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10/11/2016 | CJUE | N°C-504/14

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre République hellénique., 10/11/2016, C-504/14


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 novembre 2016 ( *1 )

«Manquement d’État — Environnement — Protection de la nature — Directive 92/43/CEE — Article 6, paragraphes 2 et 3, et article 12, paragraphe 1, sous b) et d) — Faune et flore sauvages — Conservation des habitats naturels — Tortue marine Caretta caretta — Protection des tortues de mer dans la baie de Kyparissia — Site d’importance communautaire “Dunes de Kyparissia” — Protection des espèces»

Dans l’affaire C‑504/14,

ayant pour objet un recours en m

anquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 11 novembre 2014,

Commission européenne, représentée par Mm...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 novembre 2016 ( *1 )

«Manquement d’État — Environnement — Protection de la nature — Directive 92/43/CEE — Article 6, paragraphes 2 et 3, et article 12, paragraphe 1, sous b) et d) — Faune et flore sauvages — Conservation des habitats naturels — Tortue marine Caretta caretta — Protection des tortues de mer dans la baie de Kyparissia — Site d’importance communautaire “Dunes de Kyparissia” — Protection des espèces»

Dans l’affaire C‑504/14,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 11 novembre 2014,

Commission européenne, représentée par Mme M. Patakia et M. C. Hermes, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par Mme E. Skandalou, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Lycourgos, E. Juhász (rapporteur), C. Vajda et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 janvier 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 février 2016,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

— en omettant de prendre les mesures indiquées à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), afin d’éviter la dégradation des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant à l’espèce pour laquelle la zone a été désignée ;

— en autorisant, sans réaliser aucune évaluation des incidences telle que visée à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, des interventions susceptibles, isolées ou combinées à d’autres projets, d’affecter significativement la zone concernée, en dégradant et en détruisant l’aire de nidification de l’espèce prioritaire Caretta caretta, qui est présente dans cette région, en causant des perturbations à l’espèce concernée et, enfin, en dégradant et en détruisant les écotypes dunaires 2110,
2220 et l’habitat naturel prioritaire 2250, et

— en omettant de prendre les mesures requises par l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43 afin d’instaurer et de mettre en œuvre un régime efficace de protection stricte de la tortue marine Caretta caretta (espèce prioritaire) dans le golfe de Kyparissia (Grèce) de manière à éviter toute perturbation de l’espèce concernée lors de la période de reproduction et toute activité susceptible de détériorer ou d’endommager ses lieux de reproduction,

la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdites dispositions de la directive 92/43.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2 L’article 2 de la directive 92/43 dispose :

« 1.   La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique.

2.   Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.

3.   Les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales. »

3 La directive 92/43 énumère, à son annexe I, intitulée « Types d’habitats naturels d’intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation », divers types d’habitats dunaires. En particulier, le point 22 de cette annexe, sous le titre « Dunes maritimes des rivages méditerranéens », mentionne, au point 2220, les « Dunes à Euphorbia terracina » et, au point, 2250 *, les « Dunes littorales à Juniperus spp. ».

4 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 92/43, « [l]a liste des sites sélectionnés comme sites d’importance communautaire, faisant apparaître les sites abritant un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires, est arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l’article 21 ». Le paragraphe 5 de cet article dispose que, dès qu’un site est inscrit sur la liste visée à son article 4, paragraphe 2, troisième
alinéa, il est soumis aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43.

5 La décision 2006/613/CE de la Commission, du 19 juillet 2006, arrêtant, en application de la directive 92/43, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique méditerranéenne (JO 2006, L 259, p. 1), a inscrit les dunes de Kyparissia [Thines Kyparissias (Neochori-Kyparissia)] sur la liste des sites d’importances communautaires (SIC) figurant à son annexe 1, sous le code SIC GR 25 5005, avec, en regard, l’indication « C », qui indique la présence sur le site en cause d’au
moins un type d’habitat naturel et/ou d’une espèce prioritaire au sens de l’article 1er de la directive 92/43.

6 L’article 6 de la directive 92/43 prévoit :

« 1.   Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites.

2.   Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.   Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent
leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.   Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence d’autres solutions, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur. »

7 L’annexe II de la directive 92/43, intitulée « Espèces animales et végétales d’intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation », mentionne, au titre de ces espèces animales, la tortue marine Caretta caretta au titre des espèces prioritaires.

8 L’article 12 de la directive 92/43 dispose :

« 1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant :

a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ;

b) la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration ;

c) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature ;

d) la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos.

2.   Pour ces espèces, les États membres interdisent la détention, le transport, le commerce ou l’échange et l’offre aux fins de vente ou d’échange de spécimens prélevés dans la nature, à l’exception de ceux qui auraient été prélevés légalement avant la mise en application de la présente directive.

3.   Les interdictions visées au paragraphe 1 points a) et b) ainsi qu’au paragraphe 2 s’appliquent à tous les stades de la vie des animaux visés par le présent article.

4.   Les États membres instaurent un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des espèces animales énumérées à l’annexe IV point a). Sur la base des informations recueillies, les États membres entreprennent les nouvelles recherches ou prennent les mesures de conservation nécessaires pour faire en sorte que les captures ou mises à mort involontaires n’aient pas une incidence négative importante sur les espèces en question. »

9 L’annexe IV de la directive 92/43, qui énumère les espèces animales et végétales présentant un intérêt communautaire et nécessitant une protection stricte, cite, au titre de ces espèces animales, la tortue marine Caretta caretta.

Le droit grec

10 Par la loi 3937/2011, la République hellénique a déclaré la zone des « Dunes de Kyparissia » en tant que « zone spéciale de conservation ».

La procédure précontentieuse

11 La Commission, par courriers des 9 août et 19 novembre 2010, a demandé à la République hellénique de lui fournir des informations sur les modalités de mise en œuvre des dispositions des articles 6 et 12 de la directive 92/43 dans la zone Natura 2000 concernée, à savoir la zone de dunes de Kyparissia, inscrite sur la liste des SIC sous le numéro de code GR 25 5005 (ci-après la « zone de Kyparissia »).

12 Eu égard aux réponses fournies par la République hellénique les 29 septembre 2010 et 26 janvier 2011, la Commission a estimé que cet État membre avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphes 2 et 3, et de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43.

13 Le 28 octobre 2011, cette institution a, par conséquent, mis en demeure la République hellénique de soumettre, dans un délai de deux mois, ses observations au sujet de ces griefs.

14 La République hellénique a répondu à cette mise en demeure par lettres des 27 décembre 2011 et 17 avril 2012.

15 Après avoir analysé la réponse figurant dans ces lettres et compte tenu des résultats de la visite effectuée par ses agents dans la zone de Kyparissia le 17 juillet 2012, la Commission a émis, le 1er octobre 2012, un avis motivé enjoignant à cet État membre de s’y conformer avant le 1er décembre 2012.

16 La République hellénique a répondu à cet avis motivé par lettre du 27 novembre 2012 qu’elle a complétée, à la suite d’une lettre de la Commission du 14 mai 2013, par courriers des 13 juin et 26 novembre 2013 ainsi que des 28 mars, 23 juin et 17 septembre 2014.

17 N’étant pas satisfaite de la réponse apportée par la République hellénique, la Commission, le 11 novembre 2014, a introduit le présent recours.

Sur la demande tendant à la production d’un élément de preuve après la clôture de la phase écrite de la procédure

18 Après la clôture de la procédure écrite le 29 avril 2015, la Commission a demandé, le 16 juin 2015, en invoquant l’article 128, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, à être autorisée à produire un nouveau moyen de preuve, à savoir l’avis 32/2015 du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce) sur le projet de décret présidentiel relatif à la désignation d’un parc régional dans la baie de Kyparissia (ci-après le « décret présidentiel »).

19 La République hellénique demande à la Cour de rejeter cette demande de la Commission.

20 L’article 128, paragraphe 2, première et deuxième phrases, du règlement de procédure dispose que, à titre exceptionnel, les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve après la clôture de la phase écrite de la procédure et qu’elles motivent le retard apporté à la présentation de ces éléments.

21 Il est constant entre les parties que l’avis en cause a été rendu le 8 avril 2015 et que la République hellénique a mentionné celui-ci dans le mémoire en duplique, dont le dépôt devant la Cour le 29 avril 2015 a clôturé la phase écrite de la procédure.

22 La Commission, afin de motiver le retard de la présentation dudit avis, fait valoir qu’elle n’a eu connaissance de son existence qu’après la clôture de la phase écrite.

