CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. NILS WAHL
présentées le 8 décembre 2016 ( 1 )
Affaire C‑85/15 P, affaires jointes C‑86/15 P et C‑87/15 P, affaires C‑88/15 P et C‑89/15 P
Feralpi Holding SpA (C‑85/15 P),
Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA (C‑86/15 P),
Alfa Acciai SpA (C‑87/15 P),
Ferriere Nord SpA (C‑88/15 P),
Riva Fire SpA, en liquidation (C‑89/15 P)
contre
Commission européenne
« Pourvois – Concurrence – Traité CECA – Droits de la défense – Communication des griefs – Audition – Comité consultatif – Durée excessive de la procédure devant le Tribunal – Récidive – Distanciation publique – Compétence de pleine juridiction »
1. Par leurs pourvois, Feralpi Holding SpA (ci-après « Feralpi »), Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA (ci‑après « Valsabbia »), Alfa Acciai SpA, Ferriere Nord SpA et Riva Fire SpA (ci-après, prises ensemble, les « requérantes ») demandent, en substance, à la Cour d’annuler les arrêts du Tribunal de l’Union européenne ( 2 ) par lesquels ce dernier a rejeté (en tout ou dans une large mesure) leurs recours tendant à l’annulation d’une décision de la Commission européenne adoptée au
titre de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 ( 3 ), leur infligeant une amende pour avoir participé, entre 1989 et 2000, à une entente sur le marché des ronds à béton armé.
2. Ces pourvois soulèvent un certain nombre de questions procédurales, telles que la manière appropriée de mener la procédure au titre du règlement no 1/2003 et du règlement (CE) no 773/2004 ( 4 ), les conditions d’application de la circonstance aggravante de récidive et les voies de droit disponibles en cas de durée excessive de la procédure devant le Tribunal. Pour des raisons d’économie procédurale, ces questions seront examinées conjointement dans les présentes conclusions.
I – Cadre juridique
A – Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier
3. Selon l’article 65 CA :
« 1. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence et en particulier :
a) à fixer ou déterminer les prix ;
b) à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ;
c) à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement.
[…]
4. Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.
La Haute Autorité a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.
5. La Haute Autorité peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer, par voie d’arbitrage, dédit, boycott, ou tout autre moyen, un accord ou une décision nuls de plein droit ou un accord dont l’approbation a été refusée ou révoquée, ou qui obtiendraient le bénéfice d’une autorisation au moyen d’informations sciemment fausses ou déformées, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des
amendes et astreintes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique contraires aux dispositions du présent article, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 p. 100 du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause, en ce qui concerne l’amende, et de 20 p. 100 du
chiffre d’affaires journalier, en ce qui concerne les astreintes ».
4. En vertu de son article 97, le traité CECA est venu à expiration le 23 juillet 2002.
B – Règlement no 1/2003
5. L’article 7, paragraphe 1 (intitulé « Constatation et cessation d’une infraction »), du règlement no 1/2003 dispose :
« Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de [l’article 101 ou de l’article 102 TFUE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. […] »
6. En vertu de l’article 14 (intitulé « Comité consultatif ») du même règlement :
« 1. La Commission consulte un comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes avant de prendre une décision en application des articles 7, 8, 9, 10 et 23, de l’article 24, paragraphe 2, et de l’article 29, paragraphe 1.
2. Pour l’examen des cas individuels, le comité consultatif est composé de représentants des autorités de concurrence des États membres. […]
3. La consultation peut avoir lieu au cours d’une réunion convoquée et présidée par la Commission, qui se tient au plus tôt quatorze jours après l’envoi de la convocation, accompagnée d’un exposé de l’affaire, d’une indication des pièces les plus importantes et d’un avant-projet de décision. […] Le comité consultatif émet un avis écrit sur l’avant-projet de décision de la Commission. […]
[…]
5. La Commission tient le plus grand compte de l’avis du comité consultatif. Elle informe ce dernier de la façon dont elle a tenu compte de son avis. […] »
7. Aux termes de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, entre autres, elles commettent, de propos délibéré ou par négligence, une infraction aux dispositions de l’article 101 ou de l’article 102 TFUE.
8. Enfin, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 dispose :
« Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. […] »
C – Règlement no 773/2004
9. L’article 10 (intitulé « Communication des griefs et réponse ») du règlement no 773/2004 ( 5 ) dispose :
« 1. La Commission informe par écrit les parties concernées des griefs soulevés à leur encontre. La communication des griefs est notifiée à chacune d’elles.
2. Lors de la notification de la communication des griefs, la Commission donne aux parties concernées la possibilité de l’informer par écrit de leur point de vue dans un délai qu’elle fixe. […]
3. Dans leurs observations écrites, les parties peuvent exposer tous les faits dont elles ont connaissance et qui entrent en ligne de compte dans leur défense contre les griefs soulevés par la Commission. […] »
10. Aux termes de l’article 11 (intitulé « Droit des parties d’être entendues ») du règlement no 773/2004 :
« 1. La Commission donne aux parties auxquelles elle a adressé une communication des griefs la possibilité d’être entendues avant de consulter le comité consultatif visé à l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003.
2. Dans ses décisions, la Commission ne retient que les griefs au sujet desquels les parties visées au paragraphe 1 ont eu l’occasion de présenter des observations ».
11. Conformément à l’article 12 (intitulé « Droit à une audition ») du règlement no 773/2004 :
« La Commission donne aux parties auxquelles elle a adressé une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites ».
12. En vertu de l’article 14, paragraphe 3 (intitulé « Conduite des auditions »), du même règlement, la Commission doit « invite[r] les autorités de concurrence des États membres à prendre part à l’audition ».
II – Antécédents du litige
13. D’octobre à décembre 2000, la Commission a procédé à plusieurs inspections dans les bureaux de certaines entreprises italiennes actives dans la production de ronds à béton armé ainsi que dans les bureaux d’une association d’entreprises sidérurgiques italiennes. Elle leur a également demandé de lui communiquer des informations au titre de l’article 47 CA. Le 26 mars 2002, la Commission a engagé la procédure administrative et a formulé des griefs au titre de l’article 36 CA. Les requérantes ont
déposé des observations écrites sur la communication des griefs et ont été entendues lors d’une audition, le 13 juin 2002. Le 12 août 2002, la Commission a adopté une communication des griefs supplémentaire. Dans cette communication des griefs supplémentaire, la Commission expliquait sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA et déclarait avoir engagé une procédure au titre du règlement no 17/62 ( 6 ). Les requérantes ont déposé des observations écrites
sur la communication des griefs supplémentaire. Une seconde audition, en présence des représentants des États membres, a eu lieu le 30 septembre 2002.
14. Le 17 décembre 2002, la Commission a adopté la décision C(2002) 5087 final relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), par laquelle elle a constaté que plusieurs entreprises (parmi lesquelles figuraient les requérantes) avaient violé l’article 65, paragraphe 1, CA et leur a infligé des amendes. Plusieurs de ces entreprises ont contesté la décision de 2002 devant le Tribunal.
15. Par arrêts du 25 octobre 2007 (ci-après les « arrêts de 2007 ») ( 7 ), le Tribunal a annulé la décision de 2002. Le Tribunal a jugé que, compte tenu de l’absence complète de référence à l’article 3 et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17, la base juridique procédurale de cette décision était l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA. Il a ensuite souligné que, selon une jurisprudence constante, la disposition constituant la base juridique d’un acte doit être en vigueur au moment de
l’adoption de celui-ci et a fait observer que l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA était venu à expiration le 23 juillet 2002. Le Tribunal a, par conséquent, conclu que la Commission n’avait plus de compétence pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour infliger des amendes aux entreprises responsables sur la base de l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA après l’expiration du traité CECA.
16. Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé les requérantes et les autres entreprises concernées de son intention de réadopter une décision sur la base d’une disposition juridique différente. La Commission a également indiqué que, compte tenu de la portée limitée des arrêts de 2007, la nouvelle décision serait fondée sur les éléments de preuve présentés dans la communication des griefs ainsi que dans la communication des griefs supplémentaires envoyées aux entreprises concernées en 2002.
Un délai a été accordé aux entreprises concernées pour présenter leurs observations, ce qu’elles ont fait.
17. Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la décision C(2009) 7492 final relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton, réadoption). Cette décision a, par la suite, été modifiée par la décision C(2009) 9912 final du 8 décembre 2009 ( 8 ). Dans la décision attaquée, la Commission a constaté une infraction à l’article 65 CA dans le chef des requérantes et leur a infligé une amende.
III – La procédure devant le Tribunal et les arrêts attaqués
18. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 17 février 2010 (affaire T‑92/10), le 18 février 2010 (affaire T‑85/10) et le 19 février 2010 (affaires T‑70/10, T‑83/10 et T‑90/10), les requérantes ont demandé l’annulation de la décision attaquée.
19. Le Tribunal a rendu son arrêt dans les cinq affaires le 9 décembre 2014, rejetant, en tout ou dans une large mesure, ces recours.
IV – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
20. Dans leurs pourvois déposés le 19 février 2015 (affaire C‑85/15 P), le 20 février 2015 (affaires C‑86/15 P, C‑87/15 P et C‑88/15 P) et le 24 février 2015 (affaire C‑89/15 P), les requérantes demandent à la Cour d’annuler l’arrêt rendu par le Tribunal en première instance les concernant, d’annuler la décision attaquée ou de réduire les amendes qui leur ont été infligées (ou, à titre subsidiaire, de renvoyer les affaires devant le Tribunal en vue de leur réexamen) ainsi que de condamner la
Commission aux dépens. Riva Fire demande également à la Cour de déclarer que la procédure devant le Tribunal, en raison de sa durée, a méconnu l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »). Feralpi, Valsabbia et Alfa Acciai demandent également à la Cour de déclarer qu’il y a eu
violation de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, dans l’hypothèse où la Cour devrait ne pas réduire l’amende à ce titre.
21. Dans chacune de ces affaires, la Commission a demandé à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.
22. Par décision du Président de la Cour de justice du 7 juin 2016, les affaires C‑86/15 P et C‑87/15 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt. Les requérantes et la Commission ont présenté des observations orales lors d’une audience commune qui s’est tenue le 20 octobre 2016.
V – Appréciation des moyens
23. Dans leurs requêtes, les requérantes invoquent respectivement six moyens (affaire C‑85/15 P), sept moyens (affaires jointes C‑86/15 P et C‑87/15 P), neuf moyens (affaire C‑88/15 P) et quatre moyens (affaire C‑89/15 P).
24. Dans les présentes conclusions, j’examinerai, en premier lieu, un moyen qui est commun à toutes les affaires et qui concerne le respect des droits de la défense des requérantes ainsi que la bonne conduite de la procédure administrative. Pour les raisons décrites ci-après, je suis d’avis que ce moyen est fondé et qu’il justifie, comme tel, l’annulation des arrêts attaqués et de la décision attaquée.
