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13/10/2016 | CJUE | N°C-277/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Servoprax GmbH contre Roche Diagnostics Deutschland GmbH., 13/10/2016, C-277/15


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

13 octobre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Rapprochement des législations — Dispositifs médicaux de diagnostic in vitro — Directive 98/79/CE — Importation parallèle — Traduction par l’importateur des indications et de la notice d’utilisation fournies par le fabricant — Procédure d’évaluation complémentaire de conformité»

Dans l’affaire C‑277/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fé

dérale de justice, Allemagne), par décision du 30 avril 2015, parvenue à la Cour le 9 juin 2015, dans la procédure...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

13 octobre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Rapprochement des législations — Dispositifs médicaux de diagnostic in vitro — Directive 98/79/CE — Importation parallèle — Traduction par l’importateur des indications et de la notice d’utilisation fournies par le fabricant — Procédure d’évaluation complémentaire de conformité»

Dans l’affaire C‑277/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 30 avril 2015, parvenue à la Cour le 9 juin 2015, dans la procédure

Servoprax GmbH

contre

Roche Diagnostics Deutschland GmbH,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Regan, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 avril 2016,

considérant les observations présentées :

— pour Servoprax GmbH, par Me M. Merx, Rechtsanwalt,

— pour Roche Diagnostics Deutschland GmbH, par Me U. Grundmann, Rechtsanwalt,

— pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et A. Lippstreu, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas ainsi que par Mmes A. Svinkūnaitė et R. Butvydytė, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par M. C. Hermes et Mme P. Mihaylova, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 juin 2016,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 98/79/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 1998, relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (JO 1998, L 331, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Servoprax à Roche Diagnostics Deutschland GmbH (ci-après « RDD »), au sujet des conditions de mise sur le marché allemand de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro importés d’un autre État membre.

Le cadre juridique

3 Les considérants 3, 5 et 6 de la directive 98/79 sont libellés comme suit :

« (3) considérant que le rapprochement des législations nationales constitue le seul moyen d’éliminer ces entraves à la liberté du commerce et d’empêcher la création de nouvelles entraves ; que cet objectif ne peut pas être atteint de manière satisfaisante par d’autres moyens au niveau des différents États membres ; que la présente directive se limite à fixer des exigences nécessaires et suffisantes pour assurer, dans les meilleures conditions de sécurité, la libre circulation des dispositifs
médicaux de diagnostic in vitro auxquels elle s’applique ;

[…]

(5) considérant que les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro doivent fournir aux patients, aux utilisateurs et aux tiers un degré élevé de protection sanitaire et atteindre les niveaux de performances que leur attribuent initialement les fabricants ; que, en conséquence, l’un des principaux objectifs de la présente directive est le maintien ou l’amélioration du niveau de protection atteint dans les États membres ;

(6) considérant que, conformément aux principes énoncés dans la [résolution du Conseil, du 7 mai 1985, concernant une nouvelle approche en matière d’harmonisation technique et de normalisation (JO 1985, C 136, p. 1)], les règles relatives à la conception, à la fabrication et au conditionnement des produits en question doivent se limiter aux dispositions nécessaires pour satisfaire aux exigences essentielles ; que, puisqu’elles sont essentielles, ces exigences doivent remplacer les dispositions
nationales correspondantes ; que les exigences essentielles, y compris celles qui visent à minimiser et à réduire les risques, doivent être appliquées avec discernement en tenant compte des technologies et des pratiques ayant cours au moment de la conception et de considérations techniques et économiques compatibles avec un haut niveau de protection de la santé et de sécurité ».

4 L’article 1er, paragraphe 2, sous f), de cette directive définit la notion de « fabricant » dans les termes suivants :

« [L]a personne physique ou morale responsable de la conception, de la fabrication, du conditionnement et de l’étiquetage d’un dispositif en vue de sa mise sur le marché en son nom propre, que ces opérations soient effectuées par cette même personne ou pour son compte par une tierce personne.

