CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MELCHIOR WATHELET
présentées le 18 janvier 2017 ( 1 )
Affaire C-467/15 P
Commission européenne
contre
République italienne
« Pourvoi – Aides d’État – Aide accordée par la République italienne aux producteurs de lait – Régime d’aides lié au remboursement du prélèvement laitier – Décision conditionnelle prise par le Conseil en vertu de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE – Non-respect des conditions d’autorisation – Aide existante – Aide nouvelle – Modification d’une aide existante »
1. Par le présent pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 juin 2015, Italie/Commission (T‑527/13, EU:T:2015:429, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a, d’une part, partiellement annulé la décision 2013/665/UE de la Commission ( 2 ) et, d’autre part, rejeté le recours pour le surplus.
I – Le cadre juridique
A – Le règlement (CE) no 659/1999
2. Aux termes de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 ( 3 ), on entend par « aide nouvelle »« toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».
3. Conformément à l’article 1er, sous g), de ce règlement, on entend par « aide appliquée de façon abusive »« une aide utilisée par le bénéficiaire en violation [de la] décision [d’approbation] ».
B – Le règlement (CE) no 794/2004
4. L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 794/2004 ( 4 ), dispose ce qui suit :
« Aux fins de l’article 1er, point c), du règlement (CE) no 659/1999, on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante. »
II – Les antécédents du litige et la décision litigieuse
5. Le Tribunal a résumé les antécédents du litige comme suit aux points 1 à 8 de l’arrêt attaqué :
« 1. Afin de permettre aux producteurs de lait italiens de s’acquitter du prélèvement supplémentaire de 1386475000 euros dû à l’Union européenne en raison du dépassement du quota laitier attribué à la République italienne au cours des campagnes 1995/1996 à 2001/2002, cet État membre a demandé au Conseil de l’Union européenne de l’autoriser à instituer un régime d’aides d’État en application de l’article 88, paragraphe 2, troisième alinéa, CE.
2. Par la décision 2003/530/CE, du 16 juillet 2003, relative à la compatibilité avec le marché commun d’une aide que la République italienne entend accorder à ses producteurs de lait (JO 2003, L 184, p. 15, ci-après la “décision du Conseil”), le Conseil a autorisé cet État membre à “se substitu[er] à ces producteurs pour verser à [l’Union] le montant dû par ces derniers à [l’Union] au titre du prélèvement supplémentaire sur le lait et les produits laitiers pour les campagnes 1995/1996
à 2001/2002” (article 1er de la décision du Conseil). Il l’a également autorisé à “[permettre aux intéressés] d’apurer leur dette [à l’égard de la République italienne] par un report de paiement sans intérêts, échelonné sur plusieurs années” (article 1er de la décision du Conseil).
3. Cette déclaration de compatibilité a été assujettie à deux séries de conditions. En premier lieu, le Conseil a imposé aux autorités italiennes de déclarer le montant correspondant au prélèvement supplémentaire dû par les producteurs de lait au Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), d’une part, et de déduire l’encours de leur dette à l’égard de l’Union et les intérêts s’y rapportant des dépenses financées par le FEOGA, d’autre part (article 2 de la décision du Conseil).
En second lieu, il a exigé que les producteurs de lait remboursent intégralement leur dette à l’égard de la République italienne sous la forme d’annuités constantes, d’une part, et pendant une période ne dépassant pas quatorze ans à compter du 1er janvier 2004, d’autre part (article 1er de la décision du Conseil).
4. Dans ce contexte, les autorités italiennes ont adopté le [decreto-legge n. 49 – Riforma della normativa in tema di applicazione del prelievo supplementare nel settore del latte e dei prodotti lattiero-caseari] (décret-loi no 49 portant réforme de la réglementation concernant l’application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers), du 28 mars 2003 (GURI no 75, du 31 mars 2003, p. 4), ainsi que le [decreto ministeriale, disposizioni per il versamento del
prelievo supplementare, dovuto e non versato per i periodi dal 1995/1996 al 2001/2002 di cui all’articolo 10, comma 34, della legge n. 119/2003] (décret ministériel du 30 juillet 2003 portant disposition pour le versement du prélèvement supplémentaire, dû et non versé pour la période de 1995/1996 à 2001/2002 visée à l’article 10, alinéa 34, de la loi no 119/2003) (GURI no 183, du 8 août 2003, p. 33). Les dispositions combinées de ces deux actes ont prévu, en substance, que le montant du
prélèvement supplémentaire pris en charge par la République italienne lui serait intégralement remboursé par les producteurs de lait, sans être assorti d’intérêts, sous la forme de tranches de paiement annuelles de même montant échelonnées sur une période ne dépassant pas quatorze ans (ci-après le “système d’échelonnement des paiements”).
5. Après avoir modifié ces dispositions à plusieurs reprises, notamment pour permettre aux intéressés de solliciter l’échelonnement de leur dette sur une période pouvant aller jusqu’à 30 ans, puis en reportant de six mois le paiement de la tranche annuelle arrivant à échéance le 30 juin 2010, les autorités italiennes ont adopté la [legge n. 10, conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge n. 225, 29 dicembre 2010, recante proroga di termini previsti da disposizioni legislative e di
interventi urgenti in materia tributaria e di sostegno alle imprese e alle famiglie] (loi no 10, de conversion en loi, avec modifications, du décret-loi no 225, du 29 décembre 2010, portant prorogation de délais prévus par des dispositions législatives et d’interventions urgentes en matière fiscale et de soutien aux entreprises et aux familles), du 26 février 2011 (GURI no 47, du 26 février 2011, supplément ordinaire no 53), qui est entrée en vigueur le lendemain, le 27 février 2011. Celle-ci
a notamment introduit un paragraphe 12 duodecies dans l’article 1er du [décret-loi no 225], prévoyant que, “[a]fin de faire face à la grave crise touchant le secteur laitier, ont été reportés au 30 juin 2011 les délais pour le paiement des montants à échéance du 31 décembre 2010 visés dans les plans d’échelonnement prévus par le décret-loi no 49” et la réglementation subséquente (ci-après le “report de paiement”).
6. Les autorités italiennes ont informé la Commission que l’“équivalent-subvention” de cette mesure avait été imputé sur l’aide de minimis prévue pour cet État membre par l’annexe du règlement (CE) no 1535/2007 de la Commission, du 20 décembre 2007, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides de minimis dans le secteur de la production de produits agricoles (JO 2007, L 337, p. 35). Selon elles, ce dispositif a profité à 1291 producteurs de lait sur les
11271 bénéficiaires du système d’échelonnement des paiements, soit une proportion de 11,45 %. En outre, l’aide individuelle obtenue à ce titre a été comprise dans une fourchette allant de 0,08 euro à 694,19 euros. Enfin, elle est demeurée inférieure à 100 euros pour 1187 des 1291 producteurs de lait concernés et inférieure à 12 euros pour 559 d’entre eux.