25. Dans l’hypothèse où la Cour devrait ne pas se rallier à mon analyse de ce moyen, j’examinerai également les autres moyens invoqués par les requérantes. La plupart de ces moyens ne seront toutefois examinés que brièvement étant donné qu’ils apparaissent manifestement irrecevables ou non fondés.
A – Droits de la défense et bonne conduite de la procédure administrative
26. Les requérantes critiquent le Tribunal en ce qu’il a rejeté leurs griefs tirés d’une violation de leurs droits de la défense ainsi que de plusieurs dispositions du règlement no 773/2004 ( 9 ). Bien que leurs arguments respectifs diffèrent légèrement ( 10 ), les requérantes font, en substance, valoir que le Tribunal a omis de censurer le non-respect par la Commission de la procédure fixée par les règlements nos 1/2003 et 773/2004 avant d’adopter la décision attaquée.
27. La Commission défend les conclusions du Tribunal. Elle estime s’être strictement conformée au principe tempus regit actum, en ce qu’elle a appliqué les règles procédurales en vigueur à l’époque des faits, et considère que les requérantes se sont dûment vu donner l’occasion de faire connaître leur point de vue sur tous les aspects, matériels et procéduraux, de l’affaire. La Commission soutient également que l’annulation de la décision de 2002 n’a pas invalidé les démarches procédurales
entreprises avant l’adoption de cette décision, y compris celles entreprises lorsque le traité CECA était encore en vigueur.
28. À titre liminaire, il apparaît utile de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le règlement no 1/2003 permet à la Commission de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes entre entreprises réalisées dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiæ et ratione temporis, et ce bien que les dispositions du règlement no 1/2003 ne renvoient pas expressément à l’article 65 CA. Toutefois, cela n’est possible que lorsqu’une décision au
titre de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 a été adoptée selon une procédure conduite conformément à ce règlement ( 11 ). Le plein respect du règlement no 1/2003 suppose – il est à peine besoin de l’ajouter – également le respect de son règlement d’exécution no 773/2004 ( 12 ).
29. Dans ce contexte, je suis d’avis que les allégations des requérantes sur ce point sont fondées. Comme cela sera expliqué dans les développements qui suivent, la Commission n’a pas pleinement suivi la procédure fixée dans les règlements nos 1/2003 et 773/2004 avant d’adopter la décision attaquée. Plusieurs démarches procédurales essentielles ont, en effet, été accomplies en vertu des dispositions en vigueur au titre du traité CECA (et seulement en vertu de ces dispositions). Toutefois, même si
ces dispositions sont similaires, elles ne sont pas identiques à celles fixées pour l’application des articles 101 et 102 TFUE. Par conséquent, la procédure suivie par la Commission dans les présentes affaires a affecté la possibilité pour les autorités de concurrence des États membres d’y prendre part. Cette participation est importante et on ne saurait ignorer que la Commission ne l’a pas garantie.
1. La procédure prévue par les règlements nos 1/2003 et 773/2004 a‑t-elle été suivie après l’annulation de la décision de 2002 ?
30. En l’espèce, la décision attaquée indique, en son considérant 370, qu’elle a été « réadoptée conformément aux règles procédurales du [traité FUE] et du droit dérivé qui en découle, à savoir, notamment, le règlement no 1/2003 du Conseil ». Par conséquent, il y a, tout d’abord, lieu de déterminer si cette affirmation est correcte.
31. À cet égard, il n’est pas contesté que, après l’annulation de la décision de 2002, aucune démarche n’a été entreprise selon la procédure fixée par les règlements nos 1/2003 et 773/2004, à l’exception de la consultation du comité consultatif. En effet, une nouvelle décision – fondée sur l’article 7, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 – a été adoptée après avoir donné aux requérantes la possibilité de faire valoir leurs observations sur la lettre du 30 juin 2008.
Aucune nouvelle communication des griefs n’a été adoptée et aucune nouvelle audition n’a été tenue avant l’adoption de la décision.
32. À ce stade de mon raisonnement, il peut être utile de signaler que les règlements nos 1/2003 et 773/2004 ne prévoient aucune exception générale en ce qui concerne l’accomplissement de ces deux démarches. L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 dispose que, avant de prendre les décisions prévues, entre autres, aux articles 7 et 23, la Commission doit donner aux entreprises visées par l’enquête « l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la
Commission ». La Commission ne peut fonder ses décisions « que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations ». L’article 27, paragraphe 2, du même règlement prévoit que « [l]es droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure ». Pour leur part, les articles 10 à 14 du règlement no 773/2004 concernent l’obligation de la Commission d’adresser une communication des griefs et, si la demande lui
en est faite, de tenir une audition. Le mode impératif (« the Commission shall ») (« la Commission informe » et « la Commission donne ») utilisé dans ces dispositions ne laisse aucun doute quant à la nature obligatoire de ces exigences.
33. La Commission est toutefois d’avis que ces démarches au titre des règlements nos 1/2003 et 773/2004 n’étaient pas nécessaires dans les procédures en cause étant donné que des démarches analogues avaient été entreprises avant l’adoption de la décision de 2002. Selon la Commission, l’annulation de la décision de 2002 n’invalide pas ces démarches. À l’appui de son argument, la Commission renvoie à la jurisprudence citée par le Tribunal dans les arrêts attaqués et, en particulier, à l’arrêt PVC II (
13 ).
34. Dans l’affaire PVC II, la Cour a rejeté les griefs des requérantes tirés d’une violation de leurs droits de la défense en ce que, après l’annulation d’une première décision, la Commission n’avait pas tenu une nouvelle audition avant d’adopter une nouvelle décision et n’avait pas consulté une nouvelle fois le comité consultatif. En particulier, la Cour a rappelé la jurisprudence constante selon laquelle l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires, la
procédure visant à remplacer l’acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue ( 14 ).
35. Par conséquent, il y a lieu d’examiner si cette jurisprudence est applicable aux présentes affaires. Selon moi, cette jurisprudence serait applicable dans deux situations : i) si la procédure actuellement fixée par les règlements nos 1/2003 et 773/2004 avait correctement été suivie avant l’annulation de la décision de 2002 ; ou ii) si les démarches procédurales entreprises sur la base de règles procédurales différentes pouvaient être considérées comme équivalentes à celles qui auraient dû être
accomplies au titre des règlements nos 1/2003 et 773/2004. Ces deux hypothèses seront examinées tour à tour.
2. La procédure prévue par les règlements nos 1/2003 et 773/2004 a‑t-elle été suivie avant l’annulation de la décision de 2002 ?
36. Étant donné que les règlements nos 1/2003 et 773/2004 n’étaient pas en vigueur à l’époque des faits, il y a lieu de se référer aux dispositions correspondantes des règlements nos 17/62 et 2842/98 ( 15 ).
37. Cette question appelle toutefois une réponse très simple. Le considérant 352 de la décision de 2002 indique :
« Dans cette perspective, l’application du règlement no 17 à la suite de la procédure est conforme au principe selon lequel les règles de procédure applicables sont celles en vigueur au moment où la mesure en question est adoptée. Dans la même perspective, il n’a pas été jugé nécessaire de renouveler la première audition à laquelle les représentants des États membres n’avaient pas participé, car les règles de procédure CECA en vigueur à ce moment ne prévoyaient pas une telle participation. En
outre, comme il est souligné […] [dans] la communication [du 18 juin 2002], on doit considérer que les mesures procédurales qui ont été adoptées d’une façon valide sur la base des dispositions CECA satisfaisaient, à l’échéance du traité CECA, aux conditions prévues par les mesures procédurales correspondantes mises en place par le traité CE. Il est important de souligner aussi qu’aucun lien formel n’existe entre les dispositions qui concernent la participation des États membres à une audition
[…] et celles relatives à la consultation du comité consultatif […]» ( 16 ).
38. Ainsi, en substance, la Commission a expressément indiqué qu’elle n’avait pas pleinement suivi la procédure prévue par les règlements nos 17/62 et 2842/98. Elle ne l’a pas jugé nécessaire parce que, selon elle, les démarches procédurales accomplies au titre du traité CECA répondaient aux exigences imposées par les dispositions du traité CE correspondantes.
39. À ce stade de mon raisonnement, il y a lieu de vérifier si ces affirmations sont correctes. Toutefois, avant de procéder à cette vérification, je dois mentionner ce qui suit.
40. Même avant l’adoption de la décision de 2002, la Commission a accompli certaines démarches procédurales conformément au règlement no 17. En particulier, comme mentionné au point 13 des présentes conclusions, la Commission a adopté une communication des griefs supplémentaire le 12 août 2002 et il a été tenu une seconde audition, en présence des représentants des États membres, le 30 septembre 2002.
41. Il n’est toutefois pas contesté que ces démarches ne portaient que sur les dispositions procédurales applicables et sur les conséquences découlant de ces dispositions. Les aspects de fond des affaires n’ont, de manière générale, pas été abordés, que ce soit dans la communication des griefs supplémentaire ou lors de la seconde audition. Ainsi, s’il y a eu une procédure valide selon les règles CE, cette procédure n’a abordé que des questions de nature procédurale, et non de fond.
3. Les démarches procédurales accomplies au titre des dispositions du traité CECA constituent-elles des actes préparatoires valides de la décision attaquée ?
42. Il y a lieu, à présent, d’examiner si – comme l’affirme la Commission – les démarches procédurales entreprises dans le cadre du traité CECA avant l’adoption de la décision de 2002 répondent aux exigences des dispositions des traités CE et UE correspondantes. En effet, comme dans l’affaire PVC II, il ne fait aucun doute que, dans les présentes affaires, les démarches procédurales entreprises avant l’adoption de la décision de 2002 demeurent, en principe, valides.
43. Eu égard au fait que les démarches procédurales invoquées par la Commission ont été accomplies, dans l’ensemble, en vue de l’adoption d’une décision fondée sur l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, il y a lieu de vérifier si elles peuvent être considérées comme des « actes préparatoires» ( 17 ) aux fins de l’adoption d’une décision fondée sur l’article 7, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.
44. Je suis d’avis qu’elles ne le peuvent. En fait, je constate certaines différences significatives entre la situation examinée par la Cour dans l’affaire PVC II et la situation en cause dans les présentes affaires.