Les obligations de la présente directive qui s’imposent aux fabricants s’appliquent également à la personne physique ou morale qui assemble, conditionne, traite, remet à neuf et/ou étiquette un ou plusieurs produits préfabriqués et/ou leur assigne la destination d’un dispositif en vue de sa mise sur le marché en son nom propre. Cela ne s’applique pas à la personne qui, sans être fabricant aux termes du premier alinéa, assemble ou adapte conformément à leur destination, des dispositifs déjà mis sur
le marché pour un patient individuel ;

[…] »

5 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Mise sur le marché et mise en service », prévoit :

« Les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires pour que les dispositifs ne puissent être mis sur le marché et/ou mis en service que s’ils satisfont aux exigences énoncées dans la présente directive lorsqu’ils sont dûment fournis et sont correctement installés, entretenus et utilisés conformément à leur destination. Cela implique l’obligation, pour les États membres, de contrôler la sécurité et la qualité de ces dispositifs. Le présent article s’applique également aux dispositifs
destinés à l’évaluation des performances. »

6 Aux termes de l’article 3 de la même directive, intitulé « Exigences essentielles » :

« Les dispositifs doivent satisfaire aux exigences essentielles figurant à l’annexe I qui leur sont applicables compte tenu de la destination des dispositifs concernés. »

7 L’article 4 de la directive 98/79, intitulé « Libre Circulation », prévoit :

« 1.   Les États membres ne font pas obstacle, sur leur territoire, à la mise sur le marché ou à la mise en service des dispositifs portant le marquage CE prévu à l’article 16 lorsque ces dispositifs ont été soumis à une évaluation de leur conformité conformément à l’article 9.

[…]

4.   Les États membres peuvent exiger que, lors de la remise à l’utilisateur final, les indications à fournir, conformément à l’annexe I, partie B, point 8, soient rédigées dans leur(s) langue(s) officielle(s).

Pour autant qu’une utilisation sûre et correcte du dispositif soit assurée, les États membres peuvent permettre que les indications visées au premier alinéa soient rédigées dans une ou plusieurs autres langues officielles de [l’Union].

Lors de l’application de la présente disposition, les États membres tiennent compte du principe de proportionnalité et, en particulier :

a) du fait que les indications peuvent être fournies par des symboles harmonisés, des codes généralement reconnus ou d’autres mesures ;

b) du type d’utilisateur prévu pour le dispositif.

[…] »

8 L’article 9, paragraphes 3 et 11, de cette directive, intitulé « Évaluation de la conformité », prévoit :

« 3.   Pour les dispositifs énumérés dans la liste B de l’annexe II autres que ceux destinés à l’évaluation des performances, le fabricant doit, aux fins de l’apposition du marquage CE :

a) soit suivre la procédure relative à la déclaration CE de conformité (système complet d’assurance de la qualité) visée à l’annexe IV ;

b) soit suivre la procédure relative à l’examen CE du type visée à l’annexe V, en liaison avec :

i) la procédure relative à la vérification CE visée à l’annexe VI

ou

ii) la procédure relative à la déclaration CE de conformité (assurance de la qualité de la production) visée à l’annexe VII.

[…]

11.   Les dossiers et la correspondance se rapportant aux procédures visées aux paragraphes 1 à 4 sont rédigés dans une langue officielle de l’État membre où se déroulent ces procédures et/ou dans une autre langue [de l’Union] acceptée par l’organisme notifié. »

9 L’article 16 de ladite directive, intitulé « Marquage CE », dispose :

« 1.   Les dispositifs, autres que ceux destinés à l’évaluation des performances, qui sont réputés satisfaire aux exigences essentielles visées à l’article 3, doivent porter le marquage CE de conformité lors de leur mise sur le marché.

2.   Le marquage CE de conformité, tel que reproduit à l’annexe X, doit être apposé de façon visible, lisible et indélébile sur le dispositif, lorsque cela est possible et approprié, et sur les instructions d’utilisation. Le marquage CE de conformité doit également apparaître sur l’emballage commercial. Le marquage CE doit être accompagné du numéro d’identification de l’organisme notifié responsable de la mise en œuvre des procédures visées aux annexes III, IV, VI et VII.