7. Par décision C (2011) 10055 final, du 11 janvier 2012, relative à l’aide d’État SA.33726 (11/C) [ex SA.33726 (11/NN)] – Report de paiement du prélèvement laitier en Italie, dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 10 février 2012 (JO 2012, C 37, p. 30), la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. En premier lieu, elle a en substance indiqué qu’elle entretenait des doutes relatifs à la qualification du report de paiement au
regard de l’article 107 TFUE, ainsi qu’à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. En second lieu, elle a exposé que ce report de paiement entraînait une violation d’une des conditions prévues par la décision du Conseil, que cette violation transformait l’ensemble du système d’échelonnement des paiements institué par les autorités italiennes en aide nouvelle, en tant qu’elle concernait les producteurs de lait ayant bénéficié du report de paiement, et que la compatibilité de
cette aide nouvelle avec le marché intérieur n’était pas non plus établie.
8. Par la décision [litigieuse], la Commission a considéré, à l’issue de l’échange intervenu avec les autorités italiennes pendant la procédure administrative, que chacune des deux mesures en cause, à savoir, le report de paiement, d’une part, et le système d’échelonnement des paiements, d’autre part, constituait une aide nouvelle, illégale et incompatible avec le marché intérieur (article 1er de la décision [litigieuse]). Elle a, en conséquence, ordonné à la République italienne de procéder à la
récupération immédiate et effective des sommes accordées aux producteurs de lait ayant bénéficié du report de paiement, assorties d’intérêts (articles 2 et 3 de la décision [litigieuse]). »
III – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
6. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2013, la République italienne a introduit un recours tendant à l’annulation totale ou partielle de la décision litigieuse.
7. À l’appui de son recours, la République italienne a soulevé deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement no 1535/2007 et, le second, de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement.
8. Le Tribunal a accueilli le second moyen de la République italienne et a annulé l’article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse ainsi que les articles 2 à 4 de celle-ci en tant qu’ils concernaient, d’une part, le régime d’aides visé par l’article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse et, d’autre part, les aides individuelles accordées en application de celui-ci, tout en rejetant le pourvoi pour le surplus.
9. À cet effet, le Tribunal a, en premier lieu, précisé, au point 39 de l’arrêt attaqué, la portée du second moyen, en considérant que, bien que les différents griefs invoqués par la République italienne dans le cadre de ce moyen aient été fondés sur la méconnaissance d’une disposition différente, ils avaient en commun de reprocher également, en substance, à la décision litigieuse de ne reposer sur aucune base juridique valable en ce qu’elle qualifiait le système d’échelonnement des paiements d’aide
nouvelle et illégale et en ce qu’elle lui enjoignait de récupérer cette aide. Aux points 40 à 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que cette argumentation avait été présentée dès le stade de la requête et que les arguments que la République italienne avait avancés dans sa réplique constituaient une amplification, à la lumière du mémoire en défense, de cette argumentation.
10. En deuxième lieu, le Tribunal a rejeté, aux points 45 à 47 de l’arrêt attaqué, le grief de la République italienne relatif à la motivation de la décision litigieuse.
11. En troisième lieu, le Tribunal a examiné, aux points 49 à 92 de l’arrêt attaqué, les griefs de la République italienne relatifs au bien-fondé de la décision litigieuse.
12. Au point 50 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré comme constant que, jusqu’à ce que la Commission estime que le système d’échelonnement des paiements était à considérer comme une aide nouvelle, cette mesure constituait un régime d’aides existant.
13. Tout en estimant, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, que la Commission était en droit de recourir à la procédure prévue au chapitre IV du règlement no 659/1999 en cas d’application abusive d’une aide, le Tribunal a considéré comme constant, au point 68 dudit arrêt, que la Commission n’a pas fondé sa décision sur les dispositions du règlement no 659/1999 y relatives mais avait estimé que le système d’échelonnement des paiements était devenu une aide nouvelle du fait du report de paiement
pour autant qu’il s’appliquait aux producteurs de lait ayant bénéficié de ce report. De même, le Tribunal a estimé que cette qualification et celle d’aide appliquée de façon abusive étaient exclusives l’une de l’autre puisque seule une aide déjà existante pouvait donner lieu à une application abusive, ainsi que le rappelle le considérant 15 du règlement no 659/1999.
14. Parmi les différentes voies procédurales auxquelles la Commission avait la possibilité de recourir, le Tribunal a évoqué, aux points 69 à 76, celle de la procédure en matière d’aides illégales, prévue au chapitre III du règlement no 659/1999.
15. Il a considéré, au point 74 de l’arrêt attaqué, que, dans le cas de la modification d’une aide existante, ce n’est pas « toute aide existante modifiée », mais seulement la modification en tant que telle qui est susceptible d’être qualifiée d’aide nouvelle, alors que la mesure antérieure, qui a pu être mise à exécution régulièrement, doit être regardée comme une aide existante ou un régime d’aides existant.
16. Au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait état d’une exception à cette règle, portant sur le cas où la modification affecte la substance même de l’aide existante ou du régime d’aides existant, cas dans lequel cette mesure se trouve transformée dans son intégralité en aide nouvelle ou en régime d’aides nouveau. Le Tribunal a précisé, à ce même point, qu’il ne saurait être question d’une modification substantielle lorsque l’élément nouveau est clairement détachable de la mesure
préexistante ou qu’elle est d’ordre purement formel ou administratif.
17. Le Tribunal a conclu, au point 76 de l’arrêt attaqué, que la possibilité, pour la Commission, de qualifier d’aide nouvelle, et le cas échéant, illégale, non seulement la modification d’une aide existante, mais également l’intégralité de l’aide existante sur laquelle porte cette modification, est soumise, quant au fond, à la condition que cette institution établisse que la modification affecte la substance même de la mesure préexistante. Il a ajouté que, en cas de contestation par l’État membre
concerné quant à ce point pendant la procédure administrative, en faisant valoir soit que la modification est clairement détachable de la mesure préexistante, soit qu’elle revêt un caractère purement formel ou administratif et n’est pas de nature à influer sur l’appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, la Commission doit justifier les raisons pour lesquelles les arguments de cet État membre ne lui paraissent pas fondés.
18. Aux points 78 à 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas démontré dans la décision litigieuse que le report de paiement affectait la substance même du système d’échelonnement des paiements. Le Tribunal en a conclu, aux points 81 et 82 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait méconnu la notion d’aide nouvelle en requalifiant un régime d’aides existant d’aide nouvelle illégale sans respecter les conditions de fond énoncées par le règlement no 659/1999 et avait
ordonné à tort la récupération des aides accordées en vertu du régime d’aides existant.
19. Aux points 83 à 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les arguments invoqués par la Commission tendant à démontrer que le non-respect, par les autorités italiennes, d’une des conditions assortissant la déclaration de compatibilité délivrée par le Conseil entraînait, en substance, la requalification du régime d’aides existant en aide nouvelle et illégale.