23 La République hellénique, qui ne conteste pas cette affirmation de la Commission, demande à la Cour de rejeter l’offre de preuve de cette dernière au motif que l’avis 32/2015 du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) s’inscrit dans la procédure d’adoption du décret présidentiel qui n’est pas encore close et que cet avis ne contient aucun élément nouveau.

24 En ce qui concerne les objections soulevées par la République hellénique, il y a lieu de constater, d’une part, que l’avis en cause est définitif et que celui-ci, indépendamment du fait qu’un avis ultérieur puisse être rendu par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) sur un projet modifié du décret présidentiel, ne fera en principe plus l’objet de changement.

25 D’autre part, l’allégation selon laquelle ledit avis ne comporterait aucun élément nouveau ne remet pas en cause la recevabilité de celui‑ci au regard de l’article 128, paragraphe 2, du règlement de procédure, dans la mesure où le contenu des éléments de preuve est à apprécier dans le cadre de l’analyse du fond de l’affaire.

26 Dans ces conditions, l’avis 32/2015 du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) est admis dans la présente procédure en tant que preuve, pour autant que cet avis concerne la situation factuelle et juridique existante à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 1er décembre 2012.

Sur le recours

Sur le premier grief, tiré d’un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, du fait d’avoir omis de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la dégradation des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant à l’espèce Caretta caretta

27 Dans le cadre de son premier grief, la Commission, invoquant plusieurs situations factuelles, allègue une violation, par la République hellénique, de l’interdiction générale de détérioration et de perturbation visée à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

28 À cet égard, il convient d’observer qu’une activité ne saurait être considérée comme conforme à ladite disposition que s’il est garanti qu’elle n’engendre aucune perturbation susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de la directive 92/43, en particulier les objectifs que poursuit celle-ci en matière de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore. Afin de constater une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, la Commission est tenue de
démontrer à suffisance de droit que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures de protection appropriées consistant à éviter que les activités d’exploitation de projets, pour autant qu’elles ont eu lieu après la classification du site en cause, ne produisent de détériorations des habitats des espèces concernées ainsi que des perturbations de ces espèces susceptibles d’avoir des effets significatifs eu égard à l’objectif de cette directive consistant à assurer la conservation desdites espèces
(voir, par analogie, arrêt du 14 janvier 2016, Commission/Bulgarie,C‑141/14, EU:C:2016:8, points 56 et 57 ainsi que jurisprudence citée).

29 Néanmoins, afin d’établir un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, il n’appartient pas à la Commission de démontrer l’existence d’une relation de cause à effet entre l’exploitation des installations issues d’un projet et une perturbation significative causée aux espèces concernées. En effet, il suffit que cette institution établisse l’existence d’une probabilité ou d’un risque que cette exploitation provoque de telles perturbations (arrêt du 14 janvier 2016,
Commission/Bulgarie,C‑141/14, EU:C:2016:8, point 58 et jurisprudence citée).

30 La preuve, par la Commission, de l’existence d’une telle probabilité ou d’un risque n’exclut cependant pas pour autant que l’État membre concerné puisse démontrer que la mesure en cause satisfait aux conditions prescrites par l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43 et qu’elle a fait l’objet d’une analyse des incidences sur les objectifs de conservation du site protégé (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a.,C‑399/14, EU:C:2016:10, points 56 et 57).

31 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le bien-fondé des arguments spécifiques du premier grief soulevé par la Commission dans le cadre du présent recours.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait autorisé ou toléré la réalisation de projets immobiliers dans la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

32 La Commission reproche à la République hellénique :

— la construction de bâtiments à Agiannaki (Grèce) au cours des années 2006 et 2010 ;

— l’autorisation de construire trois résidences de vacances à Vounaki (Grèce) au cours de l’année 2012 et leur construction effective pendant l’année 2013 ;

— l’engagement des travaux en vue de la réalisation d’un projet de développement immobilier portant sur la construction d’une cinquantaine de résidences situées entre Agiannaki et Elaia (Grèce), et

— le fait qu’un permis aurait dû être délivré pour la construction de quatre résidences de vacances à Elaia (ci-après, ensemble, les « infrastructures en cause »).

33 La Commission estime que les infrastructures en cause, dès lors qu’elles ont pour conséquence une pollution, des vibrations, une augmentation de la présence humaine ainsi que des nuisances sonores et lumineuses, portent atteinte aux habitats dunaires situés dans la zone de Kyparissia et perturbent les tortues marines Caretta caretta. Elle ajoute que ces constructions ont lieu à proximité de l’aire de reproduction de ces tortues.

34 La République hellénique admet que la région dans laquelle la zone de Kyparissia se situe a fait l’objet notamment d’une certaine pression immobilière, mais elle fait valoir que l’activité dans le secteur de la construction était plus intense dans le passé et que, en pratique, en raison de la crise économique, toutes ces activités ont cessé dans cette zone. Cet État membre affirme que, dans celle-ci, toute construction sans permis de construire préalable est interdite et qu’aucun nouveau permis
ne sera délivré jusqu’à l’adoption du décret présidentiel.

– Appréciation de la Cour

35 Il convient de constater que les infrastructures en cause, plus particulièrement le développement de projets immobiliers et la construction de résidences, ainsi que leur utilisation ultérieure, mis en cause par la Commission, sont de nature à affecter de manière significative les habitats situés dans la zone de Kyparissia. De même, la construction et l’utilisation de ces infrastructures, notamment par le bruit, la lumière et la présence humaine qu’ils entraînent, sont susceptibles de perturber de
manière significative la tortue marine Caretta caretta lors de sa reproduction.

36 Toutefois, d’une part, un site n’est soumis à l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43, selon l’article 4, paragraphe 5, de celle-ci, que lorsque ce site est inscrit sur la liste visée à son article 4, paragraphe 2, troisième alinéa. Or, les dunes de Kyparissia ont été inscrites sur la liste des SIC le 19 juillet 2006 par la décision 2006/613.

37 D’autre part, l’existence d’un manquement doit, sauf dans le cas où la Commission, en réduisant l’étendue de sa requête, accepte une date ultérieure, être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne peuvent pas être pris en compte par la Cour. En l’occurrence, le délai fixé à la République hellénique pour se conformer à l’avis motivé de la Commission a expiré le
1er décembre 2012.

38 Dans ces conditions, la période pertinente pour laquelle une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 peut être constatée dans le cadre du présent recours s’étend seulement du 19 juillet 2006 au 1er décembre 2012.

39 Premièrement, en ce qui concerne le grief relatif à la construction de bâtiments à Agiannaki au cours de l’année 2006, il convient de constater que la Commission ne démontre pas que ces travaux ont été autorisés et effectués pendant la période pertinente, à savoir après le 19 juillet 2006, de telle sorte qu’il n’est pas possible d’établir qu’ils sont constitutifs d’un manquement imputable à la République hellénique.

40 Eu égard aux constatations faites au point 35 du présent arrêt, une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 doit donc être constatée en raison des seules constructions effectuées pendant l’année 2010.

41 Néanmoins, s’agissant des bâtiments construits avant la période pertinente, à savoir avant le 19 juillet 2006, eu égard aux constatations faites au point 35 du présent arrêt, il y a lieu de constater une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, comme l’a relevé Mme l’avocat général aux points 55 et 58 de ses conclusions, en raison du fait que la République hellénique n’a pas encadré à suffisance l’utilisation de ces bâtiments (voir, par analogie, arrêt du 24 novembre 2011,
Commission/Espagne,C‑404/09, EU:C:2011:768, points 124, 125 et 128). Si le principe de sécurité juridique pourrait, le cas échéant, justifier cette utilisation, par analogie avec la procédure dérogatoire prévue à l’article 6, paragraphe 4, de cette directive, une telle justification, qui supposerait notamment un examen de l’existence d’autres solutions moins préjudiciables ainsi qu’une mise en balance des intérêts concernés, fondés sur une analyse, en vertu du paragraphe 3 dudit article, des
incidences sur les objectifs de conservation du site protégé (voir arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a.,C‑399/14, EU:C:2016:10, point 57 et jurisprudence citée), n’a pas été invoquée par la République hellénique.