45. Premièrement, dans la première affaire, la Cour a examiné deux décisions successives qui avaient les mêmes bases juridiques et qui étaient, en substance, identiques. Le point 98 de cet arrêt est particulièrement instructif à cet égard ; il est libellé comme suit : « [l]orsque, à la suite de l’annulation d’une décision en matière de concurrence, la Commission choisit de réparer la ou les illégalités constatées et d’adopter une décision identique qui n’est pas entachée de ces illégalités, cette
décision concerne les mêmes griefs, sur lesquels les entreprises se sont déjà prononcées ». Dans les présentes affaires toutefois, la décision attaquée n’est pas « identique » à la décision antérieure, annulée par le Tribunal. Les deux décisions sont fondées sur des dispositions juridiques différentes, qui relèvent de deux corps de règles, certes similaires et étroitement liés, mais néanmoins également distincts.
46. Il ne s’agit pas là d’un détail mineur. Dans le système créé par les traités de l’Union, qui est fondé sur le principe d’attribution, le choix de la base juridique correcte pour un acte des institutions revêt une importance constitutionnelle. Ce choix détermine si l’Union a la compétence d’agir, à quelles fins elle peut agir ainsi que la procédure qu’elle devra suivre dans l’hypothèse où elle agit.
47. Lorsque la Commission a adopté la décision attaquée, elle a fait usage des pouvoirs qui lui avaient été conférés par les règlements nos 1/2003 et 773/2004. Il s’agit d’un ensemble de pouvoirs différents de ceux que lui conférait le traité CECA avant son expiration. Comme il a déjà été mentionné, bien que les deux systèmes soient largement similaires, ils ne sont pas identiques. L’utilisation de l’un ou de l’autre ensemble de pouvoirs peut avoir certaines conséquences juridiques : par exemple, la
limite maximale des amendes que la Commission peut infliger –– une question dont il a été largement débattu au cours de la procédure devant la Commission ainsi qu’en première instance. À l’évidence, il peut en exister d’autres.
48. Dans sa lettre du 30 juin 2008, la Commission a minimisé l’importance de cette question, indiquant que l’annulation de la décision de 2002 avait des conséquences limitées, nécessitant simplement le recours à une base juridique différente. Indépendamment de la question de savoir si tel est le cas, les requérantes étaient d’une autre opinion et il pourrait être soutenu qu’elles étaient fondées à développer leurs arguments dans le cadre de la procédure fixée par les règlements nos 1/2003
et 773/2004. Il me semble que remplacer la base juridique d’un acte peut difficilement être qualifié de simple « réparation d’une illégalité », situation à laquelle la Cour était confrontée dans l’affaire PVC II.
49. Deuxièmement, et plus important encore, comme mentionné au point 38 des présentes conclusions, il n’existait pas de procédure – menée au titre des dispositions des règlements nos 17/62 et 2842/98 correspondant à celles prévues, à l’heure actuelle, par les règlements nos 1/2003 et 773/2004 – que la Commission pouvait reprendre afin de procéder immédiatement à l’adoption de la nouvelle décision. En d’autres termes, on ne saurait contester que la procédure fixée par les règlements nos 17/62
et 2842/98 n’a pas été pleinement et systématiquement suivie avant l’adoption de la décision de 2002.
50. Dans ce contexte, il peut être utile de signaler que l’article 34, paragraphe 2 (intitulé« Dispositions transitoires »), du règlement no 1/2003 dispose que « [l]es actes de procédure accomplis en application du règlement no 17 […] conservent leurs effets pour l’application du présent règlement» ( 18 ). Il n’est fait aucune mention expresse des actes accomplis en application des dispositions du traité CECA, en dépit du fait que ce traité était venu à expiration quelques mois seulement avant
l’adoption du règlement no 1/2003.
51. Sur cette base, les requérantes soutiennent qu’une nouvelle communication des griefs aurait dû leur être adressée avant l’adoption de la décision attaquée.
52. À cet égard, j’observerai, une nouvelle fois, que la communication des griefs supplémentaire du 12 août 2002 comportait bien une référence au règlement no 17/62, mais ne concernait que le choix de la base juridique appropriée et d’autres questions en résultant. Cela étant, il pourrait peut-être être soutenu que la communication des griefs initiale, du 26 mars 2002, telle que complétée par la lettre du 30 juin 2008, peut répondre aux exigences du règlement no 1/2003.
53. D’une part, il est vrai que la Cour a, à de nombreuses reprises, souligné le rôle clef joué par la communication des griefs dans une procédure d’infraction aux règles de concurrence, se référant à cet acte comme à une garantie procédurale essentielle aux fins d’assurer le respect des droits de la défense des entreprises ( 19 ). D’autre part, toutefois, il semble ne pas exister de différence majeure entre une communication des griefs adoptée au titre des règles CECA et une communication des
griefs adoptée au titre des règles CE/UE. En outre, bien que la lettre du 30 juin 2008 n’ait pas formellement été intitulée « communication des griefs supplémentaire », elle a bien informé les parties concernées des griefs soulevés à leur encontre (même si elle ne l’a fait que par référence à la communication des griefs antérieure), leur donnant une occasion de faire valoir leurs observations, comme exigé en vertu de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et de l’article 10,
paragraphe 1, du règlement no 773/2004.
54. Il n’y a toutefois pas lieu de discuter plus avant de la question de savoir si la Commission a adopté une communication des griefs en conformité avec les dispositions des règlements nos 1/2003 et 773/2004 vu que, en toute hypothèse, il est clair qu’au moins une autre démarche procédurale accomplie en application des règles CECA ne respecte pas les exigences fixées par les règles CE/UE.
55. En vertu de l’article 12 du règlement no 773/2004, la Commission doit donner aux parties auxquelles elle a adressé une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en ont fait la demande. En n’adoptant pas de communication des griefs supplémentaire, la Commission a, en substance, privé les parties de leur droit de demander une telle audition. Comme indiqué ci-dessus, il n’est pas contesté qu’il n’y a pas eu de nouvelle audition avant l’adoption
de la décision attaquée.
56. La tenue d’une audition est, toutefois, une démarche procédurale d’une grande importance au sein du système prévu par le législateur de l’Union pour la mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union. Une des raisons principales en est que, en vertu de l’article 14 du règlement no 773/2004, les autorités de concurrence des États membres sont invitées à prendre part à l’audition. Leur présence à l’audition n’est pas une pure formalité étant donné que les représentants de ces autorités font
partie du comité consultatif qui, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, doit être consulté par la Commission avant l’adoption de toute décision au titre, entre autres, des articles 7 et 23 dudit règlement. Bien qu’il soit vrai, comme la Commission le soutient, qu’il n’existe pas de lien exprès entre ces deux démarches procédurales, il est indéniable que la première joue un rôle clef dans la seconde.
57. Par conséquent, les requérantes auraient dû avoir l’occasion de développer leurs arguments à l’encontre de la décision envisagée par la Commission, et ce oralement, en présence des représentants des autorités de concurrence des États membres. La possibilité que l’issue de la procédure eût été, à tout le moins dans une certaine mesure, différente ne saurait être exclue étant donné que ces autorités auraient pu influencer la Commission par le biais du comité consultatif, qui s’est réuni avant
l’adoption de la décision attaquée. Comme l’indique l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1/2003, la Commission doit « [tenir] le plus grand compte de l’avis du comité consultatif. Elle informe ce dernier de la façon dont elle a tenu compte de son avis ». Le rôle du comité consultatif est – ajouterais-je – particulièrement important dans le système décentralisé de mise en œuvre établi avec l’entrée en vigueur du règlement no 1/2003, comme en témoigne le considérant 19 dudit règlement.
58. Élément crucial, le Tribunal lui-même a reconnu que l’audition à laquelle les représentants des autorités de concurrence des États membres ont pris part avant l’adoption de la décision de 2002 n’a pas porté sur le fond de l’affaire, mais uniquement sur l’application ratione temporis des traités CECA et CE aux infractions alléguées ( 20 ). Par conséquent, les auditions tenues avant l’adoption de la décision de 2002 ne sauraient être considérées comme répondant aux exigences de l’article 14,
paragraphe 3, du règlement no 773/2004, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal.
59. Un débat qui aurait plus pleinement associé les autorités de concurrence des États membres, en particulier l’autorité de concurrence italienne – tant lors de l’audition qu’au sein du comité consultatif – aurait, selon moi, été d’autant plus approprié en l’espèce que les infractions alléguées concernent le territoire d’un État membre uniquement, à savoir l’Italie. En outre, je ne considère pas qu’une telle exigence formelle aurait impliqué d’imposer à la Commission une charge particulièrement
lourde ou nécessitant un temps considérable.
60. Il est manifestement dénué de pertinence que la Commission a tenu ces autorités – pour utiliser l’expression employée par le Tribunal dans les arrêts attaqués – « pleinement informé[e]s » des développements de la procédure par d’autres moyens ( 21 ). La Commission ne saurait suivre une procédure sui generis qui implique les autorités de concurrence des États membres de manière informelle, plutôt que de respecter la procédure prévue par le législateur de l’Union dans les règlements nos 1/2003
et 773/2004.
61. Sur la base des considérations qui précèdent, je suis d’avis que la procédure suivie par la Commission pour l’adoption de la décision attaquée n’a pas respecté les dispositions des règlements nos 1/2003 et 773/2004. En particulier, je considère qu’il y a eu violation de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 et, par conséquent, une violation des droits de la défense des requérantes.
62. À la lumière de ce qui précède, j’en conclus que c’est à tort que les arrêts attaqués ont rejeté le grief des requérantes sur cette question, et que les arrêts attaqués ainsi que la décision attaquée devraient, par conséquent, être annulés.
B – Autres moyens
63. Si la Cour devait ne pas se rallier à mon analyse des moyens précédemment examinés, je considère qu’elle devrait rejeter les pourvois dans leur intégralité, à une exception (limitée) près en ce qui concerne le pourvoi de Ferriere Nord. Dans les développements qui suivent, je n’aborderai plus en détail que trois des questions soulevées par les pourvois. La majorité des moyens ne seront, en revanche, traités que de manière concise étant donné que, comme déjà mentionné, ils apparaissent
manifestement irrecevables ou non fondés.
1. Durée excessive de la procédure devant le Tribunal
64. À l’exception de Ferriere Nord, toutes les requérantes critiquent la durée de la procédure en première instance ( 22 ). Elles soulignent que la procédure, en tout, a duré près de cinq ans et notent que trois années et deux mois se sont écoulés entre la fin de la procédure écrite et l’ouverture de la procédure orale. Selon elles, le Tribunal n’a pas statué sur leurs affaires dans un délai raisonnable, violant ainsi l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et l’article 6, paragraphe 1, de la
CEDH. Pour cette raison, Feralpi, Valsabbia et Alfa Accia demandent à la Cour de réduire l’amende qui leur a été infligée, conformément à l’arrêt de la Cour dans l’affaire Baustahlgewebe/Commission ( 23 ). À titre subsidiaire, ces sociétés demandent à la Cour de déclarer que les procédures devant le Tribunal ont, en raison de leur durée, méconnu l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Riva Fire adresse la même demande à la Cour.