20. À cet effet, le Tribunal a relevé, au point 85 de l’arrêt attaqué que, lorsque la Commission décèle le non-respect d’une décision ayant déclaré une aide ou un régime d’aides compatible avec le marché intérieur sous réserve de certaines conditions et qu’elle choisit de mettre en œuvre ses pouvoirs de contrôle, elle doit s’en tenir à l’examen de l’aide nouvelle, à moins qu’elle ne démontre que cette dernière a modifié la substance même d’une aide existante ou d’un régime d’aides existant.
21. Au point 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la Commission n’était pas en droit d’estimer que le non-respect d’une telle condition entraînait ipso facto la requalification de cette mesure en aide nouvelle et encore moins de considérer cette mesure comme illégale ab initio, et d’en ordonner la récupération comme s’il s’agissait d’une aide illégalement mise à exécution et non d’une aide préalablement autorisée.
22. Le Tribunal a relevé à cet égard, au point 87 de l’arrêt attaqué, que toute aide existante est couverte par la décision d’autorisation dont elle a fait l’objet, à moins que la Commission ne considère qu’une telle aide a fait l’objet d’une application abusive ou que sa substance même a été modifiée par une aide nouvelle et doit donc être considérée, sous réserve de ces deux hypothèses, comme légale aussi longtemps que la Commission n’a pas constaté son incompatibilité avec le marché intérieur.
23. En outre, au point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, compte tenu de l’objectif visé par les conditions assortissant la déclaration de compatibilité, que leur non-respect ultérieur ne pouvait conduire la Commission qu’à remettre en cause, en recourant à l’une des différentes voies procédurales prévues par le traité FUE et le règlement no 659/1999, le bénéfice de la déclaration de compatibilité avec le marché intérieur accordé à la mesure en cause et non sa qualification d’aide existante,
sous réserve de l’exception rappelée au point 85 de l’arrêt attaqué.
24. Aux points 89 et 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’une telle déclaration d’incompatibilité ne peut produire d’effets que pour l’avenir ; s’il n’en était pas ainsi, un régime d’aides régulièrement exécuté et des aides individuelles légalement accordées en vertu de celui-ci, avant que l’État membre concerné ne manque à ses obligations, seraient rétroactivement réputés constituer des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, ce qui équivaudrait à une révocation de la
décision ayant autorisé la mise en œuvre de ces mesures.
25. En outre, le Tribunal a estimé, au point 91 de l’arrêt attaqué, que la théorie avancée par la Commission permettrait de contourner les procédures instituées par le législateur afin d’assurer, dans le respect du principe de sécurité juridique, l’effectivité du contrôle des aides d’État.
26. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a donc accueilli le second moyen et rejeté le recours pour le surplus.
IV – Sur le pourvoi
27. La Commission et la République italienne ont été entendues lors de l’audience du 10 novembre 2016.
28. À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève trois moyens, tirés, respectivement, i) d’une interdiction de soulever d’office un moyen tiré de la légalité de l’acte attaqué quant au fond ; ii) d’une violation de l’article 108 TFUE et de l’article 1er du règlement no 659/1999 en ce qui concerne les notions d’aide nouvelle et d’aide existante ; iii) d’une violation de l’article 108 TFUE et des articles 4, 6, 7, 14 et 16 du règlement no 659/1999, en ce qui concerne les procédures applicables aux
aides nouvelles et aux aides appliquées de façon abusive.
A – Sur le premier moyen, tiré de l’interdiction de soulever d’office un moyen tiré de la légalité de l’acte attaqué quant au fond
1. Argumentation des parties
29. La Commission fait valoir que, aux points 39 à 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a enfreint le principe dispositif, l’interdiction de soulever d’office un moyen tiré de la légalité de la décision quant au fond, l’article 21 du protocole sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, articles dont il découle que le litige est en principe déterminé et circonscrit par les parties et que le juge de l’Union ne
peut statuer ultra petita, en soulevant d’office la question de la qualification du système d’échelonnement des paiements en tant qu’aide nouvelle et non existante en raison du caractère prétendument non substantiel de la modification apportée à celui-ci par les autorités italiennes. Elle estime que, dans la requête devant le Tribunal, cette question n’était posée, quant au fond, qu’en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004, question qui est
distincte de celle sur laquelle portait le raisonnement du Tribunal.
30. Si la Cour devait faire droit au présent moyen, la Commission considère que la Cour ne devrait pas se limiter à annuler l’arrêt attaqué et à rejeter le recours en première instance, mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de justice, afin de prévenir la répétition de graves violations du droit matériel de l’Union et d’obtenir des éclaircissements sur les procédures à suivre pour l’examen des aides d’État octroyées en violation des conditions imposées par la décision de compatibilité,
devrait également examiner et accueillir au moins l’un des deux autres moyens.
31. La République italienne considère, quant à elle, que ce moyen n’est pas fondé.
2. Appréciation
32. Contrairement à la Commission, je pense que la République italienne a bien invoqué ce moyen dans sa requête devant le Tribunal.
33. En effet, dans le libellé même du deuxième moyen de son recours devant le Tribunal, cette dernière a fait référence à un grief tiré de la violation de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 relatif à la notion d’aide nouvelle.
34. La République italienne fait valoir, d’abord, dans le cadre de ce moyen, qu’« il n’existe pas d’éléments susceptibles d’établir que les bénéficiaires de l’aide existante ayant profité de la mesure contestée soient tenus de restituer non seulement le montant correspondant à la mesure contestée, mais également celui reçu au titre de l’aide existante (et donc, sur le fondement de la décision d’autorisation, les intérêts non réglés au premier plan d’échelonnement) » (point 56 de la requête devant le
Tribunal).
35. Elle reproche ensuite à la Commission, toujours dans le cadre de ce même moyen, une dénaturation de la notion de « modification de l’aide existante » visée à l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 dans les termes suivants : « On ne saurait non plus considérer que l’extension de la décision de récupération également à l’aide existante peut légitimement découler de l’existence d’une modification substantielle de cette aide, qui soit de nature à faire regarder les deux mesures comme une
aide nouvelle unique, non notifiée à la Commission et donc illégale » (point 57 de la requête devant le Tribunal).
36. En outre, elle ajoute qu’« une telle conclusion serait le résultat manifeste d’une dénaturation de la notion de “modification de l’aide existante”, pertinente pour l’application de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 » (point 58 de la requête devant le Tribunal).
37. Il s’ensuit que, même si la République italienne reprochait également à la Commission dans ce contexte une insuffisance de motivation, elle a critiqué la Commission pour avoir qualifié le système d’échelonnement des paiements en tant qu’aide nouvelle, sans vérifier si les conditions d’une telle qualification étaient réunies.
38. Ce qui précède est confirmé par le fait que la Commission a bien compris le grief de la République italienne qu’elle a résumé et réfuté dans son mémoire en défense présenté devant le Tribunal (voir points 22 et 32 à 36 du mémoire en défense devant le Tribunal).
39. Dès lors, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.
B – Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 108 TFUE et de l’article 1er du règlement no 659/1999, en ce qui concerne les notions d’aide nouvelle et d’aide existante
40. Ce moyen comporte deux branches relatives, la première, au fait que l’aide mise à exécution en violation des conditions de l’autorisation était une aide nouvelle et non existante, et, la seconde, au fait que la thèse du Tribunal ne tenait pas compte de l’équilibre institutionnel entre le Conseil et la Commission.