3.   Il est interdit d’apposer des marques ou des inscriptions pouvant induire des tiers en erreur quant à la signification ou au graphisme du marquage CE. D’autres marques peuvent être apposées sur le dispositif, sur l’emballage ou sur la notice d’utilisation l’accompagnant, à condition qu’elles ne réduisent pas la visibilité et la lisibilité du marquage CE. »

10 Les dispositifs destinés à des autodiagnostics pour la mesure du glucose sanguin relèvent de la liste B figurant à l’annexe II de la directive 98/79, intitulée « Liste des dispositifs visés à l’article 9, paragraphes 2 et 3 ».

11 L’annexe I de la directive 98/79, intitulée « Exigences essentielles », prévoit, au point 1 de la partie A, intitulée « Exigences générales » :

« Les dispositifs doivent être conçus et fabriqués de telle manière que leur utilisation ne compromette pas, directement ou indirectement, l’état clinique et la sécurité des patients, la sécurité et la santé des utilisateurs ou, le cas échéant, d’autres personnes ni la sécurité des biens, lorsqu’ils sont utilisés dans les conditions et aux fins prévues. Les risques éventuels liés à leur utilisation doivent être acceptables au regard du bienfait apporté au patient et compatibles avec un niveau
élevé de protection de la santé et de la sécurité. »

12 Selon le point 8 de la partie B, intitulée « Exigences relatives à la conception et la fabrication », de cette annexe I :

« Informations fournies par le fabricant

8.1. Chaque dispositif doit être accompagné des informations nécessaires pour pouvoir être utilisé correctement et en toute sécurité, en tenant compte de la formation et des connaissances des utilisateurs potentiels, et permettre d’identifier le fabricant.

Ces informations sont constituées des indications figurant sur l’étiquetage et dans la notice d’utilisation.

Dans la mesure où cela est possible et approprié, les informations nécessaires pour utiliser le dispositif correctement et en toute sécurité doivent figurer sur le dispositif même et/ou, le cas échéant, sur l’emballage commercial. Si l’étiquetage complet à l’unité n’est pas praticable, les informations doivent figurer sur le conditionnement et/ou dans la notice d’utilisation accompagnant un ou plusieurs dispositifs.

Une notice d’utilisation doit accompagner chaque dispositif ou être contenue dans l’emballage d’un ou plusieurs dispositifs.

Dans des cas dûment justifiés et à titre exceptionnel, la notice d’utilisation n’est pas nécessaire si l’utilisation correcte et en toute sécurité du dispositif peut être assurée sans l’aide de celle‑ci.

La décision de traduction de la notice et de l’étiquetage dans une ou plusieurs langues de l’Union européenne est laissée à la décision des États membres sous réserve que, pour les dispositifs destinés à un autodiagnostic, la notice et l’étiquetage comportent une traduction dans la ou les langue(s) officielle(s) de l’État membre dans lequel le dispositif destiné à un autodiagnostic est remis à l’utilisateur final.

[…] »

13 L’annexe IV de la directive 98/79, intitulée « Déclaration CE de conformité (système complet d’assurance de la qualité) », prévoit, à son point 1 :

« Le fabricant veille à l’application du système de qualité approuvé pour la conception, la fabrication et le contrôle final des dispositifs concernés, tel qu’il est décrit au point 3, et est soumis à la vérification prévue au point 3.3 et à la surveillance prévue au point 5. En outre, le fabricant applique, pour les dispositifs énumérés à l’annexe II, liste A, les procédures prévues aux points 4 et 6. »

14 Aux termes du point 1 de l’annexe V de la directive 98/79, intitulée « Examen CE de type » :

« L’examen CE de type est la partie de la procédure par laquelle un organisme notifié constate et atteste qu’un échantillon représentatif de la production projetée satisfait aux dispositions pertinentes de la présente directive. »

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

15 Par acte déposé au greffe de la Cour le 12 juillet 2016, RDD a demandé la fixation d’une nouvelle audience de plaidoirie et, dans l’hypothèse où la clôture de la phase orale aurait déjà été prononcée, que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure. À l’appui de cette demande, RDD fait valoir, en substance, que les conclusions présentées par Mme l’avocat général reposent sur des erreurs de fait concernant la description de ses activités ainsi que de celles de Roche Diagnostics
GmbH, sa société mère.