42 Deuxièmement, s’agissant de l’autorisation de construire trois résidences de vacances à Vounaki au cours de l’année 2012 et leur construction en 2013, si seule l’autorisation d’édification de ces résidences relève de la période pertinente pour l’appréciation du manquement allégué, celle-ci est susceptible de porter sensiblement atteinte aux habitats dunaires situés dans la zone de Kyparissia et d’entraîner une perturbation significative des tortues marines Caretta caretta. Cette autorisation
constitue, dès lors, un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

43 Troisièmement, quant à l’engagement des travaux portant sur la construction d’une cinquantaine de résidences situées entre Agiannaki et Elaia, la Commission précise, certes, que les autorités helléniques n’ont pas délivré de permis à cette fin. Toutefois, la République hellénique n’est pas fondée à faire valoir que, la réalisation de ces travaux de construction étant interdites sans permis préalable, un tel engagement de travaux ne lui est pas imputable et ne permet dès lors pas d’établir, dans
son chef, un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43. En effet, ainsi que le soutient la Commission, cet État membre a omis de mettre en place un régime de protection adéquat et de faire respecter cette interdiction de construction, ayant pour conséquence l’engagement de travaux incontrôlés et non planifiés.

44 Quatrièmement, à l’égard de l’affirmation selon laquelle un permis devrait être délivré pour la construction de quatre résidences de vacances à Elaia, il suffit de relever que l’allégation d’une telle intention, sans apporter la preuve qu’un permis sera effectivement délivré, ne constitue pas un fondement suffisant pour constater un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

45 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en ayant toléré la construction de maisons à Agiannaki au cours de l’année 2010, l’utilisation, sans un encadrement suffisant, d’autres maisons à Agiannaki datant de 2006 et l’engagement des travaux de construction portant sur une cinquantaine de résidences situées entre Agiannaki et Elaia, ainsi que, en ayant autorisé la construction de trois résidences de vacances à Vounaki au cours de l’année 2012, la République hellénique a manqué aux obligations
qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43. Il convient de rejeter cette partie du premier grief pour le surplus.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait autorisé le développement des infrastructures d’accès aux plages situées dans la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

46 La Commission reproche à la République hellénique d’avoir toléré, au sein de la zone de Kyparissia :

— l’ouverture de cinq nouvelles routes vers la plage d’Agiannaki ;

— la construction d’une route reliant la plage de Kalo Nero à Elaia le long de la voie ferrée existante, et

— le goudronnage de certaines routes existantes.

47 La Commission fait valoir que l’ouverture des routes vers la plage a des effets destructeurs sur cette zone. Elle indique que, malgré l’imposition des amendes et la réhabilitation exigée par les autorités helléniques, ces routes sont restées opérationnelles. Il en résulterait un accès facile des véhicules à la plage, du bruit et de la pollution.

48 De même, la Commission considère que le goudronnage de certaines routes existantes ainsi que la construction d’une route reliant la plage de Kalo Nero à Elaia le long de la voie ferrée portent atteinte aux habitats dunaires et perturbent les tortues marines Caretta caretta.

49 La République hellénique fait valoir que, en raison de la morphologie du sol, lequel est plat, et du fait que la zone de Kyparissia est habitée depuis des temps très anciens, l’accès à la plage a toujours été facile. Cette zone offrirait d’ailleurs, et depuis longtemps, plusieurs autres accès perpendiculaires à la plage.

50 En ce qui concerne la prétendue ouverture de cinq nouvelles routes en direction de la plage d’Agiannaki, la République hellénique relève que ces routes existent depuis le début des années 70 et que leur existence ainsi que leur caractère à usage commun sont confirmés par une décision de justice. En tout état de cause, en raison de la construction de quatre routes parmi ces cinq et des travaux effectués sur la cinquième route sans autorisation environnementale préalable, des amendes auraient été
infligées au cours de l’année 2012 à la société de construction en cause. Cet État membre fait valoir que plusieurs actions pénales ont été entamées par les autorités et que plusieurs procédures judiciaires sont également pendantes et ont pour objet ces amendes et la légalité desdites routes.

51 S’agissant de la route en construction qui relierait la plage de Kalo Nero à Elaia le long de la voie ferrée, la République hellénique soutient que la directive 92/43 n’exige pas de transformer cette zone habitée depuis des temps très anciens en zone inaccessible et que, selon l’article 2, paragraphe 3, de cette directive, les mesures prises en vertu de celle‑ci doivent tenir compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales. Or, la voie
ferrée et la voie tangente à celle-ci se trouveraient à une grande distance de la plage et cette dernière serait nécessaire pour avoir un accès à chacune des propriétés.

52 Quant au reproche d’avoir revêtu de bitume, en partie, certaines routes littorales existantes, la République hellénique affirme que cela a permis de réduire la poussière et le bruit. Elle fait valoir que l’accès à la plage dépend du caractère praticable de la route et non pas de l’existence de bitume sur celle-ci et qu’un tel changement de revêtement des routes n’affecte nullement la faculté de ponte des tortues marines Caretta caretta.

– Appréciation de la Cour

53 Premièrement, en ce qui concerne l’ouverture de nouvelles routes vers la mer, il convient de constater que celle‑ci facilite l’accès des véhicules à la plage et constitue, partant, un facteur d’augmentation du trafic automobile. En fait, selon l’avis 32/2015 du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État), produit par la Commission, le stationnement non réglementé des voitures au bout et le long des voies d’accès provoquent des atteintes aux habitats dunaires des espèces recensées dans la zone de
Kyparissia. Il résulte de cet accès facilité et de cette augmentation du trafic automobile une aggravation du bruit et de la lumière, perturbant les tortues marines Caretta caretta lors de la ponte ainsi que lors de l’éclosion des jeunes espèces. Le caractère illégal et les effets destructifs de l’ouverture et de la construction de ces routes ont par ailleurs été constatés par la République hellénique elle-même, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, et plus particulièrement des
documents figurant aux annexes 17 h et 17 i de la requête introductive d’instance.

54 Bien que la République hellénique n’ait ni autorisé ni effectué ces ouvertures au sein de la zone de Kyparissia, elle ne remet pas en cause les reproches de la Commission qui soutient que ces routes sont opérationnelles nonobstant les actions pénales entamées et les différentes procédures judiciaires pendantes.

55 Or, en se limitant, d’une part, à diligenter des procédures pénales contre les responsables de la société ayant construit les routes en cause et à sanctionner administrativement cette société ainsi que, d’autre part, à faire valoir, devant les juridictions nationales, que lesdites routes sont illégales et doivent être supprimées, la République hellénique n’a pas satisfait à l’obligation spécifique que lui impose l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 (voir, par analogie, arrêt du
9 novembre 1999, Commission/Italie,C‑365/97, EU:C:1999:544, point 109).

56 Ainsi que le soutient la Commission, la République hellénique aurait dû faire en sorte que ces voies d’accès ne restent pas opérationnelles et que leur utilisation ne perturbe pas sensiblement la tortue marine Caretta caretta ni porte atteinte aux habitats dunaires situés dans la zone de Kyparissia.

57 En ayant omis de prendre des mesures provisoires de protection de cette zone en vue de restreindre l’utilisation des voies d’accès en cause jusqu’à la clôture des procédures judiciaires susmentionnées portant sur la légalité et l’éventuelle suppression de ces voies d’accès, alors que, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 77 de ses conclusions, rien n’indique que de telles mesures seraient impossibles pour des motifs de fait ou de droit, la République hellénique a manqué aux obligations
qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

58 Deuxièmement, quant à la route en construction qui relierait la plage de Kalo Nero à Elaia le long de la voie ferrée, il convient de constater qu’elle suit la ligne existante du chemin de fer et que la République hellénique n’a pas été contredite par la Commission quant au fait que cette route se trouve, à l’exception de deux points, à une distance supérieure à 200 mètres de la côte et n’est pas liée à l’accès à la plage. Dans ces conditions, la Commission n’a pas démontré qu’il existe une
probabilité suffisante que la route en construction qui relierait la plage de Kalo Nero à Elaia le long de la voie ferrée aura un effet significatif sur les habitats dunaires et les tortues marines Caretta caretta.

59 Troisièmement, s’agissant du revêtement de certaines routes littorales par du bitume, le goudronnage de chemins de sable facilite leur utilisation, surtout par les véhicules automobiles, ce qui est susceptible d’affecter de manière significative les habitats dunaires situés dans la zone de Kyparissia et d’accroître sensiblement la perturbation des tortues marines Caretta caretta. La République hellénique, en tolérant le goudronnage de routes à l’intérieur du site, a donc enfreint l’article 6,
paragraphe 2, de la directive 92/43.