1. Argumentation des parties
a) La Commission
i) À titre liminaire
41. La Commission soutient, en substance, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour ( 5 ) qu’une simple violation des conditions imposées dans une décision précédente de compatibilité d’une aide implique l’existence d’une aide nouvelle et, en l’absence de faits nouveaux susceptibles d’aboutir à une appréciation différente, justifie une nouvelle décision d’incompatibilité.
42. Selon la Commission, la sécurité juridique impose de déterminer avec certitude si la mesure nationale est couverte par la décision de compatibilité, certitude qui ne peut être acquise que si la mesure en cause est pleinement conforme à l’autorisation et en respecte toutes les conditions. Par ailleurs, la Commission relève que, lorsqu’un État membre viole les conditions d’autorisation, l’aide mise à exécution ne correspond pas à celle autorisée par le Conseil et ne peut donc constituer une aide
existante.
43. Par ailleurs, la Commission relève que, en cas de non-respect des conditions imposées par la décision d’autorisation, l’État membre concerné peut toujours solliciter une nouvelle décision d’autorisation, en se fondant, notamment, sur des changements intervenus dans les circonstances factuelles.
ii) Sur la première branche
44. En premier lieu, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir considéré à tort, au point 50 de l’arrêt attaqué, que le système d’échelonnement des paiements constituait un régime d’aides existant jusqu’à ce que la Commission estime que celui-ci était à considérer comme une aide nouvelle. En procédant de la sorte, le Tribunal aurait méconnu le caractère objectif des notions « d’aide existante » et « d’aide nouvelle ».
45. En deuxième lieu, la Commission estime que, au point 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a invoqué à tort les arrêts du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C. (C‑138/09, EU:C:2010:291) ; du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission (T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111), et du 16 décembre 2010, Pays-Bas et NOS/Commission (T‑231/06 et T‑237/06, EU:T:2010:525), à l’appui de la considération selon laquelle, en cas de modification d’une aide existante, ce n’était pas toute aide existante
modifiée, mais seulement la modification en tant que telle qui était susceptible d’être qualifiée d’aide nouvelle.
46. En troisième lieu, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir, d’une part, au point 75 de l’arrêt attaqué, subordonné la qualification en tant qu’aide nouvelle d’une aide existante ou d’un régime d’aides existant ayant subi une modification, à la démonstration par la Commission que la modification affectait la substance même de la mesure préexistante et, d’autre part, exigé au point 76 de l’arrêt attaqué, que, en cas de contestation, la Commission justifie, au cours de la procédure
administrative, les raisons pour lesquels les arguments de l’État membre concerné, tirés du caractère non substantiel de la modification, ne lui paraissaient pas fondés.
47. En quatrième lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir tiré des conclusions quant au fond d’une prétendue insuffisance de motivation de la décision litigieuse, alors que le Tribunal a déjà rejeté aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué le grief de la République italienne relatif à la motivation de la décision litigieuse.
48. En cinquième lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir décrit de manière fallacieuse la position de celle-ci sur la question de savoir si le système d’échelonnement des paiements avait subi une modification substantielle.
49. En sixième lieu, la Commission considère, pour les raisons déjà exposées, que les conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu aux points 81 et 82 de l’arrêt attaqué sont fondées sur des prémisses erronées en droit.
50. En septième lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir estimé à tort, au point 88 de l’arrêt attaqué, que, en cas de violation des conditions attachées à une déclaration de compatibilité, la Commission ne pouvait remettre en cause que le bénéfice de la déclaration de compatibilité avec le marché intérieur accordé à la mesure en cause et non sa qualification en tant qu’aide existante, sous réserve de démontrer l’existence d’une modification substantielle de la mesure en cause.
51. En huitième lieu, la Commission estime que le Tribunal a, au point 89 de l’arrêt attaqué, interprété de manière erronée l’arrêt du 15 septembre 1998, Ryanair/Commission (T‑140/95, EU:T:1998:201), concernant le non-respect d’une décision ayant approuvé sous certaines conditions une aide appelée à être libérée par tranches successives. Il ressortirait de cet arrêt que le non-respect d’une condition d’autorisation implique non seulement que l’aide n’est pas couverte par la décision initiale, mais
aussi que les tranches suivantes sont présumées incompatibles à moins que la Commission ne décide d’accorder une dérogation.
52. En neuvième lieu, la Commission considère que l’on ne saurait assimiler à la révocation d’une décision antérieure la constatation, opérée par le Tribunal, au point 90 de l’arrêt attaqué, que certaines aides ne correspondent pas à ce qui a été autorisé. Par conséquent, contrairement à ce qu’affirme le Tribunal au point 91 de l’arrêt attaqué, il n’y aurait aucun contournement du règlement no 659/1999, ni aucune atteinte au principe de sécurité juridique.
b) La République italienne
53. Premièrement, la République italienne rétorque que le Tribunal ne s’est pas fondé sur la thèse selon laquelle l’aide existante, telle qu’autorisée par le Conseil, comprenait le report de paiement accordé en 2011, mais sur celle selon laquelle le report de paiement a constitué une aide nouvelle qui, faute pour la Commission d’avoir démontré que cette mesure a modifié substantiellement l’aide existante, n’a pu avoir aucune incidence sur l’aide existante.
54. Deuxièmement, la République italienne estime que c’est à tort que la Commission reproche au Tribunal de ne pas avoir tiré les conséquences de ses propres considérations s’agissant de la possibilité ouverte à la Commission de saisir la Cour au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE pour faire constater que la République italienne ne s’était pas conformée aux conditions de la décision d’autorisation.
55. Troisièmement, quant au grief de la Commission tendant à démontrer que le Tribunal aurait manqué de motiver son constat au point 76 de l’arrêt attaqué selon lequel ce n’est que lorsqu’elle démontre qu’une violation des conditions d’autorisation affecte la substance même de l’aide autorisée qu’elle peut se prévaloir de ses pouvoirs habituels en matière d’aides nouvelles, la République italienne fait valoir que la Commission ne tient pas compte de la règle selon laquelle la récupération d’une aide
existante ne peut être ordonnée que lorsqu’elle cesse de l’être, à savoir lorsqu’elle devient, par modification liée à l’aide existante, une aide nouvelle. Pour que cela se produise, il est nécessaire, selon la République italienne, que la modification apportée à un régime d’aides ne soit pas clairement séparable du régime initial et, en outre, que cette modification affecte la substance même du régime initial.
56. Quatrièmement, quant aux griefs de la Commission à propos de la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle et non existante, la République italienne souligne que le Tribunal n’a pas affirmé, contrairement à ce que prétend la Commission, que, en cas de violation des conditions d’autorisation, la Commission ne pouvait intervenir qu’en démontrant que l’État membre avait apporté une modification substantielle à l’aide existante.
