CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 8 décembre 2016 ( 1 )
Affaire C‑421/15 P
Yoshida Metal Industry Co. Ltd
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)
«Pourvoi — Marque de l’Union européenne — Règlement (CE) no 207/2009 — Motif de refus ou d’annulation de l’enregistrement — Signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique — Article 7, paragraphe 1, sous e), ii) — Examen du motif de refus ou d’annulation pour un ensemble de produits ou de services — Article 52, paragraphe 3 — Motivation de la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO — Motivation globale pour tous les produits ou services
concernés — Moyen nouveau au stade du pourvoi — Irrecevabilité»
Introduction
1. Par le présent pourvoi, Yoshida Metal Industry Co. Ltd (ci-après « Yoshida ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 21 mai 2015, Yoshida Metal Industry/EUIPO ( 2 ), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant à l’annulation des décisions de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) relatives à des procédures de nullité entre, d’une part, Pi-Design AG, Bodum France et Bodum Logistics A/S (ci-après,
ensemble, « Pi-Design e.a. ») et, d’autre part, Yoshida ( 3 ).
2. L’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après annulation ( 4 ), confirme la nullité des deux marques figuratives enregistrées par Yoshida.
3. Le nouveau pourvoi formé par Yoshida soulève, outre la question de savoir si le Tribunal s’est conformé à l’arrêt rendu sur le premier pourvoi, un aspect supplémentaire portant sur l’existence de la cause de nullité invoquée pour l’ensemble des produits concernés, ainsi que sur la suffisance de la motivation des décisions litigieuses et de l’arrêt attaqué sur ce point ( 5 ).
Le cadre juridique
4. En vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) no 207/2009 ( 6 ), sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement « par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ».
5. L’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement dispose que la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande, lorsque la marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7.
6. L’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 dispose :
« Si la cause de nullité n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés ».
Les antécédents du litige
7. Les faits à l’origine du litige, tels qu’ils résultent des points 1 à 15 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.
8. Les 3 et 5 novembre 1999, Yoshida a demandé à l’EUIPO l’enregistrement de deux marques constituées des signes figuratifs reproduits ci-après :
Image Image
9. Les produits pour lesquels les enregistrements ont été demandés relèvent des classes 8 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :
— classe 8 : « Coutellerie, ciseaux, couteaux, fourchettes, cuillers, queux à faux, coffins, fusils à aiguiser, pinces pour arêtes de poisson » ;
— classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué), mélangeurs, spatules pour la cuisine, blocs à couteaux, pelles à tartes, pelles à gâteaux ».
10. Les marques en cause ont été enregistrées les 25 septembre 2002 et 16 avril 2003.
11. Le 10 juillet 2007, Pi-Design e.a. ont présenté des demandes en nullité des marques en cause fondée sur le motif visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94.
12. Par décisions des 15 et 21 juillet 2008, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté ces demandes.
13. Par les décisions litigieuses, statuant sur un recours formé par Pi-Design e.a., la première chambre de recours de l’EUIPO a annulé les décisions de la division d’annulation et déclaré la nullité des marques sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009.
Les procédures devant le Tribunal et la Cour ainsi que l’arrêt attaqué
14. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 12 août et 15 septembre 2010, Yoshida a introduit des recours en annulation des décisions litigieuses, en invoquant un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009.
15. Par deux arrêts qu’il a rendus le 8 mai 2012, Yoshida Metal Industry/OHMI – Pi-Design e.a. (Représentation d’une surface triangulaire avec des pois noirs) ( 7 ), et Yoshida Metal Industry/OHMI – Pi-Design e.a. (Représentation d’une surface avec des pois noirs) ( 8 ), le Tribunal a fait droit à ce moyen ainsi qu’à ces recours.
16. Par l’arrêt du 6 mars 2014 ( 9 ) statuant sur le pourvoi formé par Pi-Design e.a, la Cour a annulé ces arrêts, au motif de la violation du même article 7, paragraphe 1, sous e), ii), et a renvoyé les affaires devant le Tribunal.
17. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, statuant sur renvoi, a rejeté le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009, ainsi que les recours dans leur totalité, et a condamné Yoshida aux dépens des deux instances.
Les conclusions des parties
18. Par son pourvoi, Yoshida conclut à l’annulation de l’arrêt attaqué et des décisions litigieuses :
— à titre principal, dans leur totalité, ou
— à titre subsidiaire, en ce qu’ils déclarent la nullité de ses marques pour « queux à faux et coffins » (classe 8) et « ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) et blocs à couteaux » (classe 21)
ainsi qu’à la condamnation de l’EUIPO et de Pi-Design e.a. aux dépens.
19. L’EUIPO et Pi-Design e.a. concluent au rejet du pourvoi et à la condamnation de Yoshida aux dépens.
Analyse
20. À l’appui du pourvoi, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 et, le second, d’une violation de l’article 52, paragraphe 3, de ce règlement.
21. Conformément au souhait de la Cour, je limiterai mon analyse au second moyen du pourvoi.
Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009
22. Le présent moyen est invoqué au soutien du chef de conclusions subsidiaires de Yoshida, lesquelles tendent à l’annulation de l’arrêt attaqué et des décisions litigieuses en ce qu’ils déclarent la nullité de ses marques pour certains produits concernés, à savoir « queux à faux et coffins », « ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine […] et blocs à couteaux ». Ce moyen s’articule en deux branches.
Sur la première branche
23. Par la première branche, Yoshida soutient que le Tribunal, en omettant d’examiner si la cause de nullité invoquée en l’espèce existait pour tous les produits visés par les marques contestées, a méconnu l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009.
24. Je rappelle que, selon une jurisprudence constante, la question de savoir si une marque relève ou non d’un des motifs de refus ou de nullité visés à l’article 7 du règlement no 207/2009 doit être appréciée in concreto par rapport aux produits ou aux services visés ( 10 ). En outre, l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 prévoit que, si la cause de nullité n’existe que pour une partie des produits ou des services, la déclaration de nullité ne s’étend qu’aux produits ou aux services
concernés ( 11 ).
25. Il s’ensuit que, d’une part, l’examen des motifs de nullité par l’EUIPO doit porter sur chacun des produits ou des services visés par la marque. D’autre part, la décision de l’EUIPO appliquant un tel motif doit en principe être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services ( 12 ).
26. En l’espèce, il est constant que les décisions litigieuses retiennent l’existence de la cause de nullité visée à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009, pour l’ensemble des produits visés par les marques concernées.
27. En outre, j’observe que, en première instance, Yoshida n’avait pas soulevé de moyen tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 par la chambre de recours ni de moyen tiré d’une motivation insuffisante des décisions litigieuses sur ce point.
28. Dès lors, le moyen invoqué par Yoshida au stade du pourvoi doit être compris comme reprochant au Tribunal de ne pas avoir soulevé – d’office – la prétendue omission de la chambre de recours de l’EUIPO d’examiner la cause de nullité par rapport à l’ensemble des produits concernés et de motiver ses décisions à suffisance de droit sur ce point.
29. Il convient d’analyser si un tel moyen, qui revient, en substance, à reprocher au Tribunal d’avoir omis de soulever un moyen d’office, est recevable au stade du pourvoi.
– Sur la recevabilité
30. J’observe qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir statué sur un moyen qui ne lui a pas été soumis ( 13 ).
31. L’application de ce principe pose des difficultés lorsqu’il s’agit des moyens d’office.
32. Il pourrait être soutenu que, dès lors que le juge de première instance peut, ou même doit, soulever d’office un moyen, en omettant de le faire, il commet lui-même une erreur de droit qui peut être sanctionnée par la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Cette approche peut expliquer pourquoi la Cour accepte parfois d’examiner un tel moyen au stade du pourvoi ( 14 ).