65. Je suis d’avis que ces demandes ne devraient pas être accueillies. S’agissant, d’abord, de la demande de réduction des amendes, j’observerai ce qui suit.
66. Comme les requérantes le reconnaissent elles-mêmes, la Cour a précisé, dans plusieurs arrêts, les voies de droit dont disposent les personnes privées qui considèrent que la Cour de justice (c’est-à-dire la Cour en tant qu’institution) ou plus spécifiquement une de ses juridictions, a violé leur droit fondamental à ce que leur cause soit jugée dans un délai raisonnable. Confrontée à une violation alléguée de ce droit par le Tribunal, la Cour a jugé dans les affaires Der Grüne Punkt et Gascogne
Sack que, en l’absence de tout indice selon lequel la durée excessive de la procédure aurait eu une incidence sur la solution du litige, le non‑respect d’un délai de jugement raisonnable ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué. En outre, la Cour a jugé qu’un requérant ne saurait invoquer à nouveau la question du bien-fondé ou du montant d’une amende, au seul motif de la méconnaissance d’un délai de jugement raisonnable, alors que l’ensemble des moyens dirigés contre les
constatations opérées par le Tribunal au sujet du montant de cette amende et des comportements qu’elle sanctionne ont été rejetés ( 24 ).
67. La Cour a également expliqué que sa décision dans l’affaire Baustahlgewebe était justifiée par des raisons de pragmatisme et d’économie procédurale, mais que, en principe, une demande visant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable ne peut être soumise directement à la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Une telle demande doit être introduite devant le Tribunal lui-même au titre des articles 268 et 340 TFUE ( 25 ).
68. En substance, il me semble que la jurisprudence Baustahlgewebe a fait l’objet d’un revirement par la Cour. En toute hypothèse, je ne perçois, dans les présentes affaires, aucune raison qui pourrait justifier de retourner à cette ligne jurisprudentielle – s’il devait être considéré qu’elle est encore applicable dans des circonstances exceptionnelles.
69. Les requérantes font valoir qu’il conviendrait de suivre la jurisprudence Baustahlgewebe dans les présentes affaires au motif que les longues procédures devant le Tribunal constituaient la dernière étape de la procédure globale qui comportait deux phases administratives devant la Commission ( 26 ) et un autre ensemble de procédures devant les juridictions de l’Union.
70. La situation dans laquelle les requérantes se sont retrouvées peut être regrettable, mais elle n’est en aucun cas exceptionnelle. La possibilité pour des entreprises, dans une situation telle que celle des requérantes, d’avoir leurs affaires examinées plus d’une fois par les autorités administratives de l’Union et, le cas échéant, par les autorités judiciaires de l’Union est la conséquence naturelle de la manière dont les rédacteurs des traités et les législateurs de l’Union ont conçu le système
de gouvernance dans ce domaine. En fait, l’exigence d’accomplir un certain nombre de démarches procédurales (qui peuvent prendre un temps considérable) avant qu’une décision finale ne soit adoptée par l’autorité compétente est destinée à assurer non seulement une solution correcte, mais également l’équité de la procédure elle-même.
71. La durée des procédures administratives et judiciaires dans leur globalité est, tout au plus, un élément que les juridictions de l’Union peuvent prendre en compte, dans le contexte d’une procédure initiée au titre de l’article 268 TFUE, aux fins de déterminer si les requérants ont un droit à une indemnité au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE et, si tel est le cas, le montant de cette indemnité.
72. Je conclurai donc que la Cour devrait rejeter la demande de Feralpi, Valsabbia et Alfa Acciai, indépendamment du bien-fondé de leurs allégations, de réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées. S’agissant, enfin, de la demande dont les requérantes saisissent la Cour de simplement déclarer qu’il y a eu une telle violation, je suggère à la Cour de la rejeter également.
73. Certes, dans plusieurs affaires, la Cour a indiqué que, lorsqu’il est clair dans l’affaire dont elle est saisie, sans qu’il soit nécessaire pour les parties de produire des éléments de preuve à cet égard, que le Tribunal a violé de manière suffisamment caractérisée son obligation de juger l’affaire dans un délai raisonnable, la Cour peut le relever dans son arrêt ( 27 ).
74. Je ne suis pas convaincu par l’approche adoptée par la Cour dans ces affaires. Dans ces affaires, la Cour s’est prononcée sur cette question sans entendre la partie responsable de la violation alléguée : en effet, l’autre partie à la procédure de pourvoi était la Commission, et non la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois, comme le Tribunal l’a récemment confirmé, dans un éventuel recours pour violation du droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable par la Cour de
justice de l’Union européenne, ou plus particulièrement par une de ses juridictions, c’est cette institution qui devrait être citée en tant que défendeur ( 28 ). Je partage cette opinion. En 1973 déjà, la Cour a jugé que « lorsque [la responsabilité non contractuelle de l’Union] est engagée par le fait d’une de ses institutions, [elle doit être] représentée devant la Cour par la ou les institutions à qui le fait générateur de responsabilité est reproché» ( 29 ). Après tout, ce n’est que
l’institution responsable du manquement allégué qui a, non seulement, la qualité, mais également la capacité matérielle pour avancer les arguments juridiques et factuels en vue de sa défense.
75. Par conséquent, il me semble que la jurisprudence de la Cour à laquelle se réfèrent les requérantes – jurisprudence que je n’encourage pas la Cour à suivre à nouveau dans le futur – n’a de sens que si elle est limitée à des circonstances véritablement exceptionnelles, dans lesquelles la durée de la procédure est à ce point manifestement et incontestablement déraisonnable que, objectivement, elle ne saurait être justifiée en aucune circonstance. Sauf dans ces cas exceptionnels, un grief tiré de
la violation du droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable devrait nécessairement n’être tranché qu’après une procédure inter partes dans laquelle il a été permis à la partie défenderesse de faire valoir ses contre-arguments et, le cas échéant, de faire des offres de preuve à l’appui de ceux-ci. Selon une jurisprudence constante de la Cour, « il y a lieu d’apprécier le caractère raisonnable d’un tel délai en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de
l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes» ( 30 ). Il me semble que, dans la plupart des cas, cette appréciation de toutes les circonstances n’est, en aucune manière, un exercice simple et direct.
76. Cela étant, je dois souligner que, bien qu’elle soit significative, une période de près de cinq années pour statuer sur un groupe d’affaires, telles que les présentes affaires, n’est pas nécessairement déraisonnable. C’est d’autant plus le cas que l’histoire, longue et troublée, des ententes dans le domaine des ronds à béton armé devant la Commission et devant les juridictions de l’Union semble indiquer une situation juridique assez complexe.
77. En outre, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, une période de trois ans et deux mois entre la fin de la procédure écrite et le début de la procédure orale n’indique pas que le Tribunal a été inactif pendant cette période. Comme cela est bien connu, un certain nombre de démarches procédurales sont entreprises pendant cette période, même si elles peuvent ne pas apparaître aux parties. Personnellement, je suis plutôt sceptique quant au fait que la durée de la période s’écoulant entre la
fin de la procédure écrite et le début de la procédure orale puisse, si tant est que cela soit possible, être considérée comme un signe d’inertie de la part du Tribunal ( 31 ). Plus généralement, il me semble artificiel de tenter de diviser la procédure globale en différentes phases aux fins d’apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une ou de plusieurs de ces phases, d’une façon totalement isolée des autres phases : la durée globale de la procédure me semble un point de référence plus
approprié.
78. Par conséquent, je suis d’avis que, dans les présentes affaires, la Cour ne se trouve pas dans la situation visée au point 73 des présentes conclusions, dans la mesure où la production par les parties d’arguments et d’éléments supplémentaires dans le cadre d’une procédure inter partes semble nécessaire pour permettre à la Cour de se prononcer sur le caractère déraisonnable de la durée de la procédure devant le Tribunal ( 32 ).
79. En conclusion, ce moyen devrait être rejeté. Si les requérantes considèrent que, lors du traitement de leurs affaires, le Tribunal a violé l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, elles peuvent introduire un recours en indemnité pour responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 268 et du deuxième alinéa de l’article 340 TFUE.
2. Récidive
80. Au titre de son septième moyen, Ferriere Nord fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a rejeté son allégation selon laquelle la majoration de l’amende infligée pour infraction répétée était illégitime étant donné que la Commission n’avait pas expressément visé cette circonstance aggravante dans sa communication des griefs du 26 mars 2002. La Commission s’était bornée à indiquer qu’elle prendrait en compte toutes les circonstances atténuantes et aggravantes lors de la
fixation des amendes, à la lumière du comportement de chaque entreprise. Une telle affirmation vague est, comme Ferriere Nord le soutient, inadéquate aux fins de permettre à une entreprise d’exercer ses droits de la défense.
81. En outre, au titre de son huitième moyen, Ferriere Nord fait grief au Tribunal d’avoir jugé que la période à prendre en compte aux fins de contrôler l’application de cette circonstance aggravante est la période entre le constat de la première infraction par la Commission et le début du nouveau comportement illégal de la même entreprise. Ferriere Nord est d’avis que cette période devrait plutôt commencer le jour où la première infraction a pris fin. Dans son cas, cela signifierait que quelque
treize années se seraient écoulées entre la première infraction et la deuxième. On pourrait soutenir que, eu égard à la durée de cette période, il n’est pas impossible que la direction de l’entreprise n’ait pas eu connaissance de la première décision de la Commission et donc, que, conformément au principe in dubio pro reo, la circonstance aggravante de récidive n’aurait pas dû être retenue.
82. Enfin, au titre de son neuvième moyen, Ferriere Nord fait valoir que – si la Cour devait accepter son quatrième moyen ( 33 ) – l’infraction devrait être considérée comme moins grave que celle alléguée dans la décision attaquée. Si tel est le cas, le Tribunal a commis une erreur dans l’interprétation et l’application du principe de proportionnalité : une majoration de 50 % de l’amende pour un comportement moins grave apparaît hors de proportion.
83. Je commencerai par le huitième moyen.
84. À titre liminaire, je rappellerai que, selon une jurisprudence constante, le fait que des infractions soient répétées (ce qui est communément désigné par le terme « récidive ») est l’un des facteurs à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité d’une infraction aux règles de concurrence de l’Union aux fins de déterminer le montant de l’amende à infliger au contrevenant ( 34 ). La raison, telle qu’expliquée par le Tribunal, en est que « la récidive constitue la preuve de ce que la
sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive» ( 35 ). Il est, par conséquent, généralement considéré que la récidive justifie des amendes supérieures ( 36 ) en vue d’inciter le contrevenant à modifier son comportement futur ( 37 ).