57. Quoi qu’il en soit, si la nouvelle mesure constitue elle-même une aide illégale, la Commission pourrait adopter une décision interdisant la mise à exécution de cette mesure, ou, dans le cas où la mesure aurait déjà été mise à exécution, ordonner la récupération de l’aide, rétablissant ainsi les conditions auxquelles l’aide avait été autorisée.
58. La République italienne conteste également l’argument de la Commission selon lequel, indépendamment du point de savoir si une aide existante a ou non été mise à exécution régulièrement, la violation de l’une des conditions d’autorisation dont est assortie la décision d’autorisation transforme l’ensemble de la mesure préexistante en une aide nouvelle. En s’appuyant sur l’arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission (C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, points 29 et 30), cet État membre fait
valoir que la Cour adopte un raisonnement différent dans sa jurisprudence.
2. Appréciation de la première branche du deuxième moyen
59. Dans la présente affaire, il est constant que la modification apportée à la mesure préexistante autorisée par le Conseil constitue une aide nouvelle et illégale, ce point ayant été tranché par le Tribunal et n’étant pas contesté devant la Cour. La question qui est donc au centre du dossier devant la Cour est celle de savoir si cette modification transforme l’intégralité de l’aide existante ainsi modifiée en une aide nouvelle et à quelles conditions. Est-ce automatique ou faut-il que la
modification soit substantielle et non détachable de la mesure préexistante ( 6 ) ?
60. En d’autres termes, le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit, en jugeant que la transformation de l’aide existante en aide nouvelle était soumise à la démonstration que la modification affectait la mesure préexistante de manière substantielle et en était non détachable, démonstration que n’avait pas faite la Commission en l’espèce ?
a) Que dit la jurisprudence ?
i) L’arrêt Heineken Brouwerijen (91/83 et 127/83)
61. Le premier arrêt qui retient mon attention est l’arrêt du 9 octobre 1984, Heineken Brouwerijen (91/83 et 127/83, EU:C:1984:307, points 19 à 22), dans lequel la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur l’interdiction, prévue à l’article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité, de mettre à exécution les mesures projetées avant que les procédures prescrites aux paragraphes 2 et 3 n’aient abouti à une décision finale. La juridiction de renvoi demandait si cette interdiction de mise à
exécution s’appliquait à un projet d’aide régulièrement notifié dans sa version initiale mais modifié ultérieurement sans que la Commission en ait été informée et si, dans ce cas, l’interdiction s’appliquait uniquement à la partie de l’aide instituée par cette modification.
62. Aux termes du point 20 dudit arrêt, « [a]insi que la Cour l’a déjà souligné, entre autres dans son ordonnance du 20 septembre 1983 (Commission/République française, 171/83 R, Recueil 1983, p. 2621), la dernière phrase du paragraphe 3 de l’article 93 constitue la sauvegarde du mécanisme de contrôle institué par cet article, lequel, à son tour, est essentiel pour garantir le fonctionnement du marché commun. L’interdiction de mise à exécution prévue à cet article vise à garantir que les effets du
régime d’aides ne se produisent pas avant que la Commission n’ait eu un délai raisonnable pour examiner le projet en détail et, le cas échéant, entamer la procédure prévue au paragraphe 2 de ce même article ».
63. Et la Cour de conclure au point 21 de cet arrêt que « l’interdiction en cause vise le régime d’aides dans sa totalité et dans sa version finale arrêtée par les autorités nationales. Si le projet initial a été modifié, l’article 93, paragraphe 3, dernière phrase, [du traité] s’applique donc au projet ainsi modifié. Dans le cas où le projet a été notifié sans que la Commission ait formulé des objections contre ce projet, mais où l’État membre concerné y a apporté des modifications dont la
Commission n’a pas été informée, ladite disposition s’oppose à la mise à exécution du régime d’aides dans sa totalité. Il ne peut en être autrement que dans l’hypothèse où la prétendue modification constitue en réalité une mesure d’aide distincte qui devrait faire l’objet d’une appréciation séparée et qui ne serait donc pas susceptible d’influencer l’appréciation que la Commission a déjà portée sur le projet initial » (italique ajouté par mes soins).
ii) L’arrêt Italie/Commission (C‑261/89)
64. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 octobre 1991, Italie/Commission (C‑261/89, EU:C:1991:367, points 2 à 4 et 20 à 23), la Commission avait autorisé les aides prévues par la République italienne en invitant le gouvernement italien à s’abstenir jusqu’à la fin de l’année 1988 d’octroyer d’autres aides, sous quelque forme que ce soit, au groupe à participation d’État concerné du secteur de l’aluminium, mais, le 18 septembre 1987, les autorités italiennes ont autorisé l’EFIM (Ente
partecipazione e finanziamenti industrie manifatturiere) à effectuer une émission obligataire à la charge de l’État, dont les recettes seraient affectées, à hauteur de 100 milliards de lires italiennes (ITL) (environ 52 millions d’euros), au financement des investissements dans les sociétés Alumínia (70 milliards de ITL – environ 36 millions d’euros) et Compagnia Sarda Alluminio (ci-après « Comsal » ; 30 milliards de ITL – environ 15,5 millions d’euros).
65. Au point 20 dudit arrêt, la Cour a jugé que, « [e]n ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission, pour constater la violation de la décision précédente, aurait dû saisir la Cour, il y a lieu de relever d’abord que, lorsque la Commission examine la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents, y compris le cas échéant le contexte déjà apprécié dans une décision antérieure ainsi que les obligations que cette
décision précédente a pu imposer à un État membre. En l’espèce, on ne saurait reprocher à la Commission d’avoir apprécié la nouvelle aide dans le contexte de l’ensemble des aides à l’industrie de l’aluminium, comme l’a fait d’ailleurs le gouvernement italien lui‑même dans ses observations au cours de la phase précontentieuse » (italique ajouté par mes soins).
66. Au point 21 du même arrêt, la Cour a jugé que, « [e]n outre, la procédure d’examen des aides au titre de l’article 93, paragraphe 2, [du traité] permet d’apprécier tout nouvel élément de fait de nature à modifier l’appréciation de la Commission, compte tenu de la finalité des nouvelles aides ainsi que de toutes les circonstances économiques pertinentes au moment où les aides sont accordées ».
67. Aux termes du point 22 dudit arrêt, « [i]l y a lieu de constater qu’en l’espèce le gouvernement italien n’a fourni, à aucun moment de la procédure, d’éléments nouveaux de nature à modifier l’appréciation que la Commission avait déjà portée dans sa décision du 17 décembre 1986. Il s’est borné, sans apporter aucun argument, à demander que les nouvelles aides fussent appréciées à la lumière de l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité CEE ».