33. Cependant, il ressort d’une précision apportée dans la jurisprudence plus récente que le moyen d’un pourvoi, pris de ce que le Tribunal aurait omis de contrôler d’office la motivation d’une décision dont l’annulation lui est demandée, est irrecevable lorsqu’il porte sur des aspects qui n’ont pas été évoqués devant le Tribunal.
34. En effet, la Cour a rejeté comme irrecevable un moyen tiré d’une prétendue omission par le Tribunal de sanctionner l’insuffisance de la motivation d’une telle décision, sur des points qui n’avaient pas été expressément soulevés par le requérant dans son recours devant le Tribunal ( 15 ).
35. Je considère que cette limitation applicable aux moyens du pourvoi est pleinement justifiée par les principes du procès sur pourvoi devant la Cour. En effet, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond ( 16 ). L’examen du bien-fondé des appréciations contestées implique nécessairement la vérification du caractère suffisant des motifs de la décision dont
l’annulation est demandée devant le Tribunal. Cependant, il serait excessif d’exiger que ce dernier contrôle d’office la motivation d’une telle décision sur des aspects qui n’ont pas été évoqués devant lui ( 17 ).
36. Il en résulte qu’un moyen tiré de ce que le Tribunal n’a pas sanctionné d’office une violation de l’obligation de motivation par l’organe auteur de l’acte, sur des points qui n’avaient pas été expressément soulevés devant le Tribunal, est irrecevable au stade du pourvoi.
37. Selon moi, cette approche s’applique également aux contentieux des marques.
38. S’agissant plus concrètement de l’application par l’EUIPO et par le Tribunal de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, un pourvoi ne saurait porter sur la question de savoir si la décision de la chambre de recours est suffisamment motivée à l’égard d’une partie des produits ou des services lorsque le requérant n’a pas explicitement soulevé cet aspect devant le Tribunal.
39. Il ne suffit pas, à cet égard, que le requérant ait contesté de manière générale l’applicabilité du motif de refus ou de nullité pour l’ensemble des produits ou des services concernés. Pour pouvoir exciper de l’inapplicabilité d’un tel motif pour une partie seulement de ces produits ou de ces services, il doit l’avoir explicitement fait au cours de la procédure devant le Tribunal.
40. Cette solution peut être déduite de notre jurisprudence. En effet, la Cour a déjà jugé que, dans la mesure où une décision de l’EUIPO indiquait sans équivoque que le motif de refus était opposable à tous les produits concernés, il incombait au requérant d’identifier, dans son recours devant le Tribunal tendant à l’annulation de cette décision, ceux qui, selon lui, ne pouvaient se voir appliquer ce motif de refus ou de contester le fait que les produits visés formaient une catégorie homogène ( 18
).
41. En l’espèce, dans le cadre de son recours devant le Tribunal, Yoshida s’est limitée à contester l’application de la cause de nullité de manière générale et n’a pas spécifiquement évoqué son application pour une certaine partie des produits concernés, à savoir les « queux à faux et coffins », les « ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine » et les « blocs à couteaux ».
42. Par conséquent, au stade du pourvoi, Yoshida ne saurait reprocher au Tribunal de ne pas avoir examiné cet aspect d’office ni d’avoir omis de sanctionner un prétendu défaut de motivation des décisions litigieuses sur ce point.
43. Il en irait différemment, à mon avis, dans l’hypothèse où ce serait non pas la chambre de recours mais le Tribunal qui aurait constaté pour la première fois l’existence d’un motif de nullité pour ces produits ( 19 ). En effet, dans cette hypothèse, l’insuffisance de motivation de l’arrêt du Tribunal, sous l’angle de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, pourrait valablement être soulevée au stade du pourvoi ( 20 ).
44. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce, étant donné que le Tribunal s’est borné à confirmer les décisions de la chambre de recours de l’EUIPO déclarant la nullité des marques de Yoshida pour l’ensemble des produits concernés.
45. La première branche du présent moyen est donc, selon moi, irrecevable.
– À titre subsidiaire, sur le fond
46. Même si la Cour considérait que la présente branche du second moyen est recevable, je considère qu’elle est, en tout état de cause, non fondée.