16 Cette demande est intervenue après la présentation des conclusions de Mme l’avocat général et, partant, après la clôture de la phase orale de la procédure prononcée conformément à l’article 82, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Elle doit, dès lors, être comprise comme une demande de réouverture de la procédure orale.

17 Il convient de relever que la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

18 En l’occurrence, la Cour, l’avocat général entendu, considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi et que l’affaire ne doit pas être tranchée au regard d’un fait nouveau qui serait de nature à exercer une influence décisive sur sa décision ou d’un argument qui n’aurait pas été débattu devant elle.

19 Dans ces conditions, la demande est rejetée.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20 RDD commercialise deux types de bandes-tests fabriquées par Roche Diagnostics et destinées à l’autocontrôle du glucose sanguin. Ces produits ont fait l’objet d’une évaluation de conformité par un organisme notifié établi au Royaume-Uni et sont revêtus d’un marquage CE.

21 En Allemagne, RDD vend ces produits avec un étiquetage et une notice en langue allemande et, comme unités de mesure, « mmol/l » ainsi que « mg/dl ». Roche Diagnostics met ces produits sur le marché du Royaume-Uni en indiquant, comme seule unité de mesure, « mmol/l ».

22 Servoprax achète au Royaume-Uni les deux types de bandes-tests fabriquées par Roche Diagnostics pour les revendre en Allemagne. Servoprax ajoute à ces produits une étiquette et une notice rédigées en langue allemande. Durant la période comprise entre le mois de juin et l’automne 2010, les valeurs limites des dispositifs commercialisés par Servoprax étaient exprimées uniquement en « mmol/l », comme c’est le cas pour ceux vendus au Royaume‑Uni.

23 RDD a notifié à Servoprax qu’elle ne pouvait commercialiser ces produits en Allemagne sans leur faire subir une évaluation complémentaire de conformité. Servoprax a alors fait appel à un organisme notifié établi aux Pays-Bas. Le 13 décembre 2010, cet organisme a certifié les produits en cause.

24 RDD a saisi le Landgericht (tribunal régional, Allemagne) d’un recours visant principalement à obtenir la condamnation de Servoprax au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait des ventes des produits en cause jusqu’au 13 décembre 2010. Ce recours a été rejeté.

25 RDD a interjeté appel de cette décision. La juridiction d’appel a jugé que Servoprax avait enfreint la réglementation nationale relative à l’étiquetage des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

26 Saisie d’un recours en Revision formé par Servoprax, la juridiction de renvoi considère que l’issue du litige dépend de l’interprétation de la directive 98/79. Cette juridiction estime que les demandes de RDD devraient être accueillies si, en commercialisant les produits en cause avant le 13 décembre 2010, Servoprax a enfreint les dispositions relatives à l’étiquetage des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

27 Il ressortirait de l’annexe I, B, point 8.1, de la directive 98/79 que font partie des exigences essentielles visées à l’article 3 de cette directive les informations dont chaque dispositif doit être accompagné pour pouvoir être utilisé correctement et en toute sécurité, en tenant compte de la formation et des connaissances des utilisateurs potentiels, et qui doivent permettre d’identifier le fabricant. Ces informations comprendraient les indications figurant sur l’étiquetage et dans la notice
d’utilisation, lesquelles doivent comprendre une traduction dans la ou les langues officielles de l’État membre dans lequel le dispositif destiné à un autodiagnostic est remis à l’utilisateur final.

28 Dans la mesure où l’étiquetage et la notice d’utilisation relèvent des procédures de certification et d’examen de conformité prévues aux annexes IV et V de la directive 98/79 et que les indications font partie des exigences essentielles, au sens de l’article 3 et de l’annexe I de cette directive, la juridiction de renvoi estime qu’un importateur parallèle ne doit pas mettre sur le marché en Allemagne des dispositifs de diagnostic in vitro destinés à des autodiagnostics pour mesurer le glucose
sanguin qui ont été réétiquetés et munis d’une notice d’utilisation en langue allemande, sans procéder à une évaluation complémentaire de la conformité.