68. Enfin, aux termes du point 23 de cet arrêt, « [i]l s’ensuit que, dès lors que la Commission n’avait obtenu, lorsqu’elle a pris la décision litigieuse, aucun élément nouveau lui permettant d’apprécier si les aides en cause pouvaient bénéficier de la dérogation prévue à l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, elle était fondée à baser sa décision sur les appréciations qu’elle avait déjà portées dans la décision précédente et sur l’inobservation de la condition qu’elle y avait imposée »
(italique ajouté par mes soins).
iii) L’arrêt Italie/Commission (C‑47/91)
69. Il convient d’encore de mentionner l’arrêt du 5 octobre 1994, Italie/Commission (C‑47/91, EU:C:1994:358, points 24 à 26), dont le point 24 relève que « lorsqu’elle est confrontée à une aide individuelle dont il est soutenu qu’elle a été octroyée en application d’un régime préalablement autorisé, la Commission ne peut d’emblée l’examiner directement par rapport au traité. Elle doit se borner d’abord, avant l’ouverture de toute procédure, à contrôler si l’aide est couverte par le régime général et
satisfait aux conditions fixées dans la décision d’approbation de celui-ci. Si elle ne procédait pas de la sorte, la Commission pourrait, lors de l’examen de chaque aide individuelle, revenir sur sa décision d’approbation du régime d’aides, laquelle présupposait déjà un examen au regard de l’article 92 du traité. Les principes de confiance légitime et de sécurité juridique seraient alors mis en péril tant pour les États membres que pour les opérateurs économiques, puisque des aides individuelles
rigoureusement conformes à la décision d’approbation du régime d’aides pourraient à tout moment être remises en cause par la Commission » (italique ajouté par mes soins).
70. Et la Cour de poursuivre au point 25 que, « [s]i, à la suite d’un examen ainsi limité, la Commission constate que l’aide individuelle est conforme à sa décision d’approbation du régime, celle-ci devra être traitée comme une aide autorisée, donc comme une aide existante. Dès lors, la Commission ne pourra en ordonner la suspension puisque l’article 93, paragraphe 3, du traité ne lui confère ce pouvoir que vis-à-vis des aides nouvelles » (italique ajouté par mes soins) ( 7 ).
iv) L’arrêt Espagne/Commission (C‑36/00)
71. Le dernier arrêt (et le plus récent) auquel je voudrais me référer est l’arrêt du 21 mars 2002, Espagne/Commission (C‑36/00, EU:C:2002:196), dont le point 24 relève que « [l]orsque la Commission constate qu’une aide, dont il est soutenu qu’elle a été octroyée en application d’un régime d’aides préalablement autorisé, ne respecte pas les conditions prévues dans sa décision d’approbation du régime et n’est pas dès lors couverte par celle-ci, cette aide doit être considérée comme une aide
nouvelle» ( 8 ).
72. La Cour ajoute au point 25 du même arrêt que, « si, lors de l’octroi d’une aide en application d’un régime préalablement autorisé, l’État membre ne respecte pas les conditions auxquelles la Commission a soumis sa décision d’approbation dudit régime, l’aide versée étant une aide nouvelle, la Commission a l’obligation d’ouvrir la procédure spéciale prévue à l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE […]» ( 9 ).
b) Application au cas d’espèce
73. Il résulte de la jurisprudence examinée ci-dessus que, en citant, au point 61 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence constante qui, comme on l’a vu, autorise la Commission à fonder sa nouvelle décision sur les appréciations déjà portées dans la décision antérieure et sur le non‑respect des conditions imposées par celle‑ci, le Tribunal méconnaît le fait que, pour la Cour, la violation de ces conditions était suffisante en soi pour fonder une nouvelle décision, d’incompatibilité cette fois, pour
l’aide préalablement autorisée, et ce dans le cadre de l’examen des aides nouvelles et certainement pas des aides existantes.
74. Il ressort de cette jurisprudence que, si la Commission constate qu’une aide octroyée sur la base d’un régime déjà autorisé ne satisfait plus aux conditions prévues par la décision d’approbation du régime et par conséquent n’est plus conforme à cette décision, ladite aide doit être considérée comme une aide nouvelle. En d’autres termes, la violation des conditions imposées dans une décision précédente de compatibilité transforme l’aide autorisée en aide nouvelle et, en l’absence de faits
nouveaux susceptibles d’aboutir à une appréciation différente, justifie une nouvelle décision d’incompatibilité.
75. Cette approche me paraît en outre conforme au système de contrôle préventif des projets d’aides nouvelles, institué par le traité ( 10 ). Une aide ne reste existante que si les conditions de compatibilité sont respectées.
76. Je suis donc d’avis (comme la Commission) que, par définition, une aide mise à exécution en violation des conditions de compatibilité imposées par la Commission ou, comme en l’espèce, par le Conseil, est différente de la mesure autorisée par l’institution compétente, qui n’est donc plus une aide existante et perd la qualité d’être autorisée.
77. Dans une situation comme celle en l’espèce, il n’est donc pas nécessaire de s’interroger ni sur le caractère substantiel des modifications ni sur leur caractère détachable.
78. Les faits de l’espèce et les hypothèses discutées lors de l’audience permettent d’illustrer les principes qui précèdent.
79. Je rappelle que l’aide autorisée par le Conseil, à savoir, pour la République italienne, de se substituer à ses producteurs de lait pour verser à l’Union le montant dû par ces derniers au titre du prélèvement supplémentaire sur le lait et les produits laitiers pour les campagnes 1995/1996 à 2001/2002, était subordonnée notamment à la condition que lesdits producteurs de lait remboursent intégralement leur dette à la République italienne sous la forme d’annuités constantes, sans intérêts et
pendant une période ne dépassant pas quatorze ans à compter du 1er janvier 2004.
80. Après l’autorisation du Conseil, l’Italie a unilatéralement accordé un report au 30 juin 2011 du délai fixé pour le paiement des montants échus le 31 décembre 2010.
81. Je rappelle aussi que, aux termes de l’article 1er, sous b), du règlement no 659/1999, il y a cinq catégories différentes d’aides existantes : i) des aides (ou régimes d’aides) « historiques », à savoir en vigueur dans un État membre avant son adhésion et continuant d’exister après son entrée dans l’Union ; ii) des aides individuelles (ou régimes d’aides) autorisés par la Commission ou le Conseil ; iii) des situations relatives aux conséquences de l’inaction de la Commission dans son examen des
aides nouvelles ; iv) des aides découvertes par la Commission après l’écoulement du délai de prescription de l’action (de dix années, en application de l’article 15 du règlement no 659/1999) ; et, enfin, v) des mesures de financement, des exonérations, des avantages fiscaux, etc., accordés à des opérateurs économiques et/ou à des secteurs qui, après la libéralisation des échanges, ne sont plus compatibles avec le respect des règles de concurrence et la discipline des aides d’État.
82. Ainsi que la Commission l’a relevé, pour les catégories i), iv) et v), il suffit en principe de regarder la date de l’octroi de l’aide, la Commission ne devant pas examiner son contenu en tant que tel. En revanche, pour une aide de catégorie ii), comme celle dont il s’agit en l’espèce, et iii), la Commission doit en vérifier le contenu afin de s’assurer que cette aide correspond effectivement à ce qu’elle a autorisé ou à ce que le Conseil a autorisé. Si c’est le cas, l’aide sera existante ;
sinon, il s’agira ipso facto d’une aide nouvelle.