85. Toutefois, la Cour a également précisé que, pour respecter les principes de sécurité juridique et de proportionnalité, une majoration, pour récidive, de l’amende infligée à une entreprise ne saurait être automatique. Dans ce contexte, la Commission doit prendre en compte toutes les circonstances de chaque affaire, et notamment le temps écoulé entre l’infraction visée par l’enquête et un précédent manquement aux règles de concurrence ( 38 ).
86. Dans ce contexte, le huitième moyen de Ferriere Nord apparaît non fondé. Premièrement, je suis d’avis que la méthode suivie par le Tribunal pour calculer la période en question – le temps écoulé entre le constat de la première infraction par la Commission et le début du nouveau comportement illégal de la même entreprise – est correcte, pour les raisons expliquées aux points 342 et 343 de l’arrêt attaqué : une récidive exige nécessairement le constat par la Commission d’une infraction antérieure
et vient à exister lorsque commence le comportement violant l’article 101 ou 102 TFUE. Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que la période en question en l’espèce était inférieure à quatre ans.
87. Deuxièmement, le fait qu’une ou plusieurs personnes au sein de la direction actuelle de Ferriere Nord puisse avoir ignoré l’existence de cette décision ou les conséquences juridiques en découlant est dénué d’importance ( 39 ). Tout d’abord, l’allégation selon laquelle les plus hautes instances de Ferriere Nord ont pu ne pas avoir connaissance de la décision précédente de la Commission est peu vraisemblable. D’une part, la Commission a fait référence lors de l’audience à un document, mentionné
dans la décision attaquée, qui établissait que, en 1997, la direction de Ferriere Nord avait connaissance de la décision précédente de la Commission ainsi que de la nouvelle infraction en cours, ce qui n’a pas été contesté par Ferriere Nord. D’autre part, la décision 89/515/CEE ( 40 ) a été contestée devant les juridictions de l’Union par Ferriere Nord dans le cadre de procédures qui ont pris fin en juillet 1997 ( 41 ). Dans ce contexte, il peut être utile de signaler que les états financiers
imposent à une société de divulguer les passifs éventuels, qui incluent les pertes et les amendes attendues de l’issue de contentieux ( 42 ). Il me semble, dès lors, qu’un homme d’affaire diligent et prudent ne pouvait et ne devait pas ignorer l’existence de la précédente décision.
88. Plus important encore, toutefois, la direction est présumée, de manière générale, savoir de quelle manière l’entreprise se comporte – ou s’est comportée dans un passé récent – sur le marché. Il n’y a aucun fondement pour affirmer qu’une entreprise devrait échapper à une responsabilité du simple fait que sa direction peut avoir ignoré une certaine conduite. Une entreprise doit être tenue juridiquement responsable de sa conduite passée et présente, indépendamment de la question de savoir si
certains individus au sein de sa direction (ou certains organes de la société) ont connaissance, ou non, d’une certaine conduite spécifique de l’entreprise. Il y a lieu de souligner, dans ce contexte, que les présentes affaires concernent, entre autres, une amende infligée à Ferriere Nord, et non une amende infligée à des individus qui occupent certaines positions au sein de cette société.
89. Ensuite, s’agissant du septième moyen invoqué par Ferriere Nord, je soulignerai que dans l’affaire Versalis, la Cour, abordant spécifiquement la circonstance aggravante de récidive, a précisé que lorsque la Commission entend imputer cette circonstance aggravante à une entreprise responsable d’une infraction au droit de la concurrence, « la communication des griefs doit contenir tous les éléments permettant à cette personne juridique de se défendre ». La Cour a également indiqué que la Commission
doit fournir, au stade de la communication des griefs, les éléments venant au soutien de son allégation selon laquelle les conditions d’application de cette circonstance aggravante sont remplies ( 43 ).
90. Cette jurisprudence implique que la Commission n’est pas nécessairement tenue, dans chaque cas, de viser explicitement dans la communication des griefs toutes les circonstances aggravantes qu’elle peut appliquer à une entreprise visée par une enquête. Par ailleurs, comme la Commission le reconnaît elle-même dans ses observations, il peut toutefois exister des situations dans lesquelles elle peut effectivement être tenue de mentionner expressément une circonstance aggravante qu’elle entend
appliquer à une entreprise donnée. Je partage cette opinion : les intentions de la Commission pourraient ne pas être aisées à discerner sur la base des informations contenues dans la communication des griefs. Et, il n’appartient effectivement pas à une entreprise de deviner les intentions de la Commission et d’avancer chaque ligne de défense concevable contre tous les facteurs aggravants éventuels que la Commission peut envisager d’appliquer. La question de savoir si les informations contenues
dans une communication des griefs donnée sont suffisantes pour permettre à une entreprise d’exercer pleinement ses droits de la défense, malgré l’absence de mention expresse d’une circonstance aggravante donnée dans la communication des griefs, dépend, par conséquent, des circonstances propres à chaque affaire.
91. En l’espèce, comme Ferriere Nord le souligne, l’indication dans la première communication des griefs – selon laquelle la Commission prendrait en compte toutes les circonstances atténuantes et aggravantes lors de la fixation de l’amende, à la lumière de la conduite de chaque entreprise – est plutôt vague. Cela ne signifie toutefois pas qu’elle est inévitablement inadéquate. Une telle référence peut être considérée comme adéquate si l’entreprise, à la lumière de sa situation spécifique et des
informations fournies dans la communication des griefs, était néanmoins capable d’anticiper l’application probable d’une circonstance aggravante donnée et les raisons d’une telle application.
92. Il est vrai que, en l’espèce, la société ayant commis la récidive était, à la différence des sociétés responsables dans l’affaire Versalis, exactement la même société : en 1989, Ferriere Nord a, en effet, été jugée responsable d’une infraction à l’(actuel) article 101 TFUE dans la décision 89/515 qui était – ainsi que Ferriere Nord le concède – mentionnée dans la communication des griefs, de manière incidente. Il est également vrai, comme expliqué au point 86 des présentes conclusions, que la
période qui s’est écoulée entre l’adoption de la précédente décision de la Commission et le début de la nouvelle infraction est relativement courte. La Commission aurait toutefois dû, à tout le moins, indiquer les raisons pour lesquelles elle était d’avis que la précédente infraction et la nouvelle infraction constituaient une « infraction de même type » aux fins des lignes directrices de 1998 ( 44 ). Bien que cela puisse, actuellement, apparaître relativement évident, il n’existait, en 2002,
pratiquement pas d’antécédents jurisprudentiels sur les récidives. L’absence de toute indication sur ce point dans la communication des griefs a rendu l’exercice des droits de la défense de Ferriere Nord assez difficile.
93. Par conséquent, je suis d’avis que, si la Cour devait ne pas se rallier à mon analyse du deuxième moyen de Ferriere Nord, elle devrait toutefois accueillir son septième moyen. Par conséquent, l’arrêt dans l’affaire T‑90/10 devrait être annulé en tant qu’il concerne l’application de la circonstance aggravante de récidive. La Cour devrait également, selon moi, annuler la décision attaquée sur ce point et, à son tour, déterminer le montant de l’amende à infliger à Ferriere Nord, sans prendre en
compte la circonstance aggravante de récidive.
94. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner le neuvième moyen de Ferriere Nord. En toute hypothèse, je considère ce moyen comme non fondé étant donné que, comme je l’expliquerai au point 117 des présentes conclusions, le quatrième moyen doit, lui aussi, être rejeté.
3. Distanciation publique
95. Feralpi, Valsabbia et Alfa Acciai ( 45 ) font valoir que le Tribunal a commis une erreur lors de l’application de la notion de « distanciation publique » et a ainsi confirmé, à tort, leur participation à certaines parties de l’infraction, en dépit du fait qu’elles avaient publié des prix qui différaient de ceux convenus avec leurs concurrents. Dans ce contexte, elles soulignent que l’article 60 CA interdisait aux sociétés d’opérer des discriminations entre clients et de s’écarter des barèmes de
prix publiés.
96. Bien que je ne sois pas convaincu par cet argument, il mérite néanmoins une analyse plus approfondie.
97. Dans mes conclusions dans l’affaire Total Marketing Services, j’ai eu l’occasion de souligner que l’absence de distanciation publique est un élément qui peut permettre de maintenir une présomption, fondée sur des indices concrets rassemblés par la Commission, selon laquelle une entreprise ayant participé à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel peut être considérée avoir participé à une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En d’autres termes, si une société participe, avec ses
concurrents, à des réunions dont émerge un accord contraire à la concurrence, la technique des présomptions permet de déduire, à défaut d’une manifestation expresse en sens contraire, que cette entreprise a participé à l’infraction. En revanche, l’absence de distanciation publique d’une entente par une entreprise ne peut venir pallier une absence de preuve de participation, ne serait-ce que passive, à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel ( 46 ).
98. Une conclusion différente violerait, en effet, la présomption d’innocence consacrée à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte et serait contraire à l’article 2 du règlement no 1/2003 ( 47 ). Dans le même ordre d’idées, lors de l’examen des éléments de preuve produits concernant une prétendue distanciation publique par une entreprise, la notion de « distanciation publique » à appliquer ne saurait être à ce point étroite et rigide qu’il devient virtuellement impossible pour cette entreprise de
renverser la présomption.
99. L’élément central du grief dans les présentes affaires n’est toutefois pas que le Tribunal aurait interprété ou appliqué de manière erronée la notion de « distanciation publique ». Feralpi, Valsabbia et Alfa Acciai ont bien participé, au cours de la période en question, à une ou plusieurs réunions ayant un objet anticoncurentiel ( 48 ) et il existait d’autres indices indiquant leur participation au comportement collusoire ( 49 ). Feralpi, Valsabbia et Alfa Acciai ne soutiennent pas non plus que
le Tribunal leur a imposé une charge de la preuve impossible. Elles critiquent, en substance, le fait que le Tribunal a considéré qu’une certaine conduite (publication de prix différents de ceux convenus avec leurs concurrents) ne répondait pas à l’exigence de « distanciation publique ».
100. Il ne s’agit toutefois pas d’une erreur de droit susceptible de faire l’objet d’un contrôle dans le cadre d’un pourvoi. Comme la Cour l’a jugé dans son arrêt Toshiba ( 50 ), la notion de « distanciation publique » traduit une situation factuelle, dont l’existence est constatée par le Tribunal, au cas par cas, sur la base d’une évaluation globale de l’ensemble des preuves et des indices pertinents. Dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi
que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis ( 51 ).