29 L’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous f), de la directive 98/79, au bénéfice d’une personne qui, sans être fabricant, assemble ou adapte, conformément à leur destination, des dispositifs déjà mis sur le marché pour un patient individuel, serait inapplicable en l’espèce. Une interprétation extensive de cette exception se heurterait au fait que la reprise de l’étiquetage et de la notice d’utilisation d’un produit correspondant, sans vérifications par un organisme notifié, pourrait
mettre en danger la santé des patients. En l’espèce, les produits en cause commercialisés en Allemagne ne comportent comme seule unité de mesure que « mmol/l ». Les patients seraient donc tenus d’opérer une conversion en « mg/dl » pour utiliser ces bandes-tests dans un appareil qui ne comporte que des mesures en « mg/dl ».

30 Selon la juridiction de renvoi, le fait que la notice jointe par Servoprax corresponde mot pour mot à celle utilisée par RDD ne devrait pas jouer en faveur de l’importateur parallèle. Lors de la procédure complémentaire, le contrôle de conformité pourrait en effet se limiter à vérifier si les mentions sur l’emballage et dans la notice d’utilisation correspondent effectivement aux mentions qui ont déjà fait l’objet de la procédure d’évaluation effectuée par le fabricant.

31 C’est dans ces conditions que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Un tiers a-t-il l’obligation de soumettre un dispositif médical de diagnostic in vitro destiné à l’autodiagnostic (mesure du glucose sanguin) que le fabricant, dans un État membre A (en l’espèce : le Royaume-Uni), a soumis à une évaluation de la conformité en vertu de l’article 9 de la directive 98/79, qui est revêtu du marquage CE en application de l’article 16 de cette directive et qui remplit les exigences essentielles de l’article 3 et de l’annexe I de ladite directive, à une évaluation
de la conformité nouvelle ou complémentaire en vertu de l’article 9 de la même directive, avant de mettre le produit sur le marché dans un État membre B (en l’espèce : la République fédérale d’Allemagne) dans des conditionnements sur lesquels il a apposé des indications dans la langue officielle de l’État membre B, qui est différente de celle de l’État membre A (en l’espèce, en employant la langue allemande au lieu de la langue anglaise) et auxquels il a joint des notices d’utilisation
rédigées dans la langue officielle de l’État membre B au lieu de celle de l’État membre A ?

2) Le fait que les notices d’utilisation jointes par le tiers correspondent mot pour mot aux informations que le fabricant utilise dans le cadre de la commercialisation du produit dans l’État membre B fait-il en l’occurrence une différence ? »

Sur les questions préjudicielles

32 Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9 de la directive 98/79 doit être interprété en ce sens qu’il impose à un importateur parallèle d’un dispositif d’autodiagnostic pour la mesure du glucose sanguin muni d’un marquage CE et ayant fait l’objet d’une évaluation de conformité par un organisme notifié, de procéder à une nouvelle évaluation destinée à attester la conformité de l’étiquetage et de la notice de ce
dispositif en raison de leur traduction dans la langue officielle de l’État membre d’importation.

33 Afin de répondre à la question posée, il est utile de rappeler les obligations imposées par la directive 98/79 aux fabricants et aux importateurs parallèles aux fins de l’évaluation de la conformité d’un dispositif destiné à des autodiagnostics, tel que celui en cause au principal.

34 À cet égard, il y a lieu de relever que la directive 98/79, qui constitue une mesure d’harmonisation adoptée en application de l’article 100 A du traité CE (devenu article 95 CE), est destinée à favoriser la libre circulation des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro conformes aux exigences de cette directive aux fins de remplacer les diverses mesures législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans les États membres qui créent des entraves à la liberté du commerce.

35 La directive 98/79 harmonise les exigences essentielles auxquelles doivent répondre les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro relevant de son champ d’application. Ceux-ci, dès lors qu’ils sont conformes aux normes harmonisées et certifiés suivant les procédures prévues par cette directive, doivent être présumés conformes auxdites exigences essentielles et, partant, être considérés comme appropriés à l’usage auquel ils sont destinés.