60 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en ayant toléré l’ouverture de cinq nouvelles routes vers la plage d’Agiannaki ainsi que le goudronnage de certains accès et routes existants, la République hellénique n’a pas empêché le développement des infrastructures d’accès à cette plage située dans la zone de Kyparissia, de telle sorte qu’elle a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43. Il convient toutefois de rejeter ce même grief en
tant qu’il porte sur la construction d’une route reliant la plage de Kalo Nero à Elaia, le long de la voie ferrée existante.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré des aires de camping illégales dans la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

61 La Commission reproche à la République hellénique de tolérer que :

— la route située derrière la plage de Kalo Nero serve d’aire de camping pour les caravanes et

— au milieu des dunes de la plage d’Elaia, dans une pinède, le camping sauvage soit pratiqué.

62 Selon la Commission, le camping sauvage constitue un problème pour la préservation des dunes ainsi que des habitats forestiers. Il perturberait également les tortues marines Caretta caretta.

63 La République hellénique, tout en affirmant que le camping sauvage est interdit dans tout le pays, reconnaît que, malgré l’interdiction et les interventions de la police, ces pratiques ont toujours lieu. Elle fait valoir que, dans la zone de Kyparissia, ce type de camping existe depuis au moins 30 ans ou 40 ans, mais que celui-ci diminue progressivement.

– Appréciation de la Cour

64 Il est constant que la République hellénique ne conteste pas n’avoir pas pris de mesures suffisantes en vue d’assurer le respect de l’interdiction du camping sauvage au sein de la zone de Kyparissia. Il est également constant que le camping sauvage au sein de cette zone est susceptible de porter sensiblement atteinte aux habitats dunaires concernés et d’entraîner une perturbation significative des tortues marines Caretta caretta.

65 Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas pris des mesures suffisantes en vue de veiller au respect de l’interdiction du camping sauvage à proximité de la plage de Kalo Nero et à Elaia, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré l’exploitation des bars sur la plage située dans la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

66 La Commission reproche à la République hellénique de tolérer que, entre Elaia et Kalo Nero, au moins trois bars soient exploités. Ces bars seraient bruyants et éclairés la nuit, de sorte qu’ils perturberaient les tortues marines Caretta caretta lors de leur ponte et mettraient en danger les jeunes espèces, nouvellement écloses.

67 La Commission fait valoir que, le 13 août 2011, une fête a eu lieu sur la plage de Kalo Nero. Tout en admettant que les autorités helléniques ont déclaré leur intention de supprimer ces bars, elle fait valoir que, lors de la visite de ses agents du 17 juillet 2012, lesdits bars étaient toujours présents. Selon la Commission, en 2013, ces mêmes bars ne fonctionnaient pas, mais les infrastructures existaient toujours.

68 La République hellénique soutient que, pendant les années 2013 et 2014, aucune cantine n’a fonctionné sur la plage en cause et que tous les bars illégaux ainsi que leurs installations connexes ont été éloignés. Elle indique que la seule exception est la plage de Kalo Nero où de telles constructions en bois ne seront détruites qu’ultérieurement.

– Appréciation de la Cour

69 Étant donné que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne peuvent pas être pris en compte par la Cour, les différents éléments factuels invoqués par les parties qui sont postérieurs au 1er décembre 2012, délai fixé à la République hellénique pour se conformer à l’avis motivé de la Commission, n’entreront pas en considération
dans le cadre de l’appréciation, par la Cour, du manquement allégué.

70 Il y a lieu de constater que la République hellénique ne présente aucun élément susceptible de démontrer qu’elle a, avant l’expiration de ce délai, pris les mesures nécessaires aux fins d’éviter que la reproduction des tortues marines Caretta caretta soit perturbée par l’exploitation des bars en cause.

71 Par conséquent, en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de limiter l’exploitation des bars se trouvant entre Elaia et Kalo Nero, sur les plages où les tortues marines Caretta caretta se reproduisent, et veillé à ce que les nuisances causées par ces bars ne perturbent pas ces espèces, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré la présence de mobilier et d’installations sur les plages au sein de la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

72 La Commission reproche à la République hellénique de tolérer, au sein de la zone de Kyparissia, la présence d’une quantité excessive de mobilier de plage, à savoir des parasols et des chaises longues. Elle fait, en outre, valoir que, bien que les autorités helléniques aient ordonné la démolition de plusieurs plateformes érigées sur les plages situées dans cette zone, ces démolitions n’ont jamais été exécutées et une autorisation a même été délivrée, le 28 juillet 2011, pour l’installation d’une
plateforme au profit de l’hôtel Messina Mare.

73 Selon la Commission, ces installations de plage, dans la mesure où elles sont fixées ou laissées sur la plage la nuit, ont un effet négatif sur les aires de reproduction des tortues marines Caretta caretta, car leur présence diminue l’espace disponible pour les nids et gêne le déplacement des tortues.

74 La République hellénique fait valoir que, au cours des années 2013 et 2014, il n’y avait aucun parasol ni aucune chaise longue sur les plages de Vounaki, d’Elaia et d’Agiannaki. Certains parasols et chaises longues auraient été encore présents sur la plage de Kalo Nero, mais en dehors de la zone de reproduction des tortues marines Caretta caretta. En ce qui concerne la plateforme située près de l’hôtel Messina Mare, cet État membre fait valoir qu’il s’agit d’une rampe pour aider les personnes
handicapées fréquentant l’établissement.

– Appréciation de la Cour

75 Premièrement, en ce qui concerne les parasols et les chaises longues, la République hellénique se borne à indiquer que, depuis l’année 2013, soit après l’expiration du délai imparti par l’avis motivé, de tels éléments de mobilier sont uniquement présents sur la plage de Kalo Nero, à l’écart de l’espace de reproduction des tortues marines Caretta caretta. Cet État membre admet donc implicitement qu’il n’avait pas réduit auparavant la présence du mobilier de plage sur l’espace de reproduction de
ces tortues.

76 Deuxièmement, s’agissant des plateformes érigées sur les plages situées au sein de la zone de Kyparissia, la République hellénique, qui ne conteste ni leur présence au terme du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission ni la probabilité qu’elles portent sensiblement atteinte aux habitats dunaires situés dans la zone de Kyparissia et qu’elles entraînent une perturbation significative des tortues marines Caretta caretta, se borne à affirmer que celle autorisée près de l’hôtel Messina Mare est
constituée d’une rampe destinée à des personnes handicapées.

77 La Commission ne conteste pas la finalité de cette dernière plateforme. Or, si une plateforme visant à faciliter le déplacement des personnes handicapées est, en principe, susceptible d’être considérée comme ayant été réalisée pour des raisons impératives d’intérêt public majeur liées à la santé de l’homme, au sens de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43, une telle justification suppose notamment un examen de l’existence d’autres solutions moins préjudiciables ainsi qu’une mise en
balance des intérêts concernés, fondés sur une analyse, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive, des incidences sur les objectifs de conservation du site protégé (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a.,C‑399/14, EU:C:2016:10, point 57 et jurisprudence citée). En l’absence de toute explication de la République hellénique à cet égard, il convient de considérer que la plateforme autorisée près de l’hôtel Messina Mare constitue également une violation de
l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive.

78 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de réduire, au sein de la zone de Kyparissia, la présence de mobilier et de diverses installations sur les plages où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta et en ayant autorisé la construction d’une plateforme près de l’hôtel Messina Mare, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré le nettoyage des plages situées au sein de la zone de Kyparissia au moyen de machines lourdes

– Argumentation des parties

79 La Commission reproche à la République hellénique le nettoyage de la plage, par la municipalité d’Avlona (Grèce), au moyen de machines lourdes, provoquant ainsi la compression du sable par leur poids et la destruction des nids de tortues marines Caretta caretta par vibration.

80 La République hellénique rétorque qu’il ne s’agit pas d’une pratique permanente, mais d’un cas isolé et qu’aucun cas ultérieur n’a été constaté après l’envoi de la lettre de mise en demeure. En outre, les réglementations nationales adoptées aux mois de juillet 2013 et de mai 2014 par le ministère de l’Environnement viseraient à éviter de tels incidents et prévoiraient que, pendant la période de reproduction de ces tortues, le nettoyage de la plage soit effectué de manière manuelle.