47. Je souhaite tout d’abord rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est cependant pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation
d’un acte est suffisante doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée ( 21 ).
48. La Cour a déjà jugé que l’autorité compétente, lorsqu’elle refuse l’enregistrement d’une marque, est tenue d’indiquer dans sa décision la conclusion à laquelle elle aboutit pour chacun des produits et des services visés. Toutefois, lorsque le même motif de refus ou de nullité est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou les services concernés ( 22 ).
49. Cette faculté de l’autorité compétente en matière de marques tient compte du fait que les demandes d’enregistrement portent souvent sur de nombreux produits ou services ( 23 ).
50. La même approche a été adoptée par la Cour en ce qui concerne l’examen des motifs de refus ou de nullité par l’EUIPO ( 24 ).
51. Afin de ne pas porter atteinte au droit à un contrôle juridictionnel effectif, la faculté de procéder à une motivation globale pour tous les produits ou les services concernés ne s’étend qu’à des produits et des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante ( 25 ).
52. Je considère que cette condition est pleinement remplie en l’espèce.
53. J’observe que les produits visés par les marques contestées, à savoir « coutellerie, ciseaux, couteaux, fourchettes, cuillers, queux à faux, coffins, fusils à aiguiser, pinces pour arêtes de poisson » et « ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué), mélangeurs, spatules pour la cuisine, blocs à couteaux, pelles à tartes, pelles à gâteaux », sont tous des ustensiles de cuisine ( 26 ).
54. Selon moi, ces produits forment un groupe suffisamment homogène aux fins de l’examen de la cause de nullité invoquée.
55. En effet, il ressort des motifs des décisions litigieuses ( 27 ) que les signes contestés représentent des manches des produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé. Ce raisonnement repose sur la prémisse que tous les produits concernés, à savoir différents ustensiles de cuisine, peuvent être dotés d’un manche.
56. Selon moi, la chambre de recours a ainsi indiqué à suffisance de droit les raisons pour lesquelles il existait un lien entre les produits concernés justifiant leur examen conjoint. Les motifs des décisions litigieuses, certes laconiques, sont cohérents et permettent à Yoshida de comprendre le raisonnement de la chambre de recours de l’EUIPO par rapport à l’ensemble des produits concernés, et au Tribunal de contrôler ce raisonnement.
57. Il convient de distinguer la question de la motivation de celle concernant le bien-fondé desdites décisions ( 28 ). Il est satisfait à l’obligation de motivation, dès lors qu’il ressort des motifs clairs et cohérents de celles-ci que la chambre de recours a estimé que tous les produits en cause formaient un groupe homogène du fait d’avoir une caractéristique commune. La question de savoir si la chambre de recours a considéré, à tort, comme le soutient la requérante, que tous les produits avaient
cette caractéristique commune relève du bien-fondé desdites décisions litigieuses.
58. À cet égard, l’argument de Yoshida selon lequel certains produits concernés ne sont pas dotés d’un manche vise, en réalité, à remettre en cause le bien-fondé du raisonnement de la chambre de recours sur un nouvel aspect, qui n’a pas été évoqué devant le Tribunal et qui concerne au demeurant un élément de fait. Cet argument est donc irrecevable au stade du pourvoi.
59. En tout état de cause, cet argument n’est pas développé d’une manière convaincante. D’une part, en ce qui concerne les « queux à faux » ou les « ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine », qui comprennent les casseroles ou les pots, Yoshida n’explique pas pourquoi ces produits ne pourraient être dotés d’un manche.
60. D’autre part, s’agissant des « coffins » et des « blocs à couteaux », ainsi que l’observe à juste titre l’EUIPO, il s’agit de produits qui n’ont pas d’usage autonome par rapport au maniement des queux à faux ou des couteaux et qui ne sauraient donc former une catégorie ou un groupe de produits distinct aux fins de l’examen des motifs de refus ou de nullité. Enfin, même à supposer que les « blocs à couteaux » puissent être considérés comme constituant un groupe de produits distinct de celui des
« couteaux », une solution commune s’imposerait en tout état de cause ( 29 ).