36 À cet effet, l’article 16, paragraphe 1, de la directive 98/79 prévoit que tous les dispositifs, autres que ceux destinés à l’évaluation des performances, qui sont réputés satisfaire aux exigences essentielles visées à l’article 3 de cette directive doivent porter le marquage CE de conformité lors de leur mise sur le marché. L’article 4, paragraphe 1, de ladite directive interdit aux États membres de faire obstacle à la mise sur le marché de dispositifs portant le marquage CE lorsque ces
dispositifs ont été soumis à une évaluation de leur conformité conformément à l’article 9 de la même directive.

37 Il résulte donc de ces dispositions que les dispositifs de diagnostic in vitro dont la conformité aux exigences essentielles de la directive 98/79 a été certifiée et qui portent un marquage CE doivent bénéficier de la libre circulation dans toute l’Union, sans qu’un État membre puisse exiger qu’un tel produit soit soumis à une nouvelle procédure d’évaluation de conformité (voir, par analogie, arrêt du 14 juin 2007, Medipac-Kazantzidis, C‑6/05, EU:C:2007:337, point 42). C’est la raison pour
laquelle la directive 98/79 n’envisage aucun mécanisme de contrôle de conformité venant s’ajouter ou compléter ceux prévus à l’article 9 de cette directive.

38 S’agissant des conditions linguistiques requises en vue de la commercialisation de dispositifs de diagnostic in vitro, l’article 9, paragraphe 11, de la directive 98/79 exige que les dossiers et la correspondance se rapportant aux procédures d’évaluation de la conformité soient rédigés « dans une langue officielle de l’État membre où se déroulent ces procédures et/ou dans une autre langue [de l’Union] acceptée par l’organisme notifié ». Cette disposition n’exige donc pas que le dossier
d’évaluation soit rédigé dans chacune des langues officielles des États membres dans lesquels un dispositif de diagnostic in vitro est destiné à être vendu.

39 L’article 4, paragraphe 4, de la directive 98/79 prévoit cependant que les États membres peuvent exiger que, lors de la remise à l’utilisateur final, les informations nécessaires pour qu’un dispositif puisse être utilisé correctement et en toute sécurité, en tenant compte de la formation et des connaissances des utilisateurs potentiels, et permettant d’identifier le fabricant, soient rédigées dans leurs langues officielles. Dans le cas spécifique des dispositifs destinés à des autodiagnostics,
cette faculté est transformée en obligation. Il ressort en effet d’une lecture combinée de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 98/79 et de l’annexe I, B, point 8.1, dernier alinéa, de celle-ci qu’un produit de ce type doit être accompagné d’une traduction de la notice et de l’étiquetage dans la ou les langues officielles de l’État membre dans lequel le dispositif est remis à l’utilisateur final.

40 Il importe de souligner que les règles visées aux points 37 et 39 du présent arrêt sont indistinctement applicables au fabricant et à l’importateur parallèle d’un dispositif de diagnostic in vitro. En effet, l’interdiction faite aux États membres d’exiger une nouvelle évaluation de conformité concerne tous les dispositifs qui portent le marquage CE et qui ont été soumis à une procédure d’évaluation de leur conformité conformément à l’article 9 de la directive 98/79. De même, la faculté ou, dans
le cas des dispositifs destinés à des autodiagnostics, l’obligation, pour les États membres, d’exiger, lors de la remise à l’utilisateur final, une traduction dans la ou les langues officielles de cet État membre des informations nécessaires à l’utilisation en toute sécurité d’un dispositif de diagnostic in vitro concerne tous les dispositifs, qu’ils soient vendus par le fabricant ou par un tiers.

41 Il découle de ces éléments que, si les États membres sont tenus, à l’égard d’un dispositif d’autodiagnostic tel que celui en cause au principal, d’exiger la traduction de ces informations dans leurs langues officielles, ils ne peuvent aller jusqu’à imposer à l’importateur d’un tel dispositif portant un marquage CE et ayant fait l’objet d’une évaluation de conformité par un organisme notifié, de soumettre ce dispositif à un organisme notifié afin d’évaluer la conformité des modifications induites
par cette obligation de traduction.