– Appréciation de la Cour

81 Bien que les réglementations nationales invoquées par la République hellénique aient été adoptées après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et ne peuvent pas être prises en compte par la Cour aux fins de l’appréciation du manquement allégué, ce grief ne saurait être accueilli. En effet, non seulement la Commission ne met pas en cause l’affirmation de cet État membre selon laquelle le cas indiqué était un cas isolé, mais elle ne présente pas non plus d’éléments visant à démontrer la
répétition de tels incidents ou la nécessité de prendre des mesures spécifiques en vue de les empêcher.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré l’extraction illégale de sable sur les plages situées au sein de la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

82 La Commission reproche à la République hellénique de tolérer, sur les plages situées au sein de la zone de Kyparissia, une activité incontrôlée d’extraction de sable.

83 Cet État membre fait valoir que la Commission ne produit aucun élément de preuve quant à une telle activité.

84 La Commission reproduit toutefois, dans son mémoire en réplique, un tableau censé démontrer que la République hellénique reconnaît elle‑même qu’il existe un risque d’incidences dommageables significatives pour la zone de Kyparissia en raison d’activités d’extraction de sable.

– Appréciation de la Cour

85 L’article 128, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation et qu’elles motivent le retard apporté à la présentation de ces éléments.

86 La présentation tardive de cet élément n’étant cependant pas motivée par la Commission, ledit élément ne peut être pris en compte, en tant que preuve, lors de la vérification par la Cour de l’existence du manquement allégué par cette institution.

87 Dès lors que la Commission ne présente pas d’autre élément susceptible d’étayer le grief en cause, il convient de rejeter le recours sur ce point.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré l’élargissement des activités agricoles au sein de la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

88 La Commission reproche à la République hellénique :

— une expansion des terres cultivées dans la zone des dunes ;

— un labourage des dunes entre Elaia et Agiannaki, et

— un élevage de moutons sur les plages où les tortues marines Caretta caretta se reproduisent.

89 La Commission fait valoir que l’expansion des terres cultivées dans la zone des dunes a pour effet de détruire l’aire dunaire de reproduction de ces espèces et que l’eau d’irrigation est susceptible d’affecter les nids de tortues situés à proximité. L’augmentation de l’humidité causée par ces cultures aurait pour effet une modification de la température souterraine, qui provoquerait l’éclosion d’un nombre accru de jeunes tortues mâles et serait ainsi susceptible d’entraîner un déséquilibre dans
la population de l’espèce Caretta caretta.

90 La Commission affirme que, entre Agiannaki et Elaia, un labourage des dunes a eu lieu du 20 février au 3 mars 2013, ce qui a détruit un certain nombre d’habitats de tortues marines Caretta caretta, sans qu’aucune mesure de réparation ait été prise.

91 La Commission estime que l’élevage de moutons sur les plages où ces tortues se reproduisent a pour résultat une destruction directe et indirecte des nids. Ces derniers seraient piétinés et les œufs seraient détruits par les vibrations provoquées au sol.

92 La République hellénique rappelle que l’activité agricole a considérablement diminué au cours des 20 dernières années et que, jusqu’en 2001, la réduction des terres cultivées était de l’ordre de 25 % à 30 % selon les endroits concernés. Au sein de la zone de Kyparissia, il n’y aurait pas d’expansion des cultures vers les dunes, étant donné que le substrat sablonneux ne s’y prêterait pas et que la région située au-delà de cette zone est particulièrement fertile.

93 Cet État membre fait valoir que le labourage auquel la Commission fait référence a été effectué sur une surface agricole.

94 L’élevage de moutons sur les plages où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta serait impossible, étant donné qu’aucune végétation ne pousse sur la plage. En tout état de cause, selon la République hellénique, ces tortues enterrent leurs œufs à une profondeur telle que les nids ne pourraient être détruits en raison du piétinement des moutons et des vibrations au sol que celui-ci entraîne.

– Appréciation de la Cour

95 En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue expansion des terres cultivées dans la zone des dunes, il convient de constater que, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 105 de ses conclusions, la Commission n’a pas apporté de preuve de nature à réfuter l’affirmation de la République hellénique selon laquelle, au sein de la zone de Kyparissia, une telle expansion ne se constate pas. Il en découle que, sur ce point, le grief de la Commission ne saurait être accueilli.

96 En deuxième lieu, dès lors que la Commission situe le prétendu labourage de zones de dunes à une date postérieure à l’expiration du délai qu’elle a fixé dans son avis motivé, un tel grief ne peut pas non plus être reproché à la République hellénique, de telle sorte que le grief avancé par la Commission doit, lui aussi, être rejeté sur ce point.

97 En troisième lieu, il convient de constater que la Commission ne conteste pas l’affirmation de la République hellénique selon laquelle aucune végétation ne pousse sur la plage sur laquelle se reproduisent les tortues marines Caretta caretta et que les photographies présentées par la Commission tendent à démontrer non pas une activité d’élevage, mais la présence de quelques moutons sur cette plage. En tout état de cause, la Commission n’a apporté aucun élément de preuve permettant de conclure que
la présence de moutons, telle qu’elle apparaît sur ces photographies, serait susceptible de porter atteinte aux nids de tortues enfouis à 40 cm à 60 cm de profondeur dans le sable. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le grief avancé par la Commission également sur ce point.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré la pollution lumineuse de la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

98 La Commission reproche à la République hellénique de ne pas avoir pris les mesures appropriées en vue d’éviter que l’éclairage municipal des voies publiques et celui à proximité des plages, ainsi que la lumière des restaurants, des hôtels et des commerces situés aux abords de la zone de Kyparissia, perturbent les tortues marines Caretta caretta lors de la ponte et, surtout, affectent les petits nouvellement éclos qui se dirigent vers la mer. Elle fait valoir que ces phénomènes ont été confirmés
lors de la visite de ses agents sur place le 17 juillet 2012.

99 Selon la République hellénique, l’éclairage public existe depuis de nombreuses années et celui-ci a été installé avant l’adoption d’une réglementation nationale imposant une évaluation appropriée, conformément à la directive 92/43. Elle soutient que, pour faire face à ce problème, une réglementation a été adoptée en 2014, qui est applicable sur les plages où ces tortues se reproduisent et qui prévoit, notamment, l’obligation de s’assurer que la lumière provenant de sources privées et publiques
n’atteigne la plage, afin de ne pas désorienter les jeunes tortues. De même, il serait interdit aux établissements et aux hôtels situés sur la côte d’utiliser des projecteurs. Il serait également envisagé de poser des plaques de recouvrement et d’utiliser des lampes spéciales.

– Appréciation de la Cour

100 S’agissant de l’argument de la République hellénique selon lequel l’éclairage public existait avant que de telles installations ne soient soumises à une évaluation appropriée conformément à la directive 92/43, il suffit de constater que, en vertu de cette directive, l’interdiction de détérioration qui y est prévue ne se limite pas à l’obligation, pour l’État membre concerné, d’interdire ou de faire cesser uniquement des nouvelles activités nuisibles.

101 Il y a dès lors lieu de constater que, en n’ayant pas pris les mesures de protection appropriées en vue d’éviter que l’éclairage public existant, à partir de l’inscription de la zone de Kyparissia sur la liste des SIC le 19 juillet 2006, ne perturbe la tortue marine Caretta caretta, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 (voir, par analogie, arrêt du 24 novembre 2011, Commission/Espagne,C‑404/09,
EU:C:2011:768, points 127 et 128).

102 Il convient d’accueillir également le grief de la Commission en ce qu’il concerne la perturbation de la tortue marine Caretta caretta provoquée par la lumière des restaurants, des hôtels et des commerces situés aux abords de la zone de Kyparissia.

103 En effet, la République hellénique se borne à indiquer à cet égard que, au cours de l’année 2014, soit après l’expiration du délai imparti par la Commission dans son avis motivé, elle a adopté une réglementation pour faire face à ce problème, ce qui tend implicitement à établir que cet État membre n’avait pas, auparavant, pris les mesures nécessaires aux fins de lutter contre la perturbation de la tortue marine Caretta caretta provoquée par une telle pollution lumineuse.

104 Par conséquent, en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de limiter de manière suffisante la pollution lumineuse touchant les plages où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta et situées dans la zone de Kyparissia, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré des activités de pêche aux abords de la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

105 La Commission fait valoir que la pêche pratiquée à proximité des plages situées dans la zone de Kyparissia et où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta constitue une source de perturbations pour ces espèces, puisque les spécimens allant pondre ou revenant des nids peuvent être pris dans les filets ou entrer en collision avec les bateaux de pêche. Elle s’appuie, à cet égard, sur un rapport annexé à sa requête introductive d’instance, selon lequel l’activité de pêche est exercée
directement au bord de la plage au moyen de filets maillants de fond et, parfois, à un kilomètre à peine au large de la plage, à l’aide de chaluts manipulés à partir de bateaux.

