par ses agissements, est à l’origine de cette introduction irrégulière (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2004, Spedition Ulustrans, C‑414/02, EU:C:2004:551, point 29).

32 Partant, dans une situation telle que celle en cause au principal, l’employeur est susceptible d’être considéré comme débiteur de la dette douanière née de l’introduction irrégulière de marchandises, en application de l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, du code des douanes.

33 Par ailleurs, la circonstance que ni le salarié à l’origine de l’introduction irrégulière de marchandises ni le salarié auquel il est subordonné et sur ordre duquel il a agi ne sont le représentant légal de la personne morale qui les emploie ne saurait avoir d’incidence sur cette conclusion, puisque la mise en œuvre de l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, dudit code à l’égard de l’employeur du salarié qui est à l’origine de l’introduction irrégulière ne requiert aucune autre condition que
celle selon laquelle cet employeur doit avoir la qualité de « personne » au sens de cette disposition.

34 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 202, paragraphe 3, premier tiret, du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’une personne morale, dont le salarié, qui n’est pas son représentant légal, est à l’origine de l’introduction irrégulière d’une marchandise dans le territoire douanier de l’Union, peut être considérée comme débitrice de la dette douanière née de cette introduction, lorsque ce salarié a introduit la
marchandise en cause en respectant le cadre de la mission confiée par son employeur et en exécutant les ordres donnés, à cette fin, par un autre salarié de ce dernier, habilité à cet égard dans le cadre de ses propres fonctions, et a ainsi agi dans le cadre de ses attributions, au nom et pour le compte de son employeur.

35 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question

36 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 212 bis du code des douanes doit être interprété en ce sens que, pour caractériser à l’égard d’un employeur, personne morale, une manœuvre frauduleuse ou une négligence manifeste au sens de cet article, il y a lieu de se référer non pas uniquement à l’employeur lui-même, mais également d’imputer à celui-ci le comportement du ou des salariés employés par cette personne morale, qui étaient chargés de
l’introduction de la marchandise en cause dans le territoire douanier de l’Union dans le cadre de leurs fonctions respectives.

37 Aux termes de l’article 212 bis dudit code, le traitement tarifaire favorable, la franchise ou l’exonération totale ou partielle de droits à l’importation ou de droits à l’exportation prévus par la réglementation douanière s’applique également dans les cas de naissance d’une dette douanière en vertu des articles 202 à 205 du même code lorsque le comportement de l’intéressé n’implique ni manœuvre frauduleuse ni négligence manifeste et que ce dernier apporte la preuve que « les autres conditions
d’application » du traitement favorable, de la franchise ou de l’exonération sont réunies.

38 La notion d’« intéressé », au sens de l’article 212 bis du code des douanes, doit être comprise, compte tenu du libellé de cette disposition, comme se rapportant à toute personne, physique ou morale, qui est considérée comme débitrice d’une dette douanière en vertu d’un des articles 202 à 205 dudit code, notamment au motif que cette personne a été, par ses agissements, à l’origine de l’introduction irrégulière de marchandises dans le territoire douanier de l’Union.

39 Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, afin d’apprécier l’existence d’une manœuvre frauduleuse ou d’une négligence manifeste de la part d’un employeur, personne morale, il convient de se référer non pas uniquement à l’employeur lui-même, mais également de prendre en considération le comportement du ou des salariés qui, tout en respectant le cadre de la mission confiée par leur employeur de sorte qu’ils ont agi dans le cadre de leurs attributions respectives au nom et pour
le compte de leur employeur, ont été à l’origine de l’introduction irrégulière de marchandises.

40 Il convient également de relever que le fait que les salariés en cause ne sont pas des organes ou des représentants légaux de la personne morale qui les emploie est sans incidence sur la conclusion selon laquelle, dans les circonstances visées au point précédent du présent arrêt, l’existence d’une manœuvre frauduleuse ou d’une négligence manifeste d’un employeur, personne morale, s’apprécie en tenant également compte du comportement de ces salariés.

41 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 212 bis du code des douanes doit être interprété en ce sens que, pour caractériser, à l’égard d’un employeur, personne morale, une manœuvre frauduleuse ou une négligence manifeste au sens de cet article, il y a lieu de se référer non pas uniquement à l’employeur lui-même, mais également d’imputer à celui-ci le comportement du ou des salariés qui, tout en respectant le cadre de la mission
confiée par leur employeur de sorte qu’ils ont agi dans le cadre de leurs attributions respectives au nom et pour le compte de leur employeur, ont été à l’origine de l’introduction irrégulière de marchandises.

Sur les dépens

42 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 202, paragraphe 3, premier tiret, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 1791/2006 du Conseil, du 20 novembre 2006, doit être interprété en ce sens qu’une personne morale, dont le salarié, qui n’est pas son représentant légal, est à l’origine de l’introduction irrégulière d’une marchandise dans le territoire douanier de l’Union, peut être considérée comme débitrice de la
dette douanière née de cette introduction, lorsque ce salarié a introduit la marchandise en cause en respectant le cadre de la mission confiée par son employeur et en exécutant les ordres donnés, à cette fin, par un autre salarié de ce dernier, habilité à cet égard dans le cadre de ses propres fonctions, et a ainsi agi dans le cadre de ses attributions, au nom et pour le compte de son employeur.

  2) L’article 212 bis du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 1791/2006, doit être interprété en ce sens que, pour caractériser, à l’égard d’un employeur, personne morale, une manœuvre frauduleuse ou une négligence manifeste au sens de cet article, il y a lieu de se référer non pas uniquement à l’employeur lui-même, mais également d’imputer à celui-ci le comportement du ou des salariés qui, tout en respectant le cadre de la mission confiée par leur employeur de sorte qu’ils ont
agi dans le cadre de leurs attributions respectives au nom et pour le compte de leur employeur, ont été à l’origine de l’introduction irrégulière de marchandises.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-679/15
Date de la décision : 25/01/2017
Type de recours : Recours préjudiciel, Recours préjudiciel - non-lieu à statuer

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Baden-Württemberg.

Renvoi préjudiciel – Union douanière – Naissance d’une dette douanière à la suite de l’introduction irrégulière de marchandises – Notion de débiteur – Salarié d’une personne morale à l’origine de l’introduction irrégulière – Détermination d’une manœuvre frauduleuse ou d’une négligence manifeste.

Libre circulation des marchandises

Union douanière


Parties
Demandeurs : Ultra-Brag AG
Défendeurs : Hauptzollamt Lörrach.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl
Rapporteur ?: Vilaras

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:40

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