42 La juridiction de renvoi se demande néanmoins si, comme le prétend RDD, pour des raisons tenant à la sécurité des patients, l’importateur parallèle d’un dispositif médical de diagnostic in vitro qui ajoute une étiquette et une notice rédigées dans la langue de l’État membre d’importation devrait être assimilé à un fabricant et, en conséquence, procéder à une évaluation complémentaire de conformité.

43 Toutefois, ainsi que Mme l’avocat général l’a souligné au point 27 de ses conclusions, l’obligation de procéder à l’examen de conformité énoncée à l’article 9 de la directive 98/79 est adressée aux seuls fabricants. Cette notion, définie à l’article 1er, paragraphe 2, sous f), de cette directive, vise la personne qui met un dispositif sur le marché en son nom propre. Lorsqu’une personne achète dans un État membre des dispositifs de diagnostic in vitro après leur mise sur le marché de l’Union par
leur fabricant pour les revendre ensuite dans un autre État membre, sans modifier leur conditionnement ni leur présentation originale autrement que par l’apposition d’une étiquette et d’une notice rédigées dans la ou les langues officielles de l’État membre d’importation, cette personne ne saurait être considérée comme ayant reconditionné ou mis ce dispositif sur le marché « en son nom propre ».

44 Dans de telles circonstances, l’importateur parallèle de dispositifs destinés à des autodiagnostics tels que ceux en cause au principal, faute de commercialiser ces dispositifs en son nom propre, ne saurait être considéré comme un « fabricant », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous f), de la directive 98/79. Par conséquent, cet importateur ne saurait être tenu de soumettre les dispositifs en cause à une nouvelle procédure d’évaluation de conformité au titre de l’article 9 de cette
directive afin d’attester la conformité des modifications qu’il apporte à l’étiquetage et à la notice de ce dispositif en raison de leur traduction dans la langue officielle de l’État membre d’importation.

45 En tout état de cause, s’agissant des craintes formulées par la juridiction de renvoi à l’égard de l’absence d’indication sur les dispositifs importés par Servoprax des deux unités de mesure (« mmol/l » et « mg/dl ») présentes sur les dispositifs vendus en Allemagne par RDD, il convient de souligner qu’aucun élément du dossier soumis à la Cour n’indique qu’une telle présentation serait contraire au droit allemand. Le gouvernement allemand, lors de l’audience, a d’ailleurs expressément réfuté
l’existence, en droit national, d’une interdiction de vendre des dispositifs pour la mesure du glucose sanguin portant pour seule unité de mesure « mmol/l ».

46 Dans l’hypothèse où il serait constaté que certains dispositifs destinés à des autodiagnostics et munis du marquage CE, tels que ceux en cause au principal, sont susceptibles d’engendrer des risques pour la santé ou la sécurité, il convient de rappeler que la directive 98/79, dont l’un des objectifs principaux est, ainsi qu’il ressort de son considérant 5, le maintien ou l’amélioration du niveau de protection de la santé atteint dans les États membres, prévoit la mise en œuvre de mesures de
sauvegarde. L’article 8 de cette directive impose aux États membres ayant constaté des risques pour la santé et/ou la sécurité des patients, des utilisateurs ou, le cas échéant, d’autres personnes, ainsi que la sécurité des biens, de prendre toutes les mesures utiles provisoires pour retirer ces dispositifs du marché, interdire ou restreindre leur mise sur le marché ou leur mise en service. Dans ces conditions, l’État membre concerné est, selon cette même disposition, tenu de notifier
immédiatement à la Commission les mesures adoptées, en précisant notamment les raisons de sa décision.