83. En l’occurrence, le report de paiement a été accordé par la République italienne à des bénéficiaires de l’aide qui avait été autorisée par le Conseil et modifie pour les mêmes bénéficiaires le tableau d’échelonnement des remboursements qui était une des conditions de l’autorisation de l’aide par le Conseil.
84. Je pense donc que, ipso facto, la mesure ainsi modifiée devient une aide nouvelle, puisqu’elle n’est plus couverte par la définition d’aide existante énoncée dans le règlement d’application qui impose la condition que l’aide corresponde bien à ce qui a été autorisé. Si elle ne correspond plus à ce qui a été accordé, il ne peut simplement plus être question d’aide existante ( 11 ).
85. Lors de l’audience fut évoquée l’hypothèse que, alors que l’aide en question n’aurait été autorisée par le Conseil que pour les producteurs laitiers installés en Italie, la République italienne aurait ajouté les producteurs de lait siciliens au même régime. Dans ce cas, l’aide accordée aux producteurs siciliens constituerait à coup sûr une aide nouvelle mais elle se situerait au-delà de l’objet de l’aide autorisée et concernerait d’autres bénéficiaires. L’aide autorisée resterait donc une aide
existante, les conditions imposées par le Conseil restant applicables à tous les bénéficiaires de l’aide autorisée. Seule l’extension à la Sicile serait une aide nouvelle.
86. Ce qui précède est parfaitement conforme à la philosophie du système de contrôle des aides d’État tel que prévu par le traité FUE : il est important pour le bon fonctionnement, la clarté, la transparence et l’efficacité de ce système que des aides existantes ne soient que des aides effectivement autorisées et non celles qui ont été modifiées.
87. Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 108 TFUE et 1er du règlement no 659/1999 en ce qui concerne les notions d’ « aide nouvelle » et d’ « aide existante », dans la mesure où il a considéré, en substance, que l’aide faisant l’objet de la décision litigieuse restait une aide existante puisqu’elle avait initialement été autorisée par le Conseil, à la demande de la République italienne, par la décision 2003/530, et ce même si l’Italie n’avait
pas respecté l’une des deux conditions cumulatives auxquelles le Conseil avait subordonné cette autorisation, et notamment celle d’obtenir auprès des bénéficiaires le remboursement intégral de leur dette envers la République italienne par tranches annuelles d’un même montant, d’une part, et sur une période ne dépassant pas quatorze ans, à compter du 1er janvier 2004, d’autre part.
88. Le Tribunal a donc erronément jugé que la Commission n’aurait pu considérer cette mesure ainsi modifiée comme une aide nouvelle, plutôt que comme une aide existante, que si elle avait démontré que la modification affectait l’aide de manière substantielle ou n’en était pas détachable.
89. Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être accueillie.
3. Seconde branche
a) Argumentation des parties
90. La Commission fait valoir, en substance, que l’arrêt du Tribunal ne tient pas dûment compte du fait que le système d’échelonnement des paiements a été autorisé par le Conseil.
91. La République italienne rétorque que le Tribunal n’a nullement jugé que la mesure contestée était couverte par la décision d’autorisation dont elle a fait l’objet. Au contraire, le Tribunal aurait confirmé la décision litigieuse en ce qu’elle a déclaré l’aide concernée illégale et en a ordonné sa récupération.
92. En outre, la République italienne relève que l’article 1er, sous b), ii), du règlement no 659/1999 met les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission et ceux autorisés par le Conseil sur un pied d’égalité, en les considérant tous deux comme des aides existantes. Le Tribunal aurait également procédé à une telle constatation dans l’arrêt attaqué.
b) Appréciation
93. Je suis d’accord avec la Commission pour estimer que l’arrêt attaqué ne tient pas dûment compte du fait que le système d’échelonnement des paiements a été autorisé par le Conseil en vertu des pouvoirs extraordinaires qui lui sont conférés par l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE.
94. Une décision prise en vertu de tels pouvoirs extraordinaires doit faire l’objet d’une interprétation restrictive et ne saurait être interprétée de manière à couvrir des aides qui ne correspondraient pas exactement à ce qui a été autorisé par le Conseil. Dès lors, l’interprétation du Tribunal selon lequel il conviendrait de considérer comme aides existantes des aides accordées en violation des conditions imposées par le Conseil, sauf s’il était démontré que le non-respect de ces conditions
affectait la substance même des aides approuvées, est erronée.
95. En outre, alors que le Conseil peut faire usage de ses pouvoirs extraordinaires qui lui sont conférés par l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, la Commission, qui ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation aussi étendu que celui attribué au Conseil, ne peut que vérifier le respect des conditions d’autorisation fixées par le Conseil. La Commission doit, en effet, supposer que le respect de ces conditions imposées par le Conseil dans le cadre de ses pouvoirs extraordinaires est
d’une importance essentielle, sans modulations ni exceptions. En outre, elle ne peut, lorsqu’une autorisation est fondée sur le pouvoir d’appréciation extraordinaire reconnu au Conseil, procéder à une nouvelle appréciation.
96. Le cas échéant, les autorités italiennes auraient pu demander au Conseil d’adopter une nouvelle décision et d’autoriser le régime résultant du report décidé en 2011. Elles ne l’ont pas fait et la Commission ne pouvait pas se substituer au Conseil.
97. Par conséquent, même en admettant que la thèse du Tribunal ait une certaine validité dans le cas d’aides autorisées sous conditions par la Commission elle-même, ces considérations ne sauraient être invoquées lorsque les aides ont été autorisées par le Conseil.
98. Dès lors, la seconde branche du deuxième moyen doit également être accueillie et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble, ce qui a pour conséquence que l’arrêt attaqué doit être annulé.
C – Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 108 TFUE et des articles 4, 6, 7, 14 et 16 du règlement no 659/1999, en ce qui concerne les procédures applicables aux aides nouvelles et aux aides appliquées de façon abusive
1. Argumentation des parties
99. La Commission fait grief au Tribunal, qui avait admis, dans un premier temps, au point 67 de l’arrêt attaqué, que le non-respect par un État membre des conditions d’autorisation constituait également une forme d’application abusive, d’avoir exclu, au point 68 dudit arrêt, la pertinence des dispositions relatives aux aides appliquées de façon abusive, en relevant qu’elle n’avait pas fondé sa décision sur ces dispositions, et en considérant que les notions d’aide nouvelle et d’aide appliquée de
façon abusive s’excluaient mutuellement.