101. En l’espèce, le Tribunal a estimé que, en ce qui concerne la période contestée par Feralpi, Valsabbia et Alfa Acciai, la Commission avait adéquatement prouvé la participation de ces entreprises à l’infraction sur la base d’un certain nombre d’indices (parmi lesquels leur participation à une ou plusieurs réunions ayant un objet anticoncurrentiel). La communication au public par Feralpi, Valsabbia et Alfa Acciai de prix qui différaient de ceux convenus avec les autres membres de l’entente n’a pas
été considérée par le Tribunal comme constituant, en elle-même, un acte de « distanciation publique » susceptible de réfuter la conclusion tirée de ces autres indices.
102. Définir ce qui, a priori, peut constituer un acte adéquat de « distanciation publique » n’est certainement pas aisé. La question de savoir si une conduite donnée remplit ou non cette exigence dépend, selon moi, fortement des circonstances propres à chaque espèce. Dans les présentes affaires, je ne conclus à l’existence d’aucune erreur dans les arrêts attaqués : je ne perçois aucune dénaturation du sens clair des éléments de preuve, aucune violation d’un quelconque principe général du droit ou
d’une quelconque règle de procédure, ni aucune contradiction dans la motivation du Tribunal. Ses conclusions semblent, en outre, conformes à la jurisprudence de la Cour selon laquelle, afin d’apprécier si une entreprise s’est effectivement distanciée, la compréhension qu’ont les autres participants à une entente de l’intention de l’entreprise concernée est un des éléments clef ( 52 ). Par conséquent, si, en l’espèce, il n’existait aucun élément indiquant que la publication de ces prix était
comprise par les autres membres de l’entente comme un signal dépourvu d’ambiguïté que Feralpi, Valsabbia et Alfa Acciai n’avaient pas l’intention d’adhérer à la collusion, cette circonstance vient fortement à l’appui de la conclusion qu’il n’existait aucune distanciation publique aux fins de la jurisprudence de la Cour.
4. Les autres moyens
103. La plupart des autres moyens ne méritent, selon moi, qu’un examen succinct.
a) Affaire C‑85/15 P
104. Au titre de son premier moyen, Feralpi soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a rejeté son grief tiré d’une violation du principe de collégialité par la Commission. Cette violation découlait prétendument du fait que la décision du 30 septembre 2009, telle qu’adoptée par le collège des commissaires, était incomplète dans la mesure où il manquait certains tableaux dans ses annexes. Ce moyen est, selon moi, en partie irrecevable (dans la mesure où il remet en question
les appréciations de faits figurant aux points 62 à 81 de l’arrêt dans l’affaire T‑70/10) et en partie non fondé (étant donné que la décision modificative du 8 décembre 2009 a, elle aussi, été adoptée par le collège des commissaires).
105. Au titre de son troisième moyen, Feralpi fait grief au Tribunal de ne pas avoir censuré la durée excessive de la procédure devant la Commission. Toutefois, je ne constate, aux points 152 à 161 de l’arrêt attaqué, aucune erreur de droit, ni aucune motivation inadéquate. En outre, dans la mesure où Feralpi remet en cause l’appréciation des circonstances de fait mentionnée aux points 157 à 160 de l’arrêt attaqué, ce moyen est irrecevable.
106. Dans son quatrième moyen, Feralpi regroupe diverses critiques de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’évaluation de sa participation à l’infraction durant la période allant de 1989 à 1995. Selon elle, le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 65, paragraphe 1, CA, les principes relatifs à la répartition de la charge de la preuve ainsi que la présomption d’innocence. En outre, selon Feralpi, l’arrêt attaqué est dépourvu de motivation adéquate et dénature certains faits.
107. Un de ces arguments a déjà été abordé aux points 95 à 102 des présentes conclusions. S’agissant des autres arguments, je suis d’avis que, comme la Commission l’indique, Feralpi remet principalement en question, bien qu’elle invoque de prétendues erreurs de droit, des appréciations de fait opérées par le Tribunal en ce qui concerne l’implication de Feralpi pendant la période susmentionnée. Étant donné que la requérante n’a pas été en mesure d’établir l’existence d’une quelconque dénaturation
claire de faits ou d’éléments de preuve commise par les juges de première instance, ce moyen est, dans une large mesure, irrecevable. S’agissant des éléments de preuve sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour confirmer l’analyse de la Commission, Feralpi fait fi de plusieurs passages de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal mentionne des éléments de preuve autres que la participation de Feralpi à la réunion du 6 décembre 1989 : aux points 240 à 246 et 250 à 252, le Tribunal se réfère à
d’autres indices et explique la raison pour laquelle l’explication alternative proposée par la requérante n’était pas convaincante.
108. Le cinquième moyen concerne la méthode de fixation des amendes adoptée par la Commission, qui a classé les entreprises responsables en trois groupes, sur la base de leur part de marché moyenne respective durant la période concernée. Au titre de ce moyen, Feralpi combine, une nouvelle fois, diverses prétendues erreurs de droit. Toutefois, ses arguments ne sont que brièvement exposés et la critique semble principalement dirigée contre la Commission, et non contre le Tribunal. Je suis, par
conséquent, d’avis que ce moyen est irrecevable.
109. En toute hypothèse, l’allégation selon laquelle le Tribunal aurait dû censurer la Commission pour une violation du principe d’égalité de traitement semble dépourvue de logique. Il est vrai que le Tribunal a jugé qu’une erreur avait été commise dans le calcul des parts de marché de l’un de ces trois groupes. Toutefois, cette erreur ne pouvait pas donner lieu au réajustement des amendes infligées aux entreprises appartenant aux deux autres groupes (en ce compris Feralpi). Cette erreur implique
plutôt que seules les amendes infligées aux entreprises appartenant au groupe pour lequel l’erreur a été commise pouvaient être modifiées. Dans la mesure où la méthode de calcul des amendes infligées aux entreprises appartenant aux deux autres groupes est correcte, le Tribunal ne saurait être critiqué pour avoir rejeté une demande de réduction des amendes.
b) Affaires jointes C‑86/15 P et C‑87/15 P
110. Au titre de leur troisième moyen, Valsabbia et Alfa Acciai font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a rejeté leurs griefs tirés de la violation du principe de collégialité par la Commission. Pour les raisons indiquées au point 104 des présentes conclusions, ce moyen est en partie irrecevable et en partie non fondé.
111. Au titre de leur sixième moyen, Valsabbia et Alfa Acciai font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a rejeté leurs griefs tirés de la violation de l’article 47 de la Charte et en ce qu’il a refusé de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée. Selon elles, la durée de la procédure administrative devant la Commission aurait dû être jugée excessive. Pour les mêmes raisons que celles expliquées au point 105 des présentes conclusions, je considère ce moyen en
partie irrecevable et en partie non fondé.
112. Le septième moyen de Valsabbia et Alfa Acciai est, en substance, analogue au cinquième moyen de Feralpi : il concerne le refus par le Tribunal de réduire le montant des amendes sur la base d’une prétendue violation du principe d’égalité de traitement en raison d’une erreur dans le calcul des amendes infligées à d’autres entreprises. J’ai déjà expliqué, au point 109 des présentes conclusions, que cette allégation ne trouve aucun fondement en droit.
c) Affaire C‑88/15 P
113. Au titre de son premier moyen, Ferriere Nord soutient que la décision attaquée est substantiellement différente de la décision de 2002 étant donné que la première se réfère à une violation des règles de concurrence dans le marché commun tandis que la seconde se réfère à une violation sur le marché italien. Le Tribunal aurait, pour cette raison, commis une erreur de droit en ce qu’il a conclu qu’une nouvelle communication des griefs n’était pas requise avant l’adoption de la décision attaquée.
114. Cet argument semble être fondé sur une mauvaise interprétation des dispositions pertinentes des traités CECA et FUE ou, à tout le moins, sur une mauvaise compréhension de l’arrêt attaqué. Si la Commission avait modifié la base juridique matérielle de sa décision, passant de l’article 65, paragraphe 1, CA à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, l’argument aurait mérité un examen plus approfondi. En effet, à la différence de l’article 65, paragraphe 1, CA, l’article 101, paragraphe 1, TFUE n’est
applicable qu’aux accords qui « affecte[nt] le commerce entre États membres ». Toutefois, les deux décisions concernent une violation de l’article 65, paragraphe 1, CA, qui interdit les accords qui faussent la concurrence « sur le marché commun ». Par conséquent, il est sans importance que le libellé de la décision (ou de la communication des griefs) vise une distorsion de la concurrence dans le marché italien (comme le fait la décision de 2002) ou une distorsion de la concurrence dans le
marché commun (comme le fait la décision attaquée). Il est presque inutile de signaler, dans ce contexte, qu’un accord qui couvre le territoire italien remplit ce critère étant donné que le marché italien constitue une part significative du marché commun.
115. Au titre de son troisième moyen, Ferriere Nord soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas censuré une prétendue violation du règlement intérieur de la Commission. Ferriere Nord indique que le rapport du conseiller-auditeur joint au projet de décision soumis au collège des commissaires pour sa réunion du 30 septembre 2009 n’a été produit qu’en langues anglaise, française et allemande, et pas en langue italienne. Il s’agirait, comme elle le soutient, d’une violation
du règlement intérieur de la Commission.
116. Je partage l’opinion du Tribunal selon laquelle les arguments de Ferriere Nord sur ce point sont inopérants. Les juridictions de l’Union ont jugé, de manière constante, que la méconnaissance par une institution d’une règle de procédure purement interne n’est susceptible d’entacher d’illégalité la décision finale que si elle présente un caractère suffisamment substantiel et si elle a affecté, de façon préjudiciable, les situations juridique et matérielle de la partie qui invoque un vice de
procédure ( 53 ). Il n’y a, selon moi, aucun élément pouvant jeter le doute sur l’appréciation des faits et des éléments de preuve faite par le Tribunal pour arriver à la conclusion qu’il n’a été démontré aucun effet préjudiciable de ce type sur la situation de Ferriere Nord.
117. Le quatrième moyen de Ferriere Nord – qui concerne les conclusions du Tribunal quant à la nature et à la durée de sa participation à l’infraction – est, selon moi, irrecevable. De nouveau, les arguments, en substance, remettent en question des appréciations de fait opérées par le Tribunal.
118. Au titre de son cinquième moyen, Ferriere Nord soutient que la décision du Tribunal de réduire le montant de base de l’amende de 6 % pour prendre en compte le fait que Ferriere Nord n’a pas participé à une partie de l’accord anticoncurrentiel pendant trois ans est inadéquate. Selon une jurisprudence constante, il n’appartient toutefois pas à la Cour, dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine
juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation par celles-ci du droit de la concurrence de l’Union ( 54 ). En l’espèce, je ne perçois aucun élément indiquant que le montant final de l’amende infligée à Ferriere Nord pourrait être disproportionné ou excessif. Je ne constate pas non plus, dans l’arrêt attaqué, de défaut ou de contradiction dans la motivation.