106 La République hellénique affirme que, depuis l’instauration du régime de protection de cette zone, la pêche y est réduite et que différents instruments de l’Union européenne ont contribué également à ce que l’activité de pêche a diminué dans la région. Il y aurait très peu de bateaux de pêche et une campagne d’information viserait à prévenir des captures accidentelles de tortues.

– Appréciation de la Cour

107 Force est de constater qu’une telle affirmation générale relative à la diminution de l’activité de pêche et à l’information des pêcheurs n’est pas de nature à mettre en cause les allégations de la Commission étayées par les constatations du rapport annexé à sa requête introductive d’instance.

108 Il en résulte que, en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de restreindre de manière suffisante les activités de pêche le long des plages situées dans la zone de Kyparissia et où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

Sur le premier grief, en ce que la République hellénique aurait toléré l’utilisation de bateaux de plaisance et de pédalos aux abords de la zone de Kyparissia

– Argumentation des parties

109 Selon la Commission, la présence de bateaux de plaisance et de pédalos, utilisés à proximité de plages situées dans la zone de Kyparissia et où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta, constitue une source de perturbations des tortues. Certaines d’entre elles seraient même tuées à la suite de collisions avec ces engins. Cette institution considère que les éléments figurant aux annexes 18 et 21 de sa requête introductive d’instance étayent ce grief.

110 Selon la République hellénique, lesdits éléments ne démontrent pas les allégations de la Commission et celle-ci n’a nullement établi que les décès des tortues sont dus à des blessures causées par des bateaux de plaisance et des pédalos.

– Appréciation de la Cour

111 Dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification de l’existence de celui-ci (arrêt du 9 juillet 2015, Commission/Irlande,C‑87/14, EU:C:2015:449, point 22 et jurisprudence citée).

112 Toutefois, il convient de constater que la Commission, en opérant, dans sa requête introductive d’instance, un renvoi aux annexes de celle-ci, sans fournir d’explications spécifiques pertinentes à leur égard, n’apporte pas les éléments nécessaires à la vérification de l’existence du manquement qu’elle allègue et, en tout état de cause, que de tels éléments ne ressortent pas de manière évidente desdites annexes.

113 Il y a, par conséquent, lieu de rejeter, sur ce point, le premier grief soulevé par la Commission à l’appui du présent recours.

114 Dans ces conditions, il convient de constater que la République hellénique,

— en ayant toléré la construction de maisons à Agiannaki au cours de l’année 2010, l’utilisation sans un encadrement suffisant d’autres maisons à Agiannaki datant de 2006 et l’engagement des travaux de construction, portant sur une cinquantaine de résidences situées entre Agiannaki et Elaia, ainsi qu’en ayant autorisé la construction de trois résidences de vacances à Vounaki au cours de l’année 2012 ;

— en ayant toléré le développement des infrastructures d’accès à la plage située dans la zone de Kyparissia, à savoir l’ouverture de cinq nouvelles routes vers la plage d’Agiannaki ainsi que le goudronnage de certains accès et routes existants ;

— en n’ayant pas pris de mesures suffisantes en vue d’assurer le respect de l’interdiction du camping sauvage à proximité de la plage de Kalo Nero et à Elaia ;

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de limiter l’exploitation des bars se trouvant entre Elaia et Kalo Nero, sur les plages où les tortues marines Caretta caretta se reproduisent, et en n’ayant pas veillé à ce que les nuisances causées par ces bars ne perturbent pas ces espèces ;

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires, au sein de la zone de Kyparissia, aux fins de réduire la présence de mobilier et de diverses installations sur les plages où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta, en ayant autorisé la construction d’une plateforme près de l’hôtel Messina Mare ;

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de limiter de manière suffisante la pollution lumineuse touchant les plages situées dans la zone de Kyparissia et où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta, et

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de restreindre de manière suffisante les activités de pêche le long des plages situées dans la zone de Kyparissia où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

Sur le deuxième grief, tiré du non-respect de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43

Argumentation des parties

115 Par son deuxième grief à l’appui de son recours, la Commission invoque une violation, par la République hellénique, de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43.

116 La Commission reproche à cet État membre d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition du fait d’avoir omis de procéder à une évaluation appropriée des incidences de projets non directement liés ou nécessaires à la gestion de la zone de Kyparissia, mais susceptibles d’affecter celle-ci de manière significative. Selon la Commission une telle évaluation des incidences aurait dû notamment être effectuée avant :

— l’octroi du permis de construire et la construction de diverses résidences à l’intérieur de la zone de Kyparissia ;

— l’ouverture de nouvelles routes et le goudronnage de certaines routes existantes à l’intérieur de cette zone ;

— la construction de nouveaux bars sur les plages situées dans ladite zone et où se reproduisent les tortues marine Caretta caretta ;

— l’installation de l’éclairage municipal le long de la plage située au sein de la même zone, et

— l’expansion des superficies cultivées dans le système dunaire de la zone de Kyparissia.

117 Selon la Commission, ces activités ont été réalisées sans aucune évaluation préalable, qu’il s’agisse d’une évaluation des incidences individuelles pour chacune de ces activités ou d’une évaluation des incidences cumulées dans leur ensemble. Elle souligne qu’aucune de ces activités n’est directement liée ni nécessaire à la gestion de la zone de Kyparissia et que celles-ci comportent probablement des incidences significatives sur cette zone du fait de son importance pour les tortues marines
Caretta caretta et pour l’habitat naturel concerné.

118 La République hellénique fait valoir que tous les plans ou projets ayant été réalisés dans la région sans « évaluation appropriée » concernaient des activités de construction achevées avant l’instauration de l’obligation d’une telle évaluation. Elle soutient, en ce qui concerne les plans et projets réalisés après cette date, que soit les exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 ont été respectées, soit, lorsque tel n’a pas été le cas, des procédures administratives et
pénales ont été entamées.

119 Cet État membre affirme que les exigences et les procédures prévues à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 ont été transposées en droit national et que la délivrance des permis de construire ainsi que l’exécution des travaux de construction sont suspendues jusqu’à l’adoption du décret présidentiel. Ainsi, ledit État membre n’aurait pas manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43.

Appréciation de la Cour

120 Il y a lieu de rappeler que l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 prévoit une procédure d’évaluation visant à garantir, à l’aide d’un contrôle préalable, qu’un plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site concerné, mais susceptible d’affecter ce dernier de manière significative, n’est autorisé que pour autant qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité de ce site (arrêt du 11 septembre 2012, Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a.,C‑43/10,
EU:C:2012:560, point 110).

121 Il s’ensuit que cette disposition n’est pertinente que lorsque les autorités nationales compétentes autorisent un projet, cette autorisation devant en ce cas être précédée par une évaluation appropriée des incidences de ce projet sur le site concerné.

122 Par conséquent, pour toute activité dont l’exécution était soumise à autorisation, mais ayant été réalisée sans celle‑ci, donc illégalement, l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 ne trouve pas à s’appliquer. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de constater le manquement pour la violation de cette disposition à cet égard.

123 En revanche, ladite disposition trouve à s’appliquer aux activités ayant été réalisées avec une autorisation préalable, à savoir aux maisons à Agiannaki dont les travaux ont été effectués au cours de l’année 2010, aux trois résidences de vacances à Vounaki au cours de l’année 2012 ainsi qu’à la plateforme près de l’hôtel de Messina Mare.

124 Ces activités étant susceptibles d’entraîner une perte de surface des dunes et de perturber la tortue marine Caretta caretta, leur autorisation aurait dû être soumise à une évaluation préalable de leurs incidences.

125 Dans ces conditions, dès lors que la République hellénique n’affirme pas que ces autorisations étaient antérieures au 19 juillet 2006, date de l’inscription de la zone de Kyparissia sur la liste des SIC, ou précédées par des évaluations d’incidences conformes à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, il y a lieu de constater que, en ayant délivré des permis pour des maisons construites pendant l’année 2010 à Agiannaki, pour trois résidences de vacances à Vounaki au cours de l’année
2012 et pour la construction d’une plateforme près de l’hôtel Messina Mare, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

126 Le grief est rejeté pour le surplus.

Sur le troisième grief, tiré du non-respect de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43

127 La Commission reproche à la République hellénique d’avoir enfreint l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43 en n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour instaurer et mettre en œuvre un régime efficace de protection stricte de la tortue marine Caretta caretta dans la zone de Kyparissia, de manière à éviter toute perturbation de cette espèce durant la période de reproduction et toute activité susceptible de détériorer ou d’endommager ses sites de reproduction.