61. Pour l’ensemble de ces raisons, je considère que la première branche du second moyen du pourvoi est irrecevable ou, en tout état de cause, non fondée.
Sur la seconde branche
62. Yoshida soutient que le raisonnement suivi par le Tribunal ne peut pas s’appliquer à certains produits concernés, à savoir ceux qui sont dépourvus de manche.
63. J’observe que le contrôle du respect de l’obligation de motivation par le Tribunal doit être distingué de la légalité au fond de l’arrêt attaqué ( 30 ). Or, en l’occurrence, tout en invoquant une prétendue irrégularité entachant le raisonnement de l’arrêt attaqué, Yoshida conteste, en réalité, le bien-fondé des constatations factuelles retenues par le Tribunal, lesquelles sont exclues du contrôle au stade du pourvoi ( 31 ).
64. Dès lors, la seconde branche du présent moyen est, selon moi, également irrecevable.
Conclusion
65. Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour de rejeter le second moyen du pourvoi comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) T‑331/10 RENV et T‑416/10 RENV, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:302).
( 3 ) Décisions de la première chambre de recours de l’EUIPO du 20 mai 2010 (affaires R 1235/2008-1 et R 1237/2008-1, ci-après les « décisions litigieuses »).
( 4 ) Arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry (C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129).
( 5 ) J’observe qu’une problématique similaire est soulevée dans un autre pourvoi pendant (voir affaire OHMI/Unibail Management, C‑513/14 P, actuellement pendante devant la Cour).
( 6 ) Règlement du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1). J’observe que, en l’espèce, les dispositions matérielles applicables sont celles du règlement no 207/2009, le cadre juridique de l’affaire étant fixé à la date d’adoption de la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO. En tout état de cause, tant l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11,
p. 1) que son article 51, paragraphe 3 (correspondant à l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009) sont formulés en des termes essentiellement analogues.
( 7 ) T‑331/10, non publié, EU:T:2012:220.
( 8 ) T‑416/10, non publié, EU:T:2012:222.
( 9 ) Arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry (C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129).
( 10 ) Arrêt du 9 septembre 2010, OHMI/Borco-Marken-Import Matthiesen (C‑265/09 P, EU:C:2010:508, point 35 et jurisprudence citée).
( 11 ) Une disposition analogue est prévue à l’article 13 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25) (anciennement article 13 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, JO 1989, L 40, p. 1).
( 12 ) Voir en ce sens, concernant l’article 13 de la directive 89/104, arrêt du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy (C‑239/05, EU:C:2007:99, point 34) et, concernant le règlement no 207/2009, ordonnance du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI (C‑282/09 P, EU:C:2010:153, points 37 à 41).
( 13 ) Voir en ce sens, notamment, arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 70), et du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 55).
( 14 ) Voir ordonnance du 9 février 2012, Deutsche Bahn/OHMI (C‑45/11 P, non publiée, EU:C:2012:69, point 61), et arrêt du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission (C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 48), dans lesquels la Cour a jugé que c’est à bon droit que le Tribunal n’avait pas soulevé d’office le moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision dont l’annulation lui est demandée.
( 15 ) Arrêts du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768, points 46 à 55 et 61 à 64), et du 17 septembre 2015, Total/Commission (C‑597/13 P, EU:C:2015:613, points 21 et 22).
( 16 ) Arrêt du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768, point 52). Voir, également, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Total/Commission (C‑597/13 P, EU:C:2015:207, points 118 à 128).
( 17 ) Voir conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Total/Commission (C‑597/13 P, EU:C:2015:207, points 118 à 128).