119. Enfin, au titre de son sixième moyen, Ferriere Nord soutient que le Tribunal a commis une erreur dans le calcul du montant de l’amende, qu’il a réduite de 6 %. Bien qu’il ait indiqué que la réduction serait appliquée au montant de base, il l’a, par la suite, appliquée en tant que circonstance atténuante, arrivant ainsi à une réduction quelque peu inférieure.
120. À titre liminaire, je souhaiterais souligner que les contours précis de la notion de pleine juridiction ne sont pas encore clairs. La question de savoir si une partie peut contester le montant d’une amende, indépendamment d’une erreur alléguée commise par la Commission, est toujours ouverte. Cet aspect n’est toutefois pas en cause dans la présente procédure étant donné que le Tribunal a conclu à l’existence d’une erreur dans la décision attaquée en ce qui concerne la participation de Ferriere
Nord à l’infraction et a, en conséquence, décidé de réduire le montant de l’amende infligée par la Commission à cette entreprise. La véritable question qui se pose dans la présente procédure semble plutôt être celle de savoir si le Tribunal est tenu de suivre certains critères ou principes lorsqu’il réforme une amende en raison des erreurs constatées entachant une décision contestée par un requérant.
121. L’arrêt de la Cour dans l’affaire Galp ( 55 ) semble indiquer l’existence de limites à ce que les juridictions de l’Union sont autorisées à faire lorsqu’elles exercent leur pleine juridiction sur les amendes infligées par la Commission au titre du règlement no 1/2003. Je suis de cet avis. Bien qu’il n’y ait aucune nécessité d’approfondir cette question, je dois au moins indiquer que certaines limitations aux pouvoirs des juridictions de l’Union au titre de l’article 261 TFUE et de l’article 31
du règlement no 1/2003 doivent nécessairement découler de principes tels que la proportionnalité, la sécurité juridique et l’égalité de traitement. Cela étant, dans la présente affaire, je n’aperçois aucun argument convaincant quant à la manière dont le Tribunal pourrait avoir exercé de façon erronée sa compétence au titre de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003.
122. Bien que le libellé de l’arrêt attaqué puisse ne pas être un modèle de clarté sur ce point, il est incontestable que le Tribunal a déterminé la réduction du montant de l’amende infligée à Ferriere Nord en exerçant sa compétence de pleine juridiction et que, en principe, il a choisi de suivre la méthode proposée par la Commission dans ses lignes directrices de 1998 (qui est, à l’évidence, également la méthode appliquée dans la décision attaquée).
123. Dans ce contexte, je suis d’avis que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en considérant comme circonstance atténuante l’absence de participation de Ferriere Nord à une partie de l’infraction. Il s’agit, en effet, de l’approche correcte selon les lignes directrices de 1998. Ces lignes directrices se réfèrent effectivement à la gravité et à la durée en tant qu’éléments qui doivent être pris en compte par la Commission lorsque celle-ci détermine le montant de base de l’amende. Toutefois, il est
clair que ces éléments doivent être appréciés au regard de l’infraction globale. C’est la raison pour laquelle la Commission a, à la lumière de la gravité et de la durée de l’infraction globale, classé les entreprises responsables en trois groupes différents, en fonction de leur part de marché respective. Comme les lignes directrices de 1998 le précisent, le traitement différencié appliqué lors de la fixation du montant de base est déterminé principalement par « [le] poids spécifique, et donc
[…] l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature ».
124. Dans la présente affaire, il n’y aucun élément indiquant que l’absence de participation de Ferriere Nord, pendant une période donnée, à une partie de l’infraction a eu un effet sur la gravité (ou sur la durée) de l’infraction globale. C’est, par conséquent, à juste titre que le Tribunal a pris en compte la contribution individuelle de Ferriere Nord à l’entente en tant que facteur pouvant être pertinent dans le cadre de l’appréciation des circonstances atténuantes.
125. Dans ce contexte, il peut être utile de rappeler que, dans l’affaire Solvay Solexis, la Cour était d’avis que, au titre des lignes directrices de 1998, la Commission est fondée à examiner la moindre gravité de la participation d’une entreprise à une infraction soit, au titre du traitement différencié, afin de déterminer le montant de base de l’amende, soit, au titre des circonstance atténuantes, en vue de la diminution de ce montant de base ( 56 ). Selon moi, cette jurisprudence ne devrait pas
être comprise comme donnant carte blanche à la Commission à cet égard. Cette jurisprudence implique plutôt que la question de savoir si la moindre gravité de la participation d’une entreprise à une infraction doit être prise en considération lors du calcul du montant de base de l’amende ou lors de l’application de circonstances atténuantes, dépend des circonstances propres à chaque affaire. Ce principe me semble applicable a fortiori au Tribunal lorsque celui-ci exerce sa pleine juridiction sur
une amende infligée par la Commission.
d) Affaire C‑89/15 P
126. Au titre de son deuxième moyen, Riva Fire critique la réduction de 3 %, par le Tribunal, du montant de base de l’amende. Riva Fire considère que : i) la réduction est inadéquate et que ii) la motivation de l’arrêt attaqué sur ce point est contradictoire ou, en toute hypothèse, insuffisante.
127. Les principaux arguments de Riva Fire correspondent, dans une large mesure, à ceux développés au titre des cinquième et sixième moyens de Ferriere Nord et devraient, par conséquent, être rejetés pour les raisons expliquées aux points 118 à 125 des présentes conclusions. S’agissant de l’affirmation de Riva Fire selon laquelle le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il l’a jugée responsable de la conduite d’autres entreprises, je juge cet argument irrecevable (dans la mesure où il remet
en cause des constatations de fait opérées par le Tribunal quant à la participation de Riva Fire à une infraction unique et continue) et non fondé (à la lumière de la jurisprudence visée aux points 116 et 214 de l’arrêt dans l’affaire T‑83/10). Enfin, l’argument de Riva Fire selon lequel le Tribunal a commis une erreur en ce qu’il a conclu que cette entreprise ne s’était pas publiquement distanciée de l’entente est irrecevable dans le cadre d’un pourvoi ( 57 ).
128. Au titre de son troisième moyen, Riva Fire soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a confirmé sa participation à l’accord de décembre 1998 et, en conséquence, en prenant en compte cette circonstance lors de la détermination du montant de l’amende. Ce moyen est, selon moi, irrecevable étant donné que Riva Fire conteste, en substance, l’appréciation faite par le Tribunal de faits et d’éléments de preuve. En outre, la question de savoir si Riva Fire a contesté au cours de
la procédure en première instance sa participation à cet accord ( 58 ) n’est d’aucune pertinence étant donné que le Tribunal a confirmé l’analyse de la Commission sur la base de documents probants, et non au moyen de présomptions comme Riva Fire le soutient de manière erronée.
129. Enfin, au titre de son quatrième moyen, Riva Fire réfute la conclusion du Tribunal concernant la majoration de 375 % du montant de base de l’amende en vue de lui assurer un effet dissuasif. Le Tribunal a considéré que la référence, au considérant 604 de la décision attaquée, à l’implication des plus hautes instances de Riva Fire (et de Lucchini/Siderpotenza) à l’infraction a été faite dans un souci d’exhaustivité uniquement. Le montant de la majoration n’a été – selon le Tribunal – basé que sur
le chiffre d’affaires de ces sociétés sur le marché pertinent ( 59 ).
130. Il est vrai que la signification du considérant 604 de la décision attaquée n’est pas parfaitement claire. Toutefois, l’interprétation de ce passage retenue par le Tribunal est l’une des interprétations possibles et Riva Fire ne fait valoir aucun élément concret pour établir que le Tribunal a dénaturé le sens clair de la décision attaquée. En outre, le Tribunal a examiné les divers arguments avancés par Riva Fire à l’encontre de la majoration de 375 % et les a rejetés sur le fond ( 60 ). Par
conséquent, ce moyen est irrecevable ou, en toute hypothèse, non fondé.
VI – Conséquences de l’appréciation
131. Comme mentionné aux points 23 à 25 et 63 des présentes conclusions, si la Cour se rallie à mon analyse des moyens concernant la violation des droits de la défense des requérantes, les arrêts attaqués ainsi que la décision attaquée devraient être annulés.
132. Si, en revanche, la Cour devait ne pas se rallier à mon analyse de ces moyens, les pourvois devraient être rejetés dans leur intégralité, sauf en ce qui concerne l’application à Ferriere Nord de la circonstance aggravante de récidive.
VII – Dépens
133. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
134. Si la Cour se rallie à mon analyse du pourvoi, la Commission devrait, conformément aux articles 137, 138 et 184 du règlement de procédure, en principe, être condamnée aux dépens des présentes procédures, tant en première instance que dans le cadre des pourvois.
135. Toutefois, je ne peux m’empêcher de noter que tous les pourvois introduits par les requérantes sont (selon moi, excessivement) longs et complexes. Certains moyens sont composés de plusieurs branches, mais les arguments de chaque branche n’ont pas nécessairement été bien développés. En outre, certains griefs ont été répétés dans presque chaque moyen : par exemple, l’allégation selon laquelle la motivation dans l’arrêt attaqué faisait défaut ou était inadéquate. Toutefois, j’ai toujours pu
constater que le Tribunal avait expliqué la raison pour laquelle il était parvenu à une conclusion donnée et que, en substance, les requérantes ne contestaient que la justesse de cette motivation. Aussi évident que cela puisse sembler, je dois souligner qu’il existe une différence entre alléguer que le Tribunal n’a pas abordé (du tout ou adéquatement) un argument donné et alléguer que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a abordé un argument.
136. Enfin, plusieurs moyens étaient manifestement irrecevables ou non fondés. Par exemple, un certain nombre de moyens, bien qu’ils soient tirés de prétendues erreurs de droit, contestent clairement des constatations de fait opérées par le Tribunal. En outre, sur de nombreuses questions soulevées par les requérantes, il existe une ligne jurisprudentielle constante allant à l’encontre des arguments qu’elles ont invoqués. Les requérantes n’ont avancé aucun argument convaincant aux fins de distinguer
leurs affaires des précédents ou de justifier que la Cour s’en écarte.
137. En résumé, je ne saurais ignorer le fait que la plupart des moyens invoqués par les requérantes doivent être rejetés et que les requérantes auraient dû en avoir conscience. Cela est également vrai, mutatis mutandis, en ce qui concerne la procédure en première instance. La position des requérantes dans les présentes procédures ne contribue, selon moi, pas à la bonne administration de la justice et il devrait, par conséquent, en être tenu compte à l’occasion de la décision sur l’allocation des
dépens.