128 La Commission rappelle que, conformément à cette disposition, un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV de la directive 92/43 doit être instauré en vue d’interdire la perturbation intentionnelle de ces espèces durant, notamment, la période de reproduction ainsi que la détérioration ou la destruction des sites de reproduction et des aires de repos. Ce système de protection stricte exigerait l’instauration d’un cadre juridique complet ainsi que l’adoption et la
mise en œuvre de mesures de protection précises et spécifiques.

129 La République hellénique soutient qu’elle n’a pas enfreint l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43.

Sur le troisième grief, en ce que la République hellénique aurait omis de mettre en place un cadre juridique complet et cohérent

– Argumentation des parties

130 La Commission fait valoir qu’un système de protection stricte, tel que prévu à l’article 12, paragraphe 1, de la directive 92/43, suppose l’adoption de mesures cohérentes et coordonnées, à caractère préventif. Elle relève que la République hellénique a reconnu qu’un tel cadre juridique complet et cohérent n’a pas encore été adopté, mais qu’il est en cours d’élaboration.

131 La Commission considère que l’ensemble des instruments juridiques en la matière en vigueur dans cet État membre ne suffit pas aux fins de la protection visée à l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43. L’existence de ces instruments juridiques aurait été invoquée pour la première fois par cet État membre dans son mémoire en défense. En outre, certains de ceux-ci seraient antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive 92/43 et ne comporteraient dès lors pas de
dispositions spécifiques susceptibles de satisfaire aux exigences de l’article 12 de cette directive.

132 Cette institution soutient que, en l’absence d’un cadre législatif national intégré et cohérent, la protection stricte de la tortue marine Caretta caretta ainsi que de ses sites de reproduction n’est pas garantie. Un régime de protection ne saurait être instauré au moyen d’un ensemble fragmentaire de mesures isolées qui touchent à la protection de l’environnement en général et ne visent pas à éviter, de façon concrète, toute perturbation intentionnelle de l’espèce concernée, durant la période de
reproduction, ainsi que toute activité susceptible de causer la détérioration ou la destruction de ses sites de reproduction.

133 La Commission souligne que la circonstance qu’il n’apparaît pas que le nombre de nids de la tortue marine Caretta caretta ait diminué à l’intérieur de la zone de Kyparissia ne saurait, par elle-même, remettre en cause la constatation selon laquelle des mesures de protection efficace n’ont pas été adoptées par la République hellénique. Elle fait valoir que le nombre élevé de nids constaté récemment est dû à la protection de la tortue marine Caretta caretta depuis l’année 1992 et que tous les
impacts sur cette espèce sont, en règle générale, visibles 20 ans plus tard. En outre, il ressortirait des arrêts du 30 janvier 2002, Commission/Grèce (C‑103/00, EU:C:2002:60), et du 16 mars 2006, Commission/Grèce (C‑518/04, non publié, EU:C:2006:183), qu’il n’est pas nécessaire que le nombre de nids diminue pour constater une perturbation de nature à constituer une méconnaissance de l’article 12 de la directive 92/43.

134 La République hellénique affirme que la Commission soutient à tort, d’une part, que la République hellénique n’a pas adopté un cadre législatif de protection suffisant et, d’autre part, qu’elle n’a pas réussi à appliquer des mesures de protection spécifiques et efficaces. Elle estime que la Commission ne peut pas faire valoir que, dans la zone de Kyparissia, il existe une dégradation des habitats et des perturbations ayant un impact significatif sur les espèces, alors qu’une évaluation
appropriée des incidences concernant les activités exercées dans ladite zone n’a même pas eu lieu.

135 Selon cet État membre, dès lors que la population de la tortue marine Caretta caretta augmente de manière stable et ne risque pas de voir son aire de répartition naturelle diminuer, il n’y a pas lieu d’invoquer une violation de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43.

136 La République hellénique considère que l’ordre juridique grec contient un cadre institutionnel large, cohérent, particulièrement strict et extrêmement efficace s’agissant de la protection de la tortue marine Caretta caretta. Elle fait référence, à cet égard, aux différents actes législatifs et réglementaires qui constituent ensemble un cadre suffisant jusqu’à l’adoption du décret présidentiel.

137 Cet État membre rappelle qu’il n’a jamais soutenu que l’ensemble desdits actes ait été adopté spécifiquement pour la zone de Kyparissia et l’espèce en question, mais que celui-ci les protège efficacement et garantit donc un système de protection adéquat et strict, au sens de l’article 12 de la directive 92/43. Cette disposition n’exigerait pas que le régime de protection stricte soit défini dans une seule et unique législation.

138 La République hellénique fait, enfin, état des caractéristiques, des mesures et des effets du projet de décret présidentiel et signale que celui-ci sera, après l’avis du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État), adopté prochainement. Elle souligne, néanmoins, que l’existence de ce projet de décret présidentiel ne signifiera pas pour autant qu’il n’existait pas auparavant un système de protection stricte et efficace dans l’ordre juridique grec.

– Appréciation de la Cour

139 Il convient de rappeler que l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV, sous a), de cette directive, dans leur aire de répartition naturelle, interdisant la perturbation intentionnelle de spécimens de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration, ainsi que la
détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos.

140 La Cour a déjà jugé que la transposition de cette disposition impose aux États membres non seulement l’adoption d’un cadre législatif complet, mais également la mise en œuvre de mesures concrètes et spécifiques de protection à cet égard et que le système de protection stricte suppose l’adoption de mesures cohérentes et coordonnées, à caractère préventif (arrêt du 15 mars 2012, Commission/Chypre,C‑340/10, EU:C:2012:143, points 60 et 61 ainsi que jurisprudence citée).

141 Un ensemble d’instruments juridiques ne constitue pas un cadre législatif et réglementaire ayant un caractère complet lorsque ces instruments ne permettent pas d’empêcher des atteintes à l’interdiction de détérioration prévue à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 ou lorsque ceux-ci doivent être complétés régulièrement en vue de pouvoir garantir la protection exigée à l’article 12 de cette même directive.

142 Le fait que plusieurs manquements à l’interdiction de détérioration prévue à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 ont été constatés au point 114 du présent arrêt permet de présumer qu’un cadre législatif complet et cohérent, à caractère préventif, fait défaut concernant la protection de la zone de Kyparissia.

143 Cette présomption est confirmée par la circonstance que la République hellénique a adopté divers arrêtés ministériels, entre autres les 23 mai 2013, 23 juillet 2013, 14 février 2014 et 8 mai 2014, notamment aux sujets de l’utilisation appropriée des plages, du gel de certaines activités agricoles, de la limitation de lumière provenant des établissements privés sur la plage, de la suspension de délivrance des permis de construire, de l’interdiction de certaines activités de construction ainsi que
de l’interdiction de l’ouverture et du goudronnage des routes à l’intérieur de la zone de Kyparissia.

144 L’adoption de tels instruments juridiques après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé démontre à suffisance que, avant ce délai, le cadre législatif national était incomplet.

145 La République hellénique n’est donc pas fondée à soutenir que le décret présidentiel, en cours d’adoption, visant à la protection de cette zone, n’aurait pour finalité que de rassembler et de consolider la réglementation qui était déjà en vigueur au terme dudit délai.

146 Au contraire, il ressort de l’avis du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) que les obligations de la République hellénique découlant du droit de l’Union requièrent une nouvelle réglementation visant la protection de la zone de Kyparissia et imposent le dépôt dans les plus brefs délais devant cette instance d’un nouveau projet de décret.

147 De même, la République hellénique n’est pas fondée à soutenir que, dès lors que la population de la tortue marine Caretta caretta augmente de manière stable, il n’y a pas lieu de lui opposer le grief d’un manquement aux obligations découlant de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43.

148 En effet, ainsi que le soutient la Commission, une circonstance telle que la stabilité de la population de l’espèce ne saurait, par elle-même, remettre en cause la constatation relative au caractère incomplet du cadre législatif national pertinent (voir, par analogie, arrêt du 16 mars 2006, Commission/Grèce,C‑518/04, EU:C:2006:183, point 21).