100. La Commission, en se fondant sur le considérant 15 et sur l’article 16 du règlement no 659/1999, fait valoir que des aides nouvelles et des aides appliquées de façon abusive produisent des effets similaires, raison pour laquelle elles sont soumises à des procédures similaires, sauf pour l’injonction de récupération, qui est limitée à la procédure relative à une aide nouvelle. Selon la Commission, dès lors qu’il n’était pas question dans le litige devant le Tribunal de l’application d’une
injonction de récupération visée à l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement, l’erreur que la Commission aurait pu commettre en qualifiant l’aide de nouvelle et non appliquée de façon abusive serait une erreur innocente, dépourvue de toute conséquence juridique, étant donné que toutes les exigences procédurales applicables aux aides appliquées de façon abusive auraient été, en l’occurrence, suivies. Dès lors, une telle erreur dans la qualification de l’aide ne saurait conduire à l’annulation
de la décision litigieuse, dans la mesure où elle concerne le régime d’aides visé à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse et les aides individuelles accordées en application de ces aides.
101. La République italienne rétorque que, même si les pouvoirs dont dispose la Commission sont analogues dans le cadre de la procédure relative à une aide nouvelle et celle relative aux aides appliquées de façon abusive, le résultat de ces deux procédures n’est pas nécessairement le même. Cet État membre souligne que l’impossibilité d’adopter une injonction provisoire de récupération dans le cadre de la procédure de contrôle des aides appliquées de manière abusive est motivée par le fait qu’il
s’agit d’une aide précédemment approuvée par la Commission et que c’est précisément pour cette raison que, dans le cadre de la procédure relative à une aide appliquée de manière abusive, et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une aide appliquée par un État membre de manière abusive, l’intervention de la Commission devrait être principalement dirigée vers le rattachement de la mesure à l’autorisation initiale, à savoir vers l’imposition d’une modification et non d’une suppression de l’aide.
Toute autre approche serait contraire au principe de confiance légitime et donc à l’article 14, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 659/1999.
2. Appréciation
102. Il suffit de constater, à cet égard, que le Tribunal n’a pas conclu dans l’arrêt attaqué au caractère abusif de l’application du système d’échelonnement des paiements, mais s’est limité à estimer que, « dès lors que le report de paiement était intervenu en violation de la décision du Conseil, la Commission était en droit, conformément à l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, de déterminer s’il convenait de considérer ou non que le système d’échelonnement des paiements autorisé par
le Conseil avait été appliqué de façon abusive du fait d’une telle violation » (point 66 de l’arrêt attaqué, italique ajouté par mes soins).
103. En effet, le fait que le Tribunal ait reconnu, au point 67 de l’arrêt attaqué, que la notion d’aide appliquée de façon abusive incluait également le cas du non-respect, par un État membre, de conditions imposées dans la décision d’approbation, ne change en rien ce constat.
104. Partant, le grief de la Commission doit être rejeté, le Tribunal n’ayant pas qualifié le système d’échelonnement des paiements d’aide appliquée de façon abusive.
D – Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué
105. Étant donné que le Tribunal a déjà rejeté les autres moyens de recours présentés en première instance, la Cour peut statuer elle‑même définitivement sur le litige en rejetant le recours en première instance dans son intégralité, conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
V – Sur les dépens
106. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour de justice, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Comme la Commission a demandé que la République italienne soit condamnée aux dépens et que celle-ci succombe pour l’essentiel, elle doit être condamnée aux dépens des deux instances.
VI – Conclusion
107. Pour ces raisons, je propose à la Cour de statuer comme suit :
– annuler l’arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 24 juin 2015, dans l’affaire T‑527/13, République italienne contre Commission, pour autant que ce dernier a annulé, d’une part, l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/665/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant le régime d’aides d’État SA.33726 (11/C) [ex SA.33726 (11/NN)] mis à exécution par l’Italie (report de paiement du prélèvement laitier) et, d’autre part, les articles 2 à 4 de cette décision en tant qu’ils
concernent, d’une part, le régime d’aides visé par son article 1er, paragraphe 2, et, d’autre part, les aides individuelles accordées en application de ce régime d’aides ;
– rejeter le pourvoi pour le surplus ; et
– rejeter le recours intenté en première instance et condamner la République italienne aux dépens des deux instances.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Décision du 17 juillet 2013 concernant le régime d’aides d’État SA.33726 (11/C) [ex SA.33726 (11/NN)] mis à exécution par l’Italie (report de paiement du prélèvement laitier) (JO 2013, L 309, p. 40, ci-après la « décision litigieuse »).
( 3 ) Règlement no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).
( 4 ) Règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 659/1999 (JO 2004, L 140, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 286, p. 3).
( 5 ) Arrêts du 3 octobre 1991, Italie/Commission (C‑261/89, EU:C:1991:367, points 2 à 4 et 20 à 23) ; du 5 octobre 1994, Italie/Commission (C‑47/91,EU:C:1994:358, points 24 à 26), et du 21 mars 2002, Espagne/Commission (C‑36/00, EU:C:2002:196, points 22 à 25), ainsi que ordonnance du 22 mars 2012, Italie/Commission (C‑200/11 P, non publiée, EU:C:2012:165, point 26).
( 6 ) Il ne convient donc pas, dans la présente affaire, d’aborder le problème de savoir si, d’une part, dans l’arrêt du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission (C‑271/13 P, EU:C:2014:175, point 30 à 39), la Cour a posé ou non (indirectement) comme critère pertinent la « modification substantielle » de la mesure préexistante pour faire de cette modification une aide nouvelle et, d’autre part, dans quelle mesure sont conciliables l’arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados
(C‑590/14 P, EU:C:2016:797), qui a clairement rejeté l’approche du Tribunal fondée sur ladite notion, et l’arrêt du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission (C‑271/13 P, EU:C:2014:175), dans lequel la Cour semble avoir validé le raisonnement du Tribunal dans l’arrêt attaqué, fondé sur la vérification du caractère substantiel de la modification apportée à une aide existante. Il convient de noter que, dans l’arrêt de 2016, la Cour ne se réfère pas à l’arrêt de 2014. Les deux arrêts ont été prononcés
par des chambres à trois juges, sans conclusions de l’avocat général.
( 7 ) La Cour fait référence à ce point 25 au point 83 de son arrêt du 16 mai 2002, ARAP e.a./Commission (C‑321/99 P, EU:C:2002:292).
( 8 ) La Cour cite l’arrêt du 5 octobre 1994, Italie/Commission (C‑47/91, EU:C:1994:358, points 24 à 26).
( 9 ) La Cour cite l’arrêt du 4 février 1992, British Aerospace et Rover/Commission (C‑294/90, EU:C:1992:55, point 13).
( 10 ) Voir arrêts du 11 décembre 1973, Lorenz (120/73, EU:C:1973:152, point 2), ainsi que du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication (C‑199/06, EU:C:2008:79, point 37).
( 11 ) Dès l’instant où le bénéficiaire a payé régulièrement selon le schéma des tranches annuelles établies par le Conseil, il n’y a pas eu de conséquences différentes de celles qui avaient été prévues par le Conseil dans sa décision. Par conséquent, aucun motif ne justifie la récupération. À l’inverse, si le bénéficiaire s’est vu accorder une prorogation et n’a donc plus respecté le schéma de remboursement de quatorze ans, il a en fait obtenu quelque chose en plus de ce que le Conseil avait
autorisé. Par conséquent, le tout devient une aide nouvelle.