47 Ce mécanisme de sauvegarde est complété par la procédure de vigilance prévue à l’article 11 de la directive 98/79. Cette procédure impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que toute information portée à leur connaissance relative, notamment, à « toute inadéquation dans l’étiquetage ou les instructions d’utilisation [de dispositifs portant le marquage CE] susceptibles d’entraîner ou d’avoir entraîné, directement ou indirectement, la mort ou la dégradation grave de l’état de
santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’autres personnes », soit immédiatement communiquée à la Commission européenne ainsi qu’aux autres États membres et fasse l’objet d’un enregistrement et d’une évaluation centralisée.

48 La combinaison de ces procédures de sauvegarde et de vigilance permet ainsi de protéger la santé et la sécurité des personnes, tout en limitant les atteintes à la libre circulation des marchandises qu’impliquerait l’application de mesures nationales imposant à l’importateur de procéder à une évaluation de conformité portant sur les modifications apportées à l’étiquetage et à la notice d’un dispositif en vue de se conformer aux obligations linguistiques de l’État d’importation.

49 À cet égard, la Commission soutient, par analogie avec la jurisprudence de la Cour relative à l’application du droit des marques au reconditionnement des produits, plus particulièrement l’arrêt du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a. (C‑427/93, C‑429/93 et C‑436/93, EU:C:1996:282) et l’ordonnance du 11 décembre 2002, Merkur Chemical (C‑134/00, non publiée, EU:C:2002:743), qu’un fabricant ne peut s’opposer à l’apposition par un importateur parallèle d’une étiquette ou à l’adjonction d’une
traduction de la notice d’utilisation, dès lors que cet importateur a pris le soin d’avertir à l’avance ledit fabricant de la mise en vente du produit reconditionné, afin de permettre à ce dernier de contrôler l’exactitude des informations et de garantir la sécurité du produit et des patients. Un tel contrôle s’étendrait aux unités de mesure et permettrait de répondre efficacement aux préoccupations relatives à la santé des patients.

50 Toutefois, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 46 de ses conclusions, le mécanisme d’avertissement préalable ainsi préconisé par la Commission ne trouve aucun fondement juridique en l’état actuel du droit de l’Union. En effet, la directive 98/79 ne contient aucune disposition permettant de considérer qu’un tel mécanisme a été instauré, ne serait-ce qu’implicitement, par le législateur de l’Union.

51 Au demeurant, il serait contraire à l’économie et à la finalité de la directive 98/79 de reconnaître au fabricant d’un dispositif de diagnostic in vitro le droit d’être averti à l’avance d’une opération d’importation parallèle sur le seul fondement du fait que ce dispositif est muni d’un marquage CE. En effet, le marquage CE ne confère au fabricant, qui le fait apposer sur un dispositif de diagnostic in vitro après avoir soumis ce dispositif à une évaluation de conformité conformément à
l’article 9 de la directive 98/79, aucun droit exclusif comparable à celui qu’une marque offre à son titulaire.

52 Au regard des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 9 de la directive 98/79 doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à un importateur parallèle d’un dispositif d’autodiagnostic pour la mesure du glucose sanguin muni d’un marquage CE et ayant fait l’objet d’une évaluation de conformité par un organisme notifié, de procéder à une nouvelle évaluation destinée à attester la conformité de l’étiquetage et de la notice de ce dispositif en
raison de leur traduction dans la langue officielle de l’État membre d’importation.

Sur les dépens

53 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  L’article 9 de la directive 98/79/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 1998, relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à un importateur parallèle d’un dispositif d’autodiagnostic pour la mesure du glucose sanguin muni d’un marquage CE et ayant fait l’objet d’une évaluation de conformité par un organisme notifié de procéder à une nouvelle évaluation destinée à attester la conformité de l’étiquetage et de la notice
de ce dispositif en raison de leur traduction dans la langue officielle de l’État membre d’importation.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-277/15
Date de la décision : 13/10/2016
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Dispositifs médicaux de diagnostic in vitro – Directive 98/79/CE – Importation parallèle – Traduction par l’importateur des indications et de la notice d’utilisation fournies par le fabricant – Procédure d’évaluation complémentaire de conformité.

Santé publique

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Servoprax GmbH
Défendeurs : Roche Diagnostics Deutschland GmbH.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sharpston
Rapporteur ?: Fernlund

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:770

Source

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