149 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas adopté de cadre législatif et réglementaire complet, cohérent et strict visant la protection de la tortue marine Caretta caretta au sein de la zone de Kyparissia, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43.

Sur le troisième grief, en ce que la République hellénique aurait omis d’appliquer des mesures de protection précises, spécifiques et efficaces

– Argumentation des parties

150 Selon la Commission, la République hellénique n’applique pas des mesures spécifiques efficaces de manière à éviter, d’une part, la perturbation de la tortue marine Caretta caretta pendant la période de reproduction et, d’autre part, les activités susceptibles de détériorer ou de détruire ses zones de reproduction.

151 Elle relève que l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive 92/43 prévoit une protection plus stricte que celle visée à cet article, sous a) à c), et que ledit point d) ne limite pas les interdictions aux actes intentionnels.

152 Partant, pour apprécier dans quelle mesure une certaine activité « est de nature à détériorer ou à détruire les sites de reproduction », il conviendrait de tenir compte du fait que cette espèce ne pond des œufs que tous les deux ou trois ans et qu’elle est particulièrement sensible et vulnérable aux nuisances sonores et lumineuses tout au long du processus de reproduction, à savoir durant l’incubation et lorsque les jeunes espèces entreprennent de se diriger vers la mer.

153 La Commission fait valoir que, dans la zone de Kyparissia, les aires de reproduction de la tortue marine Caretta caretta sont susceptibles d’être détériorées ou détruites par différentes activités humaines indiquées dans son recours, qui créent des obstacles d’accès aux aires de reproduction ainsi qu’une pollution lumineuse et sonore.

154 Selon la République hellénique, son cadre institutionnel et légal régissant les activités au sein de la zone de Kyparissia interdit les activités susceptibles d’affecter les sites de reproduction des tortues marines Caretta caretta de manière intentionnelle ou de nuire à cette espèce.

155 Elle soutient que, conformément aux lignes directrices de la Commission, la dégradation d’une zone s’apprécie sur la base de l’état de conservation de chacune des espèces et des habitats, lequel est évalué par rapport aux conditions initiales, au moment où le classement de la zone concernée en zone protégée a été proposé.

156 De plus, l’évaluation des incidences éventuelles sur l’intégrité de la zone, pour ce qui est de ses fonctions écologiques, devrait se faire au niveau de la zone protégée dans son ensemble et non pas à une échelle plus réduite en isolant des petites parties de la plage en vue de pouvoir établir une perturbation significative.

– Appréciation de la Cour

157 En ce qui concerne le manquement allégué à l’interdiction de perturbation des espèces protégées, visée à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/43, il convient de constater que les manquements à l’article 6, paragraphe 2, de cette directive, tels que constatés au point 114 du présent arrêt, sont tous constitutifs de perturbations prohibées de la tortue marine Caretta caretta.

158 Comme l’a souligné Mme l’avocat général au point 143 de ses conclusions, il en est de même pour ce qui concerne la construction de bâtiments à Agiannaki au cours de l’année 2006. En effet, à la différence de l’interdiction générale de détérioration et de perturbation prévue à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, la protection des espèces visée à l’article 12 de cette directive n’est pas soumise, conformément à l’article 4, paragraphe 5, de celle-ci, à l’inscription des dunes de
Kyparissia sur la liste visée à son article 4, paragraphe 2, troisième alinéa. Ainsi qu’il ressort de l’article 23, paragraphe 1, de ladite directive, cette protection est déjà applicable depuis l’année 1994.

159 Dès lors que les auteurs de ces perturbations ont, au moins, accepté la possibilité que les tortues marines Caretta caretta soient perturbées durant la période de reproduction, la condition relative au caractère intentionnel figurant à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/43 est remplie (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2006, Commission/Espagne,C‑221/04, EU:C:2006:329, point 71).

160 Dans ces conditions, il convient de constater que, en n’ayant pas pris, dans le délai prescrit, toutes les mesures concrètes nécessaires pour éviter la perturbation intentionnelle de la tortue marine Caretta caretta pendant la période de reproduction de l’espèce, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/43.

161 Il y a lieu également d’accueillir le recours de la Commission en ce qu’il fait grief à cet État membre de ne pas avoir pris les mesures nécessaires aux fins de faire respecter l’interdiction de la détérioration ou de la destruction des sites de reproduction, visée à l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive 92/43.

162 En effet, plusieurs manquements à l’article 6, paragraphe 2, de cette directive, tels que constatés au point 114 du présent arrêt, constituent, en eux-mêmes, des activités qui détériorent nécessairement les sites de reproduction de la tortue marine Caretta caretta.

163 Il résulte des considérations qui précèdent que la République hellénique,

— en n’ayant pas adopté de cadre législatif et réglementaire complet, cohérent et strict visant la protection de la tortue marine Caretta caretta au sein de la zone de Kyparissia ;

— en n’ayant pas pris, dans le délai prescrit, toutes les mesures concrètes nécessaires pour éviter la perturbation intentionnelle de la tortue marine Caretta caretta pendant la période de reproduction de cette espèce, et

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de faire respecter l’interdiction de la détérioration ou de la destruction des sites de reproduction de ladite espèce,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43.

Sur les dépens

164 Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

165 La Commission et la République hellénique ayant succombé chacune respectivement sur un ou plusieurs chefs de demande, il y a lieu de décider qu’elles supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

  1) La République hellénique,

— en ayant toléré la construction de maisons à Agiannaki (Grèce) au cours de l’année 2010, l’utilisation sans un encadrement suffisant d’autres maisons à Agiannaki datant de 2006 et l’engagement des travaux de construction portant sur une cinquantaine de résidences situées entre Agiannaki et Elaia (Grèce), ainsi qu’en ayant autorisé la construction de trois résidences de vacances à Vounaki (Grèce) au cours de l’année 2012 ;

— en ayant toléré le développement des infrastructures d’accès à la plage située dans la zone de Kyparissia (Grèce), à savoir l’ouverture de cinq nouvelles routes vers la plage d’Agiannaki ainsi que le goudronnage de certains accès et routes existants ;

— en n’ayant pas pris de mesures suffisantes en vue d’assurer le respect de l’interdiction du camping sauvage à proximité de la plage de Kalo Nero (Grèce) et à Elaia ;

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de limiter l’exploitation des bars se trouvant entre Elaia et Kalo Nero, sur les plages où les tortues marines Caretta caretta se reproduisent, et en n’ayant pas veillé à ce que les nuisances causées par ces bars ne perturbent pas ces espèces ;

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires, au sein de la zone de Kyparissia, aux fins de réduire la présence de mobilier et de diverses installations sur les plages où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta, ainsi qu’en ayant autorisé la construction d’une plateforme près de l’hôtel Messina Mare ;

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de limiter de manière suffisante la pollution lumineuse touchant les plages situées dans la zone de Kyparissia et où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta, et

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de restreindre de manière suffisante les activités de pêche le long des plages situées dans la zone de Kyparissia où se reproduisent les tortues marines Caretta caretta,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

  2) En ayant délivré des permis pour des maisons construites pendant l’année 2010 à Agiannaki, pour trois résidences de vacances à Vounaki au cours de l’année 2012 et pour la construction d’une plateforme près de l’hôtel Messina Mare, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43.

  3) La République hellénique,

— en n’ayant pas adopté de cadre législatif et réglementaire complet, cohérent et strict visant la protection de la tortue marine Caretta caretta au sein de la zone de Kyparissia ;

— en n’ayant pas pris, dans le délai prescrit, toutes les mesures concrètes nécessaires pour éviter la perturbation intentionnelle de la tortue marine Caretta caretta pendant la période de reproduction de cette espèce, et

— en n’ayant pas pris les mesures nécessaires aux fins de faire respecter l’interdiction de la détérioration ou de la destruction des sites de reproduction de ladite espèce,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de la directive 92/43.

  4) Le recours est rejeté pour le surplus.

  5) La Commission européenne et la République hellénique supportent leurs propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le grec.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-504/14
Date de la décision : 10/11/2016
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé, Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Manquement d’État – Environnement – Protection de la nature – Directive 92/43/CEE – Article 6, paragraphes 2 et 3, et article 12, paragraphe 1, sous b) et d) – Faune et flore sauvages – Conservation des habitats naturels – Tortue marine Caretta caretta – Protection des tortues de mer dans la baie de Kyparissia – Site d’importance communautaire “Dunes de Kyparissia” – Protection des espèces.

Environnement


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République hellénique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:847

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