( 18 ) Ordonnance du 11 décembre 2014, FTI Touristik/OHMI (C‑253/14 P, non publiée, EU:C:2014:2445, point 49). Je relève que, dans cette affaire, la requérante avait contesté devant le Tribunal l’applicabilité du moyen de refus pour une partie des produits et des services, mais n’avait pas suffisamment développé cet argument. Par conséquent, le moyen du pourvoi en cause n’a pas été rejeté comme irrecevable mais comme manifestement non fondé.
( 19 ) J’observe que le Tribunal jouit du pouvoir de réformation de la décision de la chambre de recours de l’EUIPO, en application de l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009.
( 20 ) Voir pour une telle situation, dans le cadre de l’examen d’un motif relatif de refus, arrêt du 17 octobre 2013, Isdin/Bial-Portela (C‑597/12 P, EU:C:2013:672, points 28 et 29).
( 21 ) Arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI (C‑447/02 P, EU:C:2004:649, point 65).
( 22 ) Arrêt du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy (C‑239/05, EU:C:2007:99, point 38).
( 23 ) Conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire BVBA Management, Training en Consultancy (C‑239/05, EU:C:2006:450, points 42 et 43).
( 24 ) Voir ordonnances du 6 février 2009, MPDV Mikrolab/OHMI (C‑17/08 P, non publiée, EU:C:2009:64, point 34) ; du 9 décembre 2009, Prana Haus/OHMI (C‑494/08 P, non publiée, EU:C:2009:759, point 46) ; du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI (C‑282/09 P, EU:C:2010:153, points 37 et 38) ; du 21 mars 2012, Fidelio/OHMI (C‑87/11 P, non publiée, EU:C:2012:154, point 43) ; arrêt du 17 octobre 2013, Isdin/Bial-Portela (C‑597/12 P, EU:C:2013:672, point 27), ainsi que jurisprudence abondante du Tribunal, notamment
arrêts du 27 avril 2016, Niagara Bottling/EUIPO (NIAGARA) (T‑89/15, non publié, EU:T:2016:244, point 31), et du 12 mai 2016, Zuffa/EUIPO (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP) (T‑590/14, non publié, EU:T:2016:295, point 26).
( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy (C‑239/05, EU:C:2007:99, point 36), et ordonnance du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI (C‑282/09 P, EU:C:2010:153, point 40), ainsi que jurisprudence abondante du Tribunal, notamment arrêts du 2 avril 2009, Zuffa/OHMI (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP) (T‑118/06, EU:T:2009:100, point 28), et du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE) (T‑458/13, EU:T:2014:891, point 26).
( 26 ) Le fait que les produits relèvent de deux classes différentes, à savoir les classes 8 et 21, ainsi que l’a souligné Yoshida dans son pourvoi, est dépourvu de pertinence, la classification au sein de l’arrangement de Nice étant effectuée à des fins purement administratives.
( 27 ) Voir points 30, 34 à 36 et 40 des décisions litigieuses.
( 28 ) Voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67).
( 29 ) Le Tribunal a jugé, de manière constante, que, lorsque l’utilisation conjointe de deux catégories de produits est requise ou, à tout le moins, impliquée par leurs caractéristiques intrinsèques, la chambre de recours peut leur appliquer une solution commune. Voir arrêts du 2 décembre 2008, Ford Motor/OHMI (FUN), (T‑67/07, EU:T:2008:542, point 44), et du 8 septembre 2010, Wilfer/OHMI (Représentation d’une tête de guitare) (T‑458/08, non publié, EU:T:2010:358, point 66).
( 30 ) Voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67), et conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Belgique/Commission (C‑197/99 P, EU:C:2001:658, points 39 et 40).
( 31 ) La Cour a déjà constaté l’irrecevabilité d’un moyen du pourvoi tiré du fait que la catégorie des produits et des services en cause, retenue pour l’examen d’un motif absolu de refus, ne constituait pas une catégorie homogène. Voir ordonnance du 7 juillet 2011, MPDV Mikrolab/OHMI (C‑536/10 P, non publiée, EU:C:2011:469, points 34 et 38).