138. Cela étant, il ne saurait être ignoré non plus que la Commission a contribué à la complexité inutile et à la durée des présentes procédures en soumettant bon nombre d’exceptions d’irrecevabilité qui étaient clairement sans fondement. Dans de nombreux cas, il était évident que les requérantes avaient soulevé une question de droit et ne contestaient pas des constatations de fait ou des éléments de preuve. Ces observations valent, elles aussi, mutatis mutandis, en ce qui concerne la conduite de la
Commission en première instance. Le « délayage » par la Commission de ses observations avec des exceptions d’irrecevabilité invoquées « juste au cas où » doit être censuré et doit également être pris en compte dans le cadre de l’allocation des dépens.
139. À la lumière des considérations qui précèdent, et conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, je propose à la Cour : i) condamner la Commission à ses propres dépens et aux deux tiers des dépens des requérantes et ii) condamner les requérantes à un tiers de leurs propres dépens.
VIII – Conclusion
140. Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour :
– annuler les arrêts du Tribunal du 9 décembre 2014 dans l’affaire Feralpi/Commission, T‑70/10 ; dans l’affaire Riva Fire/Commission, T‑83/10 ; dans l’affaire Alfa Acciai/Commission, T‑85/10 ; dans l’affaire Ferriere Nord/Commission, T‑90/10, ainsi que dans l’affaire Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission, T‑92/10 ;
– annuler la décision de la Commission C(2009) 7492 final relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton, réadoption) du 30 septembre 2009 ;
– condamner la Commission à ses propres dépens ainsi qu’aux deux tiers des dépens des requérantes, en première instance et dans le cadre des pourvois ;
– condamner les requérantes à un tiers de leurs propres dépens.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Arrêts du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031) ; Riva Fire/Commission (T‑83/10, non publié, EU:T:2014:1034) ; Alfa Acciai/Commission (T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037) ; Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035), et Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T‑92/10, non publié, EU:T:2014:1032) (ci-après les « arrêts attaqués »).
( 3 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).
( 4 ) Règlement de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18).
( 5 ) Tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits.
( 6 ) Règlement du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).
( 7 ) Arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, EU:T:2007:317) ; Riva Acciaio/Commission (T‑45/03, non publié, EU:T:2007:318) ; Feralpi Siderurgica/Commission (T‑77/03, non publié, EU:T:2007:319), et Ferriere Nord/Commission (T‑94/03, non publié, EU:T:2007:320).
( 8 ) La première décision, telle que modifiée par la décision modificative, sera désignée de la façon suivante: la « décision attaquée ».
( 9 ) Deuxième moyen dans l’affaire C‑85/15 P, premier et deuxième moyens dans les affaires C‑86/15 P et C‑87/15 P, deuxième moyen dans l’affaire C‑88/15 P, et premier moyen dans l’affaire C‑89/15 P.
( 10 ) En toute hypothèse, la question soulevée par les présents moyens consiste en une violation alléguée d’une forme substantielle et peut, par conséquent, être soulevée d’office par la Cour. Voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission (T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, points 477 à 488).
( 11 ) Voir arrêts du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 74) et du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C‑352/09 P, EU:C:2011:191, point 87).
( 12 ) Voir, en ce sens, article 33, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et considérant 1 du règlement no 773/2004.
( 13 ) Arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, ci-après l’« arrêt PVC II », EU:C:2002:582).
( 14 ) Voir, points 70 à 119 et, en particulier, point 73 de l’arrêt PVC II.
( 15 ) Règlement (CE) de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [101 et 102 TFUE] (JO 1998, L 354, p. 18).
( 16 ) Voir points 20 des arrêts de 2007.
( 17 ) Voir arrêt du 12 novembre 1998, Espagne/Commission (C‑415/96, EU:C:1998:533, point 32 et jurisprudence citée).
( 18 ) Une règle similaire est prévue à l’article 19 (intitulé « Dispositions transitoires ») du règlement no 773/2004.
( 19 ) Voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a. (C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, points 93 à 95 et jurisprudence citée).
( 20 ) Voir arrêt du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037, point 148).
( 21 ) Voir arrêt du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037, point 149).
( 22 ) Sixième moyen dans l’affaire C‑85/15 P et quatrième moyen dans les affaires C‑86/15 P et C‑87/15 P. S’agissant de l’affaire C‑89/15 P, Riva Fire n’y fait pas référence en tant que moyen, mais en tant que « demande incidente ».
( 23 ) Arrêt du 17 décembre 1998, C‑185/95 P, EU:C:1998:608.
( 24 ) Arrêts du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission (C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 190 à 196), et du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768, points 81 à 85).
( 25 ) Arrêt du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768, points 86 à 90).
( 26 ) Je note au passage que tant la première procédure que la seconde procédure devant la Commission étaient relativement rapides (voir points 13 à 17 des présentes conclusions).
( 27 ) Arrêts du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768) ; du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363) ; du 9 juin 2016, CEPSA/Commission (C‑608/13 P, EU:C:2016:414), et Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission (C‑617/13 P, EU:C:2016:416).
( 28 ) Voir, entre autres, ordonnances du 6 janvier 2015, Kendrion/Union européenne (T‑479/14, non publiée, EU:T:2015:2) ; du 9 janvier 2015, Marcuccio/Union européenne (T‑409/14, non publiée, EU:T:2015:18), et du 13 février 2015, Aalberts Industries/Union européenne (T‑725/14, non publiée, EU:T:2015:107).
( 29 ) Arrêt du 13 novembre 1973, Werhahn Hansamühle e.a./Conseil et Commission (63/72 à 69/72, EU:C:1973:121, point 7), confirmé par arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts (C‑234/02 P, EU:C:2004:174).
( 30 ) Voir, entre autres, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 29) et arrêt PVC II (point 210).
( 31 ) La chambre compétente pour statuer sur une affaire peut décider de « concentrer » son travail autant que possible avant la tenue de l’audience ou, inversement, de tenir une audience peu après la clôture de la procédure écrite, avec pour conséquence que de larges parts du travail seront accomplies après l’audience. Le choix entre ces possibilités peut dépendre de plusieurs facteurs : les méthodes de travail des juges siégeant dans la chambre de jugement, leur charge de travail à un moment
donné et les caractéristiques propres à chaque affaire (par exemple, la question de savoir s’il existe ou non de nombreuses questions à clarifier à l’audience). À l’évidence, une courte période entre la procédure écrite et la procédure orale est de peu d’aide pour les parties si, par la suite, les délibérations sont particulièrement longues.
( 32 ) Voir arrêt du 14 septembre 2016, Trafilerie Meridionali/Commission (C‑519/15 P, non publié, EU:C:2016:682, point 68).
( 33 ) Ce moyen concerne la nature et la durée de la participation de Ferriere Nord à l’infraction : voir point 117 des présentes conclusions.
( 34 ) Voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 91) ; du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission (C‑3/06 P, EU:C:2007:88, points 26, 29 et 39), et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, points 61 à 65).
( 35 ) Arrêt du 27 juin 2012, YKK e.a./Commission (T‑448/07, non publié, EU:T:2012:322, point 211 et jurisprudence citée).
( 36 ) Voir, par exemple, OCDE, Table ronde sur la promotion des règles de conformité avec le droit de la concurrence – Documents de réflexion par le Secrétariat, DAF/COMP(2011)4 du 1er juin 2001, point 2.
( 37 ) Arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission (C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 39).
( 38 ) Arrêts du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission (C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 39) et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, points 69 et 70).
( 39 ) La Cour n’a pas exclu que « l’évolution structurelle de l’entreprise » puisse être prise en compte lors du contrôle de l’application de la circonstance aggravante de récidive (voir arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 97). Toutefois, la Cour s’est référée à cet élément dans un contexte différent, un contexte dans lequel la Commission avait appliqué la circonstance aggravante de récidive à une personne morale qui ne faisait pas
l’objet de la procédure pour la première infraction. En d’autres termes, la Cour semble viser une évolution structurelle intra-groupe, et non des changements dans la direction mis en œuvre au sein d’une même société. Dans cette dernière situation, le poids d’une éventuelle évolution structurelle est bien moins significatif que dans la première situation.
( 40 ) Décision de la Commission du 2 août 1989 relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] (IV/31.553 – Treillis soudés) (JO 1989, L 260, p. 1).
( 41 ) Voir arrêt du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission (T‑143/89, EU:T:1995:64) et, sur pourvoi, arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission (C‑219/95 P, EU:C:1997:375).
( 42 ) Par exemple, en vertu des principes comptables généralement admis (PCGA), les pertes éventuelles qui sont « probables », « raisonnablement possibles », doivent être déclarées, avec une estimation de la perte. Des règles similaires existent au titre des normes internationales d’information financière (IFRS).
( 43 ) Arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a. (C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, points 96 et 98).
( 44 ) Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement no 17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3).
( 45 ) Quatrième moyen dans l’affaire C-85/15 P, et cinquième moyen dans les affaires C‑86/15 P et C‑87/15 P.
( 46 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Total Marketing Services/Commission (C‑634/13 P, EU:C:2015:208, points 43 à 61). Voir, dans le même sens, conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2015:427, points 123 à 136), et de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, EU:C:2003:85, points 127 à 131).
( 47 ) Selon cette dernière disposition, c’est à la Commission qu’il appartient de prouver une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
( 48 ) Arrêts du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031, points 231 à 234) ; Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T‑92/10, non publié, EU:T:2014:1032, points 218 à 221) et Alfa Acciai/Commission (T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037, points 217 à 220).
( 49 ) Par exemple, il existait des éléments indiquant que les entreprises en question avaient aligné leurs prix sur ceux convenus lors de ces réunions (voir arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission, T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031, points 231 à 233) ou, de manière plus générale, s’étaient conformées à ce qui avait été convenu lors de ces réunions (voir arrêts du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission, T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037, point 220, et Ferriera Valsabbia et Valsabbia
Investimenti/Commission, T‑92/10, non publié, EU:T:2014:1032, point 221).
( 50 ) Arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26).
( 51 ) Arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 63).
( 52 ) Arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 62 et jurisprudence citée).
( 53 ) Voir jurisprudence citée au point 158 de l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035).
( 54 ) Arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission (C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 72 et jurisprudence citée).
( 55 ) Arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2016:38).
( 56 ) Arrêt du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission (C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 78).
( 57 ) Voir également points 95 à 102 des présentes conclusions.
( 58 ) Telle qu’indiquée aux points 222 et 223 de l’arrêt du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T‑83/10, non publié, EU:T:2014:1034), que conteste Riva Fire.
( 59 ) Arrêt du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T‑83/10, non publié, EU:T:2014:1034, point 276).
( 60 ) Voir arrêt du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T‑83/10, non publié, EU:T:2014:1034, points 262 à 275 et 277).